* u cil que le rr.aïais clioit fec cq quelques endious.

\}± Hijl'vire de UFltnde.

maiftres du Dallage, Si une fois ils s'en furïen* failis, les Espagnols auroicnt eu de la peine à le gagner , a caufe qu ils eulfent efte obligez' de combattre dans l'eau jufquaux aiiTelles fans pouvoir le retirer v ny attaquer avec avantage ; au lieu que les ennemis qui avoient des bateaux qu ils menoient fort vifte, pouvoienc à leur fantaifie tirer de prés oudeloin. Néanmoins ils r.çii: lervirent pas deToccaiion, 5c l'on n'en lçait pas la caufe , ii ce n'eft qu'ils obiervent des jours heureux pour le combat» Enfin après Gx lieues de marche , I'efcorte trouva Scto dans des vakes pleines de millet , li haut qu ils le cueilîoitnt a cheval.- Mais comme ils avoient extrêmement faim ,- ils le mangeoient cru, &. remercioient Dieu de leur bonne fortune. Le General reçut Silve-ûre avec joye, & lors qu'il aprit de luy les maux qu'il avoit ioutrerrs, il le loua hautement &.Juy promit de reconnoiilre les 1er vices. Il luy dit enfuite qu il n'eftoit pas demeuré au rendez-vous , parce- que ces gens ne pouvoient plus iupporter la faim , Se qu'il croyoit que les Barbares l'avoient-tué iur Ls chemins. Comme il achevoitde parler , oq l'avertit que Molcoio avoit pafTe le marais , fans que L'ennemy li fut oppofé , & que liant arrive en trois jours à un autre paifage qui eftoit de.l'autre colle, ii avoit mis uicore trois

jours a s'en tirer , à cauie qu'il eftoit long> & qu'il y avoit beaucoup d'eau. Ileutauiîï nouvelle que Mofcofo & Es troupes avoient faute de vivres, & il leur envoya du millet, ce qui les réjouit beaucoup ; après quoy lis fc rendirent dans la Province d'x\cuera où citait. le General.

CHAPITRE XVI,

Vrovince d'Acucr.i,

LÀ Contrée d'Acuera eft au Nord , à l'égard de celle d'Urribaracuxi, dont elle eft éloignée d'environ vingt lieues. Mais comme le Cacique d'Acuera s'en efloitfuï à l'arrivée des troupes dans fa Province , on dé-peicha vers iuy quelques priionniers Indiens. Ils aboient ordre de le porter à faire alliance avec les Efpagnols qui eftoient vaillans, 8c qui pourroient ruiner fes terres Se fes fujets. Que toutefois jufqu'icy ils n'en efloient point venus à cette extrémité , à cauie que leur def-fein eftoit feulement de réduire par la douceur les habttans du pays , a l'obeïilaiice du Roy d'Efpagr.e leur Maiitrc. Que pour cela ils defiroient luy parler, 8c 1 infrruire de l'ordre qu"ils avoient de traitet a.vcc Les Cac i

Acucra répondit que les Efpagnols eilant déjà entrez daus le pays , il les connoifToit pour des vagabons , qui vivoient de brigandage , Se tuoient ceux qui re leur faiioient aucun dé-plaihr. Qu'avec une nation (î deteftable , il ne vouloit ny paix, ny commerce -> Se quelques braves quils le fiiTent , ils trouveroknt des gens qui le feroient autant qu'eux. Que dés à prefent, il leur declaroit la guerre , fans toutefois en vouloir venir à une bataille j mais qu il leur dreiTeroit tant d'embuicades qu'il les déferoit entièrement^ Que mefme il avoit commande qu'on luy apportaft chaque femaine deux telles de Chreftiens, moyen leur pour les exterminer d'autant plus facilement qu'ils n'avoient point de femmes. Quant à l'obeïfTance qu'ils fouhaitoient qu'on rendiit à leur Prince, ils dévoient fçavoir qu il eitoit de la dernière baffeile , à des gens libres, de fe ranger fous une domination étrangère* Que luy Se tous les lujets perdraient plutôt la vie que la liberté y Se qu'on ne devoit poir.t attendre d autre reponfe d'un Souverain» Qu'ils fortifient donc en diligence de là centrée. Qu'ils cfloiert des mil érables qui fe la~ erihorent en faveur d'autruy. Qu'amii il les eftimoit indignes de leur amitié, Se qu'il ne vouloit ny voir leurs ordres , ny les lourhir davantage iur les terres. Le General furpris-

Lhre fécond. ^

-•de cette fierté, s'efforça de gagner le Cacique; mais inutilement. L'armée fejouma vingt jours dans fâ Province , qu'on trouva fort bonne j & l'on y prit des provifloîispour pafc fer ou:re. Durant ce temps-là les In di ni s-harcelèrent fi fort 4cs Espagnols , qu'un foldat ne pou voit s'écarter cent pas du canro qu'ils ne 1er tuallent. lis leur coupoient d'abord la tefiç à moins que l'on ne couruftpromptementfur eux , 5c ta portaient à leur Cacique. 11$ croient en effet tres-animez, Ils deterroient la nuic les Chrefliens morts , ils les mettoient par quartiers , les pendoient au haut des ar--bres, & executoient avec tant décourage les ordre*, de leur Seigneur , qu'ils luy portèrent la tefte dedîx-hiritloldats, fans parler de ceux qu ils firent périr > Se qu'ils bleïTerent à coup de flèches. Pour eux, après avoir attaqué ils fe fauvoient tres-fouvent, Ci bien que nos gens -n'en tuèrent qu'environ cinquante.

CHAPITRE XVII. "Entrée des Efpagnçb dans la Province d'Qcalfl

L'Armée partit d'Acuera, *ans y avoir fàic autre choie que de tuer quelques Indiens. ptfcit fa .route vers la Province dOcaly ,

r>6 Hiftcire de la Tic ride.

efloignée de vingt lieues de l'autre, & marcha au Nord-dEft. Elle traverfa tntre les deux contrées un defert d'environ douze Heuës de longueur remply de noyers , de pins Se d'arbres inconnus en Efpagne ; mais arrangez avec une fi égale diftance , qu'ils fembloient plantez à plaifîr , fi bien qu'ils fai-foient une agréable foreft.

On ne trouva point en Ocaly tant de marais ny de mau 7ais pas, que dans les autres contrées. Comme ce pays efloit plushaut Se plus efloigné de la cofte , la mer n'y pouvoit -aller, & les autres Province en eftant plus proches & pi us bafles •> la mer y entroit en de certains endroits , tantôt trente , tantôt qua-tante > cinquante , foixante , Se quelquefois cent lieues. Elle y formoit de grands marais, & rendoit la terre tellement tremblante , qu'il efloit prefque impoiTible de parler deifus t Les Espagnols en effet le font rencontrez dans des chemins ii faicheux, qu'au mefme temps qu'ils mettoient le pied fur la terre , elle tîembloit vingt 5c trente pas aux environs ; toutefois il fembloit qu un cheval y puft galopper. On n'euft jamais cru que ce n'eftoit que de la vaie endurcie, & qu'il y euft de l'eau & de la bourbe au delfous. Néanmoins quand le delîus Venoit à tè rompre, les hommes avec les chevaux enfonçoient, Se ié noyoient fans rei-

livre fécond. fource, cîe forte qu'il y avoir beaucoup a iouttrir , lors qu'il failoic palier en ces lie ux-là.

Pour revenir a la contréed'Ocaly , les Ef-pagnols y trouvèrent plus de èhrres que dans les autres Provinces ; Ja terre y eitoit meilleure Se Je pays plus cultive. Ils remarquèrent aui-fi que plus les contrées eftoient loin de la mer, $c plus elles ^eftoient peuplées•■& abondante? en toutes fortes de fruits

Comme les troupes eurent traverie le dc-fert entre les deux Provinces, elles firenrfèpt lieues. Eies rencontrèrent fur leur chemin quelques maiions de ça Se de la, $c entrèrent dans la Capitale que l'on appclloit Ocalv où le Cacique tenoit la cour, Mais luy 5c fes vaïlaux s eftoient retirez dans les bois av,?c -ce qu'ils Iraient de meilleur. La Ville d O-caly eitoit de iix cens maifons , où les Efpa-^nols Te logèrent, parce qu'ils y trouvèrent beaucoup de- feegumes -, de noix , de raihns kes , Se autres fruits. Le General au mcfîre temps envoya des Indiens prier le Cacique de faire amitié avec luy ; mais il s'en exeufa fur ce qu il ne pouvoit fortir fi-toft , & iix jours après il vint va l'armée, où quoy quil fut bien reçu , 5c qu'il eut traite alliar.ee > on ne laiiïa pas de juger qu'il avoit de mauvais deileins, qu'on dillïmula de peur de l'etiaroucher. Ce

§Z Htftoirê de la Floride.

que je vais dire fera connoiftre qu'on ne \c

faupçonnoit pas à tort.

Il y avoit auprès d'Ocaly une rivière profonde , dont les bords efearpez avoient deux piques de hauteur. Cependant il fallut paffer cette rivière , Se parce qu'il n'y avoit point de pont, on convint que les Indiens en fe-roient un de charpente. Le Cacique Se le General accompagnez de plusieurs Efpagnols, choifirent un jour pour voir l'endroit où l'on drefferoit ce pont. Comme ils le faifoient tracer , quelque cinq cens Barbares cachez dans des builîbns à 1 autre bord J.e la rivière , s'avancèrent Se fe mirent à crier aux Eipa-gnolsj lafehes voleurs vous fouhaitez un pont, mais nous ne vous en baftirons point ; Se là de (Tus ils les couvrent de fiéches. Ce qui o-bligea le General à dire , que puis qu'on se-toit juré alliance , cette action devoir eilre chaînée. Le Cacique pour -s'exeufer repon-dir., qu'auiîL-toil que tes fujets avoient vu ou'il inclinoit en faveur des Eipagnols, ils feraient perdu l'obéi fiance. Qu'il n'eftoit pas en fon pouvoir de iea punir , Se qu'on ne pouvoir, fans iujuftice luy imputer leur fuite. Aux cris que faifoient les Barbares, un Le-Va ici: nommé Brutus, qu'un Page du General nuiioi: en iaiiTe, s'eftant cchapé , ii le hr.ça dans l'eau. Le-» KipagnoU le mirent à l'ap-

Lhïcfécovd. $9

peîler , mais cela l'encourageoit à nager y droit aux Indiens qui luy percèrent la te fie Se les épaules de plus de cinquante flèches. 11 raiTa pourtant à l'autre rive , 5c tomba mort à la fortie de l'eau. Les Chreftiens en furent fenliblement touchez , parce qu'il leur avoir rendu beaucoup de fervice, comme je vay raconter.

Un jour quatre Indiens par curiofité vinrent au camp pour voir les troupes, leurs armes , & principalement leurs chevaux qu'ils apprehendoient fur tout. Le General qui fçût leur deifein , Se qu ils eftoient des plus remarquables de leur Province , les reçût avec civilité , il leur ht quelques prefens , & commanda de les régaler dans une chambre a part. Comme ils curent bien mangé , Se qu'ils ne Ce virent obfervez de perfonne , ils s'enfuirent avec une telle viftelTe, que les Efpagnols de-fefperans de les attrapcr,ne les fuivirent point. Sur ces entrefaites vient Brutus , illemetailx trouas des Indiens qui fuyoient à la file , 8c après les avoir atteint, il en paffe trois fans les attaquer , Se k jette fur le plus avancé qu'il couche par terre. Cependant il laide approcher celuy qui fuivoit , il le terralfe, Se en flic autant aux autres, lors qu'ils furent prés de luy y ii bien que les tenant tous en un mef-ujc endroit, il fe lançoit lur le premier qui

picture2

faifoir mine de fe relever, Se l'arreftoit à force d'aboyer. Il les embarrafTa enfin de telle forte, qu'il les retint jufqu'à ce que les Efpagnols. accoururent qui s'en laifirent, Se les remenc-rent au camp. On les fepare auffi-toft, Se interrogez du fujet d'une fuite ii peu raifon-nable , ^répondirent qu'ils ne s'en eftoient fuis que dans la créance que ce leurferoitune chofe glorieufe panny ceux de leur Nation , de s'eitre ainii tirez des mains des Chrétiens,. & que Brutus leur ravifloit un fort grand honneur. On dit encore de ce lévrier , qu'un-jour que les Indiens Se les Efpagnols efloient \c< uns avec les autres fur le bord d'une ri-«yiere , un Indien frappa de Cou arc un Efpa--gnol. Qu'eniuite llndien fe jetta dam l'eau avec les autres Barbares , & que. Brutus qui vit cela le pourfuivit, s'attacha à luy , Se l'étrangla au milieu de l'eau.

Qçft de la 1brte qu'en la conquelle dut nouveau monde les lévriers ont fait des cho-fes dignes d'admiration. Becerillo fervit li bien dans rifle de Porto-Rico, qu'à caufede lny les Eipagnois donnèrent à ion mavftre la moitié de tout leur gain. Nugnez de Balboa voulut auîlï qu'on reconnuft de cinq cens el-cus dor, celuy à qui appartenoit Leoncillo , pour les bons ofriccsquc ce. chien-avoit ren-. das dans la decouvcrte.de la mer pacâc^uc.

G H A Ç I T R E XVIII.

Province de Vitachuco,

SOto qui voyoit que le Cacique demeu-roic inutilement au Camp , luy dit qu'il craignoit que s'il y eftoit d'avantage , Tes vaiïaux nefe révoltaient tout à fait ; ou que croyant qu'on le retinfr, priibnnier, ils ne ... sirritafTent de plus en plus. Qu'il le priait d£ s'en retourner ; & que lors qu'il voudroit le venir revoir, il luy feroit toujours beaucoup d honneur. Ocaly répondit qu'il fouhaitoit feulement daller vers Tes fujets , pour lei porter à fe foûmcttre au General, & que sïi ne pouvoit les y obliger, il ne lailTeroit-pas de revenir témoigner l'on affection à toute l'Armée. Là-deiTus il s'en alla &■ ne tint aucunes de fes promefles.'Enfuite par le moyen d'un Ingénieur de Gènes nommé François , les Elpagnols firent un pont de poutres avec des madriers * en travers attaches avec des cordes. Ccmmeleboisne leur manquoit pas, ils vinrent fi bien à bout de leur delîein, que les hommes & les chevaux pafferentfort à-

* Planches deboi* de chênes fort épaifiîcs.

1 3

leur aife.Mais avantque de traverfer le fleuve, , le General commanda aies cens de-Je mettre •a c.mbufcade pour prendre quelques Indiens, Ils en attrapèrent trente, qui à force de pro- . mettes & de menaces les conduilïrent dans uncProvince éloignée de feize lieues d Ocaly. Le Pays par où ils-marchèrent efloit dépeuple , mais agréable , uny , plein d'arbres 5c . «le ruifleaux y & paroiiloit très fertile.

L ! Armée ht huit lieues en deux jours, & au troihéme après avoirmarché .julqu a..midy , . Soto s'avança avec cens Cavaliers Se autant de fintailms, fit continuant Ja route le reftedu jour & toute la nuit, il arriva fur le matin à Qchilé qui eftoit une des Villes de la Province de Vitaçhuco. Cette contrée avoit prés de deux cens lieues , Se eftoit partagée entre trois frères-. Vitaçhuco qui eftoit l'aine portoit le nom de la Province & de la Capitale \ Se de dix parts qui compoioieiit cette cftenduë de pays, il en poifedoit cinq , le fécond de qui le nom n'eu pas connu en avoit ■ trois : & le dernier qu'on appelloit Ochilé au nom de la Viilc , dont il eftoit Seigneur , en avoit deux. On ne fçait point la railbn de ce partage ; car dans les Provinces que l'on découvrit les aines eftoit nt les Iculs héritiers. Mais peut-eftre que ces parties avoientefte jointe* par quelque mariage^Sc depuis divifets

entre les enfuis.; ou que des ■ parais qui eftoient morts fans héritiers les avoient laiiTees- : au père de Ces trois frètes , à condition qu'il les partageroit de la forte à fes fib , afin de conferver la mémoire de leurs bien-faitèurs. Tant le deiir de s'îmmortaJiier cil: naturel à l'nomme , Se puiilant melme fur l'cfprit de* nations les-plus Barbares.

La ville d'Ochile eftoit de cinquante maï-fons fortifiées pour refiiter à leurs voilîns>. car iaplufpart des contrées de la Floride, font toutes ennemis les unes des autres. Le General .entra par lurpriie. dans Ochile , railant Jonner les trompettes & battre les tambours pour e'tonner les Indiens. Plufeurs en erfec tout tifrayez d'un bruit il peu attendu, aban-donnoient leur demeure dans la penfee de fe auver , 3c tomboient entre les mains des Espagnols , qui après avoir fait quelques priions niers , attaquèrent le logis du Cacique. Ce-toit une maifon allez belle,qui navoit propre- -meut qu'une Salle de fix vingt pas de long y lur quarante de large avec quatre portes aux quatre coins, & pluiicurs chambres a 1 eu tour ou l'on entroit par ia Salle.

Le Cacique qui avoit des ennemis furies bras eitoit dans cette mailonavecdes gens de guerre , aulquels fe joignirent promptement la. plrTiparc dele> vailaux , iors qu ils virent

t04 lijloire de U Tloride.

les Efpngnols maiitres de leur Ville. Auiîi-t4t ils prennent tous les armes & fe mettent en cftat de fe dépendre*, mais inutilement. Ow avoit déjà gagné les portes-, & Ton taichoit de les obliger a fe rendre , tantoft les menaçant de les brufkr , & tantoft. leur promettant de bons traitemens. Néanmoins le Cacique demeura ferme , jufqu'à ce qu'on luy eut amené plufeurs de Jes lujets qui avoient eux pris. Ils l-'afTeui erent qu'il y avoittant d Efpagnob, qu'il ne devoit pas longer à leurre lifter. Que iufqu'icy il b 'avoient mal-traitte perfonne , & qu il feroit prudemment de le her à leurs promettes. Le Cacique fe lufla perfuader , Se fut reçu civilement de Soto qui le retint , Se donna la liberté à tcus les autres Indiens* Mais comme il vit deJ autre codé de la ville, une vallée remplie de plufieurs maiions fort habitées , &à quelque difranec ks unes des autres, il crut qu'il n'y avoit nulle feurcté pour luy à~ parler la nuit à Orhilé, parce que lî les Barbares de la contrée venoient le joindre avec leursvoifins, ilsluyenleveroientfa-» cilement le Cacique. Il retourna donc en diligence rejoindre fes troupes qui eftoient à trois lieues de là , Se qui s'affligeoient de ne le point voir. Mais leur triitelfe le changea en joye , lors qu'ils le revirent amenant avec luy Ochile, accompagne de fes domeftiques

Se de plufîcurs foldats Indiens , qui fuivoieiic volontairement fa fortune.

CHAPITRE XIX.

Le Frère. à'Ochilé vient au Camp , & tnvtye vers VitachtLCQ.

LE lendemain que Soto eut rejoint Tes troupes , elles entrèrent en bataille dans le pays d'Ochilé , ies tambours & les trompettes à leur tefte , qui de leur bruit fai(oient tout retentir aux environs. L arméelogée, le General pria Oehiié d'envoyer vers ies frères pour les porter à la paix. Le Cacique fit donc fçavoir à Tes frères, que les ChreftienS eitoient entrés fur leurs terres. Qu'ils n'a-voient pour but que l'amitié des peuples. Que lors qu'on les recevoit, ils ne faifoient nul dégât, 8c le contentoient feulement de prendre des vivres pour fubfifter, finon qu'ils ruinoient tk mettoient tout à feu & à fang r , & qu'ainfi il les prioit de s'allier avec eux.

Le lecond rrere répondit, qu'il rcmercioit Gchilé de Ton avis , qu'il defiroit voir Se con-noiftre les Espagnols. Que toutefois iln'iroic que dans trois jours au camp, à caule qu il iouluitoit de. fe mettre eu ellat de poroiftrç.

Mais qu'il pouvoit toujours les afleurer ie fon obeiffance , Se accepter de fa part l'amitié qu'ils luy offroient. Ce Cacique vint en effet trois jours après à l'Armée , accompagné des plus lelies Se des plus remarquables de les fu-jets. Il ialua civilement Soto, Se entretint les Officiers avec tant d'efprit, que l'on auroit dit qu'il eut efté depuis long-temps parmy eux. Les Espagnols de leur cofté le reçurent avec de grands témoignages d'affection ; ils ivoublioientrien de ce qui pouvoit gagner l'amitié des Caciques que recherchoient leur alliance ; ils appuyaient fortement leurs intérêts , & ne iouffroient point qu'il fe fiil le moindre deiordre fur leurs terres.

Vitachuco qui eftoit le troiiiéme frère ne répondit rien > 3c retint ceux qu orr luy avoit envoyez. Ses deux frères à la perfuafion de Soto, luy dépêchèrent d'autres perlbnnes qui le conjurèrent de recevoir la paix que luy offroient tes Efpagnols. Qu'il ne fallbit poiflt s imaginer qu'on les pufl battre. Qu'ils ti-roient leurs origine du Ciel, & eftbiérit les véritables tils du Soleil 8e de la- Lune. Qu'en un mot iîs montoient certaines beftes * i\ vi-fks qu'on ne leur pouvoit échapper. Qu'ils U fijppîioient d ouvrir les yeux furie malheur ! ■ ■.!■ mi i ii ■ u. _ _

* Ce font iks Cheraur.

qfù le mènaçoit, &: d'empêcher Iadefolation de ion pays avec la ruine de Tes fujets. Vita-chuco répondit iî orgueilleufement, qu'il n'y eut jamais rodomontade qui approchait de la fierté de Tes paroies Mais comme Ton ne s'en eft pu fouvenir, je raporteray feulement la réponie qu il fit à fes frères. Il commanda à leurs envoyez de leurs dire, que leur conduite eftoit de jeunes gens.qui naveientny jugement , ny expérience. Qu'ils donnoient à des ennemis une naiflance & des vertus imaginaires. Que les Efpagnols n'eftoient ny les fils du Soleil, ny û vaiilans qu'ils fe le perfua-doient. Que fes freres-eftoîent des laiches de fe mettre entre leurs mains. Que depuis qu'ils avoient préfère lalervitude à la liberté ils par-loi eut en efclaves, & loùoient des hommes pour lefqucls ils ne dévoient avoir que du mépris. Qu ils ne confideroient pas que ceux dont ils vantoient le mérite ne feroierrt pas moins cruels que les autres de la mefme nation que l'on avoit vus dans le pays. Qiiec'e-floient tous des traiftres, des meurtriers, des voleurs, enfin des enfans du diable. Qu'ils enlevoiVnt les femmes , ravilToient les biens, semparoient des contrées habitables, Se fe ient lafchement par le travail d'au-e s'ils avoient autant de vertu qu'on ^ ;: enflent point abandonné leur

r îoS Hiji'nrc âeU ïhrlle.

pays ; mais qu i s 1 auraient cultivé , & ne fe feraient pas attiré par leurs brigandages la haine de tous les nommes. Qu'on kur pouvoit dire de fa part qu ils n'entrafîent point fur Tes terres ; qu autrement ils n'en fortircient jamais. Qu'ils y périraient tous , Se qu'il les fe-roic cruellement bruiler.

Après cette réponft , Vitachuco envoya pluiieurs de les iujets vers ie Camp des El-pagnols. Il y en venoit tan toit deux Se tan-toit quatre qui Jonnoient de la trompette, 8c failoient de nouvelles menaces plus terribles que les premières. Car ce Barbare penfoit eftonner nos gens par les différentes fortes de fupplices dont il les menaçoit. Il leur man-doit quelquefois, que lors qu'ils feroient entrez dans fa Province, il commandroit à la terre de s'ouvrir Se de les engloutir.; aux montagnes entre lefquelles ils marchoient, de fe joindre 8c de les ecrafer ; aux vents de déraciner les forefts par où ils pafleroient & de les renverlèr fur eux ; aux oifeaux de prendre du venin dans leur bec,& de le laiiTer tomber fur fesennemis pour les consumer. D'autrefois il -devoit faire empoifonner de telle forte les eaux , les herbes , les arbres, 8c 1 air même, que ny les hommes, ny les chevaux ne pour-roient jamais ie garantir de la mort. Et qu'ainîî ks Elpagnok (miraient d'exemple a ceux

qui

tpi auroient îapenfee d'entrer à l'avenir contre fa volonté fur Tes terres. Ces rêveries qui marquoient affez le caractère de Vitachuco , obligèrent les Chreftiens à fe mocquer de luy. Cependant elles ne laiiTerent pas de les arrêter huit jours dans le pays des deux frères qui lesregaloient, Se leur témoignoient à Ten-vy la paifion qu'ils avoient de les fervir. Mais comme ceux qu'ils avoient en voyez vers leur aine ne le pou voient perfuader, ils refolu-rent d'y aller eux-mêmes. Ils communiquèrent ce deflein au General , qui l'approuva & qui leur ht plusieurs prefens pour Vitachuco. Ce Barbare touché de la prefence de Tes frères qui luy difbient, que les troupes s'a-vançoient vers Ton pays > Se qu'elles le pou-voient entièrement ravager , crut qu il de-voit diiîimuler fa haine. Qu'un jour il trou-veroit occalion de la faire éclater ou vertement , Se que les Elpagnols lerepolanti, nlitié quil leur jnreroit,il les extermineroit tous fans qu'il courût aucun danger de (à rcr-fonne. Pour cette raifon il dit à fês fre que jufqu'à cette heure il ne s'eA:o ; : pu imaginer que les E(papiù\i etiflènt tant de valeur Se tant démérite. Qu en fa ^puisqu'il en eftoitperluadeilrecevoit: 1 '- c \6yt le lkir.ee ; mais qu'auparavant il auhaitôit de fçavoir combien ils dcmenrerôientfurfesicr-

K

res, Se combien de vivres il leur faudroit lors qu'ils en fortiroient. Les deux frères dépêchèrent promptement au camp pour faire fçavoir cette réponie. Si-toftque le General !a fçiït, il les pria d'alTeurer leur aîné , que les troupes, ne fejourneroient dans fa contrée , Se qu'il ne fourniroit des vivres qu'autant qu'il voudroit j parce que les Efpagnols ne defi-roïent que rhonneur de fon amitié, avec laquelle ils croyoient avoir toutes chofes en abondance.

CHAPITRE XX.

Arrivée de Vit a chu ce.

VItachuco fut content de la réponiê du General ; de forte que pour cacher plus adroitement fon deffein, il aiîeuroit qu il lento it augmenter en luy le defir de voir les El-pagnols. Il commanda donc aux principaux de fa Province , de le tenir prefts pour aller •au Camp , d'amaHer des vivres avec les chofes necelfaires, Se de les amener dans la Capitale , afin d'y recevoir honnorabiement les Chreftiens. Enfuice il partit accompagné de fes frères , Se de cinq cens hommes bien armez , & en fort bon ordre. Mais après deux-

lieues de marche il rencontra Soto , qui s'e-ftoit avancé pour le recevoir, 8c il luy rendit Tes civiiitez avec de grandes marques d'amitié. Il le (upplia aufli de pardonner ce que la pafîion l'avoit obligé de dire contre les Efpa-gnols. Qu'il avoit efté mal-informé de leur conduite. Qu'à l'avenir il leur rendroit l'honneur qui leur eftoit dû. Qu'en un mot pour reparer lofrenfe qu il avoit commife , il re-connoiiloit le General pour fonSeigneur, Se que Tes fujets eftoient prefts de luy obéir aveu-. glement. A ces mots Soto l'embraiîa, Se luy repartit qu'il ne ie fouvenoit plus de tout ce qui s'eltoit patte. Qu'il ne fongeoit qu'à la faveur qu'il luy faifoit de l'aymer, Se qu'en reconnoifïance de cette grâce , il defiroit de luy rendre toutes iortes de iervices. Le Mettre de camp Se les Capitaines vinrent enluite le laliier, Se ie réjouir de fa venus, Se après quelques complimens de part Se d autre ; les troupes entrèrent en bon ordre dans la Capitale , que l'on appelioit Vitachuco. EHe avoit quelque deux cens grandes maiibns bien fermées, Se quelques autres plus petites qui com-poioient les Faux-bourgs. L'armée fe logea dans les mations les plus fortes. Les Caciques 8e le General avec les gardes , Se. fou train prirent pour eux le logis du Seigneur où lors ou ils-eurent demeuré trois jours enfemble Se K *

fait bonne chcre , les deux frères demandèrent permilfionde s en retourner. Soto la leur accorda Se leur fît quelques prefens ; i\ bien qu'ils fe retirèrent tres-fatisfaits. Vitachuco fut encore quatre jours à entretenir le*Espagnols, afin qu'ils fe tiniTent moins fur leurs gardes > & qu'il puir. mieux faire reulhr ce qu'il medi-toit contre eux. Ce deffein le préoccupait tellement qu il en efkut aveugle. De forte qu'au lieu de-prendre confeil de fes ridelles a-mis , il les fuyoit, &. ne communiquoit fa penfee qu'à des pexionnes qui le fiattoient. Voilà le procédé des gens qui fe fient trop à cux-mefmes , Se qui aufîi ne manquent pref-que jamais de s'attirer la peine que mérite leur imprudence.

Enfin , Vitachuco qui ne pouvoît plus re-fifter à la paillon de perdre les troupes ; r.ifcm-bla cinq jours après le départ de les frère?, quatre Indiens qui fervoient de truchemens au General. Il leur découvrit qu'il avoit refo-lu de faire main baffe for les Efpagnols , qu il luy e (l'oit fort facile d en venir à bout. Qu'ils le repefoienc fur fon amitié, &ne fe défiaient point d'aucune chofe. Qu il avoit affemblé plus de dix mille de fes iujets , tous gens de main Se d'exécution. Et qu'il leur avoit ordonné de cacher leurs armes dans la forer): voifinc, d'entrer dans la ville charge de bois

& de provifîons , Se d'en fortîrTons couleur de rendre fer vice aux ennemis , afin que ne fe doutant de rien , il ne fiuTent point fur leur garde. Il adjouitoit qu'il mettroit dans une grande plaine tous Tes fujets en bataille. Qu'il prieroit le General de les venir voir. Qu'après il ordonneroit à douze Indiens des plus forts & des plus courageux, d'accompagner ce Commandant fous prétexte de luy rendre honneur, Se de l'emporter au milieu du Bataillon , quand ils en verroientune occa-iion favorable. Que cependant les autres fon-droient fur les Efpagnols , qui furpris d une action ii hardie n auroient ny le temps de fe ralTeurcr , ny de fe mettre en eftat de re-fifter. Là deflus comme fi les deiTeins eufïent déjà retirai , il continuoit qu'il feroit fourrrir à ceux qui tomberaient entre les mains, tous les iupplices dont il les avoit menacez, Se qu'il mettroit en ufage le feu,le poiion,les tortures. Qu'enfin il n'y auroit aucun genre de mort dont il ne s'aviiaft pour les tourmenter. Apres que Vitachuco eut parlé de la forte, il commanda aux truchemens de luy dire leur avis, avec detïenfe de découvrir ion lecret, & il leur promit que lors qu'il auroit fatisfait fa vengeance , il leur donneroit des charges coniiderables, & des femmes tres-riches, s'ils vouloient demeurer furies terres5 finon qu il

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x 14 H'tftoire de là "Floride,

les ferait eleorter jufques clans leur contrée f Se les cornbleroitdc faveurs. Qu'ils conîide-rafient que les Efpaghols les tenoient comme des efclaves. Qu ils les trailneroient en de3 régions fi éloignées , qu'ils dévoient perdre toute dperance de revoir leur patrie: Que non feulement ils leur faifoient tort, mais à tout le pays. Qu'ils n'a voient pour but que de leur ravir la liberté ; \cs biens , leurs femmes , & leurs enfans , & de les charger tous les jours de quelque nouvel impoft. Qu'il fal-loit donc s'oppoier courageufementà leur tyrannie. Qu'enhn , puilque fes deffeins ne re-•ardoienr que la gloire & Imîereft des peuples , il les fuppîioit par tout ce qu'i'savoicnt de plus cher, de farder de leurconfeil.

Les truchemens répondirent, que ion cn-trçprifè eftoit haute Se digne d un grand cœur. Que Ls mefures paroilfoîent bien prifes. QyinfaiiiS'ement il ne feroit point trompé-dans ion efperance. Que le pavs luy devroir £} confervation , &: Ls peuples l'honneur, les biens & la vie. Q^e dans cette vue ils luy ju-roienc de ne point divulguer fou fecret , Se d execurer aveuglement ie^ ordres. Qu'en v,n mot, puis qu'ils ne pouvaient contribuer que de leurs vcc.ix à faire rciiînr une aéiion il glo-riéufe , ils prioient le Soleil 6c la Lune de la fevofiler.

CHAPITRE XXL Suite de l'entreprit de Vitaihuco,

VItachuco & les truchemens fe quittèrent avec beaucoup de joye. Ceux-cy efperoient d'eftre bien toit libres 5 élevez aux honneurs, & mariez avec des femmes tres-riches,&: Vitachuco"s'imaginoic qu'il eftoit glorieufement venu à bout de fes delTeins. Que les voiims l'adoreroient, Se que tous les peuples du pays le reconnoiftroient pour leur Libérateur. ïi penloit mefme ouir les louanges qu'on luy dévoie donner en faveur dune action ii illuure , & voir les femmes avec les enfans , danier Se chanter devant luy lelon la coutume du pais, des chardons , qui pu-blioient la valeur & 1 heureux fuccez de ion entreprife. Enfle de ces vaines imaginations , il fax venir (es Capitaines, non pas' pour prendre leur avis fur quoy que ce fuft ; mais pour leur faire Cxecutet fes ordres. Ii leur dit qu il alioit citre couronne d'une gloire immortel ie> Que me fine il en jouiOoit déjà par avance ; mus ou il dépendoit de leur courage de le cdûiblcr d honneur. Qu'ainfi il les coàjurok d'attaquer vigoureufcmcht les Chrcilieru > 6c

d'en faire un carnage tel qu'il fc l'eftoit ims-i giné. Ses Capitaines luy repartirent, qu'ils avoient tant de refpcft pourluy > qu'il n'a-voit qu'à commander & qu'ils luy obei-roient en gens de cœur. Le Cacique fatisfait de leur réponie , ies renvoya avec promeuve de les avertir dans peu de ce qu'ils auroient à faire. Cependant les truchtmerrs à qui Vi-tachuco s'eteit découvert y conliderant que fon entrepr Lfe ne pouvoit réirflîr , à caufe du courage des Elpagnols , Se de la vigilance de Soto y & d'aiileurs la crainte du danger où ils s'expofoient l'emportant fur l'efperance d e-ftre recompenfez, ils crurent que leurinterefl particulier les obligeoit de violer leur foy. Ils allèrent donc trouver Ortis , auquel il déclarèrent la trahiion, avec ordre d'en donner avis au General qui aiïcmbla autTi-tOit Ton confeil. Il fut conclu qu ii falloit diïFimuler & avertir fecrettement leurs gens de fe tenir fur leurs gardes , avec une négligence apparente , afin que les Barbares ne fe doutaient de rien. On cru: meime que pour s afleurer de Vitachuco , on devoit employer le moyen dont il avoit relolu de fc fervir pour prendre lierai. Airifi l'on ordonna a douze de> plus robuftes loidats de ie tenir auprès du General , Lors qu'à la prière de Vitachuco iliroit voir ieo Indiens en bataille > Se l'on rut toû-

jour à l'erte,pour obferver finement toutes les démarches du Barbare.

Le jour venu que tout fe devoit exécuter , le Cacique pria Soto de venir voir Tes fujets à la campagne, où ils lattendoient en bataille. Que ta prelencc les obligeroit à bien faire. Qu'il verroit leur nombre avec leur adreffe, & s ils entendoient la guerre. Comme Soto diflimuloit Se feignoit de ne fe pas donner de garde , il répondit qu'il verroit avec beaucoup de joye les Indiens ibus les armes, & que pour rendre la re • eue plus belle, Se contribuer à leur fatisfaction, il feroit fortir en bataille la Cavalerie Se l'Infanterie Efpagnole, afin que les uns Se les autres fi fient l'exercice, §e s'efearmouchadent par plaifir. Vicachuco ne fouhaitoit pas qu'on iuy fift tant d honneur , mais fa paillon le préoccupent fi fort qu'il confentit à tout. Il fe repofoit fur *a valeur de les lujets Se croyoit que fais peine il vien-droit à bout de ion entreprife.

CHAPITRE XXII.

Déroute des Indiens.

Ors* que de part Se d'autre les troupes furent fous les arme$ > la Cavalerie Se

Flnfanterie Efpagnole ibrtîrent en ordre de bataille , & le General marcha à pied avec le Cacique. Il y avoif prés de la'ville une grande plaine qui aboutiiToit d'un cofté à une foreft, Se de l'autre à deux marais. Le premier de ces marais eftoit une efpece d'étang , dont- le fond eftoit tres-bon ; mais l'eau fi profonde que l'on perdoit pied à quatre pas du bord. Le fécond eftoit large de trois quarts de îieuës , Se long à perte de veuë. Les Indiens fè vinrent camper entre cette fortft 8c ces marais ; il avoîent ces eaux à la droite , Se le boisa la gauche. Ileftoientpreftsde dix mille, tous gens d'élite Se fort leftes, avec des plumes difpofées de telle façon fur leur tefte* qu'ils en paroiiToient plus grands que d'ordinaire. Eftant campez, il cachent leurs armes fous terre , pour faire voir qu'ils n'ont aucun mauvais defïcin , Se forme un très beau bataillon en CroifTant. Là ils attendent leur Seigneur , Se le General qui venoient dans la reiolution de fe faifir l'un de l'autre , accompagné chacun de douze personnes. L Infante-ré Efpagnole marchoit du co/té de la foreft , Se la Cavalerie au milieu de la plaine à la droite du General, qui ne fut pluftoft. arrivé , où Vitachuco le devoit faire prendre y qu'il le prévint Se fit tirer un coup de mouC quet qui eftoit le fignal, Les douze EJpa~

gnoîs (ê faifiiTent incontinent du Cacique, les Indiens tâchent à le (au ver ; mais leurs efforts ne reuilirent pas.

Le General qui eftoit armé fous Tes habits, avoit commandé qu'on luy tinft prefts d'eux de Tes meilleurs che aux. De forte qu'après la prife du Barbare, il monta le cheval nommé Azeituno , 8c attaqua le bataillon des Indiens. C'eftoit la couflume d'encourager les autres par fon exemple , & d'aller premier tefte baillée dans le danger. Car il n'auroit pas trouvé la victoire belle, s'il ne l'eut gagné au péril de la vie. Il palloit auiTi pour un des quatre plus vaillans Capitaines quifuflent entiez dans les Indes Occidentales ; mais il ne fe menageoit pas allez. Les Indiens qui a-voient pris alors leurs armes, le reçurent cou-rageuiement, & l'empêchèrent de rompre leur bataillon. Au meime temps quil mettoit en deiordre les premiers rangs , ils tirèrent fur luy , & percèrent Azeituno de huit flèches. Ce cheval tomba mort ; car c'eftoit à quoy ils vifoient principalement , & mefme dans tous les autres combats , ils eurent plus de foin de tuer les chevaux que les hommes, s'imaginant quclamortdcs uns leurimportoit celle des autres.

I. : lignai donné, nos gens fondirent fur les Indiens, 5c la Cavalerie fuivit de Ci prés le

General. qu'enc fècourut avant qu'il fuft WelTe. Mais eftoit un de fes Pages,

voyant que le Ch v;J «Je (on Maiitre eftoit tué , il met pied à terre & luy donne le fien. Le General le lance auffi-to: (ur es Barbares, qui fans piques ne purent renfler a 300. chevaux , Se fe mirent tous à fuir y eux qui s'e-floient vantez d'exterminer tous les Elpa-gnoîs.

Comme le bataillon fut rompu, Ieslndiens fur les dix heures du matin le fauverent les uns dans les bois & les autres dans l'eftang. C^ux de l'arriére garde fe répandirent par la plaine j c'eft pourquoy on en tua plus de trois cens , & 1 on fit plufieurs prilon-niers. Néanmoins, ceux de l'avant-garde qui eftoient les plus vaillans furent encore plus mal-trakez. Car fuyant après avoir Soutenu le premier choq & la furie des chevaux , ils ne purent gagner ny le bois ny le marais, qui eftoient les meilleures retraites ; fi bien que plus de neuf cens le jette-rent dans lefhng. Cependant les Efpagnois pourfuivirent les autres jufqu'à la foreft , mais inutilement, & ils revinrent fur leur pas à 1 dftang harceler le refte de la journée les Barbares qui s'y eftoient lauvez. Ils leur ti-roient rantoft des flèches , Se tanroft des coups de moufquets , pour les obliger feulement

Lèvre fécond. m

ment à fe rendre : car puis qu'ils ne peu sroi =nîç échaper, nos gens ne leur vouloient pus taire de mal* Les Indiens de leur coôé le def&n*.

dirent vaillamment , Se épuiferent fur les i l -pagnols toutes leurs Sèches, À ais comme

n'avaient pas pied , il ye] .lUiieurs qui

nageoicnttrois ou quatre de iront, ferrez l'un contre l'autre, Se qui portoient fur leurs dos un' de leurs camarades, qui tir oit jufqu'à ce qu'il n'eut plus de flèches. Ils fe battirent de la forte tout le jour , fans qu'aucun fe vou] ût rendre. La nuit venue , nos gens invei'iirent Veitang. Les Cavaliers fe poferent deux à deux d'efpace en efpace , Se les fantaiTms ilx à fix, à fort peu de diftance des uns des autres; de crainte qu'à la faveur de lbbfcurité ils ne leur écHapaflent. Et lors qu'ils les entendoient approcher du bord , outre qu'ils leur pro-. rtoient toutes fortes de bons traïternerïs * lis les menaçoient Se tiroient iur eux pour les Faire reculer, & les fatiguant à force de nager, les contraindre de fe rendre promptement.

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CHAPITRE XXIII.

Rcfolution des Indiens , & leur fcvtie de leftanv.

N fut 1 a plus grande partie de la nuit à lniceler les Indiens , qui fins avoir au-L

\li Wjfoire de la Floride.

cime efperance de fecours témoignoient vouloir plutôt mourir que de fe rendre. Toutefois à laperfuafion d'Ortis, les plus fatiguez commencèrent à fortir de l'eftang à la file j mais fi lentement qu'au point du jour i! n'y en avoit point encore cinquante dehors. Les autres qui virent que l'on traittoit bien leurs compagnons , fe rendirent en plus grand nombre. Ils venoient néanmoins fi à contrecœur , que la plufpart eftant fur le bord , fe rejettoient dans l'eau, & n'en fortoient qu'à l'extrémité. De forte qu'il y en eut pluficurs qui nagèrent vingt-quatre heures. Et le lendemain que le jour efloit déjà un peu avancé, environ deux cens fe rendirent 3 mais fi enflez de l'eau qu'ils avoientavallée , fi accablez de faim y de fatigue, & de fommeil , qu'ils e-ftoient à demy-morts. Enfin les autres for ti-rent à la referve de fept, que rien ne put é-Branler, 8c qui iêroicnt morts dans leau , fi a-vant le foir le General n'eut commandé de les en tirer. Douze grands nageurs fe jettent donc dans l'eftang , & les prennent par ht jambe , par le bras, Se par les cheveux, & les mènent à bord. Mais le*pauvres Indieusfai-foient pitié, eftendus fur le fable, plus morts que vifs ; Se dans un citât où l'on peut s'imaginer djs hommes, qui ont combattu trente heures dans l'eau 5c à la r.agC. Nos gens tou-

chés de compaiïlon, Se admirant leur courage les portèrent dans la ville , où ils les recoururent , Se furent plus aidez par la bonté de leur tempérament, que par la vertu des remèdes. Enfuite lors qu'on les vit un peu remis , le General les fit appelier ; Se fous pretexte.de-frre en colère, il leur demanda pourquoy dans le déplorable eftat où ils s'eitoient vus, ils n'avoient pas fuivi l'exemple de leurs compagnons. Alorj quatre d'environ trente-cinq ans chacun , repondirent par la bouche de l'un deux , qu ils avoient connu le péril qui les menaçoit. Mais qu'en reconnoiffance des charges que Vitachuco leur avoir données dans ies troupes Se de 1 eftime qu'il avoir de leur valeur , ils avoient efte obligez de montrer qu'ilsn eftoieu-t pas entièrement indignes de les grâces, Se qu il re s'eftoît pas trompé dans le choix qu'il avoit fait de leurs perlonnes. Qu'outre cela ils avoient voulu lailïcr a leurs enraus un exemple de fidélité Se de courage ; 8c inftruire par leur valeur tous les autres Capitaines. Qu ils efloient donc à Ire de n'avoir pas fait leur devoir, Se que la compalïion qu'on avoit eue pour eux cftoit cruelle a leur honneur. Que toutefois ils nelaiiloient pas d'avoir beaucoup de rei-fcntimcnt du bien qu'on avoit prétendu leur faire : rn^is que. l'on augmenteroit les grâces

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'124 Uijloîre de la Floride.

qu'ils avoient reçues, fi on leur oftoit la vîeJ Que n'eftant point morts pour le fervice de Vitachuco , ils n'oferoient jamais paroiftre ny chus le monde , ny devant luy.

Le General qui admiroit cette réponfe , fc tourna vers les autres Indiens , qui eftoient de jeunes Seigneurs de dix-huit à dix-neuf ans chacun. Il leur demanda ce qui les avoit contraints de demeurer avec tant d'opiniaftreté dans l'eau, eux qui n'avoient aucune charge à l'Armée. Ils luy répondirent qui n eftoient fortis de leurs maifons, ny dans la vue de ruiner fe? troupes, ny dans l'efperance de faire butin y ny de gagner l'amitié d'aucun Cacique pour en avoir quelques recompenfes ; mais pour acquérir de la réputation dans le combat qui fe devoit donner contre les Chrétiens. Qu'on leur avoit toujours enieigné , que la gloire qui s'acqueroit dans les batn.il les, eftoit grande Se folide. Qu a cette confide-ration ilss'eftoientexpofezau danger où il les avoir vus 3 & dont il les avoit fi genereufe-ment tirez , qu aujourd'huiv ils le iac^fle--roient volontiers pour fon fêrvice. Ils ajoû-toient que la fortune s'eftant déclarée pour luy , Se leur ayant ravy une victoire qui les eut comblez d honneur • ils s'eftoient vus dans letrifte cftat, où font ordinairement les ■Yaincus. Que toutefois ils avoient appris que

s-ils fourrroient leur malheur avec confiance, ils pourroient fe rendre recommandables ; parce que le vaincu qui n'a combattu que pour la liberté, ne mérite pas moins de louange que celuy qui le gouverne fagement dans la victoire. Quainii il ne fe falloit pas e n ron-xm , h initruits de ces maximes , ils avoient fait paroiftre autant de cceur que les Capital nés. Ils foùtenoient au contraire qu'ils eftoint plus obligez qu'eux à combatre vaillamment; à caufe que leur naiilance les deftinoit à de plus hauts employs que ces officiers. Que dans cette veuë ils avoient prétendu de faire voir qu'ils pretendoient fucceder à leurs pères ; puis qu'ils tachoient d'imiter les exemples de generoiîtc qu'ils leur avoient donnez. Que mcfme ils leur avoient voulu montrer qu'ils cfloient dignes d eftre leurs enfans Se les cou-Cola- de leur perte par une mort glorieufe* Qu'enfin h ces conïiderations les pouvoient exeufer auprès de luy , ils imploroient fa clémence j linon qu'ils luy prefentoient leur tefte y Se qu'il eitoit permis au Vainqueur d'u-fer de la victoire a la volonté. . Ce dilcours joint au courage , à la bonne mine, Se a 1 infortune de ces jeunes Seigneurs, tira des larmes de la plufpart des Efpagnols qui eftoientpreiens. Le General mJmeicn-ttf de lapide en leur faveur, Se lcsenibrafiant

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ntf Xiftoire de U Ftoridei

n leur dît qu'il jugeoic de leur naifTanee par leurs actions. Que les hommes qui avoient autant de fermeté qu'ils en avoient fait pa-roiftre, meritoient de commander aux autres kommes. Que pour cette raifon il avoit une. joyc particulière de leur avoir confervé la rie y mais qu ils ne s'affligeafTent point, & eme le comble de fa fatisfaction eftoit de les mettre en liberté. Le General en effet après-les-avoir retenus feulement deux ou trois jours* pour leur témoigner fon affection , les renvoya accompagnez de quelques uns de leurs* dlomcftiques qui eftoient prifonniers, il leur donna diverfes prefêns pour leurs pères, avec ordre de leur offrir leur alliance * 8c de leur dire la manière dont il les avoit traitez.

Ces Indiens après beaucoup de remer-eiemens , prirent le chemin de leur pays* fort contens du General , qui le lendemain-£t appelier Vitachuco avec les Capitaines, priîonniers. Il leur dit que leur conduite «ftoit criminel? c, puis que lous apparence da-<mitic ils avoient conipiré la perte des troupes. Qu'une telle trahifon devroit eftre punie de jnort, ahn que leur exemple empechaft les au-très Indiens de la Province de le iouflever» Que néanmoins pour montrer qu'il preferoit ia paix a la vengeance , il leur pardonnoit, à ■condition qu'à l'a veau iU répondroieut à laf*

Lhre fécond. r ty\

fecVion qu'il avoit pour eux. Il les conjura aulTi d^ublier le paiTe, Se de ne plus rien tenter contre les Chreftiens 3 parce qu'infallible-ment ils ne s'attireroient que du malheur de-toutes leurs entreprifes. Il prit enfuite le Cacique à part, il tacha par toutes fortes de moyens de l'adoucir , & voulut qu'il revinfl manger à fa table d où il l'avokchaffepourfa perfidie. Mais bien loin que ces témoignages à'amitié obligeaient ce Barbare à rentrer dans Ton devoir, ilsnefervirent qu'à entretenir l'averiion qu'il avoit conçue contre les Efpagnols. De forte qu'il fe lailla emporter de plus en plus à la violence de la haine, Se fe perdit enfin luy-mefme avec la pluipart de fes fujets.

CHAPITRE XXIV.

Mort de Vitacbuco.

LEs Indiens qui fortirent de l'eflang , furent faits prifonniers Se diitribuez pour efclaves aux Efnagnols, Se Vitachuco eutlort logis pour prifon. Le General l'ordonna de la forte pour chaftier ces Baroares de leur trahilon , Se les retenir par la crainte dans le devoir. Cependant il avoit reloiu qu'au fer-

tir de la Province, il leur donnerait à tous la libertc. Mais k Cacique qui ne fçavoit pas ce deilein , Se qui voyoitfes ftijeÇ ciclaves , médita de nouveaux moyens de perdre les Efpagnols. Il fe flatta que les neuf cens pri-fonniers qui eitoient les plus courageux de les troupes executeroient feuls ce qu'ils n'a-voient pu faire tous eniemble. Qu'eftant eu aulTi grand nombre que les Chreftiens, ils tu croient chacun [cur.MaîflrCj Se que prenant l'heure du difner fon deilein reûiliroit d'autant plus infalliblement, que les Efpagnols ne fe douteraient de rien. Cette entreprife qui meritoit d'eftre conduite avec beaucoup de prudence, fut précipitée; Se il crut que fcS lu-jets avec leurs bras feulement déferoient fes ennemis. Il commanda donc à quatre jeunes Indiens qu'on luy avoit laiiîez pour fon fèrvice particulier, d'avertir de (a refolution les principaux prifonniers , avec ordre de la faire a-droitement fe avoir aux autres, Se de le tenir prefts dans trois jour* fur le midy , afin de tuer chacun leur homme. Il leur fit dire auiïi qu'à la mefmc heure il o fierait la vie au Commandant , Se que pour fignal il feroit un cry fi haut , quand il feroit aux priies avec luy , que toute la ville 1 entendroit. Vitachuco donna cet ordre aux Indiens L menue jour que Sotô oubliant ion crime , le fit manger à

fa table. Mais c'eft ordinairement de la.force que les traiftres Se les ingrats reconnonTeiiC les faveurs qu'on leur fait.

Les fujets du Barbare avertis de cette féconde' entreprife , virent clairement qu'elle ne feroit pas plus heureufe que la première. Toutefois ils répondirent, qu'ils obeïroient, ou qu'ils mourroient tous. Car les Indiens du nouveau monde ont tant d'amour Se de vénération pour leur Prince , qu'ils le considèrent comme des Divinitez. Si leurs Souverains le defirent, ils fe jettent auiTi librement dans le feu que dans l'eau , Se fans confiderer le danger où ils fe mettent, ils ne regardent que leur devoir, Se l'obeïûance qu ils leur ont vouée.

Enfin , fept jour après la première déroute des Indiens , lors que le General Se le Cacique eurent achevé ledifner, le Barbare feplie tout le corps, fe tourne de coite Se d'autre, ferme les poings, eflend Se retire fes bras jùt 1 les rcnverler fur les épaules , 8e lesfe-couë avec tan: de violence , que fes os en craquèrent ; couftume ordinaire des Indiens, quand ils veulent entreprendre une chpfeôù il faut de la vigueur. En fuite ii Je levé fur fes pieds avec une fierté qui nclçauroit s imaginer, il fe lerre contre le General , luy pafle le bras gauche autour du cou, Se luy applique de

la main droite un fi rude coup de poing fur le vifage qu'il le jette par terre, fe laiïîe tomber defïus, Se fart un fi haut cry , qu'on l'entend d'un grand quart de lieue. Les Officiers qui" s'eftoient rencontrez au difner , voyant lm-fblence du Barbare le percèrent de dix ou douze coups d'épée , Se il tomba mort, la rare dans i'ame & le blafphcme dans la bouche, à caufe qu'il n'ef.oit pas venu à bout de Ton entreprife. Mais iarsles O fric fers il eut achevé le General par un autre coup. Car celuy qu il luy avoit donné eftok deji 11 grand, qu'il demeura demy-heure qu'il ne revinft point à luy. Le farg luy couloit par les yeux, par le nez Se par la bouche. Il eut mefme des dents rompues, & les autres fi mal-traités qu'il fut vingt jours fans pouvoir manger que des hachis. Ses lèvres , fon nez Se Ton vifage. s'enflèrent 11 fort, qu'il fallut les couvrir d'em-plaftres , tant Vitachuco l'a voit frappé .rudement. Ce Barbare eftoit alors d'environ trente-cinq ans , il avoit e corps robufle, la taille belle , Se l'air (ombre , fier, & cruel tout enfcmble.

CHAPITRE XXV.

Suite de Li mon de Vitachuco, E cry de Vitachuco entendu , chaque Indien attaquai Eipagnolqu il fervoit, 3c

tâcha de le tuer, les uns avec les tifors du feu , Se les autres avec tout ce qu'ils rencon-troientj parce qu'alors ils navoient point d'armes. Néanmoins ils ne lahTerent pas de faire un fort grand defordre , les uns frappèrent lesEipagnois au vifage , Se les autres à la tclte j tantôt avec des marmites où cuiioit la viande , Se dont quelques-uns de nos gens furent brûlez, Se tantoft avec des pots Se des affiettes. Cependant ils firent plus de mal avec les tifons , qu'avec tout le refte. Comme la plus part en avoient, ils mal-traiterent placeurs de nos gens. Les uns eurent le bras calTe , les autres les paupières bruflées, le vi-fige deriguré Se le nez écrafé. Il y en eut même quatre de tuez , dont l'un eftant jette par terre d'un coup de tifon , il vint trois Barbares qui le chargèrent fi cruellement qu'ils •luy firent fauter la cervelle. Il arriva aufïï dans ce defordre , qu'après qu'un Indien euft battu un Efpagno! a coups de battons, & luy euft carte les dents à coups de poings,ilfefau-va de queîc] ie nos gens qui fondoient

'fur luy, mont;, à une chambre qui donnoit fur une cour , prit une lance qui eftoit contre la muraille, Se deffendit avec tant de courage la porte , que perfbrine n'y put entrer. Sur ces entrefaites accourut Diego de Soto qui eftoit parent du General, 6c nui femit £

ïyi Htfiûin de U Floride.

tirer de la cour avec une arbaL-fte. Comme l'Indien vit ce nouvel ennemy, il fe plaça, au droit de la porte, & reîolu de vendre chèrement fa vie , il jetta la lance au même moment que Soto droit. Mais elle toucha Jeu-lemcnt du bois {'épaule du Cavalier Efpagnol, & 1 ayant ébranlé, cl'centra une demy-braife en terre. Le coup de Soto fut plus heureux* il attrapa (on ennemy à la poitrine & le tua. Cependant le bruit fe répand , que le General a voit efte mal-traité pir Vitachuco ; Ci bien que les Efpagnols irritez de plus en plus, & principalement ceux qui avoieut efté bief-fez, fe vengent fur les Barbares "qu'ils rencontrent. Il fe trouva néanmoins des Cavaliers , qui ayant honte d'avouer qu'ils eulfent efté battus, crurent qu'il eftoit indigne deux d'ofter la vie à des efclavcs. C'eft pourquoy Us en firent tuer quelques-uns par les Indiens mêmes qui les fervoient dans j'armée , & les mirent pour la plufpart entre les mains des Archers de la garde du General, qui les per-çoient à coup de pertuifanne au milieu de la grande place de la ville. Entr'autres, Sal-dagna qui ne voulut pas fiire mourir luy-me'me ion efclave , l'attacha avec une corde par le cou , & le mena pour le liv rer aux gardes. Mais lors que le Barbare entra dans la place Se vit ce qui s'y paiToitj une telL r.

le

le fâifit, qu'il prend d'une maïn Ton maiftre par le cou, Se de 1 autre par deflbus la cuiiïe, ii le foufleve , luy met la tefte en bas ; Se le lai Je ii rudement tomber qu'il l'eitourdit. Il luy monte incontinent à deux pieds lîir le ventre avec tant de furie qu'il l'euft crevé, ii quelque cinquante Efpagnolsfepec à la main ne fuiïent venus au fecours.Toutefois le Barbare ne s'eftonne point., Se il !es reçoit ii cou-rageufement, qu'il fut long-temps fans cure ny pris ny bleiTe. Il attrape l'épec de Saldagna, en fait le moulinet, & écarte les ennemis de telle forte , que l'on fut contraint de le tuer à coups de fuiiis Se de piftolets.

Voilà une partie des defordres qui arrivèrent le jour que Vitachuco frappa le General, & fans doute ils auroient eflé plus grands, il la plupart des Indiens n'eiuTent elle enchaînez. Ainfi il y eut peu d'Eipagnols de tuez , mais pluiicursdeblefiez. Quant aux Ind^u.-, parce qu'ils eftoient braves, qu ils attaquèrent Se Je défendirent avec vigueur ; il en mourut plus de neuf cens qui eftoien: la Heur des iujets de Vitachuco, que ce Barbare précipitamalheu-reufement. 11 fut auiîi caufe de la mort des quatre Capitaines que l'on avoit rerirez de 1 e-ftang , Se qui furent envelopez dans le malheur des autres. C'cft de la lorte que les foux Se les téméraires perdent les laees qui les

M

croyent, ou qui exécutent leurs ordes.

CHAPITRE XXVI.

Vrovinc-e d'Ojfachilé

A Prés la deffaite des Prifonniers , le Ge^ neral demeura quatre jours dans la ville de Vitachuco , à fe faire panfer luy & les autres bleffez , & le cinquième il prit la route d Oilachiié. Les troupes firent quatre licuës la première journée, & campèrent fur le bord d'un grand fleuve, qui fepare la Province d'Ofîachilé de relie de Vitachuco. Mais comme ce fleuve n'eftoit pas gayable , il fallut-drefTer un pont. Les Eipagnols amarrent donc promptement des planches,& ils les met* toient déjà en œuvre, lors que les Indiens parurent à l'autre bord de l'eau pour derTendre le paiTage. Si bien qu'on l'abandonna , 5c l'on fit iix grands traîneaux de plufieurs pièces de bois ; fur lefquels pafTerent cent fufeliers Se arbaîeftrîers, avec cinquante Cavaliers qui portoient les felksde leurs chevaux. Enfuite Soto commanda de faire traverfer cinquante chevaux à la nage , avec ordre de les feHer lî-tôt qu'ils feroient à l'autre bord. On commença donc a marcher dans Ja plaine > Se les

Indiens quittant leur pofte donnèrent le temps de drefTer un pont, qui fut fait en un jour Se demy. Les troupes paiTerent defîus, après elles trouvèrent des terres femées de gros millet, Se d'autres fortes de légumes, Se commencèrent à voir des maifons qui efeoient de ci Se de là dans la campagne , &: qui alloient à quatre lieuësdelà jufqu a la Capitale. ( "ette plice eitoit compoiée de deux cens feux, Se s'appelloit OiTachiîé'du nom du Cacique qui y demeuroit. De la ville de Vitachuco à celle-là , il y a dix lieues de plaine fort agréable.

Les Indiens d'abord n avoientoie faire te-fie aux Eipagnols ; mais lors qu'ils les virent dans les terres eniemencees, ils retournèrent fur eux , Se fe cachant derrière les millets , ils" leur tirèrent quantité de fk ches, Se tàch à Le* mettre en déroute. Ils en bieffe plusieurs -, mais les Chrétiens Irritez de 1 attaquez y les poufferent, en firent queiq uns priionniers , en percèrent la plupart à coups de lances, Se les battirent quatre iieuës dur;

Comme les Eipagnols trouvèrent la Capitale d Ollachilc abandonnée , & que le Caci-

vec tous fa gens s efïoit fauve 5 le Ge-

nei 1 luy àépécha. des Indiens de fes fujets,

er de faire amitié avec les Chre-

. Mais il ne fit aucune réponfc 7 Se

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rnefme ceux qu'on luy avoir envoyez ne retournèrent point. Cependant les troupes qui ftjdurnercnt deux jours dans le pays , (e mirent en erhbùfcadé , attrapèrent plufieurs Barbares qui leur'rendirent de fort bons 1er-vices , & qui citant pris leur témoignèrent autant de bonté qu'ils leur avoient auparavant témoigne eTaverfîon. Voilà ce qui arriva de plus conlîderable dans la Province d'OflachiÙ

CHAPITRE XXVII.

De la ville ejr ie la maifon du Cacirre Cfa~ ckilé , & des Cap: ait s des autres VfQ.viv.ces.

LAvil'c & la maifon du Cacique Oïïa-chile, font Jemblabie; à toutes ce,les des ^ Caciques de la Floride. C'elt pour-quoy fiuis faire une defcrip:icn particulière de cette place & de cette maifon , il fembîe à propos de donner 'eulement une idée générale de toutes 'es Capitales, & de toutes 1 es maiions des Seigneurs du pays. Jediraydonc que les Indiens tâchent de pi ccr leurs villes fcr des endroits élevez ; mais à caufe que dans la Floride, il fê rencontre rarement de ces fovtes de lieux , où 1 on puifle trouver ks

commoditez nccefïaires pour baflir , ils élèvent eux-melmes des éminences en cette manière, ils choilillent une place où ils apportent une quantité de terre , qu ils élèvent en une elpece de plate-forme haute de deux ou trois piques , Se dont le defliis efl capable de tenir dix ou douze , quinze ou vingt mailons pour loger le Cacique , avec fa famille Se toute fa fuite. Ils tracent après au pied de cette hauteur une place quarrée conforme à l'etenduë de la ville qu'ils veulent faire , Se autour de cette place les plus confiderables baitilTcnt lears demeures. Le petit peuple ib loge de la mefme forte ; & ainli ils environnent tous la maifon de leur Seigneur. Pour y monter ils tirent en droite ligne des rues de haut en bas , chacun de 15*. ou vingt pieds dé large, Se les joignent les unes aux autres avec de groffes poutres qui entrent fort avant en terre , & qui fervent de murailles à ces rues. Enfui te ils font les efcaliers avec de fortes folives qu ils mettent en travers, qu'ils ai-femblent & qu'ils efquarent, afin que l'ouvrage foit plus un y. Ils éloignent les degrez de ces efcaliers de lept ou huit pieds des uns des autres ; de forte que les chevaux les montent Se les decendent fins peine. Du refte, à la re-ferve des efcaliers , les Indiens efearpent les autres coftez de la plate-forme ■> auili 1 on n'y

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peut monter > Se le logis du Seigneur eft alTcs

fort.

CHAPITRE XXVIII.

L'Auteur prévient quelques difficulté*..

AYant que de palier outre , il eft a propos de prévenir ceux qui pourroient Aire , que dans Les autres hiftoires des Indes Occidentales, on ne void point que les Indiens ayenc dit , ou fait des choies dignes de mémoire, comme le parodient celles que j'ay importées. Que mehne on croit communément , que ces peuples iont gro(Tiers, & qu'ils-n'ont aucune conduite , loit dans la paix , loit dans la guerre. Qu,*auîfi, ou que j'ay particulièrement eu deilein de lo-iier les Indiens,. parmy Iciquels j ay pris naillance , ou que je me fuis vainement piqué de faire paroiftre de leforit aux dépens deia vérité. Je reponsque la créance de certaines pcrfor.nesque les indiens ne font pas intelligcns, Se qu'ils ne içau-roient ie gouverner dans les affaires importantes , eit mal-fondée , Se contraire à ce qu'en raconte Acoiïu * Auteur tres-dignc de foy. D'ailleurs je n'avance rien que fur le ra-

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1 V. l'Hirtoiit des Iûùcs , 1. 7. c, u

port d'un témoin oculaire Se exa& , qui revit avec foin ia relation, qui y ad jouira ce qu'il avoit oublie, Se retrancha ks choies dont il n'avoit pas vu toutes les particulari-tez y ii bien que le copiant feulement, je puis-aiTeurer que dans cette hiftoire, il n'y arien que de véritable. Je. luis de plus ennemy des Ecrions, Se de tout ce qu on appelle Roman* Quant à ce que Ton peut dire , que je loue a-vec palîïon ceux de mon pays , c'eft une erreur. Car bien loin de rien exagérer, il m'eft knpoilible de mettre dans leur jour les veritez qui s'offrent icy en foule. Mais je rejette la faute de mon peu de capacité far les guerres civiles , qu il y eut dans les Indes durant ma jeunenc j les lettres alors ne furent plus cultivées T Se l'on s'appliqua feulement aux armes* On apprenoit à bien piquer un cheval , Se. je m*abandonnay à cette exercice avec quelques-uns de mes compagnons, qui y ont acquis beaucoup d honneur, Se lont deyenusde très-bons hommes de cheval. Mais depuis y connue les choies ont change de f?xz, les lettres fleuriifent aujourd huy dans les Indes, 5c les. Jefuitcs y ont étabîy tant de Collèges, que l'on s y paiTe facilement des Univeriitez d Ek pagne.

Du refte , pour continuer à faire voir que je n'écris rien qui ne foit véritablement arri-

vé. Je airay que parlant un jour des réporr-fes pleines de bon kns, que les Indiens avoient faites au General ; je témoignay à celuy qui

m avoit donne cette relation , qu'en auroit p.ine à les croire. Ii me repartit, qu'il importait de defabuLr le monde touchant les peuples des Indes Occidentales; & que jelçavois moy-meime > qu'il y avoit dans ces pays, des perlonnes d'un jugement folide , & d'un excellent efprit , qui ie conduifoient fagement dans la guerre Se dans la paix , 8c qui raifon-noient très-bien fur toutes fortes d'affaires. Que je pouvois donc écrire hardiment les cho-fes dont il m avoit afleuréj & que quand je parlerais avec autant d'éloquence que les Orateurs les plus fameux ; mes paroles n'ega-leroiert jamais la grandeur de courage, ny la beauté des actions des Indiens. Que l'on crût, ou que l'on ne crût pas ce que je dirois-, je ne pouvois fins faire tort aux habitans des Inde cacher par une lâche complailance leur valeur à la pofierité. Mon auteur me répondit c chofes-ia 5 - Se je les raporte pour faire coi noiftre aux honnefres gens, que juiqu icy |ay écrie avec beaucoup de fincerite, & que dans la fuke de cette hiiloirc , je n-avanceray rien que de véritable.

Fin ùufiand Livre de la Floride»

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HISTOIRE

DE LA

FLORIDE,

LIVRE III.

Ce qui fe paffa entre les Efpagnols & les: Indiens dans la Province d : Apalaché.

CHAPITRE I.

Arrivée des Troupes en Apalaché.

Ur l'afleurance qu'eurent feff Efpagnols, qu'ils n'eftoient pas loin de la Province d'Apalaché, dont on leur avoit conté tant dt merreiflès y que la terre en eftoit admirable pour fi fertilité & le peuple trcs-vaillant; ils fuppîierentle Ccneral de les mener en quartier d'hy ver dans cette Contrée i

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-T4 Hijiotre de là Ftcride.

ce qu'il leur accorda facilement. Ils marchèrent donc ver- i Apalache , Se après avoir fait en àroîs jours 12. lteûës, fans trouver aucune habitation , ils arrivèrent le quatrième fur le mi-ly prés d'un marais large dune demy-lieuë, Se long à perte de vi.ë. il eitoit outre cela bordé des deux coflez d'ure foreft, où les ronces & les buiflbns fe joignant aux troncs des grands arbres, en rendoient l'entrée difficile. On ne pouvoir en effet aller au marais que par un chemin Ci eflroit, que deux hommes a voient de la peine à y pafler de front. Avant que d'y arriver, les troupes fe campèrent dans une plaine; mais comme il eftoitde bonne heure , le General commanda deux cens fantailms avec trente Cavaliers, pour aller reconnoiftre le pafTage. Il ordonna auin à douze excelîens nageurs de fonder le marais , Se de bien remarquer les lieux , afin qu'on s'y puft exnofer le lendemain avec alternance. Tous ces foidats obéirent auiïi-tôt ; mais à peine furent-its dans la foreft , que les Indiens leur disputèrent le pafiage; Se comme le lieu eftoi: (erré, il n'y eut que les deux premiers de chaqufi partyquipulfentcombattre. Les deux E fpagnois les mieux armez mettant

;.i main , : à la teftt

autres, Se lefoûant : Luxfufe!ier>>

& deux arbdleftricrs, ils donnent avec vi-

gueur fur les Barbares, les pouffent !e ftrfrg de la foreft , Se les obligèrent de fauter âaris l'eau. Là les Indiens font ferme y \h combattent courageufement -> de forte qu'i! y en eut de part Se d'autre pluiïeurs de bleifcz & de tuez y ce qui empêcha qu'on ne puff. recon-noiftre le marais. On en avertit le General , qui vint avec les meilleures de fes troupes. Les ennemis recoururent auiïi , & le combat s opiniaftra ; les Indiens 5c les Efpagnols dans l'eau juiqu'à la ceinture, Se parmy les ronces, lesbuiifons, les arbres & les pierres qu'ils ren-controient par tout. Néanmoins nos gens déterminez à mourir , ou à reconnoifîre le p.uTage , prirent cœur de plus en plus, Se Jurmontant tout obfb.clc , ils pouffèrent les Barbares jufqu'a l'autre cofté de l'eau , & trouvèrent qu'il eftoit aûe de lapaffer à çué, excepté au milieu où il y avait environ quarante pas qu'on traverfoit fur des poutres. Ils virent aufli de l'autre Coûé de l'eau , une fore î"t tres-epaiffe, que 1 on ne pouvoit palier que par un défie , & il y avoir, tant au marais que dans les foi'efts qui cfioicnt deçà Se de là, 1 e lieue Se dcm'c de traverfe. Comme le rai eut recornu le chernûl , il retourna fers fes trotrpes pour les encourager à vaincre les difficulté* qui le preferïtoient» Il prit le conieil de fes Capitaines, fur h manière dont

il le devoir conduire , & ordonna à cent Cavaliers de mettre pied à une , de prendre tous desrondaches, 3c de marcher devant a-vec ordre à deux cens hommes, tant arbale-ftritrs que fùfelicrs de les ioûtenir, & d avoir chacun des haches , afin d'ouvrir un endroit du bois qui eftoit de l'autre cofte du marais. Car les Eipagnols eilant obliges de défiler par un lieu, où on leur pouvoit aifément fermer le paflage, il crut qu'il leur feroit impolTible de traverser de jour le< deux forefts. C'eft pourquoy il les fit camper dans la féconde , pour ne les point expofer de nuit aux embuf-ches.des Barbares.

CHAPITRE II.

Pujfagt du Marais.

AUiIi-toir. que le General eut donné Cqs ordres, chaque fbldat prit du millet cuit pour un four, Se ils marchèrent environ deux cens les plus braves de 1 Armée. Comme ils a-voient envie de furpiendre les Barbares , ils s écornèrent fans bruit deux heures avant le jour , par un (entier qui les condutut ji-iiques au pont, qu'ils païTerent (ans refifiance. Les Indiens n'avoient pas eu foin de s'-n rendre

mail

maiftres, dans la créance que les Ëfpagnois ne s'expoferoient point de nuit parmy les bois. Mais lors que le jour parut, & que les Barbares virent leurs ennemis paîTez , ils s'avancent avec de grands cris 5 Se au defefpoir dû iie seitre pas plùtôi: fains du païfage , ils fondent de furie fur eux, pour deffendre un quart de lieuë de marais qui refloit à traverfer. Les Chreftiens de leur codé les reçoivent avec courage, Se fe battant Se les uns Se les autres dans leau > nos gens les preiïcnt fi vertement qu'ils les pouilent dehors , Se les enferment dans le défilé de la foreft qui eftoit au de là* Les Eipagnols qui virent lès Indiens em-barraffez, résolurent que cent cinquante fol* dats feroient une eiplanade pour camper y Se que n'y ayant point d'autre route que ce défilé , les autres cinquante en dcfTendroient le paifage , Se empécheroient que les Barbares ne vinrent charger les travailleurs. On exécuta auifi-toil: cette refolution. Cependant les Indiens qui ne pouvoîent tirer fur les fol-» dats, tafehoient de les effrayer à force de cris* Mais les Efpagnols ne 1 aidèrent pas de &i C leur devoir , les uns deffendoitiv le paifagC du dehle , les autres abattoient du bois, & quelques-uns brufloient ce qu'il y en avoitd^ coupé pour nettoyer la place.La nuit les •ayant furpris dans ce travail, ils demeurèrent:

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#4^ iïfîeire de ta Tloridel

chacun à leur pofte, & ne purent dormir à caufe des hurlemens continuels des Barbares. Comme il fut jour , le refte des troupes commença à marcher , fans que l'ennemy s'y oppofaft. Mais la difficulté du chemin, & les ronces qui s'y rencontroient , les incommo-doient de telle façon , qu'eftant obligez de défiler , ils ne parent arriver qu'au lieu où Ton avoit abattu du bois. Ce fut la que toute la nuit les Indiens les tourmentèrent de leurs cris , Se fur tout ils donnèrent 1 alarme à ceux qui defTendoienc le paffage , aulquels on a-voit loin de faire tenir des vivres de main en main. Au melme temps que le jour parut , ris marchèrent tous en diligence par le défilé de la foreft, & chaflerent devant eux les Indiens -, qui après avoir tiré, fe reculaient peu à peu, & ne lainoient prendre du terrain qu'autant que l'on en pouvoit gagnera coups d'epée.

LesEfpagnolstrarerferent de la forte-cette féconde foreft câpres quoy ils entrent dans une autre plus claire , où les ennemis ayant liberté de s'eftendre , les incommodèrent extrêmement y car ils les prenoient de tous co-ftez. Les uns attaquoient, les autres le pre-paroient au combat , 6c ne donnoient point que leurs compagnons ne raflent retirez, afin de ne fe pas blefïer les uns Le* autres par la

Itvte troiJSémei tJ^f

multitude des flèches qu'Us faifoient pieu* voir.

Mais encore que les arbres de cette dernière foreft j où les Indiens & les Efpagnols eftoient venus aux mains, ne fuffent pas Ci preffez que ceux de la première > les chevaux pourtant n'y pouvpient courir qu'en certains endroits, Se cela rendoit les ennemis plus hardis. Ce qui leur augmentoit auffi le courage, eftoit la viftefîe prefque incroyable avec laquelle ils lafchoîent leurs flèches. Un Indien avoit tire fix ou fept fois,avant qu'un Eipagnol eut tire Se rechargé. Les Indiens en effet l'ont fi adroits à manier l'arc , qu'à peine ont-ils tiré qu ils iont prefts à recommencer.

Les endroits de la foreft, où les chevaux pouvoient courir eftoient de petites éminen-ces. Mais les Barbares les avoient embar-ralTces de longues pièces de bois, Se -avoient fait aux lieux où il leur eftoit impoliibled'a'Jcr, des entrées & des forties, afin de donner fur les Elpagnols fans en pouvoir eftre mal-traitez» Les Indiens avoient quelques jours auparavant fongé à toutes ces choies. Ils fçavoient que la foreft du marais eftoit lerrée , Se qu'ils n'y pourroient beaucoup incommoder les Espagnols. De plus ils coniïderoient que dans le bois où ils le trouvoient ils remportaient quelque avantage fur les Chrcftiensj 3c dans

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ccre vue ils avoient recours aux rufes pour ks blefler , ou pour les tuer tous. Nos gens de leur coftétârhoicnt d'éviter les embuiches qu'on leur dreflbit, 8c voyant que les chevaux leur cftoient mutiles, ils penfoient feulement à fe defTendre. Les Indiens qui recon-noiïfoient cela , s'erTorçoient de pllis en plus de les mettre en déroute. Us s'encourageoient encore par le fouvenir de ce qui s'eftoit palTé dix ou douze années auparavant. Us avoient detfait dans le même endroit Narbaez , Se ils menaçoient les troupes de Soto de les traiter de la même façon. Nos gens furent tourmentez de cette forte là pendant deux lièuës , 5c arrivèrent après en rafe campagne ; où lors qu'ils eurent rendu grâces à Dieu de les avoir tirez de danger , ils le battirent à cheval avec beaucoup de courage Se de bonheur. Car en deux autres lieues de marche dans le pays découvert jufqu'aux terres femées, ils ne rencontrèrent aucun Indien qui ne fuit, pris ou <tué. Us ne donnoient fur tout nul quartier à ceux qui faifoient mine de leur relifter $ de forte que ce jour-là , il mourut pluiieurs des ennemi? -, $e lesEfpagnols vangerent glorieu-fçment, la défaite des gens de Narbaez.

CHAPITRE III.

Marche des Efpagnols jufques ÀJa Capitale*

A Prés toutes ces chofes, le General-avec Tes troupes campa dans une plaine, prés d'un village où commenç.oieiïtleshabitations*-. & les terres cultivées d'Apalaché. Mais les-Barbares qui ne penfoient qu'à tourmenter les Chreftiens , ne rirent toute la nuit que tirer & jetter des cris ; de forte que les uns 8c les autres furent continuellement lur leurs gar* des. Le jour venu , les Etpagnols-marchèrent par des terres femées de. gros millet, qui avoient deux lieues détendue oùTonrencoiv--troit pluiieurs maiions éloignées les unes des autres, fans aucune forme de village;- Les Indiens qui eftoient dans ces maiions, for-toient de furie lur les Chreftiens, Sctalchoienc de les tuer. Mais nos gens irritez de la.har-dieffe des Barbares-, les repoufToient. à travers champ , & les perçoient à grands coups de lances. Ils en venaient i cette extrémité^ afin de les réduire y mais fort inutilement. Plus les Espagnols montroient de valeur , 5c plus le courage des Indiens redoubloit. Enfin , après deux lieues de marche à

* >• Hiflolre de la Floride]

travers les terres cultivées, nos gens arrivèrent à un ruifleau très-profond , bordé de part & d'autre d'un bois fort elpais. Les ennemis qui s'eftoient retranchez en cet endroit, ly r attendoient les troupes pour les défaire. 'Mais il en arriva autrement qu'il ne fe l'étaient imaginé. Les Eipagnols-ayant recon-bu le pofte des ennemis , les Cavaliers les jnicux armez mirent pied à terre , gagnèrent! le paiTa^e l'epée à la main , & coupèrent à coups de haches 'es palilTades qui couvroient les Barbares, Se empéchoient que les chevaux n'avançaiTent.

Les Indiens alorschargerent rudement nos-gens y dont plulleurs turent blelTez , Se quelques-uns tuez. Le paffage eftoit fafcheux, 80 les ennemis qui elperoient vaincre > faiioient un dernier effort a caule de l'avantage du lieu. Néanmoins ils eurent du malheur , les Eipagnols donnèrent avec tant d'ordre Se tant de courage, qu'ils les forcèrent lans perte que de fort peu des leurs. Enluite ils firent encore-deux lieuirs à travers les terres cultivées ; mais-les Indiens qui apprehendoient les chevaux , ne les attaquèrent pomt. Les Eipagnols fc logèrent donc dans la plaine ; elperant qu'en-» fin la nuit ils prendroient quelque repos. Toutefois ils furent fruftrez de leureipcrancc*. tes Indiens à la laveur de l'oblcurité, leur

donnèrent lans celle l'alarme ; afin defoufte-nir leur réputation , Se de paiTer pour braves dans l'elprit de leurs voilins. Le matin corn* me les troupes marchoient, on fut averty par les prifonniers que "l'on n'eftoit qu'à deux lieues de la Capitale & que le Cacique avec un grand nombre de Tes fujets, y attendait les Chreftiens pour les combatre. Le General au mefme temps détâcha deux cens chevaux avec cent fantalîlns, il s'avance vers la ville , 8e commande que fiir la route on rafle main baiTe par tout. Il arrive dans cette place, il la trouve abandonnée, Se que le Seigneur s'en eftoit fiiy. Mais fur la nouvelle qu'il n'eftoit pas loin, il fe met à le chercher , court deux lieues aux environs de la ville, tuë Se fait prifonniers pluiieurs. Indiens y fans qu'on puft: attraper Capafi. C'eft ainfi que le Cacique d'Apaîaches appelîoit, Se c'eft lepremier-qui jufqu'icy n'ait pas porté le nom de fa Province. Le General defcfperant de prendre ce Barbare, il rejoint l'Armée qui eftoit dans la Capitale. Cette place avoit deux cens cinquante, maifons, Soto prit pour luy celle de Capafi au bout de la ville, Se plus élevée que J$:s autres.

La Province d'Apalaché a outre un grand' nombre d habitations éparfes çà & /à dans la campagne, pluiieurs villages de cinquante Se

fojxante feux chacun, dont les uns (ont clof---gnez des autres d'une lieuë, & quelquefois-dc deux ou de trois, la lîtuation du pays eft agréable. On y trouve plusieurs eftangs. On y pefche toute l'année r & Jes habitans font provifiondepoiilonpour leur nourriture. La contrée ne laiflè pas délire fertile en toute autre chofe. Soto Se les gens eurent auhS une fenfible jo.ye d'y eftre arrivez. Car fans- parler des vivres qu'ils y trouvèrent , ils- acquirent •beaucoup de gloire dans les combats qu'on y donna. Je les raporteray pour faire connoi-ftre la hardieiTe des Indiens Se la valeur des-Eipagnols..

CHAPITRE IV.

Qn va veconnvijïre le faj/s.

APr x s que l'Armée fe fut rafraifehie quefc ques jours, Soto envoya dés troupes fous la conduite de Tinoco, de Vafconcelo,5c d'Aniafco , pour reconnoiftre la Province d'Ap;ilàchc avec les contrées voiïinc>. Deux de eus, Capitaines allèrent par diverles routes quinze ou vingt lieues vers le Septentrion. Ils retournèrent L'un au bout de huit jours, Se l'autre de neuf $ Se dirent qu'ils a voient vu

pîufleurs villages fort peuples. Que la terre efto.it fertile, & qu'il n'y avoit ny bois ny marais. Aniafco raporta tout le contraire, qu il eftoit trcs-mal~aife de marcher dans le pays. Qu'il n'y avoit que des forefb Se des lieux ma-refeageux ; Se que plus on avançoit , plus les chemins eftoient difficiles. Nugnez dans fès. Commentaires dit prefque la, mefme chofe» Que la Province d'Apalachéeft pleine de marais , couverte de bois, fterile Se mal-peuplee. Cela erfe Vivement eft vray des lieux voilins de la mer 5 mais non pas- des endroits que le General envoya découvrir. Ce qui me con-. firme dans cette créance, eft que la plus grande partie de la relation de Nugnez ayant efté donnée par le> Indiens , ils ont rnalicieufement décrit leur contrée , comme un pays anreux & inacceiïible, pour ofteraux Efpagnols l'envie d'en faire la conquefte. J'ajoufte que les-geas de Narbaez , deJqucls Nugnez raconte les avantures, ayant eue battus en Àpaia hé; & mcfme la.plufpart y-cirant mon s de faim* ils ne purent entièrement découvrir ccite Province. C'eft pourquoy je n'avance rien que de certain de l'endroic d'Apaîaché où a efte Soto ; Se ce que Nugnez raporte'de 5 - lieux de cette contrée , qui font aux environs delà «aer , elt auili très-véritable.

CHAPITRE V^

Découverte de la cofte.

LOrs qu'Aniafco alla découvrir la cotte de-la mer , qu? n'eftoit pas à trente lie;iës d'Apalaché , il prit cinquante fantallms Se quarante Cavalfers. îl mena aufîi Arias Go-mes , foldat vaillant & expérimenté, qui dornoit de bons confeilf , nageoit fort bien, Se trouvoit moyen de faire reûflir les entre-prifes que l'on tentoit lur mer Se fur terre*. Arias avoit eflé efclaveen Barbarie, Se avoic fi bien appris la langue du pays, que s'echa-pant d'entre les mains des infidèles, il le rendit à une frontière oùeftoient les Chreftiens, (ans que les Maures qu'i-i rencontroit, Se aufquels il parloit, s'apperceuifeut qu'il ftift eflranger. Ce Cavalier Se les compagnons tirèrent vers le Midy , guidez d'un Indien qui s'eftoit volontairement orïert à cela, Se qui leur témoignait beaucoup daffecloin. Ils-firent en deux jours douze lieues, ils paflerent deux petites rivières, Se arrivèrent heureufe-ment au Bourg d'Autc * , qu'ils trouvèrent

* Les Carres mettent Auté plus loin , mais le vo>agc cft. bien aufli crovable o.jc les Canes.

abandonné & remply de toutes fortes de vivres. Ils en prirent pour quatre jours, & continuèrent leur marche par un beau chemin. Mais enfin leur guide s'imaginant que c'eitoit mal tait à luy de !ej- mener fidèlement ? il les égara dans les foreits où il y avoit plufieurs gros arbres tombez , Se où l'on ne renco^i-troit aucune route. Il les fit auîii aller par de certains lieux qui eftoient tans bois-Sc fi pleins de fange , que ny les chevaux ny les hommes ne s'en pouvoient tirer. Ce qui les incom-rnodoit le pius, eftoit une grande quantité de grottes ronces qui traii noient par terre , Se qui leur faiioîent beaucoup de peine. Toutefois ils marchèrent cinq jours dans ces chemins , où ils foufrrirent des maux incroyables. Mais lors qu'ils n'eurent plus de vivres, ils retournèrent à Auté en prendre d autres , afin de continuer leur route. Et fur le chemin ils efïuyerent des travaux qui ne le peuvent décrire > à caufe que reparlant par les melmes lieux qu'ils étoient venus , Se la terre y eftant déjà foulée , ils s'enfonçoieht plus qu'auparavant. Au refte > tandis qu ils citaient égarez parmy les bois , ils fe trou voient de fors à autre fi prés de la mer , qu'ils entendoient le bruit des vagues. Mais aulTi-toft leur guide les éloignoit, & tafehoit de les engager dans des endroits ,

l^ Hiflobe de ta VÏotîàe'.

d'où ne pouvant fe tirer ils mo unifient tous de faim. Pour luy, il ne fe foucioit point de p îrir 9 an cas qu'il les envelopaft dans fa ruine» Néanmoins y ma'gré fà malice , ils retourne-à Aoté , accablez de lamtude & de faim, n'ayant vefeu pendant quatre jours que de racines. Ils fe rafraifchirent donc un peu, ils prirent des vivres pour cinq jours , & continuèrent leur découverte par des chemins encore plus décelables que les premiers.

Comme les Efpagnols repofoient une nuit dans les bois prés d'un grand feu , l'Indien qui les menoit, ennuyé d'eftre li long-temps à les faire périr , prit un tifon , Se en frappa un loldat au vifage. Les autres qui virent cette infolence > 1 euffent fans doute tué fans Aniafco , quijeur reprefenta qu'ils ne pou-voient changer de guide, & qu'il falloit ibuf-frir de celuy-cy. Enfuite ils le rendormirent, & l'Indien eut encore la hardieffe demal-trài-ter un autre foldat ; mais on chaftia la témérité à coups de baftons.Néanmoins il ne rentra pas dans fon devoir > & avant le jour il en bâtit encore un autre. Cette dernière inio-lence luy attira de fâcheux coups , &: le rit enchailner : Apres quoy > on ie donna en girde à on des plus robuit.es de la troupe > avec or-ire de 1 obferver foigneuiêment» Le jour venu, ils fe mirent à marcher, ralcnez

de

de la difficulté du chemin Se du procède de leur guide. Ce Barbare fe voylnt hors d'eftat de les perdre Se de s'enfuir, fe jetta en defef--peré fur ceiuy qui le gardoit , Se le faififTant par derrière , il le terrafTa & le mal-traîtta à grands coups de pieds. Les Efpagnols enfin irritez de cette rage, îuy donnèrent plufieurs coups d'épée Se de lance , dont il y en eutqui ne le blefîerent pas plus qu'une houiTiïre y Se l'on eut dit qu'il eftoit charmé. Àniafco fur-pris de cela fe levé fur les eïtriers, prend la lance à deux mains, Se luy en porte un coup de toute fa force ; Cependant encore qu'il fuft tres-robufte , il ne le blefla que leqere-ment. Defefperànt donc de luy pouvoir o-fter la vie , on l'abandonna à un lévrier d'attache , Se c'efi de la forte que ce perfide me-ritoit d'eftre traité. À peine fut-on à cinquante pas de luy , que Ton oùit le chien qui heurioit comme il on l'eut tué. L'on retourne Se l'on trouve le guide qui tenoit de les pouces les deux coftez de la gueule du lévrier, Se la luy déchiroit fans que le chien s'en puft dépendre. Un des foldats aulTi-toit donna au Barbare tant Je coups d'épée qu'il le tua , un autre avec un coufteau luy coupa les mains , qui eftant feparées du corps, tenoient encore fortement à la gueule du chien. Après nos gens continuèrent leur route. Se commande-

O

Î5§ Hijfoire de ht Tloriâel

rent fur peine^le la vie à un Indien qifîls £ voient pris , lors qu'ils retournèrent à Auté , de les conduire fidellement. Ce Barbare tandis que le premier vivoit ne les avoit jamais voulu fervir : il faifoit le lourd quand ils luy parloient, parce que l'autre l'avoit menacé de mort s'il répondoit. Mais lors qu'il fe vit délivré de Ton compagnon , & qu'il craignit quelques mauvais traitemens, il fît entendre par ligne qu'il conduiroit les Elpagnols à la mer , au mefme endroit où Narbacz avoit conftruit Tes navires. Que toute fois il eftoit .auparavant neceflaire de rebrouiTer chemin vers Auté, & que de là on prendroit la route. Mais comme les Eipagnols luy faifoient con-noiftre qu'ils eftoient prés dfr la mer , puis qu'ils entendoient le flot , il témoignoit que par le chemin qu'on tenoit, il eftoit impoiTi-ble d'y arriver, àcaufedesbois Se des marais. Ils retournèrent donc à Aute où ils arrivèrent en 5. jours avec beaucoup de peine. Ce qui les tourmentoit d'ailleurs eftoit l'inquiétude, qu'ils s'imaginoient que le General avoit de ce qu'ils demeuroient trop à leur découverte. Durant leur marche , Arias & Silveftre gagnèrent les devans, Se attrapèrent deux Indiens, aufquels ayant demandé par lignes s'ils les pourroient mener par la mer , ils témoignèrent qu'en cela ils les ferviroient avec h-

délité , Se ils fe raportoient au fentiment du guide. Nos gens pleins de joye& d'efperaiice de reuffir dans leur découverte, pafferent tranquillement la nuit ; Se lorsque le jour fut venu , ils prirent leur route à travers de grands chaumes par un tres-agréable chemin qui s'clargifïoit peu à peu. Toutefois ils y rencontrèrent un mauvais pas > mais ils s'en tirèrent facilement. De forte qu'au bout de douze lieues, ils fe trouvèrent fur le rivage d'un vafle Golfe qu'ils cottoyerent, [& arrivèrent enfin où Narbaez avait débarqué. Ils virent la place où il ht les ferrures de fes navires, Se trouvèrent beaucoup d< aux environs avec avoient ;. au:

Enfuite les Indiens montrèrent l'endroit ôà l'on avoi: tue dix (bldats de Nârbàez , Gc firent connoiitre par fîgncs & par paroi principales avantures de ce Capitaine. Car les habitans de cette code avoient retenu quelques mots d'Elpagnol, iîstâchoient mef-me chaque jour d'en apprendre davantage. Cependant Aniafco & Tes compagnons cher-: t avec beaucoup de foin dans le creux des arbres, Se fur leurs ccorces, s'il ne fe trou-voit point quelque mémoire , ou quelque c-criture ; c'a toujours efte la couftume de ceux qui les premiers ont découvert un pays^

O z

î tfo Hijhire de la Floride,

de laiffer des instructions qui quelquefois ont efté de grande importance. Mais- voyant qu'ils ne rencontroient. rien , ils fui virent la code du Golfe jufqu'à la grande mer qui ntn eftoit qu'à trois lieues.

Après , lors que la marée fat baffe , douze des plus excellent nageurs entrèrent dans des batteaux àdcmy-échoùez 5 ils fondèrent l'en-trée du Golfe , Se la trouvèrent capable de porter de gros vaiiTeaux. Ils en biffèrent des marques aux plus hauts arbres, afin que ceux quiviendroienten ces quartiers prifîcnt leur! meiures. Eniuite Aniafco retourna au Camp, où le General fut tres-ailè de le voir, & d ap-prendre qu ils aboient découvert un bon port.

CHAPITRE VI.

Tarty de trente lances pour la Province d'Hirriga.

TAndis que l'on eftoit occupé à découvrir la cotte , le General qui voyoit approcher l'hyver mit fes foldats en garniion. Et comme il fçavoitque Calderon ne faifoitrien dans la Capitale d'Hirriga , il luy envoya ordre de le venir joindre. CependantiifitamaG fer des vivres, & bâtir des rnaifons paur lu-

gcr plus commodément Tes gens. Il cômman* da aufli de fortifier la Ville d'Apalaché , afin de fe mettre à couvert des iniultes des Barbares , & il dépêcha vers Capafi avec des pre-fens pour le porter à la paix. Mais ce Cacique n'écouta aucune- prcpofition, 8c fe re~ trancha.dans une foreft très-difficile. Comme Soto perdit la penlee de le gagner, il ordonna à Anialco qui avoit du courage Se du bonheur , de partir avec trente lances pour Hirriga. Ce commandement fut rude y car le voyage efioit d'environ- cent cinquante Jieuës & l'on courok de grands dangers. U falïoit paflTer parmy dès peuples hardis, vaili lans 5c.ennemis déclarez ; Se franchir <Ies fleuves avec des marais tres-facheux. Toutefois,, malgré toutes ces confédérations les trente Efpagnols- entreprirent coiirageufemenr : le voyage, & firent de très-belles action?.. Mai? je les plains de ivavoir>qu'un Indien pour les raconter. Néanmoins pourleur rendre ce-que je puis, je raporteray les noms de ceux qur font venus-àmaconnoiflance. Juan de Soto* Aniafeo , Arias , Cacho , Atienfa , Cordtro*. Silveftre , Kfpinofi , Fernande , Carîllo , Atanaiio , Abadia; Cadcna, Segredo, A.rgo-te , Sanchir , Pechado , & Moron. Geluîî-ci avoit le nez 11 fin , qu'il eventoit mieux çhien de chalTe. Car-allant plufiçurs fois uans-

P 3

\6^ Hiftoire de la Vloride.

l'iile de Cuba chercher avec Tes compagnons des Indiens qui s'eftoient revoirez, Se qui a-voient pris la 'fuite , il les fuivoit à la trace dans les buiiTons, dans le creux des arbres, Se dans les cavernes où ils s'eftoient cachez. Il leiatoit auiTi le feu de plus dune lieue., parce que fouvent fans avoir vu ny clarté , ny fumée , il difoit à ceux qui l'accompagnoient qu'il y avoit du feu près d'eux , Se il ie trou-voient à dcmy-lieuë , ou à une lieue de là.

Ces trente lances partirent d'Apalaché le vingtième d'Octobre de l'année mil cinq cens trente-neuf. Ils eftoient bien montez , Se a-voient le cafque en tefte, le corfelet iur l'habit , la lance en main , avec quelques provisions dans leur valifes. En cet eftat ils forti-rent avant le jour, afin que les Indiens ne les apperçûflent pas, 8e ne s allailent point faifir des paiTagcs. Ils marchèrent en diligence, ils galopèrent meime forj fouvent, & tuèrent Jur le chemin quelques Barbares par qui ils apprehendoient d eftre découverts. Ils continuèrent ainfi leur route, Se arrivèrent au marais d'Apalaché qu'ils traverferent heureuie-ment. Comme ils avoient fait plus de treize lieues ce jour-là , vingt Cavaliers le repofè-rent, & les autres veillèrent de peur de fur-prife. Après ils marchèrent douze lieues par le pays defert, depuis le marais d'Apalaché

jufqu'à la ville d OïïachLe.

Mais dans la crainte de lire vus , & qu'on ne leur gagnait les paflages ,^s-firent aire vers le loir , Se traverferent Jiir leSiinuitOiTaciiilé au petit galop. Une lieuë au de là , ils s éloignèrent de leur route pour prendre le reite de la nuit un peu de repos, & le tinrent iur leurs gardes à leur manière. A la pointe du jour, ils le remirent au petit galop , a caufe qu'il y a voit du monde par les champs, Se qu ils crai-gnoient d'eitre découverts. Ils coururent cinq lieues , de l'endroit où ils le repoferent jufqu au fleuve d'OiTachije, Se fatiguèrent extrêmement leurs chevaux. Mais lors qu'ils approchèrent de ce fleuve , Silveftre prit les de vans, & comme il vit que l'eau n'eitoit pas li gro(Te que quand les troupes la traverferent , il Je jetta dedans , & gagna heiireufc. ment l'autre bord.

Aniafco Se tous les autres le fui virent, & dès qu ils furent pallez ils repurent. lis continuèrent enfuite leur chemin au petit pas ,<Se firent quatre lieues depuis cette rivière juiqu a. Vitachuco , où appréhendant deftre obligez de le battre contre les Indiens, ils relolurent de piquer à toute bride j mais lorsqu ils forent dan; certe ville, leitat.où ils la trouvèrent les rafleura. Elle eftoir abandonnée, Lsmai-ions ruinées entièrement, Se l& rues jonchées

de Barbares tuez *. Les Indiens détruifîrcnt de la forte celte place, dans la penlee qu'elle eftoi: mdheureulb. Ils taillèrent aulTi les mort? fans fepulture , parce qu'ils les regardaient comme des miferabl'ès qui n'a voient pu exécuter leur deifein , Se qui dévoient eftre la proye des Beftes j çhaftiment dont ils punif-fenteeux qui ont mal-réùfll à la guerre. • Le party edoit à peine hors de Vitachuco> : qu'il rencontra deux Indiens qui chafloient , Se qui avo'ent l.air dé gens de qualité.Gomme ces Barbares virent les Chreftièna , ils le retirèrent feus un noyer ; ma * s ^ un deux ne croyant pas élire en feuretc , s'enfuît vers une foreft du cofl.edu chemin, deux Cavaliers-prirent les devans, 8t l'attrapèrent. Pour l'autre Indien qui avoit du coeur, la fortune le favori! a. Car tenant la flèche pôfee fur forr arc , il Rt tefte aux Cavaliers, Se les menaça de tirer s'ils l'approchoiènt. Quelques-uns irritez de fa hârdîéfljb , voulurent l'aller percer à coup; de lances;

Mais ÂniaTco ieur dit qu'il cftoit indigne d'eux de vouloir ouer la vie a ce téméraire 9 Se qu'au liéil où ils fe trouvoient, ils ne de-v ie it p iït s ex] oler à le faire bL-fTer ny tuer. Ainflil les de tourna du chemin qui-

* Ce:: ju ceui ^ oairiaiTacu , ioxs que Viuchuca fat Uié.

eftoit 'prés du noyer, & leur commanda d'avancer au petit galop. Le Barbare cependant leur preientoit ion arc à meiure qu'ils dérlloient ; puis il commença à- leur crier qu'ils efloient des laiches de ne l'avoir olé attaquer., Se ils leur dit pîufieurs autres injures accompagnées d'orgueil &■ de menaces. A la voix les Indiens de cofté Se d autre de la route accoururent, Se fe mirent a sappeHer pour leur couper le paiîage. Toutefois les trente Efpagnols fe tirèrent de là, Se arrivèrent dans une plaine où ils prirent un peu de repos. lis firent ce jour-là qui efroit le troiiïeme de leur marche dix-iept lieues, Se le quatrième autant par la Province de Vitachueo. Mais les peuples de cette contrée indignez de ce quîs'e-ftoit pane , tafcherent à vanger lur eux la défaire de leurs gens. Ils dépêchèrent du monde pour avertir de la rouie des Ghreftiens , afin qu'on fe iaiCfldesavenues. Les Cavaliers qui découvrent cela*, piquent à toute L>ridc , attrapent tes MeiTagei£&" en tuent fe pt à coups de lances. Ils arrivffent ce jour-là kir le loir dans une très-belle plaine j où n'entendant aucun bruit ils repolirent quelque-temps. Ils partirent de là après minuit*-y flfcau lever du Soleil Ik avoient fait cinq jî'cnës , Se eftoient venus au fleuve d'Ocaly. Ils croyaient le rencontrer moins gros que de cpuftume 3 maifi

ils trouvèrent l*eau déboïdée,rapidequi tour-noit en beaucoup d'endroits , Se marquoit le gouffre qu'elle c-vuvroit. Les ennemis d'ailleurs accouroient aux bords du fleuve, Se s'encourageoient par des cris les uns les autres pour en défendre le palTaçe.

Les Efpagnols alors confiderant le danger qui les menaçoit , & que pour échaper il ne falloic pas perdre le temps en de vaines délibérations , nommèrent douze d'entre eux pour gagner l'autre bord, afin de Iesfavorùer lors qu'ils paneraient. Ils ordonnèrent aulli que quatorze couperoient des branches, dont ils feroient des traimeaux pour mettre leur équipage, avec ceux qui ne pouvoient nager, 3c que les aut: voient aux Barbares qui

accouroient pourempefcher qu'on ne traver-iafr. Cet ordre donné, les douze Cavaliers refolurent ce mourir , ou de venir à bout de leur deflein. Ils pouffent leurs chevaux dans le fleuve, le cafque en tci°ce,.la cotte de maille iur. la chenufe , avec la lance en main , Se onze gagnent heureuieÉfent une ouverture à l'autre bord. Cacho leul n'y put arriver , à caufe que ion chuval n'eut pas la force de rompre la violence de le.au. Il fut donc contraint de ie laifïèr aller le long du fleuve pour chercher quelque fbrtie. Comme il n'en trouva poinc il ië vit forcé d implorer le leçours de

fes compagnons qui coupoient du bois. Quatre fe jetterent dans l'eau Se le fauverent. Mais 1 aillons ces Cavaliers, Se coniïderôns ce que fait le General en Apakché.

CHAPITRE VIL

Trifc de CaP a fi.

SOro ennuyé de voir ces Barbares à les troufTes } crut que s'il pou voit avoir Ca-S y il les reduiroit fans reine. Il s'enquit dohe avec .foin de fa retraite, & il apprit qu'il eftoit àhuit lieues de l'armée dans une épaule foreft , où il penfoit eitre enfeureté, tant à -caufe de la fituation du lieu que des marais, Se des gens qu'il avoit pour le detfendre. Sur cette nouvelle le General prie des foidats autant qu il luy en falioit , il alla en peribnne pour le failir du Cacique ; après beaucoup de -travail il ib rendit en trois jours à l'endroit Je la foreft , que les Indiens avoient fortifié* Ceftoit une place dont ils avoient abatu le 1 >is 4 & où 1 on n'abordoitjque par une ave-. nue fort eftroite , & de demy-lieuë de long. Mais de cent pas en cent pas, il y avoit de bonnes palii ce des pieux , Se chaque

paliilàde eftoic bien le. Voilà le lieu

Y/rS Hifioire de la Flonde.

où Capafi s'eftoit retiré avec un grand nom^ bre de les fujcts , qui avoient reiolu de perdre pliîtofl la vie , que devoir leur Seigneur au pouvoir des ennemis. Enfin Soto eftant arrivé à l'avenue qui menoit au retranchement où edoit le Cacique , il trouva des gens déterminez à luy deitendre l'entrée j & au ïhelme temps il fit donner. Mais comme le chemin cftoit ferre , il n y eut que les premiers qui fe battirent , Se qui après avoir eiïliyé quelques coups de flèches , gagnèrent à la main, la première 5c la féconde pa-liiîade. Ils en arrachent les pieux Se coupent les liens qui les attachoient. Les Barbâtes tirent Se en blelTent quelques-uns. Les Efpa-gnols s'encouragent de plus en plus , avancent tefte bailfee juiqu'à latroiiieme baricade qu ils forcent, gagnent ainli toutes les autres, Si viennent pied à pied maigre la refiftance des ennemis , juîqu'au lieu où e (toit Capafi.

Les Indiens alors qui voyent leur Cacique en danger redoublent leurs efTorts, fe jettent a travers les épées 8c les lances , Se fe battent en defefperez. Nos gens de leur coure donnent avec vigueur , Se ne perdent point Je vùe ; Capafi , de crainte qu'il ne leur cchape. Le General fur tout fait paroifixe ion courage , combat en véritable Capitaine a la tefte des liens , Se les anime par ion exemple Se par

fes

îès paroles. Enfin les Barbares manqûans dermes dcffehfïvés plient, les Eipagiîolsfont un dernier effort, Se les taillent prefquç tous en pièces.

Le Cacique qui voit le carnage qu'on a fait de les fûjets, Se que ceux qui reftent ne le peuvent pkis dçfTendre , leur commande de mettre bas les armes, & au mefme moment ils viennent ernbrailer les genoux de Soro , & le cor? jurent avec larmes de pardonner à leur Seigneur-, & d'ordonner qu'on leur oite pie-vie que de luy faire aucun dcplaiilr, Le General touché de cette genërpfké le huila ir , à condition qu'ils demeureroient dans robeïflaiiçe,

Ciipafi vint ialiier Soto , qui le reçut fort

aient; tres-aiie de le tenir en Ion pou-

. Ce Cacique eftoit appuyé de qucUrues

Indiens qui l'aidoient à marcher , parce qu il

eûoic extraordinairement gros. Il ne pouvoir

ny taire un pas, ny le tenir fur fesrpieds ; de

: qu'on le porto it eau s un brancard par

où il vouloir aller , 8c dans la rnaifon il

beat à quatre portes. Cette } eianteiiç

fut cauie qu il ne put k t - kuu.

X

.CHAPITRE VIII.

JCdpdfi va peur réduire fes fujets & fe fauve.

A Prés 4a prife de Capafi , le General retourna au quartier , dans leipcrance que les Indiens ne harceleroicntplus les troupes , mais il eu arriva tout autrement. Irritez de la prifon de leur Cacique, & n efrant plus occupez à le garder , ils faifoient plus de de-fordre que de couftume. Sotcven colère de

Hfcela , fe plaignit à Carafi , que fes iujets mé-nfloient le bon traitement qu'on luy fai-foit. Que rneime à leur égard ils cdoient obligez d'en uiër d'une autre forte.* Qu'il n'avoit

•ny ravy lents biens , -ny ravagé leurs terres-&z que s'ils ne l'avoient attaque il n'auroit ja-jonàb permis qu'on eut bielle , ou tue perfon-

«Ui*.. Qu'âinfi il leur commandaft.de ne plus drefler d'embufehes aux troupes. Qu'autre-ment il leur feroit uue guerre ouverte , Se mettroitto.ut à feu,& a fan g. 'Qu'il coniîde-raft entin que^dans l'efrat où la fortune l'avoit

fednlt, les Indiens traitoient fi cruellement Igs

•Efpagnoh , qu'ils les pourroient obliger à quelque violence envers luy , Se porter la de-

.lolation dans ia Province.

Câpafîiepliqna avec reipect., Se apparanv nient avec reconnoilTance, q*iela conduite de : les fujcts luy déplaifoit d'autant plus, que depuis fa prifon , il leur avoit envoyé ordonner " de ne faire aucune infulte aux Elpagnols s mais que tout le-foin qu'ils e#oit donné pour cela avoir efté inutile. Qu'ils teuoient pour fuipeft; les mefTagers qu'il leur dépéchoit, S: ne pouvoient croire les bons trakemens qu'on luy failoit. Qu'au contraire ils leîima-gmoient plutôt charge de chaiines, oc expofé a-toutes lortes d mjures. Qu'il prioit donc le General de commander à quelques-uns de les fôldats, de l'accompagner julqu'à fîxlieues du Camp , en une foreft où il trouyçroit tous îrs plus braves de fes vaflaux. Que là il les ap-pelleroit par leur nom. Qu'ils viendioieut a . Que leur ayant raconté les faveurs qu'il avoic reçues, ils ceiïeroient tout a::e d hoiciliri , 6V. quec'eiloit l'unique moyen de

K

Le General, touche de cesraiionS, fit et -corter le Cacique par une compagnie clcCa- ■ Se d'Infanterie > jusqu'au lieu ou il al-cies lujets, 5c il ordonna fur ries de prendre garde au Bar-, [ce \U partirent avant le jour , Se c he vers le midy, ils a*? b Ai où les In .1 un s s efloient re-P -a

\-jî ÎJîjhîre de la Ilarldel

tirez. Le Cacique y fît aller auiTi-toft trois de fis gens. Mais à peine y furent-ils, qu'ils revinrent avec douze autres, aufquels ii commanda d'avertir les principaux de les flijcts , de !e joindre & de fe prefenter le lendemain devant luy , pai'ce qu'il avoit à leur communiquer des chofes qui regardoient leur gloire & leur intereft. Les Indiens entrèrent aulll-tofl «dans la foreft avec cet ordre. Cependant ks Efpagnols mirent des fentinelles par tout, ils repoferent la nuit, fatisfaits de la conduite ' de Capah, Se dans lapenicedereto/.rr.erglo-rieuiement au Camp. Mais lorsque le jour parut, ils connurent que la plus belle efperari-ce eft Couvent crempeufe -, ils ne trouvèrent plus le Cacique , ny pas un des Barbares qui S a voient accompagné. Surpris de cette a-vaaturc, ils iedemandoient les uns aux autres \ï manière dont la chofe s'eftoit pafîee ; <Sc comme Ton répondit qu'il eftoit impoflible qu'il fe fut fauve , parce que les fentinelies •aiTeuroient quelles avoient veillé toute la nuit y on crut que Capafi avoit imploré le fc-eours de quelque démon y Se qu'il tn avoit éfté emporté. Ce qu'il y a de certain eft , que les Espagnols citant fatigues s'endormirent , Se que le Barbare qui vit une belle oc-caOon de s cchaper, fe traîna fins bruit à quatre pattes 5 & que tandis qu'il fe fauvoit, il

trouva en èmbufeade quelquçs-ufrs de (es !■;-

jets qui l'enlevèrent. Le Ciel (ans doute Fh-vorila en cette rencontre les Efpagnoîs. Car ii dans le temps qu'ifs repofbient, les Indiens fuflent venus fendre fur eux, ils les-eurent é-;z. Mais tous tranipottez de joye /ils? ne longèrent qu'à mettre leur Seigneur en k\?~ retc 3 auiïi ils le cachoienttres-bien , & "on"!â chercha inutilement tout Je four. Du réf. 3-ils le contestèrent de le- moquer des Espagnols y Se de leur dire quelques injures, de* forte qu'on retourna au Camp fans péril ;. Mais dans la plus grande confuiion du mondes d'avoir laiffe échaper ie priionnïer. Qn s'ex-cuibi: fur ce que !a nuit qu'il s'ercoit fâuvé,l orir avoft oui un bruit extraordinaire, & qu'ayant* efte carde avec tant de-ichx > ii ralloit qu'un. Démon l'eut emporté.

General qui voyoït que la fauts-ue fè>

pouvait réparer , ne voulut faire auront j-

perionn:-. Il feignit dajoufler foy à tout ce

qu'on luv difbit 3 que les Indiens cfloient dd-

grands Sorciers-, & qu'ils failoient Jts cho-

- ^furprenantes. Néanmoins quelque

. mine qu'il tir , il rut ienfiblcmciit to.u~

» la négligence de ils pfliciers%

p î

CHAPITRE IX.

S*itt de /j nuirehc des trente: Uttces.

LOrs que le traîneau fut fait., les foMatfr „ te jutèrent dans 1 Ocaly avec de longues cordes, & deux nageurs en portèrent l'une . à l'autre bord à onze de leurs compagnons. Cependant les Indiens .accoururent a. eede grands cris •> mais ceux qui eitoient paiTez leur rehfterenî vigoureulemeiit ; Se après a-voir percé à coups de lances les plus avancez, , les autres n'oferent les attendre ; il bien que ]cs Efpagnols furent maiftres cela campagne. Au deçà du fleuve , parce que les ennemis n'c/l oient pas en grand nombre , il n'y a voit que quatre Cavaliers * qui leur fiilcnt tefte. Deux caracoloient vers le haut, & les autres rers le bas, à caufè que les Barbares ahor-doient de ces deux codez.

Ces Cavaliers les amuferent fi adroitement , qu'on eut le temps de traverier plusieurs fois avec le traîneau. La première, on porta les habits de ceux qui edoi^nt à l'autre bord; car n'ayant que leur cotte de maille

* L'Auteur répète que ks avuftS #Okipoicoi du bois, u.afo cela cû dit au cUà,

lur leurs chemîfes, il foufEoi:-un .vent:;..de Nord qui des geloit : La féconde fois, on paflfa leshamois & les values avec ceux qui . ne pou voient nager. La plulpart des autres impatiens dé ie battre traverierent lÇXcaiy a la nage 3 & à melure qu'ils palToient, ils ie joi-gnoient à ceux qui eitoient aux mains avec les Indiens. Si bien qu'il y demeura feulement au. deçà du fleuve deux Cavaliers des quatre qui foufienoient l'ennemy, & qui pailerent en cette iorte. Tandis que l'un taiipit entrer fon cheval dans le fleuve , Se s'accommodoic fur k traîneau ,. l'autre repoufToit les Barbares. Comme il vit qu'il les avo;t chaînez alfez loin , if retourne à toute bride-, deiie la corde qui attachoit le traîneau au bord, 5c . traverle ! Ocaly avec, ion compagnon- Les Indiens fondent de furie lur eux, mais inutile--rnept _, tout conlpiroit en faveur des Cavaliers.

Sur les deux heures, apres-midy , que les. Eipagnuls curent tous achevé de palier 5 ils prirent le chemin de la ville d'Ocaiy., pour foulaeer Caçho gelé de froid & abatu dciati-gués. Les Indiens qui Les apperçùrcnt, le

•arcrent à leur endefeudre ilsjue refiiterent que pour faypriferla retraite de leurs ïc.>s> Se lors qu'ils .furent qu'ils s'e-toient fauvez dans la forçfti ils le retirèrent.

ï7<> Hifiorre de la Floride. .

Les Cavaliers aulii-tot entrèrent Jans la ville, Se fe mirent au milie« dune grar.de ri ace dé crainte de fcrprifej s ils Te iogcoitntdans ks rnaiions. Après ils a t fumèrent Quatre grandi feux à quelque diftance des uns des autres, ôc dans cet efjpace ils placèrent Cacho. Ils le couvrirent d'habits, ils Juy donnèrent une chemiie dont il reçut beaucoup de foulagemcnt,& de-* meurerent là le relie du jour. Mais comme Cacho n'eftoit pas encore en efhrt de fuivre > Se qu'il y avoit du danger à -s'arrcfler pîa=? ■temps , à cauie. que les Barbares ie pou* voient afîèmbler pour leur couper chemin , ils redoublèrent leurs foins-, afin cfe-rétabli* prompte in en E1 sur compagnon. Ils rirent auiîi repSftre leurs «chevaux , ils réparèrent Lea hamois, Se prirent des pruneaux, des rainxiSjj 8c autres fruits leçsqu ils trouvèrent en abondance.

En fuite , lors qu il fut nuit , ?is poferent des vedetes > & battirent i'eitraue aux em i-rons , Scmr le minuit deux Cavaliers oùircnt un bruit:, comme de gens qui marchoient* L-un deux pique & en vient avertir la trt Ce-e; iant hântre demeure pour r ftre i jiv. nt ce que c'efioit , & ap-

p ' à la clarté dé la Luiîe un gros ci In*

dkrts qui-«s'fevanç it vers Ocaly, il court à toute l'i tdt endoitncr avlî. On mit jncoiui-

rvent Cacho à cheval', St-par-ce qu'il ne s'y pouvoit bien tenir, on l'attacha à-la ïêtte avec ordre a un Cavalier d'en prendre loin. Là-dellus ils partent & marchent avec tant de diligence , qu'a la pointe du jour ils avoitnt déjà fait lix grandes lieues-.

Ils allèrent de la forte lors qu'ils trayer-Aient des endroits fort peuplez , ils tuoient refîne ceux qu'ils trou voient pour ne point découvrir leur route , mais par les lieux in-hibitez ils- marchoien: au petit pssj afin- de donner haleine aux chevaux-, 3c de galoper en cas de befoin. Ce jour-là quieftoitle irxié-me de leur voyage , ils firent prés de vingt lieues, tant par la contrée d'Ocaly que par la Province d'Acuera. Le lendemain Atienfafut frappé de maladie , & quelques heures après* il mourut dans la marche fur fon cheval*- Ses compagnons qui ne s'eftoïent point arreftez pour le foulager , ne croyant pas fon mal dangereux , furent lenfiblement touchez que dans une conjoncture i\ "Êucheufè , là mort leur eultravy ce Cavalier. Comme la douleur en ces rencontres eft inutile, Se qu'ils dévoient promptement avancer , ils tirent une fofTe où ils enterrèrent Adcnfa, 5£ continuèrent leur route. Ils marchèrent ce jour-là vingt lieues, & arrivèrent au Soleil couchant au grand marais, Cç fout fans doute da, choies

fùrpgcnantçs que ces longues traites, & ceux qui n'ont pas efte preiens à la conquefte de la Floride «lurent peine à les croire. Néanmoins il n'y a rien de plus véritable , les Cavaliers rivent en fept jours cent fix lieues, qu'il y a d'Àpaîaché au errand marais. lis le trouvèrent il enflé que les eaux qui y entroient &-en-ior-toient avec impetuofre fembloient des bras flç mer. Pour moy je me trouve fi iurpris toutes les fois que je coniidere le travail des chevaux a paflèr ces fortes de lieux, que je croy qu'ils n'auroient pu endurer cant de fatiguer, h l'on ne les cuit nourris de gros millet; . LV.'age effectivement, en elt excellent Se donne de .nouvelles forces aux animaux qui en ngent. C ciî'pcurquoy les peuples du Pérou qui fe fervent de moutons pour bci.c charge , ne les nourriiïlnt que de cette forte "de légume, ce qui les rend vigoureux Se pro-_, à porter ia.pclàmeur d'un hocniVJ Les Cavaliers pa 'enc la nuit lur le

bord du marai> , & eurent h froid quiis fiu rc-ut contraints d'allumer p'ufieurs feux , Se cela leur ht craindre que les Indiens n« les apperçùu'cut ; car vingt feulement les tuffent empeichez de tra\ erfer. Us les auroient même tuez aifement-, parce que de leurs batteaux i!s pouvoien danger. N

gens d aille urs u'ayoicjut ny piûokts^ ny ar-

' livre troifiérxe. *79

baleftes, Se il leur eftoit impolïîble de s'ay-der de leurs chevaux. Ainii ils paiTerent la nuit dans une continuelle apprehenflon > 3c fc préparèrent au travail du jour fuivant.

C H A PU T Pv E X.

Cêttétmation du vov^^s des trente

lances jufqu'a Hirriga. <

LA nuit que les-Cavaliers-eftoient fur le bord du marais, Juan de Soto un de leurs compactions mourut de mort Jubite. Un autre à Tinitant melme s'enfuit , difant, que puis qu'ils mouroient il promptement'îa pefte . citoit parmv eux. Mais comme il quittent on luv cria qu il porteit c&xz. maladie avec luy-., qu'elle ne l'abandonnerait point en quelque -lieu qu'il aHafL Que d'ailleurs il eftoit éloigné de Ton pays, qu'il ne pouvoit oùs'arreiter, cv: feroit bien mieux de demeurer avec les au-très. Ces paroles l'obligèrent de fe rejoindre à ceux qui prioient Dieu pour Juan de Soto ; toutefois dans la créance qu'il eftoit mort de pcfle , il n'ola ayder à le mettre en te;

Quand le jour parut , les Cavaliers le mirent en cftat de travrrier le marais, & virent avec ;oye que l'eaueftoit abaiflïc. Huit^ien-

tre eux racommoderent Je pohr qui efYoir Cifeoit Se méchant > & pafTerent delfus portant les (elles de Leurs chevaux. Comme les chevaux ne pouvoient palier fur ce pont-, tous le dépouillèrent 8e les menèrent dans Peau , jui'qu'à l'endroit où il n'y avoir plus de pied. Mais à caule qu'elle eftôit trop froide, les chevaux ne vouloient point fe mettre à la nage* Pour les y obliger , on attachai leurs licous de longues cordes -, que quatre ou cinq des plus excellens nageurs tiroient juf-qu"au milieu de-l'eau , tandis que les autres les frappaient avec des boudinés. Toutefois c'efloit inutilement, car ils reculoient., Se ils le rtiflent plutoit laine tuer que d'avancer. Quelques-uns néanmoins à force de coups le jettoient à la nage , mais ils rebrouiloient promptemenr Se -entrainoient les nageurs, ians pouvoir eftrc arreftèz par Arias, Se les autres qui eftoient derrière. A la lin le cheval d A-niafeo pana avec celuy de Siîvefire. Et comme ceux aufquels i' tenaient eftoient de l'autre cofte , ils les ielicrent «Se ta >nte-ren: deOiis , pour élue en eftat d à lennemy sil venok efcarmotichêr. 11 y avoir déjà quatre heures qu'Arias radeseftoient dans 1 eau \

s. Si bi s ù-

■trojuvok

coi >ienc

commençoient à dcfefperer de leur vie.

Aniaico irrité de cette longueur s'approche à cheval auprès du pont , 8c mal-traite de paroles Arias qui ne pouvoir faire avancer les chevaux. Arias qui connoiffoit que ce ne-floit ny la faute > ny celle de les compagn ons, Se qui tro'uvoit fort eftrange qifaprâ les maux qu'ils avoien: ioutr^rts on en ufafl ainfi y répondit que c'eftoit mal agir que de parler ce la forte. Qif Aniafco de voit coniiderer qu'ils gel oient malheureufcincnt dans l'eau fàris pouvoir rien faire avec tous leurs efforts. Qu il mift iuy-même pied a terre , & qu'on verroit les merveiles qu'il feroit. Arias pouffa encore plus loin (on relientiment ; car lors qu'on eft une fois en colère on a peine à le modérer. En tin la liberté de ce Cavalier fît rentrer Aniaico cn'luy-mcme, oc l'obligea de condamner Ion humeur brufque , qui contraignit pluîicursfoîs à pcrdre'lc reipecl: qu'on luy de-'voit. Cela inftruit ceux qui ont quelque pouvoir dans les armées , Scieur fait connoiitfc qu'il faut gagner le fckiat par la douceur. Qu'en matière de commandement-l'cxomple cft plus puillant que tous tesdifeours. Et que fi l'on cft force de reprendre les pqrfonnés, on le faffe en des termes qui ne iont point OiTjnians.

Aniaico oc Arfas eftarit donc rci

Q

v?.i Jliftohedc la Floride.

continua de harceler les chevaux ; &: fur le milieu du. jour-que. le Soleil avoic plus de force Se temperoic la froidure, ils commencèrent à palier, mais h lentement qu'il eftoic plus de trois heures apres-midy avant qu ils fu fient de l'autre cofté. Les Espagnols alors fhiloient pitié, fatiguez , languiiîans, dépourvus généralement de. toutes choies. Nean^ moins il s prirent cœur eu con lîderation du péril qu'ils avoient paffé, & dont ils avoient eu tant de crainte. Car fi l'ennemy les eut attaques dans le paiuge , & qu'ils euflent cité o>-biigezde. combattre..., ils eftoient perdus. Mais par bonheur les Barbaresqie* parurent point, a caufe qu'allant prefque tout htids Thyver, ils ne fortent que très-rarement de leurs maiibns. Enfin , comme nos gens furent hors du marais.,.ils. campèrent tout proche dans une plaine , -ils tirent de grands feux , à caufe qu'ils avoient extrêmement froid , ils reprirent leurs forces peu à pen,& lerejoiiiû fant, parce que déjà juiqua Hirriga il n'y avoit plus de mechans chemins.

La nuit venue ils repoferent , Se avant le jour ils continuèrent leur route , lur laquelle ayant rencontré cinq Indiens, ils les percèrent à coups de lances , de crainte d'en cftre découverts , ili firent ce jour-là trerze lieues, Se s: arrc fièrent la nuit dans une belle plaine.

]\Iaîs le lendemain avant que le Soleil fut levé ils délogèrent, & pafïefent qu'il eitoit matin pçés d Orribaracuxi, où de peur des-habitais ils ne voulurent pas entrer. Ils marchèrent quinze licuës ce jour-la qui eftoit le dixième de leur voyage 3 & repolerent une partie ce la nuit à trois lieues de Mucoeo. Sur le minuit ils recommencèrent à marcher 5 Se au bout de ài-ux lieu es , ils virent du feu dans un bois à cafté de leur route. à-loron qui avoir fentî ce feu , leur en avoit donne avis auparavant, meime depuis leur en ayant encore-parlé, ils 1 appcrçiircnt preique auiïî-toit.

Les Efpagnols furpris d'une chofe fi extraordinaire allèrent droit à ce feu, Se trouvèrent aurour -pluiieurs Indiens avec leurs femmes & leurs enfans, qui faifoient roftir dupoiiïori. C eiioit des iujets de Mucoço^ néanmoins on les prit pour fçavoirii leur Seigneur avoient entretenu la paix. Car il fut r<& iblu que s'il le trou voit des plaintes contre luy , l'on euvoyeroit fes Iujets aux Havanes». On fondit doive à toute bride fur eux ; on eh va dix-neuf , -les autres s crfoncèrent la forelt, & ie iauverent àlafav. 1 oblcurite. Les piifonniert rec'amoient Ori ti>,5e sViîorçoLi'it de faire reflouvenir les I i des bons offices qu'on leur avoit

rendu* en la perfonne, ce oui ne fervit de ricin

a-

Cependant les Cavaliers voyant qu'ils ne pou-voient plus avoir d'Indiens, ils.fe mirent à. déjeuner du noiffon qui cftoit là , & que la faim dont ils cftoient prefTez leur fit trouver excellent, quoy qu'il fuft couvert de lapou-dre que les chevaux avoient fait voler deflus. Eni li e prenant une route qui alloit à la tra-Vvjfe , ils s'éloignèrent de Mucoço , Se au bout de cinq lieues , Cacho avoit recouvert fes forces. L'alarme que les ennemis avoient donnée lors que l'on eftoit à Ocaly , avoit fait une telle imprèïîion iur fon eiprit, qu'aidé de la vigueur de fon âge, il fe trouva gue-ry du mal que le froid & la fatigue luy avoient caufé 9 Se il fervoit auiïi vigoureusement que les autres. Mais fon cheval ne put pafler outre , & on le biffa dans un pré après luy avoir oité la felle Se la bride qu'on mit à un arbre y afin que fi quelque Indien s'en vouloitfervir, ' il eut tout ce qu'il falloit pour monter dcfïus. Après on continua à marcher , mais lors que l'on approcha à une lieuë d'Hirriga , où il y avoit quarante chevaux Se quatre-vingts hommes de pieds, la peur prit les Cavaliers,de voir qu ils ne rencontroient ny trace d homme, ny de cheval. Ils ne pouvoient s'imaginer que Calderon qui cftoit dans cette place ne fut pas .venu fe promener aux environs. Ils crurent donc ou que la garaifqn avoit cite

égorgée , ou qu'elle s'eitoit retirée fur les brigantins qu'on luy avoir 1 aillez. -Dans cette créance ils avoient de la crainte Se de la tri-fteiïè , le con{iùero:ent éloignez de l'Armée, depourveus de vibres 8c de vaifTeaux pour fe retirer par mer. Ils repafloient fur les maux qu'ils avoient fourlcrts dans leur voyage, Se defèlpêrôient de retourner jamais à Apalaché. Cependant parmy de h" racheuies inquiétudes ii refolurenc que s'ils ne trouvoient leurs gens à Hirriga, ils camperoient dans un lieu de la fbreit la plus proche où il y auroit de 1 herbe. Que tandis qu'ils fe delafTeroient, ils tuëroient les chevaux moins utiles, & qu'après les avoir mis par morceaux pour vivre iur !e chemin , ils tenteroient leur retour. Ils Je Ratoient que (1 on les tuoit, ils aurcien: du moins en mourant la confolatien de s'eitre mis en eftat de faire leur devoir ; Se que n* la fortune les fa-vorifoit ils auroient de la latisfaction Se de Thonneur. Là-denus ils continuèrent hardi-ment leur rouie , Se le rendirent a Hirriga. .

CHAPITRE XI.

Arrivée du part? À Hirriga. .

LEs Cavaliers arrivez a un petit marais à demy-lieue d'Hiriiga , trouvèrent quel-CL3

quespaffées de cheval>&tls en furent extrême-ment réjouis. Leurs chevaux meirne qui ne

Je peuvoient prelque fouftenir reprirent codur , ils flairoieut les pas qu'ils rencontrôlent , Se n'allant plus que par bonds , il ffcmbloit qu'ils fortifient de i'efeuric, Ainii les Efpagnols marchèrent en diiîgc-ncc., & arrivèrent au Soleil couchant à la vue d'Hir-riga* Quelques Cavaliers de la gamiTon<for-toient alors à cheval, pour battre î'eftraJe autour delà place, & alloient deux à deux la Jance en main*

Aniafco & fes compagnons qui les appçt-Çttrerit ic mirent dans le menue ordre; Se cornnfti fi c'eut efté pour courre en des rc io u ii-fances publiques , ils piquèrent au petit ça-lop à la rencontre les uns des autres ; ce qui fut tres-agreable. Au bruit qu'ils Jaiioier: , Caldcron Se lercflcde la garnifon fortirent Je la ville. Ils prirent plaûir à voir les cou ries d'Aniaico 5c de les gens, 5c les reçurent avec toutes ks marques d'une grande arlecn'on. Aniafco Se fo compagnons leur tcmoLn.icnt auffi leur joye ; 8c de part «Se d'autre on demeura long-temps à s'embraf er. Kr.k.'re faîis que la garinkHI s in Forma 11 de )a lante de Solo l OU de l'cfiat de l'Armée , elle s'enquit 1 feulement s'il îe trouvoit beaucoup d'or dans h Pro\ inec d'Aj aîache. Tant le deiir de ce

m.ctal a de puîûancë km feiprit-des hofhirkis 9 &4ëu| &it facilement oublier leur devouv

Le voyage d'Aniafco & de ceux eai.i'ac-ëojn'pagnojeht dar^t onze jours. On en paflà deux àtraverfer i'Ocaly & le grand ma rais,.fi bien qu'en neuf on fît plus de cent cinquante lieues y qu il y a d'Apa'acnc a il riile d Hirf iga* Kîâïs par les maux que ces Cavaliqas on: fouf-fer es, on peut aifement juger'.de&peîrïês àc$ autres Jâlpagnols,- qui ont .conq.uis.le refte du nouveau monde i\ vafie dans Ton étendue, Se i\ redoutabie pour la valeur de Ls habitans. Toutefois i! le trouve des perfonucs qui joli il* lent du fruit des travaux de ceux qui on.tac* quis à la Couronne d'Efpagne tant.de ri

'.r'r

ïlZH

Royaumes ? & qui le moquent des fatigues il s ont eues à les iubjuguer.. Comme i,s ert

jpofleefent les. biens Sans, peine , ils perdent

qu'on les a gagnez de mefme > & ÎU ie trom-r

peut lourdement.

Aniaico arrive à HHTtaa , s enquitu* les Ini

diens de la Provir.ce de Aîucoço Se de celle

ou il clloit n avoi'eut p.omt rompu la paix.

Et au ni.ime temps qu'il eut apns , qu'on >ic (arisfait de leur conduite , il renvoya

lus prifonniers avec ordre à leur Cacique de

venir au quartier, 8c d'y amener dis gens pour les vivres , 6V les autre-; choies dont

on iuy. vouJoit faire prefent. 11 îes chargea

auîîi d'avoir loin du cheval qu'on avoit laifïe dans Icijr contréei Se là-dcifus ils prirent la , route de leur pays , pleins de joye de recouvrer leur liberté. Mucoço trois jours après ■ arriva avec le cheval , dont quelques Indiens , portoient la bride 8t la ïçUe , parce qu'ils ne le^ luy avoient pu mettre. Il embrafla avec affection Aniafco Se ceux de la fuite, il s'en-quit civilement de la fan té du General, Se les . iuppîia de luy raconter le fuccez de la conquête , les cire on fiances de leur voyage, les combats qu'il avoic fallu donner, les rencontres qu'ils avoient eues, avec la faim Se les travaux qu'ils avoient fourrerts. Quilferoit . heureux s il pouvoit obliger les Caciques du pays à rendre obcifiance aux Eipagnols, à cauie qu ils ne pouvoient jamais vivre ious une domination plus douce ny plus iliuftrc que celle d'une nation li bcîliqueufe.

Aniafco ayant remarqué cette manière o-bligeantc , dont -Mucoço les avoit reçus en comparailon de leurs compagnons , qui d'abord ne s'eftoient informez que de^richeifes que l'on avoit découvertes , il le remercia au nom de tous de l'a tre cl ion qu ils portoient aux Efpagnols , Se luy rit compliment fur le Jujet de la paix qu'il avoit confervée. Mais le Cacique repondit à ces civilicez avec tant d ef-prit, qu il s acquit l'efiimç^, ramîtie 6e l'admî-

ration de tout le monde. Mucoço pofTedoit aufll de très-belles qualités. Car fans parler des avantages du corps, iLavoit-.de la prudence,, t de la generoiité, & une certaine conduite qui charmoit les Efpagnols. C'eft pourquoy il en . efloit aymé tendrement, & ils dévoient à mon avis l'obliger avec adreiTe à fe faire bâ-tifer. Selon les lumières naturelles qu'il a voit, ils n'auroient pas eu beaucoup de peine à le convertir à la foy, Se c'eut eflé un heureux commencement. Mais Jes Chrétiens r=e vouloient pas prelcher 1 Evangile aux habi-tans de la Floride , qu ils ne l'euiient auparavant toute conquife.

Enfuite de cela, Se durant quatre jours q«£, Mucoço fut avec les Efpegnols, il fit emporter plus de cinq cens quintaux de Caçave , qui elt le pain qui fe fait a Cuba de la racine demanioque , plufieurs manteaux , facs, caleçons , haut de chauffes , fouliers de cordes, Se autres avec des cuiraifes 5 des lances ; en un-mot toutes fortes d'armes. On luv donna de plus, des voiles , des cordages , des ancres, des cables , Se autres choies pour les navires. Nos gens aVoient de tout cela en abondance , Se ils eftoient bien-aifes d'en laiCer à Mucoço Se à fes (ujets.

CHAPITRE XII. Ou exécute!?* qrdres dUGcMr.iL

LOrs que Mucoçq -eut fait .enlever ce qu'on luy Liiîloic, on rit les ordres du General, Ils portoieri: qu'Anialco prit Iqs bî^aiitihsdemeurez dans la Paye du S. Elprk, & qu'il razail la-cotte vers l'Occident > jut-ques au Golfe d Alité qu'il a; T .oit luy-mun>c découvert. Aniaico viiita donc les vaiiL il les remif en ef:a:> les remplic-de toutes jor-tes de prpvifions, C< choiiit de> gens pour 1 accompagner,- li rut llpr jours a le préparer, & comme il eue donné 1 ordre un General j» Calderon touchant ion chemin > il fit (es adieux , te mit à la voile , £e priti.. ers

le.Golfe; d Auté. Mais taillons-le . au

gré du vent. &er\ ovors de quelle racon Ai : . exécute ce v .;'i! devoir faire. On luy avoit commandé de pj '.-.dallcraux

Havanes vers deBovadilho Lise

fçavoir L c .; ail i. .• fa découverte. ,IJ cftok auili chargé de : oaires j

niais elles ne regardent pas cette 1 S:

je n eu park o-ur i\\-

agraire à ce qui luy efipit • , fuit radou-.

ber Là cafavele , il l'équipe , le met fer mer , Se arrive en peu de jours aux Havanes. Il fut reçu avec beaucoup de joye de la femme de Soto , & de tous ies habicafls de lllie , qui firent de grandes réjôiufïances , àcaule des nouvelles qu'on leur apportent, & de îa fanté du General qii/ils-çomblercRt de bcnedi5tions Se de louantes.

CHAPITRE X ï 11. *Ct qui fipdffit aux environs d'Hiïïigdcn

-:' ûbfbiUC c'.C'SutC.

DUrant le fejour de Calderon à Hirriga > Tes gens firent plusieurs jardins où ils fédèrent force raves , laitues Se autres herbes. Vs amafîercrit diverfes fêmences pour leurs befoins , au cas qu'ils s'cftabïiilent dans le pays. Les Indiens prirent auifi quelques EU pagnois , ce qui arriva en cette forte par la faute des Espagnols mefnics. Les Barbares ir au bord de h Raye du Saint Eiprit de grands lieux fermez de pierres iëichcs , •pour la p~frhç des rayes St des autres poiilons iqui entroient dans ces* endroits, lors que la vutc, & qui lors qu'elle le reti-Toit ; y dtfmcuroient prefçpe a (êc. Cette

pcfchc eftoic grande , Se les foldati de Caïde-rpn en jôùiâotem avec les Indiens. C eft pourquoy il prit un jour fantaifie à Lopés Se à Gai van d'aller pefcher fans l'ordre du Capitaine. Ils fe mirent dans un batteau , Se menèrent avec eux Mugnôs , paçe de leur Commandant. Comme ils pefchoient il arriva dans de petites nacetes quelques Barbares, •qaicii abordant dirent partie en Indien , Se partie en Ëfpàgnoi, qu'il ralîoîtque lapefche fut commune. Lopcs qui eftoit brutal leur repondit, qu'ils allaient fêrvir de proyc aux chien?, qu'ils n'avoient rien a partager avec eux ; 3e auflitbt il mit l'épee "à la main , Se bleûa un indien qui s'eftoit approche de lu y. Les autres irritez de cette inioîence , i"e jettent far les trois Elpagnols , aflomment Lopez a coups de rames , JairTent Galvan pour mort, & emmènent Mugnos j auquel ils ne firent rien en confédération de fa jeuncfTe. Quelques fôldatsde h garnilon qui n cftoient pas loin de là , attirez par le bruit, & Je doutant du détordre qui cftoit arrivé vinrent au batteau , pour donner fecours à Lopez Se à Calvan : mais ils les trouvèrent morts , Se Mugnos au pouvoll des Barbares. Ils enterrèrent Lopez fur l'heure , Se comme Galvan it encore ils le Tecoururent li i propos, <]u ils k & ent reveniraluy. Cependant ii fut

plus

plus de trente jours à guérir , Se mefme il demeura tout hébété de ies blefïures à la te fie. Car lors qu'il racontoit ce malheur il difoit quand les Indiens nous tuèrent Lopez Se moy, nous fi]mes telle chofe. Ses camarades qui fe dj-vertiiToient de its rêveries , luy repliquoient qu'il n'y ivoit que Lopez de tué, Se que pour luy il rî'eftoit point mort, mais il so-piniaflroic avec chaleur qu'il eftoit tué Se vivant tout enfemble , parce que Dieu luy a-voit rendu in vie.

Quelque temps après , les Indiens 'prirent •encore un foidat eue l'on appelloit Vin: comme il peichoit de^ :fcreviiTesdemcrda;is la baffe marée , au pied d'une foreft, entre Ja ville d'Hirriga Se la Baye du S. Efprit. Les Barbares cachez dans le bois le voyant feu! s'approcheront, Se luy dirent doucement qu'il falloit partager la pefche. Vintimiila qui les penfoit effrayer, leur repartit fièrement qu'il n'avoit aucun partage a faire. Les Indiens of-fenfêz qu'un homme feul ofaft leur parler avec tant d'orgueil, à eux, qui eftoient eux ou douze , l'enlevèrent 5c ne luy firent pourtant aucun mal. Mugnos 8e Vintimiila furent dix ans parmy eux , avec liberté d'aller ou il leur plaifoit. Mai! enfin ils feh ivererit en cette manière. Un Navire Chrétien pour-fuivy par des lujets d'Hirriga fut iurprisc e la

R

Yp4 Hijioire de h Floride.

tempefte, Se pour en eviccr la furie il fe retira à la Baye du Saint Efprit. L'orage ceifé, il fe mit en haute mer, & les Indiens recommencèrent à luy donner la chafTe. Vintimilla Se Mugnos qui îcs accompagnoienteftount feuls en un batteau , Se comme ils avoient deiTein de s'échaper , la fortune leur en pre-lenta une belle occafion. Un vent de Nord s'élève tout à coup. Lesîndicns craîgri int que s'il venoit à s'augmenter, il ne les poufi'aft trop en mer, s'efforcent de prendre terre. Cependant les deux Efpagnols s'arrelient peu à peu , & feignent qu'ils n'ont pas la force d'aller contre la violence du vent. Mais lors qu'ils virentles'Indiens éloignez, ils tournent la prouëde leur «tifleau vers le navire , rament à force de bras, Se crient qu'on les attende. Les Chrétiens à leur voix , calent les voiles-& reçoivent avec joyc ces deux Efpagnols , pour fe CGnfoler de ceux qu'ils avoient perdus.

CHAPITRE XIV.

Dcpart de la Ville d'Hhrra.

A

Prés qu'Anîafco Se Arias furent partie , l'Un pour le Golfe d'Autc, Se l autre

pour les Havanes , Calderon prît la route d'Apalaché, avec cinquante fantafîins Se foi-xante-dix lances, & arriva le fécond jour à Mucoço. Le Cacique fortit au devant de luy, il le logea dans la ville, leur fit à tous grand'-chere , 8c ks accompagna le !ende~-main jufques hors de Tes terres. Et çomtné*il fut preft à les quitter, il leur dit les larmes aux yeux qu'il perdoit à l'avenir lefperan ce de revoir le General. Que tandis qu ils a voient eflé à Hîrriga , il s'eftoît flatté qu'il revien-droit un jour dans le pays, où il auroit encore eu 1 honneur de luy offrir Ton fervîce. Mais qu'aujourd huy qu'il fe voyoit condamné à pleurer Ton abftnce, il les fupplioit de luy témoigner I affliction qu'il en avoit ; Se les embratïant après ces parole?, il s'en retourna tout chagrin à Mucrço. Cependant les Espagnols continuCrc • ' vr route , ils vinrent jufqu'au grand marais; 8c re rencontrèrent aucune choie, il ce n'eft qu il arriva une nuit que l'eftant campez en une plaire prés d'un bois , il en fortit plusieurs Indiens qui les tinrent fans cel r e en allarme. Car on ne les avoit pas plutôt recognez qu'ils revenoicnttoutcn furie. Un d'entre eux fur tout qui faifoit pa-roiitre beaucoup de hardîcfle fut attaqué par Silveftre. î . Indien fait fermed'aSord , toutefois il lkhc enluite le y<k\{ % j'Efpagnol le

IV i

lf$ Hifloire de la Floride.

poufTc, mais le Barbare qui Te voit en eftat deftre percé , fait- tefte > Se au moment que le Cavalier luy porte un coup de lance qui le jette par terre & le tue, il tire une flèche qui perce & renverfe le"cheval de Silveftre , de îbrte que le Barbare, le cheval & celuy qui eftoit defTus tombèrent l'un fur l'autre. Les Efpagnols furpris qu'un feul coup de flèche tiré de. iî prés, euft tué un cheval tres-vigou-reux, eurent la curiofité de voir au matin l'effet de ce coup. Ils trouvèrent que la flèche eftoit entrée par le poitral, 8c qu'après a-voir percé le eccur elle ^'eftoit arreftée dans les boyaux, tant les Indiens tirent fortement. Audi dés leur bas âge ils n'ont point d'autre exercice. Lors que leurs enfans commencent à marcher , ils s'étudient à imiter leurs pères ; Ils manient des flèches , 8c leur demandent des arcs. Que s'ils leur en refufent, ils en font cux-mefmes avec de petits bâtons , & déclarent la guerre aux fouris du logis. Mais ne rencontrant rien lur quoy ils puiflent tirer , ils chafTent aux mouches , 8c hors de la mai-fon ils cherchent des lézards ; & lors que ces animaux font dans leurs trous, ils les attendent cinq Se iix heures, jufqu'a ce qu'ils en fortent. Ainli par un exercice continuel ils tirent avec une adreffe furprenante. Mais puis qu'il vient à propos de parler des coups extraoïdi-

naircs de« Indiens , j'en raporteray un exenr pie. Mofcofo dans l'une des premières efear-mouches contre les Apalachites, receut au coite droit un coup de flèche qui perça-fon bufîe & fa cotte de maille fans le tuer, parcs que le coup alla de travers. Les Officiers Efpa-gnols étonnez qu'une cotte de maille de cent cinquante ducats fut percée d'un feul coup, -voulurent éprouver les leurs afin de fçavoir fî l'on s'y pouvoit fier. Comme ils furent donc dans la ville d'Apalaché , ceux qui portoient des cottes de maille , prirent un pannier de -rofeaux fort tiiTu , Se ajufterent autour une des plus belles cottes. lis deflierent enfuite un des-prifbnniers Indiens, ils luy donnèrent un arc avec une flèche , Se luy commandèrent de tirer de cent cinquante pas fur cette -cotte de maille* Au mefme temps le Barbare ayant lerré les poings, iecoué, eilendu Se plie les bras pour reveiUer fês forces y il tire -'■ Se traverfe la cotte Se le pannier avec tant de violence,que le coup auroit encore facilement percé un homme. Nos gens qui virent qu'une cotte de maiile ne reiiftoit point au trait, en çnt deux Kir le pannier, ils donnèrent une flèche àl'Indien qu'ils rirent tirer, Se il les perça toutes Jeux. Néanmoins la fieche devant attachée Bc paiîant autant d'un cefté que dautte , kçid'k qu'elle n'avoir point

R 3

efté tirée avec allez d adreiTe , le Barbare de*

manda qu'il luy rut permis d'en tirer un autre à condition que fi elle ne perçoit les deux cottes avec autant de vigueur que la première , il fc foùmettoit à perdre la v r e.

Les Eipagnols ne luy voulurent point accorder fa demande, & depuis ils ne tinrent conte de leurs cottes de maille , qu'ils appelaient par raillerie des toilles d'Hollande. Ara-fi ils rirent avec de gros draps des juiîe-au-corps de quntre doigts d'épainVur qui cou-rroicr.t le poitraî avec la croupe des c hevaux, 5c rdlfloiert mieux au trait qu'aucune autre eho'fe. Mais comme dans cette relation je parlcray encore de quelques coups de flèches flirprenans, je viens à Calderort,

CHAPITRE XV.

Suite de Li ntarebe de Çaldcnm & fin arrivée a* Cantp.

L Es Indiens vovant un des leurs tue , ne revinrent plus harceler les Eipagnols qrrl arrivèrent te jour fuivant au bord du grand marais, où ils demeurèrent toute la nuit. Ils te traversèrent le lendemain lai.s eftre atta-r.-.'.z lies thrrerais , &: marchèrent j. graïuieif

journées par la Province d'Acuera. Pour &1 fouiager les uns les ancres, les Cavaliers rhû. rencpied a terre aimant-mieux de crainte de fatiguer leurs chevauxdes donner aux rantaû fins , que de les porter en trouiTe, ils arri-verent enfin à Ocaly qu'ils trouvèrent aba»-donne, Se lors qu ils y curent pris des vivres, , iis tra-verierent fur des traîneaux la^rivicie > , qui paile près de cette ville. Enfuire ils entrèrent dans-Ochiié • delà, ils fc rendirent a Virachuco , puis au fleuve d'Offichilë , Se a ]<ï ville du même nom ,-d où les habîtans se-ftoient retirez. Ils y prirent des vivres, .?c -continuèrent leur voyage par un pays deier:-,.. entre Oilachilé Se- le marais 'd'ApaSaché , Sz fens que les Barbares les attaquaient qu une leule fois', ils rirent plus de cent & trente* cinq lieiiës depuis le commencement de leur route., Rilquà l'endroit ou ils le trouvoierr, P'ft.nt arrivez au bois qui borde le marais, ils campèrent toute la nuit en une plaine \*oiiinC Se s !a pointe du jour, <<$kime .i's curent marché par 'c Jeiilé le mirent dans l'eau , ibavaii^ cerent j'iikfu'au pont Se le racommoderent. J.cs gens de pied pafférent deiïcs iâns que linnemy s'y op.po'aft , fc ceux de hhéi vM traverLr jnt heureuiement a la nage le 1 . Enkntc Calderon donna Tes ordres pour franchir ce qiu.iCi.toit dtt

«2-eo Hiftoirc de Li FîoriJe.

marais. Il commanda à dix Cavaliers de met-' tre derrière eux cinq arbalétriers, avec autant d hommes aimez Jerondachc s,Scde Te iaihrdu i n qu ici j ttre cote. Vs le mettent

donc en cRat de traverfer l'eau , & de gagner promptement le bord. Les Indiens en embul-cade forcent aiMneime temps , ils les attaquent -arec de grands cris, les couvrent de flèches, -. tuent le cheval d'Àlvar & en blelTent cinq \ autres. Le refte épouvanté du bruit", Scdcs-. coups des Barbares regimbe , fe cabre , prend le mords aux dents , rebroufîe Se jette dans l'eau ceux qu'ils portoient en tiVuTe., & qui eiloient preique tousblefîez. Car lors que les chevaux retournoient > les Indiens voyoient à plain les fantailms , Se les choiiiflbient. Us le mirent meime en eftat de les v-nir égorger dans l'eau , appel krent leurs compagnons pour les ayder, Se pour efhe témoins de leur victoire. Cette attaque eftorï- -na auiïl les Elpagnols, leurs chevaux fe trou-voient hors de cqÇjta* , iJ Je falloir battre dans le marais , ils fe voyoient en defordre , i'ennemy rbndoit fur eux ; tout cela leur hz upprehcnder.dcfhe tous taillez en pièces. Les -Barbares au contraire qui iremarquoient Je trouble des noltres devinrent plus-iniokhs , & redouble rent 1ju:s efiurts cenue ceux qui ctioieiiL daui I ---

Sur ces entrefaitesVillabo & d'autres vaii'ans foldats s'avancèrent au fecours de leurs compagnons , Se faifant tefie aux Indiens ils arrêtèrent leur furie- Cependant les autres Barbares de lacontree avertis que les Chreitiens eftoient en déroute, accouraient pour prendre part à la victoire.

A la gauche des Efpagno's, qui traversent le marais , venoit une grcllc troupe ce Barbares, Se quelques vingts pas devant marchoic un Indien avec des grandes plumes fin fa tefte, veftu fuperbement à la mode du pay?. Ce Capitaine voyant que les Efpagnoîs s appro-choient, voulut fe iaiiir d'un eros arbre , qui eftoit également diftant deux Se de luy, doù il les auroit fort incommodez. Comme Sil-veitre eut reconnu ion defftin , il appelle Gai van qui accourt, ils gagnent 1 arbre avant le Barbare, qui de rage leur lâcha trois flèches ; le bouclier de Silvcflre le reçut, Se reilfta à la violence des coups , parce qu'il eftoit mouillé. Galvan qui avoit ordre de ne tirer que fur cet Indien , attendit qu'il fui à la portée de Ion arbaleitc , il prie de forte fon temps, qu'il luv donna au milieu de la poitrine 8c le perça, à caufe qu'il n'eftoit couvert que d'une petite peau* Toutefois il ne fut pas renverfé du coup, il fit fculem pirouette , &: S'écria que ces tf

tiens lavofent rué. On entend auiTi-tôt im grand bruit, ce ne iont que cris & hùrkmen* parmy les Barbare?, lis accourent à leur Capitaine , le prennent entre leurs bras , le pafîcnt de main à main , Se l'emportent par où ils eitoient venus.

À la droite de nos eeuss'avançoittouten furie,une foule d'Indiens vers lefquels ManalTes, accompagné de dix autres-marcha pour leur faire telle. I es Barbares les chargèrent ver* tentent, 8* bleflcrert Manafles aux cuifes au défaut defon bouclier,& ïesquatrescoups de flèches qu'il luy tirèrent en cet endroit furent û rud< s qu ils k renversèrent dam l'eau. Cinq Je k s-compagnons eurent le mcfme malheur. Les Indien- animez par cette action* & dans l'efperance de remporter la victoire , firent de nouveaux étroits rour achever dç vaincre. Les Espagnols alors réduits à lane-çeflîté de combattre pour 'eur vie fe deîten-drient en lior?. Cependant !e bruit court pamiy les Barbares , qi e leur Capitaine eft b'efT. a mort , c< ' ntneerent a fe re'à-

chc r peu a neu ^ à fe battre en retraite. N• te gi:^< v rejoignirent auiîl-tcten très-bon ordre , & pour ne pas perdre loccafion que là fortune leur présentoir, ils pouflèrent Fen-ncinv , le jetterent dans ] c dcfiîé qui efoit a l'autre bord du niaraii , 3c fe rendirent fam

peine maiitres de l'endroit de laforeft, que les troupes avaient ouvert en pailant. Les Barbares qui l'a voient fortifié, & qui s'y eftoienr retirez l'avoient abandonne à la nouvelle de -la bleilure de leur Chef. LesEipagnolstà logèrent dans ce lieu qui efloit dun -abord tres-dimcile & fort aile a'garder. Ils y pafTerent la nuit à panier les blelïèz qui erVoienteft fort .grand nombre, &-furent toujours àFcrte-à caufe de^ cris continuels des ennemis. Comme il fut jour ils fe mirent en chemin, & me--nerent les Indiens battant , jusqu'à une autre fore ft d'environ deux lieues de tvaverfe. Dans ce bois qui n'efteit pas li ferreÇ|de celuy que l'on avoit paffe, les Barbares avoient fait de cofté & d'autre du chemin de bonnes paliifa--des, d'où ils Broient & attaquotent avec tant d'ordre, que lors qu'un des rangs donnoit , l'autre ne fj battok point , de crainte de le blefler de leurs propres arihes. LesElpagnols traverlerenr epurageufement cette foreft, & curent vingt blelîez , fans que jamais ils pu£ (enz tuer aucun Indien. Ils croyaient mefme .beaucoup faire, que de fe garantir de leurs coup<. Apres ils entrèrent dans une va (le ça j les Barbares craignant la