Cavalerie , n afere»t ny tes attaquer, ny les attendre. Et au bout de cinq lieues, comme les blciTez fe trouvèrent ordinairement fati-

guez , nos gens campèrent dans une plaine -, Bc la nuit les ennemis fondirent de toutes parcs liir eux. Alors les Cavaliers s'avançoient pour leur faire tefte , & donnoient vigoureu-f fèment dans le plus fort des Barbares qui fe battoient en retraite , & tâchoient de percer les chevaux , toutefois ils n'en bleïTerenc qu'un feiîl. Prcfque toute la nuit, ils ne firent que crier aux Efpagriols , qu'ils avoient égorgé les autres , qu'ils les avoient mis par quartiers, & an.ichez aux plus hauts arbres, qu'ils feroient d'eux, la mefme choie avant qu'its -arrivaflertt où ils fouhaitoient. Qu'ils n'e-ftoient pas afe. lâche* pour fouhrir leur tyrannie , & s'ils ne fortoient du pays, qu'ils les ' mettroient toiis en pièces.

Lors qu'il fut jour nos gens fuivirent leur roure , &r arrivèrent à un ruiiTeau profond , & d'autant plus difficile à traverkr qu'il eftoit à l'autre bord fortifie de palitlades. Calderon envoya reconnoiftre le palTage, Se s apprefta pour donner. 11 commanda à trente Cavaliers -de mettre pied à terre, d'aller l'cpée à la main Se la hache à l'autre arracher les pieux. Que ceux qui eftoient le moins en eftat de combattre fe milieu: au milieu avec l'attirail , & lc^ mieux* armez à la '^ucuë , arin que de tous •codés ci: p :: "nemy.Ils entrèrent

•en cet ordr> ' jui eftoit au de-

vant

vant du ruuTeau. Comme les Barbares les virent engagez en un lieu où les chevaux ne pou voient fervir , ils ie mirent à faire de grands cris, Se à les charger avec tant de.fureur , qu'ils les croyoient tous tailler en pie-ces. Nos gens reiblus de palier , ou de mourir arrivèrent tefte baiiîée aux tranchemens, JLe combat fut opiniaflré ; néanmoins mal-~gré la refiftance dés Indiens , iis gagnèrent les paliiTades, Se les coupèrent à grands coups de haches. Il y eut quelques bîeiTcz & un cheval de tué. Ils marchèrent eniuite par la plaine , fans que les ennemis les attaquailent, excepté lors qu'il fe renconcro.it fur leur chemin de forts buifTons. Car les Indiens e fiant en embufeade ils fondoient à lîmprovifte fur eux , Se crioient 'qu'ils les extermine.roient comme ils avoient fait les autres. Les Espagnols commencèrent à s^èftenner de ces menaces, parce que de la ville d'Apalachc, d'où l'on pouvoit aifement entendre le bruit, il n'en fortoit nul iecours -, Se melme ils ne voyoient aucune pifte de cheval. Toutefois ils avancèrent au petit pas vers la place* où ils entrèrent au Soleil couchant, Se quel, •ques jours après il y mourut douze de leurs blelfez , entre autres Manaiïe's qui eftoit un ,-brave Cavalier. Caideron 3e fes ioldats furent rtcùs de toti-

ÎO? Wftoire de U Floride]

te l'Armée avec d'autant plus de joye qu'on les croyoit morts. Car les Barbares venoient tous les jours crier à nos gens qu'ils les avoient tuez en chemin , ce qui paroitfbit vray-femblable, parce que le General s'eftant vu en grand péril avec neuf cens hommes dans ces pafïages > il eftoit aifé de croire, que Calderon avec fix vingts s'y eftoit perdu. Mais comme le General fe vit heureu-fement trompé, l'on ne peut s'imaginer la fatis faction qu'il eut de recevoir Calderon 8c fes compagnons. Il les embrafla tous plu-fieurs fois , Se s'informa obligeamment des particuliarites.de leur route. Il loua avec affe-.ction , il parla de leur fatigues & de leur courage y Se commanda que l'on euft grand foin des bleffez.

CHAPITRE XVI.

Découverte de la cvfie.

T Ors que Calderon arriva dans la ville *-* d'Apalaché, il y avoit iix jours qu'An iaf-"co y étoit, ayant débarqué à Auté fans avoir fait aucune rencontre digne d'eftre écrite. Il eftoit heureufement abordé à ce port,parce que pour le luy affiner, on y avoir envoyé

douze jours avant fon arrivée deux compagnies, lune de Cavalerie Se lautred'Infanterie. Elles eftoient relevées de quatre jours en quatre jours, Se pendant leur fejour au port elles arboroient leurs drapeaux , afin qu'on les découvrit de plus loin.

Aniafco qui les apperçût vint aborder à Auté , eu après avoir mis en feureté deux vaiiTeaux, il prit la route du Camp avec ceux qui avoient ordre de l'efcorter. Mais lors que Calderon y fut arrivé , Se que les Efpagnols fe virent tous enfemble, ils crurent qu'il n'y avoit aucun danger qu'ils ne furmontafTent.Ils furentdonc toujours dans lajoye,&pafTcrent agréablement leur quartier d'hyver. Cependant le General qui s'appliquoit tout entier à la découverte du pays , fit appeller Maldo-nado Capitaine vaillant, Se qui avoit bien fervy dans toutes les rencontres. Il luy commanda de laifTer le foin de fa compagnie à Gufman Se daller au Golfe d'Auti. Que là il prendroit deux brigantins que l'on y avoit lailTez. Qu'après il fuivroit la coite cent lieues vers l'Occident. Qu'il remarqueroit exactement les Bayes, les Havres Se les fleuves, Se en feroit une fidèle relation , que cette découverte pourroit eftre extrêmement importante , Se qu'il luy donnoit deux mois pour ce voyage.

S 2.

Maldonado fe rendit donc au Golfe d" Auté, & lors qu'il eut rafé la cofte , il retourna dans !c temps preferit. ïïraporta qu'il avoit décou-\*crt à foixante licuës du Golfe un port que l'on appelloit Achuffi. Que ce port eftoît très-beau, a l'abry de tous les vents, capable de contenir plufieurs navires 8e d'un fi bon fond,qu'il eftoit aifé de s'approcher de terre, 8c d'y fauter fans ayde.il amena de là deuxlndiens qui e(k)ient parens, & dont l'un eftoit Ca-cique. Mais il les prit d'une manière fort mal-honnefte. Comme il fut aborde au port, les habitans le reçurent civilement, ils le prie* rent de <iefcendre, & qu'on luy donneroit des vivres.Maldonado qui nefefioit peint en eux, n'ofa accepter leurs offres. Mais les Indiens reconnoiilant fa défiance , firent les premières démarches pour luy ôter fes foupçons. Ils vinrent dans les vaiiTeaux deux à deux, quatre à quatre luy rendre vifite, ils luy apportèrent ' les provifions dont il avoit befoin , & peu à peu les tfpa^nols fe raffeurerent & fondèrent le port. Ènïuire après avoir pris tout ce qui leur eftoit necefTaîre , ils hauiTcrent les voiles., & fe mirent au large avec les deux Indiens , qui fe fiant aux marques d'amitié que l'ons'cftoit données départ & d autre, ru4 jentjachçment trains.

C H AP I T RE XVII.

On -envoyé aux Havanes une relation de la dé couverte,

Y' : Es Efpagnols apprirent avec ioyê la dé-A , couverte du port (TAchuiîi & de toute la cofte. Il leur fembloit qu'ils pourroienf enfin s'habituer dans la Floride. Que la princi-. pale choie confirmant à rencontrer un port$ ils en a voient trouvé un où les vaifTeaux pour-roient aborder , avec toutes les choies nece£» irises à un 'eftabliffement./ C eft pourquoy Maldonado reçût ordre d'aller avec les deux brigantins aux Havanes vers Bovadilla , luy raconter le détail de ce qui s'eftoit palTé, 5g en porter la nouvelle à toute Tille de Cuba* On luy commanda aulïi qu au mois d'Octobre * prochain de l'année mil cinq cens quarante & un , il le rendit au port d'Achuffi avec les brigantins , la caravele d'Arias , 8c quelques vaiiTeaux chargez demoufquets, de . plomb , de poudre, Se de toutes lbrtes de munitions. On luy avoit de plus ordonné de ramener Arias , homme de bon conieil 8c de

— ~ M'

■* Qa eftoa alors lui la ùa de février i s<»oj

s 3

grande conduite dans la guerre. Le Gcncri avait donné ces ordres , parce qu'il croyoit qu'au-temps-marqué a Maldonado , il aurait de fon cafté découvert le dedans de la contrée , Se pris toutes Tes mefures pour s'y établir , & qu'après il le rendrait au port d'A-chuiTi. Mais, auparavant il Falloir fe faiiir de ce port^ car dans la penfée de s'habituer dans la Floride', c'eftoit une choie dont abiblumciit on ne fe pouvait palier.

Maldonado partit donc du Golfe d'Auté, Se fe rendit .auxHavancsjoù pour les^bonnes nouvelles qu'il apportoit,&ion bonheur dans tourtes fes entrepriies, ii fut bien reçu de la femme •lu General 8e de toute. l'Iile. Après en envoya donner avis du fuccez de la découverte, ee-ne furtnt queréjoùuTances Se que vœux en faveur de Soto. Les riches meimes en parti-, culicr contribuaient de toute leur force à Tes clcffeins. Ils envoyoient, ou ils apportaient ce. qu'ils avoient de plus précieux , parce qu'ils en efpesoient quelque recompenfe j Se tru'ilsvoul oient montrer qu'ils prenoient parc aux intérêts de leur Gouverneur. -Mais tan-, «lis que les habitans de 1 IUe feront leurs prepa-^ xatifs, revenons au peuple d'ApaUçhç,

C H A PI TR E XVIIî, Hardiejfe d'an Indien*

ANtafcô monta un jour à cheval luy fep*-ticfme,■& s'eftant promené par les rués d'Apalaché avec fes compagnons,- il leur prît à tous fan taille- de faire !e tour delà ville par dehors. Comme ik-n avoient pas deflèïn de s'en éloigner beaucoup , à caufe que les Barbares fe mettoient en embùfcade derrière les buiiTons ; Se que la campagnen'eftoit pas feu-re, ils lortirent lans autres armes que leurs épées, hormis Pegado qui portoit une lan-ce. Pendant qu'ils marchoient au petit pas > & qu'ils s'entrecenoient agréablement de' ai* verfes chofes , ils apperçûrent un Indien avec fa femme qui cueilloient des feverolles dans une plaine près d'un bois. Ils-piquerent auiîi-toft droit à eux, Se la femme tout éperdue nc.pouvant fuir, l'Indien la prend, remporte dans la forcit*, la jette.contre le premier buiflon, Se la pouffe de force plus avant* Apres au lieu de il- lauver avec elle, il retourne hardiment où il avoir laiffé /on arc , Se s'avance contre les Cavaliers avec autant de re-folution, que s'il n'en eut qu'un à combattre.

zii Hiftûire de U Floride.

Les EfpagnoJs furpris de cette action , Se croyant qu'il y auroir de la honte à fepthommes d'en tuer un , voulurent feulement le prendre. Ils fondent fur Juy lîpromptement, qu'il n'eut pas lé temps de tirer une feule fois; ils le renverfent, le tiennent à terre> luy crient quartier & qu'ilfe rende. Mais plus ils le preA fent , Se plus ii fait patoi/tre de cœur. Car tout abbatu qu'il eft, il les blelTe tous aux jambes , Se pique avec fes flèches le ventre de leurs chevaux. Enfin il sechape une fois d'entre leurs pieds > le relevé , prend fon arc à deux maius, Se en donne un li rude coup fur le front de Pegado , que le fan g luy en coula le long du vifage, Se en fut tout étourdi» Ce Cavalier en coiere de fe voir ainfi traite > poulie fon cheval fur le Barbare , luy porte quelques coups de lances, l'atrape à la poitrine , Se le renverfe mort à Jes pieds. Les Espagnols viliterent au mcfme temps leurs chevaux , & trouvant qu'ils eltoient tous biefTez légèrement y ils reprirent le chemin d'Apalachc, honteux quun.feul homme leur eu# donné.tanc de peine.

C H A PITRE XIX.

On s'offre de conduire leslfpagncls en des endroit* , oit l'onpenfe qu'Hj a de 1er o" de l'urgent.

DUrant le quartier d'hyver des Efpagnofc dans Apalaché , Soto reiolut d'aller vers les contrées de la Floride qui regardent l'Occident. G'eft p>ourquoy il s'informoit des Indiens qui fervoient dans Ton Armée, & dé ceux que l'on prenoit tous les jours, s'ils n'a-voient aucune connoiifance des régions Occidentales du pays. Sur ces entrefaites onluy amena un Barbare d'environ dix-fept ans, qui avoit eflé à des Indiens , qui alloient fort a-vant dans la Floride troquer des marchan-difes. Car la monnoye n'eftant point en ufa-ge parmy les peuples de ces contrées , ils ne font que des échanges. Le General réjoui dé cette rencontre , fit interroger ce jeune garçon , touchant les endroits de la Floride qu'il defnoit découvrir ; Se il luy repondit qu'il connoifToit feulement les Provinces où il avoit accompagné les m.iiftres ; Se.qu'en douze ou treize-jouis, ii y conduiroit les troupes. Le General le mit auffi-tôt entre les mains d'un fpldat, avec orure de prendrç

carde qu'il n'échapaft. Mais bien loin de s'enfuir , il s'accommodent tellement à l'humeur des Chrefliens, qu'il témoignoit n'avoir point-de plus grand plaifir que de vivre parmy eux. Il en prit aui'fi toutes les manières, & on l'eut cru un véritable Espagnol.

Peu de.jours après laprifede cet Indien, on en atrapa un autre qui le connoifFoit ; Se qui confirma ce qu'il avoir dit. Il s'offrit mefme de mener nos gens aux Provinces où il avoit efté, qu'il aiTeuroiteitre d'une tres-vafte étendue. Mais comme on luy demandoit.fi dans ces quartiers ii ietrouvoit de l'or , & de l'ar* gent, & des pierreries, & qu'on luy montrôit de toutes ces choies pour luy faire comprendre ce qu'on vouloit içavoir de luy, il témoigna qu'en Cofaciqui, il y avoit un métal fem--" blable au jaune , 5c au blanc qu'on luy faifoit voir. Que les Marchands qu'il fervoit achetaient de ce métal & en trafiquaient en d'autres contrées. Que mefme oiï rencontroit en Cofaciqui une tres-grande quantité de perles; & là-defïus il en montra une parmy les pierreries qu'on luy prefentoit. Les Efpagnois pleins de joye de ces nouvelles, ne fongerent plus qu'aux moyens,d'aller en Cofaciqui, & de fe rendre maiflres des richeiks de cette Province.

livre troijîé me. 2i'f

CHAPITRE XX.

De quelques combats particuliers >&defe fertilité d'Apalaché.

T 7 X jour , un party de cinquante fanta'C ^ iins » & de vin^t Cavaliers fortît du Camp, pour chercher du gros millet a une rlieuë 4^ là, où a leur arrivée ils en cueillirent autant qu'ils avoient befoin. Ils tè mirent a-pres en embufcade pour prendre quelques Barbares, & cotèrent une fentinelle en un endroit élevé. Elle l'avertit prefque auffi-tôt qu'il paroiiToit un Indien, qui jettoit la vue d'un cofté Se. d'autre, commes'ileuteudeifein de découvrir quelque chofe» Sur cet avis Diego de Soto un des braves Cavaliers de l'Armée , piqua pour attraper le Barbare, qui d'abord tenta de s'enfuir. Néanmoins venant à confiderer que le cheval luycouperoit chemin , il gagna un arbre , refuge ordinaire des Indiens ; il appreftefon arc , 8c attend de pied ferme que ion ennemy fut à la portée du trait. Comme Soto eut vu qu'il ne pouvoit avancer jufques fous l'arbre , il paffe auprès, Se porte un coup de lance a 1 Indien , qui ne l'eut pas plutôt paré, qu'il tira Se perça le cheval de

1 Efpagnol avec tant de violence . que depuis ':'■ \ marcha qu'environ vingt pas en bronchant , & tomba mort.

Sur ces entrefaites arrive Veîafques qui fui-Voit- au petit galop pour -fecourir Soto y & lors qu'il apperçùt ie cheval de Ion compagnon tué, il preiTe le Tien , avance droit au Barbare Se luypouiTe un coup de lance. L'Indien après l'avoir encore paré , tire & tue le cheval de Veîafques. Ces deux Efpagnols auffi-tôt courent la lance en main fur le Barbare qui gagne le bois, tourne quelquefois la tefte en (ê retirant, leur dit avec une fierté melpri-fente qu'il le falloit battre à pied ; Se que l'on verroit à qui demeureroit la victoire. Il Rechapa ainli des Cavaliers à ion honneur ,■& les laifla au dcfefpoir d'eftre maiheureufement démontez. Le party reprit en fuite le chemin du Camp , fâché de ce qui eftoit arrivé à leurs camarades.

Peu de temps après-cette action Rodriguez Se Yelvesfortircnt à cheval d'Apalaché, pour cueillir du fruit en une foreft prés de cette ville. Efbivr arrivez , ils mirent pied a terre, & montèrent au haut des arbres ; dans la p-nfee que le fruit y eftoit meilleur qu'aux branches d'en-bas. Les Indiens en embufeade les apperç firent Se coulèrent doucement pour les furf rendre. Yelves qui les vit fe ietta en

bas

bas de l'arbre , où il s'eftoit mis, Se îlsîuy tirèrent une flèche qui le renverfa tandis qu'il xouroit a Ton cheval. Le coup prenoit à l'épaule , Se pafToit au travers de la poitrine. Pour Rodriguez , ils le.tirèrent fur 1 arbre comme un oileau % & l'ayant fait tomber dit troffiéme" coup , ils luy enlevèrent le teft, -qu'ils emportèrent pour marque de ce qui s'en-oit pane. Yelves ne fut point traité air il, "ii vint des Cavaliers à fon iecours, auiqnels après avoir raconte en peu de parole- (à IiU .grace, il demanda un Confe fleur , & expira. Les chevaux d Yelves Se de Rodriguez, eftant épouvantez du bruit des Barbares, ils prirent la fuite vers le Camp. Les foldats qui avançoient, Se qui les rencontrèrent, s'au-- perçurent qu ; il y en, avpit un de bielle a une jambe de derrière- Toutefois, parce que la bleflure n'eftoit pas plus grande que celle d'une lancette, iis négligèrent de la faire panier, & le lendemain on trouva le cheval'mort. Les Espagnols furpris qu'un coup fi léger eut produit un tel cit.:, tirent ouvrir le cheval par 1 endroit où il cftoit bleiie ; Se (ûivant la trace de la flèche ils rencontrèrent qu'elle a-voit entièrement pt rec lacuinY, & eiroitpaf-fee au foye. je raporte c-.s particularités, pour faire connoiftre que durant le fejour des troupes dans Apalacbe, les Barbares les atta-

T

querent courageufement, Se ne perdirent aucune occafion de les mal-traiter. Les peuples

• de ces quartiers font braves Se fiers, toujours à Terte, Se toujours prefts à combattre. On raconte encore cecy de leur courage. Corn-me les Elpagnols dans la Province d'Apala-ché mangeoient quelquefois de petits chiens* à caufe qu'ils les trouvoient à leur gouft ; fept Cavaliers fortirent du Camp pour en chercher y Se furent apperçûs de cinq Indiens qui les attendirent de pied ferme fur la route. Ce? Barbares les voyant prés d'eux,firent une raye à travers le chemin , Se leur dirent que s'ils la pafïoient, ils les tuëroient. Les Cavaliers qui Te moquoient de ces menaces avancèrent; & auiTi-tot les Indiens leur tirèrent quelques

* flèches, dont il y eut deux chevaux de tuez, Se deux de blefTez avec un foldat. Mais il ne demeura qu'un Indien fur la place, les autres fe

- mirent à fuir Se echaperent, parce qu'ils font fort vîtes. Les peuples d'Apalache n'eftoient pas contens d'eicarmoucher contre ceux qui s'écartoient. Mais ils attaquorént jour 8c nuit l'Armée, fans en vouloir venir à une bataille , ils fe cachoient dans les bois., & ve-noient fondre dans les troupes qu'ils s'etfor-çoient de défaire.

La Province d'Apalachc abonde en millet» citroûiles , 5; autres légumes. On y trouve

auiîî cliveries fortes de prunes & de noix, avec une telle quantité de glands qu'il fe perd au pied des arbres, à cauie que les Indiens ne nourr'ifTent point de troupeaux. En un mot, le pays eft fi fertile , que les troupes durant cinq mois -d'hyver y eurent des vivres en a-bondance •> Bc mefme pour en avoir elles ne s'éloignèrent jamais de plus d'une lieuë du quartier. Néanmoins, outre quelque 350» chevaux ils faifoient prés de quinze cens hommes fans conter les Indiens de fe^vice. Il y a d'ailleurs dans la contrée plufieurs meu-riers blancs , des pafturages fort bons , des eaux excellentes , des eftangs pleins de poif-fon , des marefts remplis d'herbes , dont" là fleur eft bonne pour le beftaii, 5c feule capa» ble de le nourrir.

Tin du troifcme Livre ds U Floride}

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Tz

HISTOIRE

DE LA

ELORID E.

LIVRE IV.

Avantur.es des Efpagrtols en diverfes Provinces.

CHAPITRE h

Départ d'Apahcké.

M

\ Pre'.s qu'on eut dépéché Maîdo-

les vivres

î^nvp na 4° aux Havanes , pour le MSÂ&*$. & d'autres chofes necciTaires aux troupes ; le General partit de la ville d'Apa-laché fur la fin de Mars de l'année mille cinq cens quarante, Se prit fa route vers le Nord. Il marcha trois jours fans eftre attaqué des ennemis , & logea dans un village prefque fer-,

livre quatrième, 211

méd un marais, qui avoir, plus de cent pas de large ; Se où on enfonçoic jufqu'au defilis du. genou. Toutefois , comme dans ce marais il y avoit des pièces de bois en travers , on le parToic aifément j 5c de là fans peine y on a-. bordoi: au Bourg iitué fur une hauteur, d oit on découvroir pluiieurs villages ça & là dans une valèe agréable. Les troupes fejournerenç trois jours dans ce Bourg , qui eftoit encore de la dépendance -d'Ap'alachév Durant es temps cinq gardes du General forcirent' dit quartier avec Aguilera & Moreno y pour re-* eonnoiitre les villages de la contrée. Les Gardes portoienc chacun une halebarde^ Se-ies'autres leur épee. Aguilera avoic auiTi uner rondache , Se Moreno une lance. -Ils paife* rent en cet erat le marais Scie coin d'un bois> Se entrèrent dans une plaine femée de gros millet, ou a quelque deux cens pas du Camp ils furent attaquez par les Indiens. Ils crient auiTi-tôt aux armes, le ioldat qui les entend fort du Bourg, fe jette dans le marais pour ne pas perdre le temps à chercher le paflage ? Se court-en hafte aufecours. Neamoins quelque diligence que l'on lift % on trouva les gardes tuez de dix ou douze flèches, chacun au travers du corps , Se les deux autres tres-mal-traïttez. Moreno avoit à la poitrine un coup oui juy paflbic à l'épaule , Se il expira

T 3

HZ lliflolre de la Floride .'

lors qu'on le panfoit. Agirilera qui s'efloic courageulement battu , avoit les cuilTes percées de deux flèches, le corps noir de coups & la tcfle bleiîce. Car les Barbares qui n'a-voient plus de quoy tirer,p rirent la rondache, Se luy en déchargèrent de iî rudes coups, qu'ils luy découvrirent le tcft jufqu'aux four-cils. Mais comme il eftok jeune & robufte il n'en mourut pas. Cependant les Indiens apperçoivent le fecours , Se le (auvent li promptement, que l'on ne peut connoiihc Jeûr nombre. On fçût tourefois d'Aguilera qu'il y avoit plus de cinquante hommes, Se quelque temps enfuite on apprit en cette lor-te la manière dont la choie s'eftoit pailce.

Des Elpagnols demandant un jour par raillerie à Aguilera , s'il avoit conté les coups de baftons qu'il avoit reçus ; &: ii pour s'en van-ger avec honneur, il ne vouloit pas défier les Barbares de fe battre feul a feul contre luy, il leur repondit, que les coups eftoient tombée (i drus fur ces efpaules, qu'il ne les avoit pu compter. Qu'à l'égard du mal qu'ils luy avoient fait, ils en pourroient dire un jour éks nouvelles , 'quand ils feroient entre ks mains de; ennemis. Que néanmoins pour leur faire connoîftre de quelle manière Ion malheur eftoit arrivé; ils fçauroientque pluficurs Indiens les avoient rencontrez «dans une plat-

ne. Tes camarades Se luy , Se que les ayant va feulement fept à pied, ils s'eftoient détachez du gros en pareil nombre, s'eitoient avancez vers eux , Se les avoient chargez vigoureufe-ment y tandis que les autres demeuroient fpe-ctateurs du combat. Que les compagnons non plus que luy, n'ayant ny arbaîefte ny moulquet pour les repouiTer, les fept Indiens, les avoient approchez a leur aife , 8c avoient tiré fuc eux comme iur des beftes priies dans des pièges ; qu'enfin ils les avoient mis en un eftat pitoyable. Que- toutefois, puis qu'il n'a-voit pas perdu la vie, il leur pardonnoit les outrages qui's luy avoient faits ; Se que de crainte d'une autre dilgrace il ne fongeoit point X les deiier, leur confeii'ant mejme à eux qui lerailioient, de ne point fortir du Camp fans armes, de peur d'eftre mal-traitez, Se dt fer-vir à leur tour de divertiffément aux autres. Ceux qui écoutoient Aguilera demeurèrent iurpris j car ils nauroient jamais cru que les Indiens euiTent ofë le battre en nombre égal contre les Efpagnols. Mais cetze rencontre leur fit Qpnnoiûre la hardieife de ces peuples, qui n'apnercevant point de chevaux, le rient f\ fort en leur courage , qu'ils s'imaginent ne le céder ny en valeur, ny en adreile aux plus braves des Chrcfliens.

'25-4 Hiftoifeds Lt Floride.

C H A P ï T R ;E II.

Arrivée dans U Province fPAftafaki V d'Achalaqué,

s E Gênerai partît d'Apalachc, Se fc ren-dit far [a frontière de la Province d'Alta-paha. Il fut la reconnoiftre luy-mefme avec jent cinquante hommes > tant de Cavalerie que d'Infanterie j Se entra le troiliéme jour de fa marche dans la première ville delà contrée. La pluipart des habitans s'eitoient retî-rezde cette place , de forte que l'on n'y en prit que iî'x , dont il y avoit deux Capitaines quieitoient demeurez ; afin,de faire fuir les derniers.

On les mena au General pour avoir quel-» que coimoilTance du pays. Mais à peine furent-ils en la prefence, que ces Chefs Indiens luy demandèrent hardiment s'il venoit faire guerre , ou traiter alliance $ Se il leur fit dire cu'il ne demandoic que la paix avec quelques livres pour palier outre. Ils repondirent t ; ii'on ne devoit point les arrefter, que la demande qu'on fiilbit citant raiionnable , c

>:t accorde lans difficulté , 5c que mefm* par coûte laProvùicc.onrvCCvroitùvorable*.

ment les troupes. Ils dépêchèrent deux de. leurs gens vers le Cacique , pour l'avertir de tout ce qui fe pafloit, Se. leur ordonnèrent de dire à ceux qu'ils rencontroient de ne point harceler les Efpagnols , &. de fe faire fçavoir-les uns aux autres que ces peuplestraverioient feulement la contrée fans y faire degaft. Le. General qui fe fît interpréter cette ordre , commença aefperer que tout reiiiiTiroit fcîon fon defir ; Se commanda qu'on mift les deux Officiers en liberté&:«qu'on les regaîaft. Cependant les Indiens avec le General, luy con-? feilcrent de rebroufTer chemin vers un Bourg meilleur que la ville où ileftoit, & s'offirirent de l'y conduire par une route agréable.

Soto fe laûTant periuader envoyé fes ordres au Mettre de.Camppour fe rendre à ce Bourg, il y marche en diligence avec ce qu'il avoir do troupes, Se y eft reçu avec de grands témoins de joye.Le Cacique averty de ces cho» fes vint laitier le General, qui parut fort réjoui de fa Venue y Se les habitans qui s'en eftoient fuis retournèrent dans leurs maiibns. Suc ces entrefaites le refte de l'armée arriva , une partie fe logea dansTe Bourg & l'autre dehors, & durant trois jours qu'elle y fejourna , ils vécurent paifiblement avec les Barbares. Après , ils marchèrent dix jours, en montant le long de la rivière, où ils virent de beaux

meuriers, 8c remarquèrent que la contrée eftoit fertile , Se le peuple doux 5c fociable 0 Si bien que gardant inviolablementlapaixde part Se d'autre, les Indiens ne reçurent aucun -déplaifîr, parce que l'on te contenta feulement \ de ce qui étoitneceiTaire.Enfuite les Chrétiens partirent d'Altapaha, & entrèrent en Achala-qué Province pauvre & fterile,où l'on ne trou-voit que des vieillards , dont la pîufpart avoient la vue baffe > ou eftoient aveugles. Comme on jugeoit cki nombre des jeunes gens par. celuy de ces vieillards , Se qu'au pavs on ne rencontrent point de jeuneffe , les Kfpagnols crurent qu'elle s'sftoit cachée , Se qu'elle les attendoit en embufeade. Mais après qu'ils s'en furent informez avec foin , ils apprirent qu'il n'y avoir rien à craindre, & qu'effectivement il ne fe trouvoit point de jeune* gens en Achalaqué; ce qui les furprit encore d'avantage. Néanmoins ils ne fe mirent pas en peine d'en (ça voir la caufe, Se ne longèrent qu'à fe rendre à Cofaciqui, où ils efperoient tous de s'enrichir. Usfaifoicntauf-fi de grandes traites, Se comme le pays eft beau , lans rivière , ny foreft , ils le traver-ferent en cinq jours. Lors que le General partit d'Achalaqué , il donna au Cacique entre pluiieurs choies deux cochons. Il avoit Ùit le meune prêtent au Seigneur d'Altapaha,

-~& à quelques autres avec leiquels il avoit fait alliance 5 car il avoit mené dans la Floride plus -de cent de ces animaux, qui durant tout le voyage fervircnt en diverfes rencontres. Mais l parce qu'ils s'efcartoient queîquesfois fur le • chemin, & que le General donnoit toujours autant de nulles que de femelles, il eft vray-femblable que fi les Barbares ne les ont tuez - en haine des Chreftiens , il en doit avoir aujourd'hui' beaucoup dans la Floride , qui-eft un pays très-propre pour les nourrir.

C H A PI T RE Iiï.

Du Cacique de Cofa*& de fa Vrovineel

LOrs que le General païTok dune Province à l'autre , il avoit accouftume d al~ ter luy-mefme à la découvrte, ou d'envoyer avertir de fa venue. C'efl pourquoy il dépêcha vers le Cacique de Cofa, pour le portera faire alliance , •& il l'aifeura que fon defTcin eftoit de gagner les peuples par douceur. Qu.'i| en ufoir genereufement envers ceux qui voulaient la paix -, témoins les habitans -d'Achalaquc Lu^s voifins, à qui les Efpa* gnolsavoient fait toutes fortes de bons traitement 3 Se que pour luy , s'il acceptoit leur

amitié , il n'en ferait pas moins fatisfaît qufc les autres. Cofa & fès iujets repondirent, que le General leurfaifoit beaucoup d'honneur, que luy 8c fes troupes feroient reçus avec joye ; 8c qu'on ne pou voit jamais ny le voir nfîez tôt, ny luy allez tôt entrer dans le pays. •Les Efpagnols ravis de cette réponfe , doublèrent leur marche ; 8c le quatrième jour a-pres leur départ d'Achala'qué , ils arrivèrent à îapremiere ville dé Cofa, où le Cacique pour paroiftre en grand Seigneur , les attendoit a-vec le? plus leites de Tes vafTaux qu'il avoir af-femblez de toute fa Province. Mais comme il apprit que les Chrefliens approchôient, il fortit au devant un quart de lieue , ou après avoir flilué Soto,luy avoir conhrme'fa parole, ' 8c s'cflre enhn témoigné l'un àlautre leur (a-tisfaction, l'Armée entra dans la ville en très-bon ordre. Le Cacique logea Soto , il diftri-bua les quartiers, 8c fe retira dans un"Bourg éloigné des troupes d'environ deux portees de moufquet.

Les Efpagnols réjouis de cet accueil , demeurèrent cinq jours dans ia contree ; 8c à leur départ ils donnerait en carde au Cacique la icuîe pièce de canon qu ils avoient. Et -pour luy montrer 1 eftime qu'ils faiioient de hxy par l'importance de 'a chofe qu'ils luy conhoient, L Gcutral commanua de tirer ce

canon

tanon à un grand chefne,qui fut renverfe du fécond coup. Le Cacique & fts fujets iurpris d'un effet qui leur par onToitfi extraordinaire, témoignèrent que c'eftoit véritablement une grande marque d'eftime 3c de confiance , que de leur laifîer un depofl ii important. Enfuke les rroupes prirent la route de la Province de Cofaciqui, & le Cacique avec fes gens les accompagna. Mais après un jour de marche, on le fupplia de ne pas aller plus loin. Il prit donc congé des Espagnols , avec mille protestations de lervice 3 il commanda à ceux de 4a fuite de les embrafTer, Se dépécha vers ion frère Cofaqui,. pour luy faire fçavoîr que l'Armée approchoit de fa contrée , & qu'elle meritoit d'eftre favorablement reçue. Soto envoya enmelme temps rechercher l'alliance de Cofaqui, Se après fix jours de chemin , il fortk de la Province de Cofa , qui efl un pays propre pour le befrail, tres-fertil-e en gros , 3c tres-charmanr. On y rencontre de grandes rorefts, de beaux fleuves, des plai-nes,des montagnes , Se fur tout des peuples fort fociables.

c

CHAPITRE IV.

Cofaqui reçoit les Efpagmls. Ofaquî ayant appris que les ChreftienS venoient iur les terres , fait préparer

toutes choies pour les recevoir honorablement, Se dépêche Vers le General quatre des plus remarquables de fes-vaifaux , accompagnez de quantité d'autres pour l'aiTeurcr de ion oberiTance. Soto réjoui de les voir, leur fk de grandes carrelles, Se vint avec eux jufqu a Ja première ville, qui s'appelloit Cofaqui, du nom du Seigneur Se de la Province. Comme il s'approchoit de cette place, le Cacique qui eftoit dedans *en eut nouvelle, Se fortit au devant de luy,fuivi de plufieurs de Tes fujets, parez d'arcs, de plumes Se de mantes de martre. Coraqui lefaliiaavec refpcct., Se après quelques complimens illuy confirma ce qu'on luv avoir dit de fa part. Le General de ion colle le reçut d'une manière fort obligeante, Se luy promit toute forte d'amitié , en recon-noiiïance de l'accueil qu'il luy faifoit. A leur exemple les Officiers Elpagnols Se les Indiens fe firent aulTi de grandes civilitez, Se nos gens vinrent dans la ville pleins de joye Se de iatis--facHon. Cofaqui au mclme temps diftribua les logis, Se de crainte d'incomm" 1er fes nouveaux hoftes , il fe retira avec les liens dans un village voifin. Mais le lendemain il vint faire fi Cour , 8c pria le General de luy dire s'il lejourneroit, ou s'il paiferoit plus loin , fcnn de mieux prendre Tes mefures pour luy rendre toute iorte de fervice. Soto repondit

qu'il prendroit la route de Cofaciqui, Se ne s'arrefteroit point qu'il n'eut auparavant efté dans cette contrée,. Là-deflusle Cacique luy repartit qu'elle n'eftoit feparée de la Province de Cofaqui, que par un defèrt de fept jours de marche. Que pour cela il Juy orfroit des vivrcsftvec des gcni; de guerre , Se que s'il luy-plaifoit de donner Tes ordres , .il les feroit ponctuellement exécuter. Le. General témoigna qu'il luy avoit obligation , & leçon* jura de faire en cette rencontre, ce qu'il ju-geoit neceflaire pour .la marche, & qu'amfïH elperoit que les troupes ne.manqucroient de rien , & qu iiiroitheureufement à Cofaciqui: Le Cacique joyeux que le General fe confiait en luy ; ordonna dé lever, promptemerft des troupes, & dans quatre jours il le trouva quatre mille hommes pour efeorter l'armée , avec un pareil nombre pour porter le bagage & lts provilions. * Cependant de peur de quelque Jurprrfe , à cauie.du nombre des In— , le General commanda à ie> gens de ie tenir fur leurs gardes plus qu aJ'ordinaire, mais les Barbares eiloient bien éloignez de rien entreprendre ; ils ne fbngeoient qu'aga* gner l'amitiédcs Eipagnols, afin qu'il* les ai-duuentàfc - de-peuples de Cofaciquij

*Crosmi!l<c> pruaçjux , noix*, raifinsfecs»

V z

avec lcfquels ils cftoient en guerre. C'efl pourquoy un jour avant le départ des Chrc-fliens y le Cacique fit appcller Patofa Ton Lieutenant General , Se luy dit qu'il Te pre-ientoit une belle .occafion defereflentir des-injures que les habitans de Cofaciqui leur a-voient faites à tous. Que pour, en a^feir rai-ion, il l'envoyoit dans leur paysavec l'Armée des Efpagnols. Qu'il eftoit de fa prudence d'en ménager l'amitié par toutes fortes de fer-vices , à caufe qu'à la faveur de ces invincibles troupes 9 il le vangeroit hautement de fes ennemis. Que cela d'ailleurs luy donneroic lieu de mériter de fon Prince, & de fon pays,, & augmenteroit fa réputation. Que connoif-* fànt fon ardeur pour la gloire , fon zèle pour la patrie , & /a valeur en toutes rencontres » il ne hiy en diroit pas davantage , perfuadé qu'il répondroit glorieufement à l'attente ou'on a voit de !uy.

Apfcés que Patofa qui eftoit bien Tait de fit peribnne , & dont le vifage marquoit quelque chofe de grand > eut reçu cet ordre , H ofta une mante de peaux de chat qu'il avoit fur les épaules, il prit une branche de palmier que luy portoit un de fes valets, Se fit devant fon Seigneurplulieurs gambades, & plufieurs {auts avec tant de £race qu'il fut admiré. Puis, il s'avar.:a vers fan Cacique la branch;

palmier en main, .il le faliia d'une manière peu différente de la nouVe > Se TalTûra qu'il feiacrifieroir pour Ton fervice. Que puiique fon bras eftoit fécondé des Efpagnols. y .ilTuy engageoirJafoy qu'il le vengeroit âcics ennemis. Que mefmela vengermce.:en ieroiti]-luftre Se capable de luy ofter le fouvenir des injures qu'il avoit.reçues 3 ajoutant que li la fortune trahi lïbit ion-courage, Se s'il ne rem? pliïïoit 1 attente qu'on avok conçue de luy y fon malheur leroit luivi de Ta mort. A ces paroles le CaciqueembralTa fon Lieutenant,. Sz luy dit, que iur l'ailùrance du luccez de fon entieprifj , il l'en vouloit recompenfer-par avance. LàrdeiTus il prit une mante- de martre qu'il porto it ,. Se que nos gens efli-moient deux mille ducars,. & il en rcvefh't Patofa ; ce nui en: parmy ces Indiens, la plus, grande marque d'honneur qu'un- iujet puiifç jamais recevoir.

CHAPITRE V.

Avanture d'un Indien,

LA nuit avant que îes Efpagnols partifleà&' pour Cofaciqui leur gmde qui eftoit l'un, des Indicni qu'ils avoient pris en Apalache >

V 3

&: qu'ils nommoient Pierre , (ans toutefois l'avoir baptiié , fe mit à crier au iecours , Se qu'on le tuoit. Les troupes prirent auiTi-toft les armes, Se dans la crainte de quelque tra~ fcifon elles* fe mirent en bataille. Mais ne voyant rien ,,.& s'eftant enquis du iujet de l'alarme* ils connurent que c cftoit leur euide > & le trouvèrent tout effraye, Se prefqu'à de-my-mort. Comme le General luy demanda ce qui l'avoit oblige à jetter de iï'grands cri-, il répondit que le Diable avec un vifage affreux , accompagné de pluiîeurs petits Démons seftoit prelênté à.luy, qu'il l'avoic menacé de le tuer s'il menoit les Chreftiens en Cofaciqui. Que là-deiîus il luy avoit marché fur le ventre >-. l'avoit traîné par la chambre, 3c luy avoit donné tant de coups qu'il ne le pouvoit remuer. Que s'il n'eut efté iecouru par deuxEfpaçnol'^le Diable luy eut ôté ia mais qu'au moment qu'il les avoir a] .;, à e;: t ;•' ay£C coûte aiuite.. Quainlî,

puifquc les Démons craiç-lo'ent les Chrétiens, L fuppliott qu'on lebaptizaftfur l'heure, atin que le Diable ne vinftplus le maltraiter. Le General Se les Officiers qui jugeoient de la vérité de l'avanture par des coujÉ , envoyèrent quérir des PrenVes , qui après avoir interrogé ce pauvre Indien , le baptiferent Se ne l'abandonna . ont le rèfte de la nuit,

ny le 'our iuivanc. Il efloic en an fi pitoyable eilat, qu'il fut obligé de Te refaire ; & l'Armée ne put décamper que le lendemain, encore fallut-il que cet Indien rhontaft à cHeval. Cofaqui accompagna ie General deux iieuës, & îuy fit enfuit* quelques complimens , lure dep'auu" qu i! avoitde le quitter, il comman-da.de nouveau ai Patofa d'obéir en tout aux Efpagnolf , Se il le rirfouvenir qu'il s'eftoir engagé à de grandes chofes,& que l'on ne jugeait du mérite des hommes que par la beauté de leurs actions. Puis il-retourna dans la. ville , & les troupes tirèrent vers Cofaciqui, où elies louhaitoient paiïtonnénaent d'arriver.

CHAPITRE VI; Marche des troupe s %-.

m

LEs Indiens Se les Efpagnois forme; ée«* corps darmée feparez , & marchèrent tout le jour Ci? cette forte ;,. Patofa fit le :ra! chacun a la tefte de leurs troupes > le iZ au milieu avec les gens de fervice. Comme la nuit approcha les Indiens diftri-bue*cntdes vivres aux Espagnols ; les armées fe campèrent, elles poferent des ièntiu ;i!es , &c fc mirent de zdk façon lur leurs gardes les

unes contre les autres, qu'on les euil cru ennemies. Les Chrefticns fur tout eftoient toujours à épier ja contenance des Barbares, qui voulaient feulement montrer qu'il? entcii-doient bien la guerre. Les Espagnols k piquant aufil de la mefme choie , chacun ob-ferva à I envy la difeipline ; Se au bout de deux journées, on arriva en tres-bon ordre à un defert , entre là Province de Cofaqui Se de Cofâciquû Les Espagnols marchèrent fx jours fans grand-peine par ce defert, à caufe que les bo-3 & les chemins en eftoient faciles. Outre quelques ruilTeaux ils traverferent deux fieuves (ans profondeur , mais fort étendus., &c fi violens que ion fut contraint de mettre plufiei aux de file pour rompre 1 impe-

tuoiité de l'eau , . & favorifer le*paflàge aux gens de pied qui ne fe pouvoient tenir de bout, que les chevaux ne les fouftiniTent. Au feptîérrie jour fur le midy , ils fe trouvèrent à h fol du chemin qurlls avéient luivi jufqu*à Itjrs, exue rencontrèrent que des fentiers qui alloieut çà &: ; là dans la foreft , 8c qui le per-doicntprefque aulli-toit. Si bien que ne (ça-chant plus quelle rouse prendre, le General commença d'avoir quelques ioupçons des Barbares. îî dît a Patofa que fous apparence dîamitié il tes avoit voulu foire périr ; qu'il Iteftoit pas croyable qu'entre huit mille IrN

diens qu'il commandoit, il n'yen eut pas un qui içùt le chemin, veu qu'ils avoient toujours eu guerre avec les peuples de Cofaciquij, & fait des coudes les uns furies autres. Patofa répondit qu'il n'eftoit jamais venu fi loin, ny pas un de ceux qui l'accompagnoient. Que Ton ne pouvoit appcller guerre , les cfcar* mouches qu'il y avoit eues entre eux Se les ennemis. Que dans le defert qr^'eftoir.feulement battus en diverfes rencontres: de chaiTe Se de peiche , où ion s'eftoit tué & fait des prifonnrers de part Se d "autre. Que comme les hahitans de Cofaciqui avoient toujours, remporté l'avantage , ils les craignoient, 1fc n'avoient ofé entrer dans leur contre». Qu'ainii puifque luy, ny (es gens ne connoiil foient point où ils envoient $. i! fupplioît que L'on prift en leur faveur d'autres fentimens que ceux qu'on témoignait avoir. Que le* peuples de Cofaqui n'eftoient capables d'aucune lâcheté, D'ailleurs , \c Cacique Se iuy «voient trop de cœur pour démentir par une honteufe trahifon , le bon accueil qu'ils a--voient fait aux Efpagnols. Que pour affeu-ranec de (a parole on pouvoit prendre tels oitages , Se en M grand nombre que l'on vou-droit. Qu'il offroit mefme fa tefte avec celle de fei foMûts, qui fe facriheroient tous aveuglément <jj'i: fouftenii Fhoflneuï ue leur Ci-

cique, Se leur gloire particulière.

Soto touché de ce difeours, craignît qu3 ce Commandant n'en vinft à quelque extrémité , p<*ur montrer l'innocence de fa conduite, Se luy repartit, que bien loin de croire qu'il euft malicieulement égaré lesElpagnols, il eftoit maintenant,perfuade du contraire ; 5c que l'air dont il avoit parlé le jufHfîoit afïcz» On appella eniuite l'Indien Pierre-, qui les a-voit ii feurement guidez , que la veille H marquoit le chemin du jour fuivant. Mais-il avoua qu'il avoit tout à fait perdu la route, oc s'exeufa fur ce qu'il y avoit long-temps qu'il n'efloit venu à Cofaciqui. Les Efpagnoîs a-lors qui s'imaginoient qu'il apprehendoit encore d'efirc mal-traité du Démon, &: qu'ils le prieroient inutilement, continuèrent le refte de la journée à marcher par les endroits les plus clairs de la forcit, Se arrivèrent au Soleil couchant au bord d'un grand fleuve qui ne-(toit pas guéyab!e« Comme ils. n'avoient rien pour le traverfer , & qu'Ai avoient confumé leurs vivres , cela redoubla leurs maux, & ik furent toute !a nuit dans une grande confier-nation. A la pointe du jour le General pour les ralTcurer leur promit de ne point continuer la marche, que L'on n'eût auparavant trouve quelque chemin.

Il commanda donc à Gufman , à Vafcon*

teîîo y Aniafco Se Tinoco y Capitaine?, de Cavalerie Se d'Infanterie , de prendre chacun leurs geiisyayec ordre-aux uns de corroyer le fleuve en montant. à quelques autres en defcendant,& à toutlerefte d'avancer une lieuë dans le pays >Se de retourner dans cinq jours au camp , pour y raporter'ce qu'ils y auraient découvert. Aniafco alla vers le haut du fleuve avec le General Barbare ,1e guide Pierre , Se mille Indiens. Les autres Capitaines en avoient chacun autant, afin de fe répandre à travers le bois , Se de pouvoir plus facilement trouver quelque route. Cependant Sotoles attendit fur le bord de la rivière , oc endura de la faim ce qu'on en peut fouffrir. Luy Se les foldats ne mangeoierït pour l'ordinaire que les chôfes que les quatre mille Barbares qui eftoient demeurez luy ar> portoient. Ces Indiens partoient du quartier des le matin pour chercher des proviiions, Se rie retournoient que la nuit, les uns avec des herbes, des racines, Se quelques oifeaux qu'ils tuoient, Se les autres avec du poifTon ; en un mot, avec ce qu'ils rencontroient Se qu'ils donnoient eriKereroent aux Efpagnols , qui "furent trois jours à ne fe nourrir en partie que des vivres que les Indiens leur fourniilbient. •Mais comme nos gens leur en lailloient la meilleure part, Se que Soto vit que l'on ne

-pouvoir plus fubfïfter, il fît tuer quelques'Cochons, Se distribuer une demie livre de viande -à chaque Efpagnol ; ce qui irritoit plutôt la faim qu'il ne l'appaifoit. Néanmoins pour faire voir leur reconniflance aux Indiens, ils partagèrent avec eux ce qu'ils avoient. Le General qui les follicitoit à cela, fourrroit comme le plus (impie des fantaflins , il diffi-muloit Tes maux., il carrefioit les foldats 8c les enconrageoit avec une gayeté qui les char-moit, Se leur faifoit oublier une partie de leurs peines j de forte qu'ils témeignoient à leur tour un vi(àge aulli content, que s'ils eufièht -eu toutes chofes en abondance.

^ ■—

CHAPITRE VIL Suite de ce quifefujfa, dans le defirt.

LE cinquième jour que l'Armée marcha dans le defert, un Indien *de ceux qui a-voient le loin des vivres s'enfuît, foit qu'il defiraft revoir fa femme, ou qu'il çraigtjiit de mourir de faim. Patofa qui -en fur averty, envoyé à Tes trouiles quatre de ies gens , qui a-prés l'avoir atteint, le ramenèrent au quor-

* Ou tes appelle Tamcmc.

ticr

tîer les mains liées , Se le luy prefçnterent. Alors il commença à luy faire des reproches de fa lâcheté, il luy remontra le tort crue fa fuite faifoit aux Indiens, le peu de refpecl: qu'il avoit pour les ordres de Con. Cacique, 8c luy jura que fon crime ne demeuréroit pas im-puny ; mais qu'il ferviroit d'exemple pour retenir les autres dans le devoir. Là-defTus il ordonne qu'on le mené à un ruhTeau y 8c là il luy fait ofter ce qui le couvroit à la reierve d'un petit caleçon. Il commande qu'on apporte plulieurs rejettons d'arbres d'une brafie ' de long; il fait troubler Teau , Se ordonne au deferteur de fe coucher dedans Se de la boire toute. Quatre des plus robuftes Indiens eurent charge de prendre les verges, Se de frapper de toute leur force fur ce malheureux s il ' celToit de boire. Ce pauvre Indien but d'abord autant qu'il luy fut polTibîe ; mais comme il vint à reprendre haleine , on luy donna tant de coups qu'on le força de continuer. Cependant quelques-uns de fes amis courent "trouver Soto , fe jettent à fes pieds Se le conjurent avec larmes de demander à Patofa la grâce du malheureux.

Soto qui fçavoit qu'on ne ceflèroit point de tourmenter l'Indien qu'il n'eufl: perdu la vie , pria Patofa de fe contenter de la peine que le deferteur avoit fourîerre , il y confenti^,

X

fcaja 'tfifivire-de U-Floride'.

Se l'on tira incontinent du ruineau le pauvre Barbare tout enflé de l'eau qu'il avoit beuë-, .■en un mot à demy-mort.

Il arriva auiîi que l'un des jours qu'on fouf-fïlz le plus de faim dans le defert, quatre fol--dats des plus courageux , Se des plus honne-ites gens de l'armée refôlurent de partager ce 'qui leur reftoit de vivres en commun. Comme ils ne trouvèrent qu'une poignée de qros niillet ? ils la rirent cuire pour la renfier , ils -fe la partagèrent , 8e en eurent chacun dix-huit grains. Trois * mangèrent leur part, S: il ■n'y eut que Silveftre qui envelopa la Germe dans un mouchoir. Enfuite un.autre ibldat •qu'on appeJloit Troche , Iuy demanda sil •n'avoit rien à manger , Se il luy repartit aOèz ■plailamment. qu'on luy avoit envoyé de Se--ville de bons macepains.

Troche fe prit à rire, Se iur ces entrefaites lin autre de leurs compagnons arrive, qui les fupplie de luy donner quelques vivres. Sil-vcflre luy répondit encore agréablement ■qu'il avoit un fort excellent gafteau, Se qu'il .■cftoit preftà le partager. Ce dernier tournant cela en raillerie, Sil/eftre reprit qu'il n'avan-rçôit rien qui ne fuit vray, Se tira fon mouchoir où eftoient les dix-huit grains de millet,

• H Carilto , Mcroa , PahaJo. '

H en donne fix à chacun de les camarades, Se garde le refte pour luy. Us ie régalèrent auiii-, rot de cela avant qu'il iurvinft quelqu'un % puis ils s'en allèrent boire au ruilTeau , & pal-ferent la journée de la lorte fans manger. Voilà comme les autres loldats enduroient la faim .j & c eft par de femblabies travaux qu'on a ga-gné le nouveau monde , d'où l'on tire chaque année douze ou treize millions d'or & d'argent, avec une grande quantité de pierreries. Lors que je confidere auili que c'eil principalement du Pérou que viennent ces richeiTes aux Efpagnols • J'eftime qu'il m'eil fort glorieux d'eftre fils d'un des Conquerans de ce Royaume.

CHAPITRE VIII.

âucecz. des Capitaines envoyez, a la découverte*

DUrant ces chofes , les Officiers qu'on avoit envoyé chercher la route, ne ibuf-fërenc pas moins de faim que le General. Pen-dantcir.q joursdemarche ils en furenttrois fins avoir rien amanger.IIsne reiiluïent pas mefme dans leur découverte, à la referve d'Aniafco, qui rencontra un viltage fur le bord du fleur v€-qu'il coftoyoit. II y aveit peu de monde

X a

dans ce village , mais tant de provisions, que dans un feul logis on trouva cinq cens mefu-res de farine de gros millet, outre quantité d'autre en grain. Les gens de Patofa Se d'A-niaico réjouis de ce bonheur, vifiterent le refte des mai fous, montèrent aux plus hautes, virent deçà & delà le fleuve, plufleurs habitations , Se des terres cultivées. Enfuite ils repurent Se far le minuit les Efpagnols dépêchèrent vers Soto quatre Cavaliers, qui pour l'afTiirer des chofes qu'ils luydiroient, prirent des montres de gros miilet, Se quelques cornes de vaches. Jufques alors ils navoient point vu de vaches dans la Floride , encore qu'ils en eufTent trouvé de la chaire fraifehe. Ce qui Us avoit fouvent obligez à prelTer les Indiens , de leur dire où ils rencontreroient de ce beftail ; mais ny par prières, ny 'par menaces , ils ri avoient jamais pu rien tirer de ces Barbares.

La nuit mefme que les Cavaliers furent envoyez vers le General, les gens de Patofa ap rirent qu'ils eftoient dar.s un village de la Province de Cofaciqui, Se ils le foccagerent. Ils pilierent le temple oùeftoient lesrichefles du lieu , Se lans confédération deiexeny d'âge , ils tuèrent ceux qu'ils purent prendre, Se leur enlevèrent le teft pour les porter à leur Cacique , Se luy montrer la vengeance qu ils

a voient prife de Tes ennemis. Ce 'dtk>rdre dura julqu'au jour , Se fur le midy Aniafco 8c; Patora avec ceux qui les.accompagnoient , appréhendant -que s ils dtiiieuroient plus 4ong-temps au village , ceux de la contrée 41e s affemblalTeiit en grand nombre-, qu ils i:e vinlknt fondre lur eux Se ne les taiilaiîent -tous en pièces, ils reiolurent de deicamper, •Se d'aller rejoindre Soto. -

CH A P I T RE IX.

■Arrivée du General en Cofaciqui , avec ■ Lt découverte du Pays. -

Y* E General ayant (ça les particularité^ JO de la découverte d'Aniafco, il décampa, Se prit pour guide les Cavaliers qu'on luy a-yoit dépêchez. Mais à caufe que les troupes qui l'accompagnoient, enduroient beaucoup jdc faim, elles ne fongeoient qu'a fe rendre où il y avoit des vivres. De iorteque fans garder aucun ordre dans La marche , ils avancèrent avec tant de .diligence, qu'après avoir fait eq lin jour &c demy plus de douze lieues, ils arrivèrent où eitôient leur compagnons. Ils s'y rafraifehirent fept .jours 5 Se durant ce temps? les trois autres Capitaines que l'on avoit c#j.

*3

voyez à la découverte, retournèrent au lieu? d'où ils eftoient partis , fans avoir rencontré un feul village , ny.pris aucun Indien , quoy qu'ils en euiTent vu plufieurs pafTer. Mais Comme ils ne trouvèrent plus Sôto , ils fui-virent la route qu'il avoit tenue, Se fe rendirent au village où il s'eftoit avancé. Là ils luy racontèrent le détail de leur courle , ils fe rétablirent , 8c ils en avoient grand befoin ; car ils cftoienr abatus de fatigues, 8c depuis huit jours ils n'avoieiit mangé que des racines.. Cependant Patofa Se fes gens fe répandent quatre lieues aux environs du quartier, tuent indifféremment hommes Se femmes,faccagent les villages, Se pillent les Temples où ils peuvent entrer. Le General averty de cela Se que ces Barbares alloient encore pouiler leur ref-fentiment plus loin > crut qu'il eftoit de fon intereft d'empêcher le defordre, à caufequ'e-ftant contraire au deflèin qu'il avoit de gagner les peuples par la douceur , il luy feroit à l'a-, venir de cruels Se puifîans ennemis. Il envoyé donc prier Patofa de faire arrefter fes gens. Ce Capitaine obéît, Se à fon retour de la pour-fir'te de fes ennemis, Soto luy donna pour fon Cacique Se pour luy quelques étoffes de foye , du linge , des couteaux , des miroirs, &: autres choies femblables ; Se après l'avoir remercié de fes bons offices t tl le fupplia de

ne pas aller plus loin , 5c de reprendre Le chemin de fa Province.

Patofa ravy des prefens qu'on luy avoit faits , s'en retourna avec d'autant plus de joye , qu'il avoit hautement vangeion Seigneur. Soto enfui te de ce départ demeura encore deux jours au camp. Mais ii-tôt qu il vit les gens en eftat, il prit fa marche en montant le long du fleuve , où il trouva force vivres , & plufieurs Indiens malTacrez , ce qui avoit obligé les autres habitans de ces quartiers de fe retirer dans les forefts ; Se au bout de trois journées il campa dans un endroit remply de meuriers, Se de pluiîeurs arbres . chargez de fruit. Les logemens faits, il commanda à Aniafco de fuivre avec trente fan-taiTms, la route qu'on avoit tenue jufques alors, Se de tafeher a prendre quelque Indien, pour avoir connoiflance du pays Se du Cacique de laProvincc.Qu'en tout cas ii prit grand -loin de remarquer tout ce qu'il verroit , ahn que l'Armée continuait fa marche avec afTe*-rance. Qu'il fe repofoit fur fa conduite , Se cfpcroit que le bonheur qui 1 avoit toujours accompagné , ne l'abandonneroit point en cette rencontre. Un peu avant la nuit Antafco de fe S compagnons fortirent fecrettemtnt d'-i camp, ils iuivirent le chemin qu'on leur avoit dit, 5c qui s'élargiiîbic peu à peu, Mais après

£48 Hiftoîre de Li ihî'iécl

deux lieues , ils ouïrent un bruit confus & femblablc à ecluy que l'on fait dans un vil Là-dclTus continuant leur route iiiiqm.s hors aine forcit où ils.fe trouvermï, ils virent ds 4a lumière, ils entendirent des chiens aboyer, des enfans crier , Se des-.perfonnes parler, 5c connurent qu'ils n'eitoi-uc pas loin de que!-? ■que bourg. Us le préparent donc à prendre quelques Indiens, Se dans ce deflèin ils le cou^ lent doucement droit au village , chacun à ienvy l'un de l'autre*- .

Comme ils eurent un peu-marché, ils ap-# perçurent le Bourg au de là du fleuve , le long duquel ils eitoient venus. Ils tournent ■Se courent ci & là pour, découvrir un pafTa-, ge. Mais n'en-trouvant point, ils s'arrefte-r lent dans un lieu découvert lur le bord de la rivière, à l'endroit oèarrivoientksbatteaux. Ils s'y rafraîchirent quelque temps ; puis ils fe rendirent avant le jour. .Ils racontèrent au General leur découverte, & fi-tôt que le So? *eil fut levé il prit cent chevaux avec, autant de fantadhis, Se alla reconnaîtra le Bourg. Lors qu'il fut au pailàge du fleuve , Orti* Se Pierre l'Indien crièrent aux habitans. qu'on venoit pour traiter alliance avec leur Cacique , & que les gens qu'ils appercevoient > efloient la luitede.l.'AmbaiTadeur, Les Barbares furpris4w ce qu ils voyoiçnt fc retirer, ne

promptement dans le village y porter cette nouvelle.

—— ; » ♦

CHAPITRE X.

Conduite de la Dame de Cofaeiqui,

T 'Arrivée des Espagnols eftant répandue •*-* dans le Bourg, fix des principaux du lien, gens de bonne mine , âgez environ de 4^ ans chacun , entrèrent dans un batteau avec d'autres Indiens ; Se paflerent à l'autre bord. Comme ils furent en.prefence du General , ils fe tournèrent vers l'Orient, & rirent la révérence au Soleil, enfuite vers l'Occident à la Lune, puis à Soto qui efloit affis avec gravité fur un fiege qu'on luy tenoit toujours preft, pour recevoir les Ambaîladeur qu'on luy dé-péchoit. Ils luy demandèrent d'abord félon la coutume de tous les habitans de la Floride, s'il vouloit la paix ou la guerre ; Se il leur répondit la paix, avec leur alliance, &: des bat» teaux pour traverser le fleuve. Qu'il les fup-phoit auili de luy livrer paiTage fur leurs terres, Se de luy doruier quelques vivres pour aller plus loin. Qu'il cftoit marry de les imç «er^ mais que la necefTité l'y contraL Qu'ainiî la faveur qu'ils luy accorde.

luy feroit extrêmement ienfible. Qu'il tâ^ cheroit de la reconnoître, Se feroit -qu'ils auraient autant de iujet de fe louer de la con-cfuite^ que luy de leurgeuerofité. Les Indiens luy repartirent qu'ils acceptoient la paix , mais qu'il y avoitpeu de vivres au pays. Que la pefte à la referve de leur bourg avoir defolé la Province. Que la plulpart des habitans avoient efté emportez de cette maladie - 8c que les autres s eilant retirez dans les rbreits n avoient point femé. Que meime depuis la pefte ce flic , il neûoienî pas encore retournez dans leurs maiions. Néanmoins qu'il de-voit tout elperer , parce qu'ils eftoient fujets d'une jeune Dame, qui n'efteir pas moins pru* dente que genereufe. Qu'ils Iuv allaient ren* dre compte de toutes, choies , 8z qu'ils vieu-. droient apporter fa réponde , qui félon toutes les apparences ne manquerait pas d edre favorable. Là-deiTus, ils prirent congé du General , ils retournèrent au village, Se firent à leur PrincelTe un fidèle récit de tout ce qu'ils avoient charge de luy dire. A peine eurent-ils parlé, $c dit leur avis touchant les mefures qu'on devoit prendre dans cette rencontre ; que leur Dame commanda que l'on tinft prefi un batteau , & qu'on le parait le mieux qu'il feroit poiîtble. Elle y entra-eniuitc avec huit femmes des plus conlidcrablc.s de fa Province

Ce baCteau eîloit remorqué par un autre , où fe mirent les fix Indiens c-.'\ ret d'auprès desEffagnols, £» arec eux plufieuts •rameurs qui gouverhoiéîit les barreaux, Se -qui lespailerent au bord où tiioit le General. Au melme temps que h jeune Dame s-ar> .procha du General elle luy fk les complimens; & s cfteat aiTife fur un fiege qu on luy avoit apporté , elle raconta les choies que les gens 4uyavoîentdites.^Ellea!oiitaqu'encore oueie ■malheur de 1 année liiy otaft k moyen d'ailî-fier Soto comme elle l'euftTouhaité,-elle luy orTroit pourtant fix cens meiures de gros -millet. Que dans deux mai-ions du bourg qui eftoient à elle,on trouveroit cette quantité eh -chacune. Qu'elle avoit a'maiTé ces vivres pour 'fecourir ceux de fes iu jets qui a voient •efté prefervez 4& la pefte. Et pourveu que le General fuy laiilaft la moitié de Tes provisions, -s cauie de la pauvreté du ' v ays, qu'elle aban--donneroit 1 autre de tout fon cœur. Que s'il ••ddiroit quelque chofe de plus, elle ordon--neroit qu'on ouvrift les greniers d'un bourg -tout proche. Qu'elle y avoir deux mille mesures de gros millet, & qu'il en prendroit autant qu'il le jugcroitneceiTaire. Que pour loger plus commodément le General Se Tes Of--ficiers, elle quitteroit fa propre maiibn, & elle Jcur abandonneroic la mojtié du bourg. Que

pour les foldacs elle feroit baftir des huttes» Que mefme fi tout cela ne fuffifoit pas , elle commanderoit aux habitans de s'en aller dans un village voifin. Qu'enfin pour faciliter le palTage du fleuve à Ton armée, elle auroit loin tjue le lendemain il y euft des traîneaux Se des batteaux tout prefts , afin de montrer au General avec quelle ardeur elle tâchoit deluy rendre de bons offices.

Soto fit réponfe qu'il luy avoit les dernières obligations. Que lès offres qu'elle faifoit cftoient au de là de Ton mérite. Qu'elles luy fembloient d'autant plus confiderables que jfes fujets foirffroient, à caufe de la mifere de l'année , Se qu'elle fe retranchoit de plusieurs chofes pour l'obliger. Qu'à cette confidera-tion il fer oit loigneufement ménager les vivres , Se incommoderoit le moins qu'il pour-roit. Que touchant les logemens, tout eftoit réglé avece prudence, Se quil cfloit fi charmé de fa gencrofité, qu'il ne defiroit d'eftre ravo-rifé de la fortune, que pour luy témoigner un jour fa reconnoifTance des grâces qu'elle faifoit auxEfpagnols. Enfuite Soto la mit adroitement fur le difeours de la Province de Co-faciqui, Se des contrées voifines, & elle répondit d'un air qui marqua beaucoup d'efprit '■& de fagefle. On obîerva auiîî que les peu-plci de Cofaciqui &c des deux dernières Provinces,

1 Î3 vinces, avoient quelque choie cte plus doux,

de plus libre , '& de plus honneite que les ha~ bitans des autres pays. Car bien que ceux des contrées que l'on avoit découvertes demandaient la paix , 8c que mefme il l'entretint fent , on remarquoic néanmoins dans leivr conduite je ne fçay quoy de rude, de contraint, 8c de peu fincere. Mais pour ceux de Cofaciqui Se de leurs voifms, il fembloit que toute leur vie ils étalent eu commerce avec les Efpagnols. Outre qu'ils avoient beaucoup deftime pour eux, ils leur obeilloicnten tout, Se tâchoient par toutes fortes de moyens à leur montrer leur attention ; ce qui meritoit que l'on me nageafl leur amitié avec beaucoup ■ d'adrefTe.

CHAPITRE XI.

■VArméepaJJe le fleuve de Cofaciqui,

PEndant que la Dame de Cofaciqui par* loit à Soto j elle àéfila l'une après 1 autre une chaifne de groiïès perles, qui luy failoit trois tours au cou , Se luy dcçcndoit jufques à la ceinture. Puis elle fit ligne a Ortis de les prendre Se de les donner au General. Mais comme il luy temoignoit que les offrant ellcr Y

mefme, fes»perles recevroient un nouveau luftre ; elle luy dit que la retenue des perfon-nes de ion fexe luy derrendoit cette liberté, Soto qui fçiit ce qu'elle difoit, luy fit repondre qu'effectivement Ta main releveroit le prix de Tes perles $ Se que puis qu'elle ne les pre-fentoit.que dans la vùë de faire la paix, elle n'alloit ny contre la bien-feance ny contre Ton honneur. Ces paroles luy infpirerent une lionnefte hardieile, elle fe levé aulfi-tôt Se donne des perles au General, qui s'approche très-civilement pour les recevoir. Il s'ofta mefme du doigt un très-beau rubis , dont.il luy fit prefenten figiie de paix. Elle l'accepta & le mit à Ton doigt avec une grâce particulière. Enfuite elle prit congé du General, Se le retira dans le bourg , après avoir remply les Efpagnols d'admiration. Sa beauté Se Ion eiprk les avoient de telle forte occupés, qu ils ne fongerent pas feulement à s'enquérir de fon nom. Cèpe ndant pour donner ordre au pafiage de l'armée , le General demeura lur le bord du fleuve, que les matelots crurent eftae le mefme que celuy qui fur la cofte eft appelle Sainte Hefeine , Se il manda au Mettre de Camp de faire promptement avancer le refte ■des troupes, Se de fe rendre auprès de luy.

Durant ce temps-là les Indiens firent aulîï 4c5 tram eaux en fort grand nombre, Se ame-

livre quatrième: 2'f?

nerent plusieurs batteaux fi bien que le lendemain on paffa le fleuve. Quelques-uns ra* content que les Efpagnols eurent quatre chevaux de noyez , Se les autres fept. Ce qui leur donna un deplainr d'autant plus fenfible, que ce malheur eftoit arrivé par la faute de ceux qui conduifoient ces chevaux. En effet :1s les pouiTerent fi inconfiderément à travers le fleuve , qu'ils les engagèrent en un gouffre où-ils le perdirent- Les autres efiant heureu-fement paifez avec l'Armée y une partie des troupes le logea dans la moitié du village, que les Indiens leur avoient laiiié ; Se l'autre fous des huttes de rameaux ; car la contrée eft pleine de bois, d'arbres fruictiers & de meu-riers , plus beaux que ceux dont nous avons parle jufqu'icy.

C H A P I T R E XII.

On cïivgt: vers U mers de la Daine de Ccfatiqui.

Ii. E lendemain du paffage des troupes* u Soto 5-mforma avec foin de la Province de Cofeciqoi , 8c il fçùt que le terroir eftoit tres-bon pour femer , & pour nourrir des poupeaux. Il apprit de plus que la mère de i%

Y 2

Dame du pays, efloi: une veuve qui demeu-roit à douze Heuë du quartier ; Ç'efi pour-quoy il fupplia la fille de la mander. Et incontinent elle luy dépêcha douze des principaux Indiens , avec ordre de la prier devenir au Camp, pour y voir des étrangers dignes d'admiration. Se mefme des animaux* inconnus. Mais rien ne put ébranler la mère , qui blâma fa fille de légèreté , &: témoigna beaucoup de refTentiment de fa conduite. Elle trouva fort mauvais aufà que les En voyez ne fe fufTent pasoppofez à leur Dame; & fit connoî-tre.par Tes manières un çrand mépris pour les Efpagnoîs. Le General fur cette nouvelle, commande à Aniafco de décendre avec trente fantafnns le long du ficuve , vers un endroit éloigné de la communication des villages*. Que là i's rencont'reroientlamere de la Dame de Cofaciqui, Se qu ilTamcneroit au quartier avec beaucoup de douceur, à caufê qu'il de!l-roi: gagner le pays par cette forte âe voye, afin de s'y pouvoir un jour établir {ans grande peine. Aniafco part avec fes camarades • Se mené un jeune Indien de qualité, que la Dame de la Province luy avoit donné pour l'accompagner. Get Indien cftoit fuivi de quelques-uns de les domeftiques j & avoit charge lors

I Ce fan le* cherju«

■qu'on feroît prés du lieu où l'on aîîoit, de marcher devant,poiîr donner avis de la venue des Efpagnols , Se de conjurer la bonne merc au nom de fa fille & des habitans du pays de fe rendre au Camp. Qu'elle y aurok duplaiiîi & de l'honneur, Qu'en un mot elle y iêroit reçue avec beaucoup de jove & d'affection» La Dame deCoraciqui avoir dépéche'ce fat~ •ne Seigneur , à caufè qu'ayant eïté élevé par ia mère, il eneftoit aymé tendrement, £e qu'à cette coniideration il y avait lieu de croire qu'il la rendroit plus.favorable aux Eipasmols. Jl efloit d'ailleurs capable de faire reiuTir ce deifein luy feuL Car il a voit de l'adreiïe ; du jette la taille Se lamine avantageufes/fort lefte à la manière du pays 9 des plumes de diverfes couleurs fur la tefie, une belle mante * de peaux, un arc peint en la main, avec un carquois plein de flèches fur l'épaule. C'eftreitat où marchent ce jeune Indien, qui nelongeoit qu'à gagner l'amitié des Efpagnols, Se qui leur témoi§noit en toutes choies, que fa plu* grande fatisfaction feroit de les obliger;,

* Cela eftoit contre h coutume. 1^6 loàicnporrtûtia* icœcnc des peaux l'Eàé t -

T-'S

CHAPITRE XIII.

Mort iïq Stirneur Indien avec k retour des Envoyez.:

APires qu'Aniafco Se les compagnons eurent marcheenviron trois lieues , durant la chaleur du jour > ils ie repoîerent fous de grands arbres. Cependant le Seigneur Indien qui eftoit au milieu de la troupe, Se qui •jufqu alors les avoit agréablement entretenus de Coraciqui Se des contrées voifines , commença tout d'un coup à rêver; il apuye négligemment la tefte fur Ton coude , Se jette de fois à autres de profonds foupirs. Néanmoins de crainte de l'affliger d avantage , on n'ola îuv en demander la caufe. Eniuite comme il relia un peu de fo apirer, il prit ion carquois, Se mit dehors prefquetoutes les flcches l'une après l'autre. Elles eftoient extrêmement belles , parce que les plus confiderables ha-bitans de la Floride mettent leur honneur dans la beauté de ces fortes d'armes ; fur tout en celles qui leur fervent d'ornement. Comv me on aura du piailir d'apprendre la manière dont elles font faites, je parleray des flcches de l'Indien , qui accempagnoit les Espagnols.

Les flèches de ce Seigneur , eftoient de ro-leau, garnies de plumes, &.avoient toutes quelque choie dehnguiier. Pluiîeurs eftoïent armées de corne de cerf, ou d'os, de paillon , Se quelques-unes de bois de palmier, é^ui-fées par le bout , Se Âtnteléesgar. Jes collez avec.tant de propreté , qu on neunVpu rien faire de plus, jufte avec lacier.

Aulïi les Eipagnois les. trouvèrent 1î bien faites qu ils en prirent quelques-unes pour les confiderei de prés , Se cenvinrenttous qu'en ce genre il n'y avoit rien de plus achevé. Durant cela l'Indien qui voit que nos gens ne robfervent pa>, tire doucement de ion carquois une ileche , dont la pointe.eftoit de pierre à fuhl, Se iemblabie à celle -d'un poignard , ii s'en frappe a la gorge Se tombe mort. Et les Elpngnols étonnez de cet accident, Se fichez de n'avoir pu prévenir un coup lî fenefte , appellent les valets de cet Indien, & demandent la cauiede ce malheur. Ils répondent la larme al œil qu'ils eflimoient que leur maiftre s'efbit donné la mort dans la penfee que le iervice qu'il rendoit aux Chre-fttotis , ieroit trcs-defigreabîe à la Dame vers r tri illcsconduiioit. Que puis qu'elle n'eftoic pas venue la première fois, il cftoit à croire qu'elle s'en oftenfcroic Qu'ainli il reconnoif-ioic mal i amour qu'elle luyportoit, & les foins-

£.&o Hiftêirt de la lloridc*.

qu elle a voit pris de Ton éducation, lis' ajoiï-toion-t qu il s'cftoit airJi pcriiiadé , que s'il n'cxecucoit les ordres de la jeune Dame , il le mettroit mal auprès d'elle. Qii'iUeroic enfin contraint de fe retirer , & ils afleuroient que voyant qu'il ne pouvoit éviter de delTervir ia rille , ou la mère, il leur avait voulu ge-ncreuiement témoigner qu iTprcferoitlamort: -au malheur de leur déplaire. Les Efpagnols trouvèrent ces conjectures allez vray-lembla*-bles, Se continuèrent kiu* route. Maïs après trois lieues-, ifs s'enquirent des domefliques •de l'Indien , s'ils içavoient la retraite de la Dame qu'ils chetchoient, Se combien ils en eftoient encore éloignez. Ils répondirent que Jeur Maiftre feul la içav.oit ■; Jk que nean--moins ils s trTorecroient de la trouver.- Nos gens ne lauTerent pas de marcher , Sz au bout de quatre lieues ils apperçurent quelques •Indiens, ils fe mirent au flî-toft en -embulca-de , Se prirent un homme avec trois femmes. Txi> les fupplkrent de leur enfeigner le chemin qui conduiioit vers la mère de la Dame de Cofaciqui ; Se ces.Barbares repartirent que le bruit couroit, qu elle eftoit Jbr.tie de fa de demeure ordinaire , Se t]ue même -ils ne fça-voLnt pas bien. où elle fe retirait. Que tftutcibis ^ ils voulait r.r les iuivre , ils s en rit* fomi^idicnz , Se que uns k chercher bien

loin , el<e fe trouverait ;:eut-eltre fort prés. Sur cette reponle , pmmç les Efpagnols balançaient touchant la refolution qu'ils dévoient prendre, l'un de leurs compagnons dit, que les premiers Envoyez n'ayant eu aucun fuccez de leur entreprise , iln'yavoit point d'apparence qu'ils deuflent eflre plus heureux. Que la Dame qu ils aîloient chercher, témoignoit une particulière averfion pour les Efpagnols. Que s'eftant opiniaftrée à ne pas venir, elle auroit peut-être ailemblr des troupes pour les tailler tous en pièces, au cas qu'ils la voulufl'ent enlever, & que fans avoir des chevaux , ils ne pouvaient ny ie dépendre , ny rien tenter. Qu'après tout, cette bonne femme leur eflcit fort inutile pour l.ur conquefte, Se qu'il fumToit d'avoiria hlle , avec laquelle il falloit faire une paix folide. Que du reflc il ne fçavoient quelle route prendre pour aller à la demeure de la mère , parce quils manquoient de guides fidèles , Se que fans parler du jeune Seigneur, dont la mort efioit d'un mauvais prefage, leurs fitigues les dévoient obliger à retourner vers le General. Ils paflerent tous d'une voix a cet avis , Se reprirent le chemin du Camp ■> où ils rendirent compte de leur avanture. A trois jours de là un Indien s'offrit de les conduire en defeendant par eau, où cftoith merc

l^i Uîfâiri de la Tlorideï

de la Dame de Cofaciqui & Aniafco prit deux batteaux avec vingt de les camarades, & iui-vitfon guide.

Ils trouvèrent le premier jour les quatre chevaux qui fe noyèrent au paiTage dufleuve-de Cofaciqui , & cela, renouvela le déplaiiir qu'ils avoient eu de leur perte. Mais les cinq autres jours qu'il continuèrent leur voyage> ils ne firent aucune tencontre, & après beau* coup de peine ils revinrent au quartier avec nouvelle , que la Dame qu'ils alloient chercher j ayant feu qu'on retournoit à elle , s'e-ftoit cachée dans une forcit, d/où il n'y avoit aucun moyen de la tirer. Le General alors dcfefpc rant de 1 avoir > tourna toutes fes pen;-fécs ailleurs.

<k H A P I T RE XI V,

Métal qu on trouva en Cofaciqui

D

Urant les ccurfes d'Aniafco, les autre?

Eipagnols qui efperoient tous de faire fortune en Cofaciqui , s'informèrent avec foin desricheiTes qui s'y rencontraient, Se le

General commanda d'appeller les deux jeunes-Indiens que l'on avoit amenez- d'Apalaché. Ii les envoya vers la Dame.de Cofaciqui > h

Hipplîer de faire apporter des pertes avec de • ces métaux blancs & jaunes, dont trafiqueront les Marchands qu'ils.avoient fervis ; l'a fleurant que fi elle obligeait les Efpagnels en cela, elle.acheveroit de les combler de Tes grâces. Cette Dame dépêcha aulTi-tôt de fes fujets quérir de ce métal j & ils raporterent du cuivre d'une couleur tres-dorée , avec de certains aix blancs-., comme de l'argent, longs & larges d'une aune , épais de trois à quatre doigts y Se toutefois tres-legers. Maisqnand. on les maniait ilsie reduifoient en poudre, à la façon d'une motte de terre fort feiche. Enfuire elle fit dire aux Efpagnols,.qu'au bout du village , dans un Temple , où l'on -enter*, roit les plus conliderablcs du lieu , il y avoic de toutes fortes de perles en abondance. Qu'ils en prendroient autant qu ils le juge-roient à propos; que s'ils en vouloient d'avantage , ils en trouveroient à une licuë du quartier dans la Capitale de la contrée, Que cette ville , le fejour de fes an ce me s, avoic un Temple, où ils verroient une grande quantité de perle», qu'elle abandonne»!: à la dit-cretion du General 8c de fes troupes■ ; Se que :meime s'ils n'eftoicnt pas iatisfaits de tout cela, ils en pourroient encore avoir par le moyen de la peiche qui (e failoit au pays. Ces nouvelles coule-Lient Les Espagnols de

n'avoir pas rencOntr ... :fqui l'or Se

l'argent, dont on les avait flattez. Ils fe réjouirent aulli de voir queplufeurscroyoient qu'il y euft de l'or dans le cuivre ; mais comme ils n'avoient ny eau forte , ny pierre de touche y ils n'en purent faire l'eiTay.

CHAPITRE XV.

Temple cii l'on enterre les principaux habit ans de Cofaciqui.

LOrs que l'on fçût les richeffes du Temple , où efloient enterrez les plus confi-derables habitans de Cofaciqui, on l'envoya garder , & au retour d'Aniafco-le General Se les Capitaines s'y tranfporterent. Us trouvèrent dans ce Temple de grands corfres de bois , où il ne manquoit que des ferures , Se ils s'eftoilnerent que fans outils les Indiens les euiTent pu il bien faire. Ces coures eftoienc autour des murailles fur des bancs à deux pieds de terre, Se enfermoient les morts embaumez de telle forte , qu ils ne fentoient point mauvais. Outre ces grands coitres , il y en avoit de plus petits , 8e des corbeilles de rofeau très-bien faites. Ces derniers coffres eftoient pleins d'habits d'hommes Se de femmes, Se

les

îe? corbeilles rempile.-* de perles de toutes iz-çaris. Les Espagnols far in: réjouis de ta» c oie

richefTes j car il y avoir pi «s de miltt meiiirts de perles. Ils en peferent. vingt m dures, 8ç en prirent deux feulement avec au taiïçde iemen-ce de perles pour les envoyer aux Havanes , où Von en fçauroit le prix. Le General en effet ne voulut "point qu'on s embarraTan de beaucoup de choies ; Se meime il eut fait remettre dans les corbeilles le reite des perles ,* fi on ne l'euft fuppfie d'en dfftribuer. Il en donna donc à pleines mains aux foldats & aux officiers', avec bràre d 5h faire des Chapelets, àquoy elles eftoienr propres. -Enfui te les Efpagnols ibrtirent de ce Temple, Se Soto deux jours après, prît trois cens nommes des principaux de fes troupes, Se alla à Talomeco* Le chemin de part & d'autre depuis le Camp jufquà cette ville eftoir couvert d'arbres , dont une partie portoit du fruit, & il fembloit qu'on fe p/omenait dans un verger, Ainfi nos gens arrivèrent avec plailir Se lans peine à Talomeco, qu'ils trouvèrent abandonné à caufe de la nette. Talomeco efl une belle ville , Se marque aiTez qu elle a efte le fejour des Caciques. Elle efl lur une petite e-rhinenci prés de la rivière, & Confifte en cinq cens maisons bien baftie,. Celle des Seigm: irs s'elcve par defllis la ville Se fe vol

Z

5: tftf Ïli/Mii de la Tlortâil

Elle eft aufTi plus grande, plus- forte Se plus agréable que les autres. Vis-à-vis de cette maifon effc le Temple où font les cercueils des Seigneurs de la Province. Il eft remply de ri-chefTes , & bafti d'une manière magnifique. Mais comme je -defefpere.de ±e bien décrire , je conjure les bonnettes gens qui liront cette hiftoire , de iuppléer au défaut de mon ex-prefTion , en fe formant une grande-idée des chofes dont je les vais entretenir.

iC H A P I T R.E XVI.

DcfcriptiGtt du Temple de Talomeco.

LE Temple de Talomeco, ou eftla fepul-ture des Caciques, a plus de cent pas de long fur quarante de large ^ les murailles hautes à proportion, & le toi&.fort élevé , pour fuppléer au défaut de la tuile, & pour donner plus de pente aux eaux. La couverture eft de rofeaux fort déliez, fendus en deux, dont les Indiens font des nattes qui reflemblent aux tapis de jonc des Maures; ce qui eft très-beau à voir. Cinq ou fix de ces tapis mis l'un fur l'autre fervent pour empêcher la pluye de percer , & le Soleil d'entrer dans le Temple i ce que les particuliers de la contrées Se leurs

voifins imitent dans leurs maifons^

Sur le toicl de ce Temple il y a plufieurs coquilles de différente grandeur, Se de divers poifTons rangées dans un tres-bel ordre. Mais on ne comprend pas d'où on les peut avoir aportées, ces peuples errant fi éloignez de la mer , fi? ce n'eft qu'on hs ait priiez dans les fleuves Se les rivières qui arrofent la Province. Toutes ces coquilles font pofees le dedans en dehors pour donner"plus declat , mettant toujours un grand coquillage de limaçon de mer entre deux petites écailles , avec des in-tervales dune pièce àl'autre, remplis par plusieurs filets de perles de diverfe groifeur en forme de feftons , attachez d une coquille à l'autre. Ces feftons de perleS qui vont depuis »le haut du toief. jufqu'en bas , joints au vif é-clat de la nacre & des coquilles, font un très-bel eftet, lors que le Soleil donne deffus.

Le Temple, a des portes proportionnées a fa grandeur. On void à l'entrée douze fla-tuës de géant faites de bois. lis font repris-fente z d'un air fi farouche 8c -fi menaçant, que les Efpagrvols s'arreiterent long-temps à confi-derer ces figures dignes de l'admiration de l'ancienne Home. On diroit que ces geans foient mis là pour défendre l'entrée de la porte. Car ils font en haye des deux coftez, 5c vont en diminuant de grandeur. Les premiers oiat

Z z

huit pieds,, &. les autres un peu moins à proportion , en forme de tuyaux d'orgues.

Ils ont des armes conformes à leur taille, les premiers de chaque cofté, des maiTuës garnies de cuivre qu'ils tiennent ellevtes , & femblent tout prefts à les rabattre avec fureur , fur ceux qui fe hazardent d'entrer. Les féconds ont des marteaux d'armes , & les troifjémes , une efpece de rame ; les quatrièmes, des haches de cuivre , dont les tranchans font.de pierre à fufiL Les cinquièmes tiennent lare bandé , & la flèche prefte à partir. Rien n eit plus curieux à voir que ce< flèches, dont le bout d'enbas eft d'un morceau de corne de cerf fort bien mis en œuvre , ou de pierre à fulil afilée comme un poignard. Les derniers geans ont de fort longue* piques garnies de cuivre par les deux bouts tn pollure menaçante, ainii que les autres ; mais tou*d'une manière différente Se fort naturelle»

Le haut des murailles du Temple en dedans , eft orné conformément au dehors du toift y car il y a une efpece de corniche faite de grandes coquilles de limaçons de mer mis en fort bon ordre , & entre elles on voit des fêlions de perles qui pendent du toicl:. Dans l'intervalle des coquilles & des perles, on ap-perçoit dans l'enfoncement attaché à la couverture quantité de plumes de diveries cou*.

leurs très-bien diipofées. Outre cet ordre ouï règne au demis de la corniche , pendent de tous les autres endroits du toiit plulieurs plumes & plufieurs filets de perles , retenus par des filets imperceptibles attachez par ha*t Se par bas., enforte qu'il femble que ces ouvrages foient prefls à tomber,

Au defTousde ce plafons & de cette corn!-' . che , il y a autour du Temple des quatre collez , deux rangs de ftatuës, l'un au deiîus de rl'autre y 1\k i dhomme s 5c l'autre de -femmes > de la hauteur des gens du pays. Chacun a. fa .niche joignant Tune de l'autre 9 Se feulement pour orner la muraille qui eufl eilé.trop nue fans cela». Les hommes ont tousses armes -en main , où. font des rouleaux de perles de quatre ou cinq rangs aveedes houpes au bout •faites d'un fil trts-délié , Se de diverfes couleurs. Pour les ftatuës des femmes , elles iie portenfrien en leur main.

Au pied de ces murailles il y a des bancs de .bois fort bien travaillez , -où font potées les cercueils des Seigneurs de la Province 8c de ■leur famille. Deux pieds au deiîus de .ces ccr-cueili^n des niches dans-lc mur, fe voyait les itatuë* des perlonnes qui font là enfevelies* . Elles les reprefentent fj naturellement, que l'on juge comme elles cftoient au temps de Jeur mort, Les femmes n'ont rien à la nuin »

Z 2,

mais les hommes y ont des armes»

L'efpace qui eft entre les Images des morts,' Se les deux rangs de ftatuës, qui commencent fous la corniche eft femé de boucliers de di-verfes grandeurs, faits de rofeaux iî fortement tiifus , qu'il n'y a point de trait d arba-lefte , ny mefme de coup de fuiii qui les puilTe percer. Ces boucliers lont tous ornez de perles 8c de houpes de couleur , ce qui contribue beaucoup à leur, beauté.

Dans le milieu du Temple il y a trois rangs de quaiifes fur des bancs feparez. Les plus grandes de ces quaiifes fervent de bafe aux médiocres, & celles-cy aux plus petites, Se d'ordinaire ces pvramides font compofée de cinq ou iix quaifîes. Comme il y a des efpaces entre an banc Se un autre , cela n'empêche point d'aller de cotte Se d'autre, Se devoir dans le Temple tout ce qu'on veut.

Toutes ces quaiifes font remplies de perles, de forte que les plus grandes renferment les plus grolTes perles, Se ainlî en continuant juf-fm'aux plus petites, qui ne font pleines que de kmence de perles. Au refte la quantité des perles eftoit telle , que les Efpagnols avouèrent qu'encore qu'ils fuifent plus de neuf cens* hommes , Se eulfent trois cens chevaux , ils pe pou voient tous enfemble emporter en une fois toutes les perles de ce Temple. On ne

doît pourtant pas s'en trop étonner, fi Von coniidere que les Indiens de la Province apportaient dans ces quaiiTes depuis plufieurs iîecles toutes,les perles qu'ils trouvoient fans en retenir une feule. Et de là on peut juger par comparailoiiy que ii tout l'or Se tout lar-gent qu'on a amené du Pérou en Efpagne, ne s'eftoit pas transporte'ailleurs, les Efpagnols pourroient aujourdhuy couvrir d'or & d'argent plufieurs Eglifes. .

Outre cette innombrable quantité de perles, on trouva force paquets de peaux de. chamois, les uns d une couleur, 8c les autres d'une autre., fans, compter,plufieurs habits. de peaux avec le poil teintes différemment , plufieurs veftemens de chats, de martres, 8c d'autres peaux aulTi bien paliées qu'au meilleur endroit d'Allemagne Sc.deMofcovie.

Autour de ce Temple , qui partout eftoit fort propre , il y a un grand magafin diviféen huit falles de mefme grandeur , ce qui luy apporte beaucoup d'ornement. Les Efpagnols entrèrent dans ces lalles, & les trouvèrent pleines d'armes. Il y avoit dans la première de longues piques ferrées d'un très-beau cuivre , Se garnies d'anneaux de pcrîes, qui font trois ou quatre tours. L endroit de ces piques qui touche à l'épaule eft enrichi de chamois de couleur , 5c aux extremnez il

tj-L llrftchc de la Tlcridel

•y a dés houpes , avec des perles qui contribuent beaucoup à leur beauté.

Il y avoit dan-> la féconde falle des manu es Temblab'.es à celles de* gtans v garnies d anneaux de perles,. Se par endroits de houpes de diverics couleurs , avec des perles alentour. Dans la troiliéme on trou voit des marteaux d'armes enrichis comme les autres 9 dans k ^quatrième., des épieuxparez de houpes , prés du fer 5c a la poignée ; dans la cinquième dos -eipeecs -de rames ornées de perles Se de franges ; dans la fixiéme des arcs Se des flèches -très-belles. Quelques unes font armées de pierre a fuhi , égauees par le bout en forme •de poinçon , d epee, de fer de.picques , ou xie pointe de poignard, avec deux tranchans. JLes arcs lont emaillez de diverfes couleurs, luifâns ce. embellis de perles en divers t -droits. Dans la . feptié-me lalie il y avoit.des rondaches de bois 3e de cuir de vache aporté de loin, garnis de perles Se de houpes de cou? kur. Dans la huitième , des boucliers de K* ieaux tiflus fort adroitement , -Se parez de houpe.' <Scde kmences de pulcs. Voilà h deicri-ption du Temple & dumarahndeTalomeco, que les Espagnols qui ayoiect efté au.Perou, & dans les autres partits-de:!'Amérique* admi, tereut comme la merveille du nouveau mon-« cCi.Laiuiteiis demanderait, aux .Indiens ce

qui les avoir portez à amaffer tant de richei-Tes, & ils répondirent que tous les Seigneurs, du pais , & principalement ceux de leurPro-» vince, faifoient confifter leur grandeur dans la magnificence de leur Temple. Nos gens le contentèrent de.cette réponfe , Se auili-toft les Intendans de l'Empereur qui eftoient à la fuite de l'armée > pour recevoir Je quint de toutes les richefles que l'on trouveroit, délibérèrent de prendre les droits de leur Maiftre. Mais Soto leur dit qu'il ne fe falioit charger de rien. Que l'on efloit afTez embaraile des armes Se des proviilons que l'on portoit. Qu'après la conquefle de la Floride on le partageront, Se que^celuy auquel arriveroit la Province de Cof aciqui, payeroit le quint des trefors qui ie.trouveroient dans le Temple de Talomeco. Tout le monde approuva ce fen-timent, Se Ton reprit la tonte du quartier,

CHAPITRE XVII.-

Départ de Ccfaciqui, avec ce qui.arriva dans U marche jufques à Cbovala.

Si-tôt que le General rut arrivé au quartier il employa dix jours à s'informer des Provinces voifiues, & fur l'afieurance qu'elles c-

toient fertiles 8c peuplées, il commanda à Tes gens de fe tenir preft pour partir, & alla avec fes Officiers prendre congé de la Dame de Cofaciqui & des principaux Indiens. Il les remercia de leur obligeant-accueil, & fur tout la jeune PrincelTe, à qui il promit toutes fortes de reconnouTances des bontez qu'elle avoit eues pour les Eipagnols. Enluite les troupes décampèrent ; mais parce quelles n'a-voient pas allez de vivres pour marcher en gros, elles fe divisèrent. Le General ordonna à trois de fes Capitaines*, de prendre cent Cavaiiers avec deux cens fantaffins, & d'avancer douze Keuës dans le pays , à cotte de la route de Ch^va'aouon alloit. Qu'ils ren-contreroient dans un bourg fix cens mefures de gros millet ; & qu après en avoir pris autant ; qu'iis pourroient, ils rejoindroient lereftede l'Armée dans la marche. Ces Capitaines partirent incontinent, & le General prit le chemin qu'il avoit refolu. Il arriva en huit jours à Chova'a , qui confine à la Province-dé Co-faciqui, 3c ils Officiers au village , où ils a-Voient ordre de fe rendre. Ils y trouvèrent une grande quantité de gros millet, ils enlevèrent deux cens meiures, Se vinrent reprendre la route du General qui eftoît pailé. La

* ■ » —.—__ i

*-Gaile£0 , Titoco, .SiU-cHit.-

plupart d'entre eux qui ne lçavoient à combien ils eftoient de luy , & qui dans cette incertitude , craignirent de manquer de vivres iur le chemin, fe mutinèrent, & fans vomoir . obéir ils doublèrent le pas pour 1 atteindre. Les Capitaines qui vouloient aller douce* ment, à caufc de trois chevaux malades , tâchèrent à retenir ces mutins, par la considération des fer vices que 1 on tiroit des animaux. Mais ils leur répondirent fièrement, queî-'on ne de voit point préférer trois chevaux à la vie de trois cens hommes, & ils fe remirent à marcher plus fort Se p'us en de/ordre qu'auparavant. Là-defTus un des Capitaines qui fe trou voit a la r.efte , leur dit, qu il s eftonnoît de la précipitation avec laquelle ils alloient. Que dans deux purs au plus tard, ils join-droient le General à Chovala. Qu'il avott trop d honneur, & fçavoit trop bien la guerre pour les laifler dans-un pays ennemy. Qu'il He falloit donc pas fur une crainte ridicule de manquer de provifions,-abandonner des chevaux qui fervoient il utilement contre les Barbares. Que fans doute leur conduite les couvriroit de honte , Se donneroit un fenfi-ble depiaifir à Soto quiles-a-ymoit. Qu'ainiiils dévoient plutôt fonger à rentrer dans leur de-yoir , Se a mourir en braves foldats, que de-ftre dans la defobcïfTançc, & vivre fans gloire»

+$â Hljîch'c de ta Tloridel

Ces paroles les arrêtèrent un peu , Se le lendemain comme ils rrwchoient, il le forma darib l'air au milieu du jour, un orage accom-gagné de vents, de tonnerre, 8c à une grefîe fi funefte , que fans la rencontre de quelques: grands arbres , ils fuiïent tous péris. Car la ' grefle eftoit fort groffe , mais par bonheur elle ne dura pas long-temps. De forte qu : ifs continuèrent leur chemin, & arrivèrent le : troifiéme jour de leur marche à de petits villages , tjue Ton appclloirChalaques, d'où lés 'habitans s'cftôient retirez , hormis quelques vieillards, dont la plafpart avoient perdu la vue.

A trois journées de là, ils rejoignirent le General qui les attendoit depuis deux jours '^dans une valce de la Province de Chovalay éloignée delà Capitale d'environ cinq lieues, par la route qu'ils avoient tenue, & qu'ils : trouvèrent aflez belle. Car ils. marchèrent prefque toiîjours par un pays plain Se coupé à chaque trois ou quatre lieues, de petites rivières qui coûtaient agréablement par la campagne. Ils rencontrèrent aufTi quelques montagnes d'une pente fort douce , couvertes d'herbes très-propres pour le beftail ;" Se vinrent durant leur trai:te de très bonnes terres. Au refie depuis Àp; :ùpes à Cho-

Vala, le chemin fut d'environ cinquante-i^pt

Journées ,

journées, 3c prefque toujours vers le Mord ou Nordeft. Ce qui eft afTez remarquable , les Efpagnols trouvèrent dans les villages qui dépendoient de la Dame de Cofaciqui, plu* fleurs efcîaves Indiens des autres contrées, eue ceux qui allèrent à la chaffe Se àlàpefchè railoient priionniers. Ces efcîaves fervoient à cultiver la terre & on les avoir tres-maltraitez pour les empêcher dé fuïrv Aux uns on avoit coupé les nerfs du coup de pied, Se aux autres les nerfs qui font au deifus du talon» Quand j'auray encore dit quelque chofe de là Dame de Cofaciqui, j'auray raconté ce qui s'eft vu ou pafïè de plus considérable dans les ^Provinces.

CHAPITRE XVIII.

Gêner ofité de la Daim de'Cofaciquh

LEs Efpagnols fejoumerent quinze jours dans la Capitale de Chôvalâ, fituée entre un bourg & une petite rivière fort rapide y ils y furent tres-bieft reçus > parce que la Province dépendoit de la Dame de Cofaciquî. Enluite ils delcamperent, Se marchèrent le premier jour par des terres kmecs , Se cinq autres fur des montagnes, inhabitées-, & de

A a

'i-j% Riftoire de ta Tlortieï

vingt lieue de traverfe. Elles eftoient pleine^ de chefnes, de meuriers, de bons pafturages, Sz de petits ruiffeaux qui coûtaient parmy des vallées tres-frefches 3c tres-agréables.

Pour revenir à la Dame de Coïaciqui, elfe ^ie fut pas contente d avoir fait conduire les Efpagnols jufquesà Chovala, elle comman-cîa encore aux habitans de cette Province de leur fournir autant de vivres quils en vou-droient,& meime de-leur donner des Indiens pour les fervir durant les vingt lieues de montagne qu'ils dévoient paffer , avant que d'arriver à Guachoulé. Elle eut foin aulli, afin que tout allait mieux , que les-Jndiens de fer-vice fuiTent commandez par quatre des principaux du pays, & fît garder cet ordre , tan-âîs que les Efpagnols marchèrent fur les terres, JMais voicy comme .elle fe^gouverna à leur é--gard , lors quils fortirent des contrées de fon obe'nTance. Elle ordonna aux ■ quatre Commandans Indiens, que dés qu'ils arrive--xen: au pays de Guachoulé qui confine a fês Provinces, ils prifTent les devans ; Se qu'en qualité defes Amhaûadeurs, ils allaifent prier le Cacique de recevoir favorablement les Efpagnols dans ion eflat. Qu'en cas de refus , ils luy declaraflent la guerre, & le mcnaçailent de mettre tout à feu& a langdans Jacontrce. Le General ne fcûcricJi-de cet ordre, qu'a.

prés que l'on euft pafîe les montagnes. Alors comme les quatre Indiens luy eurent demande permilTlon de s'-avancer, ils luy découvrirent les chofes dont on lesavoit chargez. Nos gens furpris de cette genereufe conduite, demeurèrent dans le fentiment où ils eftoienr, que la Dame de Cofaeiqui defiroit de les fer-vir ardemment. En effet, lors que dans fà Province elle les obligeoit avec chaleur, elle les prioit toûjouts de luy pardonner , fi elle ne leur rendoit pas tous les bons offices qu'elle fouhaitoit. Les-Efpagnols pour la perfuader du contraire , luy faifoient compliment fur la manière dont elle agifToit. Cette Dame eftoit non feulement libérale envers nos gens, mais encore envers les fujets qu'elle combloit dé fes grâces. Elle meritoit auffi de commander ides Royaumes entiers, & pour eftre ur.g Princelie accomplie , il ne luy manquent qus d'effaré éclairée des lumières de la'foy.

CHAPITRE XIX.

Ce qui arriva aux troupes dans ledefert. .

LE jour que les Çfpagnols fortîrent de Chovala , ils trouveront à cire trois ef-dàves , dont deux ejioient Negrçs & l'autre

Aa 2,

À.laure. L'amour des femmes plutôt qu'aucun ma ivais traitement les avoit obligez à fuir & à ejemenrer parmy les Indiens,.li ravis de les avoir qu on ne pue jamais les retrouver quelque diligence qu'on fit pour cela. Comme les Nègres aymoient leurs Maîtres, Se pa(Ibtent pour bons Chreftiens , on fut fur-pris de leur faute, mais perfonne nes'eftonna de la conduite du Maure y qui eftoit fin Se méchant.

Deux jours après cette fuite , lors que les troupes marchaient a travers le ddert, ]uan Terron un des plus robuftes foldats de L'As» mec tira de ion Alforge *fur le mkly, environ fix livres de perles , Se prelTa un Cavalier de fes amis de les prendre. Le Cavalier le remercia , & luy dit qui les devoir garder , ou plû-toit puifque le bruit couroit, que le General dépéchoit aux Havanes , les y envoyer pour en achqpter des chevaux , & n'aller plus à pied. Terron piqué de cette réponfe > repartit, que ces perles nepaiTeroient donc pas outre., & là-deiïus il les répandit de cofté 5c d'autre fur l'herbe > & a travers des huilions. On fut furpris de cette folie; car les perles eftoieiu groOes comme des noilettes , d'une tre^-bjlLeeau , Se à eau fe qu'elles n'efioient

■» £fpe£C de gtaadc ûucouai:ic,

pas percées, elles valoient plus de fix mille ducats. Oirramafla environ trente de ces perles qui parurent fi belles, qu'elles firent re-* gjeler la perte des autres-, & dire par raillerie ces paroles , qui paiferent en proverbe par* my eux, ce ne (ont pas des. perles pour Juan Terron.

. Terron ne voulut jamais découvrir où H avoit rencontré tant de greffes perles , Se comme Tes compagnons le mocquoient fou-vent de ûi conduite , il les pria.un jour de l'épargner ; que toutes les fois qu'il (bfouve-noit de fa fotife , il îuy prenoit envie de ib pendre. Tels font les prodigues-, ils defpen-ient rbilcmsut leurs biens, & après ils en font au defelpoir. Au contraire ceux qui font libéraux ont de certaines joyes {ecretes, que l'on km mieux qu'on ne.les exprime*,

&n de la première Partie de VHiftoiii as U Floride.

a 3

HISTOIRE

DE LA

FLORIDE,

ou

RELATION

DE LA CONQUETE

De ce Pays par Ferdinand de Soto.

seconde partie.

M. DCC. VIL

picture5

HISTOIRE

DE LA

FLORID E.

SECONDE PARTIE.

LIVRE PREMIER.

Accueil des Efpagnols en diverfes Provinces de la Floride , avec les batailles qui s'y font données.

C H A P I T\R E I.

<Cûnune les Caciques de Guacboulé , CT d'UL'h.i * reçurent (es trtupes.

O^s que les Efpagnols eurent tra-verle le defert, dont j'ay parlé au dernier chapitre de la première Partie de cette Hiftoire, ils entrèrent dans la

picture6

4 oa Iciiiaiu.

£ Hiftoirc. à( la Ttcride. -

Capitale de Guachoulé,iituée entrepîufieurs ruifleaux qui paffcnt de cofté.Sc d'autre de la ville , Se viennent des montagnes qui lont à l'entour. Le Seigneur qui portoit le nom de la Province , fortit de la Capitale demy-îieuë au devant des Efpagnols , accompagné de cinq cens des principaux de la contrée , fort le fies à la mode du pays. Il receut en cet eftat le General avec de grands témoignées d'amitié r 8e le mena dans fa viliaquieftôk de trois cens feux ; puis il le logea en fa maifon qu'il avoit préparée pour celai. la confidera*. tion de la Dame de Cofaciqui ■> & pourveut les Efpagnols de toutes les choies necefïaires. Son logis eftoit fur une tertre avec une t<.rr.i~£ autour , où ûx hommes le pou voient promener de front.

Durant quatre jours que le General ftjcur* tu dans cette place , il s'informa de la qualité du pays*. Enîuite H prit la route de la Province d'Iciaha , 5c en faiiant tous les jours cinq lieues , il arriva le fixieme à la Capitale , qui poite le nom du Cacique Se de la contrée. Pour y aller il defeendît le long 4eplufieurs ruifleaux qui palfent^GuaciiouIc, qui le joignent à quelque di/tance de-la, Se font un fleuve fi puillant, que dans la Province<d I-ciaha éloigne de trente lieues de l'autre, il efc plus c^rani que le Gualiaquivir } c\\\ p^Ûfe à Se ville;,

thfe premier j

La Capitale dlciaha eft à la pointe d'une lïîe de plus de cinq lieues. Le Cacique à l'an, rivçe du General fortit de cette ville , & le fut recevoir avec toutes les apparences d'une grande joye. Les Indiens qui laccompa-gnoient firent la meû»e chofe à l'égard des autres Efpagnols 3 & les'paiîerent dans des barques , Se fur des traîneaux qu'ils tenoient prefts pour leur rendre cet ofSce, Us les logèrent après eYi'leurs maifons , ils les régalèrent le mieux qu'ils purent, & tâchèrent par toutes-fortes de moyens de leur marquer leur .bonne volonté. Le General senqùit z Ton -ordinaire de ce qu'on trou voit de particulier dans la contrée, & le Cacique luy dit qu'à Trente lieuëï de la Capitale -, il y avoit des rni-nés de ce métal jaune donril-s'informoit, Se que s'il vouloit y envoyer des gens , il les y feroit feurement conduire 5c ramener, Villa-bos Se Silvera s'offrirent de faire !e voyage , Soto y confentît, & i's partirent auili-tôt à pied avec des Guides Indiens,

CHAPITRE IL

Mjnkre dont les Indiens rirent les pries de leurs coquilles.

LE lendemain le Cacique vint voir le General , 5c luy donna un til de perles

% Hijloire de U Tlcrîde.

d'environ deux brades. Ce prefent fans doute eufl patte pour beau, fi les perles n'euttent point été percées; car elles eftoient toutes égales Se grottes comme des avelines. Sotoenrê-connoittance de cette faveur, Iuy donna quelques pièces de velours & de drap, qui furent particulièrement emmées de l'Indien , auquel il demanda on fe faiioit !a pcfche des perles, il répondit qu'elle fe faifoit dans fa Province. "Qu au Temple de la ville dlciaha , où fes anceftres eftoient enterrez , il y en avoit une grande quantité, Se qu'on en prendroit à dii-xretion. Le General répliqua qu'il luy eftoit obligé , mais qu'il ne vouloit rien emporter du Temple , Se qu'il n'avoit receu fon prefent que pour ne Iuy pas déplaire. Que ion dt^cm ettoit feulement de fçavoir de quelle forte on tiroit les perles des efcailes. Le Cacique repartit qu'il en feroit pefcher toute la Huit, & que le lendemain matin à huit heures il aurait la fatisfaction qu'il fbuhaitcit. Il commanda donc au même temps d'envoyer quatre batteaux à la pefche des perles, avec ordre de retourner au matin. Cependant il eut foin que l'on brnlaft force bois fur. le rivage , pour y faire un grand brafier , Se qu'ail retour des batteaux on mitt les efcaillcs de (Tu s qui s'ouvrirent à la chaleur. On rencontra à Couverture des prémieres,dtt ou douze perles

de

Ihrt premier* j

*!e la groiTeur d'un poix que l'en porta au Cacique, Se au General qui eflaâ€nt prefens., Se qui les trouvèrent très-belles, hormis que le feu leur avoit dérobé une partie de leur, éclat.

Lors que le General eut vu ce qu'il défi-roit, il retourna dîner ; Se incontinent après entra un foldat qui d abord luy dit, que mangeant des huiftres que les Indiens avoientpefl chees , il avoit rencontré fous fa dent une perle très-belle Se d'une couleur très-vive , & qu'il le fupplioitde la recevoir pour l'envoyer à la gouvernante de Cuba. Soto réfuta civilement cette perle , Se affeura le foldat gu'il luy eftoitauiîi obligé que s'il l'acceptoit. Qii'il tàcheroit un jour de reconnoiftre fon -affection , Se l'honneur qu'il faifoït à fa fem-* me. Et que cependant il eltoit d'avis qu'il confervaft fon prêtent , pour en acheter des chevaux aux Havanms. Les Efpagnols qui eftoient alors avec le General confïderererit la perle de ce foldat ; $e quelques-uns qui fê piquoient de fe connoiftre en pierreries , le-ftimerent quatre cens ducats. A'uffl e'ie ii;u voit rien perdu de fon luîlre, 8e 1 on ne se-itoit pas fervi du feu »v -ur la tirer.

Tandis que les Efpagnols kjournerent dans la CapirnL dlciaha, un cavalier qu on appclloit Louis d,c Bravo , le pr menant la il. Part. B b

G Hifloire de U Floridel

îance en main fur une chauiTée prés du fleuve? vit palier un chien , Se il luy jetta fa lance à defîein de le tuer, Se de le manger faute d'autre viande. Mais il le manqua, 8c le coup alla donner à la temple de Juan Mateos qui pef-èhoità la ligne, Se le tua. Bravo qui ne l'avoic pas vu , Se qui ne fe doutoit point de ce malheur , courut ramafler Ja lance, & il trouva qu'elle traverfoit la tefte de Mateos , le fcul des troupes qui euftdes cheveux blancs. C'eft pourquoy ils l'appelloient leur père , Se comme ils luy portoient beaucoup de relpecY,fa mort les toucha fenfiblement.

Tandis que ces chofes fe paiïoient, ceux qui eftoient allez à la découverte retournèrent au bout de dix jours, Se rapportèrent que les mines eftoient d'un cuivre fort haut en couleur. Qu'apparemment fi l'on chercheit avec foin , on renconrreroit de l'or Se de l'argent. Que du refte la terre par où ils avoient paiTé, eftoit bonne pour le beftail, Se pour le labourage. Que par les bourgs qu'ils a-voient traverfez , on les avoit bien reçus, Se qut mefme toutes les nuits après les avoir régalez , on leur envoyoit deux jeunes filles fort jolies pour coucher avec eux. Que néanmoins ils ne les avoient point touchées, de crainte que s'ils avoient pris quelque liberté avec elles , les Barbares le lendemain ne s'en

fuffent vengez fur eux à coups de flèches. Mais les Indiens'en ufoient peut-eftre delà forte dans la penfée de mieux divertir leurs ho fies, qu'ils vo voient jeunes & vigoureux 5 car s'ils les avoient voulu tuer, ils le pouvaient aifément fans chercher aucun prétexte,

CHAPITRE III.

Réception des Efpagnols dans les Provinces d'Acofté & de Coca.

A Prés le retour de Silvera 8c de Villabosi le General commanda qu'on fe tinft preft pour partir, Se l'on décampa le jour Suivant avec l'amitié des Indiens de la contrée. Les troupes marchèrent le long de Mile, 8c à cinq lieues dlciaha, où fe fait la jonction du fleuve de cette contrée , avec celuy du pays , où Ton entroit, el!< s r< ncontrerent la Capitale d'Acofté qui porte le nom de la Province. Le Cacique les y reçut d'abord d'une manière bien différente de fon voifin, car lors qu ils entrèrent en Acoité , il y avoit plus de quinze cens hommes fur les armes, tous gem refolus & déterminez à combattre, qui ne delarmerent.point de tout le jour, Se oui traitterendes Efpagnols avec tant de fierté

Bb z

Se d'i'nfol'ence, que plufieurs fois on fut preft d'en venir aux mains avec eux ; mais le General l'empêcha pour ne point rompre la paix qu'on avoir, gardée députe la fortie d'A-pahehé. On obéît, &: Ton fut toute la nuit fous les armes aulTi bien que les Barbares, qui le- lendemain agirent avec moins de défiance Se plus de eu ilité. Le Cacique accompagne-des principaux du pays , vint obligeamment offrir du gros millet •> Se nos gens crurent.qu'il s'eftoit adouci à. la recommandation du Seigneur d'Iciaha,qui l'avoit envoyé prier en leur faveur. Le General accepta les vivres 5c les paya. Les troupes auffi-tôt defcamperent,,Se pafïcrent le fleuve dans desbatteaux Se fur des traîneaux, ravies que les chofes fe fuffent terminées fans combat. Elles entrèrent de là dans # la Province de Coça dont lçs habitans vinrent au devant d'eux ,'&. les reçurent avec affection. Ils leur fournirent aufTi de*s vivres *c des guides pour les mener d'un bourg à l'autre.

Coça eft une Provinc? de cent lieues de traverfe. La. terre en eft bonne, Se le pays fort peuplé. Car en un feul jour fans compter l'es villages de cofte 5c d'autre de la route, les Espagnols traverferent dix ou douze petites bourgades, dont les habitans leur donnoient des provilions , 5c mefme ceux d'un heu hei

i& Coça/un Chreftien qui n'eftoit point E£. pagnol,. fe cacha dans cette place pour ne point fuivre les autres. Mais comme il n'eftoit pas confiderable, on ne le trouva à dire qu'à TalifTe, où l'on effara de le faire venir, mais inutilement. Il fit dire au General qu'il vou-. loit demeurer avec les Indiens, & que fort Capitaine l'ayant querellé,, il ne le vouioit jamais voir , ny les Efpagnols aufÏÏ. Là-deiïus le General pria le Cacique de luy rendre ce deferteur. Mais Coça luy repartit agréablement, que puis qu'ils n'avoient pa? tous voulu s'eftablir fur les terres , il eftoit juft'e qu'il y en demeuraft au moins quelqu'un, & qu'il en auroit un foin tout particulier. Qu'ainh il îè fupplioit de luy pardonner , s'il ne contrai** gnoit point Ton (bld'at de rejoindre les troupes. Soto alors qui coniidera qu'il n'nbtien-droit rien du Cacique , ne le. prefTa pas da-

vantage.

J'ay oublié de dire qu'un Nègre fort bon Chreftieir^Be fort bon efclave, demeura malade a Coça , 8c qu'il fut recommandé au Cacique , qui promit d'en avoir foin. Ces particularité font de peu de confequcncc,mais je les raporte , afin que fi quelque jour on fait Kl conqucfte de la Floride > on puiiTe s'informer des habîtans du pays, »'îh ne fefouvien-nent point des étrangers qui fe font cftabils-parmy eux.

Ï4 HiftoWe de la Floride]

CHAPITRE V.

De quelle manière Tafcaluça reçût le General.

LE General fejourna dix jours àTalifTe^ où il s'informa des Provinces voifwes, Se du chemin qu'il avoir, à faire. Cependant le fils de Tdcaluça le vint trouver. C'eftoit un jeune homme d'environ dix-huit ans ; mais iî haut, qu'il furpaifoit prelque de la moitié du corps tous les Efpagnols, & tous les Indiens de l'armée. Il avoità fa fuite plufieurs gens confiderables , Se venoit en qualité d'Ambafladeur offrir à Soto l'amitié de fon père , fa perfonne 8c fa Province. Soto le reçût aufïî avec beaucoup de civilité, tant pour le mérite particulier qu'il fembloit avoir, que pour fon air qui avoit quelque chofe de grand. Enluite , comme ce jei^e Seigneur apprit que le General voulait aler voir TaC caluça, il luy dit que fon Père n'eftoit qu'à douze lieues du camp , 5c qu'on s'y pouvoit rendre par deux chemins. Qu'il iupplioit le General d'envoyer quelques fôldats pour les reconnoiftre , avec ordre d'aller par l'un 8c di£ retourner • èroitron*

8uîre Se ramener feurement; & qu'après on marcheroit par la route la plus agréable & la plu* aifee. Villabo qui fouhaitoit que la découverte fuft heureuie , t> : ofrrit d'aller avec un de les compagnons trouver Tafcaluça. A fon retour les Eipagnols dirent adieu à Coça & à Tes fujets, & prirent le chemin que Villa-bos leur marqua. Ils parièrent le fleuve de TalifTe fur des traîneaux 6c des barques 3 8c au bout de trois jours ils'arriverent a la vue -d'un petit village où les atrendoit Tafcaluça. Mais lors qu'ii apprit qu'ils approchoient, il fut au devant d'eux, Se s'arrefta fur une émi-nence pour le? mieux voir. Il efloit environné de cent des principaux de les fujets, tous de bout, tandis qu'ii eftoic^affis for une chaife de bois, haute d'environ deux pieds , fans doiTier, ny bras >*&t toute d'une pièce. Prés de cette chaife il y avoit un Indien avec un en-' feigne de peau de chamois , traverfé de trois barres d'Azur , de la figure d'un eftendart de Cavalerie; Nos gens en furent furpris, parce qu'ils n avoient pas encore vu de drapeau "parmy les Indiens.

Tafcaluça efteit âge de quarante ans , ou ■environ, & plus haut de deux pieds que ceux qui l'accompagnoient ; de forte qu il paroil-foit un géant. Son vilage,Tes épaules & le «fie de fon corps répondoit a cette hauteur,

ï6 Bifioîu de U TkrtiS.

Se il eftoitgrosa proportion^ bel homme J l'air noble 5c fier , le mieux pris en ia taille , & le plus grand que l'on euft encore vu dans Il Floride.

Comme il attendoit Soto fur l'éminence^ quelques Officiers Elpagnois s'avancèrent jufqu auprès de luy, fans qu'il d'aignaft les regarder , ou leur faire la moindre civilité ; Se il îembl oit qu'il ne les euft pomt apperçûs. Mais a l'arrivée du General, il fe leva, Se fit quinze ou vingt pas pour le recevoir. Soto de \on cofté mit pied à terre &. l'embralTa. Ils s'entretinrent tandis que les troupes fe logèrent dans le bourg Se aux environs. Après ils fe donnèrent la main, Se vinrent à la maifonqui eftoit préparée pour le General, où le Cacique prit congé de îuy, Se fe retira.

L'Armée fe rafraîchit deux jours dans le village, Se le troiiiérae elle en fortit. Tafca-luça fous prétexte -d'amitié Se defervice,la voulut accompagner durant qu'elle marche-roit fur fes terres. Si bien que Soto commanda tyue Ton tinft preffc un cheval pour ce Cacique, de mefme quon avoir fait jufques-ià pour tous les autres Seigneurs Indiens ; ce que j'avois oublie j dire. Mais comme Tak. caluça eftoit grand , on eut de la peine à luy trouver une monture. G-pend -nt lors que l'on euft bien cherche, on rencontra un

cheval

cheval de baft, on le mit defiiis-, après îuy a-voir donné Un habit d'écarlatte Se une cape de mefme couleur j mais il s'en falloit tres-peù que Tes pieds ne touchaflênt à terre.

Le General réjoui, qu'enfin on euft dé •emoy monter le Cacique donna lès ordres pour marcher, Se l'Armée fit quatre lieues •chaque jour, Se autroitiéme elle arriva à la Capitale , que l'on appelloit Tafcaluça du nom du Seigneur Se delà Province. Cette ville eft forte , parce qu'elle eft au milieu d'une prefque Ifle, que forme le fleuve qui paiTe à Taliffe, Se qui eft beaucoup plus grand Se plus rapide à Tafcaluça qu'à ce bourg. Le lendemain on traverfa le fleuve, mais à caufe qu'on n'avoit pas afTez de traîneaux, on employa tout le jour à pafTer , Se l'on ne put longer qu'a dcmy-lietië de là dans une valée tres-àgréable. Alors les Efpagnols trouvèrent] ù dire Villabos 8c un autre cavalier, fans qu'ils puffentfçavoir ce qu'ils eftoient devenus. Ils foupçonerent alors feulement que s'eftant écartez, les Indiens les avoient tu~z. Villabos en etfet fe plaiioït à fortir du camp Se à courir le pays ; mais de ces fortes de courfes il n'en arrive d'ordinaire que du malheur.

On commença deflors à avoir mauvaife o~ pinion de l'amitié de Tafcaluça. Et ce qui confirma cette créance, fut que ks Efpagnols

■II. Part. Ce

kt Hiftoîre de la Vlorlde.

cémoignans aux Indiens leur étonnement de !a perte de leurs camarades, les Barbares leuT répondoient avec infolence , qu'ils.ne leur avoient pas donné en garde, Se qu'ils n'e-iloîent pas obligez de leur en rendre compte. XjZ General ne voulut point pouffer la chofe, de crainte d'effaroucher le Cacique. Etparce -qu'il crut que Villabos Se ion compagnon cftoient tuez,, il différa de vanger leur mort, îufques à ce que la fortune leur en fournie quelque Qccalion.

Le lendemain Soto envoya à Mauvila ,' qui eftoità une lieuë & demie du camp^ Gonçal Quadrado Charamillo , Se Diego Vaiqués, cavaliers expérimentez dans toutes fortes de rencontres, Se leur ordonna de re~ ^connoiflre ce bourg , Se de l'y attendre.

CHAPITRE VI.

découverte d'une trahîfon-datts Mauvila.

A. V mefme temps que Quadrado & forî camarade furent partis , le General prit cent chevaux Se autant de fantafllns, pour riîler à l'avant-garde avec luy Se le Cacique y Se donna ordre au Meftre de camp de le fuivre fin diligence. Néanmoins le refte de l'Armée

ne fortitque tard ; & dans la penfée qu'il ri y àvoit rien à craindre , ils ie répandirent deçà Se de là pour-chaffer.

Le General arriva fur les huit heures du matin à Mauvila, qui confiftoit en quatre-vingts maifons, où dans quelques-unes oa pouvoit pofter quinze cens hommes, dans quelques autres mille, & aux plus petites environ iix cens.- Ces maiions n'avoient pourtant qu'un corps de logis ; .car. les Indiens ne les font point autrement, 8c chaque corps de logis eft en forme de fa!le avec quelques petites chambres. Au refte , comme Mauvila eft une place frontière, les maifons en eftoient fortes Se belles , & marquoient alîez la pui£ fance du Cacique. La pluipart auiTi luy ap-partenoient, & les autres aux principaux de fes lujets. Le bourg de Mauvila eft dansene très agréable plaine , ceint d'un rempart fort haut, palilladé deigroffes pièces de bois, fichées en terre avec des ioliveaux en travers par dehors ^attachez par dedans avec des fortes cordes: Le haut des pièces de bois e-ftoit enduit de terre grafii ; méfiée de longue paille , ce qui rempliiloit de telle forte le vui-de qui fe trouvoit entre les pièces de bois, que cela paroifloit une muraille de maflonnerie. II y avoit de cinquante pas en cinquante pas des tours capables de tenir huit hommes avec

Ce 2

des crenaux à quatre ou cinq pieds de terrej Ii n'y avoit que deux portes àJMauvila, l'une au Levant, l'autre au Coucaant , Se une grande place au milieu du bourg entourée des principales maifons. Soto arriva avec le Cacique dans cette place qui eft au milieu de la Ville. Tafcaluça auiTi-tôt mit pied à terre > Se appella Ortis pour luy montrer le logis du General Se de fes Officiers. Il luy dit que les-. valets Se les autres gens de fervice prendroient la maiion la plus proche du logis du Gênera^ Se que les troupes camperoient dehors à la^ portée du trait , où l'on avoit fait de fort bonnes huttes. Le General fit répondre qu'il falloit attendre que fon ^lettrede camp l'euft joint, & la deiTus le Cacique entra dans une rnaiîon , où eftoitfon conieil de guerre. Cependant les foîdats qui s'eftoient avancez a-vec le General demeurèrent fur la place, 8c envoyèrent leurs chevaux hors, du bourg 9 , juiqu a ce qu'ils euiîent vu le lieu qu'on leur deftinoit.

Sur ces entrefaites Quadrado qui eftoit venu rcconnoiflre Mauvila , vint trouver le General. Il luy dit qu il le falloit défier du Cacique ; 8c qu'il craignoit une trahi fbn. Qu'il y a voit dans le s maifons du bourg prés de dix mille hommes de guerre , tous jeunes gens, lcftcs Se bien armez > la, fleur des vaû

faux de Tafcaluça & des Seigneurs Voîfins* Que plusieurs logis eftoient pleins d'armes. Qu'il n'y avoir dans Mauvila que de jeunes femmes qui pouvoient combattre , nuls en-fans , Se que les habitans eftoient libres Se fans embarras. Qu'a un quart de lieuëaux environs du bourg , ils avoient fait le dégaft 7 ce qui faifoit eonnoiftre qu'ils avoient envie de fe battre. Que tous les matins ils fortoient en campagne , Se faifoient l'exercice en très-* bon ordre. Qu'à cela il falloit ajouter la mort de Viilabos avec l'orgueil des Barbares, 8c qu'ainfï il eftoit d'avis qu'on fe tinft fur ks gardes. Le Gêner il commanda auiTi-tôt > que fous main on avertîft. de îa trahifon ceux de Tes gens qui eftoient dans le bourg, pour fe tenir prefts en cas d'alarme , avec ordre à Quadrado de raconter au Mettre de camp ce qu'il avoir vu.

Carmona dit que le General fut reçu à Mauvila en grande réjoùifîance , & qu'à fou entrée les Indiens pour r_r'eux couvrir leur mauvais defTein, avoient ordonné piuficurs. dan ces de femmes , ce qui eftoit agréable à voir; car les Indiennes l'ont belles & bien-faites. En effet celle que Mofcolo emmena de Mauvila au Mexique, fut trouvée (i charmante que les Dames Efpagnois qui eftoient dans ce Iloyaume le prièrent Couvent de la

Ce 3

leur envoyer pour la voir.

Quant au Cacique , lors qu'il fut entre dans la maiion où l'attendoit ion conicil, il dit à les Capitaines qu'il n'y avoit point de temps à perdre y Se qu'il falloir promptement déterminer fi l'on egorgeroit les Espagnols qui eltoient dans le bourg , ou (i l'on attendroic qu'ils fuiTent tous joints. Qu'il ne doutoit point du fuccez de l'entreprile, quelque refo-lution que l'on prifl ; parce qu ils n'avoient à faire qu'à un petit nombre.de lâches & de inal-adroits. Mais que pour eux, outre qu'ils fe trouvoient huit contre un, ils eftoient vail-lans oc expérimentez. Qu'ils declarafïent donc hardiment ce qu'ils trouvoient bon d'exécuter, Se qu'il n'attendoit que cela pour perdre fes ennemis.

CHAPITRE VIL

Jtefolut'wn du confeil du Cacique , avec le com~ mencement de la bataille deMauvila.

LEs opinions du confeil de Tafcaluça furent partagées. Les uns foûtenoient qu'on ne devoit point attendre à attaquer les Efpa-gnols qu'ils fe fuifent joints, à caufe que la dtfaice en leroit plus difficile 5 Et les autres,

livre premfef. qu'il feroit" lâche de les attaquer lors qu'il* eitoient eu petit nombre. Qu'ilfalloirdifférer l'attaque jufqu'à ce qu'ils fu lient cotisa Mau-vi!a j & qu'alors il y auroit plus de gloire 3 les vaincre. A cela les premiers repartirent qu'on ne dévoie rien hazarder, que les Efpa-gnols eftant joints, fe deffendroient avec pins de vigueur , Se pourroient tuer quelques Indiens. Que la mort de leurs ennemis couile-roit trop cher, fi elle leur coulloit la perte de quelques-uns des leurs j qu'ainu* il impor-toit de donner Tans délibérer davantage. Cet : avis 1 emporta , Se il fut refolu que l'on cher-cheroit prétexte de querelle, Se qu'au cas que Ton en trouvait, point, on ne Jailîèroit pas de paffer outre , d'autant qu'il y avoic toujours railon de perdre Tes ennemis.

Tandis que ces choies fe pauoient, lés valets du General qui avoient appreité le d£*-ner , 1 avertirent qu'on alloit fervir , Se il commanda de dire à Taicaluça qui avoic toujours mangé avec luy., qu'il lattcndoit pour fe mettre* à table. Ortis qui avoit rcçii cet ordre alla au logis du Gacique , pour le prier a diner, mais la porte luy fut refuJec , 8c on luy répondit que Taicaluça alioit fbrtir. Il retourna une féconde fois Se il eut la méfrne îcpoiifc i 8c a la troifîcmeil dit que Tafcaluça, yinft s'il luy plaiioit ; & que le diner eûoJc

-2.4 Uifloire de la Floride^.

fur table. Alors un Indien qui avoit lammë d'un OrEcïer, , repartit qu il s'eitonnoit que des brigands ofaiîent .proférer le nom de Ion Seigneur avec fi peu de reipecr., & i'appeiler Talcaluça , iàns luy donner les titres qui luy eftoient dus. Q^-Lii juroit par le Soleil, que l'info!ence de ces coquins leur coufteroit la vie , Se qu'il falloit dès aujourd'huy commencer à les chaitier. A peine cet Indien eut-il parle , qu il en vinft un autre qui luy donna un arc & des flèches pour commencer le combat. Le Barbare renveric auiïi-tôt ks bords de la mante lur les épaules, apprefte fon arc, Se le met en eftat de tirer iur une troupe d Ef-pagnois dans la rue. Gailego qui le rencontra par hazard à un coite de la porte par où 1 Indien eftoit forti , voyant cette trahifon déchargea au Barbare un tel coup d'eftra-maiîon furJ'cpaule, qui neftoit couverte que de la mante, quille fendiit jufqucs aux entrailles , & tomba mort dans le temps , qu'il alloit lai cher le trait. Ce Capitaine qui venoit d'eure. tue avoit en lortant commandé aux Indiens de charger les Efpagnols. C'eft pour-quoy ils fondirent de toutes parts Se donnèrent avec tant de furie lur nos gens, qu ils les châtièrent plus de cent pas hors du bourg. Néanmoins pas un Elpagnol ne tourna le dos, tous combattirent & (e retirèrent en braves fbidacs.

Parmy les Barbares-qui donnèrent les pre* miers, il y avoit un jeune homme de marque âgé de dix-huit ans , qui jetta les yeux for Gallego y Se luy tira fix ou fept flèches, mais inutilement, fi bien que de rage de ne l'avoir ny blefle, ny tué, il le ferra de prés, Se luy déchargea arec tant de force trois ou quatre coups de fon arc fur la telle, que le fan s en coula. Gallego qui prévit la recharge, le perça de deux, coups d'epée , & le.renverfa mort à fes pieds.

On fe'perfuada que ce mort eCtok fils du Capitaine Indien qui avoit perdu la vie, 8c que la paflion de vanger la mort de fon père l'avoit attaché à Gallego avec opiniaftreté. Mais ce ne fut pas ce jeune homme feuî qui fe battit courageufement, les autres donnèrent avec îamelme ardeur ; car ils n'a voient tous pour but que d'exterminer les Efpagnols*. Les Cavaliers qui avoient envoyé leurs chevaux hors de Mauvila , coururent prompte-mçnt les reprendre. Les plus viftes montèrent defïus , les autres n'en eurent pas le loîfir, Se leur coupèrent les longes, afin qu'ils puifeur échaper à la fureur des Barbares -> mais les derniers qui ne purent ny les monter, ny les mettre en liSertc , tes virent percer à grand coups de flèches. Car les Indiens qui avoient fait deux bataillons donnèrent vigoureuiement >

les uns fur les Efpagnols, 8c tes autres fer lès chevaux & le bagage qui eftoit là. Enfuite ils portèrent le butin dans leur maifon , Se il ne refta aux Efpagno's que la vie qu'ils-defrendi-rent en gens de cœur. Ils rirent en effet dans cette rencontre tout ce que de braves foldats pouvoient faire.

CHAPITRE VIII.

Suite de la bataille de Mauvila,

LEs Cavaliers qui eftoîent montez à cheval s'eftant joints a d'autres qui arri-voient à la file, s'oppofent à la furie des Barbares ; & s'avancent pour kcourir l'Infanterie qui en eftoit prelTée ; les ennemisk relalchent peu à peu , les noires fe raffembknt & font deux gros, l'un d Infanterie , & l'autre de Cavalerie. Enfuite ils fondent fur les Indiens avec tant d'ordre-& de courage, qu'ils-les se-pouflent jufques dans leurs fortifications, où ils leroient entrez peile-rneile , fi ceux qui eftoient dedans n euiîent fait pleuvoir de toutes parts de> fleches .& des pierres. C'cftpour-quoy nos gens fe retirèrent, Se les Indiens-fortirent fi promptement, que plulieurs fe jet-tereut. à bas des murailles , & approcheruic

■les Efpagnol de ii prés • qu'ils fe feffirènt des lances de quelques-Cavaliers. Cependant ils ne remportèrent aucun avantage; nos foldats qui le battoient en bon ordre les ayant ?drok :tement attirez a plus de deux cens pas du bourg, redoublèrent leurs efforts, & les y recognerent vertement. Mais comme de defc fus leurs terraffes , les Barbares incommo-doient les noftres, on eut recours aux rules pour les obligera fortir, & donner lieu aux Cavaliers de les percer. On fit donc plulieurs feintes pour les attirer, &: comme elles reù£-firent on les repouflâ. plufieurs fois ; mais ce ne fut pas fans perte de part Se d'autre. Car ils ioLitenoient Se attaquaient vivement nos gens.

Le Capitaine Gallego parmy les efearmou-ches , eftoitfuivi d'un Dominicain bien monte qui eftoit fon frère, de qui le prioit d'accepter fon cheval. Mais le Capitaine qui le trouvoitdes premiers dans le combat, & qui aimoit l'honneur avec paiîion, ne voulut jamais quitter fon rang. Cependant Ion frère qui piquoit & d'autre après luy 7 fut tiré par un Indien, qui le bleffa légèrement a l'épaule, parce qu'il avoit deux capuchons avec un grand chapeau de feutre qui flottoient dcfTus.

Il y eut dans ces attaques quantité de morts |c de bleflez. Entre autres mourut Dom

s$ 'Hi/tohe de ht florin

•Carlos Henriquez, qui avoit cpouféiaKieCé du General, Se qui eftoit aimé-detoute Tar-mée. Ce cavalier parmy beaucoup d'excellentes qualitez eftoit généreux envers tout le monde , 8c fort brave de fa perfonne. Rien ne toucha plus les Efpagnols, que fa mort qui arriva en cette forte. Son cheval dans la der-"•niere attaque eut un coup de flèche au poi-tral, & aulTi-tôt Henriqucz fe courba pour l'arracher j mais comme il tournoit un peu là tefte fur lefpaule gauche , il découvrit fa gor-rrc, Se reçût en cet endroit un coup de flèche armée de pierre à fulil. Il en tomba par terre-, & mourut le lendemain,. t Voilà comme les Efpagnols & les Indiens fe battoient , mais il en périt plus du cofté des Barbares , parce qu'ils n'avoient point <1armes dérîennVes. -Aulfi après qu'ils eurent reconnu que les chevaux leur enlevoient la victoire > ils fe retirèrent dans te bourg, dont ils fermèrent les portes , refolus de mouric tous fur leurs remparts les armes à la main. Le General commanda en melme temps aux Cavaliers de mettre pied à terre , parce quils eftoient mieux armez que les fantafïins, avec ordre de prendre des boucliers c\: des haches, & d'aller tefte bailTee , enfoncer les portes de îdauvila^cc qu'ils firent courageulenicrt,mais non pas fans cftre maltraitez. Ils entrèrent

donc

"Livre premier] ï$

donc dans ce bourg ; Se cependant les fantal-fins qui eftoient aux en v irons y accoururent en grande foule. Mais comme ils ne purent tous paiTer par les portes , à caufe qu'elles eftoient efiroites Se que d'ailleurs ils ne vou-îoient pas perdre 1 occaMon d'acquérir de l'honneur dans le combat , ils fapperent à grands coups de haches un endroit de palifia-de , & entrèrent dans le bourg lefpée à la main au fecours de leurs camarades. Alors les Indiens qui virent leurs ennemis maiitres de la ville, combattirent en defcfperez au milieu des rues, & des ramparts, d ? où ils incommodèrent fort nos gens ; de forte que pour empêcher que ces Barbares ne les priflenten queue-, Se ne regagnaient 1 es maifons dont on s'eftoit emparé , ils y mirent le feu , 8c parce qu'elles rfeftotent que de paille , on ne vit en un moment que flamme Se fumée , ce qui lervïc encore à augmenter le nombre des morts & des blclTez.

AufTi-tôt que les Indiens furent retirez dans le bourg , pluiieurs d'entre eux coururent pour piller le logi> du General , mais ils y trouvèrent des gens qui les repouflerenij trois arbalétriers , un Indien Sien armé amy des Etpagpols-*, avec deux Pu ilr.s , aurait d'efeiaves, & cinq gardes de Soto. Tandisqu« ies EcclefiaflLque* prioient , K-s autrei coin-

Ç5 Wftctre de la FloridU

battoient courageufement. Si bien que les er£ nemis ne pouvans gagner la porte de la mai-fbn , eflaïerent d'entrer par le toict , & y firent des ouvertures en trois ou quatre endroits , mais les arbaleflriers percèrent tous ceux qui fe prefenterent. Cependant le General 8c Tes gens arrivent, ils donnent fur les Barbares qui aflîegeoient la maifon , les mettent en fuite y Se délivrent ceux qui eftoient dedans.

Enfurte le General qui s'eftoit déjà batta quatre heures à pied , fort du bourg, monte à cheval pour redoubler la frayeur des Indiens & le courage des foldats. Après il rentre dans Mauvila accompagné de Tovar, & criant S. Jacques^ ils le font jour à travers les ennemis , les mettent en defordre y Se les percent à grands coups de lance.

'Comme dans la meilce Soto fe drerToit ^ur Ses eftrïers pour percer un Indien, il fut tiré par derrière ; la flèche rompit fa cotte de maille , & luy entra aiTez avant dans la felfe. Néanmoins , de peur que la blefïtire n'abatift ie courage de fes gens, & ne relevait celuy dc% Barbares, il dilfimula le coup qu'il avoit reçu , & n'arracha point la flèche, fi bien qu'il ne put s'afTeoir. Mais il ne laifîa pas de fe battre Vaillamment jufques à la fin du combat qui dura cinq heures. Certes cette adion feule

marque afTez fon cœur & Ton adreffe à cho* .val.

Tovar eut aufïï un coup de flèche, qui perça fa lance de part & d'autre au deflus d$ la poignée , mais à caufe que le bois en eftoit bon , le trait ne fit que ion trou; de forte qu'après que la flèche tut coupée , lecavalier fe fervit de fa lance comme à l'ordinaire. Ce coup eft de peu d'importance, toutefois je.le raporte , h caufe qu'il en arriveailcz rarement de fembiables.

Cependant îe feu qu'on avoit mis aux mations augmentoit de plus en plus, Se incom-modoic les Barbares jufques fur leurs rera-parts, d'où la plufpart combattoient $ c'eft pourquoy ils furent contraints de les abandonner. Le feu qu'on mettoit aux portes des logisfailoit auffi de grands maux n ayant qif u-ne feule porte, ceux qui eftoient dedans nç pouvoient fortir, Se ils brufloient malheureu* lement. Plufieurs Indiennes qui fe trouve* rent enfermées dans des mailons eu.le fem eftoit aux. portus , périrent toutes de cette manière là. Le feu n'excitoit pas moins de cklordre dans les mes qu'aux autres 'ieux. Quelquefois Je vent chaffoit la flamme avec la fumec fur les indiens, & favoriloit les Espagnols , 8c quelquefois au contraire -, i\ bien que les ennemis regagnoient cequilsavoient

Dd'z

g 2 Hiftoire de la Floride.

perdu , Se il fe tuait de part Se d'autre beaucoup de monde.

Un ii fâcheux combat s'opinîaitra pendant frpt heures , Se dura jufques à quatre après midy. Alrrs comme les Barbares virent le nombre des gens qu ils avoient perdu par le feu & par le fer, Se que leurs forces commen-çoient à satfoibhr, Se celles de leurs ennemis à croiitrt, ils implorèrent le îêcours des femmes , Se les portèrent à vanger la mort de plulieurs braves Indiens, ou a périr toutes ge-ncreuiement.

Lors qu'on appeîla les femmes au fecours, cmelqu'unes combattoient déjà au cofte de leurs maris : aiais fi-tôt qu'elles furent commandées y elles accoururent en foule, îes unes avec àts arcs & des flèches, Se les autres avec des épées , des pertuifannes & des lar que les Eipagnols avoient laiiTé tomber dans les rues, Se dont elles le fer virent adroitement. Elles fe mirent toutes à la tefte des Indiens, Se pleiwes de colère S: de dépit arfron-terent le péril, Se firent voir un courage au deflus de leur (exe. Mais comme les Elpagnols virent qu'ils ne febattoient prefque plus que contre des femmes , Se que ce* braves Indiennes longeoient plûtoft à mourir qu'à vaincre, ils les cfpargnerent tellement qu'ils n'en blef-icrent pas une.

Cependant l'arrierre-garde qui avancent,, & qui k divertifibit dans la marche, entendit le bruit des tambours Se le Ton des trompe:* tes •> Se le doutant de ce-qui eftoit arrivé, elle marcha promptement- Se en bon ordre; il bien qu'elle vint.encore à temps pour donner; Jecours. Mais a peine furent-ils.arrivez,que Diego de Soto Neveu du General, aprit la mort de Dpm Carlos fon-couiln , & comme il l'aimoit extrêmement, il la voulut vanger». Ii le jette en bas de \cn cheval, prend une ror.dache , mec l'epée à la main, &-entre dans Je bdurg au plus fort de la méfiée. Il y reçût-aufli-tôt un coup de flèche qurluy enfonça. l'œil au derrière de la telte,-il en tomba par terre , & languit jufqu au .lendemain , qu'il mourut fans qu'on luypuftarracher la flèche— Ce malheur fut fenflble. à toute l'Armée, Se. liir tout au General ; Diego deSotoeiloitun,-Gavalier vrayement digne d'eitre fon Neveu.-La bataille.ne fut pas moins fanglante à la campagne 'que dans le bourg. Au mefme moment que les Indiens eurent reconnu que leur nombre leur nuifoit, dans un aufïi petit iieu que Afauvila, à caufe que leur adreiîe eftoit prcfque inutile, pluficurs fè coulerenç en bas du rempart Se gagnèrent la campagne, où ils (a battirent en gen<< de courage. Néanmoins ik n'y curent pas plus de bonheur que dans le ' Dd 3

bourg. L'avantage qu'ils remportèrent fur les fantalTins , les Cavaliers l'avoientfur eux, & les peiçoient aifément à coups de lances ; parce que les Barbares n'avoient point de piques. On les rompit auiïi plulîeurs fois -, Se comme alors l'arriere-garde avoit rejoint Soto, on les mit enfin en déroute, 5c il s'en fauva fort peu.

En ce temps là que le Soleil sîalloit coucher , & que les cris Se le bruit de ceux qui le battoient dans Mauvila redoubloient, il y entra une partie des Cavaliers. Jufques là personne hormis Soto & Tovar , n'y eitoit encore encré à Cheval pour combattre , car on n'y pouvoit commodément manier les chevaux. C'eft pourquoy dès que les Cavaliers y furent, ils partagèrent en plusieurs petites efquadres , 8c coururent par toutes les rues , où ils tuèrent plulîeurs Indiens. Douze de ces Cavaliers piquèrent par la grande rue, où il y avoit un bataillon d'hommes Se de femmes , que le defefpoir forceit à le battre. Ces Cavaliers les prirent en queue, Se lors qu ils les eurent rompus ils les pouffèrent vertement , renverferenr melme pefle-mefle plusieurs de nos gens qui combattoient a pie J , $c tuèrent ces braves Indiens, qui moururent preique tous les armes à la main, préférant la mort a la fèrvitude. Ce fut par ce dernier

Combatqui (e donna le jour de S. Luc de l'année mille cinq cens quarante , que les Eipa-gnols après s'eflre battus neuf heures entières ians rclaiche , achevèrent 4e triompher entièrement de leurs ennemis.

CHAPITRE IX.

De quelques particuUritez, touchant Li bataille*

LGrs que les Indiens attaquèrent G cou-rageulement nos gens, qu'ils les chaiTe-rent de Mauvila , un Efpagnol de fort peu de considération , prit la fuite , & comme il le fut tire de péril il tomba par terre , & le releva aui]i-tôt. Cependant parce qu'il ne pen-ioit pas eftre tout à fait fauve, il fe remit à fuir Se tomba ; ce qui parut furprenant, on le trouva mort lans apparence de coup, firy de ble&ire , & l'on crut que la peur l'avoir, fait mourir. Voilà une des choies qui arriva pendant la bataille, Se voicy ce qui avint immédiatement après. Men-Rodriguez Cavalier Portugais , qui avoitfort bien fervi en Afrique, Se fur les frontières de Portugal, coin bâtit prefque tout le jour, & lit de tres-bcHes a-ctions i mais après la bataille lors qu'il eut mis

$6 Hîftoiït de (a îkridc.

pied a terre , il demeura immobile fans potw voir parler ny manger, & mourut en cet eÛat là au bout de trois jours , quoy cm il n'euft reçu ny coup ny bleffure. On crut que les efforts extraordinaires qu'il avoic faits contra les Barbares , luy avoient caufe cet accident, Se Ton difoit qu'il eltoit mort de trop de cœur. Du reftë après- la bataille ii -i trou va dans Mauvila un Indien qui avoit charge les Eipa-gnols avec tant de furie , que durant ia chaleur du combat il ne s eftoit pas apperçu du carnage que 1 on avoit fait de les compagnons j mais comme la rage avec laquelle ii iebattek fut paflec y . Se qu il reconnut Je péril où il e-ftoir , avec le.malheur de fon-party , il gagna en diligence le rampait, pour tacher de felau-ver à la campagne. Toutefois voyant la Cavalerie 36 l'Infanterie Elpagnoles répandues ça Se là , il perdit toute ciperance d'echaper.-îl ofte la corde ce ion arc, enattache.unbout» à une branche d'arbre , que l'on avoit laiiTé tjitre les pièces de bois du rempart, & l'autre? a ion cou-, <Se Je laiifc tomber du haut du renx part en bai 9 & s'étrangle. Quelques foldati-coururent à ion fecours, mais quand ils arri-. VLJCnt il eftoit-mort. Cette action fait voir !f courage & le delcfpoir des Indiens, pui.lque. le leul qui s droit iaj^ve du combat, aima -x ii. faire périr. Juy-mcirne , que de.

tom&er au pouvoir de fes ennemis.

CHAPITRE X,

iftat des Tfpagr.ols après U bataille*

LE jour de la bataille le General fit rendre aux morts les derniers.devoirs ; & le len-. demain il eut foin de faire panfcr tous les blef-fez. Aîais il y en mourut plulieurs auparavant 5 car on trouva dix-fept cens foixante-dix blefïures dangereufes, les .unes à la poitrine y les autres à la tefte, fans parler des blefTu-res légères, dont le nombre ne fe icauroit dire, ïl n'y eut prefque aucun foidat qui fufl bieffé, 6c quelquefois de dix ou douze, coups. C'ehV pourquoy il eut fallu pluueurs Chirurgiens j néanmoins il n'y en avoit qu'un , fort lent, & fort mal habile. D ailleurs toutes chofes manquoieirt, huiie, bandes, charpie, habits ; parce que les Indiens avaient enlevé le bagage , Si que le feu avoir tout coniumé. Il n'y avoit auiîl ny hutte pour le mettre à couvert la nuit, ny vivres pour fe rafraichir. Les fol-d'ats mefmes ne poavoîertt en aller chercher, à caufe de l'obfcurité Se de leurs blefïures. De forte que n'eiperant aucun foulagemcn hommes, ils implorèrent le lecours du CieJ*,

& reconnurent que par les prières , leurs for* ces Se Leurs courages s'augmentaient peu à peu. Ainfi ilsfe tirèrent glorieufement de l'état déplorable où la fortune de la guerre les avoit réduits.. Les moins blefTez eurent d'abord foin de_ceux, dont les coups eftoient mortels. Les uns apportèrent de la paille, les autres quelques branchages des huttes , que les Indiens avoient faites hors du bourg, Se en rirent des loges-qu'ik appuyèrent au rempart, fous lefquelles ils mirent les malades. Plufeurs ouvrirent les corps des Barbares tuez , dont ils tirèrent la graine Se en composèrent un onguent pour les bleilures. Quelques-uns prirent les chenilles de leurs compagnons morts, & fe dépouillèrent mefme des leurs pour en faire des bandages Se de la charpie, 5c gardèrent celles de lin pour les bleflures daji-gereufes y car les playes légères le panfoient avec du gros linge , &. des doublures de haut de chauffes. D autres écorcherent les che,-vaux qu'on ayoit tuez, Se en donnoient la chair aux plus foib*es» & le refte eftoit fous les armes-, pour faire telle à I'eimemy au cas qu'il paruft. Voilà comme Ils Elpagnols fe rendirent tous iervice les uns aux autres durant quatre jours qif ils panferent les blcfiures mortelles -, Se cependant ils perdirent virgt-deux de leurs camarades faute d eflre bien

traitez. De fbrte qu'avec treize quî expirèrent immédiatement âpres le combat, & qua-rante-iept qui furent tuez , dont dix-huit périrent de coups de flèches à la tefte, il en mourut quatre-vingts 8c deux, fans conter quarante-cinq chevaux que Ion regretta ^ comme la principale force de i Armée.

C H À P I T R E XL

Indiens morts kUv4Uùlte*

LEs Indiens perdirent prés d'onze mille perfonnes dans la bataille. On en tua aux environs de Mauvila plus de deux mille cincj cens parmy lefquelles eftoit te hls du Cacique* & dans le bourg plus de trois mille .•$ outre un pareil nombre qui fut brufle. Car «lans une feule ntaîfcm il y eut mille femmes dVftoufrees par le feu ; ce qui attiroit la compafïion de tout le monde. A quatre lieues autour de la ville , parmy les bois dans les ruiflèaux, Se autres endroits femblables, les iôldats qui allèrent en party , trouvèrent plus de deux mille Barbares ; les uns morts, tk les autres bleflez, qui faiioient tout retentir de leurs cris. Mais on ne put fçavoir ce que le Cacique eftoic devenu. Les uns aileuroient qu il avoit lâche-

\b Hiftoire de la Tloride.

ment pris la faite , Se les autres qu'il s'eir.oî£ brufle. Aulfi meritoi:-ii bien le feu , parce quil avoit caufe tout le malheur arrivé de part & d'autre. En effet, des quil apprit que les 'Efnagnols dévoient paÛêr fur les terres , il reioiut de les y exterminer. Ceft pourquoy avant qu'ils y entrafl'ent, il envoya ion fils accompagné de quelques-uns de fes fujets vers le General ; afin que fous prétexte de paix, ils obfervafTent la conduite des Efpa-gnols dans la guerre , Se que lur leur rapport il prift des meiures pour faire reùïfir fes def-feins. On apprit aulTi qu'un jour comme les habitans de Taliffe fe piaignoient à luy , que leur Cacique les obligeoit à donner aux Ei-pagnols des hommes & des femmes pour ef-clavcs i il luy dit qu'il luy pouvoient obéir fans répugnance , que bien-tôt il leur ren-voyeroit leurs gens & les Efpagnoîs mefme , dont ils fepourroientfervir à cultiver la terre. Les Indiens que nos gens prirent la bataille confirmèrent la înelme choie. Qu'à la per-fuaiion de Tafcaluça , les habitans s'eftcûent alTembîez dans la vue de tuer les Chrétiens. Que pour elles , la plufpart lous de grandes promeilcs L ••kmentavoient efte attirées dc'S "Provinces \ oifines. Qa airx unes on devoit •faires prelent des capes d*ecarlatte , de j de latin & de velours , atin de paroifti* à la