dan ce

dance & aux feftes publiques ; Se qu'aux autres on eftoit convenu de donner des chevaux pour Te promener devant les Efpagnols. Quel-'* ques-unes dirent qu'on leur avoit promis plu-fîeurs foldats pour éfclavès ^ Se toutes déclarèrent le nombre qu'elles en dévoient avoir* Que comme plufieûrs d ? elles àvoient leurs maris , elles eiloient venues par leur ordre \ Se les autres à la follicîtation de leurs parens, qui leur avoient fait efperer ou "elles verroîcnt de grandes rejoùifTances, pour rendre grâces au Soleil de la defraite de leurs ennemis. Enfin quelques-unes avouèrent qu'elles s'e-! ftoient trouvées-à la bataille à la prière de leurs galands ,'qùi avaient fouhaité aveepai-•fiôn qu'elles fuiTent témoins de leur valeur, ,; Ce qui fait allez cormoiftre qu'il y avoit long-' : temps que Tafcaluçamedîtoit fa trahifon. -Mats elle Juy fut fatale aufïi bien qu'aux Ef> pagnoîs , qui fans conter les chofes dont j'ay parlé, perdirent plufieûrs calices, pluiîeurs paremens d'autels , des chafubles*& autres ornemens , le vin Se quelques meruresde Farine de froment, que l'on gardoit pour dire Ta MeiTe. De forte que ne pouvant l'ouïr., ks Ecclefiafliques Se les Religieux qui fuivoienC l'Armée s'afTembieient pour Ravoir fi l'on ^ourroit confacrer avec du pain de gros millet. Mais tout convinrent qu'il falloit du II. Part. T. e

$£ H'iflohc de la TUrïâel

pain de pur' froment, & de véritable viril Comme donc l'on ne confàcra plus, on drek fa tous les Dimanches Se toutes les Fefr.es un îVutel, puis un Preftres'habilloit d'une efpece de chafuble de chamois, Se difoit/'/flfro/fe a-rec les autres prières de la MeiTe, fans confe-cration, Si les Efpagnôls appelleient cela u-ne MelTe feiche. Celuy quïJacelebrbit, ou bien quelque autre Eccleiiaftique expliquoit l'Evangile ,'Sc Taccompagnoit d'une prompte exhortation, "AmiHios gens, (econfol oient un peu de ne pouvoir adorer J'efus-Chrift fous les. eipeces du pain Se du vin. Mais ce qui leur donna du déplaiiîr, fut qu'ils demeu-rcrent dans^cet éftat plus de trois ans ; & juf» tiu a ce que fortant de la Floride , ils entrèrent dans les terres des Chreftieus.

C H AP.I.T R E XIV

Conduite des troupes après la bataille , avec la mutinerie de quelques foldats.

L

Es Efpagnols furent-huit jours aux loges qu'ils avoient faites autour du rempart de Mauvila, Se quinze autres à le faire panfer 'dans les huttes , que les Indiens leur avoient préparées. Cependant ceux qui fe portoient

la mieux allèrent quatre lieues à h. ronde chercher des vivres par les villages, où ils trouvèrent force millet, Se beaucoup d'Indiens bîefTez , fans qu'ils rencontraiTent per-fonne qui en euft foin. Ils apprirent feulement que la nuit-il venoit des gens les traiter, 8e que le jour il le retiroient dans les forenV. Nos foldats touchez de compaiîîon partagèrent leurs vivres avec ces pauvres Barbares* Mais comme les autres Indiens envoient cachez Se que l'on vouloit lçavoir ce quife pal-foit dans le pays , les Cavaliers coururent ça & là pour faire .quelques prilonniers, Se prirent dix-huit ou vingt Indiens. Ils leur demandèrent d'abord ii Von s'aiTembloit pour venir attaquer les troupes ; Se ils répondirent, que les plus braves des leurs ayant elle tuez à la bataille , il ny avoitplusperionne qui puft prendre les armes. On crut cela (ans aucune peine y car tandis que les Eipagnols iqouriieurent aux environs de Mauvila , ils eurent ce bonheur dans leur mifere, que les ennemis ne leur donnèrent point d'alarme ; ce qui tes eut fort incommodez dans l'cfUt où ils éw * toient.

Durant ces chofes Soto apprit que Maldo-

nado Se Arias amenoient des navires, Se qu'ifs

découvraient heureufement la code. Hfçïjf

auifi des priibnnicrs, que la mer 5c la Province

E.c z

JJ4 Hipire de U Floride.

d'AchufTi où il fouhaitoit daller, n'eitoient pas à trente lieues de Mauvila., Ces nouvelles le réjouirent, dans 1 efperance de mettre fin à ., ion voyage , Se de s'eftablir en AchufTî. Car il avoit refolu de bâtir une ville au port, qui porte le nom de cette Province , où il rece-vroit tous les navires , & d'en faire un autre vingt lieues dans le pays, pour obliger les ha-bitans d'embraiTer la foy Catholique > & les ,. réduire peu à peu fous la domination d'Espagne.

En c on fideration dune iî bonne nouvelle, & lur ce que l'on pouvoit aifément aller du camp, en Àchuffi ; le General donna la liberté au Cacique de cette Province , lequel depuis quelque temps il retenoit auprès de fa perfonne fort civilement. Il le. pria de luy conierver l'honneur de fon amitié, Se après luy avoir dit qu'il ne l'avoit pas plùtoft renvoyé, dans la crainte qu'eftant fort efloigné de fon pays, il ne luy arrivait, par le chemin quelque malheur, il l'aileura que lesEfpagnofsne tarder oient point à fe rendre fur fes terres. Le Cacique témoigna beaucoup de joye de cela, & après quelques complimens qu ii rit à Soto, fur la manière dont il l'avoit traité, il luy promit qu'il tâcheroit de répondre par fes fervf-ces aux obligations'qu'il luy avoit, & là deffus jl prit lajroute d'Achuiïi. Cependant, la dit»

corde y cette pefte des nations 8c des armées > deuruifit tous les deflèins que le General avois -' formez, de peupler cette Province',. Car dans les troupes comme il fe rencontrait des foU • datiqui a voient aidé à conquérir le Pérou* Se • que repaiTant en leur efprit les riche-fïès quq -Ton y avoit gagnées, il coniîderoient qu'il ! n'y avoit rien de femblabïe à efpsrer dans la. Floride , il leur efloit impoflible defe refou«f-dreàs'y eftabiir. D'aiileurs rebutez des fatU gués , & épouvantez de la dernière bataille » ils diioient qu'on devoit-defelpcrer de dompter jamais des peuplesaulù fiers & auifi belliqueux , que les habitans des-vaïtes- régions qu'ils découvraient tous les jours» Que ces. Barbares aimoient avec trop de pafïïon leur*-liberté , & qu'ils perdraient plutôt la vie que: -de fc fo omettre fous le joug des Eipagnols* Qu'après tout, les plus fertiles de leurs contrées ne valoient pas la peine que l'on fe con-fumait malheureufement^ Etpuilquel'onn'y trouvoit ny or ny argent -, qu'il falloit quand on ferait arrivé à la cofte prendre la route du Pérou '5c du Mexique, où-il ferait facile à tout le monde de faire mie fortune coniidera-ble. Ces difeours furent raportez aux General j mais ne voulant fas y ajouter foy , s'it. ne les entendoit luy-meime , il fe mit la nuit à roder tout iêul en habit déguifé. Il oùit qu'ut*

j^ç Hiftoire de la Floride!

Treforïer * des troupes avec quelques autres, proteftoient qu'à leur arrivée au port d'A-chuili , s'ils trouvoient des vaiiïiaux ils fe-roient voile vers la nouvelle Efpagne, & qu'ils eftoieiit las de fe facrificr pour conquérir un miferable pays. Ces paroles touchèrent Soto, dans la créance qu'a la première rencontre , ion armée le dilTiperoit. Qu'il auroit le mef-me malheur en Tes deffeins, quePiçarre dans la conquefte du Pérou , qui demeura feulement avec treize foldats dans l'Ifle de Gor-gonne. Et qu'après il luy feroit impoflîble de lever de nouvelles troupes ; parce qu'il auroit perdu fa peine, fon autorité, ion honneurs enfin Tes biens. Toutes ces confiderations o-bligerent le General qui eftoit jaloux de fa gloire, à prendre des relolutions précipitées 6c pleines de defefpoir. C'eft pourquoy de crainte que Tes foldats n'exécutai? çnf ce qu'il leur avoit entendu dire, il donna les ordres en diligence Se avec adreiTe, pour avancer dans le pays, defirant de s'éloigner de la cofte, Sç d'o-, fter aux mécontens les moyens de luy ravir l'honneur , Se de faire mutiner le refte de ion Armée. Mais cette conduire fut la caufe & le commencement de fa perte , Se depuis il eue toujours du malheur. Car fâché de voir tous

* J.iao Caitao.

fes deifein-s inutiles , Se fonefperance traîné, il erra N comme par dépit de cofte Se d'autre y jufques à.ce qu'il perdit paria mort tout le fruit de fes travaux, fes biens, &.la gloirs d'avoir manqué à fonder un Royaume, pour 1 augmentation de la foy & de la Couronne d Efpagne. Néanmoins * û au.lieu de s'écarter de la cotte ;. il euft d'abord pris le confeil de lès fages amis, 3c châtie les principaux auteurs de la mutinerie, ii euft retenu làns peine les autres dans le devoir , & terminé heureu-fementfon entreprife. Alais comme il ne fui-vit que fa paillon, il manqua en une chofè qui luy efloit de la dernière çonlequence. Ainfi quiconque néglige de conlulter fes amis, lors qu il le faut, reùiîit fouvent fort mal en fes affaires.

CHAPITRE XIII. . Des femmes Indiennes adultères. -..

AVant que de fortîr de la Province de T t ifca!uça yilcft à propos de raporter la manière dont les loix de ce pays, & de la contrée de Coça., puniflent ks femmes adultères. Il y a dans cette dernière Province une loy qui ordonne , far peine de la vie , que il

quelqu'un a des indices fuffilans pour croice qu'une femme foit adultère •> il ait à-s'en é-claircir , 5c à l'acculer auprès du Cacique , ou enfon abfence, auprès des Juges du lieu. Ces Juges fur le raport qui leur eft fait, informent fecrettement contreJa perlonne aceufée , Se s'en failiiTent siils la trouvent coupable. Puis à la première fefte, ils commandent qu'on publie que les habitans ayent à fe rendre , au fortir de leur dinar, dans un certain lieu hors du village ; Se que la ils fe rangent tous en baye. Apres viennent \(^ Juges dont deux fe placent a un bout de cette riie ,-& deux àlau* tre. Les premiers ordonne qivon-leur amené îa femme adultère •> Se alors ils dilent h. fort mary qui eft prêtent, qu'elle eft convaincue de, mauvaife' vie, 3c qu'il la traitte lelon la rigueur de la loy. Le.mary la dépouille toute nue, Se h fa/e avec une efpece de rafoir *"cfe pierre à fufil ; ckifljmenthoïîteux^Sc ordinaire parmy les Nations du nouveau monde. En-fuite pour marque qu'il la-rcpudie, il fe retire avec les habits de la femme , ik l'abandonne au pouvons des Juges. Deux commandent aufii-tut à la criminelle de palfer pardevant les perfonnes qui font en baye , Se d'aller de-t clarer ion crime aux deux autres OrBciers»

fi L« indiens. a'o.aî gas encoïc l'u%e dçi çiieaiw.

EHc obéît , & dès qu'elle les approche , ells. leur dit qu'elle eft convaincue d'adultère , &..• condamnée à la peine, dont les loix punhTent ce crime. . Qu'on l'envoyé vers eux , afin qu'ils faffent d'elle ce qu'il leur plaira "pour le bien de la Province.. Les Juges larenvoyent incontinent avec cette réponiè, qu'il eft rai-fonnable que les loix qu'on a faites dans la vue* • de conferver rhonnefteté publique foientin-violablement-obfervées. Qu'ainïi ils confirment la fentence ? quc l'on a rendue contre elle, & luy ordonnent à l'avenir de ne plus retomber dans-la faute. Là demis elle s'en retourne vers les premiers Juges, 8c les gens qui font en haye IafifHent, Se tâchent à force d'injures d'augmenter fa honte. Cependant le.peuple qui vient en fouie, Se qui la voit toute nuë , fait des cris après elle. Les uns luy jettent des mottes de terre, les autres de la paille , Se d'autres de vieux drapeaux, des morceaux de nattes Se autres cho-fes fembla-blés ; la loy le commande de la forte, Se on ne regarde cette pauvre femme que comme la honte de fon fexe.,^ Apres tous ces maux, 'les Juges la bannifle-lit de la contrée , Se la mettent entre les mains de fésparens avec ordre, lur peine de punition exemplaire , de ne luy donner point d'entrée dans aucun endroit delà Province. Les païens la reçoivent, Se (i-

'50 Hifieire de U Fhride.

tôt qu'il l'on couverte d'une mante, ils l'em* mènent en un lieu où elle n'eft vue de pas un Indien du pays -, & au mefme temps les Juges permettent au mary de, prendre une autre femmet Voilà comme l'on punit en Goça les Indiennes qui violent la foy qu'elles doivent à ceux qui les epoufent ; mais*dans la Province de Tafcaluça , on les chailie- encore a~ vec plus de rigueur. La loy de cette.contrée ordonne , que ira heure indue on voit quelqu'un entrer Se fortir trois ou quatre fois d'une maifon >. Se que l'on ioupçonne d'adultère la maiftrefle du logis-, on eit obligé félon la religion du pays d'avertir le .mary de la coiw duite de fa femme , Se de prouver par trois ou quatre témoins qu'on n'avance rien que de véritable. Le.mary au mefme temps aliénable les témoins, & les.interroge l'un après l'autre avec dhorribles imprécations contre celuy qui ment > & de grandes bénédictions en faveur de celuy qui découvre la vérité.

Après s'il trouve fa femme fuffilammeot convaincue d'avoir faulTc ia foy , il la mené hors du bourg > l'attache à un arbre , ou à un pieu qu'il fiche en terre , Se la tuë à coups de flèches. Eniuite il va trouver le Cacique, ou en fon abfence lajuftice du lieu, U leur dit qu*en un tel endroit hors du village , il vient d'citer la vie à fa femme fur le rapport qu'elle

Sloît tombée en adultère. Qu'il fuppl'ïé qu on mande 4es - accufateurs, afin que fi le crime dont ils l'Ont chargée eft vray , il foit abfous dans les formes, & qu'au contraire il reçoive la punition Ordonnée par la loy de la Province; £n cècasia loy comma'nde'xjuelespafèns de la femme tuent îe mary à coups de flèches* Qu'il lbît la proye des chiens & des oyfeauxj Se fa femme pour marque de fon innocence honorablement enterrée. Que h les témoins perfiftent en leur déposition, 8c ne le contre-difent point ,• en un mot, s'ils vérifient par de bons indices le crime dont il s'agit ,* on ab-fout le mary avec la liberté de prendre' femme , & defenfe fur peine de la vie aux parens de la criminelle , de huy arracher une feule flèche du corps ,'n'y'mefme de l'enterrer $ parce qu'il" faut'qu'elleferve- d'exemple > Se fuir mangée des bettes. On voit parla que dan^toute la Floride on 'punit*fort rigoureu-fement les femmes adultères. Mais on n'a pu fçavoir de quelle forte on y chaftioitles hommes qui debauchoient les femmes d'autruy/ Les loix peut-eftre les y favortfent comme parmy les autres nations. Il nlefouvient là def» fus de ce que difoit un jour une Dame de ma connoiflance,que les hommes s cftoient feulement coniiderez,lors qu'ils avoient fait les loir -contre l'adultère , & que la crainte qu'ils ont

fans fondement de l'infTdélité des femmes, îes î.voic obligez à les traiter cruellement. Mais que fi les perfonnes de fon fexe avoient ordonné des peines contre ce crime 5 elles s v y feroient gouvernées fans palTion & avec tant de prudence, que l'on n'auroit eu de part ny ■ d'autre aucun fujet de fe plaindre.

C H A P 1 T RE XIV.

Intréc des Efpagfwls dans U Vrovmt de Chicaça^

POur revenir à Soto,-après que les Efpa-gnols eurent demeuré vingt-quatre jours aux environs de Mauvila , & recouvert affez de forces pour pafier outre, ils fortirent de Tafcàluça, & arrivèrent au bout de trois jours dans la Province de Chicaça par des lieux dépeuplez, mais fort agréables. Le prejnier bourg qu'ils trouvèrent du cofté qu'ils àvaru çoient eftoit fur un fleuve, grand, profond, ie haut de bordiEe General auiTi-toft dépécha dans le village pour demander alliarice,mais on répondit fièrement qu'on vouloit la guerre. Enefcfet, lors que nos gens s'approchèrent de ce lieu, un bataillon d'environ quinze cens hommes vint les attaquer. Toutefois, après «quelques efearmouches les ennemis plièrent,

& le retirèrent avec ce qu'ils a voient de meilleur vers le fleuve, dans le deiTein d'en défendre le paiTage. Nos gens les pouffent verte-' ment j fi bien que les uns le jettent dans l'eau, les autres'la paifenten nacelles/&: pluficurç à nage, Se rejoignent leurs troupes , qui fai-foientbien huit mille hommes. Elles bordoient l'autre coite du fleuve environ deux lieues de long , Se travailloient courageufement pour

• empêcher que l'on fie le traversait. Car la nuit ils le palToient en batteaux, Se venoient don-ner fur les Espagnols, qui las de (Ire impunément harcelez firent en fecret quelques foilez, vis-à-vis des lieux où les ennemis debar-

• jquoient. Enfuite ils cachèrent dans ces endroits des arbalétriers & des" fufeliers, avec ordre de ne point tirer, que les Indiens ne ib

' fufTent éloignez de leurs batteaux j mais alors de les charger vigoureuiement, Se de fondre tefte baifTee fur eux l'epée à la main ; ce qui fut exécuté avec bonheur. On les repoufïa trois fois jufqua leurs vaiiTeaux ; de forte que fans fe mettre plus au hazard de paffer le fleuve , ils en défendirent le yx(fage : feulement. Mais comme ils s'en acquittoienc fort bien, Se que Soto defefperoit de traverier cette rivière, il commanda a cent hommes des plus experts en charpenterie, daller dans un bois à une Jieuë du camp , & d'y faire deux barques ca-II. Part. 'Ff

Ç4 Rifteire de ta Tloride]

fables de tenir beaucoup de monde. On exé> cute Tes ordres, & en douze jours les barqaes" furent faites avec deux chariots où on les mit, £z que l'on fit tir£r par des chevaux & des mulets. Les Efpagnols mefme les aidèrent durant le chemin , & ie rendirent-heureufe-ment avant le jour en un endroit du fleuve , où ils trouvèrent de cofté & d'autre un paiTa-ge fort- commode. Sur ces entrefaites le refte des troupes les joignit. -Et alors après que le General euftfait jetter les barques dans l'eau, il commanda à dix^Cavaliers & a quarante fantaffins d'entrer en une, & autant en l'autre, & de paiTer promptement de crainte des ennemis, avec ordre aux gens de pied de ramer, tandis que leurs-compagnons demeureroint à cheval, pour eftre prefts à combattre au fortir du fleuve. -Cependant cinq cens Indiens qui eftoient allez à la découverte , entendirent le bruit de ceux qui'traverloient la rivière j ils accoururent au pafïagc , les couvrent de fiéches, envoyent au fecours ,& donnentl'a-kirme par tout. Néanmoins fans perdre cœur, les Efpagnols arrivèrent à l'autre bord la phif-part biciîez. Car les Indiens les tirèrent tout à leur aile. La féconde barque s'éloigna un peu dupaflage , & re le put gagper qu ,. ce de rame*. Mais la première qui eftoi jà abordée, faute a teire, Silveftre & C

. Lîvre premiêrl ft

Cavaliers hardis Se raillais fortent les pre* miers, & chargent vigoureufement les enne* mis. Il les pouiTent quatre fois à plus de deus cens pas de la rivière 3 8c comme ils Tetour-jnoient à la charge, ils furent fécondez par d'autres Cavaliers, ce qui commençai» raleni tir la fureur des Barbares, & favorifa les fan-tailins, qui hors de combats à caufe de leurs bleiTurcs> .Je retiroient dans un village fur le bord de l'eau. Cependant la féconde barque gagne le paffage, le Soldat faute a terre, & le joint à ceux qui le battoient dans la pleine. Presque au mefme temps le-General, qui à la prière des troupes ne s'eftoit point embarqué à cauie du péril, pafTe avec quatre-vingts Efc pagnok , & redouble par ce renfort le courage des autres. Les Indiens qui voyent croi* ftre le nombre de leurs ennemis , Se qui craignent dettre taillez en pièces 5 plient 8<. gagnent une foreft toute proche ; & de là Jeu* Gamp qui avançoitaufecours. Mais fur l'aiTiî* rance que les Efpagnols avoient prefqne tous paiTc le fleuve , ils reprirent enfemble la route du quartier , où à leur arrivée ils fe fortifièrent de paliifades. Nos gens qui les lui-voient en queue les harcelèrent avec opiniâtreté pour empêcher leur travail 5 toutefois ils ne biffèrent pas de continuer , &' mefme Izs plus hardislortirentàlefcarmouclie. Mais

«^ Htfioke de U Floride .

les Cavaliers plus viftes qu'eux les perçoîent à grands coups de lance. On employa le jour en ces fortes de combats,&lanuit on demeura en repos, parce que l'ennemy ne parut plus. Cependant le refle»des troupes paffa heureusement.

C H A P I T R E XV.

Bat Aille de Cbtiaça.

Ai. Prés le paflage du fleuve , les troupes U\ délirent les barques, Se en conferve-rent la ferrure pour s'en fervir.au befoin.. Ensuite. elles continuèrent leur marche , &c au bout de quatre jours de chemin par une plaine lemée de villages , elles arrivèrent à la Capitale de Chicaça. Cette ville eft de deux cens feux , fituée fur une coline qui s'eftend vers le Nord Sud , eft arrofee de plusieurs petits ruifTeaux couverts de noyers ,»de chef-nés , Se d'arbres femblables. Nos gens entre-rent dans cette place au commencement de Décembre de l'année 1540. Se comme ils la trouvèrent abandonnée, ils y pafTerent leur quartier d'hyver. Ils y baftirent mefme pour fe loger plus commodément des maifons, avec du bois 6c de la paille qu'ils allèrent que«*

kfr dans les villages voiiins. Apres ils coû'm--rent la campagne > & tirent plurleivrs-prifon-niers. Mais dans la vùë de faire la paix , le General en renvoyoit quelques-uns avec de s prefens pour le Cacique, qui l'entretenant d'efperance Se d'excufèsdépelchôit àfbn tour versluy > 6c luy envoyoit des fruits 3 du poif* fon Se du gibier. Cependant toutes les- nuits il venoït des Indiens harceler nos gens, mais? dés qui lesapperçevoientils ic retiraient, témoignant de la crainte & de la foibieilè, pour rendre les Efpagnols plus negligens à fe battre y par les mépris qu'ils feraient d'eux , Se les vaincre ave-c plus de facilité -, lors qu'ils le» attaqueraient véritablement. Enfnv honteux de toutes ces feintes , &d'avoir lï long-temps-caché leur courage r ils refoîurent d'en donner des marques par la défaite <le nos troupes» c C'en pourquoy far la, fin dejanvier de Tannée 1541. une nuit que le ventdeNordlcsfavo-rifbit , ils s'avancèrent trois bataiilons de front,a cent pasdesfenti;ieilesEipagnoles;Lc Cacique à la refte de celuy du milieu commande l'attaque de la ville, Se Ton entend au mefine temps que fifres, cors, Se tambours. Tout retentit-des cris des Barbares y ^uilé flambeau à la maia fondent fur nos gens* CCs flambeaux qui fembloient de cire , parce <jails éclairaient bien > eftoient faits d'une

Ff 3

certaine herbe qui croift au pays, Se qui lors qu elle eft en corde Se allumée conferyele feu comme une mefchc, & branlce jette une flamme fort claire. Outre ces flambeaux qui leur fervoîcnt fort dans le combat, ils allumoicnt au bout de leurs flèches, de cette herbe dont je viens de parler , puis ils les tiroient for la ville, Se y mettoient le feu fans peine, à caufe que les rnaifon.s eftoient de paille > Sç le xent très-favorable. AufTi une attaque ii extraordinaire & fi imprévue furprk nos gens, mais elle n'ébranla pas leur courage. Ils font par tout reiiitance. Soto donne l'ordre qu'il peut dans cette homble confuiion, monte a cheval le cafque en tefte *la lance en main avec la cotte d'armes, Se fort hardiment de la ville pour faire tefte aux Barbares. Mais en peu de temps il eft fécondé de dix ou douze braves Cavaliers, & après de pluiîeurs fantalTins, qui maigre le feu Se la fuir :e que le vent poulie fur eux , font voir leur valeur. Qpe'ques-uns coulent à quatre pares ious les rorrens de flamme, qui roulent dans le porte où ils iont, & rejoignent heureulement le General ; les autres courent aux malades, & en font eclia-per avec eux une partie a la campagne., tandis que le rerte brufle avant que de pouvoir ertre iecouru.

Les Cavaliers «le leur corte lâchent à fe ti-

rer de péril. Les uns dans la craints de ne pouvoir fe fauter abandonnent leurs chevaux , les autres montent deflus fans feî!e, Se fe rendent vers le Général > qui le premier a-voit eu l'honneur de tuer un Barbare de fa main. Cependant les Indiens hormis le bataillon du Cacique entrent dans la place à la faveur du feu, $c tuent cruellement hommes & chevaux.- Quarante ou cinquante fantaC fins épouvantez de cette furie > prennent lâchement la fuite ,. chofe honteuie , & qu'on n'avoit point encore vue depuis que les troupes eftoient entrées dans.la Floride. Tovar qui les apperçùt, court après eux Tépée à la main , Se leur crie de toute la force. Qu'ils retournent promptement contre l'ennemy. Qu'il n'y a nulle retraite pour eux, Se que leur courage feul les peut fauver. Sur ces entrefaites Gufman à- la tefte de trente foldats , fort d'un autre quartier de la ville , Se coupe les devans à ces fuyars, blafme leur lafeheté , & les porte fi fortement à recouvrer leur honneur , que le repentir les prend* Ils rentrent dans leur devoir , tournent la ville avec lu y Se avçc Tovar , 8c pou lient courageufe-ment tous les Barbares qu'ils rencontrent. Valconcelos au meime temps lort aufïï avec vingt-quatre Cavaliers Portugais, Se donne de. ion cafte fur les Indiens. Enfin , les uns 8c

<S"o Hijioire de la .Floiide.

les autres les attaquent, Se les preiTent avec tant de vigueur , qu'ils les recognent jufques dans le bataillon du Cacique» où eftoit le fort de la meflee, Se où ceux qui fecondoient Soto fc battoient en véritables loldats. Néanmoins à l'arrivée du fecours ils font un nouvel effort, le General attaqueun. Indien,-que l'onremar-quoit entre tous dans le combat, il le terre, le blelTe, Et redouble fes coups, à cauie qu'il ne luy a pas ode la vie-Mais comme ils fe hauffe krr les eflriers pour, l'achever tout-à-fait, !e> poids defon corps joint à la violence avec laquelle il fe porte,tourne!a.telle de fon cheval que l'on avoit oublié de fanglcn, Se il tombe au milieu des ennemis» Les Elpagnoîs qui le vovent en paril ,1e fecourent tefle baiffée, Se combattent avec tant de courage qu'ils le i;rjv veîit. Ils 4e- remettent aulïi-tôt à cheval ,3c-il recommence à donner. Cependant les Indiens qui remarquent que de toutes parts , nos foldats fondent fur eux , commencent ± plier, Se n'opiniaftrent plus le combat.que de> fois à autre. Mais enfin dans la vue qu'ils vent? fuccomber ,-ils s'appellcnrà grands cris les uns' 1rs autres pour (e retirer, & prennent:la fuit~v Le General fe met à leur trouffe avec fa Ca-rf Valérie , Se les pourfuit autant que le feu les peut ccïairor. Apres il fait fonner la retraite, & rentre <lzi\s la -place , pour voir le dcfordfe

que îes Barbares avoient faits durant deux grandes heures de combat. Il trouva quarante . ibldats morts, avec pluûeurs chevaux bleilez, & cinquante de tuez,dont quelques-uns qu'.on n'avoit pas eu le loiiir de délier, avoient efté : bruflez aux mangeoires où ils eôoient atta-« , chez avec des chaiihes de fer aux teftieres* D'aiIleurs,hormis quelques cochons qui écha* perent à travers la clofture qui les enfermoit 1 le refte fut confumé par le feu -> ce qui toucha d'autant plus que dans la necefîité de viande où l'on eftoit , on ks'refervoit pour les malades.

Carmona qui raporte cette particularité , ajoute que chaquelndien portoît trois cordes^ l'une pour attacher un cochon, l'autre un cheval,. & la troifieme un ioldat. Ce qui tacha encore tres-feniiblement nos gens, fut la mort de Francilca Heneitrofa, la feule Efpa-gnole qui fuivit l'Armée. Elle eitoit femme de Ferdinand Bautifta, Se preite d'accoucher quand les ennemis donnèrent i'alarme. Son mary qui eftoit brave ne longea alors qu'à les repouffer y & à Ton retour du combat il vit que fa femme n ayant pu le garantir du feu y eftoit perie. Francilco Henriquez miiera-ble fantalTin fut bien plus heureux dans ion malheur. Tout lancuillantqu.il eitoit parmy Jçs, malades , il le lauva de rembrafementj

6 2, Hiftàirc de la Floride.

Mais comme il s'enfuyoit, un Indien d'uS coup de flé«he , Iuy perça prefque l'aîne , te rétendit par terre, où il demeura plus de deux heures. Néanmoins il guérit heureuiemcnt de Ta maladie 3ô de fa blefïure que l'on croyoit mortelle. Chois étrange qu'un malheureux ichapeàtous les maux,-tandis que tant dç braves gens periiTent»

G HA P. I T R E XVI,

Ctf que firent les Efpagnols après la bataille?

LOrs qu'on eut rendu aux morts les der4 niers devoirs , Se donné ordre aux bief— fez ; on alla fur le champ de bataille , où l'on vit un gros cheval, avec une flèche qui luy pafïoit quatre doigts de l'autre code au tra-» ver? des épaules. On trou va aulTiplulieurs autres chevaux avec les entrailles-percées à coups de traits , Se quinze percez au milieu du cœur , dont quatre ! at oient chacun tra-verfe de part en part de deux Sèches; Et trois jours apr es, dan s la crainte d'une nouvelle attaque y parce que les ennemis n'avoient per* du que cent hommes , le Gênerai commanda d'avancer une Ueuë, avec ordre aux ioldats d-'aller chercher du boisic de la paille , 5c de,

iaitîr un bourg qu'ils appellerent ChuAc'àU* Bs y accommodèrent prompremcnt une forge avec des cuirs d'ours-, Se des canons de moufquets, Se firent des lances, des ronda* ches , & autres armes dontilsavoient befoin. Ce fut dans ce lieu que le General donna la charge de Mofcofo à Gallego. Car lors qu'il fe fut enqnis xle la conduite des Officiers du Camp , il connu que Mofcofo avoit fait mal Ton devoir , Se quilefteit en partiecaufe que les Indiens avoient furpris , Se preique vaincu les Efpagnols. En e&t fans un Religieux, Se quelques particuliers qui les obligèrent de retourner à la méfiée , les .Barbares qui fe Battaient pour l'honneur Se pour la lu berté du pays , avoient gagné'la viftoire. Ceft pourquoy honteux d'avoir lâché le pied, ils revenoient trois jours après leur fuite, pour nous attaquer dans la refoltvtion de vaincre ou de mourir glorieufernent. Mais à deux portées de moulquets du camp, il tomba une ii grofle pluye quelle mouilla les cordes de leurs arcs 7 Se les contraignit de rebroulTer chemin. Nos gens avertis de ce deiTein par un Indien que Ton prit le lendemain matin , appréhendèrent de nouveau le feu Se le mirent bon du bourg en bataille avec des fentinelles li. T y.itefois les Barbares ne laûTercnt {lus uuxes les nuits de venir par divers en-

«"4 Mffoht de la Tlorltel

droits fondre lureuxà grands cris , ilstuoient fans ceiTe quelque foldat , ou ils bleffoient quelque cheval. Les Elpagnoîs qui les re-poulioient vertement, ne manquoknt point aura d'en percer pluHeurs , mais pour cela î'enncmy ne perdoit point cœur. Soto qui vouloic le mettre a couvert de leurs infultes, envoyoit tous les matins en campagne des

• partis de Gavallerie & d'Infanterie , qui fai-folcnt main baffe fur tous les Indiens qu'ils rencontroient, & ne rctoumoient qu'au Soleil couché, avec affeurance que quatre lieue?

- autour du Camp, on ne trouveroit en vie aucun habitant du pays. Mais ce qui eftoit ctonnant, les bataillons ennemis * quelques cinq heures après revenoient nous harceler avec perte de part Se d'autre. Néanmoins du-

•rant ces efearmouches rien n'arriva de plus remarquable qu'une nuit que le quartier de Gufman rut attaqué par un bataillon d Indiens. Ce Capitaine avec cinq Cavaliers lort aùlîi-tôt pour leur faire tefte, il commande à

• fon Infanterie de le fuivre 5 8c au meime luttant que les ennemis allument leurs flambeaux , nos gens les chargent. Gufman attaque le Porte-En feigne ,$c luy pouiTe un grand coup de lance , l'Indien l'évite failit la lance 9

l'arrache des mains de Gufman, Se lans abandonner fon drapeau avec la main gauche, le

renverie

' renferfe de défias fon cheval. Nos iolda*s accourent-àfonièc-ours , lefauvent, & mettent en déroute le bataillon ennemy , mais non pas fans perte. Ils eurent deux chevaux "Mettez Se autant de tuez, ce qui molora-ia joye qu'ils a-voient eue de tirer de péril leur Capitaine.

C H A P I T R -£ XV IL

Invention ■ ccr.tr e le froid.

M Aigre les attaques continuelles des ïh*' cliens _, les Espagnols demeurèrent jui-'qu'à la fin de Mars dans leur poire-. Us y ioiif-"frirent beaucoup de froid, parce qu'as pat foient les nuits fous les armes, Se que là plu parc eSoient fans ibuliers avec de mécftàris pourpoints itulement,&: de péchons fiant ce ehau£ fes de chamoi?. Auilï feioh t .,■: les apparences^ ils hiflerït riiortsde froidure lâhs |uan Vego, dont je diray icy quelque choie avant que de venir aux bon. offices qu'il k ur rendit. Vego pilToit pour un fbldat grouper, & néanmoins agréable quelquefois. C'cft peurquey Ion fe pîaitoic à rire avec lu? > & a luy faire quelques peti:e> malices. Porcailo de Figue* rua fur tout aymoit à le joiior. Car il luy fit aux Havanes une telle pfcatfanterie , que ; -, l'en fattsfaïre, il 1 1 y donna un cheval don: on •luy offrit dans 1a Floride tèpt raille ccus a paye t II. Parc. G g

£<?? Siftoire de ta Floride*.

fur la première fonte de métal qu'on y feroit? Mais Vcgo refufa cette condition, &.L011 ne fit aucune fonte. Voicy ce cp^i! inventa pour luy Se pour Tes compagnons. Comme il ap-perçût que la froidure les alloit tous accabler, & qu'il y avoit beaucoup de très-bonne paille au quartier, ilfe mita faire une natte de quatre doigts depaiiTeur, longue Se large à proportion 5 i? bien qu'une moitié luy fervoit de matelas * & l'autre de couverture. Il connut que cette invention le paroit du froid , & il fit promptement plulieurs autres nattes en faveur des.fpldats qui l'aidèrent à travaille^ cha-xuafe, piquant de mettre la main à l'œuvre. Amfi par ,1e moyen des natres qu'on porta au corps de garde, & dans les places d'armes, les Efpagnols refîflerent aifement au froid. Aulîi à la referve des maux que leur failoient les Barbares , ils pafferent 1 hy ver fans incom-modité. Car ils avoient des fruits de du gros millet en abondance , 3c rien ne leur man-,<juoit des chofes neceflaires à la-vie*

Fin du premier Livre*

°"7

LIVRE IL

DE LA

FLORID E

'Attaque du fort Alibamo. Mort de plusieurs Eipagnols. Arrivée des troupes^n Chifca. ProceiTion où Ton adore la croix. Guerre entre deux Caciques. Invention pour faire du Tel. Habitant de Tula; avec le quartier d hyver des troupes en Utiaiigue.

CHAPITRE I.

Att.ique du fort Alib.imo*

E General' Se Tes Capitaines aptes quatre mois de iejour dans la Province de Chicaca, en partirent avec au commencement d'Avril de l'année If4i* & rirent le premier jour de leur marche quatre lieues, par un pays peuple de

G s

picture7

plufîeurs villages de quinze à vingt maifons ; chacun. Ils le campèrent à un quart de lîeuë de ces habitations , dans la créance de pre >-dre enfin un peu de repos, majs il çn arriva autrement. Car après cjuc les coureurs que 3 on avoir détachez pour aller à la découverte y curent raperté qu atfez prés du camp , il y avoir un fort où il paroifïoit environ quatre milldhomrnçs, Je General avec cinquante chevaux alla prpmptement le's.recpnnoiljre s & à Ion tour il die à les Capitaines , qu'il falloir, avant la nuit en çhaflerles Barbares. Que. c'eftoieht <ks enragez qui les pourfuivoient à toute outrance, & les brayoient avec trop d'orgueil. Qu'ils eftoient donc obligez par honneur à les chaftier, & leur apprendre aux dépens de leur vie la valeur des Efpagnols. Qu'en un mot on fe.devoit porter avec d'autant plus de courage à leur enlever leur re-' traire qua. toute la nuit, ils harcèleraient les. troupes par de continuelles efearmouches. Tous les Officiers approuvèrent le fehtîment dç leur General, qui iaiHa un^ partie de 1' -mee a la garde du camp , Se marcha avec Y tre contre le fort, qu'ônappellok Alîbatho.. Gefôrteftoifcn quatre avec quatre paliflà-de^ de quatre cens pas de long chacune, ce dèut autres dedanJ. La première de toutes rois portes fi baïïiî qu'un Cavalier n'y

poùvoît entrer, lune au milieu, & les autres aux coings. Vis à vis de ces portes feulement, il y en avoit trois autres en chaque paliilade, y aBn que (i l'on gagnais les premières on fe dé-rendift aux fuivantes* Les portes delà dernière palilTade donnoient fur une petite rivière, où -il y avoit de médians ponts, Se quiendecer** tains endroits étoit très-profonde T avec des • bords fi hauts, qu'on n'y pouvoir'preique parler à cheval. Les Indiens auffi âârpient bâti ce fort en ce lieu de la forte pour s aiTeurcr contre les chevaux , & obliger les Efpagnols à fe battre a pied ; car ils n'apprehendolenc pas nôtre Infanterie. Comme on s'approchoit de cette place , le General ordonna à cenc Cavaliers des mieux armez de mettre pied à terre , Se après en avoir fait trois bataillons, il commanda l'attaque avec ordre auxfantaf-fins de les fouflenir. Gufman marcha droit à la première porte, Cardeniofa à la faconde, & Silveftrc à la trciiiéme, chacun à la tefte de leurs gens. Les alTiegez firent aullî-tôt une fortie de cent hommes par chaque porte, avec -■ ifides plumes fur la telle ; &atinde-do:i-lier piu-j d'épouvante, le vilage & les bras peints par bandes de div r erfes couleurs. Ils attaquèrent vivement les Efpagnols, Se blefle-refit d'abord Diego de Caftro, Se Pedro de Jorres ; qui cltoicnr aux coftez de Sijyeitre '

Gg 3

fo H'ftcire de la Tlcfidf.

que Reînoib féconda fort promprcmcntv Louis de Bravo à la tefte de l'autre bataillon; auprès, de Guiman , fut aufli frapé d'un coup de flèche au défaut de la cuilTe. Cardcnioi*; vit tomber auprès de luy Fran.cifco de Figue- . roa blcife au încfme endroit que Bravo. Les .. Indiens vifoient ordinairement de la çuifle en bas, à caufe qu'ailleurs ks Elpagnolsavoient [ de quoy fe garantir de leurs coups. Néanmoins , parce qu'ils tiroient furnosgen? avec •. des traits armés de pierre à fuiîl ; , & que ces traits faifoient beaucoup plus de mal .que , les autres, Cardeniofa Se (es compagnons les • ierrerent de iî prés, qu'ils leur ofterent le moyen de fe fervir de leurs flèches, 5c les me-nrrent battant jufqu'aux portes. Là delîiis ie General donne avec cinquante chevaux , de reçoit fur le front du calque un ii viole: : coup de lïédîé j.quc le-trait bondit au moins de la hauteur aune pique. Toutefois (ans s'étonner , il poufTe- fi vertement, les Indien?, qu'il les contraint 4e; fe jetter en diligence dans le fort. Mais comme les portes en é-toient étroites, 5c qu'ils ir v pouvoient pafTer -que deux de front, on en rit un grand carnage, iS: Ton entra mefme pelle 5c méfie avec eux. Les Elpagnols alors animez de nouveau par le fouvenir du mal qu ils leur avoient fait, les I bargent avec ardeur j 5c £n patient un graïui.

Lhre feccnd. yi*

Nombre au hl de i'épée. Les ennemis en âc-Tordre abandonnent le fort $ les uns fautent, du haut des palhTades , & tombent au pou-* voir des Cavaliers-qui n'ont pas-mis pied h. terre , Se qui les percent à coups de lances y. les autres paiTent iur les ponts, mais ils fe prei-* fent tellement qu'ils fe renverient dans l'eau.-Plufieurs qui ne peuvent gagner les ponts, à caufe qu'on lespcufTe trop chaudement, fe. jettent dans le fleuve, le traverfeut à la n^ge^, & fe mettent en bataille fur le bord. Et incontinent l'un de ces Indiens iort du bataillon, Se dcrle le plus brave des arbalétriers Efpa-. gnols pour fe battre contre kiyv\ Juan-de Sa-linas accepte hardiment le déh, quitte le gros qui eftoit derrière des. arbres, à couvert du trait, Se vient fe pofter vers-Je bas du fleuve vis-à-vis de (en.ennemi, qui n'efbôk couvert non plus queluy d aucune rondache. IlsVap-* preftent pour le combat Sc^fe tirent. LEf. ; pagnol-attrape 1 Indien à la poitrine , Se lin- . dicn, l'Efpagnol un peu plus bas que l'oreille, &4uy travcrle le cou de telle forte , que \& flèche*, fartoic- autant d'un cofté que d'autre. Les Indiens qui voient que leur homme chan- ■ celle , accourent à loy & 1 emportent. Ce-* -pendant le Gênerai ennuyédel&ïr rehflar.ee, paile le fleu ve a gué au defliis du fort, afîen> Me-la Cavalwi-ie ; fond fur eux.& les pour fait

*j% Hiftoire de U ïloridê.

jufques à la uuit, Si bien qu'à compter ceux qui peinent dans le fort, il y demeura du colle des ennemis plus de deux 'mille hommes 7 Se de celtiy des Efpagnols- trois Joldats feulement , Caftro , Torres 3c Figueroa, dont ils eurent beaucoup de regret, Se encore m >u-rurcnt-ils de leurs bleiTures un peu après la bataille. Mais ils eurent tant de Mêliez > qu'au retour de la pourfuite des Barbares ils furent obligez de fejourner quatre jours dans le fort pour les traiter.

C H APITRE II. ' Mort depluficurs Efpagnols faut? de fil.

A Vaut que de pafTer outre, ileft àpro de raporter qu'au temps que les Efpagnols entrèrent en Tafcaluça -, ils perdirent pluileurs de leurs compagnons faute de fel. D'abord une fièvre-maligne prenoit ceux qui avoient davantage belomd'cn manger, 3c' leur pourriflbit les entrailles. De iorte qu'^u bout de trois ou quatre jours ils fentoi mauvais, que de cinquante pas on n'en pou-» voit fupporter la puanteur.'Ainiî ce mal ? après avoir quelque temps langui, les emportait (ans reflource. La plulrvu: des au;;

tsnnez d'un accident fî étrange ] curent heu— i eufement recours au prefervatifdes Indiens, qui s'exemptoient de la pourriture par le-moyen d'une certaine herbe qu us failoient 1 brufler , Se dont ils meiioient la cendre par-my les chofes qui (enrôlent à les nourrir. Mais pour les autres -Eipa^ncîs qui mepriie-rent cette recette , Se qui s'imaginèrent qu'il y avoit de la honte à eux d'employer u leur confervation les mefmes remèdes que les Barbares , ils moururent malheureufement. Car encore que durant leur maladieon leur donna' du prefervatif, il ne leurfervoit de rien, à caufe qu'il n'eftoit propre que pour empêcher Ja corruption , Se non pas pour la chafîer , Se en l'eipace d'un an qu'on manqua de Tel 5 il y . périt plus de fotxante de ces orgueilleux.

Il me femble encore neceflaire de dire icy, qu'où parle un langage tout-à-faî? différent dans toutes les contrées de la Floride ; Se que Sôto avoit outre Ortis treize ou quatorze truchemens pour communiquer avec les Ca- -ciques. Ces truchemjns quand il s'a:

1res avec ces Seigneurs, fe mettoient de-file (elon qu'ils s'entendoient, Se de l'un a l'autre la parole alloit jufqirà Ortis qui eftoit au bo::t , Se qui raportoit toutes chofês au General. Ainfi nos gens a voient beaucoup de peine à s'informer des pamcularkcz dcsPro- ,

vinces par où ils paiToient ; les Indiens a*ï contraire n'en avoient aucune pour entendre le langage des troupes. Car après deux mois de fréquentation > ils concevoient ce qu'on leur diioit, & s'expliquoient en partie fur les fujets les plus ordinaires, • Mais lors qu'ils a* voient demeure cinq ou fix mois à la fuite de l'armée , ils lervoient de truchemens ; ils en-tendoient l'Efpagnol y -oc's'y exprimoient a-vec facilité, ce qui aidoit extrêmement le General à s'enquérir de tout, & cela montre que les habitans de la Floride ont de lefprir rai* fonnablement.

CHAPITRE III.

Les troupes arrivent en Chifca , & font 1% yaix avec U Cacique.

JE retourne où j'en efteis de mon hiftoire. Les Eipagnols au fortir d'Alibamo marche-rent à travers un defert toujours du ce Nord pour s'éloigner de plus en plus de la mer, & au bout de trois j ^urs ils appércûrent la Capitale de Chifca, qui porte le nom de la Province Se de fon Seigneur. Cette vilie eft iîtuee proche un fleuve , que les Indiens appellent Cbuiéigua , le plus grand de tous ceux

que nos gens ayent vu dans la Floride. Les habitans de Chifca qui nettoient pas avertis

, de la venue des-tronpes 5 . à caufe de la guerre -qu'ils avoient avec leurs voiims, : furent fur-pris. Les Elpagnols les pillèrent, & en firent plufieurs prifonniers ; le reftes'enfuyt, les uns dans un bois entre la ville 5c le fleuve ; Se les

: autres à la mai ion Au Cacique } élevée fur une éminence doit elle commandoit à toute la place. Ce Seigneur efloit vieux, & alors malade dans fon lin , prefque fans forces , de Ci petice taille Se de M pauvre mine, que dans le pays on n'en a^oit point encore vu de teL. Neanmoîn$:au bruit de l'alarme > Se fur le ra-port qu'on pille Se prend fes lu jets, il feltvt, fore de la chambre avec une hache d'armes en main , Se menace de tuer tous ceux qui font entrez fans fon ordre fur fes terres. Mais comme il allait fortirde fi maifon pou** s op-poier luy me fine aux Efpagnols, fes femmes aydees de quelques-uns de fes fujets qui s'e-toien: fauvez vers luy le retinrent. Elles luy représentèrent les larmes à lœil qu'il eit-oit foible , fans troupes, fa vafTaux en defor-dre Se hors d'état de combattre, Se ceux à qui •il avoit a frire, vigoureux , en bon ordre, en £;rand nombre , Se la plufpart montez iur de$ animaux , fi villes qu'on ne le ir | m/oit jamais échaper. Qii il falloit donc attendre une

*;G ÏJtfhbh de U fhrtkï

favorable occafion de le vanger , 5e-tromper •cependant les ennemis par de belles apparences d'amitié, pour-empécher la-ruine & celle de tes mjets. Ces confiderations arrefterent Ghîfca, Mais il eftoit fi-fort irrité de'l'injure que les Efpaçnois ltiy avoient faite , que fans vouloir écouter les envoyez du General qui •îtiy -demandoient la paix , il leur déclara la .guerre , ajoutant qu'il efperoit dans- peu dégorger leur Capitaine > avec tous ceux qui T'accompagnoient. Soto néanmoins fans s'étonner de cela , luydépêcha d'autresperfon-nes qui exculerent le defordre qu'on avoit fait <3 abord , & ■continuèrent a luy.demander la paix- Car il voyoit que les troupes elknenr. rebutées de'Combattre incefTamment, &<m-baraffees d'hommes $z de chevaux malades. QiVcn moins de trois «heures il s'eftoit joint au Cacique environ quatre mille hommes fort bien arm^z, Quq probablement il s'en anu£. feroit encore un plus grand nombre. D'ailleurs que 1 affiecte du lieu eftoit tres-favorable aux In liens , & tres-incornmode aux Efpagnols , à caufe des bois qui eftoient autour de la viilc, 5c qui-empechoient que l'on ne puft fe lervir j des chevaux. Qu'enfin au lieu d'avancer par la guerre , ils fe ruinoient eux-mefmes de jour en jour. Voilà les confiderations qui portei. nt Je General a faire la paix 9 mais la plufpart des

Indiens

Indien? qui s'eitoient aiTemblez pour de! iberer fur ce (ujet,avoient dcsVûës toutes contraires. Les uns vouîoient la guerre dans la créance qu il n'y avoir point d'autre voye pour recouvrer leurs biens, 6c délivrer leurs compagnons du pouvoir des Eîpagnols. Que de, tels gens nettoient point à craindre. Que ia paix qu ils dem,andoient avec tant cf emprel-feraent eftoit une marque afTiireê de leur peu de cœur. Qu'il falloir donc leur faire con-noiffre par un combat le courage de ceux qu'ils venoient attaquer , afin que nul étranger n'euft à l'avenir la hardièfîe d'entrer iur leurs terres. Mais les autresToîitenoîcnt que la paix eftoitle lèul moyen de ravoir leurs biens , Se de retirer leurs prifonniers. Que iï l'on venoit à ie battre , il falloir appréhender un plus grand malheur que le premier ; ic fi:u , la perte de leurs grains ., qui eitoient encore fur pied, la ruine entière d^ la Province, avec la mort de plufîcurs de leurs "gens. Car puis que les ennemis eitoieiït venus julqu a eux à travers tant de fafcheux périls , & de braves peuples, on ne pouvoitVaiJonnablement douter de 'leur valeur. Qu'ainfi lans en avoir d'autres preuves, il ralloit fe porter à la paix; & que fi elle n'eftoit utile , on la romproit a-lor beaucoup plus av.antagtcufemcnt qu'on ne feroit aujourd'huy la guerre. Cet avis tut II. Parc. H h

le plus fort, & le Cacique diliimulant Ton réf. fentiment demanda aux envoyez du General, ce qu'ils pretendoient par le moyen de la paix , donc ils témoignoient avoir tant d'envie. Ils répondirent leur logement dans la ville,avec des vivres pour patTer outre. Chifca confentit à tout, à la charge qu'ilsmettraient en liberté ceux de fesfujets qu'ils a voient pris. -Qu'ils rendroient tout le pillage , Se n'entre-Toicnt point dans fa maifon. Qu'autrement ils n'avoientqu'às apprefter à combattre a toute outrance. Les Efpagnols acceptèrent la paix .à ces conditions. Ils relafcherent les fujets de Chifca, parce qu'ils ne manquoient pas d'In-«diens de iervice, & rendirent touT le butin qui n'eiloit que de méchans chamois, avec quelques mantes de très-petite valeur. En-fuite les habirans abandonnèrent la ville avec les vivres qu'ils .avotent, & IcsEipagnols y demeurèrent iîx jours à traicter leurs malades. Le dernier jour Soto obtint permifîion de Chiica de l'aller viiiter en iamailon, où après l'avoir remercié de la faveur qu'il avoit raire aux troupes, il fc retira, 5c continua le lendemain la découverte.

9^»

CHAPITRE IV.

Ce qui arriva aux Efyagnols depuis Chifca jufques a Cafquin.

AU fortir de la Province de Chifca , les troupes marchèrent en remontant vers le haut du fleuve. Elles firent en quatre jours douze lieues feulement, en considération des malades , & arrivèrent en un endroit où l'on pouvoit paffer l'eau , parce qu'il cftoit aifé d'en approcher x & qu'ailleurs de cofté Se d autre , le fleuve eftoit bordé d'un bois fort épais, & le rivage Ci efearpé qu'on n'y pouvoit monter ny defeendre. Ils demeurerent-à faire des barques dans ce lieu, où à leur arrivée il parut ài'autre bord de leau, environ fîx mille Indiens bien armez, 8cavecplufieurs batteaux, pour en difpater le paiTige. Mais le jour fuivant qiutre des plus considérables de la troupe Tinrent de la part de leur Cacique trouver le General, Se après les révérences accouftumées,ils luy firent compliment fur fa venue , & luy demandèrent la paix 5c fon amitié.

Soto les reçut avec jove , Se les renvoya fort fatûfaits. C'eft pourqnoy durant vingt

Hh 2,

S9 Htfoîte de l.i Vloridel

jour*; , que les Efpagnob furent fur le bor<f du fleuve, ces quatre Indiens les fervirent de toutes leursYorces auprès du Cacique. Néanmoins il rut impolTible de l'obliger à venir au. èamp , 5c il s'en exeufa toujours de façon ou d iutre. Auîïi Vtm crut qu'il n'avoit envoyé vers le General que par crainte feulernent, Se pour empêcher que 1 on ne fift le dégaft dans fa Province. Car comme le ternps de la moifïon approchoit, 8c qu'elle paroifToit extrêmement belle, cela iuy euft fait un fenlîbte déplainr.

Les Efpagnols achevèrent en quinze jours deux barques, à caufe que tout le monde y travàfllpît , Se ils les gardèrent nuit & jour , de peur que les Indiens ne les brûlaffënt. Car ils venoient de tous collez en batteaux fe po-fier à l'endroit de nos gens, puis ils s avan* çoîent vers eux à grands cris, Se les couvroienc de flèches. Mais ils eftôient repouiïez à coups de mouiquets du retranchement qui efloitiur le bord du fleuve. Si bien que malgré tout leur efr >rt , les Efpagnols mirent fur l'eau quatre barques,où il pouv.oit tei;ir cent cinquante foldats avec trente cavaliers -, Se ramèrent en prelënce des ennemis qui defelperant de les empêcher , fe retirèrent chacun dans leur bourg. Ainfï' nos ^ens paflerent heureuie-ment le fleuve dafas ces barques Se dans des

batteaux qu'ils avoient pris fur les ennemis. Enfuite après avoir détaché la ferrure de leurs barques , parce qu'elle leur eftoit necefTaire, iis continuèrent leur route > & au bout de quatre jours de chemin par des lieux depeu-z, ils découvrirent au cinquième de de-fîus une eminence , une ville d'environ quatre cens feux, fur le bord d'un fleuve plus grand que le Guadalquivir, qui pafle à Cor-douë. Ils virent aulli qu'aux environs les terres eftoient couvertes de gros miilet, & dune quantité d'arbres fruictiers. - Les habitans de cette place qui furent avertis de leur venue , lortirent au devant d'eux , Se offrirent au General leurs biens avec leurs perfonnes y 8c le mirent ious fa protection. Quelque temps après il vint de la part du Cacique> deux des principaux de la contrée qui confirmèrent ce que les autres avoient dit. Sotolcs reçût avec toutes les marques d'une grande affection , & les renvoya d'auprès de luy fort contens.

La Capitale, la Province 8c le Cacique s'ap-pelloient Cafquin. Les Efpagnols s'arrefte-rent fix jours dans la ville, à caufe des vivres qu'ils y trouvèrent, & après deux jours de marche ils arrivèrent à de petits villages , où le Seigneur de la contrée tenoit fa cour, 8c qui Ciloicnt éloignez de quatre lieues de la Capi* H h ,

ti Biftoire cie la Tkrîdel

taie, en remontant le haut du fleuve. Ce Cacique fortit de ces villages, accompagné Je Tes principaux fujets, 8c vînt recevoir Soto^ auquel il offrit fon amitié avec ià maifon. Car a un des coftez de fon fejour il avoit encore dix ou douze autres logis, où demeuroit fa famille avec plufieurs femmes 8c valet?. Le General reçut avec joye l'amitié du Cacique. Néanmoins de peur de l'incommoder il le remercia civilement de fa maiibn, 8c fc loçea dans un jardin où les Indiens firent promptemenx des huttes de branches d'arbres, à caufe de la chaleur de May , où l'on eftott alors y Ci bien que les troupes fe campèrent' commodément /une partie dans les villages .♦ & l'autre dans les jardins daîentonr.

CHAPITRE V. ?rcce$cn ck lui adore la tnix*

r.

'Armée eiloit à Cafquin depuis trois jours,' lors que le Cacique qui avoit environ cinquante ans, accompagné des plus confidcrables de fes Jujcts , vint trouver le General. Comme il luy eut fait une tres-pro fonde revrrence, i\ luy dit, que puifquc les JKipagnols vainquoient toujours les lu*

diens,il falloit croire qu'ils efloient favoii-fez d un plus grand Dieu que le leur. Qu'airWî il eftok Tenu avec ks plus remarquables de ■ fes vaiTaux, fupplier le General de demander de la pluye à ion Dieu, parce que les fruits de la terre en avoient befoin. Soto répondit, qu'encore que luy 6c ceux de i'à fuite fuilent de fort grands pécheurs , ils prieroient néanmoins Dieu, qui efk)it le Père demifericorde . d'envoyer de l'eau ; Se au mefme temps il donna charge à l'Intendant de la fabrique des Navires, de faire une croix du plus haut pin qui fe trouveroit dans la Province. Ea etfct, on en choiiît un û gros & fi haut y que meime après l'avoir arrondi,. cent hommes avoient de la peine a le foule ver. On en fit en deux jours une croix fans luy rien ofler de fa hauteur , Se on la pofa au bord du fleuve fur-un tertre fort cleve. Apres, Soto ordonna une procefllon pour fe lendemain, Se de peur de lurpritè il commanda que le refte de l'Armée fuft: lous les armes. Le Cacique Se le General marchèrent à la Procciiion , à codé l'un de l'autre , iuivis de pluficurs EJpagnois Se deplufieurs Indiens. Ils faiioient environ mille perfonnes. Les Preftres avec les Religieux a 11 oient devant, Se chantoîent les Litanies, Se les foldats leurs répondaient, lis s'a-Vancerent en cet ordre vers la croix > où des

qu ils furent arrivez ils fe mirent à genoux J éc après quelques orailor.s ilsl'allerentadorer avec beaucoup de zèle & d'humilité 3 les Ec--cleiiafiiques premièrement, pu:sSoto,le Cacique Se le refte de la troupe.

De L'autre cofte du fleuve, il y avoit tnvi-Ton quinze ou vinçt mille perfonnes, de tout âge 5c de tout lexe. Us levoient les mains & les yeux au ciel, Se montroient par leurs po-dures qu'ils prioient. Dieu d'accorder aux Chreftiens la grâce qu'ils defiroient. On en-tendoit auffi parmy eux des cris , comme de gens, qui pleuroient pour obtenir plutôt du Lie! leur demande. De-forte que les Efpagnols eurent beaucoup de joye de voirreconnoiure îeur Créateur , Se adorer la croix dans des pays, où le Chriftianiimc efloitinconnu. En-fuite les Ecclefiafh'ques entonnèrent le Te Dam y Se les Efpagnols Se les Indiens s'en retournèrent au village 1 dans le noefme ordre qu'ils efloient venus 3 cela dura en tout quatre grandes heures.

Cependant Noltre Seignenr voulut montrer aux lu jets duCaciqucCaiquin,qu'il écoute les prières de fesferviceurs. Car vers le milieu de la nuit lui vante i! commença à pleuvoir. Les uns dilent que la pluye dura trois jours

.ers, Se les autres fix. Si bien que les habi-tans de la Province rejouis de la faveur que

Dfeu leur accordent par le moyen des Chrétiens , vinrent avec le Cacique en rendre grâces au General. Ils l'aiTeurercntdeleurfer* vice, & luy protefterent qu'ils tenoient à honneur de dépendre abfolument de luy-, Soto leur répondit qu'il eftoit fort aife de voir des marques de leurs bons fentimens ; Mais qu'iL n'avoîent obligation qu'à Dieu leGreateur du Giel Se de la Terre , & que c'eftoit luy qu'ils dévoient remercier. Apres cela , comme les troupes avoient déjà fejourné neuf ou dix jours dans les villages, elles en partirent pour continuer leur découverte. Gafquin fuppiia le General de luy permettre d'aller avec luy, de mener des gens de guerre Se defervîce, les uns pour efeorter l'Armée, Se les autres poimporter des vivres , à caule qu'il falloir travers-fer par des endroits où l'on ne trouvoit aucune habitation. Le General confentit à ce que voulut Cafquin , qui commanda aufli-tôt au* plus braves de fes iujets, de fe tenir prefts pour accompagner les Chrciliens , jufques dans la Province de Capaha, dontL- Cacique Se la Capitale portaient le mefme nom.

~~C H A P I T RE] VL

Ma h: des troupes vers C.ifah.t.

LEs Seigneurs de Cafquin Se de Capnha > avaient Je gaut temps eu guerre enfun*

Btf Hiftoirc de la Floride]

ble ; c'efl: pourquoy les Caciques qui gou* vernoient ces Provinces à l'arrivée des Efpa-gnols euoiciit brouillez. Comme celuy de GapaHa eiloit le plus puifTant, il avoit tcu-jours> eu L'avantage fur l'autre, qui seftoit reiTcrré. dans les bornes de la contrée , lans en oler fortir de peur d'irriter le Cacique. Capaha. Mais lors qui! vit une occafîon de fe tirer de contrainte , Se de le venger de Ton ennemy à la faveur des troupes > il leva-cinq mille hommes fort leftes Se en bon ordre , fans conter trois mille Indiens chargez' de vivres Se très-bien armez, puis il s'avança devant en bataille vers Capaha , fous prétexte de découvrir quelque embutcade , Se d'avoir foin de prendre un bon porte pour loger les deux armées. Les Espagnols marchèrent après eiloignez d'un quart de lieuë ,. Se continuèrent tout le jour leur route. En-fuite on campa de part & d'autre en tres-bon ordre , Se de telle forte, que les Cavaliers qui battoient leftrade pafïoïent entre les ienti-ncile> Indiennes & les Elpagnols. On marcha trois jours de cette manière, 8c au quatrième on arriva de bonne heure à un marais, qui faifoit la feparation des Provinces de Cafquin Se de Capaha , Se dont le fond eftoit il mauvais aux bords, Se l'eau fi profonde au milieu, <ju'il falloit nager plus de vingt pas. Les

gens de pied le paiTerent fur de i&échans pon:s de bois, Se les chevaux à la nage mais à caufe de la fange d js rives, ils eurent tant de peine que Ton demeura le refte du jour à le traverfer. Si bien que les Efpagnols & les -In*--diens n'allèrent qu'a demy-lieuë de là , où ils logèrent dans de tres-agreables pafturages , & arrivèrent au bout de trois jours fur une eminence d'où ils apperçûrent !a Capitale de Capaha très-bien fortifiée, parce qu'elle eftoit la clef de la Province. Cette ville efl fur une petite coline, Se a quelque cinq cens bonnes maiions, avec un folié de dix'ou douze braf* fes,large de cinquante pas,dans;la plufpart des endroits, Se aux autres de quarante. Ajouftez qu'il eft plein d'eau , par 1 e moyen d'un canal que l'on a tiré depuis la place jufqu'au Chucagua. Ce canal a trois lieues de long , une pique d'eau au moins Se fi large que deux grands oarreaux de front, le peuvent monter 8e deicendre très-facilement. Le fofle qui efl: rcmply par ce canal environne la ville , excepté en un endroit qui eft fermé d'une palilTa.de de grottes poutres fichées en terre, attachées avec d'autres pièces de bois en travers , enduites de terre graflè Se de paille. On trouva au refte dans ce fofTé Se dans ce canat une telle <ju intité de poiflbn, ^ue tous les Efpagnols Se tous les Indiens

SS TJiftoire delà Tlortde.

qui iliivoient le General , en pefcherent fans

qu ii paruft que l on en euft pris tin icul.

Le Cacique Canaha eftoit dans la ville, lors que les Indiens qui accompagnoient les troupes la decouvTÎrcnt. Mais comme il jmnquoit de monde pour le dcnvndre , il fe retira dans une Lfle que fait le Chucagua.Ceux de fes lu jets qui purent avoir des nacelles le fai virent, une partie des autres gagna les bois, & le refte demeura dan- la place. Néanmoins il s en fauva encore quelques-uns, parce que les vafiaux de Cafquin appréhendant que ceux de Canaha, neleur enflent drefle des embuA ches ; & fe refïouvenantqu ? ilsenavoientefte plufieurs fois vaincus, il les craignoient 5c n'entroient d'abord que lentement dans là ville. Mais Kir Tifleurance qu'il n'y avoit aucun péril, ils courent en foule-dans la place> tuent plu • de cent cinquante habitans, leur enlevé ît eteftpour marque de leur victoire, Se pillent la ville , de particulièrement les mations du Cacique. Ils prennent outre plu* fieurs jeunes hommes deux de les remmes qu'on trouva fort belles , Se qui ne s eftoient pu fauver avec les autres, à cauie du trouble oui arrivée des ennemis les avoic miles.

CHAPITRE

CHAPITRE VIL

Uefbrdre que les Cafqitins firent dans le Temple de CapaJja, avec L.pourffjte duÇ.u'hiue.

APrés que les vafîaux de Cafquin eurent pille la vilie , ils s appelèrent les uns les autres , & dans la penfée d'oiFenfer cruellement Capaha , qui eftoit fier Se iuperbe , ils entrèrent au Temple Ou eftoit la fepulture de Tes anceftres, Se emportèrent toutes les ïichefTes. Ils y renverferent les trophées qu'on avoit élevez de leurs dépouilles, briferent les cercueils, & répandirent de cofte Cz d'autre les os des morts. Apres de rage iis les foulèrent aux pieds, ofterent le> teftes de leurs gens qui eftoient au bout des lances aux portes du Temple, & mirent en leur place celles qu'ils venoient de couper aux habitansde Ca-paha. Enfin-ils n'obmirent rien de tout ce qui pouvoit mortellement oflfènfer leurs ennemis. Us délibérèrent m^fine de bru fier le Temple & les marions 4u Cacique ,"& ils'n'en furent empefehez, que parce qu ils avoienc peur domnfer Soto qui arriva ejifiiîfiç de et defordre. Comme il apprit la retraite du Ca-fcique , il luy dépêcha de les fujet's que I on a-II. P.rt. li

§6 Wiftoîre de la Vlorîde.

voit pris, Se luy fit demander la paix avec foij amitié. Mais le Barbare témoigna qu'il ne refpiroit que la vengeance du tort qu'on luy avoit fait, Se qu'il afTembloit des troupes pour en avoir raifon. v Ceft pourquoy le General commanda auxEfpagnols & aux Indiens de fe tenir prefts pour marcher vers rifle , Se h-defïus Cafquin le pria d'attendre trois ou quntre jours , .tandis qu'il feroit monter des Datteaux par le Chucagua qui paiToit autfi fur Tes terres. Soto conientit à cela, Se au mefme temps Cafquin manda à Tes fujets de fë Te n ir joindre avec foixante batteaux , pour fe venger entièrement de leurs ennemis. Cependant Soto dépéchoit chaque jour vers Capaha, Uans la vue de faire la paix ; mais comme il jdeiefpeja de reùilir , Se qu'il fçut que les batteaux avançoient, il alla les recevoir avec fes troupes, Se fe rendit à rifle où s'eftoit retiré Capaha , après avoir demeure cinq jours dans la ville de ce Cacique.

Les.Cafquins fuivirent auiïi-tôt le Général y Se pour mieux-faire le dégât fur les terres de ;!eurs ennemis., ils s'étendirent dans la marche environ une demie lieuë. Ils trouvèrent plulieurs efclaves de 'eur Province, aufquels en avoit coupe les nerfs de defïus le coup de pied , pour les empecru r de fuir , & ils les renvoyèrent au pays, plu* pour mar-

quer leur victoire que pour en tirer aucun fer-vice. Enfuite ils. arrivèrent avec les Efpa-gnols vers Mile que forme le Chicagua où le Cacique s'eftoit fortifié de bonnes palifTades, & où il eftoit difficile de le prendre, à caufe des bois qu'ii y avoit , & des braves gens qui l'accompagnoient, tous bien armez 8c tous refolus de- fe detfendre eourageuitment. Néanmoins malgré tous ces-obftacles, le General fit embarquer deux cens Elpagnols dans vingt batteaux, & trois mille Indiens dans les autres, &-commanda l'attaque de lliic. Mais au mefme temps que Kon alloit débarquer, il Te noya un Elna?r-ol nommé Francilco Se-haïtien , qui avoit long, temps Itrvi en Italie* Ce icldat voulant avoir 1 honneur de iortir le premier du vaifleau , met le gros tout de (à lance en terre. Se r^iehe de s arn.fter auborcL ..Cependant [Je vai ieau recule, il tombe dans l'eau ,. & va à fond a amie d'une cotte de maille qu'il portent. Sébaftien n avoit jamais paru plus joyeux que le jour qu'il perdit la vie. Car quelques heures avant ia difgra entretenoit agréablement les compagpoj leur difoit que la mauvaiie fortune 1 avoit conduit en Amérique. Qu'il avoit beaucoup plus de bonheur en Italie , où l'on letfafttovt avec grand refpecr., Se où il ne liiy manquoit rien. Que G par hazard dans ce pays-là il

li *

$1 fitfloire de ta Floride^

tuoit quelque ennemy,il en avoir la dépouille, Se iouvenr un bon cheval, au lieu que dans la Floride il ne gagnoit à la mort d'un Indien qu'un arc , des flèches, & de méchantes plumes. Il ajoûtoit que rien ne le fachoit plus que la prédiction d'un fameux Aftrologue Italien, qui lavoit aiTe.uré que l'eau luy Jeroit fatale. C eft p'nirquoyil diloit que Ton deftin lavoit poufle dans de damnables régions, où l'on fe trou voit toujours engagé parmy les eaux. Voilà comme avant fa mort Sebaftien entretenoit les camarades qui furent fenfible-ment touche z de la perte. Du refte ils prirent terre , Se combattirent en véritables gens de cœur. Ils forcèrent d'abord les premières pa-liflades, poulie rent les ennemis jufquà la féconde , ce qui épouvanta tellement les femmes Se les gens de fervice qui fe trouvoient dans llfle , qu'ils coururent à grands cris s'embarquer, Se s'enfuirent à toutes rames le long du fleuve. Mais ceux qui gardoient la féconde paliiîade fe dépendirent en lions 5 car animez de laprdencedu Cacique, du fbuve-nir de-leurs belles a-flions , & de la gloire de leurs anceftres , ils donnèrent en dciefperez , & blelTcrcnt tant d'EipagnoIsSc de Cafquins, m qu'il* les empêchèrent d'avancer plus loin.

C H A P I T R E VÏIL-

Les Cafqtiins fuient-, & Sctofaitla fjj» ■ avec Capahu.

LOrs que les gens de-Capaha curent fou-tenu l'attaque de leurs enii€mls ? îls reprirent cœur", &: leur crièrent que-c'eftoient des lalchcs, qu'ils dévoient courageufement: pouffer leur pointe, Se tes emmener priion-' niers, puis qu'ils avoient eu l'iniolence de facager leur ville , & d'oftenfer leur Cacique. Mais qu'ils le .IcuvinfTeirc-de l'injure qu'ils' kur failbient, & fçîiuent qu'un jour ils en au--roient raiion. Ces paroles épouvantèrent les ■ Cafquîns, qui fe reflouvenoient d'avoir efté pluiieurs fois vaincus par ceux qu'ils atta-quoient, -de forte qu'ils abandonnèrent le combat, Se fuirent vers leurs batteaux , fans que les prières du General , ny les menaces de leur Cacique les pulfent retenir. Ilss'em-barquerent donc tout en defordre , 5c voiir lurent mefme emmener les vaifFeaux des Espagnols*.afin que leurs ennemis n'en trouvai ient point pour leur donner la chade ; mais ils en furent empêchez par quelques foldat$ juai les gardoient.

M $

Apres une fuite ii hpnteufe, les Ëjpàgrtok COrmOifiàçs qu'ils ne pouvoient relifter à h multitu de des ennemis , parce qu'ils man-quoient de chevaux, ils commencèrent à faire retraite en fort bon ordre, & auÏÏi-tôt les Indiens de i V If!e qui les apperç tirent en petit nombre, vinrent fondre fur eux tout en furie, Mais Capaha quieftoit fage, Se qui vouioit gagner les bonnes grâces du General, afin d'empocher par ion moyen les Calquins de faire davantage de dégât, Se l'obliger enfuite à luy pardonner le mépris qu'il avoit fait de fon amitié, court à grands cris afes fujets, Se leur défend de rien faire aux Efpagnols. Si bien que nos gens fe retirèrent heureufemenr, fatisfaits de la conduite de Capaha ; car {ans luy ils eulTent tous efté taillez en pièces. Et le lendemain il vint vers le General quatre des principaux Indiens, qai après luy avoir demandé la paix, luy offrirent leurs fervices avec leur amitié, Se le fupplicrent de ne point Jfanfc frirque Lurs ennemis riilènt plus de ddordrç dans la conrree. Ils le prièrent aulîi de retourner à la ville de Capaha , Se qu'auiii-tôt leur Cacique iroit 1 affeurer luy-melme de ion obei'Iance. Voilà en peu de paroles le difl. -cours des envoyez , qui firent une révérence >au Soleil , l'autre à ia Lune , Se la îroiiieme à Soto , mais ils ne rendirent aucune civilité a

Lhre fécond. ^

Cafquin qui eitoit prefent. Le General répondit à ces Indiens » que Gapahi viendroic quand il luy plairoit, Se qu'il "feroit bien reçu. Qu'il accepteur, avec beaucoup de joye fon amitié , Se empecheroit qu'à l'avenir on ne ravageai! Tes terres. Que leur Cacique e-jftoit la feule caufe de tout le defordre , parce qu'il avoir toujours refuie la paix; uials-Com-, me de fon coité il avoit genereufement oublié tout ce qui s'eftoit paflé , il le conjuroic de faire le meime» .Les envoyez contens de cette réponfe > s'en retournèrent vers leur Seigneur. Cependant Calquai eitoit au de-fefpoir de tout cela ; car il eut voulu que Ion ennemy fç fufr opiniaftré , pour avoir moyen de le perdre a la faveur des troupes étrangères. Après ie départ des envoyez de Capaha, le General reprit h route de îa viile, 8c lit publier que pas un Indien, ny Elpagnol, neprift dans la marche aucune choie qui portai! préjudice au:: habitans de la Province, Se comme il fur. arrive à Capaha, il commanda aux fujets de Cafquin de s'en retourner à leurs pays , Se qu'il ny demeurai!-que ceux dont le fervice eitoit necefiaire au Cacique , qui ne voulue point quitter l'Armée.

w Sur le milieu du jour que les troupes mar-choient, des Indiens de la part de Capaha vinrent Ravoir des nouvelles de la faute du

General, Se alTeurerent que leur Cacique luy rendroit bien-tort les- devoirs. Au Soleil couchant que Soto citoit à la ville, Capaha dépé». cha d'autres perfonnes qui le félicitèrent fur fon mérite. Tous ces envoyez rirent les révérences accouftumées, & dirent ce qui leur eit-oit ordonné. Soto leur répondit avec civilité , Se eut foin qu'on les traitaft tres-honne-ftcmcnt> afin qu'ils connuilent l'eftime qu'il faifoit d'eux. On vit le lendemain à huit heu-tcs du matin , Capaha accompagné de cent de Tes principaux lujets fort leftes à leur ma* nïere. D'abord qu'il Rit entré dans la ville il alla au Temple , où diiTimulant fon dcplaiiir 5 il ramafla luyvmelme les os de fes predecel-feurs , que les-Cafquins avoient jettes pa? terre, & après les avoir baifezil les remit dans les cercueils. Enfuite il fc rendit au logis du General, quilortit de fà chambre pour le recevoir, Se } emhittflk avec beaucoup d'affection. De.Cacique l'alicura qu'il venoit fe mettre fous ionobeïiTanceluy&fa Province. Soto réjoui de cela l'en remercia obligeamment , Se puis il s enquit de la quaiité de la contrée 5c des pays d'alentour. Capaha ré-pondit avec eipric, & fit connoiftre fa prudence dans tous les diicours. Ce Cacique e« #oit alors âge de 25. a 26. ans, & fort bien-fkîr dttJà peribiuic*

Comme îe General eut cefie de s'enquérir de fa Province, Gapaha éclata contre Caf-quin qui eftoit prefent, & luy dit qu'il devoir eftre déformais fatisfait d'avoir vu ce qu'il ne fe fuit pas imaginé, & qu'il n'euft ofe efperer de Tes propres forces* Qu'il s'efloit enfin vengé de fon ennemy , $c a voit effacé lahonte qu'il avoit eue dans la guerre. Qu'à la vérité il en avoit l'obligation à la valeur des Efpa-gnols , qui fortiroient bien-toft de la Province , 8c qu'alors on fe reffentiroit de tous les outrages reçus.

C H A P I T. R.E IX. Vitix entre Cafqkin & Capaba*

SUr la connoifTance qu'eut le General de la haine des Caciques , & qu'après fon départ la guerre fc rallumeroit entre eux avec chaleur 3 il leur témoigna qu'il eftoit fâcheux qu'il le.détruilifTent l'un l'autre > Se que refo-lument ils les vouloit accorder. Il effaya donc d'abord d'adoucir Caoaha ; 8c dit que fi l'on avait ravagé fes terres, il s'en dévoit imputer la faute y que s'il euft envoyé au devant des Efnagnols, ils eulfent empêché que Js«v Clmemi^ ne Ment aucun delbrdre, Se n'ta«

>S Wfloih de U FïvriJv".

traitent dans fa Province, Qii'ainfi il ne faî-loit point que de Ton cofte il repugnafl à faire la paix avec Cafquin. Qu'il les conjuroittous deux d'eftourîêr leurs reiTentimens en fa faveur. Que melme en cas de befoin il leur commandoit de luy obéir en cette rencontre, 8c tenoit pour ennerrry celuy des deux qui s'o-piniaftreroit à vouloir la guerre. Capaha répondit à Soto , que la plus grande marque qu'il pouvoir donner de fon obeïffance , e-ftoit de faire.ee qu'il defiroit de luy, 8c que de tout fon cœur il eftoit preft de lier amitié avec Cafquin , Se la deffiu les deux Caciques s'embrafTerent. Vais à les voir, leurs cai Croient contraintes. Néanmoins ils ne laii-ferent pas de s'entretenir adroitement avec le General, touchant l'Eipagne&: les Provinces de la Fl< ride. Leur conversation dura jul-eufà ce que 1 on vint avertir qu il eftoit temps de dîner , & auffi-toft ils parlèrent dans une autre chambre où le couvert eftoit mis pour trois. Le General îe plaça au haut bout, Se Cafquin à fa droite ; mais Capaha remontra ruent a Cafq iin , que comme plus qualité , plus puiiïant, & dune nobleiîè plus IL luftre, cette place luy appartenons Soto qui vit cere conteftation , en voulut fea* oir lu calife , S< c >qfime il 1 eut apprife* il dit que fans avoir égard aux avantages que l'un i

'fcr l'autre , Capaha dévoie avoir du reC pect pour les cheveux blans de Calquin -, & luy accorder le lieu le plus honorable > & qu'il eftoit d'un jeune Seigneur bien né de confiderer les vieillards. Capaha repartit que û Cafquin eftoit Ton ho fie, il luy cederoit volontiers la première place, fans mefme avoir é-gard a Ibn âge. Mais que mangeant à la table d'un tiers, il ne devoit point perdre Ton rang, & que s'il n'eftoit pas jaloux de cet honneur, tou; Tes fujets en murmure soient. Que pour ces conflderations, h* le General vouloir qu'il mangeaft avec luy , il foufrrift qu'il ne dérogeai! point à fa qualité , ny à la gloire de les anceftres. Qu'autrement il luy feroit plus a-vantageux d'aller dîner avec (es fbldats, qui (cachant fa conduite l'en aimeroient davantage. Calquin qui vouloit appaiier Capaha, Se qui connoiflbit que ce Seigneur avoitraiion, ic ! jva , & dit à Soto que Capaha ne deman-doit rien que de fortj lifte , Se qu'il le fupplioit ■de luy faire prendre fa place. Que pour luy il s'efttmoit fi honoré deftre à fa table, qu'il n'importoit de quel cofte il fe mift. Comme il parloit de la forte il pafla à la gauche du Général, & adoucit Capaha , qui durant tout le dmer ne témoigna aucun reuenrittiént. Ces circonftances montrent que melme par-tny les Barbares, le rang que donne la qualité

eft quelque chofe de confiderable. «Les E£-pagnols s'étonnèrent du procédé de ces deux Seigneurs ; car ils n'auroient jamais crû que les Indiens euffent efte fi délicats lur le point d'honneur.

. Au meirne temps que le General Se les Caciques eurent dîne , on amena les deux fem-mes de Capaha qu'on avoit mifes le jour précèdent en iiberte avec ies autres prifonniers. Ce Cacique reçut fort civilement ces deux Dames , Se après il fupplia le General de les prendre pour lu y , ou au moins de les donner a quelqu'un de les Officiers, parce qu'elles ne dévoient plus demeurer -, ny dans fa maifon r>y iur les terres. Le General qui ne voulut pas refufer Capaha , de peur de Iuy déplaire, répondit, qu'il acceptoit volontiers l'agréable prefent qu'il luy faifoit. Ses femmes en ■effet eftoient très-belles, Se à caufe de cela, -on fut d'autant plus furpris de la conduite de ce Cacique , qu ileftoit à la fleur de ion âge. Mais on crut qu'il avoit de la haine pour c^s Dames* à cauie qu'il les loupçonnoit d'avoir -efté touillées par les ennemis ; dont elles a-voient efté priibnnieres»

CHAPITRE

CHAPITRE X.

: tes Rff-agnals tnvoyetit quérir du fol* <? votit$ U Vrwincç de QuigUAte.

LE General s'ehquït des Caciques Se dt leurs fujets, où Ton pouvoir trouver du fel, parce que plufieurs foldats mouroient faute d'en avoir 5 Se par bonheur il le rencontra huit marchands Indiens qui en trafiquoient par les Provinces , Se qui aifeurerent qu'il y en a voit dans des montagnes à quarante lieues de Caparta. Ils dirent autli qu'on y trouveroit de ce métal jaune dont on leur avort parlé* T^os gens réjouis de ces nouvelles, Aloreuo) & Silvera qui efloient exacts $c fages y s'otrrU rent d'aller avec les marchands reconnoii'tre la vérité de toutes ces choses. Le General les dépêcha auiîi-tôt, avec ordre de remarquer la qualité de la terre par on ils paiferoi ^nt> & Capâha ks rit accompagner par des Indiens, he leur donna des perles , de chamois avec des fcverolles , pour acheter de i'or Se du fel. Enfuit c ils partirent, & au bout d'onze jours il retournèrent avec fix charges dp fel de pierre chiiitaline, ce qui donna beau-cou") de j )ye aux Ei^agnols. Ils importèrent II. Part. K k

auiîi du cuivre ir es-jaune , 8c dirent que le pays d'où ils venoient eftoit fterile & fort mal peuplé. Sur ce raport Soto reprit la route de la ville de Cafquin , pour tirer de Jà vers îe Couchant, Se en reconnoiftre les terres.; car depuis Mauvila il avoit toujours marché droit au Nord , pour s'éloigner de la mer. Il fè rafraîchit cinq jours à Cafquin , puis il ai marcha quatre le long du fleuve en bas, par un pays fertile Se peuplé , & arriva à la Province de Quiguate. Le Cacique Se fès fujets vinrent au devant de luy , & le reçurent o-bligeamment. Mais le lendemain on le pria d'avancer jufques à la Capiatale, fur l'ailea-rance qu'il y feroit beaucoup mieux fervi. Le General crut ce qu'on luy d'ifoit, Se continua cinq jours fon chemin, en defcencl-ant le long du fleuve par des lieux abondans en vivres, 5c au cinquième il arriva à la Capitale nommée Quiguate, qui donne le nom à la Province. "Cette ville eftoit ieparee en trois quartiers, les Efpagnols Te logèrent dans deux , Se les Indiens au troilieme oit eftoit h rnaifon du -Cacique. Ces Barbares deux jours après l'arrivée des troupes s'enfuirent ians qu'on en içiit la raifou , Se retournèrent au bout de deux jours demander pardon de leur faute. Le Cacique s'exculoit fur ce qu'il penfoit re-Vcnir le mefme jour; JMais on crut qu il ne-

fioit retourné que dans la crainte que les E£-pagnols à leur départ, ne miflent le feu dans la ville & aux gros millets. Car apparemment il eftoit forti à mauvaife intention, puifque Tes fujets eauferent durant leur fuite tout le mal qu'ils -purent; ils fe mirent enembufcade & bleiTerent deux ou trois Elpagnols. Tou-. tcfbis le General qui ne vouloit pas rompre avec les Barbares, ne leur en témoigna rien. Une des nuits que les Elpagnols demeure* rent à Quiguate, un Aide de Sergent Major alla trouver à minuit le General, & luy die que Juan Gaitan auquel on avoit commandé Cîe battre leftrade une partie de la fecor.de veille avoit refuié dobeïr, Tous prétexte qu'il efloit Treforier de l'Empereur. Cette ddo-beiiTânçe piqua d'autant plus Soto ? que Gaitan eftoit l'un de ceux qui à Mauvila a voient fait de fil in d'abandonner UJFJbôride. Auffi Soto tout en coierc vint au milieu Je iacour de fbli logis qui eftoit :1e ve , 5c d'où il pouvoir eflre facilement entendu des loi Jars qui ■ efeoiect aux environs. La il dit que ç'eftoic une honte que l'on ffrmutinafi tou-j les Jours; & que l'on ne vouluft point faire fon devoir fous couleur que l'on eftoit Treforier de Sa Majeur. Qu'au refte il re comprenoit pas ces gens qui ddîroient retourner en Etpagnfe au au Mexique , n'y. pouvant jamais parcifurc Kk *

qu'en Hchcs. Qu'on içauroit que fur le point de fe rendre maiftres d'un vafte Se fertile pais, ils l'avoienc honteufement abandonné. Que comme il ne pouvoir Jouftrir qu'on leur fift un reproche fi injurieux , à caufe qu il retom-beroit en partie fur luy , ils ne dévoient point aulîî penler à quitter la Floride tandis qu'H vivroit, parce qu'il avoit refolu d'y perdre glorieufementlavie , ou de la conquérir toute entière. Qu'il ne falloit pas non plus que personne fous prétexte de fa charge, s'imaginail s'exempter de faire ce qui luy leroit ordonné, qu'autrement il feroit couper la tefte au premier qui n'obeïroit pas. Ces paroles prononcées d'un ton rler Se plein de reflentiment, firent rentrer dans leur devoir les mutins , 8c ceux que Ton avoit peine à faire obéir. Car ils fçavoient que le General eftoit exact Se îe-vere y &s qu'après s'eflre ouvertement decla* ré, les menaces eftoient à craindre.

CHAPITRE XI.

tes treupes arrivèrent à Col hua , elles font-dufel &fJ$fUtÀ Tu la.

L

Es E fy? gnoib fejournerent foc jours à Qui-guite , ih Cn partirent le feptieme , fc a-

Lhre fécond. ¥of

prés cinq journées de marche en descendant le lon^ du fleuve qui paffe à Calcum, ils arrivèrent à la Capitale de la Province de C olima. Le Cacique reçut Soto avec de grands témoignages .daifection 5 Se cet accueil réjouit nos gens y qui eftoient extrêmement touchez dt ce qu'on leur avoit'dit-, que les'habitans de Colima empoifonnoient leurs ffefches. Ils de-fcfperdfëflt de pouvoir leur refrfter parce que-lans le (ervir de flelches empoifonnées, ces Barbares avoient déjà trop de force dans les-combats. Mais on apprit avec joy€ qu'ils ne promut point de traits empoifonnez , Se Yorï eftima davantage leur amitié, qui pourtant' ne dura que fort peu. Car deux jours âpres r'-arrivée des troupe-s, ils fe mutinèrent lans' raifon , Se fe retirèrent dans les bois avec leur Cacique. Enfuite de cette retraite les Efpa-gnols demeurèrent encore un jour dans la vilie de Colima, ou lors qu'ils eurent amrtfledes vivres , ils continuèrent leur chemin à travers des campagnes fertiles, Se des forefts agréables & faciles a palier , Se au bout de quatre jours ils arrivèrent au bord d'un fleuve où l'armée fe campa. Après il y eut des foldars qui sellèrent promener lur le bord de l'eau , oà ils apperçûrent du fable de couleur d'azur* L'un d'eux en prit, il en goufta Se fentit qu'il .ciloit laie. 11 en avertir, fes compagnons, & Kk 3

$cG Rijfofre de U Fioride.

dit, qu'il croyoit qu'on en pourrott compoier du falpeftre , dont il le fcroit de fort bonne poudre. Ils ramaiTerent donc ce lable dans cette penfée, Se tafeherent de tirer lentement celuy quiparoiiïoit azuré. Comme ils en eurent iumlammcnt, ils le jetteront dans de 1 eau, où après lavoir lavé, ils le preiferent entre îeurs mains pour la faire couler ; puis ils le rirent cuire à grand feu, & il le convertit en un fel un peu jaune , mais très-propre pour filer. JLes Efpagnols rcjoùis de cette nouvelle in* vention, le rafraîchirent huit jours à Colima, & rirent provision de fel. Mais il y en eut qui maigre les prières qu'on leur faifoit en mangèrent tant, qu'il en mourut neuf ou dix 4 'hydropilic. Ainfi les uns perdirent la vie pour avoir eu du lel en abondance , Se les autres pour en avoir manqué dans leur beioin. Après que no* geus fe furent fournis de fc!, ils partirent de Colima & marchèrent deux jours pour lortir de la contrée qu'ils appellerait la Province de le!. De là ils paiTrrent en celle de Tula. Ils firent trois jours de chemin par un pays dépeuple ; & au quatrième iur le inidy, ils camperait dans une tres-agreable plaine à demie lieue de la Capitale , où le General ne voulut pal aller. parce que les trou-yjés eftoient haraiîces. Mai* le lendemain il prie louante fantaiîms avec cent chevaux, &;•

fut reconnoiftre cette ville, qui eft iîtuée dans un pays plat entre deux ruiileaux. Les habi-tans qui ne fçavoient rien de la venue, te mirent en armes lors qu'ils le virent, ils iomrent contre luy. &. furent lecondez de plusieurs femmes qui le battirent fort vaillamment. Nos gens-rompirent d'abord les ennemis, & les pouffèrent jufques dans ia ville où-iL entrèrent peiîe mefle. Le combat alors s échauffa, car les Indiens &: leurs femmes fe battirent en defefperez , & montrèrent tous qu ils prcie-roient ia mort à la ièrvitude.

Ileinofo durant la méfiée entra dans une mailon , & monta à une chambre haute, il y avoit en un coin cinq Indiennes , auxquelles il fit connoiltre qu'il ne leur vouloit faire au» cun mal. Mais ces femmes qui rappercûrent feul fe jetterent de furie fût my. Les unes le prient par les bras & par les jambes, quelques-unes par le cou , & me fine par les parties naturelles. Reinoio pour le debarailer s'agite, fe remue avec violence , & frappe h fort du pied; que* le plancher qui n'eltoit que de ro-leaux crevé. Et comme l'un de (es pieds paffe par le trou , il tombe lur le plancher où les Indiennes le traittent cruellement. Toutefois il ne voulut jamais crier au fecoius , dans la penlce que cela luy leroit honteux qu'on vift que des femmes luy furent unt.de peins;*-

Comme les Indiennes outrageoîent ainfl Rcinoio , un autre Eipagnol entra dans une -chambre au-défions , & parce qu'il oùit da bruit en haut, il regarde Se voit une jambe qui pafloit par un trou du plancher. Il la prie d'abord pour celle d'un Indicn,a catife qu'elle eftoit nuë& h au fia 1 epee pour la couper, àlais dans ie doute qu'il n'y eut quelque malheur il appelle deux loldats y ils montent à Lt chambre , où voyant leur camarade en un eftat pitoyable , ils attaquent les Indiennes 9c 4 les tuent toutes cinq , parce que pas une ne voulut jamais s'empêcher de mordre & de frapper Reinofo. Ainli ils luv lauverent la vie qu'il auroic bien-tôt perdue, s'il ireuil eux lecouru.

Cette année i >9 r. que je remets au ner l'hiftoire de la Floride, j'aoprens que Reinofo vit encore ,- Se qu'il.eftau Royaume de Léon en il a pris naiilance.

Il arriva fur la fin du combat que Paez C:^ pitaine d'une compagnie d'Arbaleitriers, fort méchant homme de cheval, attaqua-un In-. dîen qui fuioic.Il iuy porte d abord un'coup de .lance, 1 Indien pare d'un grand bafton , Se en décharge un i\ vude coup lur le vilage de Raez ,-cuïl luy cafle toutes les dents , Se le laiiîant tout étourdi Tuf Ja place il le retire gîoiiailenaent.

Alors comme il fe raifoit déjà tard, Soto ftr former la retraire > & revint au camp, fort furpris du courage des Indiens, & principale» ment des Indiennes, qui combattirent avec plus d opiniâtreté que les hommes. Il y de<-meura fur la place plusieurs Barbares -, mais ducoftédenosgens>il n'y eutquedesbleilez. que lonramenaau quartier, & dont Soto fut feniïblement raché.

CHAPITRE XII,

Des habit Ans de TuU.

LE lendemain du combat, les Efpagnols entrèrent dans la. Capitale de Tula. Comme ils la trouvèrent abandonnée , ils s'y logèrent, & fur le foir le General envoya de cofte Se d autre des cavaliers a la découverte. Ils prirent quelques Indiens qui efroient en fentmelles , mais ils n'en purent tirer aucune réponfe, touchant les chofes qu'ils leur de* mandoient, ny les faire marcher, parce qu ils fe Kttoient par terre & fe laifîoient traîner. Delelperant donc de les emmener au camp , il> leur o fièrent à tous la vie.

Les Etoagnols trouvèrent dans la ville de Tula pluhcurs cuirs de caches pàffez avec h

poil, Se s'en fervirentau lieu de couverture de lir. Ils v rencontrèrent auili des cuirs crus avec de la chair de vache y . fans qu'ils ayent rû des vaches, ny découvert d'où les Barba» res avoïent apporté tint de cuirs.

Les hommes de la Province de Tu!a, autTi bidn que les femmes tonc tres-dirFormes. Ils en: lateite longue Se pointue extraordinaire-ment, 5c on la leur forme de cette manière dés le moment de kurnailTance , ju;qu alàgede neuf à dix ans. Ils ont auffi ie viiage fort laid , parce qui's ie le dengurentavec de^ pointes de caiilou , & particulière ment les lèvres qu ils noircirent après les avoir decoup.es. Ainii ils ie rendent ii épouvantables , qu'on ne les peut preique regarder ians- frayeur Aijutez que leur efprit eft encore plus mal fait que leur corps.

La quatrième nuit que nos gens eftoient à Tula , les Indiens s'en approchèrent avant la pointe du jour en grand nombre , & a fi petit bruit, que les ienrine^es ne les appciCLirent que quand ils foridirenî f. relies. Us attaquent d abord le camp par trois endroits, Se entrent avec ta : le ; iriè 8c d.- promptitude au quartier des ai-ba'c(-riers ? leur don: 1

arbaidftes, ils les c^n-; deiordre vcrs'e | dcGufinan* Ce Quâcaine hn aulli-to:, c*

ériarge'lcs Barbares qui fe battent avec d'autant plus d'ardeur qu'ils croient que la refî-ftance que fait Gufman leur enlève la vi-ftoife.

Les Indiens & les Efpagnors Xe batto : ent courageufement aux autres endroit^ , & l'on n'entendoit par tout que des cris. D'ailleurs laconrufion eftoit ri grande 3 àcaule del obicu> rité , que Tontrapok auilî-tôt iur ceux de Joa party que for les autres. Nos gens pour fe reconnoitfre & ne fe point bleiTer , fe donnèrent promptement pour mot laint Jacques Se les Indiens Tuia.

Ces Barbares pour la plnrpart -, au lieu de flèches avoient des barons de cinq a lix pieds parce que l'Indien qui auparavant avoit caiTé î:s dents a Paez leur avoir dit ce qu il avoir fait avec un baron. Si bien que fe camarades efperans un pareil bonheur^ pjuiïeurs s'armèrent de bâtons , 5c en (râpèrent rudement quelques Efpagno's. Juan Raeça î'un des ha-lebariicrs de la garde du General en fut fur tout nrù-tra ; te ; car de jx Indiens l'avant pris, l'un luy rompit fa rondache lu premier coup de batôn , & l'autre luv en déchargea Lia tel C( ufe far le dos qu il rétendît a fes pu ds , Se l'eut kàé fàfiS quelques iol Jars qui occou-

Turent. Il arriva de certe i. au-

tres accident dont les Efpagnob fe raillèrent

depuis, à cauie que ce n'eftoit que des coups

tic bacons.

La Cavalerie que les ennemis crâignoient rompit leurs bataillons ; mais ils ne laifTerent "pas dopiniaftrer le combat. Car quoy que ie^ Cavaliers les perçafTent à grands coups de lances , Se les miflent plufieurs fois en defor-dre , Ils retirèrent avec courage jufqu'au jour 5 mais alors ils fe retirèrent dans un bots proche un ruifleau qurpafloit prés de la ville* Les Elpagnols eurent beaucoup de joyc de cette retraite, parce que les Indiens combattaient en delefperez , & ne refpiroient que îa défaite de leurs ennemis. Le combat finit au lever du Soleil. Enfuite nos gens rentrèrent dans le camp pour panfer les blefTez, qui «ftoient cnafTez grand nombre, & cependant ils n avoient perdu que quatre hommes*

. ■ . ■.

CHAPITRE XIIL

X.onwUî d'un Indien (ontrt quatre hfpagneh*

A Presse combat quelques Efpagnois allèrent lelon leur couftume voir les morts •Se les blefTez , Se cependant Galpard Caro , 4jni dans la mefLe avoit perdu un cheval,mon-•ta celuy d'un de les amis pour aller chercher

le

le n'en qui s'en eftoit fuy par la campagne, "Caro retrouva fon cheval , Se arriva en le •chaiïant devant luy au champ de bataille , où il rencontra quatre fantailins, dont l'un appelle Salazar , voulut faire voir Ton adrefle à piquer, Se monta fur îe cheval que Caro chat Soit. Sur ces entrefaites, Juan de Carrança l'un des quatre fantailins , s'écrie qu'il avoîc viï un Indien dans des buifïbns prés d'eux. Les Cavaliers auiîi-tôt s'avancèrent, l'un d'un cofté , Se l'autre de l'autre , pour empêcher le Barbare d'échaper. Carrença court au lieu ou Il lavoit apperçu , Se eit fuivi de Tes compagnons , dont 1 un va en diligence après luy, Se l'autre doucement, l'Indien qui fe voit in-vefti de toutes parts, fort des buiilons Se coure à Carrença avec une hache d'armes qu'il avoit gagnée à l'attaque des Arbalétriers. Cette hache eftoit fort bien affilée, Se avoit un manche plus d'un demi-bralTe de long, L'Indien la prend à deux mains, en décharge un li furieux coup lur la rondache de Carrença qu'il en abbat la moitié, Se le bleflè tellement au bras qu'il le met hors de combat. Il va en-fuite tefte baillée à an autre foldat Se le traitte de la mefme façon que Carrença.

Salazar qui cil: lur le cheval de Caro , Se qui voit les deux camarades mai-traicez , attaque avec rurie l'Indien qui de crainte du II. Part. L 1

* 14 Wftoirc de la Floride.

cheval gagne un cheine qui eftoit là. Salazar le pourfuit, l'approche le plus prés qu'il peut, & îuy porte inutilement quelques coups Je-pées. Mais comme le Barbare apperçoit qu'il rie fçauroit s'aider de Ton arc, .à caufe des branches , il quitte l'arbre , Te met à la gauche du cavalier , Se. décharge un tel coup.de I>ache fui l'épaule du cheval qu'il la luy fend. Cependant arrive Gonçalo Silveftre qui fui-•voit à petit pas , dans la penfee que les compagnons battoient aifément l'Indien. Comme îl fut proche , le Barbare s'avance fièrement ,-droit à luy, Se Iuy décharge, un coup de toute fa force , mais Silveftre lévite avec tant d'a-drelTe que la hache ne fit que couler fur là rondache : & aulTi-tôt il donne à 1 Indien un revers de fon épee dont le coup le blelfe à la poitrine, au vifage, au front, & luy coupe le poignet gauche. Alors le Barbare enrage de n'avoir plus qu'une main, fe lance lur ion ennemi. Silveftre pare de fa rondache , & luy donne un fi furieux revers de fon epée au défaut des coftes,que ne rencontrant ny armes, ny habits , il le coupe en deux : de forte qu'il Jtombe mort à fes pieds.

Au mefme temps lurvint Caro , qui fâché de voir fon cheval en l'eftat où il eftoit, le mène au General, Se luy dit tout en colère gu'un Indien, de trois coups de haches, avoit

mis hors de combat trois Espagnols qui fe pi-quoient d'adrefTe Se de courage, & que me(-me il leur euft ofté la vie fans Silveftre qui a-voit genereufement tué leur ennemi.

Le General & ceux qui l'accompagnoient, admirèrent la hardieffe de l'Indien 8c la valeur de-Silve-ftre ; mais comme Caro s'empor-toit trop contre les trois Espagnols y Soto quî en connoifToit lé mérite, luy dit que *eur ma!-" heur eftoit un effet de la fortune qui dans la-guerre favorilbit tantôt l'un & tantôt l'autre 9 qu'il ne devoir point être fi fort irrite de la blefc fore de fôn cheval, parce qu'elle citoit légère. Que du refte il fouhaitoit de voir celuy à qui Siiveitre avoit ofté la vie , & là-deffus il le rendit, avec plufieurs de lè< Officiers, au lien où eftoit le corps de l'Indien , dont la valeur le furpris de nouveau , après avoir entendu des bleiTez les particularitez du combat.

CHAPITRE XIV.

Départ de TuLi avec le quartier d'Hiver det troupes en Vttangue*

TAndis que les Efpagnols fejournerent 3 Tuf a, Lis ruent diverfes courfes par la Province Se la, trouvèrent fort peuplée. Uf

Ll 2,

prirent plufieurs Indiennes 5c plufieurs Indiens de tout âge , mais ils ne purent ny par force, nv par douceur les .emmener. Car lors qu'ils dehroient de les obligera fuivre, ils fe jet-toient par terre Se faifoient leulcment con-noiftre qu'on les laifTaft , ou qu'on leur otaft la vie. Nos gens piquez de cette brutale opiniâtreté , tuoient les hommes qui eftoient capables de le battre, & relàchoient les femmes Se les enfans. Toutefois Juam Serrano emmena une Indienne par adrelTe -, mais elle çftoit tellement farouche que s'il i'avertiiioit de ion devoir, elle luy jettoit à la tefte le pot, les tiibns de Ru , ou ce qu'elle rencon-troir. Elle vouloir, qu'on la laifTaft faire , ou qu'on la tuaft, Se diloit qu'elle n'eftoit pas née pour obeïr : c'eft pourquoy fon Maiftre foufrroit qu'elle rit tout à fa fantaific. Néanmoins elle le fauva , de quoy Serrano fuC fort aife.

Au ieul nom de Tula , on appaife les en-fans qui pleurent ; 8e l'humeur brutale des habitans de certe Province les fait appréhender de leurs voifins. Lors que les Espagnols fortirent de cette Contrée , ils emmenèrent un jeune garçon de neuf à dix ans ; Se comme dans les villes qu'ils découvrirent depuis , de où ils furent bien reçus, les enfans faiioient de petites compagnies peur fc battre les uns

Lhrefcconi'. Ïp>

contre les autres, nos gens ordoniioïent au jeune Indien de Tula de choilir l'un , au l'an* tre des partis. Ceux de fa troupe le prenoient aûlîî-toft pour leur Capitaine , Se au mefme temps il les rangeoit en bataille &attaquoità grands cris le party contraire auquel il raifoït lâcher le pied quand il venoft à crier Tuîa» Les Efpagnols qui eftoient prefens luy corn-iriandoient enfuitcdepaiTer du collé des vaincus, & de charger les victorieux. Ilobeïfîbit/ & dés quil commençoit à crier Tula, fësennemis tournoient le -dos : de forte que de quelque collé qu'il fe mift, il emportoit Cou-jours la victoire.

Après que les efpagnols eurent demeuré vingt jours à Tuia, 3 caufe de leurs bleffez> ils en partirent ; Se au bout de deux journées de chemin ils entrèrent dans la Contrée d'U-tfengtae en refolution d y païTer FHy ver" qui ■ approchoir. Ils marchèrent quatre jours par cette Province , Se en trouvèrent la terre fort bonne, mais mal peuplée , Se les habitans•> hardis : Car fur la route ils ne firent que har- -celer les Efpagnols par des attaques 8c des ai-larme; , de demy-lieuëen demy-lieuë, -D'abord ils leur tiroient dallez loin une quantité de flèches, 8c puis ils fuyoient. Mais corn- ■ me on fe battoit en pleine campagne, les Ca-raliers les pourfuivoient Se les perçoient ai,

jement x coups de Ia-nccs.Toutefois,îatis per-> dre cœur, des qu'ils fe pouvoient rallier vingt ou vingt cinq feulement, ils revenoient à grands cris fondre fur nos gens qui les char-geoient avec vigueur. Ils fe cachoient âuflî quelquefois parrny de grandes herbes pour mieux furprendre les Efpagnoîs. Cependant rien ne leur reùiliiToit, Se ils eftoient toujours battu. Les troupes arrivèrent à la Capitale qui porte le nom de la Province , Se s'y logèrent parce qu'elle eftoit abandonnée. Le General dépécha des Indiens du pays vers les habiians de cette Place, mais ils ne voulurent ny paix, ny alliance avec Içs Efpagnoîs. Les peuples de la Province d'Utiangue font hardis, fiers, téméraires, Se beaucoup mieux faits que ceux de Tu la ; car ils n'ont ny le vifage diriguré , ny la tefte monftrueufe.

Lors que Soto Se fes Officiers eurent vu qu'il y avoit des vivres dans la ville d'Utiangue , qu'elle efloit iituee dans une plaine fertile, arrofee de part 8e d'autre d'un ruiffeau , avec des pafturages aux environs, Se fermée de paliffades ; ils refolurent d'y prendre leur quartier d'Hyver. Car outre qu'ils eftoient déjà à la my-Oclobre de l'année î 541. ils ne fçauroients'ils rencontreroient ailleurs autant de commodité que dans cette Place. Ainlî ils ]a fortifièrent y Se Br^nt provilion de bois, de

Ltvrt fécond. ny

gros millet, de"'raiiins fecs, de pruneaux , Se d'autres fruits qu'ils trouvèrent en abondance. Us tuèrent aulTi à la chaiTe force Lapins , Cerfs ySc Chevreuils , dont ils fe régalèrent Se ilsn'euflent pas efte mieux en Eipagne, ny plus commodément que dans Utian-gue. Il eft vray que l'Hyver y fut rude Se qu'il y negea fi fort qu'ils demeurèrent un ■ mois Se demy fans pouvoir fortîr ; mais le bon feu qu'ils faiioient les garantiiToit àifément du froid.

Certes, quand je viens a confiderer toutes ces commoditez, Se l'excellence du terroir de laFloride,je ne.puis approuver la conduite des Efpagnols , qui ne voulurent pas s'y établir , parce qu'il n'y trouvoient ny or, ny argent. Mais ils ne longèrent pas qu'ils ne ren-c'ontroieht aucun de ces métaux, à caufe que les habitans du pays ne fc donnent pas la peins de les chercher, & n'en font aucune eitime. -On alTure en effet que des Navires efiant péris fur la cotte , 8c les Indiens ayant trouvé desbourfes pleines d'argent, ils emportèrent les bourfes dans la vite qu'elles leur pouvoi :nc férvir, & laiflerent ce qui eftoit dedans, parce qu'ils n'en fçavoicnt pas l'uiage.

no Hi (taire de la Floride,

C H A PITRE XV.

Str.it Agefme du Cacique d'Vtiangue , avec

la découverte de la Province

de Naeuatex

LE Cacique qui connut que les Espagnols paftbient leur quartier dliyver à Utiait-gue, prie reiolution de les en chafler. I! efTaya pour cela d'amufer le-General par des gens qu'il Liy dépéchoît la nuit, <k qui l'aflèu-roient que leur Cacique fe rendroit bien-tôt à la ville. Mais fous ce prétexte, ils avoient ordre de-rcconnoiflre les troupes ; afin que fur le raport qu'ils en feroient, on délibérait, des moyens de les attaquer en feureté. Les Elpagruols qui ne fe-menoient point de ces Indiens , leur IaûToicnt voir les chevaux , les armes Se la rarde qu'on faifoit dans la place. Cependant Soto averti du deiTein des Barbares , dit à leurs Envovez qu'ils n'entraffenc plus que de jour dans Urian-gue. Mais comme ils s'opiniaftrcrcntà y venir de nuit, on crut qu'il leur falloit apprendre à obeïr-par force, puis qu'à leur éeard îa douceur paroffièic inutile. C'cft-- pourquoy Barthélémy "d'Argote <jui avoi: Tordre du General, cftant une nuit en fentinelle à la porte de la viiiè , il tua un [ Envoyez qui vouloir entrer pour parJ 1er aiu. OrBciers, Cette action hit approuver

de tout le monde, & particulièrement de Soto ; car il donna de grandes loiianges à Argote , qui pafla depuis pour un brave fol-dat ; Se les Indiens qui connurent que leur delTein eltoit découvert ne renvoyèrent plus vers nos gens.

Durant le quartier d'hyver des troupes à Utiangue, les uns gardèrent la place , Se les autres , lors que ks neiges furent fondues, allèrent en party pour prendre des Indiens, à caufe qu'on avoit befoin de gens de fervice. Mais parce qu'après fept ou huit jours de courfc , ils ne revinrent qu'avec peu de pri-fonniers ; le General çhoifîc deux cens cinquante hommes , tant de Cavalerie que d'Infanterie , Se avança vingt lieues dans le pays jufqu'à Naguarex , Province fertile & peuplée. Il furprit avant le jour dans cette contrée un village oiY le Cacique demeuroit. Il y prit un aiTez grand nombre d'hommes Sedc femmes, Se revint après à Utiangue, où le re-fie de l'Armée lattendoit, 5c commençoit à craindre pour luy , parce qu'il y avoit quatorze jours qu'il eltoit parti. Mais ion retour diilipa leur crainte , Se Y on fongea feulemeut à le réjouir Se à partager les priiomiiers....

Fin du. fécond Livre.

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LIVRE III,

DE LA

FLORIDE.

Découverte de plufieurs Provinces, avec les avanture de- Espagnols dans ces contrées j & leurs préparatifs pour le Mexique.

* *-

CHAPITRE I.

Innée des troupes en TSignatèxl

_J Pre's cinq mois de fejour à UtiarH t eue , le General en partit au com-

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mencement d'Avril de l'année mille cinq cens quarante-deux; & marcha vers la Capitale deNaguatex, quiportelenomdela Province. Il fit en (ept jours vingt-deux ou' vingt-trois lieues pour aller à cette ville, Se pafla par de* terres fort bonnes Se fort peuplées. Une Itiy arriva rien dans la route , Il

.livre 'tfàjf&mfm œjy

ten'elt. que les Barbares l'attaquèrent aux païTages des bois & des ruiiTeaux ; mais ils fuioient au me fine, temps qu'on leur ftiioît telle. Nos gens fe rendirent clone heureufe-rncnt à Naguatex qu ; ils trouvèrent abandonné , Se où jjp demeurèrent quinze jours. Cependant ils -coururent toute la Province , Se prirent les vivres qui leur eitoient necefiaires, îans que les habitans s!y oppofafient que foi* htement.

Il y avoit hx jouis que les Efpaçnols eftoient à Naguatex , ïors que le Cacique envoya S-'excuièr auprès de Soto, de ce qu'il ne l'avoir pas attendu dans cette ville , afin de l'y recevoir avec honneur. Il luy fit encore dire qu'il eftoit h honteux de fa couduite , qu'il n'ofoit le vihter .à prefent y mais qu aulTi-tôt qu'il n'auroit plus tant de cenfiifion 5 il ne man-queroit pas à ion devoir. Que cependant il 'commanderoit a fes vafïaux d'obeïr exactement à fes ordres, parce qu'il iereconnoinoit pour fon Seigneur. Le General répondit qu il avoit obligation au Cacique, de la grâce qu'il luy faifoit -, qu'on le pou voit affeurer qu'il feroit fort bien reçu , & que 1 on auroit beaucoup de joye de Je voir. Là-dcflus les Envoyez s'en retournèrent tres-farisiaits de boto ; Se le lendemain de grand matin il en yint d'autres qui amenèrent quatre des prui-

cipaux Indiens , avec plus de cinq cens hommes de fervice. Ils dirent au General qu'ils iuy prefcntoient des plus confiderables per* fonnes de la Province, pour le fervir & pour les tenir en oflage , en attendant la venue du Cacique. Soto les remercia de cette faveur, Se commanda que Ion ne fift plus d'Indiens prifonrriers. Néanmoins le Cacique ne le vint point voir. Se l'on crut qu'il n'avoit envoyé vers les Efpagnols que pour empefeherqueTon ne ravageai!: Tes terres , Se que l'on ne prift Tes fujets. Cependant les principaux Indiens, & tous les autres fer-■ virent les troupes avec ardeur, & n'eurent pourvue que de leur complaire aveuglement. Le General qui connut leur affection s'informa d'eux , aulTi bien que des foldats qui al-loient en parti, de la contrée deNaguatex, Se marcha jufques à une autre Province accompagné de pluiieurs autres Indiens, que le Cacique luy envoya avec des vivre's.

A

CHAPITRE II.

Fuite de Gufman.

U bout de deux lieues , les Efpagnols trouvèrent à direDiego Gufman * brave

V Carmona l'appelle François.

Cavalier

Vivre trolfiemel r% ç

Cavalier ; mais grand joueur, qui eftoit venu dan.-, la Floride très-bien équipé de toutes chofes. Le General auiïi-toft commanda de faire alte, & d'arrefter les principaux Indiens, jufques à ce qu'on euft des nouvelles de GuC nun. On s'informa donc parmy les Eipagnols où pouvoir eftre ce Cavalier ; & il fe trouva que la veil;e du jour qu'on le chercheit, or, Tavoit vu au quartier. Que quatre jours auparavant, il avoir joué aux cartes * armes Se bagage. Que s'eftant echaufe au jeu, iî avoit perdu une tres-charmante Indienne d'environ dix-huit ans qui iuy eitoit écheuë, lors qu'on partagea les priionniers de la Province de Na-guatex. Qu'il avoit paye tout le refte de ce qu'il avoit perdu , mais qu'à l'égard de cette belle il avoit dit a celuy qui {'avoit gagnée que dans quatre ou cinq joursillaluyenvoyeroit. Que cependant il avoit manque de parole ; & que ny luy ny l'Indienne ne paroifloient plus. Si bien qu'on le foupçonna de s élire retire parmy les Barbares à caufe de la honte quil avoit d avoir joue ion équipage, & perdu cette jeune fille qu'il aymoit. En effet on ne douta plus de rien', lors qu'on fçut que l'Indienne efloit Mlle du Cacique. C eit pour-quoy Soto qui eftimoit Gulman , ordonna

* Elles eftoient de cuir faute d'autres

?2<T Hifioire de la Viortde.

aux principaux Indiens de le faire revenir eii . diligence. Qu'autrement il croiroit qu'ils l'au* roient fait aflafîiner , Se que luy , afin de punir une fi noire action , les feroit mourir, Se tous leurs gens. Ces pauvres Indiens de peur . de perdre la vie , envoyèrent promptement .où ils penloient qu'on-apprend-roit des nouvelles de Gufman, Se leurs mëflagersqui allèrent & revinrent en un jour, raporterent qu'il eftoit avec le Cacique ; & qu'il leur avoît juré qu'il ne retourneroit plus parmy- les Ef-pagnols. Là-deiTus le General repartit qu'il - ne pouvoit ajouter foy a cela , Se qu aiTeure-menr les principaux Indiens Tavoient fait tuer. ï/un d'eux alors prit gravement la parole, & . dit d'un ton qui ne ientoit point fon j>ri* . fbnnier^ qu'ils avoient trop de cœur pour mentir. Qu'arln d'eftre pLus feur de ce qu'on leur avoit raporté , ils le fupplioient de mettre en liberté 1 un de leurs compagnons qui allait vers les Indiens. Qu'ils luy proteftoient que ton Cavalier fe rendrait au camp avec leur camarade , ou qu'il declareroit fa dernière résolution. Qu'il priftleulementla peine de luv •faire ordonner par une lettre de revenir , ou de répondre par un billet , Se qu'on jugeroit -par là , que le Cavalier eftoit vivant. Us ajoiV teient que li leur compagnon ne retournoit .de la manière qu'ils laiîcuroient, les trois au-

très fe foûmettoient à perdre la vie. Mais qu'ils avoient une ii haute opinion de la prudence du General, qu'ils eftoient perfuadez qu'il ne porterait pas Tes reflentimens fur d'autres que fur eux, & que mefme il ne confen-tiroit jamais que trois perfonnes de qualité mourulient pour un ioldat, qui avoit lâchement deierté fans y cure contraint par aucu» habitant de la Province. Soto Se Tes Capital- -nés convinrent avec l'Indien de tout ce qu'il avoit propofé , & luy commandèrent d'aller vers Gulman , 8c à Gallcgo , qui cftoit amy de ce Cavalier de luy écrire la penfée , fur le peu de conduite qu'il avoit eu , Se de le porter à revenir. Qu'on luy rendroit tout (on équipage , 8c qu'en un mot il-ne luy manquerait jamais rien.

L'Indien partit au mefme temps avec la let~ tre de Gallego,Ac Tordre du General qui prioit le Cacique de luy renvoyer (on foldat ; ou ou'il proteftoit de mettre tout a feu tk àfang, Se de faire mourir tous les Indiens qui eitoienc en (on pouvoir. Lors que Gulman euft vu ce qu'on luy mandoit, il grifonna fon nom avec du charbon , pour faire connoiftre qu'il vivoit, Se lupplia l'envoyé d'allurer les Efpa-gnols qu'il ne retournerait plus avec eux. Et auffi-toftle Cacique répondit, que comme, Çuinun eftoic libre de demeurer fur fes ter.* Mm &

Î2.8 iïtftoïre de la Tlvriâel

res , il ne le contraignoit pas aufl! d'en fortîr. Qu'à la confideration de la faveur qu'il luy avoit fuite de luy avoir ramené la fille , il le traiterait toujours fort civi ement; & Te con-duiroit de la loi te envers les Efpaguols, qui •■iroient dans fa Province. Qu'après tout, Sotoncferoit jamais loue de faire mourir les fujets d'une perfonne qui recevoit fes gens avec amirié. Q^.ie néanmoins il ne luy en diroit pas davantage là-deiïus, & qu'il en ufëtoit comme il luy plairoit. Le General qui connut Topiniaflrete de Gufman , & que le Cacique parloit en homme d'honneur , re-folut de paiTer outre. Se délivra les principaux Indien.- avec les gens de fervice , lors qu'ils 1 eurent tous accompagné julqua une autre Province. Cependant il faut demeurer d'accord , que l'amour 6c îe jeu aveuglent bien les hommes, puis qu'ils les obligent de s'abandonner eux-meirnes à leurs propres ennemis.

CHAPITRE III..

De lu Province de Guacane.

NOs gens marchèrent cinq jours au travers de la contrée de Naguatcx ; & ar-

rivèrent à la Province de Guacane , dont les peuples eftbient bien dirrerens de leurs voi-iins. Ceux de Naguatex eftoient doux, ci-~vi!s , Se amis des Espagnols ; £< les habitans -de Guacane , barbares, & leurs ennemis jurez. En effet, au Heu de traker allianceavec eux , ils témoignèrent-en toute rencontre-' .qu'ils leshaïiîbient, & leurs prefenterent plu-ikurs fors bataille. Mais les noftres la refu/b* ■ rent toujours, parce qu'ils avoient perdu plus^ de la moitié de leurs chevaux", & qu'ils ne deiîroient pas-expofer les autres à la Ririe des ■ ennemis. Auiïi pour n'avoir aucune occafioa ' d'en venir à un combat3 ils doublèrent leur" marche, Se traverferent en huit jours la Pro- " vince de Guacane. On vit dans cette contrée des Croix ie bois fur la pluipart desmaifons, à cauie que ceux de cette Province avoientoûî* parler des grandes chofes, que Nugnez & les • compagnons avoient faites au nom de Jefus-" Ghrift dans les régions de la Floride, où ils " avoient elle tandis qu'ils eftoient au pouvoir des Indiens.. Néanmoins Nugnez , ny feca* : marades'ne pénétrèrent jamais juJquts a Glu-' cane, nv en beaucoup d'autres contrées où-leur réputation eftoit connue. Mais la re-' nommée avoir publie d'une Province'à l'autre les miracles qu'ils-avoient opérez, parla puiiTancc de Dieu en faveur des malades Wj$

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guerifloîentavec des fignes de croix. Aînfî les habitans de Guacane furpris de ces merveilles , fe perluaderentque mettant des croix fur leurs maifons, ils fe garantiraient de tout danger. Et par là on peut connoiftre la facilite qu'il y a de convertir à la foy les peuples de la Floride , & que l'exemple eft plus puif-fant pour les porter au bien, que la force & la violence.

CHAPITRE IV.

M.irche des troupes vers U Province d'Anilco.

LE General partit de Guacane, dans le deflein de retourner vers Chucagua, par Ut) chemin différent de celuy qu'il avoit pris. Se de faire un tour plus long-pour découvrir d'autres Provinces. La vue qu'il avoir, eftoic vie s ctabiir dans la Floride, avant que les maladies Se les combats ruinaient entièrement Ion Armée. U eftoit.d'ailleurs fafche de ne tirer aucun fruit de la peine qu'il avoit priie, & prenoit encore chaque jour à faire de nouvelles découvertes. Ceftpourquoy il louhaï-Coit avec paiTion, que la Floride qui eft vaite Se fertile fuft habitée par les.Efpagnols, Se principalement par ceux qui l'accompa*»

gnoîent. Ilavoit dans la penfée que s'il mou-roit fans commencer un etablifTement , il ne s'aifembleroit de pluiieurs années de fi braves troupes que les demies. Ainli il fe repentoic de ne S'eftre pas habitué dans la contrée d A-chulTi, Se defiroic réparer la faute qu'il avoic faite. Mais comme il eftoit loin de la mer, Se qu il pefdroitdu temps à chercher un port, il avoiL relolu qu'à (on arrivée au Chucagua, il baftiroit une ville fur le bord de ce fleuve. Qu il feroit deux brïgantins, dont il donne-roit la conduite à des perlonnes ridelles, qui defcendroiênt le long du fleuve juiqu'a la mer, afin d'aller avertir les habrtana du Mexique, de Cuba, & autres pays que dans la Floride , on avoic découvert de grandes régions abondantes en toutes iortes de chofes. Il el-peroic que par ce moyen les Eipagnoîs y a-borderoient de toutes parts , & amen croient ce qui eftoit neceiTaire à une habitation. Cela fe pouvoit ailément exécuter fans la mort , qui interrompit de fi glorieux defleins.

Le General au fortir de Guacane traverfa fept autres contrées peur arriver au Chu-cagua, & commencer au printemps à s établir. Mais parce qu'il avançoit à grandes journées , les Eipagnoîs ne senquirent peint du nom de ces Provinces , dont quatre eitoienc tres-abondantes eu vivres 6c cres-agréables ,

tyz' lliftohc de la Floridel

à caufe des vergers Se des ruiiïeaux qu'on y rencontroit. Pour les crois autres, elles n'e-ftoienc ny fertiles ny charmantes. Et l'on crut auiTi que les guides Indiens a voient conduit les troupes par les lieux les plus mauvais & les moins beaux. Le General fut fort-tien reçn par toute cette étendue de pays 3 de iorte que nos gens pafferent tres-heureufement ces Provinces , qui pouvaient au moins avoir fix vingts lieues de traverfe. Enhn, ils arrivèrent à la frontière de la contrée d'Anilco , Se firent trente iieucs jufques à la Capitale , qui porté le nom de la Province Se du Cacique. Elle cft furie bord d'un fleuve piusgrand que le Guaidaquivir, & a environ quatre cens bonnes mailons > avec une belle place au milieu. Le logis du Cacique cil fui uneeminence qui commande à la ville. Ce Seigneur à l'arrivée des troupe; efloit devant cette place, à la te-* ftc.d-un bataillon de quinte cens hommes la fleur de fes iujets. Les Efpagnols qui reconnurent ia-contenance des Indiens, rirent alte-pour attendre les ioldats qui Juivoient en queue , Se fe rangèrent promptement en ba-* taille. Cependant Anilco ordonna qu'on hi\ retirer les femmes , Se que chacun fauvaft ce qu'il avoit de meilleur. Et au meiîne temps nDftre année avance pour donner , mais les Barbares ians tirer, une-ièule flefche Ucùent le

pted ; les uns entrent dans la ville, & la pîuf-part traverfent le fleuve en nacelles & fur des traîneaux, &: quelques-uns' à la nage ; car ils n'avoïent pasdeflem de Te battre , maïs ieule-ment d'arrefter l'ennemy pour Favoriier ceux qui emportoient leur bien. Nos gens alors qui voient que les Indiens fuient , fondent fur eux, en attrapent quelques-uns fur le bord du fleuve 7 Se prennent dans la ville plu-fieurs femmes Se eiïfâns oui n a voient-pu é-chaper Le General envoya après orrrir 3 A-nilco la paix avec fon amitié , Se luy demander i'honneur de les bonnes grâces. Mais il ne voulut rien répondre , Se rît feulement figée de la main aux Envoyez qu'ils fe retiraient.

Les Efpagnols fe logèrent dans la ville, où ils demeurèrent quatre jours. Cependant il* fe fournirent de nacelles Se de traîneaux > Se t.à:- erferentle fleuve fans qu'ilsfuUent empêchez par les Indiens 5 eniuite ils marchèrent quatre jours par des pays dépeuplez , Se entrèrent dans la contrée de Guachoia.

A

CHAPITRE V.

De Guachoia, de Con Cacique & de la guerre des Indu ni*

Prés le pafTage de ce defert , la première habitation que les Elpagnols trouve-

rent , ce fut la Capitale de Guachoîa. Elfe porte le nom de iaProvince, Se eft au bord de Chucagua, (kuéeJur deux éminences feparées feulement par un terrain uny, qui feît de phf-ce a la ville , compolee de trois cens feux, moitié fur 1 une. de ces colines , 8c moitié fur l'autre. La mailon du Cacique eft au plu-haut de ces deux emtnences. Nos gens furprirent Guachoia , parce queceux d-'Anilcoqui avoient guerre avec les habitans de cette ville , ne les avertirent point de la marche des troupes. Le Cacique 3c fes fujets eftonnez à la vue de l'Armée , Se voyant qu'ils ne pourvoient tenir > ils s'enfuirent Se fe retirèrent vers le Chucagua qu'ils paiTerent en batteaux avec leurs femmes > leurs enfans , & ce qu'ils avoient de meilleur. Les Espagnols s'emparèrent de la ville où ils fe logerent,à caufe qu'il y avoit quantité de fruit 5c de gros millet.

Comme j'ay déjà dit que la pluipar"- tles Frovmces qu'on a traverseront ennemies les unes des autres ; je vais rapporter le y de quelle manière les habitans de ces diveries régions Refont la guerre. Les Indiens d'une Province ne fe battent pas contre ceux d'une autre par une ambition déréglée de s'emparer de leur pays, ny ne mettent point d'Armée fur yied pour fe livrer bataille, lis le dreiîentfeu-4cment des euibaicaies ies uns aux autr v $ 3 <&

■ livreur oijicmf. êig{

fe pillent à 4a peiche & à îachaiTe, en un mat, par tout où ils rencontrent leur avantage. Ils fe tuent aullî quelquefois & fe prennent prifon-nicrs. Mais de ceux qui font pris , -les uns fe changent pour d'autres, Se le refte demeure et» clavej à qui l'on coupe les nerfs du cou de pied de Tune des jambes, afînde .es empêcher de fuir. Que il par hazard la guerre s'allume tout à fait., ils font le dégât for les terres de leurs ennemis, mettent ie feu dans les villages , 8c fe retirent. Vorià comme les habirans de la Floride le battent Province contre Province , Se deviennent vailians Se hardis , à caule qu'ils font perpétuellement en guerre, Se -toujours fous les armes * ou dans l'exercice. Mais parce que la dmiïon règne parmy eux, Se qu'ordinairement le Cacique d'une contrée cil brouillé avec tous les voilins ; il efl certain que la conquefte de tous le pays en eft plus aiiee , & que la diicorde cù -:1s s'entretiennent pourra un jour cauier leur ruine.

Pour revenir à nos gens , après qu'ils fc furent rafraîchis .trois jours dans la ville de -Guachoia ; Le Cacique qu'on appelloit du nom de la contrée, ayant appris qu'Anilco a-voit refufe de faire la paix avec les Efpagnok, il voulut profiter de i'occaiion que la fortune luy prelentoit -de fe vanger de Ion ennemy. Il dépêcha 4enc vers le General quatre des

r *3^ Hlftoirt de U Floride".

principaux de là Province , avec pîuneurS gens de lervice, chargez de fruit Se de poitf on. Ils lupplierent Soco de pardonner à leur Cacique la faute qu il avoit faite , de ne l'avoir pas attendu à Guachoia, pour l'y recevoir avec honneur. Qu à prefent il le reconnoii-foi: pour fon Seigneur j & que s'il obtenoit permiffion de l'en venir afleurer de bouche , il le rendroit dans quatre jours au quartier.

Soto rejouy de cette nouvelle chargea les envoyez de dire à leur Maiftre qu'il luy avoit -■.ion ; & que comme il eftimoit particu* aent fon amitié, il fe donnaft la peine de le venir voir quand il luy plairoit, Se ■. E : o i : b i en re c û. Les Indien s fatisfaits de ■ cette réponfe s'en retournèrent & le Cacique durant trois jours qu'il différa de fe rendre au camp j envoya chaque jour fept ou huit per-fonnes faire compliment au General, pour rcconnoifVre avec airelle par leur moyen , files Efpagnols ne changeoint point de volonté, & silferoit prudemment de les venir voir. Mais comme il içiit qu'on en uferoit bien , il fe rendit au quartier fur le midy accompagné de les principaux fujets, tous parez de plumes i Sz fort Jettes a la manière du pays.

CHAPITRE

CHAPITRE Y T.

Vengeance de GttachoU.

QUand le General aprit que Guachofo eitoit arrivé dam la ville, Se qu il yenott Je trouver^ il forcit de fa chambre pour le re* çevoir à la porte du logis. Là il îuy fit compliment, & a tous ceux qui L'àccompagnoienki f[ palTa enfui te avec eux dans une lalie , où le Cacique &■ luy par k moyen des truchemeiiSj «'entretinrent des Provinces "voinnes, & de tout ce qui pouvoir retarder > ou avancer 1i çonquefle du pays. Cependant le Cacique efternua 5 Se auffi-toft les Indiens de la luite .qui s'eftoientrangez contre les murailles de il ialle s'inclinèrent ^ <k eftendirent les bras. I!<ï témoignèrent encore au Cacique leur relpeû de pluiieurs autres manière^ ^ & dirent toi^s civilement que le Soleil fuft avec luy, 1 éclairait, le derYcndift, & le cpnfcrvaït. Les Espagnols admirèrent qu'il y eut autant de civilité parmy les Barbares, que pajmy les peu-pics les plus polis, Se crurent qu'il y avoit de certaines couflumes qui s obier voient généralement par tout e monde.

Alprs comme en s citoit allez entretenu, II Part. >in

■Xyt Hiftoïre de U Floride!

on 1er vit fur table , Se le Cacique mangea avec Soto y les Indiens debout autour d'eux, juf. qu'à la fin du repis. Ces Indiens allèrent en-fuite dîner dans une autre laie , qu'on leur avoit préparée j & furie loir on donna un appartement au Cacique avec quelques gens

• pour le lervir. Les autres le retirèrent au de là du fleuve , 8c revinrent faire leur cour a leur Seigneur , 5c ne manquèrent jamais à cela tandis que les Eipagnols fejournerentà Gua-

, choia.

Durant ces chofes le Cacique qui eftoit adroit, dit au General qu'il devoir retourner

.dans la Province d'Anilco , abondante en 'toutes fortes de commoditez. 'Qu'il s'orrroit de l'y accompagner avec la plufpart de fesfu-

Jets. Que pour faciliter le paflàge du-fleuve

. qui porte le nom de cette contrée, il promet-toit de faire venir plus de quatre-vingts bat-teaux qui defeendroient lept lieues par le

, Chucagua, jufqu à l'embouchure de l'Anilco qui entre dans ce fleuve. Qu'après ils remon-troient par l'Anilco jufques à la ville du même

-nom. Qu'en tout il n'y avoit pas plus de

iringe lieucs's Se que tandis que les vaiileaux dclcendroient , Se remontrotent , le refte des troupes iraient par terre , Se qu'il arriveraient tous enfemble où ils fouhai-

^toient. Le General le iailTa perfuader , à

caiife qu'il dcfiroir fçavoir fi la Province d'A-niico luy fcroit commode pour le delTein qu'il aroit. Il vouloir d'ailleurs s'eflablir paisiblement entre cette contrée & celle de Gua-ehoia , dans la créance que cet endroit luy ieroit favorable, pour attendre des nouvelles du Mexique , où il avoir, relolu d'envoyer, • Mais Guachoia avoit des vues toutes parti- ■ culieres , 8c que l'on ne içavoit point. II pre-tendoit qu'a la faveur des Efpagnols, il fe vengeroit du Cacique Anilco, qui dans toutes ' Ks rencontres avoit remporté l'avantage fur luy. De forte que lors qu'il eut engagé le General, à retourner dans la Province d'A-niïco , il fa amener tous les batteaux qu'il » avoit promis ; Se alors Solo ordonna à Guf-man de s'embarquer luy , & la compagnie avec quattre mille Indiens, & plufieurs ra- '•" meurs armez d'arcs.& de fl éches. Ce Capitaine entra donc dans les barreaux avec toutes ces troupes, & defcendït le Ion- du fleuve. • Aulli-toit le General avec tous les autres EL pagnolSjSc Guachoia-avec deux mille de les lu-jets marchèrent par terre, accompagnez d'un grand.nombred Indien de fervicc , & arrivèrent tous au même tenu a la vue de !a ville d'A-nilco,où L Cacique n'eftoit point alors.Néanmoins les habitans dtfputerent courageuie-meat le palïàge de la rivière 5 mais comme ils N D 2*

V^ê Hiftoire de tx Thrîde]

rirent qu'il leur eftoit impofTible de refiftes '-rage , ils prirent la fuite , & abandon-* aèrent la place. Les fujets de Guachoiay entrent de furie , pillent, Se faccagent le terri* pie , où eftoit la fcpCtltare des Seigneurs de b Province, a<vc les richelïes d'Anilco. Dans ce temple cftoienr les armes 8c lus enfeignes , que les fujeB dAnileo aboient gagn.es fur teur voifins, Se aux portes le voyoïent fur des kiices les telles des plus ccnfiderables vaf-faux de- Guachoia. Mais les gens de ce Cacique obèrent ces teftes, Se mirent prompte-i rnfnt en leur place celles de quelques fujets d'Anilco. Ils reprirent les enfeignes, rcnvei* ferent les cercueils , foulèrent au pied les morts , en vengeance des outrages qu'ils en àvoient autrefois r-ecûs , -& tuèrent tout ians elpargner âge ny fexe. Mais ils exercèrent principalement leur rage fur les enfans a ia mamelle, Se fur les vieillards. Ils arrachoienc d abord à ceux-cy leurs habits, Se leuroftoient la-vie à coups de traits, qu'ils le-ur tiroient d'er. dinaire aux parties qui font la différence du fexe. Pour les enfans , ils les jettoîent par la jambe en l'air , & les tuotent à coups-de fié* chos avant epi ils retombaflent à terre.

CHAPITRE'

C H A P I T R E VII.

Retour du General a la ville de Guachoia l avec fes préparatifs pour le Mexique.

S-Oto averty des cruautez que faifoîent les gens de Guachoia , en fut extrêmement irrité; parce que le deflein qu'il avoit deretour-lier dans la Province d'Aniîco, étoit fort contraire à cette barbarie. Afin donc d'arrefter le defordre,il fit promptement fonner la retraite, blaiphema le Cacique de tout le malheur , & commanda aux truchemens de publier que fur peine de la vie aucun ne mift le feu, Se ne mal-traitaft d'avantage les fujets du Cacique Anil-co. Néanmoins, parce que le General craignit que les vafïauxde Guachoia n'exécutaient en cachette tout ce que la rage leur infpireroit; ïl fortit de la ville d'Anilco , 8c prit l'a marche vers la fleuve, avec ordre aux Elpagnols de faire avancer en diligence les gens deGua-choia , de crainte qu'ils ne s'amufanent derrière » Se ne niïcnt main-baffe iur leurs ennemis. Comme il fut au fleuve , -il s'embarqua avec toutes les troupes pour la ville de Guachoia. Mais a peine eut-on fait un quart de liwuc , que l'on apperceut la place d'Anilco

N-flf 2

en feu ; caries Barbares qui ne lavaient oÇ'

brufler, apré> lesdéfenfes du General, avoïent mis maficieufement delabraife aux coins des maifons qui n'eftoiènt que de paille 5 de forte qu'au moindre fou A3 e de vent le feu y pfit , &■ en un moment tout futembrafé. Le Général voulut rebroufler chemin , pour empé-t&er que la ville nefuft toute coniumée. MaÎ6 lors quil vit que les Indiens des environs y accouroient., il conrinua-ta route. Se le rein àk à Guachoia , où il fe déchargea de tout le foin des troupes furfes Capitaines:, pour s'ap* pliquer toutàfait.a fes delfeins. Il commanda donc découper-dubois propre pour des vai Je/iux, d'amalTer des cordages , de la go ra-» me.,.Se des ferrures , afin de.conftruire des» brigauîms* Klaij comme il efperoitque Dieu; luy feroit lagrace de le.conferver , iniques à, ce qu'il euft acccmpl.y ce cuil iouhaitoit, il» avoir déjà jette les yeux iuf des Omciers oc. des Soi.iars r en qui il Te çonôoit d'avantage, pour leur donner la conduire'des vaiiTeauje, qu : il devait envoyer au Mexique. Il avoit, auiîî arrefté., qu'apn:s le départ desbrigan-» lins, ii paiferoie avec les bacteaux du Cacique •. Guachoia , de l'autre coité du fleuve dans iat contrée de Quigualtanqui. Il fçavoit par Je-. moyen de fes coureurs , que cette Province . •ftoic fertile & peuplée j Se que «la caplu.^.

quî-avoir quelque cinq cens maîfons n'eftoic pas fort loin du Camp. Il avoicdcja dépêché vers le Cacique , qui cenoit là cmir dans cet* teviHe, qui portoic le nom de la Province Se de ion Seigneur. Mais ce Cacique avoic répondu mloierament aux erfvoyc^qurkiy de» rnandoient la paix , que bien-tofr. il exterminerait tous les Efpa'gnols. Q*ie c'eftoient de? brigands & des vagabonds. Qu'ils les feroic pendre aux plus hauts- -r.rbres pour citre la proye des oiieaux. Et qu'il avoît juré par le Soleil, & par la Lune Tes divinisez ,-de ne contracter jamais alliance avec une-.nation H deteftablc. Soto qui eftoit fage ht parler avec konneftet-é à ce Barbare ; de lorte qu'il l'obi :=» gea de changer deiangage & de fentimert.* Toutefois 5o:o eftant averty, que toutes les* apparences d'amkié de ce. Cacique eftoient trompeufes, Se qu'il conipiroit avec les Seigneurs des Provinces voiiines contre les E&, pagnols ; il Ce tenoic fur Tes gardes dans l'cfpe-: rance de chaftier un jour cette trahilon. Car. i\ commandait encore pius-de fix cens hommes , tan: de.Cavalîcrie que d Infanterie. Il avoit reloiu de les-men.-r dan? la ville de. Quineualtanqui, 6e d'y demeurer le rtfteds» IF Ile & lH\vcr prochain», jufqua ce qu'il» Cuit necù \c iccours qu'il .. : de Mcxi-

cjue ,. 5c. qu'on luy.pcuvoii; aucuicnr. t.:-,

voycr en montant par le Chucagua , capable de porter tous les vaïffeaux qui auroient voulu venir.

CHAPITRE VIII.

Mort de Soto.

L-Ors que Soto ne fongeoit plus qu'aux 5 moyens de s établir y 5c de tirer quelque fi tnt de les travaux, il fut attaque le vingtième de Juin de l'année mil cinq cens quarante-deux d'une fièvre qui d'abord parut peu de choie , mais qui s'augmenta li fort qu'il la jugea luy-méme mortelle. U commença donc d à le troiiiéme jour de fon mal à ie refigner entièrement à la volonté de Dieu ; il lit fon tciVtment Se fe con&fiâ avec beaucoup de dévotion 8c de douleur de fes péchez. En-fuite il eut foin qu'on appellaft fes OrEcier? % Se comme il eut nomme en leur prefence pour General Louis de Moicofo d'Alvarado , ii leur ordonna de la part de l'Empereur d'o-bar à celuy qu'ii avoit choili, afin de leur commander juiques à ce que ià Majefte leur envoyait un ordre contraire. Là-defTus il prit leur ferment félon les formes , & ajouta Qui Alofcofo poifedok hs quaikezd'un grand

Ttvïe troîftême] !4f

Capitaine. Apres il commanda de faire venir trois à trois les foldats qu'il eûimoit davantage, Se les autres trente à trente. Il leur recommanda de travailler autant qu'ils pourroient a la convefnou des infidelîes, Se de fo ût en if l'honneur de la Couronne d'Efpagne , & fur tout de conlerver la paix entre eux. Au moment qu'il achevoit fes paroles, il lesembraffa 86 ieur dît adieu avec beaucoup de reflèntîfe ment..de..fon cofté & de larmes de leur part. Il paflfa ci:*q-jo.urs -à lés entretenir ainli les uns les' autres ; Se au feptiéme qu'il rendit l'efprit, il femit à invoqueria Vierge, & à îa prier d'intercéder en fa faveur auprès de fbn'Fils. Soto mourut âgé de quarante-deux ans , après a-roir confumé à la conquefte de la Floride plus ce cent mille ducats. Il avoit pris naifTance k Villa Nuevade-Barca-Rotta, Se efloit dune famille fort noble. Il avok la taille un peu ai* denais de la médiocre, le vîkge riant Se tant laie peu bazané. Du reflc tres-bon nomme de cheval. Heureux dans fes entreprifes , li la>mort n'euft rompu le cours de Tes dcjfeinsi Vigilant, adroit, qui aymoit ixgloirc. Patient dans la peine. Scvere à châtier les fautes contre la difeipîme j mais facile à pardonner les autres. Charitable 8c libéral envers- les foldats. Brave & hardy autant qu'aucun Ca* ptfatoc qui foit entre di/us le nouveau monde*

I

Tant de rares qualîtez îc firent généralement "

regreter de toutes les troupes.

CHAPITRE IX.

Funérailles de Scto.

Y> Es EfpagnoJs qui aimoient paflîonné-JL> ment Soto , eurent un tres-fenfible dé-plaifir, de ne luy pouvoir faire d honnorables funérailles. Ils confideroient que s'ils l'enter-roient avec pompe , les Indiens qui appren-droient le lieu de fa fepulture , viendroient ÎC déterrer , & feroient à Ton corps toutes les barbaries que la haine leur infpireroit. Ils en avoient erTe<fHvement ainiï ufé envers plusieurs foîdats, & commis fur eux toutes fortes d'indignitez. Ils en avoient pendu quelques-un^ , 5c mis quelques autres par quartiers aux plus hauts arbres. Et vray-femblablement on apprehendoit qu'ils ne s'emportaient contre le Gentraî, avec plus de cruauté que contre les autres , ? afm d'outrager fenfibîement les troupes en 6 perfonne. C'eft pourquoy les Efpagnois pour oiler la connoiflànce du lieu où il feroit enterre, refolurent de luy rendre la nuit ks derniers devoirs. Ils choifirent proche de Guachoia un-endroit d'une plaine,

©11 il y avoït pluiîeurs folles que les habitans de cette ville avoient faites pour tirer de la terre, & ils mirent dans l'une de ces folles le corps de Soto , fur lequel ils répandirent encore plufieurs larmes. Le lendemain pour cacher tout de nouveau le lieu de ià fepulture , & diiïimuler leur triftelfe , ils rirent courir le bruit que le General le portoit mieux. Us montèrent à cheval en réjouïflance de ce qu'il avoit recouvert fa fanté , & comme en des feftes pubKques, ils caracolèrent long-temps fur lafoife , pour en ofter la connoiffance aux Barbares , 8c leur dérober en quelque forte le corpsdeleur Commandant. Ils ordonnèrent melme, ahn de mieux reiïfîir dans ce devTein qu'avant leurs courfes, apriâ ,-rvoir remply toutes ks foifes à l'égal de celle du General , on jettaft une quantité d'eau defïus , fous prétexte d empêcher que les chevaux ne fif-fent de la poudre en courant. Néanmoins malgré toutes ces précautions 8c ces feintes, les Indiens le doutèrent delà mort de Soto, Se du lieu où il eftoit. Car lors qu'ils palToient fur les folles Ilss'arreftoient tou? court, 8c marquoient des yeuxl'endroitdelalepulture. Nos gens recommencèrent à craindre en faveur du General , & convinrent de le tirer delà folTe , Se de luy donner pour tombeau le Chucagua , dont auparavant ils voulurent

T4$ Ht foire ~àt U FloYuli.

fçavoir la profondeur. Aniafco , CardenioJk & autres * firent donc un foir femblânt de pencher pour fonder ce fleuve , Se rapbrtêrcnt -qu'il avoit neuf brafles d'eau au milieu. On Tefolut incontinent d'y mettre" le corps de Soto, mais parce qu'il n'y avoir-'point de pierre dans la Province, afin de le faire coûter à fonds , on coupa un fort gros chêne, ique l'on feia 8c creufed uncoftédeJahauteur •d'un homme , & la nuit fîiivante Aniafco 8c fes compagnons déterrèrent le General fans :bruit , Se le mirent dans le creux du chêne , -fur lequel ils clouèrent un couvercle. Ils le portèrent enfuite fur le fleuve , au lieu qu'ils savaient fonde, Se il alla auffi-tôt à fond. Car* miona fc CoJe^qui racontent cette particularité , ajoutent que quind les Barbares ne vinrent plus Soto, ils demandèrent de fes nou-velles, Se qu'arm de les amufer on leur répondit , que Dieu l'avoir envoyé quérir pour luy •rommander de- grandes choies , Se qu'à fba retour, qui ferait dans peu detemps il les de-•voit courageufement e::ecuter.

'<* Abbadia , Tinco , Cufrn?» , Aiias.

■< "APURE

CHAPITRE X.

TLefolution des troupes , après la mort de leur General.

APrés k mort de Soto, pas un de Tes Officiers n'eut le courage de pourfuivre le defïèin qu-il avoir eu de s'ertahiir dans la Floride. C'eft pourquoy ils refolurent d abandonnée ce pays, où l'amour Se le refpeift qu'ils portoient à leur General, les avok tous retenus. Mais les plus blâmables font ceux qui le dévoient oppofer à une fî lâche refoîu-tion , Se qui néanmoins l'appuyèrent les premiers. En effet Aniafco qui avoit heureufe-ment contribué à la découverte de plufieurs Provinces > Se qui eitoit obligé par honneur d'achever une conquefte f\ illufire Se il utile à toute l'Efpagne ? S offrit luy-mefmf de mener toutes les troupes au Mexique. Comme il fe piquoit délire excellent Gcogftnht , il fe flatta de les conduire facilement en ce Royaume , Se ne longea point aux forcit ny aux deferts qu'il fiiloit pailer avant que d y arriver. Car l'envie qu'il avoit de fôrtir de la Floride luy rendoit toutes choies aùecs, L es autres Efpagnols qu il s'eftoit offert de mener II. Part. O o

i

Yçb Hiftwc de la Floride i

au Mexique , croyoient auffi que rien ne les arrefteroit dans leur voyage, parce que la pa£ fion qu'ils avoient d abandonner leur conquête les aveugloit, Se qu'ils hanToient la Floride, à caufe qu'ils n'y avoient trouvé, ny or ny argent. Ils eftoient d'ailleurs portez à quitter leur entreprife , à caufe d'un bruit que ks Indiens avoient fait courir , que non loin du lieu où eftoit l'Armée, il y avoit d'autres Espagnols qui fubjuguoient les Provinces qui ciloient vers l'Occident. Nos gens qui ajou-ftoient trop légèrement foy à ces bruits , di-loient que ces étrangers dont parloient les Barbares eftoient des troupes forties du Mexique , Se qu'il falloit les aller joindre pour les favoriier dans leur defTein. Là-deifus ils partirent de Guachoia le quatrième ou cinquième de juillet, Se prirent leur route vers le couchant 5 relolus de ne fe détourner de cofté ny d'autre. Us s'imaginoient que luivant cette ligne, ilsarriveroient droit au Mexique, ne considérant pas qu'ils eftoient dans des hauteurs dirTerentes. Us firent à grandes journées plus de cent lieues par de nouvelles Provinces, &ne s'enquirent point du nom ny de la qualité de la terre de ces régions ; mais il eft certain qu'elles n eftoient pas fertiles ny peuplées , comme les autres pays de la Floride qu'ils avoient auparavant découverts.

CHAPITRE XI.

Snperjïïtion des Indiens .

JE quitteray icy un moment le cours de mon hiftoire , pour raporter une chofe allez remarquable touchant la fuperfti-tion des Barbares. Lors que les Eipagnols fortirent de Guachoia, ils furent fuivis d'un Indien de feize à dix-fept ans y fort bien fait de la perionne, comme le (ont ordinairement les habitans de cette Province. Les valets du GcneraïMofcofo aufqueisils'eftoit joint, le voulurent empeicher au bout de quelque temps de pafTer outre , & fe mirent meinie en eftat de le chaiTer de leur compagnie. Mais quand ils virent qu'ils nes'en pouvoient défaire , ils appréhendèrent que ce ne fuit, un efpion , Si en avertirent leur maître. On rit donc venir cet Indien en prefence d'Ortis , qui luy demanda par l'ordre du General , ce qui l'obligeoit à quitter fesparenspour fuivre des étrangers. Il répondit qu'ils voyoient lui pauvre jeune homme qui a voit elle abandonné des ion enfance , & à qui le pere , ny la mere n'a voient rien laifTe. Si bien qu'un des principaux Seigneurs de la Province touclvi

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de pitié l'a voit reçu dans fa maifon , 8c fait élever avec les cnfans. Mais que comme ce généreux bien-faicleureitok malade à mourir, on l'avoir choifi pour eftre enterre tout en vie avec luy; parce qu'on difoir qu'il en é-toit tellement aymé qu'il deveit 1 "accompa-Ên l'autre monde , afin de l'y fervirdans fes beioins. Que pour luy il avoùoit , quii é-toit vrayemer-r obligé à ce Seigneur ■> mais non pas jufqu a ioufïnr qu'on le wÂi\ tout vif avec luy dans Ion tombeau. Qu ainli afin s'éviter une fi facheule mort, il avoir fuiviles troupes , aymant mieux titre efc'ave que de mourir fi cruellement. Le General Se ceux qui eftoient prefens à ce récit, apprirent que la coutume de rendre lés derniers devoirs aux pciionnes de qualité s obiervoit dans la'Floride , comme dans les autres pays du nouveau monde qu'on a découverts. En erlet, fous le règne des Incas au Pérou, l'on enterroitd'ordinaire avec-les Souverains & les gsuids Seigneurs, la femme ■& le (enriteur quils avoienc le p!us armez.

Tous ces peuples croient i-ame immortelle, 5c un autre monde, où les gens de bien fon couronnez de gloire , & rccompcnlez de leurs bennes actions, 8c les méchans punis de leurs crimes. Us appellent !e Ciel HanaanspaT-cha d'un mon qui fignifie le haut monde, Ôc