l'Enfer Ucupacha qui veut dire le bas monde. Pour le Diable , ils le nomment Cupai, avec lequel ils difent que vont les méchans.

CHAPITRE XII.

arrivée dis EjgdgnoL à Anche , avec la. mort de leur tuide:

JE reviens où j'en eftois de 1'hiftotre. Les Ef-pagnpls: après une traitte de "plus de cent iicuës , arrivèrent à la Province d'Auché. Le Cacique de cetre contrée les logea, Se les reçue avec de grands témoignages d'affection en apparence. Ils fe rafraîchirent deux jours dans la Capitale , qui porte le nom de la Province , où lors qu'ils fe furent informez de la route qu ils dévoient tenir , ils apprirent qu'à deux journées de cette ville , il y avoir un deiert.de quatre jours de traverie. Le Cacique leur donna donc des gens de fervice chargez de grop millet pour fix jours , avec un guide auquel il commanda dj mener les trouoes, julqu'aux terres habitues par le chemin le plus court. Ils partirent d Auchc avec ces In.liens , & fe rendirent heureulement au defertj àtra- ers lequel ils marchèrent par une grande route , qui peu à

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peu rétrécit de telle manière qu'elle fe perdre Entièrement; Néanmoins 3s ne lai lièrent point d'avancer fix jours, fans tenir aucun chemin , parce que l'Indien qui les-guidoit leur faifoic accroire qu il les menoit de la lorte, arin de couper plus court. Mais comme ils virent qu'ils ne fortoient point des bois ; Se que depuis trois jours ils ne mangeoient que des herbes & des racines j ils obier voient de prés leur guide , Se apperçCirent qu'il les condui-foit malicreuJement, tantôt airSeptentrion, Tantôt au Couchant, puis au Levant, 8c quelquefois au Midy. Le General auiïi-tôt commanda d appellercet Indien , de luy demander ce qui l'avoit obligé d'égarer les Efpagnols huit jours durant ^ luy qui dans i\uché avoit promis de les mettre en quatre jours hors dit defert. A cela il répondit d'abord n peu raisonnablement, que Molcolo fâché de voir fes troupes en un (i pitoyable eilat, le fit lier à un arbre , avec ordre de lâcher lur luy les Lévriers d'attache. Comme il vit qu'il ailoit élire de-\ T oré , il kipplia qu'on fiîï retirer les chiens , & qu il decouvriroit tout ce qu il a-voit tenu caché. On luy accorde fa demande, &: ii proteite qu'il n'avoit rien fait que par le commandement de Ion Cacique , qui luy a~ Toit dit que n'ayant pas allez de forces pour .combattre ouvertement les Efpagnols, il a-

voit déterminé de les défaire par adrciTe. Que pour reiïilir en cette entreprife , il l'avoir choiiî ; Se luy avoit ordonné de les égarer tellement j qu ils mourufTent tous de faim dans les bois. Que s'il en venait à bout, il luy a-voit promis de grandes recompenfes j iînon qu'il devoit s'afTeurer de perdre cruellement la vie. Qu il s'eitoit donc vu contraint d'obeïr à ion Cacique , & de faire ce qu'eux-mefmes executeroient en pareil rencontre. Qu'ainil la faute efloit excufable -, mais qu'elle feroic encore bien plus digne de pardon , s'ils conli-deroient le peu de foin qu'ils av oient eu de s'informer de leur route. Que d'abord s'il luy en euïlent parlé comme ils faifoient maintenant , il leur euft tout avoiié , & les euft remis dans le bon chemin. Néanmoins s'ils iuy vouloient donner la vie, qu'il les tireroit du defert en peu de temps, Se s'il y manquoit, qu'il s-'offroit d'endurer toutes fortes de lup-piiees. Le General Se fes Officiers indignez de cette trahilon , ne reçurent point fes excu-Tes, Se crurent tous qu il ne le falloit plus rier en luy. De forte qu'on détacha les chiens qui le mirent en pièces & le mangèrent. Mais incontinent Mofcofo S: fes Capitaines en furent marris, fc fe virent plus en peine qu'ils n'a-•voient encore cite; parce qu'ils ne içavoient ; où trouver un autre guide , ayant alors ren-

voyé à Auebé les Indiens de fei vice. Toutefois comme ils connurent qu'il fa lloit .périr, ou fortir des bois , ils prirent leur route vers le Couchant, & marchèrent trois jours fans aucuns vivres, après en avoir eux 1 trois autres à ne manger que des racines. Enluite ils découvrirent du haut d'une petite montagne des terres habitées , mais fteri 1rs. Les habi-tans a voient pris la fuite , 5c abandonne de méchantes cabanes difperlees quatre à quatre par la campagne ; car les villages de cette contrée n'eiroient pas femblables à ceux qu'on avoit vus julqu'icy dans la Floride. Les troupes à leur arrivée dans la Province, trouvèrent de la chair de vache qui eftoit fraîche, dont elles appailerent leur faim. Elles appcl-lerenc ce pays, la Province des Vachers, à caufe de la quantité de peaux de vaches qu'ils y rencontrèrent ; fans toutefois qu'ils ayent pu trouver de cette forte de beftail en vie , ny découvrir ou les Indiens de la contrée le prenoient.

CHAPITRE XIII. Ce qui arriva dans la Province des Vachers,

TAndis que les Efpagnols eftoient dans une plaine de la Province des Vachers,

il fortît cTune foreft prés du Camp un Indien qui s'avança droit à eux, avec des grande» plumes fur la tefte, l'arc en main Se le carquois fur l'épaule. Nos gens qui le virenx en cet état, le laiflerent approcher, dans la créance que ce fuit un envoyé du Cacique vers le General , & à quelque cinquante pas d^eux iî mit une flèche à ion arc, & tira fur une troupe de foldat qui regardoient. Toutefois per-fonne n'en fut btefîé, les uns s'eflant écartés, Se les autres couchez par terre, le trait pa^a Se alla donner entre cinq ou fix Indiennes qui apreftoient le diner de leurs maiftres. Ils en attrape une au miiieu du dos, &•.après lavoir percée , il en va bleiTerune autre à la poitrine vis-à-vis de celle-là , Se s'arrefte dans fon corps ; cette pauvre Indienne tomba morte auflfi-bien que la compagne. Au mefme temps le Barbare fuît de toute fa fo rce vers la foreft., les Elpagnolscrient aux armes, Gallego qui par hazard eftoit à cheval apperçoit l'Indien qui fe iauve, il entend qu'on dit tue, il Y Ique après, l'atteint proche du bois, Se lu y ofte courageufement la vie.

Trois jours eniuite , lorsque les troupes

fe rafraichiiToient, deux Indiens lùperbtment

parez le du pay~, vinrent aumatîn en-

à deux cens pas du Camp ; $c u ils fe

promenèrent près d'unnoyeiyt'uii d'un collé*-

& 1 autre de l'autre de peur de iurprife.

Molcofo averti de cela, défendit de ne les point harceler ; que c'étoient des foux Se des téméraires dont il le falloit moquer. On les lailTa donc promener jutques fur le loir prt s du noyer. La penfée de ces Indiens étoit qu il prendroit envie a deux Eipagnols de les venir attaquer. Cependant les Cavaliers qui étoient allez le matin en party , retournèrent au Camp un peu avant la nuit, & comme ils apperçùrent ces Indiens proche de leur logement , ils s'informèrent de ce que c'eftoit, &: apprirent l'ordre du General. Ils obéirent tous excepte Paez , qui voulant montrer la valeur , dit, puifque ces Barbares efloient des foux Se des téméraires, qu'il falloit qu un plus foux qu'euxpuniftleur folie, & li-deiïus il pique vers le noyer. L'Indien qui Je pro-menoît du codé que le Cavalier avanç.oit marche droit à luy , tandis que fon compagnon le retireiouâ l'arbre, pour faire connoi-ître qu'ils demandoient àfe battre fcul ài'eul. Paez approche de furie contre ion ennemy qui le tire il vigoureufement , qu'outre ia cotte de maille qu'il luy rompit, il luy perça de part en part le bras gauche -, de forte que les reines de la bride de ion cheval luy tomberont des mains. Ses compagnons qui virent cet accident, & qui n'aveienc pas encore mi*

pîed à terre, accoururent à toute bride furies deux Barbares qui fuyrent, quand ils appeler ùrent tant de gens fondre fur eux. Toutefois ils rurent pris avant que de pouvoir gagner le bob.. Mais en cette rencontre les EC pagnols obfervercnr mal les loix de la guerre, puiique les Indiens n'avoient pas voulu fe mettre deux contre un , il eftoit raiionnable <ju'on les traitait, de la melme forte.

Apres -ces choies les troupes marchèrent plus de trente lieues par cette Province des Vacher? ; & comme elles curent achevé de la traverfer, elles découvrirent vers le Couchant de hautes montagnes , Sz d'épaHês forefts qui eftoient des deferts_; mais le Geneial & fes Officiers , que la fatigue & la faim avoient ren-fkis lages, reiolurent de ne point avancer qu'ils n'euflent auparavant trouvé une route afTeurée pour les conduire dans un pays habité. C'eft pourquoy ils commandèrent à quatre Compagnies de Cavalerie de vingt-quatre hommes chacune d'aller par trois endroits vers !e Couchant, pour découvrir la contrée, avec ordre d'entrer le plus avant qu'ils pourroient dans le pays,de s'éloigner les uns des autres, 8t de tâcher à connoîcre la qualité de la terre , <S: le naturel de- habitant On leur donna pour cela des truchemens Indiens les plus capables que Ton put trouver ,

entre ceux qui fcrvoient le* Efpagnok. En-fuite ils partirent, & au bout de quinze jours qu ils retournèrent, ils dirent tous qu'ils é-toient entrez plus de trente lieues dans le pays, & qu ils avoient rencontre des terres fort ftcriles Sz mal peuplées. Que plus on a-vançoit & plus elles eftoient méchantes. Que les habitans de ces quartiers ne cultivoient rien, Se ne vivoient que de fruit, Se que d herbe , & de ce qu'ils attrapoient à la chafïe & a la pefche. Enfin qu'ils marchoient par troupes , & erroient dune contrée à l'autre. Car-mona ajoute que les Indiens aflfeurerent que par de là leur Province , il y avoit une vafte étendue de pays plat où fe nourrifToient les vaches,dont les troupes avoient vu les peaux, 8c qu'il y avoit dans ces quartiers une grande quantité de beftail.

CHAPITRE XIV.

Retour des I.fpagnols vers le Chucagux Avec leurs avantures.

SUr le rapport des Cavaliers qui avoient êfte à la découverte , ks Espagnols perdirent toute efpetance d aller au Mexique, par le chemin qu'ils avoient tenu. C'cft pourquoi *

de

de crainte de s'engager dans des defèrts où ils mourroient tous de faim j ils furent d'avis de retourner vers le Chucagua , dans la cretnce que la route la plus courte, Se la plus affùrée pour fortir de la Floride , eftoit de defeendre Je long de ce fleuve, Se de gagner le golfe de Mexique. Ain fi ils s'enquirent de leur chemin, pour fe rendre vers le Chucagua. Ils (curent que le plus court eftoit de tourner fur la droite de la route qu'ils avoient tenue en venant; mais qu'ils falloit traverfer plufieurs grands deferts, &. qu'au contraire , s'ils détournoier. t fur la gauche, c'eftoit le plus long j mais qu'ils marcheroient par des pays fertiles Se peuplez. Ils prirent donc cette route , Se tournèrent vers le'midy , prenant foin de ne pas s'engager témérairement en des endroits difficiles, Se de ne faire aucun delordre dans leur marche , de peur d'irriter les Indiens. Néanmoins ces Barbares les harcelèrent nuit Se jour. Car iis fe mettoient en embufeade dans les bois prés du chemin ; Se lors qu il n'y a-voit point de bois, ils fe couchoient (ùr le ventre parmy les herbes ; Se quand les Ef-pagnoîs pafioient, iis fe levoient tout d un coup , Se tiroient tant de flèches qu'ils en bleffoicut toujours quelqu'un. Mais au mps qu'on alloit a eux ils îâchoient pied. Le incontinent il en venoit d'autres II. Part. Pp

à la charge, qui prenoient les troupes de tous coftez , toujours avec perte d'hommes 8c de chevaux. Si bien que fans en venir à une bataille, nos gens furent plus mal-traitez en cette Province des Vachers, que dans toutes celles par où ils avoient parle ; Se le dernier jour principalement, parce qu'ils traverferent des ruiflèaux 8c des endroits qui eftoient de véritables coupe-gorges, d'où les Barbares for-toient en furie fur eux , Se où ils Te retiroient fans pouvoir eftre offenfez. Les Efpagnols perdirent en cette journée plulîcurs de leurs gens , plu fleurs Indiens de fervice avec plusieurs chevaux , Se eurent un grand nombre de foldats bleiTez dangereufement. L'un des plus confiderables de ceux-là, fut feint Georges dont je vais en parler. Comme ce Cavalier palïbit un ruifîeau où les troupes eftoient attaquées , un Indien caché derrière un buiffon luy tira un tres-rude coup de flèche. De forte qu'après luy avoir rompu ia cotte de maille , il luy perça la cuiiTe droite, pafîa par l'arçon de la lelle , Se entra dans le corps du cheval, qui tout furieux forte du ruiifeau , bondit par la plaine , & tâche par les rua'des de faire tomber la flèche, Se de renverler Ion maître. Les Espagnols qui Te rencontrèrent alors proche de ce foldat accoururent a Ion fecours , 8c comme ils apperçiircnt que le trait l'avoi: at-

taché à la Telle , Se que les troupes fe cam-poient aiTez prés du ruifTrau ils le menèrent au quartier. Aufïi-tôt on le loûleva adroite-ment, Se on coupa la flèche entre la Telle Se la cuiiïe. On deiTella auili le cheval, & les ET-pagnols s'étonnèrent qu'une flèche de roleau armée Teulement d'une pointe de canne euft pénétré fi avant. Enfuite on étendit feint Georges par terre > & on le lahTa fe panTer foy-mefme. Outre plusieurs qunlirez qu'il pofledoit, il avoit celle de guérir les playes avec de l'huile , de la laine grafle , Se des paroles que les compagnons appelaient des charmes. Il avoit effectivement traitte avec tanr de fuccez quelques bleiTcz , qu'il fem-biôit que Dieu le Êivoriiaft lur tout dans les cures qu'il faiioit. Mais fi-tôt quei'huiie 5c la laine grafTe furent cônfamées par le feu à Mau-viîa, il ne voulut plus pan fer perfenne ; Se tnefme il s'opiniaftra long-temps à ne prendre aucun foin Je Tes blelTures. Car bien que depuis il euft reçu un coup de flèche qui luyen-troic par deflous le pied, Se fort oit par le talon ; Se que d'un autre coup il euft efté fidan-apé au genou, que la pointe de he y eftoit demeurée ; toutefois il n'en-: jamtis ds ic traiter qu'à f extrémité , slmaginant que faute d'huile , Se de laine gralie il ne pourrai: fe guérir. Je reviens au Pp i

16"4 Hifloire de la Flori.'e.

coup qu'il avoit reçu à la cuiiTe. Comme il fçavoit qu'il eftoit brouillé avec le Chirur-^ : en , qui luy avoit fait beaucoup de mal en luy tirant la flèche du genou , Se qu'il fc reC louvenoit qu'il luy avoit die qu'une autre fois il mourroit pHiftoft que de l'appetter; à quoy le Chirurgien avoit répondu , que quand il feroit certain de luy conferver la vie , il ne le feroit r>as qu il ne l'eu A auparavant envoyé quérir -, Comme , dis-je, il le refîbuvenoit de cela , 8c qu'il n'attendoit aucun fecours de perionne , il prit au lieu d'huile Se de laine , de l'oing de porc avec de la charpie d'une vieille mante d'Indien , Se s'en iervit tres-heurcufèment pourfaplaye. Car durant quatre jours que nos gens fe rafraîchirent prés du ruineau, il fut tout à fait guery, monta a che-val le cinquième qu'ils continuèrent leur route, Se afin qu'on ne doutaft point delà gueri-fon, il fè mit à piquer de cofté Se d'autre autour des troupes , criant qu il meritoit de perdre la vis -, parce que pour n avoir pas voulu traiter les bleflez dans la penlée qu'il travaillerait inutilement, il étoît mort plus de cent cinquante foldars.

Enlin, les Efpagnols forcirent de la Prorince des Vachers, après y avoir feuftert plusieurs maux. Ils marchèrent vingt jours à longues :rai:tes par d'autres contrées j des noms

defquelles ils nes\mquirencpoint,5eallèrent en tournant rets le Midy. Mais parce qu'ils crurent defeendre plus qu il ne falloir pour fe rendre à Guachoia , où ils vouloient retourner , ils prirent au Levant avec loin de monter ton jours un peu vers le Nord, Se vinrent à croifer un chemin par où ils étoient paiTez en allant. Néanmoins ils ne le reconnurent pa-. On eftoit alors à la my-Septembre , & ils avoieiit déjà marche prés de trois mois , depuis leur Ibrtie de Guachoia, (ans avoir manque une feule nuit ny unieul jour d'ertre attaquez. Les Barbares fe mettoient le jour en embuicade , Se chargeoient ceux qui s'écartaient , & la nuit ils venoient donner l'alarme au quartier.

Il arriva rncfme qu'une fois à la faveur de l'obicurire , ils fe traînèrent à quatre pattes iuiq fau Camp ; où ils cirèrent fur les chevaux, 8e tuèrent deux fentinclîes. Peu de jours a-prés douze Cavaliers Se autant de fantaflîns Lipagnols, qui avoient befoin de gens de fer-vice , le mirent en embufeade pour prendre quelques Indiens, de ceux qui au moment que les troupes eftoient decampecs venoient enlever ce qui eftoit demeuré. Ils fe portèrent derrière de grands" arbres y Se poferent fur le plus haut une fcntinelle, avec ordre de le*avertir li-tôt quelledteouvriroitquelque Pp 3

chofc ; ce qui s'exécuta heureusement. Car ils prirent quatorze Indiens qu'ils partagèrent entre eux. Mais après comme ils deiiroient rejoindre l'armée , un de la compagnie qui n'eftoi: pas fatisfait de n'avoir que deux Indiens, conjura Tes camarades de ne s'en point retourner qu'auparavant ils n'en euiïent encore pris un pour luy. Ses compagnons qui fc'eftoient pas de ce fentiment , luy dirent qu'il falloit différer cela à une autre fois,&: qu'ils luy otrroient chacun l'Indien qu'ils a-voient eu en partage. Néanmoins voyant qu'ils ne pouvoient rien gagner fur ion eiprit> ils s'arreficrent encore. Cependant la fenti-nelle avertit qu'elle appercevoit un Indien , Se Pacz que le malheur devoit avoir rendu fage , pique auîîi-tôt droit au Barbare, qui le voyant découvert fe fauve fous un arbre , Pacz l'approche , 8é luy porte avec vigueur 8m coup de lance- mais ne I attrapant pas > 1 Indien qui tenoit (a flèche orelte , tire , 8c b!e;Fe au Ranc le cheval de ce Cavalier. De forte qu'aprrs avoir bronché environ vingt pas, il tombe mort. Bolanios qui iuivoit Paez rond au meime temps fur le Barbare, Se eft aurîi malheureux que Ion compagnon. Juan de Vega qui venoit après au petit pas , rafpris de voir ia camarades démontez, pique vers l'Indien $ Tes compagnons couient auili

la lance en main vers ce Barbare, qui s'avance fièrement droit à Vega pour tuer Ton cheval , Se s'enfuit au mefme temps. Mais le Cavalier qui eftoit lage avoit auparavant donné ordre qu'il ne luy arrivait pas de malheur fem-blable à celuy de Paez. Il avoit mis fur le poitrail de Ion cheval une peau de vache en trois doubles 5 Se c'en: ainfi qu'en uioient la plufpart des Cavaliers qui avoient loin de leurs chevaux. Les uns leur couvroient le poitrail de cette forte de peau de cerf, ou d'ours. Comme l'Indien fut à la portée du trait, il tire fur le cheval de Vega, Se perce la peau de vache i Si bien que la flèche entre environ trois doigts dans le poitrail. Auifi-tôt Vega fond de furie fur le Barbare 8e le tue. Eniuice le party s'en retourne, deteilaiit celuy qui les a-voit obligez à demeurer, & admirant le courage de l'Indien , dont la mine ne répondoit pointa l'action qu'il avoit faite. Des qu'ils furent arrivez , le General rit marcher ves la Province de Guachoia, & no> gens eurent durant leur route jufques à la fin d'Octobre un temps aiTez favorable. Mais alors, à caufe des pluyes il devint ii richeux , qu'ils campaient le plus fouvent tout mouillez , Se fans a icuns vivres , tellement qu'ils cftoient contraints de bazarder leur vie pour en chercher, ajoutez que leurs fatigues redoublèrent à me-

fure que 1 byver avança. Les neiges Se les pluyes qui tomb oient enflèrent extraordinai-rement bs fleuves , Se firent croiftre les ruif-feaux de telle manière qu'ils ne purent pafler fans traîneaux. Encore railoit-il sarrefter fept ou huit jours , pour en traverfer quelqu'un. Car outre qu'ils ne trou Voient point de boi> propre pourdes train aux, ils avoient toujours les emremis lur les bras, Se louf-rroient d'extrêmes peines ; parce quelacam--paçne efbtnt prcfque inondée, ils fe voyoient (burent forcez de camper dans leau, couverts feulement d'un méchant habit de chamois, toujours mouillé,qui leur lervoit de chemiic & de cape. Ccft pourquoy plufieu-is Espagnols accablez de froid Se de iommeil tombèrent malades, Se il ne le paflbit jour qu'il n'en mouruft deux ou trois. On peidoit auiTi chaque jour des chevaux & des Indiens de iervi-ce. Toutefois fans fe laiiîer abbattre au malheur , nos gens continuèrent leur route ; mais ils fc fatiguèrent tellement qu'ils manquèrent mcfme de force pour enterrer ceux q.ii mouraient par les chemins. Ainli ils tYi^ foient pitié. D'ailleurs, la plufpart de leurs chevaux eftoient malades , les Cavaliers de-montez,les fantaffins fi foibles qu'ils ne fe fo>i-ten oient qu à peine. Néanmoins, eftant tous refolus, ou de mourir > ou de retourner vers le

Chucagua , les plus vigoureux montèrent fur les chevaux qui envoient encore de fervice , Se rellitoient aux ennemis qui harceloient les troupes dans la marche. Enluite , lors que l'on eftoit campé , l'on polbit des corps de garde & des fentinelles , Se le lendemain on avançoit dans le mefme ordre, ce qui dura depuis le mois de Septembre jufqu'aux derniers jours de Novembre de l'année mil cinq cens quarante-deux, que l'on arriva fur les bords du Chucagua. Alors comme les Efpa-gnols crurent que leurs maux eftoient finis, ils Te donnèrent tous les uns aux autres de petits prefens pour fe témoigner leur joye. Leur voyage , à conter le chemin qu'ils firent en retournant, fut de trois cens cinquante lieues 5c davantage. Comme ils revenoient ils rencontrèrent une Truye qu'il? avoient perdue en allant, & qui a voit fait treize Cochons, tous différemment marquez aux oreilles , d'où l'on peut croire que les Indiens avoient parcage entre eux ces animaux, &c qu'ils et* nourriiTenr aujourd huy dans la Floride.

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CHAPITRE XV.

Les troupes s'emparent d'Aminoia.

LEs Efpagnols au retour de leur voyage abordèrent a feize lieues de la ville de Guachoia, Sz rencontrèrent deux bourgs l'un proche de l'autre que l'on appelloit Aminoia du nom de leur Province. Ces bourgs eftoient de deux ecns maîibns chacun fermez d'un foïïè , dout l'eau venoit du Chucagua , qui faiioic un Ifle de chacun de ces deux villages. Moicofo qui avoir encore outre foixance-dix chevaux, environ trois cens hommes dep'ed refolut de s'en emparer , Se d'y paiTer tout le refte del'Hyver. II mit donc Tes troupes en bataille, Se attaqua (1 courageufement ces d'eux bourgs l'un après l'autre, que les Indiens eftonnez de la valeur de nos gens les a! donnèrent fans re finance. Ainiî lesEfp^. s'en rendirent maiftres , & quelque temps après pour n'e ri cas d'alarme,

ils en ruinèrent un S: portèrent dans l'autre les vivres kl s chpfe qui leur eftoîent n< ù'T. ■ Enfuire ps fortifièrent ce porte, & forent vingt 10 :r< a le mettre en eftatde d (e, parce qu eftant extraordinahement ha-

raflez, ils ne travailloient qu'avec beaucoup de peine.

Tandis que les Efpagnols entroient dans ce bourg, une vielle Indienne qui ne s'eftoit pu fauver, leur demanda ou ils alloient 3 & luy ayant répondu en quartier d'Hyver , elle leur repartit que de quatorze ans en quatotze ans , le fleuve fe débordoit (î fort, que les habitans e&oient contraints de gagner le haut des mailons, Se que Tannée qui couroit eftoit la quatorzième où le bourg devoit cilre innondé. Nos gens qui connurent le delTein de la bonne femme fe mocquerent de (es rêveries. Carmona qui rapporte cette particularité , ajoufte que les Efpagnols trouvèrent dans le bourg d'Aminoia dix-huit mille mefu-res de gros milîet > avec une grande quantité de noix, de pruneaux , Se de quelques autres fruict,, inconnus en Eipaene. C'eft pourquoy ils le rétablirent peu a peu ; car outre ces vivres ils eftoient tres-commodément logez, & mefmc les Barbares ne vinrent ny nuit ny jour les tourmenter 3 ce qui contribua beaucoup à les remettre en eftat.

Comme Mofcofo vit que fes gens avoient preique recouvre leurs t'ovecs , Se que le mois de Janvier de l'année 1543- c ^ olt pafle,il commanda de couper du bois pour faire des brieantins y Se d'amailer des cordages , des

voiles Se autres chofes neceiTaires à Ton def-fein. Au refte , tandis que les Efpagnols demeurèrent dans Aminoia, il en mourut environ foixante. De ce nombre turent Ortis, Touar avec Vafconcello. Mais durant toute la traite il en périt plus de cent cinquante, ce qui rut rrouvé d'autant plus fâcheux que la mort de tant de braves foldats, eftoit arrivée par l'imprudence des Capitaines , qui avoient engagé les troupes dans le voyage.

CHAPITRE XVI.

Conduite de deux Caciques envers les Ifpagnols.

Sltoft que le bruit fut répandu, que les El-pagnols efloient de retour de leur voyage , Se qu'ils pafïoient THy ver dans Aminoia; Anilco craignant qu'à leur faveur, les vaiTaux de Guachoia ne vinlTent encore fondre fur les terres, Se y exercer leurs cruautez , il envoya vers Mofcofo avec ordre de luy offrir la paix Se fon amitié, & de TaiTùrer de fon obeiiTance. Qu'il n'y avoit nulle forte de fervice qu il ne duft attendre des peuples de fa contrée , Se que pour en avoir des preuves il n avoit qu'à commander. Celuy qu'Anilco avoit chargé de dire cela , cftoit ion Lieutenant

nant gênerai. Il avoir à la fuite outre deux cens Indiens de fervice , vingt des plus lef^cs & des plus conliderabîes delaProvince , lui-vis de vingt autres avec des fruits 5c de la ve-nailon. Ce Capitaine s acquita fort bien de fon devoir, & n'oublia rien pour gagner Tel-prit de Mofcofo, qui le reçût tres-aWigeam-ment,luy,& tous les principaux de la fuite, & le pria daiTeurer Anilco, qu'il le remercioit de l'honneur de Ion amitié, Se qu'il en feroit toute fa vie une eftime particulière. On ht fçavoir incontinent cette reponle au Cacique; &. cependant l'envoyé & ceux qui laccom-pagnoient demeurèrent avec le^ Efpagnols , aulqueîs ils témoignèrent leur affection par la fidélité de leurs fervices.

Il y avoitdeux jours que les fujets d'Anilco eftoient au quartier, lors queGuachoiaiuivy de plufieurs de les vafTaux , chargez de fruits & de poiiTons, y arriva pour confirmer fon alliance avec les troupes. Le General le reçût très-bien ; mais lapretence du Capitaine d'Anilco ion ennemy , 8c 1 honneur qu'on lu.y rendoit luy donnèrent une douleur mort .ile. Néanmoins il dilîimula Ion deplaiiir, reiolu feulement de le témoigner dans i'ocçaiîon.

Durant le quartier d hy ver ^es 1 agnpk dans Aminoia , les deux Caciques lent rendirent toutes fortes de bons pffaces, & ieur h*

II. Part. Q^q

rent tous les huit jours de nouveaux prefens." Cependant Mofcofo Se Tes Officiers , qui ne fongeoientqu'afortirde la Floride, ordonnèrent à l'Intendant des vaiiïeaux de voir combien il falloit de brigantins pour l'embarquement des troupes ; Se comme il eut repondu fept , ils commandèrent qu'on préparait pour cela toutes les chofes neceflaires. On rit d'abord quatre couverts, fous lelquels on travailla de peur d'eftre incommodez par les pluyes. Le? uns feierent des ais, les autres les rabotèrent, plufieurs firent des doux Se des ferrures, quelques-uns du charbon , Se quelques autres des rames Se des cordages. Ainli ils s'appliquèrent tous courageulement aux chofes qu'ils faifoient le mieux, Se employèrent trois mois à cela.

Pendant ce temps-là le Capitaine d'Anilco montra Ion zèle à nos gens , qui de leur cofté l'honoroient auiTi beaucoup , outre qu il a-voit l'air noble & capable de fe faire aymer , il poiTedoit de rares qualitez. Il eftoit exact, fidèle , officieux, prevenoit de bonne grâce tous les befoins ? Se melme donnoit plus qu'on ne luy oloit demander. Car (ans parler de plufieurs cables Se autres cordages propres pour des brigantins , il fournit aux Efpagnols plus de mantes vieilles & neuves, qu'ils n'en pouvoient raifonnablement efpercr , parce

qu'on n'en trouvent prefque point dans la Province. Les mantes neuves fer virent araire des voiles , Se les vieilles à calfeutrer les vaif-feaux. Ces mantes l'ont d'une certaine herbe iemblable aux mauves. Cette herbe a de petits filets comme le lin ; aulTi les Indiens en font du ril, Se donnent à ces mantes une couleur telle qu'il leur plaît ; mais le plus iouvenc vive Se éclatante.

CHAPITRE XVII.

'tic de quelquee Çdciques.

Te les Efpagjnols travailloient à leurs briîrarnn^ , Quigualtanquî crut .'e prcr>aroient à leur retour , que raconter dans leur pays l'excellence des regioni qu'ils avoient découvertes, & revenir après en plus grand nombre t n faire la conquefte. Qu'alors ils cHaflerbient les véritables Seigneurs (les Provinces, & s'y efta-bliroient fouverainneme nt. De forte que dans cette créance Quigualtanquî relplut, pour prévenir un tel malheur , d'exterminer toupie? Efpagno'squi eftoient dam la Floride» Il alTembla donc les principaux de ia contrée, auiquelsilledeciarala-dellus, Se touslalTùre^

tjiS Ht/forte de la Floride.

rerrt que Ton dcfLin efloit glorieux, Se qu'ils mourroient nour le fervir dans une fî noble entreprise. Il dépêcha incontinent de coflé Se d'autre du Chucagu \ , vers dix Caciques de Tes Torons, & eur fit dire pour les engager dans 1 un rarty , qu'il failoitctoufer la haine qui cftoit entre eux, Se s'unir tous pour perdre leurs ennemis communs. Que s'ils manquoient l'occafion, que la fortune leur en prefentoit, il déploroit la mifere dont ils fe-roient accablez. Que les Efpagnols ne s*en retournoient que pour revenir dans le pays avec de plus grandes forces j 6c qu'après s'en eftre cruellement emparez , ils les tien-droient tous dans une mal heure ufe fèrvitude. Les Caciques reçurent avec joye les envoyez de Quigualtanqui ; ils approuvèrent fon defc fein , parce qu'ils le trouvoient digne d'un grand Capitaine , Se louèrent fon courage , dont la grandeur leur eftoit déjà connue. C'eft pourquoy ils convinrent que chaque Seigneur leveroit des troupes dans fa Province , & prepareroit des barques pour attaquer leurs ennemis par eau auiTi bien que par terre. Que cependant, pour les mieux lurprendre , Se leur ofter toute forte de loupçon ; chacun reindroit en particulier de rechercher leur alliance , Se leur envoyeroit des Députez a-vec des prelens. Quigualtanqui, comme chef

de la conspiration , dépécha le premier vers Moicoio, & toui les autresenfuite à ion exenr pîe. Mofcofo les reçût avec d'autant plus de joye Se d affection , que le peu de troupes qui luy reftoieiît, ne demandoient que la paix. Cependant Anilco qui avoit refufé d'entrer dans la ligue , à caufe de la fidélité qiril avoit jurée aux Efpagriols, crut que par honneur il devoit les avertir de la conlpiration des Caciques j c'eft pourquoy il envoya commander à Ion Lieutenant de découvrir la trahifon au General, Se de l'ailîirer qu'il ne fe pafTeroit rien qu'il ne luy en fit Içavoir des nouvelles» Moicofo eut loin de faire remercier le Cacique de les bons avis, 5c de la continuation de Ton amitié , & eut depuis pour luy Se pour Ton Lieutenant une eftime toute particulière. Néanmoins Anilco ne voulut jamais venir au camp, Se s'en excula toujours lur ce qu'il a-voit peu de fanté. Mais véritablement c'eftoit qu'il ne fc hoit point aux Elpagnols.

On ne peut pofkivemcnt fçavoir fi Gua-choia qui temoignoit de l'ailcetion à nos gens, entra dans la ligue ; mais on fe douta qu il é-toit d'intelligence , pique ieulement de l'efli. me qu'on faifoit du Lieutenant d'Ànilco. En effet, il étoit outré de ce que les Eipagnols reji-doient plus d'honneur à ce Capitaine qui les lervoit promptement, qu'à luy quin'aguToit

aq 3

que Fort lentement pour eux, & il efTayort aulli de le décrediter dans l'efprit de Molcoib. Mais on croyoic que Guachoia , fçachant qu'Anilco n'avoit pas voulu fe liguer avec les autres agifïoit de la forte , afin que (1 par ha-zard ce Lieutenant venant à découvrir la conjuration , on n'ajoutait point de foy à ce qu'il diroit.

CHAPITRE XVIII.

Querelle de Guachoia & du Lieutenant d'Arnica,

COmme Guachoia connut qu'il travail-loit inutilement à ruiner Ton ennemy dans l'ëfprît des Efpagnols , il éclata tout à fi'.ir, & dit a Mofcolo en prefence de plufîeurs OfHciers, que depuis long-temps il iourïroit avec peine l'honneur que Iiry Se les troupes faifoient au Lieutenant d'Aniico. Qu'il avoir toujours penfc qu'on devoit honorer ceux qui avoient le plus de crédit Se de naifTance. Que néanmoins les Efpagnols tenoïent une conduite bien contraire à cela -, puis qu'ils eftimoient uniquemenr le Lieutenaut d'Anilco , qui n'avoit ny biens, ny puiffance , ny nobleife, Se qui ne meriroit d'eftre conhdcré que par ù qualité de vaflal. Que pour luy il

avoir des fujets qui lurpafloient en toutceluy auquel il donnoic tant de marques d'eftime. Qu'ainfi , il les lupplioir de faire reflexion fur leur manière d'agir , Se d'eftre perfuadez que les avions du Lieutenant d'Anilco cftoîent arrificieufes, Se ne tendoient qu : à les tromper. Le Lieutenant d'Anilco qui avoit écoute patiemment ce que l'on avoit dit contre luy ; répliqua, (ans paroiftre emporté , qu'on luy reprochoit à tort la naiflance ; Se que ks an-ceftres ayant efte Caciques, ii ne cedoit à per-fonne en noblefTe. Qu'il avoùoit que ion père ne luy avoit pas laide de grands biens; mais qu'il avoit fupplee à ce défaut par Ion courage, puilque dans la guerre qui! avoit faite contre Guachoia, Se d'autres Seigneurs, il avoit gagne dequov vivre fuivanr fa qualité. Qu'ainii il fe pouvoit mettre maintenant au nombre des riches , que Ion ennemy vouloir que 1 on eitimaft fi fort ; Se qu un vailal comme luy lemporteroit toujours de beau-Coup fur un Cacique lemblable à Guachoia. Qu'après tout , il n'eftoit pas proprement vafTal , parce qu'Anilco ne le conlideroit point de la lorte ; mais comme l'un de fespiu3 proches parens , Se qu à cette confideration , il avoir fait Ton Lieutenant mènerai dans la Province. Qu'enluite il avoir t^gncpiufieurs batail.cî , de;*it le Père de Guachoia , Se de

fois i autre les Capitaines. Que depuis même que Guachoia avoïc iuccede à Ton Père , il avoir taillé en pièce toutes les forces, Se l'a-voît iaitprilonnier, !uy, Tes deux frères, & les plus confiderables de fon Eftat. Qu'alors il 1 euft pu dépouiller de (a Province , Se s'en emparer fans peine , n'y ayant perfonne pour luy renfler; mais que bien loin de rien entreprendre , il avoic eu un foin tout particulier, de luy tandis qui! eftoit prisonnier , qu il fut mefme fti caution pour le mettre en liberté, luy, les frères & (èsvaflfanx. Néanmoins comme Guachoia n'avait pas tenu la parole , il n'attendôit que laioitie des troupes pour le . reprendre. Que la hardiefle qu'il avotti prêtent de le vouloir faire pa^er pour un artificieux luy coûteroit cher alors , Se qu il luy apprendroit a ne pas choquer une autrefois témérairement Ion honneur.Que meiuie pour ne pas diflerer plus long-temps, il ne tiendrait qu a Guachoia qifiis ne rîniJîent fur l'heure leurs ditferens , qu'ils n'avoienr qu'a entrer tous deux dans un batteau pour le battre fur le fleuve. Que li Guachoia le tuoit, il fatîsre-roit la haine , & leroit van?e du dépiainr que les Espagnols luy avoîent fait en rendant de l'honneur à ^on ennemy. Que pour luy, s'il avoit de l'avantage dans le combat, il fe-roit voir (nie le mérite do hommes ne conii-.

doit point dans \ éclat des richefTes, ny dans la poireiîîon de plufieurs vaflaux , mais dans la vertu Se la grandeur de courage. Guachoia ne repartit rien à tout cela , & fit connoiftre fa confufion fur Ton viiage. Mofcolo & les Elpagnols fe confirmèrent dans la créance qu'ils avoient du Lieutenant d'Anilco, & luy rendirent tous les jours plus d'honneur.

CHAPITRE XIX. D'un Efpion Indien.

MOfcofo confiderant, que fi la haine de Guachoia , Se du Capitaine d'Anilco les portoit jufqu'à fe faire la guerre, ils ne luy fourniroient aucune chofe pour Tes brigan-tins ; il leur dit que comme ils eftoient également aimez des Efpagnols , ils ne pouvoient les voir plus long-temps brouillez, & q'uainfî ils les prioient d'eftouffer leurs reiTentimcns , Se de vivre à l'avenir dans une parfaite intelligence. Les deux Indiens répondirent à Mof-co(o , qu'ils eftoient prefts de faire ce qu'on voudroit , Se qu'en fa faveur , ils oubliroient genereufement toutes chofes. Quatre jours après la querelle ayailee , Se fur le départ du lieutenant d'Anilco , pour s'en retourner

dans fa Province; le General qui ne fe fioft point à la parole de Guachoia, Se qui craignoit qu'aiin de fe venger de Ton ennemy, il ne luy euft fait dreffer quelques embutches lur le chemin, commanda à trente Cavaliers de l'accompagner, jufqu'à ce qu il fuit hors de danger. Le Capitaine refuia d'abord civilement Moicolo, &: luy ht connoiftre que Guachoia n eftoit pas fore a appréhender ; néanmoins de peur de déplaire au General, il pritl'efcor-te qu'il luy orïroit.- Mais depuis il revint, 5c retourna pluiieurs fois en fa contrée avec dix ou douze Indiens feulement. Cependant, Quigualtanqui Se les autres Caciques i J < party depéchoient jour Se nuit vers Môfcofo avec des prefens, & avec ordre à leurs envoyez , d'obierver la conduite des Espagnols, leurs corps de ^arde , leur adrefle à tenir leurs armes & à manier leurs chevaux, afin de voir en quoy ils manquoient, Se de s'en lervir contre eux en temps & lieu. Le Central qui cfloît averty de celant defenfe aux Députez des Caciques ennemis , de venir la au Camp , mais e^s defenies eftoient i i Ceft pourquoy Silv-eitre qui fçavott l'ordre du General, Se la defobeftTahce des Ear -eftant une nuit de garde à la porte d Arni-noii , & voyant à h clarté de la Lune deux Iadiens-fba le/tes, qui craycjrfoient le ifoffeiur

tin arbre qui (èrvoit de pont, il les laifla avancer vers luy , & comme il eftoit en fentinelle il donna un coup depée fur le vilàge du premier , qui paiTa le guichet de la porte fans luy en demander permiiîion. Du coup , le Barbare tomba à terre; mais il fe releva incontinent , prie ion arc , Se s'enfuit de toute fa force. Sirveùre ne voulut pas l'achever parce qu'il crut que cela luffiloit pour rendre iage les Indiens. Le compagnon du bleiTé qui avoit oùy le coup prend auiïi la fuite , repaife le pont, regagne (on batteau, traver-fe le fleuve & donne l'alarme par tout. Cependant le bleiTé , le viiage plein de fang , le jette dans 1 eau, la traverle à nage & appelle ion camarade. Les Barbares qui eftoient de l'autre cofte du fleuve , Se qui entendirent fa voix accoururent à luy Se 1 emmenèrent. Le jour d'après au Soleil levant, quatre des principaux Indiens vinrent de la part des Caciques liguez le plaindre au General, que ces gens rompoient la paix. Qu'ils avoient tres-mal-traite un des plus conliderables Indiens du pays, 5c qu'ils le fupplioien: qu'on fift jufti-ce de cette infolence, parce que la perfonne eftoit bleilee à mort. Sur le midy quatre autres le rendirent au Camp j où après avoir fait leurs plaintes, ils dirent que le bielle fe mou-roit, Se au Soleil couchant, il en vint encore

quatre qui aiïeurerent que leur compagnon eftoit more, & demandèrent qu'on fift mourir 1 Efpâgnol qui en eftoic caufe. Le Gênerai répondit à chaque fois aux Envoyez que délirant conferver la paix , il n'avoir point commande ce qui avoic efte fait. Mais que le fo dar qui avoit bleffe leur homme n'avoit poiit agy contre ion devoir. De forte que li pour leur complaire il vouloit qu'on le cha-ftiaft , fes Capitaines n'y confentiroient jamais 9 parce que l'Indien ne devoit pas entrer fans parler a la fentinellc, ny les Caciques l'envoyer contre les defenfes à heure indue. Qu'ainh , puis q'uen cela il y avoit de leur faute, il falloit oublier tout ce qui s'eftoit paffe , Se faire à l'avenir des choies dans Tordre pour oflcr de part Se d autre tout prétexte de rupture.

Les Envoyez s'en retournèrent fort mal fatisfaits de cette réponfe , Se eiTayerent de porter les Caciques à fe venger fur l'heure du mépris des Efpagnols, mais inutilement ; car les Caciques convinrent de ditïimuler encore quelque temps, Se de chercher avec loin es moyens d'exécuter leur deflein. Cependant parmy les troup s il le trou voit des Capitaines , qui appuyoient les plaintes des Indiens. Q^Tii falloit punir Silveiire , qu'il s'eitoit gouverne indiferetement, 6c que Ion action pour-

roit

roit donner lieu aux Caciques de fe mutiner, Se de prendre les armes contre lesE<[ agnoîs. Si ces difeours que la jaîouiie mettoîî dans la bouche de quclq bes Officiers . n/eufîent efté arrêtez par lespi.i: iage c - iiseji'enc fans doute produit de mechans effets.

CHAPITRE XX.

Treparatifs des Caciques liguez* avec un J- bir-ieme?it du Cbucagua.

Durant ces chofes, les Efpagnols travail-loient fortement aux brigantins, & é-toient favoriiez du Capitaine General d Ànil-co , fans lequel ils ne fuiTent jamais venus a-bout de leur defïein. Ceux qui n eftoient pas employez aux vaifTeaux , cher choient des vivres pour leurs compagnons , & comme ils eftoient alors en Carcfme , ils alloicnt pécher dans le Chucagua. Ils failoient pour cela des hameçons, où après avoir mis de lapait, ils les attachoient à de longues cordes , Se les jet-toient au commencement de la nuit dans le fleuve. Le matin ils les en retiroiuit , 8c y rencontroient ordinairement de fi grands poifTons qu'il y en avoit , dont la telle (ciilc pefoit quarante livres de quinze uleize onces, II. Part. R r

tftf tiiftotre de U Florlâel

Si bien que nos gens eurent dans Aminoîa toutes chofes en abondance. Cependant Quigualtanqui,& les Caciques liguez levoient dts troupes chacun fur leurs terres , Se fe pre-paroient à mettre trente à quarante mille nommes fur pied dans lapenfée de tuer tous les Efpagnols, ou de brûler le bois qu'on avoit amaiTe pour les Caravelles. Ils croyoient par la qu'en îes empêchant de fortir du pays , ils leur feroient une continuelle guerre , & les extermineroient d'autant plus facilement, que nos gens eiloient en petit nombre , qu'ils a-voient peu de chevaux , & avoient perdu un Capitaine tres-brave & tres-experimenté. Les Barbares animez de ces confédérations, fou-ïiaïtoicnt avec impatience le jour qu'ils a-voient arrefté pour donner, & qui véritable-ment eftoit fort proche ; Comme on 1 aprit parles Envoyez du Cacique, qui le trouvant feuls avec des Indiennes qui fervoient quelques officiers EJpagnols, leur dirent qu'elles priflent patience, & que bien-tôt on les defi-vreroit de la fervitudc,ou ces larrons d : E-flranpers les tenoient. Qu'on les alîoit égorger, mettre leurs têtes lur des lances à l'entrée des temples, 5c attacher leurs corps aux plus hauts arbres, pour ertre îaproyedes oîfcanx. A peine les Indiennes eurent-elles apris cela , qu'elles allèrent le découvrir à leursmaiuxes.

Les troupes en font aufïi-tôt averties, & elles fe perfuadent d'autant plus aifément que les Barbares font prefts à les attaquer, que h nuit elles entendent du bruit de l'autre coilé du fleure , & voyaut des feux çà 8c là aux environs. Elles fe préparent donc à fe défendre conrageufement ; mais par bonheur fur ces entrefaites , le Chucagua vint à fe déborder. Il commença environ le dixéme de Mars de l'an» née 1^43- il remplit peu à peu tout fon lit , & incontinent après il fe repandit impétueusement par deiïus les bords , puis par la campagne, qui fut aufïî-tôt inondée, à caufe qu'il n'y avoir ny montagne, ny colline. Et le jour des Rameaux qui efteit cette année-là le 18. de Mars, que les Eipagnols ceîebroient le triomphe de Jesus-Christ dans Jerufaleni y l'eau entra avec violence par les portes d'A-minoia ; Si bien que deux jours après on ne put aller par les rues qu'en batteau. Ce débordement ne parut dans toute fon étendue qu'au le. d'Avril. Il y avoit alors plaiiir de que ce qui eftoit n'agueres une vallc campagne , fuft devenu preique tout à coup une vafte mer. Car l'eau couvroit plus de yingtlieues aux environs, où Ion voyoit feulement quelques uns des plus hauts arbres ; & cela lit rclfouvenir nos gens de la prédiction de fa vieille Indienne a leur entrée dans Ami^ ngfua, l\r z

CHAPITRE XXL

On envoyé vers Anilco.

ACaufe des inondations du Chucagua, les Indiens qui habitent de cofte & d'autre de ce fleuve , fe placent le plus qu'il leur cft poiîiWe fur des éminences, & tnftiilent leur* maifons en cette lorte. lis élèvent en quarre & affez de ^rof^cs poutres en forme de piliiers , fur lesquelles ils mettent plusieurs folives, ce qui tient lieu de plancher. Enliiite ils font le toict qu'ils environnent de gai eries où ils ferrent leurs vivres avec leurs meubles. Ainii ils le garantirent des inondations, qui probablement narrivenr qu'à eau le des pluyes & des neiges de l'Hyver précèdent.

Durant le débordement du fleuve, on embarqua pour la ville d'Anilco qui cft à vingt lieue> d'Aminoia, vingt foldats avec quelques rameurs Indiens en quatre barques, attachées deux a deux de peur qu'elles ne fe rcnverial-fent en pailant, par deffus les arbres qui e-toient dans l'eau. Ils avoient ordre de iureplier le Cacique d'envoyer au General des Çprdages, du goudron & des vieilles mantes.

Livre troiféme. i S9

pour des brigantinSj & eftoient conduits par SilveftrC , auquel comme il le verra toute à l'heure , le Cacique avoit depuis peu obligation , &: c'eitoit auffi dans cette vue qu'on le dépéchoit. Lors que les iujets de Guachoia ravagèrent la ville d'Anilco à la faveur des Espagnols , Silveftre prit un Indien de douze à treize ans, qui efloit fils du Cacique 5 il le mena avec luy par la contrée des Vachers, & le ramena dans la Province d'Aminoia. De forte que le Cacique Anilco aprit que fon fils qu'il avoit tant cherché , efloit avec les troupes. Incontinent donc il l'envoya demander, & Silveftre le luy rendit de bonne grâce > en confidoration de ce qu il failoit pour les E£ pagnols,

Sii veftre & fes compagnons arrivèrent heu-reufement à la ville d'Anilco , & trouvèrent que le Chucagua efloit débordé beaucoup plus loin , & qu'il avoit inondé de ce coité~!à plus de vingt-cinq lieues de pays. Nus gens arrivez, on en donna avis au Cacique, qui fit appeller Ion Lieutenant gênerai, & luy commanda de montrer par fon accueil l'affection qu ils portoient aux Efpagnols, & de leurs fournir ce qu'ils demandoient en faveur de Silveftre , qu'il luy avoit genereufement rendu fon fils. Enfuite il ordonna de faire venir Silveftre tout fcul, & l'alla recevoir hers de

î£0 Hifîoire de ta Floride.

fa maifon. Là après l'avoir embrafle, 5c remercie de l'obligation qu il luy avoit, il le conclu ifït clans Ton appartement, Se ne voulut pas qu'il en fortift , que les compagnons ne rui-fent prefts de s'en retourner. Car Anilco auquel Ton fils fervit d'interprète , sinformoit du Capitaine Elpagnol, des avantures des troupes depuis leur entrée dans le pays. Mais comme il en eut appris le détail , ii fit con-noiftre à Silveftre le déplaifir fenfible qui luy demeuroit des cruautez Je Guachoia contre fes anceftres qui eftoient dans le tombeau. Que bien-tôt ce lalche ne feroit appuyé de perlonne , & qu'on verroit alors à fe reiTentir des indignitez qu'il avoit commife. Anilco montra par là, que l'affection qu'il témoignoit à nos g;-ns , n'eitoit fondée que fur la crainte qu'ils ne favoriiailent encore Guachoia , & ne l'empéchafTent de fe venger des injures qu'il avoit reçues , s ils demeuroient plus long-, temps dans le pays. Pour cette raifon, 8c dans la vite dehafter leur départ, Anilco commanda de leur donner promptement toutes fortes de chofes, Se de leur fournir un vaîffeau avec plufîeurs Indiens , qui les conduiroient Jeurement où ils fouhaitoient d'aller. Comme tcu: fut rreit , il embraffa Silveftre, 5c le pn'a d'affeurer le General de fon amitié , & qu'il ne fe pafleroit rien dont il ne l'avertift. Sil-

veftre aufH-tôt reprit la route d'Aminoia,_ où des qu'il fut arrive , il rendit compte de ion voyage à Moicofo.

CHAPITRE XXII.

Conduite des fffagnets durant le débordement #

avec la nouvelle de la continuation

de la ligue,

LE débordement dura quarante jours , pendant lefquels les Efpagnols fe retirèrent fur de certains lieux élevez, où ils travaillèrent à leurs barques. Mais comme ils manquoîent de charbon pour forcer les ferrures , ils en firent en coupant les teftes des arbres qui paroiiToient hors de Leau. Fran-ci'co Se Garcia Ozorio Cavaliers âlullnes , fe fignalerent en cette rencontre , tant par leur adreffe que par la peine qu'ils prirent à forger Se a calfeutrer j car ils s'y portèrent avec courage , 5c leur exemple ieul excitoit les autres à les imiter.

Tandis quel eau couvrit la Campagne , les gens des Caciques liguez ne parurent point ; parce que fî-tôt qu'ils virent le débordement, ils regagnèrent en diligence leurs mailons , pour lauver ce qu ils y avoient iaiiïe. Ccperu

dant Quigùaîtamjui & les autres Seigneurs , pour mieux cacher leur mauvais delTein , ne laillcrent pas d'envoyer toujours vers le General \ qui fans témoigner qu'il te deiïoi: d'eux avoit loin de fe tenir fur Tes gardes.

Sur îa fin d Avril l'eau diminua peu à peu , & fut autant à baiflèr quelle avoit efté à croi-ftre. Car au \ îngciefme de May, on ne pou-voit encore aller par Aminoia, que les pieds nuds a caufè des taux &r des boues qui eftoient dans les rues. Mais à la tin du mois le fleuve rentra dans ion lit, & les Caciques liguez recommencèrent à ie mettre en campagne , refolus d'exécuter promptement leur entreprile. Cependant le Capitaine d'Aniîco qui en eut avis vint trouver le General, Se hiy déclara toutes choies. Que dans un certain jour qui e&oh proche tous les Caciques en particulier depelcheroient vers luy. Que chaque Envoyé luy devoit parler de tdlt façon , & luy faire un tel prefent. Que les uns arriveraient le matin , Se les autres lur le mi-dy , 8c les derniers fur le ioir. Que cela durerait quatre jours entiers, qu'on achèverait daiTembler les troupes, & qu'au mefme temps on donnerait. Mais que le deffein eftoitd ex-terminer tous les Elpagnols, ou au moins de bruiler leurs vaiiieaux, afin qu'ils ne puf£nt forcir du pays , & qu'on les hit malheureule-

ment perîr peu à peu. II ajoufta que pour e-viter cela, il soffroit à eux de la part de Ton Cacique avec huit mille hommes d élite , à la faveur defquels ils refifteroient aifément à leurs ennemis. Que mefme s'ils defiroient fe retirer fur fes terres, il les y recevroit avec joye. Qu'ils y feroienten toute afleurance, 8c qu'outre qu'on n'oferoit les y venir attaquer, ils prendroient tout à loiiîr leurs mefures 9 pour Tanger méurcment à la conduite qu ils doivent tenir. Moicofo répondit au Capitaine Indien , qu'il avoit obligation à fori Cacique des offres qu'il luy faiioit. Mais que dans la crainte qu'à 1 avenir il ne fuft haï de fes voilins pour l'avoir ouvertement favorite, il 11 acceptoit pas le fecours qu'il luy vou-loit donner. Que d'ailleurs comme il efloit fur fe point de partir pour le Mexique , il le rcmercioit de tout Ton cœur de la retraite qu'il luy offroit. Que pour cette raifon il ne vouloir pas auffi s'engager dans un combat j quoy qu'il duft tout efperer des Indiens qui le feconderoient , & principalement de leur Commandant, dont la valeur luy eftoit connue. Qu'au refte ny luy, ny les autres Espagnols n'oubliroient pas l'obligation qu ils a-VOÎent au Cacique , & que mJme le Roy d'Efpaçne le premier des Princes Chreftiens> auquel ils raconteroient les bons offices qu'il

leur avoit rendus, \\cn perdroît jamais le fou-Tenir , & le recompenferoit de tant de faveurs , ii un jour les Efpagnols retournoient dans ion pays. Enluite le Capitaine Indien prit congé de Môfcolo, qui le prépara genc-reukment à tout ce qui pouvait arriver.

C H A P I T R E XX11 L

Des envoyez, de U ligue , avec les prepafdtifi

des tfpagnoh pour s embarquer.

AU commencement de Juin de Tannée mil cinq cens quarante-trois , les envoyez des Caciques ennemis vinrent au quartier dans le mdme temps, au mefme ordre » Se avec les mefmes preiens que le Capitaine d'Anilco avoit marquez. C eit pourquoy ils furent arreftez par l'ordre du General, oui Commanda de les feparer & de les interroger fur le fujet de la conipiration. Ils avouèrent franchement ce qui ie paffoit, & la manière dont on s'y devoit prendre pour faire réunir l'entreprife. Le General fur leur confeflTion, $c fans attendre qu'ils fanent tous arrivez, fit promptement couper la main droite à trente que l'on tenoit. Ces pauvres gens foufFrirent avec tant de patience leurs maux, qu a peine l'un d'eux avoir fa main coupée , qif un autre prefentoit la tienne fur le billot , ce qui atti-roit la compati on de tout le monde. Ce cha-

'■ftiment rompit la ligue , les ennemis crurent que les Eipagnols eftant avertis de l'entre-prife, fe tiendroient iur leurs gardes. Chaque Cacique s'en retourna donc en fa Province, fortmarry de n'avoir pas exécuté leur defkin. Mais comme ils efioienttous refblus de tenter d'en venir à bout par une autre voye, & qu'ils fe trouvoient plus fort par eau que fur terre , ils convinrentd'amaiTer des troupes Se des batte au m , pour attaquer les Espagnols lors qu'ils -déumdroicnt le long du Meuve. Cependant Moîcolc Se les Capitaines, voyant qu'ils al-loiérit eftre continuellement harcelez, hafte-rent de plus en plus leur travail, achevèrent fept brigantîns ; mais parce qu'ils n'avoient point de doux pour faire l'aîlèmblage du tillac | ils les couvrirent feulement aux deux bouts y Se mirent des aïs au milieu lans les at-r , d'où il fuffifoit d'en lever un pour vuider l'eau du brigantin. Apres ils amailc-rent des vivres, Se demandèrent à Guachoia $c a A'iilco du gros millet, des fruits Se autres chofes de cette forte. lis tuèrent quelques cochons de ceux qu'ils confervoient pour nourrir, & en rderverent feulement une douzaine & demie , au cas qu'ils s'ctabiiilent en quelque endroit prés de la mer. Ils donnèrent aux Caciques leurs amis chacun deux de ces animaux , un Hiafle 5c une femelle ? ils la-

î^ff Hïfloire de U Tlcriâe.

lerent ceux qu'ils avoicnt tuez pour eux , 8c fe Ter dirent de \ç<ir graille au lieu d huile, afin d'adoucir la rai fine , dont ils calfeutroLnt leurs vaiffeaux. Outre cela ii fe fournirent .e petites barques pour oorter trente chevaux qui leur reftoient. Ils ies avoi rit attaches deux à deux, afin que lis cheva eufknt les pieis de devant dans Tune , Se ceux de derrière dans 1 autre. Chaque hrtgantin avoir aufîî en poupe 1 une de a> barques qui luy fervoit de chaloupe. Carmona racontc\$cy , que de cinquante chevaux qui reftoient aux Espagnols, iis en attacheront a des pieux environ vingt qui ne pouvoient plus fervir. Qu'ils leur ouvrirent la veine , & .es laiile-rent feigner jufqu a ce qu'ils moururent. Que pour en conierver la chair, ils la leicherentau Soleil. Que le jour de S. Jt an-Baptifte , ils mirent les brigantins à l'eau, embarquèrent leur chevaux avec le mateiotage, & accommodèrent leurs barques avec des planches 3c des peaux pour fe detïendre des fleiches. Qi'enfuite ils nommèrent les Capitaines qui dévoient commander les vaiifeaux, Se ne longèrent plus qu'à s'embarquer, après avoir dit adieu a Guachoia, Se luy a. oir recommande de vivre en paix avec Ànilco.

Vin du trvijîéa;e Livre.

Î97

LIVRE IV.

DE LA

FLORIDE.

Capitaines des Caravelles. Radeaux des Indiens. Leur combat Jur l'eau. Mort de plufieurs Eipagnols. Leur arrivée à la mer. Leurs avantures jufques a Panuco , avec le réception qu'on ieur fit dans la ville de Mexique.

CHAPITRE I.

Capitaines des Caravelles , avee l'emUn-quement des troupes.

îfi&$ifj O s c o s o s'embarqua dans la pre-«Kj^fe miere caravelle , Alvarado Se Mol-T^jp^ quera dans la féconde , Aniafco & Viedma dans latroilkme. Guî'man & Gaitan commandèrent la quatrième , Tinoco 5c II. Part. S s

Cardeniofa la cinquième, Calderon Se Fraru cilco Ozorio la fixiéme , Se Vega avec Garcia la feptiéme. Chaque caravelle avoit fept raines par banc , & il y avoit dans chacune deux Capitaines ; arin que i\ l'un eftoic obligé à décendre pour faire terre aux ennemis, l'autre demeuraft dans le vaiileau pour donner les ordres neceflaires. Il s'embarqua fous la conduite de ces fameux chefs, environ trois cens cinquante hommes, de plus de mille qui cfioient entrez dans la Floride , & quelque trente Indiens Se Indiennes , de huit c.^s qu'on avoit emmenez de diverfes contrées dans la Province des Vachers. Comme ces pauvres gens eftoient efloignez de leur pays, Se qu'ils portoient une arïection particulière aux Efpagnols, ils ne les voulurenr jamais quitter , témoignant qu'ils aymoient mieux mourir avec eux, que de vivre hors du îieu de leur naifTance. Les Efraçnols les emmenèrent donc , dans la penfee qu'après en avoir tiré de fort bons fervices, il y auroit de l'ingratitude à les abandonner, Se ils navige-rent à voile Se à rame le foir de la fefte iaint Pierre 8e ïaint Paul. Mais ce fut un jour fatal pour eux3 parce que fortarit de la Floride, ils perdirent le fruit de tous leurs travaux. Ils ramèrent tous excepté les Capitaines , qui avoient foin de les rafraîchir d heure en

heure , Se coftoyerent durant une nuit Se un j our toute la Province de Guachoia, fans que l'ennemy les vînii harceler. Si bien qu'ils s'imaginèrent qu'à la confîderation du Cacique de cette contrée qui les aimoit, on ne les avoi't point attaqués, ou que les Barbares jugeant du uiccer de leur entreprife par le cours de la Lune , avoient obfervé qu'alors ils ne dévoient pas combattre. Mais le fécond jour leur flotte parut au matin. -Elle eftoit de plus de mille batteaux, les plus grands & les meilleurs qu'on euft vus dans la Floride ; c'eft pourquoy j'en diray quelque choie , après que j'auray parlé des barques 5c des radeaux* dont les Indiens ie fervent pour pafTer les fleuves.

CHAPITRE II. Marques & radeaux des Indiens.

LEs peuples du nouveau monde qui habitent dans les Mes 8c dans les lieux prés de la mer, font leurs barques grandes ou petites, conformément à la commodité du bois qu'ils ont. Ils cherchent les plus gros arbres qu'ils •nt trouver, ils les creufent en forme d auge , 3c en confhruifcnt leur batteau tout

Ss i.

aco Ei/tcire de la Floride.

d'une pièce. Car ils n'ont pas encore 1 invention , ny d'aifembler des planches avec des cloux , ny de faire les voiles. Ils ne fçavent auiTi ce que c eft de forger, & de calfeutrer. Si bien Que dans les endroits où ils ne fe ren-contre point d'arbres propres pour les barques ; comme en toute la coite du Pérou, les Indiens font des radeaux d'un bois fort légère,, qu'ils trouvent dans les Provinces voiiines de Quito , Se qu'on emmené de là furies rivières. les plus marchandes du pais. Ces radeaux font compofez de cinq folives attachées les unes aux autres^dont la plus longue efl celle du milieu s les autres vont toujours en diminuant atin de mieux coupper l'eau. Je me fouviens d'avoirpafîe du temps des Incas fur ces fortes de radeaux qui eftoient alors en ufage. Les Indiens en font encore d'autres en cette manière, lis prennent une quantité de joncs qu'ils lient très-fortement , Se qu'ils élèvent fur le devant en forme de prouëpour mieux fendre l'eau. Puis ils les elargiiTent peu à peu Si de telle façon qu'ils y placent aifement un homme , ou quelqu autres charges. Et lors qu'ils traverfent quelque rivière rapide , ils couchent dans le radeau la perfonne qu'ils paf-fent , 8c ravertiifent de fe tenir ferme aux cordes ; Se fur tout de ne point ouvrir les yeux. J'eftoii encore fort jeune , que je pailay un

Jour de la forte une rivière extrêmement violente, mais comme l'Indien qui conduifoit le radeau m'euft averty de fermer tes yeux, il me prie une telle frayeur, que fi le Ciel fuft tombe , ou que la terre fe fufl entre-ouverte, je n'eulle pas craint d'avantage. Néanmoins lors que je me fus un peu remis, Se que je ientis que nous eflions à peu prez au milieu du fleuve, je ne me pus défendre de la tentation de le voir. Je me levé donc tant lbit peu, Se je regarde l'eau. Mais il me fembla que je tomboîs des nues • parce que la rapidité de l'eau , 5c la viteiTe dont le radeau fendoit le fleuve, m'avoient fait tourner la tefte. Tellement que je refermay les yeux , Se avoùay qu'on avertilToit avec raifon les palTans de ne les pas ouvrir. Un Indien feul gouverne le radeau. Il fe met au bout de la poupe, jambe de ça jambe de là , il *è couche lur l'eito-Hiach ,. rame des pieds Se des mains, & fe laiiTe aller au fil de l'eau juîqu a l'autre bord-Les habitans du Pérou font encore des radeaux d'une manière différente de ceux-là» Ils attachent enfemble plufieurs calebaces en quarré de la longueur de quatre à cinq pieds, -plus ou moins félon quils en ont affaire ; Se mettent au devant de cette ailemblage une tf-pece de poitrail, ou dés que le batelier a mis-la telle, il le jette dans l'eau > Se nage ayee f*

S' 3

charge jufqu'à l'autre bord de la rivière, ou du golre qu'il traverfe , mtfme s'il eft befoin il a des gens qui pouffent par derrière. Mais lors que les Meuves fe trouvent remplis d'ecueils, qu'ils n'ont ny entrée ny fortie, & font iî rapides , qu'on ne les peut traverfer avec des rsdeauxj les Indiens partent d'un bord à l'autre du fleuve un gros cable qu'ils attachent à des rochers ou à des arbres. Ce cable pafTe à travers une grande corbeille , à laquelle il y a une anfe de bois. Cette corbeille coule le long du cable,& peut aiiement tenir trois ou quatre perfennes. Elle aune corde d'un cafté 3c une corde de l'autre,avec quoy on U tire à l'un,ou à 1 autre bord.Mais parce que le cable eftlongt & qu'il baiife vers le milieu,on Jaifle aller doucement la corbeille juiques-Ja. Enluire comme îe cable remonte peu à peu,on ladre prompte-ment à force de bras. Il y a des ge^$ aux partages des rivières qui ont ordre de cela , Se les voyageurs melmes qui ie mettent dans ces corbeilles prennent fouven: le cable avec les mains & s'aydent à palier. Je me fouviens d'avoir traveiTé à l'âge de dix ans une rivière deux ou trois fois dans ces lortes de corbeilles*. fie qu'on me portoit par le chemin fur les épaules, on ne paîTe dans ces corbeilles que ks. perfonnes & le menu bcilail, le gros eft trop pelant. Au relie les endroits où le trouvent

ces corbeilles, ne font point des pafïages de grands chemins, & mefme Tonne tra. erfe de la forte les rivières qu'au Pérou. Car dans la Floride , où il le rencontre de fort gros arbres , les habkans font de très-belles barques,. & pafîent aiiemcnt les fleuves,

CHAPITRE III.

Va ifc aux de la flotte des Caciques liguez*.

JE reviens à la flotte des ennemis. La grandeur de quelques-uns de leurs vaiiieaux far-prit les Elpagnols-. Car ils en apperceurent de vingt-cinq rames par banc, qui avoient chacun environ trente foldats y fans compter plu-tieurs rameurs armez de flèches. De forte que dans quelques batteaux y il y pou voit avoir jufques à Joixante quinze , ou quatre-vingts hommes de combat. Mais dans les autres il n'y avoit pas tant de monde , parce qu'ils diminuoitnt toujours de grandeur. Les moindres eftoient de quatorze rames par banc , & tous foit grands ou petits, chacun-d'une feule pièce. Leurs rames paroifToient très-proprement faites, elles avoient de longueur environ unebraiîe, dont laplulpart entrait dans l'eau a & lors que l'un de ce> vaif.

féaux alloit de toure fa force, un cheval pouffé à toute bride , euft eu de la peine à gagner les devans. Mais ce qui efl aflez remarquable les ennemis chantoientdiverieschanfons, qui félon la nature de leur air trifte ou gay, les faifoient ramer enfemble en tres-bon ordre , doucement , ou diligemment , comme il eftoit alors necelTaire. Ces chanfons conte-noient les actions héroïques de leurs anceftres, Si bien qu'excitez par le fou venir de ces choses., ils fe portoient avec courage au combat^ & ne fongeoîent qu'à remporter la victoire. Et ce qui mérite encore deftre conliderc, les batteaux de la flotte eftoient peints par dedans Se par dehors, de jaune ou de bleu , de blanc ou de verd , de rouge ou de quelqu'autre couleur , félon la phantaiiie de celuy à qui !s vailiau appartenoit. Les rames mefmes 8c les plumes que les fbiéats portoient fur la tefte , leurs bonnets auiTi-bien que leurs arcs, & leurs flèches eftoient delà couleur du vaiileau. Si bien que le fleuve eftant fort large, 5e les ennemis pouvant aifément s'eftendre , il n'y avoit rien de plus beau à voir que cette flotte , à caufe de la diveriité des couleurs des batteaux, Se de l'ordre dans lequel les Indiens, ramoient. Ils parurent en cet eftat le fécond jour fur le midy à la queue des Eipagnols, pour montrer leur puuîance avec h bcautc

de leur armée , Se ils s'encourageoient par des chanfons au combat. On fçût par le moyen des truchemens, que dans ces chanfons ils appelloient nos gens lâches, leur diiant qu^ils fuyoient in-utilement. Que puis qu'ils n'a* voient pas efté la proye des chiens for la terre , ils ne manqueroient pas d'eftre dévorer dans l'eau par les monftres marins. Qu'enfin les peuples du pays feroient bien-toft délivrez d'une troupe de brigands, & chofes fembla-blés. Et au bout de lachanion ils jettoient de grands cris , qui faifeient tout retentir aux environs. *

CHAPÎTR E IV.

Combat des Indiens fur l'eau,

LOrs que les ennemis eurent efté quelque temps à nous fuivre pour nous reconnoi-ftre , ils feparerent leur flotte en trois corps, Les troupes de Qiiigualtanqui fe mirent à la tefte ; mais on ne put véritablement fçavoir-s'il les commandoit luy meime encore qu'on t'entendift louvent nommer dans les chanfons des Barbares. Enfuite tous les vaifleaux de la flotte s'avancèrent à la droite vers le bord du fleuve & gagnèrent les devans. Ceux du pre-

mier corps attaquent aufïutoft nos caravelles , Se traverfant à l'autre bord de la rivière „ ils les couvrent de flèches , de forte qu'il y eut plufieurs Espagnols de bleflèz. Ce premier corps ne fut pas piùtoft à la gauche qu'il reparte & vient reprendre ion porte, s'avançant néanmoins toujours au delà des caravelles. Le fécond corps qui traverfe après ayant donne de furie, retourne à la droite Se fe met à la teftedes premiers. Le troifiéme pafTe de la mefme forte , 5c ayant fait pleuvoir une quantité de flèches fur nos foldats,, il rejoint ceux de fon party 5c vient fe porter au devant du fécond corps. Cependant comme nos caravelles ne lauToîënt pas de ramer j elles arrivèrent à l'endroit des Barbares qui les avoient attaqué les pi-emiers,6c qui commencèrent à les charger de la mefme forte ou'auparvant. Les autres donnèrent auffi chacun à leur rang & à leur manière accourtumée, 5c fatiguèrent tout le jour les Efpagnols. La nuit mefme ils les tourmentèrent, nuis non pas avec tant d'opiniartreté, car ils ne rirent que deux attaques ; la première , un peu avant le Soleil couché, & l'autre avant la pointe du jour. Nos gens de leur corté fe dépendirent fort bien en cette rencontre. Ils mirent d'abord des foldats dans les barques où eftoient leurs chevaux, afin que fi les Barbares s'en appro*

Choient , on les puft repoûflèr Se empefcher les chevaux- d'eftre tuez, Mais comme les Indiens riroient de loin , Se que les Eipagnois qui eftoient dans les Barques fe trouvoient

incommodez > ils regagnèrent les caravelles &■ abandonnèrent les chevaux qui eftoient à couvert de méchantes peaux Se de quelques boucliers. C'eft pourquoy durant dix jours & dix nuits de combat, tous ces chevaux périrent à la referve de huit ; & nos gens furent tous bleiTez nonobstant leurs boucliers , Se toute- la rehftance qu'ils purent faire, ils n'a-voient alors pour armes à combattre de lom que des arbaleftres ; car de leurs moufquets on avoit fait des doux. D'ailleurs ils n'a-voient pas tout à fait l'adi-ciTe de s'en fer-vir , & depuis la bataille de Mauviîa , ils manquoient de poudre*

CHAPITRE V, ÀvAntures des ifpAgnols*

A

Près dix jours de combat, les ennemis _ s'éloignèrent des caravelles d'un peu plus de demy-licuë. Cependant les Efpagnols Continuèrent de ramer , 3c découvrirent à quelque'trois cens pas de la rivière un village

d'environ quatre-vingts maifons. Comme alors ils crurent qu'ils avoient fait deux cens lieues, àcaufe que le fleuve ne détournoit de coftény d'autre, Se quainfi ils étoientprés de la mer, ils refolurentque pour s'embarquer , il falloit envoyer chercher des vivres dans le village. Le General fit donc prendre terre à cent hommes fous la conduite de Siiveftre> avec ordre d'aller dans ce bourg quérir du -gros millet, Se d'y mener les chevaux pour les rafraîchir , Se pour combattre en cas de bdoin. Ces ioldats descendirent aulîi-tôt$ mais à peine les habitans les apperçûrent-ils, qu'ils prirent la fuite , fe rc : pandirent par la campagne , 8e faifant tout retentir de leurs cris, demandèrent iecours de tous les cotez» Sur ces entrefaites le party arrive au village , où ils trouvent une quantité de millet, de fruits iecs , plufieors peaux de chameaux diversement teintes, avec des mantes dedirle-rentes peaux très-bien préparées, Se une pie-ce de martre d'environ huit aunes de long (tir trois tiers de large. Cette pièce ctoit double, femblable des deux cotez ,' Se garnie par endroits de houppes de femence de perles. On crut qu'elle fervoitd'ctendartaux Indiens dans leurs feftes ; car félon les apparences, elle ne pouvoit eftre deftinée à un autre ula-ge. Silveftre qui là trouva belle la prit pour

luy,

Lfare quatrième. lof

!uy, Se Tes Compagnons fe chargèrent tous , ■les uns de millet Se de fruit, 8c les autres de peaux de chamois. Après , ils retournèrent promptement aux caravelles, où les trompettes les appelloicnt $ parce qu'une partie des Indiens de la flotte attirez par les cris des habitans du village avoient pris terre, s'é-toient joints a eux, Se s'avançoient de furie tous eniemble pour donner combat. Mais quelque diligence que fùTent nos gens pour regagner les brigantins, ils furent obligez d'abandonner leurs chevaux ; carie péril où ils le voyoient les empêcha de les embar-quer.Et ians doute il ne fe fufl fauve aucun fol* dat du party, fi les Indiens eufTent feulement vancé cent pas davantage. C'eft pourquoy tous furieux de voir nos gens échappez , ils tournent leur rage contre les chevaux, ils leur abbattent le licou , les defcellent, les font courir à travers champ & tirent fur tux , juiqu'à ce qu'ils les ayent tous tuez. Ainil peric le refte de 350. chevaux qui citaient E z dans la Floride. Les Edpagnols en :t d'autant plus de douleur qu ils ! es virent malneureufement mourir. Mais conil-derant qu ils ne les pouvoient garentir de la furie des Barbares , & que Silvcflre avec fcs compagnons s'en efloit heureufement fauve, ils côtinuerent leur navigation à toutes voiles. II. Part. T t

CHAPITRE VI.

StratAgefme des Indiens , fr témérité d'un Efpagnot.

LEs Indiens defefperant de venir about de leur defTein , parce que les Efpagnoîs voguoient en bon ordre , ils eurent recours aux rtifes. Ils s'arrefterent donc Se feîrmirent d'abandonner la pourfuite des caravelles. Ils croyoient que lors que nos gens ne les ver-roient plus à leur queue, les vaifTeaux s'écarte-roient les uns des autres, 3c qu'alors ils fon-droient deflus Se les mettroient en déroute ; la choie arriva en partie commeîls s'eftoient imaginé. Une des caravelles fortit hors des rangs, &: demeura quelque temps derrière les autres. Les Indiens auffi-toft s'avancent de furie, attaquent cette caravelle, Se tafehent de s'en rendre maîtres. Les autres vaiffeaux qui re-connonTent le danger où elle eftoit, remontent à force de rames contre le fil de l'eau pour la fecourir. Ils trouvent leurs gens preiîcz , qui le defendoient à coups d'épéc, & n'avaient pu empêcher quelques Barbares de kuter dans la caravelle. PJufieurs mcfmc des ennemis f en eftoient déjà faili > mais à

la venue du fecours ils fe retirèrent après la perte de trente des leurs, & emmenèrent une barque où il y avoit cinq cochons, qu'on refervoit pour nourrir en cas qu'on fit quelque habitation. LesEfpagnols remercièrent Dieu de n'avoir perdu que cette barque qui cftoit à la poupe d'un brigantin, & depuis ils eurent foin de marcher en tres-bon ordre* Cependant-les Indiens ne laifferent pas de les fuivre, efperant toujours qu'il y en auroitqux abandonner oient leur rang. Ils ne furent pas trompes dans leur créance. Eflienne Agnez qui avoit l'air 5c la force d'un gros payfan , ic qui s'eftoit rencontré dans tous les combats, fans que par bonheur pour lui il y euft été bleiTe •> voulut comme il eftoit téméraire, entreprendre une choie qui le fift paroiltre i car julqu'a'ors \\ n'avoir rien exécuté de con-fiderablc. Il descendit donc de fa caravelle dans la barque qui eftott à la poupe, Tous prétexte d'aller parler au General quiavançoit à h. telle. Agncz rut accompagné de cinq jeunes Efpagjiols, qu 1! avoir gagnez fur 1 uperance d'acquérir de la gloire par une acrion hardie. Le rils naturel de Don Carlos Henriquez é-tvi: de ce nombre. 11 avoit environ vingt ans, il eftoit très-beau de viiage , &r très-bien fait de la perfonne ; d'ailleurs i\ brave & ii vertueux , qu'on jugeoit facilement de qui il Tt a

eftoit ne. Comme ce Cavalier Se Tes compagnons furent dans la barque, ils s'éloignent de leur caravelle, rament droit aux Indiens, les attaquent criant, donnons, ils fuyent. Le General qui connut cette témérité fit en diligence Tonner la retraite, & les rappeller à grands cris. Mais Agnez s'opiniaftroit de plus en plus , Se faifoit ligne qu'on avançait. Mofcoib irrité de cette defobeïflance commande à quarante Efpagnols de prendre des barques, Se de luy amener cet écervellé. II avoit refoîu fi-tôt qu'il l'auroit de le faire pendre 3 mais il eufl efté plus à propos de n'envoyer perfontie après, Se de le laiflèt malheu-îçufement périr. Si-tôt qu6 le General euft donné les ordres , quarante Efpagnols kuterent dans trois barques fous la conduite de Guiman, qui fut luivy de Juan de Vega , frère d'un autre de mefme nom quicomman-doit une caravelle. Ces barques rament auiïî-toftde toutes leurs forces après celle d'Agnez. Cependant les Indiens qui les conlideroient avancer vers eux à la queue de celle d'Agnez, i e retirèrent doucement pour les éloigner davantage des caravelles. Agnez qui voit reculer les ennemis, s'encourage, s'en approche & crie plus fort qu'auparavant, donnons, ils fuyent. Les autres barques qui l'entendent, fc haftent de plus en plus de l'atteindre > ou

pour l'empêcher de Te perdre , ou pour le recourir en cas de befoin. Comme les Indiens k-s virent près d'eux, ils s'ouvrirent en forme de croisant, & le reculèrent peu à peu pour les obliger de s'avancer davantage. Et lors qu'ils connurent que ces barques eftoient af-Icz engagées, ils les attaquent avec fureur, les prennent en flanc & les renverfent toutes dans l'eau. De forte que de cinquante-deux Eipagnols qui eftoient dedans, il n'en échappa que Moron , Nieto, Coles 8c Terron, les autres furent tous noyez ou aflbmmez à grands coups de rames fur la tefte. Moron (gui eiïoit un grand nageur & fort adroit à gouverner un vailTeau , regagna heureufe-rnent fa barque. Il y tira prefque au mefme temps Nieto , qui la défendit feul vaillamment contre les Barbares, tandis que Moron s'eitorçoit de la conduire. Mais ces braves foldats nonobftant leur valeur & leur adrefïe, eulTent enmi fuccombé fous lefîbrt des ennemis , fi la caravelle de Guiman qui s'eftoit a-vancée à la tefte des autres qui venoient au fecours , ne les euft dérobez à la furie de» Barbares. Cette mefme caravelle fauva Terron • mais il ne fut pas plutôt hors de périt qu'il expira entre les bras de ceux qui l'a-voient tiré dans le vailTeau. Il avoit tant a la tefte qu'au viiage,au cou & aux épaules plus

de cinquante flèches. Coles de qui j'ay pris une partie de cette relation, dit, qu'il échappa après avoir reçu deux coups de flèches, & que les Efpagnols qui périrent en cette occafion eftotent pour la plufpart Gentils-hommes, £: des plus vaillans des troupes. Maicofo en fut auiu touche tres-fenlîblement. Ncan-moins tans perdre cœur, il rafTembfa en diligence Tes caravelles, 3c continua la navigation en tres-bon ordre.

CHAPITRE VII.

fjtour des Indiens dans Uurfays , O" Arrivée des Effxgnels a la mer.

LEs Indiens enfuite de cette défaite , harcelèrent les EfpagHols le refte du jour 5c *ou:e la nuit filtrante , c c e an lever du Soleil , après avoir jette de grands cris, & hit tout retentir du bruit de leurs inftrumens , pour remercier cet Aftrs de la victoire quils a-voient remportée, ils abandonnèrent la pour-fuite des caravelles , & Je retirèrent pleins de joyc dans leurs pays. Car ils en eftoîent éloignez , & avoient luivy nos gens quatre cens lieues , lans leur donner ny jour, ny nrât un feul moment de, repos. Du-

ranfc*cette longue traite, ils nommèrent toù-jours Quiguaitanqui dans leurs chardons , 5e ne parlèrent daucun autre , leurdeiTL-iu citant de faire connoiftre à nos geins que c'eftoit ee Prince qui leur falloir \à guerre. Auiii quand les Efpagnols furent arrivez ait Mexique , Se que Mendoça qui en eftoit Y i-ceroy euft apris les maux que Qutguatfarîqitt leur avoir faits, il les eu rallia & loiiott ce Cacique d'un air qui marquoit ?nue c eftoit rour les jouer.

Comme nos gens eurent reconnu que les Indiens n'eftoient plus à leur queue , ils cru-tTautanC plus facilement qu'ils appro-choient de la mer, que le Chucaeua commen-çoit à avoir environ quinze lieues de large , ii bien qu'on ne décoiïtroit la terre çje codé ny d autre. On voyoit kulement vers l'un de- bords de ce fleuve une quantité de joncs fc , qu'il fembioit que ce fuilent des arbres , &: pjut-eftre que ia vûë ne le trompoit pas. Mais on ne s'en voulut point éciaircir davantage de peur que quittant le fil de l'eau on n'allait donner dans quelques ccueil, Se d'ailleurs | ; ne Iç-avoit encore li l'on

eftoit en mer, ou bien iurle Chucagua. Dans C incertitude nos gens voguèrent trois

jours : eulement j & lequatrime au

matin ils recorjaurent tout à fait la nier, $c

zi(î Hifioire de it Floridel

virent a leur gauche une quantité d'arbres e*-taiîcz l'un lur l'autre , que le fleuve lors que la marée efloithaute portoit a la mer, 8c cet amas de bois paroiiToit une grande Ifle. A de-mv-lieuë de là, il y avoit une Ifle delertc Semblable à celles que font les grandes rivières à leurs embouchures y ainti" lesEipagnols ne doutèrent plus qu ils ne fuflent fur mer. Mais parce qu'ils ne içavoient à combien ils pouvoient eftre éloignez du Mexique , ils résolurent avant que de paiTer outre de viiiter leurs brigantfns. Comme ils virent qu ils n'a-voient beioin d'eftre ny calfeutrez ny radoubez , ils tuèrent dix cochons qui leur refloieur, & furent trois jours à fe rafraîchir. Car ils eftoient abbatus de fatigues Se de ibmmeil, à eaufe des attardes continuelles, que les Barbares leur avoient données tontes les nuits. Pour cette meime railon on n'a pu aulli iça-voir precifement le nombre des lieuè'i, que les Efpagnols firent en dix-neuf jours entiers-8c vingt nuits de navigation furie Chucagua, julques à leur arrivée à la mer. En erret, lors, quon s'entretint de cela au Mexique devant des perfonnes capables d en juger, les uns di-foient que les Chrétiens avoient fait en un jour 8c une nuit 20. lieues, les autres irente» pludeurs quarante , 5c quelques uns davantage. Mais al* iiii ou convint de vingt-cinq

lîcues tant le jour que la nuit,parce que les bii-gantins avoient eu le venc favorable , 5c vogué à voiles Se à rames. Sur ce pied Ton trouva que depuis leur embarquement jufques à la mer , ils av r oient environ cinq cens lieues. Coles en conte quelques fept cens, mais Ton fentiment efl particulier.

CHAPITRE VIII.

Xe nombre des lieues que Les ^ r fArnols firent

dans Li Fleride , & un Cor, kit contre

les Indiens de la Cofte.

LEs Espagnols pénétrèrent dans la Fonde , jufques aux fontaines où le Chucagua prend fa fource. Ce fleuve depuis Aminoia où fe fit d'abord rembarquement à remonter jufques à ces fontaines, cft de trois cens lieues > & de cette Province à la mer , de cinq cens ; de forte qu'il s'étend l'cfnace de huit cens lieues que nos gens firent toutes entières.

Durant les trois jours que les Efpagnols fe. rafraichiffoient, ils virent le dernier jour lur le midy (unir d'un endroit remply de joncs , fept batteauxqui 1 avancèrent vers eux. Il y avoit dans le premier un fort grand & fore noir Indien , d un air tout di&rcnt de ceux

qui habitent au cœur du pays. Les Barbares de la cotte font noirs de la forte , à cauiè que le Soleil y eft plus ardent qu'ailleurs, & qu'ils font continuellement dans l'eau qui eft fallée; car la terre eftant feiche & fterile , il faut quilspefchent pour fubfifter. Comme l'Indien fe fut aflez approché des caravelles, il fe plaça à la proue de ion vaiiTeau, & félon que les truchemens l'aflurerent, il dit d'un ton plein de fierté aux Efpagnols qu'ils eftoient des brigands. Qu'efUce qu'ils venoient chercher fur la cofte y Se qu'ils en fortifient en diligence par une des bouches de Chuca-gua ; qu'autrement il brufleroit leurs brî-gantins, 8c les feroit tous périr malheureufe-ment. Ce Barbare fans attendre de réponfc retourna d'où ii eftoit venu. Cependant les Efpagnols faifant réflexion fur les menaces de cet Indien, & fur ce qu'il envoyoic à tous momens des batteaux les reconnoiftre, ils re-folurent de l'attaquer de crainte qu'à la faveur de la nuit il ne vinftles charger , & mettre le feu aux caravelles, ce qui luy auroir reu'îl plus aifément que de jour , àcaufe de l'avantage qu'il avoit de mieux c onnoiftre la mer que nos gens. Cent hommes entrerentdonc ÎUiS cinq barques , fous la conduite de Nieto &r de Silveftre , Se allèrent chercher les Barbares. Ui en trouTerenc un grand nombre

portez derrière des joncs, avec de bons bat-teaux équippez de toutes chofes. Néanmoins fans s'eftonner ils les in vendirent* donnèrent deflus, en blefTerent plusieurs, en tuèrent dix ou douze , 8c mirent le refte en déroute. Mais la plufpart d'entre eux furent maltraitez , fur tout Nieto & Silveftre. Il y eut aufîi un foliat qui eut la cuilTe percée d'outre-en outre d'un coup de dard , d'environ une brafle de long, que les Indiens tirent avec tant de force qu'ils percent de part en part un homme armé d'une cofte de maille. Le foldat Efpagnol mourut du coup qu'il avoit reçu, parce qu'on luy fit une trop grande incillon pour tirer la pointe du dard, & il eut prefque autant à fe plaindre de nos gens qui le panfoient, que des Barbares qui l'avoient bleiTé.

CHAPITRE IX.

Navigation des Espagnols & Iturs avanturcsi

AVant que de venir au détail de la navigation des Eipagnols, il faut dire la manière dont les Indiens relèvent leurs batteaux quand ils fe renverfent, foitdans la pefche ou dans un combat. Lors que ces Barbares qui

font tres-robuftes & tres-excellens nageurs , voyent un 4c leurs vaiiTeaux lâns deflus def-ious , ils le mettent dix ou douze , plus ou moins après, Se le retournent. Mais parce qu'alors il eft plein dtau, ils luy donnent tous enlembîe lî adroitement trois ou quatre fecouilcs, qu a la dernière ils le vuident tout à fait 8c rentrent dedans. Les Espagnols admirèrent cette promptitude des Indiens à o-fter l'eau des barques, & eilayerent inutile» ment de les imiter.

Lors que nos gens qui avoient eflc attaquer les ennemis eurent rejoint les caravelles, iis s'embarquèrent de crainte de quelque malheur , & allèrent à voile & à rame vers llfle delerte qu'ils avoient vûë aux environs de 1 embouchure de Chucagua. Comme ils y furent abordez , ils mirent pied à terre , ils le promenèrent par tout & n'y trouvèrent rîeri de remarquable. Après ils k retirèrent à leurs caravelles où ils paflerent la nuit, fe le lendemain dés la pointe du jour ils levèrent l'ancre. Un cable le rompit, & il fe perdit une ancre , parce qu'elle n'avoit point de liège. Mais dans la neceflité où ils eftoient de cette ancre, leurs plus excellens nageurs fejet-terent dans l'eau , ou quelque peine qu'ils priiTent, ils ne la trouvèrent qu'environ trois heures après midy. Alors ils le mirent a la

voile

Yoile fans ofer aller en pleine mer; car ils ne fçavoient ny l'endroit où ils eftoient , ny mefme leur route. Perfuadez néanmoins que s'ils rafoient la coïte vers le Couchant , ils ar-riveroient heureufement au Mexique , ils na-vigerent le refte du jour, la nuit fui vante, Se le lendemain jufque fur le foir, & ■ trouvèrent durant cette traître de l'eau douce> s'eiton-nant que le Chucagua allaft fi loin dans la mer. Enfuite Aniaico prit un Aftrolabe s wafc parce qu'il n'y a voit ny boufïble ny car-te marine ; il rit d'une règle une bouflole Se d'un parchemin une carte marine, Se l'on le gouverna avec cela le mieux que l'on put. Les Matelots qui fçavoient qu'Aniafco n'a-voit pas une grande connoiiTance des choies de la mer, Te mocquerent de luy, Se il jetta de dépit carte 3c bouflole dans l'eau. Le bri-gantin.qui fuivoit les ratrappa, & l'on vogua encore iept ou huit jours, jufques à ce que l'orage força de cagner un petit abry. Après comme le temps fe changea, nos gens navigerent quinze jours & firent aiguade cinq ou fix fois, d'autant qu'ils n'avoient que de petites cruches pour mettre de l'eau. A caufe de cela autïi ; Se parce qu'ils n'avoient .s choies neceflaircs à la navigation, ils n'oferent prendre la traverle pour aller aux Ifljs ny s'éloigner beaucoup de la terre. 11. Part. " Vv

Ajouftez que comme de trois jours l'un ,3 falloir qu'ils fe rafraichifTent, Se qu'aflez fou-vent ils ne trouvoient ny fontaine, ny rivière ; ils creuloient deux pieds dans terre à dix ou douze pas de la mer Se rencontroienc une quantité d'eau douce. Enfin , au bout de ces quinze jours, ils arrivèrent à cinq ou fix petites Mes, remplies prcfque d'une infinité d'oifeaux de mer, qui faiioient leur nid en terre. Us fe chargent de ces oifeaux Se de leurs œufs , Se retournèrent aux caravelles. Mais ces oifeaux eftoient fi gras que l'on n'en pouvoit manger, Se ils fentoient un gouit de marine. Le jour d'après on alla mouiller à une plage qui eftoit fort agréable, à caufe d'une multitude de grands arbres efloîgnez les uns des autres, qui failoient u'ne très-belle foreft. Au mefme temps, des foîdats dèicen-dirent pour aller pefchtr au rivage , Se trouvèrent plufieurs ais de goudron que la mer avoit pouifez au bord & qui pefoient les uns huit , les autres dix , Se quelques uns treize à quatorze livres. JLes Espagnols réjouis d'avoir trouvé ce goudron , à caufe que leurs caravelles faifoient eau les réparèrent toutes. Chaque jour à force de bras ils en tiroienr une à terre , ils la carfeutroient &: la rci toient le foir en mer. Mais afin que le goudron qui cûoic icc coulaft plus facilcnrjn:,

îîs le méîoîent avec de la greiTe de porc, ay-mant mieux l'employer à cet ufage que de la manger , parce que leur vie dépendent de leurs vaifTeaux.

Durant huit jours que les Efpagnoîs Te rafraîchirent dans cette-plage, ils furent trois fois vï-fitez par des Indiens armez d'arcs Se de flèches , & ils en reçurent chaque fois du gros millet. Pour les reconnoiftre de cette faveur nos gens leur rirent prefent de peau de chamois , Se enfuite ils lortirent de cette plage fans s'informer feulement du nom de la contrée , tant ils eitoient fortement préoccupez du deflein d'arriver au Mexique. Ils navige-rent pendant leur route terre à terre, de peur que le vent de Nort qui règne dans toute la cofte , ne les poufTaft en haute mer. Cependant les unss'arrefterent quelquefois deux ou trois jours à pefcher , parce qu'il ne leur re-ftoit pour lubiifter que du gros millet, Se les autres dépendirent de leurs caravelles, & al* lerent chercher des vivres. Ils fe gouvernèrent de la lorte treize jours , Se rirent plulieurs lieues lans qu'ils en pulTent dire pofîtivement le nombre. Car ils n'y avoient fait aucune reflexion, Se n'avoient fongéqu à aborder au fleuve de Palmas, dont ils croyoient n'eflre pas fort loin, cette penfée toute feule les en* courageoit à fouf&ir leurs maux.

Vva

**4 Hiftolre de U Floride^

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CHAPITRE X.

Avanture de deux caravelles.

IL y avoit trente jours que les Efpagnofe eftoient en mer, lors que fur le foir il fc leva un vent de Nort qui força cinq caravelles de s'approcher plus prés de la terre. Cependant l'air fe trouble, le vent s'augmente , & il s'excite un orage furieux. La caravelle de Gaitan Se celle d Alvarado & de Mofquera , qui s'eftoient tenues trop au large , furent cruellement battu de cette tempefte , 5c crurent périr. Sur tout le brigantin de Gaitan faillit à taire naufrage d'un coup de venr, qui fit fauter Je maff. j de forte que ces deux vaii-feaux fe virent en un état déplorable toute la nuit, & prefque aum" tout le jour fuivant, parce que iur le midy ils penferent e-ôre fub-mergez. Et alors appercevant les cinq caravelles qui avoient gagné l'embouchure d'un fleuve quelles montoient , ils tâchèrent trois heures entières à les joindre , mais leurs efforts furent inutiles. Le vent efloit trop impétueux, Se le danger augmentoit de moment à autre. C'ef} pourquoy lans s opinia-ïrer d'avantage y ils allèrent à la bouline le

îe long de la cofte vers le Couchant, fur Tek perance de Te tirer du péril qui les menaçoit. Comme ils eftoient prefque tout nuds, & que les vagues entroient dans les brigantins , ils le trouvoient en grand hazard de perdre la vie. Ils travaiiloient aufli avec ardeur pour fe fauver -, les uns plioient les voiles, les autres vuidoientSe gouvernoientles caravelles, & tout cela fans manger , ny repofer tant la crainte de la mort eftoit prefente à leur yeux* Enfin , après avoir efté 26". heures agitez de cette forte, ils découvrirent encore un peu avant la nuit deux coftes $ l'une blanche à leur droite, & l'autre fort noire à leur gauche. Alors un jeune garçon du brigantin d'Alva-rado, dit, qu'il avoit navigé vers cette code noire fans qu'il en lceuft le nom. Quelle é toit couverte de pierres à fulil , & s'eften-doit iufqu'aux environs de Vera-Crus. Que s'ils tournoient leurs vailTeaux vers cette côte , infailliblement ils periroient tous. Que la côte blanche eftoit de fable , douce, unie , & qu'avant la fin du jour il y falloit aborder , à caufe que fi le vent les jettoit fur la côte noire , ils ne dévoient plus fonger qu'à mourir. Al-varado commande au mejmc temps d'avertir la caravelle de Gaitan de ne pas donner lur la côte noire ; mais les flots s elevoient fi hauts, que les brigantins ne s'appercevoient

Vv *

prcfque point , Se l'on eut de la peine à exécuter cet ordre. Néanmoins comme de fors a autre les deux vailTeaux fe voyoient, la caravelle d'Alvarado lit tant de lignes 3c tarit de cris , que Gaitan conçût ce qu'on luy vou-loit faire Içavoir, & les ioldats convinrent de part & d'autre d'aborder à la côte blanche. Gaitan s'oppofa à ce dcfïcin dans fa caravelle, mais ceux qui laccompagnoicnt luy récitèrent vigoureufement, quelques-uns tteirne avec injure , & luy dirent qu ils ne fourni-roient jamais que cinquante hommes pc-riiîent par fon opiniaftreté. Là delTus, Ls uns mettent la main à 1 epéc > 5c les autres au gouvernail, & porte la prouë du vaifTeau vers la côte blanche , où après beaucoup de travail il donnèrent avant le coucher du So* leil. Auili-tofl que Gaitan connut que la caravelle avoir touche terré, il iauta par la poupe dans l'eau croyant qu'en ces fortes de rencontres c'eftoit le plus leur ; maïs lors qu il revint au defïus de l'eau , il le heurta rudement des elpauies. contre îe gouvernail. Ses fcldats ne iortirent point de la caravelle, que le flot pouffa du premier coup a terre. Enfui* te la vague fe retirant, elle laifla le vaiiïeau-à fec y Se à fon retour elle le battit tellement qu'elle le mit fur le codé. Alors les loidats k jettent dans feau > une partie décharge lai

caravelîe^les uns la prennent d'un colle,les at*-Ères d'un autre ; Se ils font tous iî bien leurde-voir,qu'à la faveur des Rots ils la tirent (ut Le rivage. Aivarado & Môfquera qui a voient échoue à deux portées de moufquet plus loin, travaillèrent auffi avec ardeur I tirer leur b:> gancin a iec, & ils en vinrent hrereuiement à bout. Les- deux caravelles s'envoyèrent aufïi-toft vifîter. Mais comme leurs gens ie rencontrèrent à my chemin , iisfe dirent les uns aux autres leurs avantures, retournèrent les apprendre à leurs camarades , qui après avoir remercie Dieu de les avoir délivrez de péril, ils dépêchèrent en diligence pour iça-voir des nouvelles de Mofcofo , dont ils eitoient en très-grande peine.

CHAPITRE XL

On envoyé vijïter le Gêner.il > &,dé-> coujiir le p47?«

LEs Eipagnols des deux caravelles s'eMar.C aiTemblez quelque peu avant la nuit, convinrent de dé] ers Molcofo pour k.y raconter leurs avantures, vx; auili pour apprendre Je (èf nouvelles,^, fçavoirl'ét. cinq biigancinS qui 1 accompagiioienc. 1

quand ils confidererent que depuis vingt-fix heures ils ne s eftoîent pas rafraîchis, & que pour le rendre auprès du General y il falloir faire treize ou quatorze lreuës cette nuit là par un pays inconnu Se remply. peut-eftre d'ennemis ; ils firent icrupule d'y envoyer aucun de leurs camarades. Quadrado Chara-miila plein de courage & de zèle , voyant cette irrefolution s'offrit d'y aller, parce qu il aymoit pafllonnément Molcolo, & promit ou qu'il mourroit, ou que le lendemain il fe-roit auprès de luy. Que fi quelqu'un le vouloir accompagner à la bonne heure , (mon qu'il iroit ieul. Francifco Mugnos anime par cet exemple, dit qu'il, eftoît preft à luivre Quadrado , 8c qu il perdroit plufloft la vie que de l'abandonner. Les Capitaines des caravelles réjouis de voir le cœur de ces fol-dats , leur rirent au mefme temps donner des vivres, Se ces deux bravesEfpagnols prenant chacun leur épée Se leur rondache, partirent à une heure de nuit. Mais comme ils ne fça-voient pas le chemin qu'ils dévoient prendre, & ils lui virent à tout Lazard le bord de la mer, dans la créance que ç'eftoit la route la plus feure. Cependant leurs compagnons retournèrent chacun à leur brigantin , où après avoir mis des lentinelles 5c s'eilre repofé toute la nuit, ils le raflemblcrent le lendemain ma-

tïn Se choifirent pour chefs d'efquadre Sîl— veftre , Antonio de Porras Se Alonfo Ca-luete. Ils les envoyèrent chacun avec vingt hommes, l'un vers le Midy , l'autre vers le. Couchant, 5c le troiîicmc du cofte du Septentrion avec ordre de tacher à découvrir en quel pays on eftoit, Se de ne pas s'éloigner beaucoup , afin qu'on les puft iecourir en cas de beioin. Les Capitaines qui prirent la route du Nord Se du Midy revinrent aux ca* ravelles, après environ une lieuë Se demie de marche, les uns avec la moine d un plat de terre blanche de * Talavera , Se les autres avec une écuelle de terre peinte,comme on lespeint à Malafla. C'eil pourquoi ils aiTùroient que les endroits du pays qu'ils avoient découverts , eftoient habitez par des Efpagnols, Se que 1 ecuelle Se le plat qu'ils avoient apportez en eftoient des marques infaillibles. Le party de Silveftre qui avoit tiré vers le couchant confirma tout à fait à lbn retour cette nouvelle , aînfi qu'il fe verra maintenant. Silveftre 8c fa troupe s'eitant éloignez d'environ demy-lieuc de la mer , Se avancez au delà d'une petite é-minence> découvrirent un eftang d'eau douce de plus dune lieuë de long. Comme ils ap-perçtirent dans cet eftang quatre batteaux

* VUk d'Efpsgnc»

d'Indiens qui pcfchoient, ils le coulèrent lé long de l'eau un quart de lieue à couvert de quelques arbres, & dans la marche jettent la vue ça & là , ils virent à environ trois cens pas , deux Indiens qui amaffoient du fruic fous un arbre que Ton appelle Guajac* Auîïi-tôt ils le jettent par terre , les uns d'un cofté , les autres d'un autre , & fe traînent fi adroitement fur le ventre , qui fans eftre découverts ils entourent les deux Barbares. Alors ils fe lèvent & courent à eux. Mais malgré toute leur vîtelTe , il s'en iauva un qui fe jetta à la nage.. Les Efpagnol réjouis d'avoir l'autre, reprirent en diligence la route du quartier y de peur que les habitans de la contrée ne s'amafiaflent, Se ne leur fifTent lâcher le butin qu'ils avoient fait. Car outre. l'Indien prifonnier, lis emportoientdeux corbeilles de fruit de Guajac, du gros millet, 8c un coq-d'Inde de Mexique , deux poulies d'Efpa^ne avec un peu de conferve de tiges de Maguey Cet arbre pouiTe des tiges pref-que femblables à des cardons-, 8c qui font très-bonnes à manger, quand elles ont efté expolées au Soleil. Le Maguey fert aux Indiens de la nouvelle Elpagne a faire du chanvre, dit vin, du miel, du vinaigre, ils en font au{ïi du raifîné par le moyen d'une liqueur fort douce que jettent les feuilles en une cei>

taîne £iifon de l'année, Se lors qu'elles tombent de l'arbre. On employé le tronc du Maguey à baftir, mais ce n'eft que dans une extrême necefîîté , & quand il ne fe trouve point d'autre bois. Pour revenir à nos gens, comme ils entendotent que leur Priicmnier n'avoic dans la bouche que le mot de Brecos, 8c qu'ils ne comprenoient pas cette parole, ils luy demandoientpar figne & autrement le nom de la contrée eu ils eftoient. L'Indien qui les comprenoit par le moyen de leurs geftes, mais qui ne leur pouvoit repondre , repetoir inutilement Brecos dans la penfée de leur faire entendre qu'il appartenoit à un Efpagnol,qu'on appelloitChriftopheBrecos. Le pauvre Barbare ie tourmentoit inutilement, puifqu'oubliant le mot de Chriftophe, il n'eftoit pas intelligible à Silveftre ny à Tes compagnons. De forte que de dépit, ils s'em-portoient quelquefois juiqu'à luy dire des injures , Se hafterent leur marche pour rejoindre les caravelles, où ils difFeroientde l'interroger tout à loiiir,& où ils retournèrent heu-•reufement.

*3 a lliftwc de la Floride,

CHAPITRE XII.

Les Efpagols connoiffent qu'ils font au Mexique.

Sllveitrc Se Tes gens trouvèrent à leur re* - tour leurs compagnons dans la joye , à 'caufe des chofes que les deux autres partis a-voienr rapportées de la découverte > mais l'a-legreilc s'auementa à la vue du butin deslol-dats de Si'.vefire. Ce ne fut dans les caravelles aue ckprioîes Se chantons. Chacun ouvrit ion cœur à la joye 5 Se fur tout lors que le Chirurgien cres troupes qui entendoit le langage de Mexique, èe quimelme le parloit un peu, montrant des ci'eaux au Priionnier îrr* dîcn , Se le priant de luy dire ce que c'eitoit, le Barbare répondit Tifelas pour * fixeras. Nos cens qui ouïrent que cet Indien talchoit de parler Efpagnol , ne doutèrent plus qu'ils ne fu fient arrivez au Mexique. Ainîï ils cômthencerent tout de nouveau à le réjouir. Les uns embrafïbient le Prisonnier, & les autres Silveftre avec ies camarades. Ils fe jet-toient à leur cc^ ? les baifoient, les élevoienc

Sf Tixeras, c'eft à dirs des cifcaax en Efpacnol.

"Livre quatrième! ¥}§

fur leurs bras Se faifoietit tout retentir de leurs louanges. Mais enfuite des premiers 'transports , ils demandèrent au Barbare par le moyen du Chirurgien, le nom du pays où ils fe trou voient, & comment s'appelloit le fleuve que le General avoit monté avec cinqbri-pantins. Il répondit que la contrée relevort de Pa:uico , où il y avoit dix lieues par terre» Que le General eftoit entré dans le fleuve qui porte le nom de cette ville, fituée à douze 1 feues de ion •cmboulchure,& qu'à douze au-très , de Tchdrôit cù ils efteient, ce fleuve entroit à la mer. Que pour luy il appartenu it a Chriftophe de Brecos habitant de Panuco. Qu'à un peu plus d'une lieuë du quartier il y avoit un Cacique qui fcavoit lire & écrire > ayant efté élevé par un Ecclefîaftique , qui enfeignoit aux Indiens les principes de la doctrine Chrétienne. Que fi l'on vouloit, il iroit vers ce Cacique qui viendroit en diligence , & les inftruiroitde toutes chofes. Les Efpa-gnols réjouis de cela , redoublèrent leurs ca-reffes envers l'Indien , Se après luy avoir fait quelques prefens 5 ils l'envoyèrent trouver le Caciques, avec ordre de luy faire compliment de leur part, Se d'apporter du papier Se dé l'ancré. Le Barbare fatisfait des Efpa-gnols , (c hafta tellement qu'il retourna en îs d : quatre heures aux caravelles.Le Ca-II. Part. Xx

V?4 Hifieire de la ïlcrUc.

e inftruit de ce qui eftoit arrivjé iur la colle de (a, Province -, vint luy-mefme voir nos gens , iuivi de huit de les lujets chargez de poulies d'Efpagnc , de pain de millet, de huit, 5c de poiiïon. Il eut foin auiïi de prendre de laiïcre & du papier ; car il fe piquait principalement de fçavoir lire Se écrire, & il ctoyoit cela un grand avantage. Des qu i] a-borda les Espagnols, il leur ht prefent des chofcs que Tes huit vaiiTeaux avoient, 5c leur orrnt la maifon avec Ion iervice. Kos gens pourluy témoigner leur reconnoiffance , luy donnèrent des peaux de chamois. Apres ils dépêchèrent vers le General un Indien , avec des lettres où ils luy racontoient leurs avan-tures, Se le fupplioientde leur envoyer les ordres. Le Cacique cependant demeura avec eux .à s'informer des particularitez de leur de-couverte, Se ii prenoit un plaifir particulier a les apprendre. Il s'etonnoi: icuJemcnt quelquefois de voir nos gens fecs, affreux Se fatiguez d'une manière à frire pitié, Se qui mon-troit que durant leur voyage ils avoient horriblement fouilert. Enfuite comme la nuit approcha, il prit fort civilement congé & s'en Tetourna chez luy. Mais le lendemain il revint, & durant cinq autres joursqu on le rafraîchit fur ies terres, il le rendit chaque jour au quartier , Se apporta toutes les fois de

quoy régaler honneftement les Efpagnois,

CHAPITRE XIII.

arrivée des TfptignoU à Pantuo & leur âivifton*

TAndis que ces chofes fe pafToient, Qua-drado & Mugnos marchèrent toute la nuit, &: arrivèrent de grand matin à l'embouchure du Panuco , où ils apprirent que le General Se les brigantins montoient ce fleuve. Ils furent li fort réjouis de ces nouvelles, que ians ie vouloir rafraîchir ils continuèrent leur route , Se ie rendirent promptement auprès du General , qui apprehendoit qne les deux caravelles (t'enflent fait naufrage. Mais l'ar-

: de QaaJ.rsdo dilTipa fa crainte , & )e-joui luivant l'Indien qu'on luy avoit dépéché, luy rendit des lettres dont il eftoit chargé. Elles luy donnèrent beauepup de joye, 5c il répondit a ce qu'on luy écrivoit. Il envoya ordre aux deux brigantins de le venirtrouver à Panuco , où ils lallerent joindre en diligence , & où ils furent reçus avec de grands témoignages d'amitié, aufli bien que leurs camarades. Ils faifoient en tout quelque trois cens hommes : mais ils eftoient en un eftat

. ible, accablez de fatigues, noir?, fées*

Z}6 Mftoire de la Floride]

aftreux , 5c couverts feulement de peaux de vaches de lions , ou d ours; de forte qu'on les euft prefque auffi-toft pris pour des, beftes que pour des hommes. Comme ils furent arrivez., le Gouverneur de Panuco en avertit le Vice-Roy Antonio de Mendoça, qui te-noit fa cour dans la ville de Mexique , à Joi-xante lieues de Panuco. Mendoça au mefme temps ordonna de leur fournir des vivres, oc de les luy faire conduire, après qu'ils le le-roient rafraîchis. Cependant il leur fit envoyer par la confrairie de la charité de Mexique des chemifes Se des fouliers, avec des. remèdes Se des confitures, en cas qu'il y cuit des malades parmy eux. Les Espagnols louant Dieu de ce bonheur demeurèrent dix ou douze jours à Panuco. Mais comme la plufpart eurent connu que les habitans ne fubfiftoient que des choies que la terre produiloit ; que plufieurs ne s'occupoient qu'à planter des. meuriers d Efpagne dans l'efperancc d'avoir de la foye -> que les plus accommodez nour-rifloient feulement quelques chevaux poulies vendre à des Marchands de dehors; qu'ils cftoient tous pauvres, rnal-logez, & le pays milerable ; ils commencèrent à s'affliger d'avoir abandonné la Floride , dont le terroii eftoit tres^fertile, portoit de très-beaux arbres , tk où ils avoient y Ci une fort grande

quantité de fourures de martre, 8c de plusieurs autres animaux. Leur déplaiiir s'aug-mcntoi: encore y lors qu'ils le refTouvenoient dj la multitude des perlas qu'ils avoientvùësj. & de la perïfee dont ils s'eftoient tous Battez y quecliacun d'eux-auroit pu gagner une grande Province dans la Floride. Là delTus i!s: deteftoient leur conduite , qu'ils eftoient dhs lâches de ne s'eftre pas habituez dans ce pays,.. ic d'eftre honteufement venus demander leur vie à des miierables 3 qu'il eu/t eflé ,- Se plus utile &• plus glorieux de mourir dans la-Floride , que de vivre comme des coquins dans le Mexique. Les Eipagnols qui faifoient ces reflexions, avoient corneille de ne pas abandonner la Floride , Ion que l'on délibéra de la quitter. Ainfi le voyant dans là-pauvreté par la faute de leurs Capitaines, qui avoiemr* ies troupes à venir au Mexique , us s V rit avec fureur contre eux ce contre les autres qui avoient appuyé leur■fentimenf, ils les pourluivent 2 coups d spées y en btëffënt Se en tuent quelques uns; h bien que ces Omcrers Scieurs Compagnons n'oioient paroiihe.. Les habitans de la ville fâchez d'un ïi gi and defor-dre tâchèrent Je i appailer^ mais n'y pouvant reuiîir', Se ladivihons.auçmentar.t de plus-en plus, le ("îouvtrneuren avertit Alendoça. Il y eu: auiTi-toit ordre d envoyer les I.fpagnwi" Xx a

p$$ Hifiûïre de 1% Wride.

dix à dix, Ou vingt à vingt à Mexique^ de faire marcher enfemble ceux qui eftoiënt de même, party , ce qui sexecuta fort exactement.

C H A P I T R E XIV.

Arriice & réception des Efpagwls à Mexique;

LE bruit s'eftant répandu , que les Espagnols qui venoient de la Floride allô Lut à Mexique , les habitans du pays accoururent de tous coftez iur leur route. Comme ils les virent en un eftat pitoyable ,. ils les logèrent & les régalèrent obiigeanment julques à Mexique, Cette ville qui eft une des plus grandes Se,des meilleures du monde, les reçût très-bien;.& il n'y eut prefque point d'hon-n elles gens qui ne leur donnaient des marques de leur bien-vcillance. Cliaramiilo principalement leur témoigna beaucoup d'aif---iStion. Il en logea chez luy vingt, dont il le trouva que * l'un etoit fen parent} il les habilla me:me tous vingt, & leur fournit du linge Se les autres choies neceffaires. Lç Viceroy leur donna auili des marques de la. bonté. Car il vouljt quindiiferemment les fuldats Se les .

* Qu^virado CharaaùUa.

Officiers mangeaifent afa table, fonde fur ce. qu'ayant tous également partagé \ts fatigues de la découverte , il falloit qu'ils euifent tous part aux faveurs qu'il leur falloir. Ce Prince ne fe contenta pas de les traitter, il eut foin encore de les loger dans une de les maifons, 8c de faire diftribuer des habits à ceux qui en avoient befoin -, Se mefme iur ce qu'un Prévoit de Mexique en avoit mis deux en prilon , parce quiis s'eftoient battus,, il ht •publier que déformais aucun juge n'eu il à connoiftre de leurs .dirferens. Il vouloit Iuy-même les terminer^ caufe qu'aymant ces pauvres foldats--, il luv deplaifoit qu'ils recom-mençaiTent leurs vielles querelles. Cependant maigre la conduite-la divifion le ralluma , oc il yen eut quelques uns de tuez. Car la pi ui part enragez de voirleflime qu'on faifoitdes perles Se des fourrures qu'ils avoient apportées de la Floride , fc^giftlils avaient nialheureul.e-ment quitté ces choies pouriuivoientàcoups d'épées ceux qui leur avoient periuadé d'à*» bandonner un Pays ii riche, Les fourrures co effet efloient tres-bclles y .,.Sc quelques ha-bitans de .Mexique s'en parèrent avec joye Se. en doublèrent leurs habita , après avoir ofté le goudron qu'elles avoient amaflé dans les v^ilfeaux.. Enhn ,.. comme ies meutins de-vcuoieiv: . de jour à autre plus infoîcns,

le Viceroy les apaifa par la proméfie qu'il leur fit d'entreprendre le voyage de la Floride , puis quils-avoient tant de deplaifir d'en-eftre fertis. Mendoça eut effectivement dc£ fein d'aller dans ces contrées , fur le r^cic qu'on luy avoir fait des excellentes qualitez du Terroir. Ainfi pour- entretenir une partie djs officiers & des Soldats, qui effcoient de re~ tour de la Floride, il leur offrit aux uns de l'air gent, Se aux autres des charges, tandis qu'il feroit Tes préparatifs-, afin de la conquérir* Quelques-uns acceptèrent les offres de ce Prince, Se les autres les refluèrent, relolus de partir eu diligence pour le Pérou. Un de ceux-cy allant un jour par la ville de Mexique, - habille de fort méchantes peaux, un Bourgeois en eut pitié 3 & luy dit, que s'il ibuhaitoit de le fervir, il luy donneroit de très-bons gages, & le mettroit prés de Mexique dans une de fes mailons, où il pafTeroit doucement la vie. L'Elpagnol luy répondit fièrement qu'il luy failoit les melmes offres , qu'il pofTedoit pluiieurs belles terres au Pérou y Que s-'il vouloir l'y -accompagner, il luy en donneroit une a gouverner,où affeurément il vivroit heureux.. Jeraporte cette petite cir-conftance , pour montrer qu'une partie de* Efpagnols ne iongeoient qua prendre iarou-Câ dj. Pérou. .

CHAPITRE XV

De quelques particuluritcz, du véjagc.

AU retour de la Floride , Silveftre logea dans Mexique chez Salazar., Comme il luy racontoit des parncuiaritez de la découverte , le difc.ours tomba fur le malheur qui avoir penfé arriver la première nuit qu'on s e-toit mis à la voile. * Salazar qui connut par le récit de cette avanture, que c'eitoit Silveftre qui avoft commandé de tirer fur ion vaiffeau , l'en eftima fort y car il diloit qu'il seftoit conduit en homme qui fçavoit très-bien la guerre. Salazar eut effectivement une fi avantageufe opinion de Silveftre , qu'il voulut fçavoir ce qu'il avoit fait durant le voyage , èc il en fut informe avec plartir. Le Viceroy & ion fils Francisco de. Meiidoça > apprirent auiîï avec beaucoup de fatisfaction la fertilité du terroir de la Floride , les coutumes de fes habitans ,.leurs loix contre les adultères , la generoiltc de Mucoço , Se les actions de fermeté & de courage des Indiens, Ils s eftonnoient d'entendre parier des riche!-

*wV. i :.c. 7.

£\l Hiflbire rc la Ptèridè,

fes du Temple de Talomeco, & la quantité de perles qu'il y avoir. La conduite -de la Dame de Cofaciqui , & lnonnefteté du Cacique Coca les charmoit. Ils efloient iurpris du recir de la bataille de Mauvila, de la fidélité du Lieutenant gênerai d'Anilco , Se de la ligue des dix Caciques y qui avoient fi cou-rageufement poiirfuivi nos gens. Ils écou-toient avec admiration les grandes chofes que Ferdinand de Soro avoir exécutées. Mais la mort dans le temps qu'il efperoit de faire reùtfir Ton entreprife » les toucha lenfible-ment. Et lors qu'H fedrent cm'il avoir refohi de leur envoyer demander (ecours, ils blâmèrent Molcofo &r fes Capiraines de n'avoir pas continué les dciTeins. lis proteitoient qu'ils les eufTmr affifté en diligence, 8c qu'ils euf-fent mené des troupes juiques à l'embouchure du CLucagua. Que rrtefme fi l'on vouloit retourner dans la Floride , ils eftoient prcfls d'y aller avec une Àrmee. Mais comme il le va voir, ceux qui en efioient revenus ne. (buhait-reiit point de les y accompagner,

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Tfttffdg ' j. ituient.

APi é> que nos ptns fe furent rafraîcnts a Mexique , ils fe coniuiiireiit en cette force. Àïïiafço, Gaitan, Gallego, Gardehîoiâ> Tinocoj Caldtron, & quelques autres reprî* rçat la route d'Efpagne, Ils aymerent mieux mener une vie pauvre Se, tranquille dans leur pays, que dciire riches en Amérique > où ils ••oient h;;> de pîçueurs ; ou ils avaient fert de grandes rati&ues Se perdu malheu-feulement leur fortune. Figueroa s : en retourna à !a mailon de Ion père. P'uhcurs fe igipn à L'exemple de Quadiado Çbararruilo, q le faînt Fran-

çois , où il mourut (es actions de

pietc. Q : eiirent dans la nou-

velle Efpagnc avec Mofcofb , qui époufa à Mexique une Demoilelie de qualité Se de beaucoup de biens, qui eftait fa parente. Les autres le retirèrent au Pérou ; ils y lcr-virent fl en braves folJars, dans la

guerre qu clic e«t contre Giron &. Piçarre , : des richeiïes 8: de la réputation. Mais ils ne purent jamais obtenir au-

cune diitribution ou département d'Indien* ; ce qu ils auroLnt facilement eu dans la Floride.

CHAPITRE XVII.

Ce que fort Maidonadû & Arias pour apprendre des nouvelles de Scto.

POur acheverl'hiftoirc de la Floride , il ne refte plus que de parler de Maldonado , qui fur la fin de Février de l'an 1540. fut envoyé aux- Havanes vers Bovadîïla. Soto en l'y dépêchant , luy ordonna de fe rendre l'année d'après au port d'Âchuilî avec Arias , Se d'y amener des vaiiTeaux chargez de vivres, de munitions Se de beilaih, qu'il s'y trouve-roit dans le temps qu'il luy marquoit. Maldonado exécuta ponctuellement les ordres da Gzn eral,il fejoignit avec Arias dans les Havanes , où ils achetèrent enfcmble trois navires, Se les chargèrent auffi-bien qu'une caravelle & deux brigafitïns , de toutes les choies nc-cefïaires à une cftabliffement. Enfuite ils Je mirent à la voile , Se vinrent heureufement mouiller au port dAchuffi. Mais parce qu'ils tt'y rencontrèrent point le General, l'un courut la coffce vers l'Occident, Se l'autre vers

l'Orient

l'Orient pour en apprendre quelques nouvel-ks 5 laiiTant toujours où ils abordoienc <ies lettres aux creux des arbres , dans leC •quelles ils témoignoient qu'ils cherchoient Soto. Us fe gouvernèrent ainfijulques à ce que lç mauvais temps approcha, qui les fit retirer aux Havanes, ians avoir apris aucune chofe» Néanmoins ils ne perdirent pas pour cela courage, ils fe remirent au Printemps en mer, l'un rafa la cofte de Mexique , & l'autre alla jufqu'aux terres de Bacallos. Mais comme ils ne purent rien découvrir , ils reprirent la route des Havanes , d'-où ils partirent fur le Printemps de l'année 1 $43. refo-lus de périr , ou de fçavoir ce qu'eftoit devenu le General. Ils arrivèrent dans ce del-fein , 5c après beaucoup de fatigues à Vera-crus environ la mi-Octobre. Ils y apprirent îa mort de Soto , avec celle de la plufpart de leurs compagnons ; & aufla-tôt ils retournèrent aux Havanes, où ils racontèrent à Ifa-belle de Bovadilla le malheur de fon mary. Elle en fut fi fenfiblemcnttouché, qu'elle ne putreliitcrà fon deplailir , & perdit la vie quelques jours après cette facheufe nouvelle.

II. Part. Y y

; 4.6* lîifoire de lu Floride 1 !

CHAPITRE XVII L Cbreftiens morts dans U Floride.

POnce de Léon équippa trois grands vaif-feaux en l'année i 5 13. 8c aborda avec environ cent hommes fur la colle de la Floride j où lis Indiens les défirent tous. AiJlon fuivi de plus de deux cens, y eut ie mefmc malheur que Ponce» Narbaez y périt avec quatre cens. Ferdinand de Soto y mouru: auili, & plus de fept cens de ceux qui raccompagnèrent. Si bien qu'à compter depuis le commencement de la découvcrte.jufqif a l'arrivée iieMofeolo au\icxiquc,il eft mort dans la Flo-] ide plus de quatorze cens.Chrétiens , fans parler de quelques Eccleiuinqucs & de plu-ficurs Religieux, tous gens iiluilres par leur vertu. Les noms de ceux dont j'ay pu avoir coinoiiTance, font Dionyiio de Paris, Diego de Vagnucios, Francifco de Rocha, Rodrigo de Gailcgo , Franc.ilco Delpolo , Juan de Torres , luan Gallego, Louis de Soto 5c Cancel Balbaibo.

Environ leize ans après la mort de Bal-baftro,trois Jefuîaes pafTerent dans la Floride, & comme à leur arrivée, il y en eut un de tue,

Tes compagnons fe retirèrent promptement aux Havanes. A deux ans de là , huit autres Religieux de la Compagnie dejeius, entreprirent le meJrne voyagej & menèrent avec eux un Cacique. Mais avant que de rien dire de leur avanture • il me iemble necelTairc de raconter comment ce Cacique eftoit venu en Efpagne. Pedro Melendez depuis 15^3. juiqu en 6%. alla trois fois à la co&ï de te Floride , pour en chaflér des Corfaires François , qui pretendoient s'en rendre maîtres. Il amena de ces contrées^la leconde fois iept Indiens de leur bon gré, qui efloient armez d'arcs Se de flèches. Si-toft qu'ils furent arrivez en Fipagn.e, Melendez leur rit prendre -ia route de Madrid , dans la vue de les pre-Tenter à Philippe II. Cependant celuy qui m'a donné cette hiltoire demeurant alors eu Caiïille , fut averti que des Indiens de la Floride prenoient le chemin de la Cour , Se il les alla joindre en diligence. D'abord pour leur faire voir qu'il avait efte dans leur pays , il leur demanda par le moyen dé leur truchement s'ils cftoient de Vitachuco, d'Apalache, ou de Mauvila; Se qu'il voudroit bien !ça-voir des nouvelles de ces Provinces. Les ' Barbares connoiflant que cet Rfpagnoî eftoit un de ceux qmavoientfuivi Soto, commencèrent à le regarder avec hîerté. Se luy r.rpeui-

V y *

'248 Hiftoire deUVÎoriie.

dirent qu'il fe railloit de s'enquérir des lieux que luy & Tes compagnons avoient malheu-reufement defolez. Ils ne repartirent rien davantage, & dirent feulement entre eux qu'ils le perceroient plus volontiers à coups de flèches , qu'ils ne luy apprendroient ce qu'il fouhaitoit. Et là-deflus deux de ces Indiens tirèrent en l'air, Se rirent connoiftre par là qu'ils auroient bien mieux aymé tuer 1 Efpa-gnol que de perdre inutilement leurs coups. Ces Indiens furent baptifez en Efpagne , où quelque temps après ils moururent tous hormis le Cacique, lequel fafché de la mort de fes compagnons, demanda à s'en retourner avec promelTe de travailler à la converfïon des habitans du pays. Les Jefuites qui vou-loient aller dans la Floride, l'entendant parler de la forte, crurent qu'il ferviroit puifTam-ment au delTein qu'ils avoient. C'efl pour-quoy ils le menèrent avec eux , &c arrivèrent avec beaucoup de fatigues fur les terres. Comme ils y eurent efté quelque temps, il les quitte fous prétexte d'aller à un bourg voilîn qu'il leur nomma, pour y difpofer les Peuples à écouter la parole de Dieu; leur promettant qu'au plus tard il feroit de retour dans huit jours. Ils l'attendirent quinze, enfuite ils dépêchèrent vers luy deux de leurs compagnons qu'il fit maffacrer» Et le jour fuiyant il vint

îuv-mejme a la relie d'une troupe d'Indiens, fe jetter fur les autres. Les bons Pères qui les virent avancer tout en furie & les armes a la main., fe mirent à genoux, & reçurent tous la mort. Les Barbares aufll-toft fe mirent les uns à gambader , Se les autres à rompre un coffre où eftoit un Crucifix , avec quelques ornemens pour dire la Meffe , & ils s'en moquèrent avec infolence. Les noms desjeiukes qui furent tuez par ces Indiens, fontBautiita Segura , Louis de Qiiiros, Bautifta Mendez, Grauicl de Solis, Antonio Cavallos/Chri-ftouai Redondo, Grauic-1 Gomes, Pedro de Linares. Ces Religieux aulTi bien que les autre? dont j'ay parle , perdirent la vie dans la Floride , au mcfme temps qu'ils fc préparèrent a y prèfchetl'Evangile* C'eftpourquoy leur mort demande vengeance à Dieu , ou pluitoft miiericorde ; afin que les Peuples de ces contrées qui font dans les ténèbres, ioient un jour éclairez des lumières de Iafoy$& que leur terre arrofee du fang des Çhreftiens, porte des fruits qui répondent à la fainteté d'un fang fi augufte.

Tin de U dernière Ttiïiie*

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