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Louisiana Anthology

George Washington Cable.
“Posson Jone.”

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AVERTISSEMENT.

ON avoit presqu'oublié depuis quarante ans ce Livre si curieux de Garcilajfo de la Vega. Peut-être avoit-il eu en son temps le même fort que les autres ouvrages de cet hiftorien donnez en françois par le fameux traducteur, ou ( x ) metaphrafte Jean Baudouin. Mais s'il y avoit quelque raifon de ne pas faire une entière justice à un écrivain célèbre, que Baudouin avoit pres-que rendu méconnoiffable en le travestiiïant en nôtre langue ; On ne pou voit pas dire la même cho-fe à l'égard de YHifioire de la Conquête de la Floride: Le traducteur n'eft pas moins célèbre parmi nous, que l'auteur l'est en Espagne, ôc en Amérique.

Ulnca Garcilajfo de la Vega naquit vers le milieu du XVI. fiecle à Cufco (i) Ville Episcopale de

( i ) C'esll'Epitbeteque M. Ménagea autrefois donné a Baudouin dans l'inge-nieufe ey toujours excellente Requête des Dictionnaires. Voici fes paroles. A Godeau le grand Paraphrase j A Baudouin le grand Metaphrafte. Et de vrai c'efl le caratle-re du bon homme Baailleurs udouin; comme il devoit travailler pour vivre , cr que d'on lui payoit fes ouvrages a l'aune , il fallait qu il gagnât pays : cr rien

nefi plus propre pour ceU que la traduclion parapha-fée. Vne ver/Ion jufie , ex-atle , concife coûte du temps , C7* le temps ne lui et oit pas payé par fes Libraires. *4ufîi en a-t'il fait de toutes fortes. Sous en dirons encore un mot ci - def-fous.

( 2 ) Cufco étoit autrefois la Capitale du Pérou , rçr la demeure des Incas , qui y avoient un Palais , ey une Fortereffe. C'efl encore aujourd'hui une Villi belle & bien bâtie.

AVERTISSEMENT. V Amérique méridionale, dans le Pérou. Son Père Gentil-homme Espagnol épousa une Dame du pays, qui étoit de la Maison des Incas anciens Rois du Pérou. Cela fut caufe,à ce que je pense, que Garcilasso eut quelque chose du caractère des deux Nations. Sa grandeur d'ame étoit un des biens que Ton Père lui avoit laisle, & il tiroit de fa Mère beaucoup de candeur & un amour ex-traordinaire pour sa Patrie, & ses compatriotes. Il voulut même prendre le nom d'Inca, si glorieux pour lui, & qui lui remettoit toujours son origine devant les yeux. Il sortit du Pérou , & vint en Espagne en 1.560. C'est là qu'il travailla aux ouvrages que nous avons de lui. Tout équitable qu'il est dans les hiftoires (3) qu'il nous a donné, il ne laiGTe pas de faire quelquefois fes ex-eufesfur le zèle qu'il témoigne pour les Péruviens & les autres Américains. Mais il a soin de nous avertir auiTï que fon attachement à {es compatriotes ne l'engage dans aucun deguifement à leur égard. Plus louable, fi cela eft, que les écrivains des autres Nations, qui n'ont pu, & quinepour-

( 3 ) On avoue que les dulamttiere ; c'eft ce que hifioim de GarciUffo de la je n'ofe trop certifier. Gar-Vega font excellentes , que cilaffo ne le prétend pas j nous n'avons rien de mùl mais combien fe trouve-leur fur le Pérou , ep> que roient-ils de gens en état de nous n'avons rien d'aufli le contredire ? ^tprés tout, bon fur les autres parties du hiffoire pour hiftoire , je monde ancien on nouveau, trouvé la (renne revêtue D'affurer que pour faire d'autant de (ignés de vérité paroitre fa mtinn avec que toutes celles qu'on cite éclat fur le théâtre du mon tous les jours comme indu-de , // n'ait pas an peu éten bitables.

AVERTISSEMENT, ront pas même vraifemblablement s'empêcher dans la fuite de donner quelqu'entorfe à la vérité de rhiftoire? en faveur de leurs amis, ou de leur Patrie.

Nousavons de cet auteur quatre ouvrages (4.) confiderables, YHiftorre des Rois du Pérou, celle des guerres civiles des Efpagnols dans les Indes ; YHifioire générale du Pérou , & la Relation de la Conquête de la Floride j tous quatre écrits en langue Caftil-lanne (5) avec beaucoup plus de fincerité 5c

( 4.) En voici les titres tels qu'Us font dans les originaux. I. Commentarios Reaies del origen de los Yncas Reyez , que faeron del Pera ; Por el Ynca GarcilaGfo de la Vega. in fol. en Lisboa 1609. idem fecunda Tarte. In fol. en Lisboa 1619. Cette féconde Vartie côprend ihifloire des guerres civiles des Bfpag-n$ls. II. Hiftoria gênerai del Pera, por el Ynca Gar-cilaflo delà Vega. In fol. en Cordoiia 1 606. 111. La Florida del Ynca, hiftoria del adelantado Hernan-do de Soto , efcritta por el Ynca GarcilafFo de la Ve-ca. In quarto, en Lisboa i^of. le n'ai point rapporté les ouvrages de Car-cilaffo dans l'ordre qu'il les a compofè : car U floride

fut faite en 1591. puis ce fut l'hijloire générale du Terou qui n'a point été tra. àuite en nôtre langue> après quoi vinrent les deux Tar-ties du Comment aire Roy al; il finit la première en 1 606. ou 1 607. ey la féconde plus de dix ans après.

( 5 ) Vne petite note fur ce mot : c'efi une bagatelle à la vérité , mais je la rapporterai toujours à bon compte. Vn jeune Libraire de Taris , nommé Profper Marchant , tres-habile , à qui nous fommes redevables du Catalogue de la Biblio~ theque de M. Giraut, qui e(l dreffé avec tant de foin, cp* dans un(ïbel ordre, marque que le Commentaire Royal de Garcilaffo a été traduit par Baudouin fur une verfion Espagnole. a 2

AVERTISSEMENT, d'exactitude, que d'art & de politefle. Il y fait paroître une grande connoiffance de l'état de 1 Amérique. Je ne crois pas qu'il y ait moins d'utilité à lire fon hiftoire des Rois du Pcrou, qu'à étudier celle des Rois de la Chine. Il a même cet avantage ; c'eft que ne faifant remonter fon hiftoire qu'à quatre cens ans avant l'expédition des Efpagnols au Pérou ; c'eft à dire jufqu'en 1125. ou environ, il n'a pas occafion de nous débiter une auifi longue tirade de fables qu'ont fait les Chinois. (6)

Son hiftoire des Incas, qu'il appelle Commentaire Royal y eft écrite fenfement ôc exactement. Garcïlaffo qui vouloit épargner à ks lecteurs l'ennui , que caufe l'uniformité prefque continuelle des guerres, qu'il décrit, a eu foin de les varier par des remarques fingulieres fur l'hiftoire naturelle du Pérou. Cet ouvrage diviié en neuf livres contient tout ce qui s'eft pifle depuis le premier Incas jufqu'à Atabalipa^ qui fut tué fi cruellement

L'Efoagnol de ce Livree(i rieft fi remplie de contes,

l'original, &* non pu une que par ce quelle e(ltres-an-

verfion. le fais cette ob tienne le refpeEte toutes

fervationparcequeles lour ces belles antiquités ; jeles

naliftes de Trévoux ayant laiffe h qui s'en veut ac-

fait er avec ratfon un très commoder. le fais bien

bel éloge de ce Catalogue ; mieux mes affaires dans

cette faute pourroit fur l'hifloire moderne, leçon-

prendre qui n'en ferait pas nois tous les hommes qui y

averti. font figure, ils font de ni-

( 6 ) ^4 beau mentir qui veau avec moi ; c l'on a

vient de loin. Ce proverbe beau dire, voilà comme il

fe vérifie bien <ï l'égard de nous les faut, pour profiter

l'hiftoire dt la Chine, qui avec eux.

AVERTISSEMENT. & fi injuftement par François Pi/are; c'eft à dire depuis le commencement du 12. fiecle juiqu'au commencement du 16. on a le plaifir d'y voir avec l'hiftoire des Rois, l'ancienne Religion, les loix, (7) les coutumes & les richefles des Américains; le tout developé avec le foin qu'on dévoie attendre d'un homme verfé dans la langue & les antiquités du Pays; & qui tiroit à honneur de faire connoître fa Nation.

Le fécond ouvrage renferme les guerres civiles que les Efpagnoh conquérants du Pérou fe firent les uns aux autres, & l'on y remarque que la Providence s'eft fervi des Efpagnols pour vanger fur les Efpagnols mêmes les immenfes cruautés qu'ils avoient exercées {%) dans la conquête de ce

f7 ) ^ examiner attentivement ce que Garcilaffo rapporte des Beruviens , on verra que ces Beuples né-toient rien m'oint que Barbares ; c qu'ils avoient mêmes certaines coutumes qui valoient mieux que les coutumes des Etftopeans. Blufieurs de leurs Trinces n'étaient pas inférieurs en fageffe a l'Empereur *s4n-tonin , fi l'on s'en rapporte aux maximes qu'en cite Garcilaffo.

(8) Ces cruautés allèrent G loin , que la plupart des Gouverneurs , que les Rois d'Efpagne envoyaient aux Indes empêchaient que les Indiens ne\fuffent baptifés t

pareeque le chrifîianifme qu'ils auraient embraffé , les auroit libéré de l'efclct-vage , dans lequel ces Gouverneurs les vouloient toujours retenir pour fouiller les Mines , ou ils les emploient. Et il fallut que le pieux Evêque de Chiapa ( Barthelemi de las Cafas ) vint en Efpagne pour obtenir des Edits contre ces cruautés. De plus les Indiens avoient conçus tant d'horreur pour les Efpagnols à eau fe de leur barbarie, que quand on leur parloit duBa-radis , ils répondaient que s'il y avoit des Efpagnols , ils n'y vouloient pas aller.

AVERTISSEMENT.

Pays, dont les peuples fe foûmettoient fans peine à leur domination. La jaloufie & l'avidité mutuelle qu'ils eurent à la vue de tant de trefors qu'ils découvrirent, furent caufe qu'ils fe ruinèrent mutuellement : & ils ne poferent point les armes que tous ceux qui avoient exercez ces barbaries inconnues jufqu'alors ne fuflent tous péris par le fer, par le feu,ouparla main des Bourreaux. Ces deux ouvrages furent traduits en nôtre langue par Jean Baudouin (9) de l'Académie Fran-çoife & publiez à Paris, le premier en 1633. & le fécond en 1658. après la mort de Baudouin. Cette traduction, quoique bonne dans le fond, eut un fort aiTez extraordinaire. Le Libraire qui vit qu'elle n'avoit d'abord aucun débit la regarda

( 9 ) le dirai un mot de Baudouin ; il étoit de Vra-délie en Vivaret\. il voyagea t fut Letteur de la Reine Marguerite femme de Henri IV. qui mourut répudiée en 1615. depuis il fut au Maréchal de Marillac. C'étoit un vrai homme de lettres , c'eft-à - dire tres-pauvre , ey- qui fe trouva obligé de faire ce que craignait fi fort le Chancelier Bacon. Il étudioit pour vivre, il étoit aux gages de quelques Libraires ; c'e(l là proprement être aux Galères , (y il leur faifoit des Traduttions à quarante

fols la feuille, il mourut fur h fin de 1650. Sous lui fommes cependant redevables de plufieurs bons Livres qu'il a tourné en nôtre langue ; /on chef-d'œuvre efè l'hifloire de Davila. M. Telîfîon donne la lifte d'une partie , ey en a omis quelques-uns qu'il ne con-noiffoit pas apparamment , comme l'kiftoire de Malte publiée en Italien par Bo-jîo , c donné en François par nôtre Baudouin. Il y en a d'autres qu'il n'a pu mettre , n'ayant été imprimés qu'après la publication de fon htfloire de l'académie.

AVERTISSEMENT.

comme un fort mauvais livre, & en fit ce qu'oa a fait des œuvres de Pelletier, (10) & ce qu'on devoit faire de cent (n) autres livres, dont le monde eft inondé tous les jours. Quand les exemplaires en furent facrifiez aux épiciers, elle devine rare. Sa rareté fut caufe qu'on la rechercha, & qu'on l'eftima. Elle étoit montée à un prix fi ex-

( i o ) On feait ce Vers du Toète , Et j'ai tout Pelletier , roulle dans mon office encornet de papier. C'efî ce qu'on dtvroit faire de ce déluge de livres fades, qu'on autorife trop aife-ment en France cr quelquefois ailleurs , aux dépens peut-être d'autres bons ouvrages, quon fupprime, ©* dont nosvoifîns les Hollan-doisfçavent profiter ; C?* euxfages.

( 11 ) Citons un bel en» droit des carafteres de M. de la Bruyère : iln'eftque trop véritable ; le voici , en profitera a qui il appartient d'en profiter. Tel tout d'un coup , <5c fans y avoir penfé la veille, prend du papier, une plume, dit en roi-même , je vas faire un livre, fans autre talent pour écrire, que le befoin qu'il a de 50. piftoles.... il veut écrire , & faire im-

primer ? & parce qu'on n'envoyé pas à l'imprimeur uncahier blanc, il le barbouille de ce qui lui plaît, il écriroit volontiers que la Seine coule à Paris, qu'il y a fept jours dans la femaine , ou que le temps eft à la pluye : Se comme ce difeours n*efl ni contre la Religion, ni contre l'Etat, & qu'il ne fera point d'autre defordre dans le Public que de lui gâter le goût, & l'accoutumer aux chofes fades 5e infipides, il pafTe à l'examen, il eft imprimé: &à la honte du fïecle , comme pour l'humiliation des bon* Auteurs , reimprimé. Cependant, le dirai-je, cette réflexion (i(âge de M. de la Bruyère n'a rien changé dans le fort de la littérature; ey je crois fans peine que la remarque que je fais ici ny changera rien.

AVERTISSEMENT.

ceflîf, fur tout la Verfion du Commentaire Royal, que douze écusfuffifoient à peine, pour avoir les deux Volumes;» quarto. Mais les Libraires d'Hollande plus indultrieux & plus attentifs que ceux des autres nations, les firent reimprimer en 1705. & 1706. en quatre Volumes in 12. Ils rendirent même un double fervice au public dans cette reim-prelïîon. Car quoique Baudouin fut fçavant, quoi qu'il eut un ftyle aile, naturel & françois, cependant fa fortune ne lui permettoit pas d'employer à ks écrits tout le temps, & tout le foin qu'ils demandoient. On a donc été obligé dans la nouvelle édition de fuppléer à l'exactitude du traducteur. Baudouin avoit fuivi fon auteur pied à pied, & il avoit traduit juiqu'à des répétitions inutiles & quelquefois ennuieufes , beaucoup moins fupporcables en nôtre langue qu'en toute autre. On a retranché dans la nouvelle édition toutes celles qui ne faifoient point tort au texte. Ec comme prés de 80. ans fur une traduction fran-çoife en avoient altéré le langage, aufli changeant parmi nous que nos efprits, nos caractères, & nos modes, on y a remédié, & il n'y a gueres eu de période, qui n'ait été rafraichie, & renouvellée. On n'a point eu cette peine dans la nouvelle édition qu'on donne ici de la Conquête de la Floride, qui eft le quatrième ouvrage de Garci-lalTo. La traduction efl de main de Maître. Mais avant que de parler du traducteur , nous dirons un mot de l'ouvrage en lui-même. On ne fçau-roit developer avec plus d'exactitude qu'on le fait ici tout ce qui s'eft patte dans l'expédition de la Floride. Si cet ouvrage fait honneur à Garci-Uflb, il n'eft pas moins glorieux aux Efpagnols,

AVERTISSEMENT. & aux Indiens. On voit d'ans ks premiers une patience extraordinaire, qui n'a pu être infpirée que par un excès d'amour pour la gloire, ou pour les nchefles. Les Indiens y font paroître un courage & une prudence, fort au-deflus de l'idée qu'on fe forme ordinairement des peuples barba-res.Cecte hiftoire ne paroit pas écrite fur des fimples oiii-dire,fi2) comme l'a prétendu un auteur moderne. Il faut queGarcilaiTo, pour entrer,comme

( \i) Rapportons ici ce que dit de nôtre Garcilaffo M, deCitri de la Guette, l'un de nos meilleurs Ecrivains, a qui nous fommes redevables de la belle ey excellente hiftoire des Triomvirats ; de la Train-ftion de la Conquête du Mexique ; ey d'une ver-fion de la Conquête de la Floride par un Gentil-homme Tortugais. c'eji dans la Treface de ce dernier livre , oh félon la louable coutume des Traducteurs , il fait d'amples éloges de fon auteur ; ty parle en ces termes. Cette Relation a l'avantage d'être originale » & de venir de la première main , à la différence de celle de la Floride de l'Ynca GarcilaiTo de la Vega , qui ne peot lui dif-puter le prix, n'ayant para

que depuis celle - ci, & n'ayant été cpmpoféeque furie récit, que lui en fit unfimple Cavalier qui a-voit fuivi Ferdinand de Sotoen la Floride , & qui faute d'intelligence a pu fe tromper, auffibien que Garcilaflo faute de mémoire , & d'application. il y auroit pour l'honneur de Garcilaffo bien des réflexions a faire ici. Mais nous n'en donnerons qu'un i-chantillon, ty deux fuffi» fent pour cela. 1. Qui a oui poferen règle qu'une Relation , qui n'a parue que depuis une autre,mérite moins le titre d'originale , es* d'exafte , que celle qui e(i antérieure. Et ou en ferions-nous avec toutes nos hiftoi-res dont les poflerieures ont la plupart du temps fait évanouir , ey avec raifort

AVERTISSEMENT.

il a fait dans un aullï beau détail, aie eu des mémoires exacts, & bien circonftanciez. Sa manière de narrer eft infinuante : fi Ton a quelque chofe à lui reprocher, c^eft d'avoir trop de détail , & peut-êcre quelques minuties. Mais jufques aux bagatelles, à qui les fçait placer à propos , touc fertà faire connoître les hommes. Il accompagne fa narration de reflexions judicieufes ; & ces reflexions coulent naturellement de fon fujet. Garcilaffo acheva cet ouvrage (13) en 1591. plus de trente ans après qu'il fut amvé en Efpagne.

telles du temps même. IL Croira - t'on que Garcilaffo n'a mis dans fon livre un fi bel ordre-, un détail fzexa&> C7" fi bien circonstancié que fur le rapport d'un /impie Cavilier peu intelligent ? Si cette Relation a été faite de mémoire , je l'en trouze d'autant meilleure ; car apurement ce Cavalier devoit être un Trodige , puifquil narre dans un fî bel ordre un fi grand nombre d'atlions qui s'étoient paffées il y avoit prés de 40. ans. Cela fer oit aifé h prouver , l'expédition s'étoit faite en 1559. Garcilaffo a fni fon ouvrage en 1 5 9 î. le lui donne pour le compofer dix ans, ï'efl beaucoup. ^4infidepuis 1S i 3 • fl«P ce/<f expédition

fut terminée , jufqu'en 1 5 S1. il faut compter 38. ans. Tour moi j'admire une fi belle mémoire Mais je le dirai fincerement : M. de Cttri de la Guette a eu rai-fon de louer fon auteur aux dépens de Garcilaffo , ty j'ai raifon de vanger Garcilaffo au préjudice de ceux qui le méprifent. Si nous faifions autrement nous ferions tous deux à blâmer.

(13) C'e(i ce que marque Garcilaffo lui - même part. 2. liv» z. ch. 11. en ces termes ; Cette année M91. dit-il, que je remet, au net l'hiftoirede la Floride , j'apprens que Rey-nofo vit encore , 8e qu'il eft au Royaume de Léon j où il a pris nailîance.

AVERTISSEMENT. L'on fçaic quel homme écoit M. Richelet, pour la pureté de nôtre langue. Et fi l'on veut faire concevoir quelque chofe d'exact, & de châtié, il fuffit de dire que cette Verfion eft de lui. Il eft trop (14.) connu dans le monde par Ton excellent

( 14 ) M. Richelet étoit de Vitri le François , ey feurement on pourroit dire de lui ce qu'a dit autrefois le Cardinal du Verron des ~Allemnns , que pour un Champenois il avoit bien de Vefprit. C'était plutôt un efprit critique , cr fatiri-que , ey un bon efprit qu'un efprit fin ey délié, il étoit propre pour faire un Diclionnaire,ty une Grammaire > mais pour un ouvrage délicat er bien tourné , pour un ouvrage de fyfieme:je ne crois pas qu'il y eut reufli. le l'ai connu les deux dernières années de fa vie ; ty j'eus une fois la curiofïté de lui demander, t'il étoit parent du Richelet de qui nous avons des Commentaires fur Ronfard; cet' te queftion lui infpira fans doute quelque efpece d'amour propre , qui le porta à dire que ce Richelet étoit fon père. le fçavois néanmoins le contraire. Kôtre Richelet avoit été Trofef-

feur des humanités au Collège de Vitri le François , mais [oit dégoût de fa pro-fefiion ou autrement, il vint à Paris , s'y fit recevoir avocat, fut connu des Sça-vans ) (y vécut en homme de lettres y cefi-à-dire fans fortune. Ai. d'^iblancourt qui étoit aufii de Vitri le François , avoit beaucoup de confideration pour lui » eyle chargea en l'an i 664. en mourant de revoir ey de faire imprimer fa tradu-Ûion de la Defcription de i'Affrique de Marmol. Ce qu'il fit avec M. Chapelain ey Conrart. En 1670. il fît paroîtrefa traduction de la Conquête de la Floride , de laquelle nous donnons ici une Edition nouvelle, il a travaillé aufii bien que M. Fremont d'^blancourt au Dictionnaire des Rimes , mais ce n'efl pas lui qui l'a mis en l'état , ou un certain Libraire nommé Velaune l'a fait imprimer fou! le nom de M. Richelet» il a

AVERTISSEMENT.

Dtàionnaire pour entreprendre d'en dire ici beaucoup de choies. Mais le croiroit-on ? un aufïï

été rajuflé ougâié par un bon vieux Prêtre appelle le Fevre» il a donné [on Dictionnaire de la langue Francoife , qui e(l court ey exaft, ey quelquefois un peu trop gaillard. Il y manque cependant bien des termes ty bien des manières déparier, il ne m'a point dit qu'il en eut ftit un Supplément aufii grand que le marque l'auteur de la République des Lettres. Mais il avoit compofé un Di-tfionnaireComi^ue ou Satirique; c'était un Recueil de toutes les turpitudes dites ey a dire en François. Vn Capucin , qui fe difôtt fon Conftffeur , s'il l'et oit j'en doute fort , l'obligea de lui facrifîer ce Livre , ce qu'il fit , dont bien en prit à nos oreilles ey a nôtre imagination. il m'a dit au(,t qu'il avoit fût un Commentaire fur les Satyres & les Epîcres de M. Defpreaux; mais fans doute que cela efl péri, il devait y avoir bien du curieux dans ce Commentaire, il Mvoit recueilli ey farci de quelques notes les meilieu-

« res Lettres de qo» Auteurs François ; les Editions po-(lerieures h l'année 1699. ne font plus de lui , mais de M. l'abbé Bordehn connu par plus d'une forte de livres ; ey fur tout par les Diverlités curieufes. il a-voitydit on } fait une Grammaire , ey une Po'étique > defquelles nous n'avons rien fi ce n efl un traité de la Ver» fification , qui lui eft attribué -, e>° qu'on a mis h U tête du Dictionnaire des rimes, il et oit à feu prés du Car acier e d'un de [es anciens Confrères le ToèteCol-letety Ancillariolus. il a-voit uneperfonne avec lui , qui étoit demi-femme demi-fervante y faifant fonction de l'une ey de l'autre, il mourut au commencement de l'année 1699. fans beaucoup de façon , comme il reconduisit quelques amis , avec lefquels il avoit bien déjeuné : il n avoit gueres moins de foixante ey dix ans. Et l'âge n avoit pas beaucoup âtè h fa vivacité , ey encore moins h fa liberté d'esprefion.

AVERTISSEMENT.

habile homme eft mort fans qu'il aie prefque été fait mention de lui. Sa converfation étoit comme fon humeur, toujours gaye, toujours fatyrique; & quelquefois un peu trop libre. Ceft à cette liberté cynique que nous devons attribuer la perte de pluiïeurs ouvrages, qu'il avoit fait, lefquels n'auroient réjoui que trop de gens & en auroient attrifté & rebutté un plus grand nombre ; mais c'étoient toujours des ouvrages de critique , & nous n'avons que cette traduction par laquelle nous puiffions juger de fon ftyle, & profiter de fon purifme , & de fon exactitude.

Garcilalïo ne parle dans toute Ion hiftoire que de ce qui s'eft fait par les Efpagnols, & il nous montre le peu de fuccés qu'eut cette expédition. Nous dirons ici, mais fort brièvement ce qui fut fait dans la fuite par les autres Nations. Charles-Quint voyant que Soto n'avoit pas réiiffi refoluc en 154.9. d'envoyer à la Floride pluiïeurs vertueux Ecclefiaftiques, & quelques Religieux de S. Benoit pour adoucir l'humeur farouche de ces peuples : mais les Sauvages les écorcherent tout vifs, & pendirent leurs peaux à la porte de leurs cabanes. La Floride fut aufli découverte par les François dans le même (iecle, & en 1562. fous le Règne de Charles IX. Roi de France, un nommé François Ribaut y bâtit le Fort de la Caroline fur la rivière du May, & fit alliance avec les Sauvages de ces quartiers. Il s'en retourna enfuiteen France, d'où tardant trop à aller revoir fa nouvelle colonie, ceux qu'il y avoit laifTé fe révoltèrent ; leur révolte fut caufe que Pedro Melendez. Efpagnol les chafla en 1563. Ils fe mirent donc fur un vai fléau & s'expoferent à la mer. Leur navigation fut très facheufe. lis fournirent une fi

AVERTISSEMENT.

cruelle famine, qu'ils furent obligez de tirer au fort pour fçavoir celui qui feroic mangé des autres, & le fort tomba fur celui, qui avoit été le plus ardent à la révolte. En 1564.. René Laudon-niere alla dans la Floride & rétablit le Fort de la Caroline; mais les Caftillans jaloux de ce que les François s'établiflfoient fi proche de la nouvelle Efpagne , vinrent les furprendre, Ôc les mirent en fuite. Laudonmere fe fauva avec peine ; mais le pauvre Ribaut qui étoit retourné dans la Floride, fut pris & écorché tout vif, & tous leurs gens furent pendus. Dominique de Gourgues du Mont de Marfan en Gafcogne ayant appris cette action barbare, arma un vaiiïeau à fes dépens & paffa en 1567. dans la Floride accompagné de 150. foldats &de 80. matelots. Les peuples le joignirent auflî-tôt à lui & l'aidèrent à reprendre le Fort de la Caroline, 5c deux autres construits par les Efpag-nols, dont ceux qui y étoient en garnifon furent pendus aux mêmes arbres, où les François avoient été attachez. Après quoi Gourgues revint en France Tan 1568. où il eut bien de la peine à fe garantir de la juftice, étant pourfuivi par les Efpagnols avec qui la France étoit alors en paix. La Floride Françoife retomba enfuite entre les mains des Efpagnols, qui la gardèrent jufqu'en 1663. qu'ils en furent chattes par les Anglois qui en font encore aujourd'hui les maîtres ; & qui vraifembla-blement y refteront encore longtemps.

Au refte, comme nous fommes dans un fiecle, où l'on veut fçavoir tout ce qui s'eft paifé dans d'autres pays que le fien propre, & où les livres inutiles fe lifent avec beaucoup plus d'avidité que les autres, on efpere par confequenc que celui-ci fera couru, fera lu, & fera eftimé.

APPROBATION.

J'Ay lu par ordre de Monfeigneur le Chancelier , PHiftoire de la Conquête de la Floride, & je n'y ai rien trouvé qui en puifle empêcher l'Im-preflion. Fait à Paris ce 4. Novembre 1707.

RAGUET.

PRIVILEGE DU ROY.

LOUIS PAR LA GRACE DE DIEU ROY DE FRANCE ET DE NAVARRE, A nos amez Se féaux Confeillers les Gens tenans nos Cours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de nôtre Hôtel, Grand Confeil Prevoft de Paris j Baillifs, Senefctuux, lears Lieutenans Civils , & autres nos Jufticiers qu'il appartiendra, Salut: Jean Geoffroy Nyon Libraire à Paris ; Nous ayant fait expofer qu'il dehreroit faire imprimer un Livre intitulé Histoire de la CONTESTE de LA FLORIDE, ou Relation de ce qui s'eft pajje dans U découverte de ce Pays par Ferd. de S0T0 , compo-fée en Efpagnolpar l'IncaGarcilasso de laVega ey traduite en François par Pierre Richblet ; s'il Nous plaifoit lui accorder nos Lettres de Privilège pour la Ville de Taris feulement. Nous avons permis cV permettons par ces Prefentes audit NVoN , de faire imprimer ledit Livre en telle forme, marge, caractère, & autant de fois que bon lui (emblera , 6c de le vendre, faire vendre, 8t débiter partout nôtre Royaume pendant le temps de fi x années confecutives , h compter du jour de la datte defdites Vrefentes. Faifons défenfes à toutes perfonnes de quelque qualité & condition qu'elles foient d'en introduire d'Impreflion étrangère dans aucun lieu de nôtre obeïlfance , 8t à tous Imprimeurs, Libraires , & autres dans ladite Ville de Taris feulement , d'imprimer, ou faire imprimer ledit Livre , & d'y en faite venir , vendre & débiter d'autre Iropreflîon que de

celle qnï aara été faite par ledit Expofant >• fons peine de confiscation des Exemplaires contrefaits, de mil livres d'amende contre chacun des contrevenans, dont on tiers à Nous,un tiers à l'Hôtel Dieu de Paris, & l'autre tiers audit Expofant, <5c de tous dépens, dommage & intereft, à la charge que ces Prefentes feront enreg*Jrces tout au long fur le Regifire de la Communauté des Imprimeurs y Libraires de Paris, ey ce dans trois mois delà datte d'icelles , que ïlmprefîion dudit Livre fera faite dans nôtrt Royaume cr non ailleurs , en bon papier c- en beaux carafteres, conformément aux Reglemens de la Librairie. Et qu'avant que de l'expofer en vente, il en fera mis deux Exemplaires dîns nôtre Bibliothèque publique , un dans celle de nôtre Château du Louvre, & un dans celle de nôtre très-cher Se féal Chevalier Chancelier de France le Sr. Phelypeaux , Comte de Pont-chartrain , Commandeur de nos Ordres , le tout à peine de nullité des Prefentes : du contenu defquelles vous Mandons 5t Enjoignons de faire joiiir l'Expofant eu fes aymtcaufes pleinement 5r paifiblement , fans foufîrir qu'il leur foit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons que la copie deldites Prefentes, qui fera imprimée au commencement ou à la fin dudit Livre, foit tenue pour dûement lignifiée , 5r qu'aux copies collationnées par Tun de nos ainez 5c féaux Confeillers & Secrétaires, foi foit ajoutée comme à l'original. Commandons aa premier nôtre HuifTier ou Sergent de faire pour l'exécution d'icelles tous acles requis ôt neceflaires fans demander antre permiiïion,«5c nonobftant dameor deHaro, Charte Normande ^ Lettres à ce contraires : Car tel «fl nôtre plailîr. Donné à Verfailles le dix-neuvième jour de May, l'an de grâce mil fept cens huit, ôt de nôtre Règne le (oixanre feptiéme.

PAR LE ROY EN SON CONSEIL.

Le Comte.

Regiffré fur le Regiftre No. i.de la Communauté des

Librùres cy Imprimeurs de Taris page %^j. No. 61.7.

conformément auxKeglemens &* notamment à l'^rrefl du

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HISTOIRE

DELA

FLORIDE-

PREMIERE PJRWS*

LIVRE PREMIER.

Defïcin de l'Auteur. Bornes de la Floride*. Par qui elle a efté découverte, CduHu* mes de Tes Habitons, Préparatifs de Ferdinand da Soto pour en faire la conquefte»

•a i —

CHAPITRE I.

Dc/ftin de l'Auteur. *£££&$ 'A y deiTein décrire la d;'co^> . W$. verte de la Floride ; Se leS %£& aftionS mémorables qui s y «^IvrR font pafTces. Mais comme * " fi> Ferdinand de Soto y exécuta de grandes choies, & que c'eft lu y que regarde particulièrement cette relation $ Js reprendray ion Hiitoire de plus haut. Soto

A

FnM?? fut un des douze Conquérons du Pérou , Se Ou Ata- cut pa r t a la prife d'Atabalipa , qui en fut le "* pa ' dernier Roy. Ce Prince étoit fils naturel de l'Inca Huaina Capac , Se avoit ufurpé le Royaume fur le légitime héritier , qu'on appelloit Huafcar. Mais les cruautés de cet ufurpateur révoltèrent les peuples contre luy ; ce qui facilita aux Elpagnols la conque-fle du Pérou , Se leur apporta de grandes ri-cheflès. Du Quint feul, il en revint à l'Em-pereur prés de deux millions trois cens mille ducats, Se à Ferdinand de Soto plus de cent mille. Ce Capitaine reçut, outre cela, plusieurs prefens des Indiens, & d'Atabalipa piefine, qui luy en donna de magnifiques ; parce qu'il eftoit le premier Efpagnol auquel il euft parlé. Lors que Soto le fut donc enri-çhy de la forte, il retourna en Efpagne avec pluiieurs autres , qui avoient tous fait fortune dans Caxa Malca. * Mais au lieude fon-ger à lacquifition de quelque grande terre dans (on pays, le fouvenir des chofes qu il avoit glorieufemcnt achevées , luy inipira un vaire deiïein. C'eft pourquoy il vint à Valladoîid prier Charles-Quint de luy per_ mettre d'entreprendre la conquefte de la Fio_

* Teti' lieu rfnns le Pérou , qui donne Ton nom à une pe« ti?e Contrée lie; 1 près du '^ui'o & de la Rivitre Vsgna. C'«fl h qu'^ubalipa tut battu , piis , & cruellement matT». cié en k>a-

ride; avec promette d'en faire la dépenfe, Se de ne rien épargner pour la gloire de l'Empire. Ce qui le follicitoit le plus à cette illu-ftre entreprife , enoit de voir qu'il n'avoir rien conquis de ion chef ; que Ferdinand Cortés s'eftoit rendu maiftre du Mexique, & Pïçarre Se Almagre du Pérou. Car ne leur cédant ny en valeur , ny en aucune autre qualité , il avoit peine à fouffrir que la fortune leur fuft plus favorable qu'à luy. Il renonça donc aux prétentions qu'il avoit fur le Pérou, Se tourna toutes lès penfees à la conquefte de la Floride, où il mourut. Voilà comme de grands Capitaines fe font facriiiez pour les interefts de leurs Princes. Toutefois 2 fe trouve parmy nous des perfonnes qui dirent malicieufement, que TÈlpagne doit à la témérité de quelques jeunes foux, la plufpart des contrées du nouveau monde. Mais ils ne conllderent pas qu'ils font eux-mefmes les enfans de l'Elpagne ; Se que cette genereufe mère if élève ceux à qui elle donne lanaiflan-ce, que pour conquérir l'Amérique , 8e porter la terreur de leurs armes dans le refle de la terre»

A 1

JJijfoïre de ta Floride.

CHAPITRE II.

Bernes de la Floride.

LA Floride a efte appellée de ce nom, î caufe qu'elle fut découverte le jour de Pafques Fleuries * le 27. de Mars § de l'année I S J 3 • M^ s P^ ce q ue c 'eft un grand pays, dont toutes les parties ne font pas conquîtes , ny connues > il eft dirEcile de les décrire fort exactement. On ne fçait pas en effet, fi au Septentrion t la Floride eft bornée de la terre , ou de la mer. Ce qu'il y a de certain , eft qu'elle a le Golfe de Mexique, 8c l'Hic de Cuba au Midy ; au Levant la mer Oceane qui regarde l'Afrique ; Se au Couchant ce que l'on nomme aujourdhuy le

* AinG ta plupart des Auteurs modernes fe trompent lors qu'ils difent , que ce fur Ferdinand de SPto , qui donna ce nom à la Floride , puis qu'il n'y aborda que» 1539, fur la fin de May , dans laquelle année Pafques fleuries ettoïenr le 3Q de Mars

* Je ne fçii s'il n'y anroit pas faute icy ; car ce fut la Fête des Pafques, qui rombi le zj. de Mars en 151,3. Pafqitfs fleuries étant arrivées le 20. du mefme mois.

f La Floiide eft bornée au Septentrion par le Canada , ou h Nouvelle France. Ce qui fait dire à l'Aqteuf . qu'on igno-le quelles font les boraes de la Floride du côte du Septentrion , c'efl q ï'tl renferme dans la Floride comme fou: les autre* Effagnols, la Virginie , & Le Canada,

nouveau Mexique. De ce côté-cy , eft la Province des fept Villes, qui 'fut appellée de la forte parVaiques Coronado,qui alla en mille cinq cens trente-neuf y à la découverte de ces quartiers. Mais comme on ne les put peupler , Antonio de Mendoça qui 1 y avoir envoyé, perdit avec deplaifir toute la dé-penfe qu'il avoit faite pour cette entreprife.

CHAPITRE III.

Ceux qui ont entrepris la conqueftc de U Fie ride,

JUan Ponce de Léon * fut le premier qui découvrit la Floride. C'efloit un Gentilhomme qui avoit pris naiffance au Royaume de Leon,& qui avoit efte Gouverneur de Ylû e de Porto-Rico. § Comme les Efpagnols ne fbngeoient alors, qu'à faire de nouvelles déa couvertes, il arma deux caravelles , Se tàch-par toutes fortes de moyens à découvrir

* Avant Jean ronce de Léon , la Floride avoir efré découverte par ScbaOien Gabot , que Henri VII Roi ù'Angletetre envoya en 1496. pour chercher par l'Occident un paflage pour naviger dan» l'Oricnc. Gabot ne rit que voir la terre , fans s'y arrêrer.

i Ou S Juan de Porto-Rico Ifie de l'Amérique. File eft l'une de:> g'andes Antilles , fituée dans la mer du Mexique , à ieize licoei de l'Hilpaniela , *eii le Levanr,

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h Hifîoire de la Floride.

l'Ifle de Bîmini r * fur le bruit qu'il y avoir imà-fontaine qui rendoit la jeunelle aux Vieillards* Mais après avoir inutilement cherche cet Iile y la tempefte le jetta fur la code , quieft op-pofee au Septentrion de Cuba ; Se il nomma ce continent la Floride. Et fans confidereri] c'eftoit Ifle, ou terre ferme, il vint en EU pagne demander la. permiffion d'en faire la conquefte , Se l'obtint. De forte qu'en l'an 1^13. il équippa trois vaifleaux , & aborda-au pays qu'il avoît découvert. Les Indiens à fou arrivée le repouilèrent vigoureufement > ruèrent preîque tous fes gens a L referve de îept bleues , dont il eftoit du nombre qui le fauverent à Cuba , où ils moururent tous de Heurs bleiTures. Voilà quelLfut la fin de Ponce & de [on expédition. Mais depuis luy, il iemhîe que IVgttbepctfc tb la Floride ait continué d'eftre fatale à ceux qui l'ont tentée* Quelques armées après ce malheur , le Pilote-Mtrcelo qui comrnandoit une carivelle,alla"t (rafioaec avec \^ Sauvages, 1^ tempefte le pouffa fur la cofte de la Fioride, où il fut ii flu'ûrablemen-t r.çù , qu'il revint fort content à llfle de San-Domiiîgue. Mais dans, cette rencontre il n'en uû pa 11 fàge Pilote -

* -Lune dzs Ife* Lucaye$ au Sud-Eft delà Floride file m (ameute a%t f ;s haosi ûfi laolo , U pat la u-llicuht oclaïuoja .

L'ivre premier. «tr il n'eut pas le foin de prendre les hauteurs des lieux , & cette faute luy coufta cher f comme il le verra.

Au mefme temps fept hommes des planches de San-Domingue firent lociete , & envoyèrent deux vaiiTeaux vers les Ifles de la Floride, arln d'en amener des Indiens pour travailler aux mines qu'ils poffedoient en commun. Ces vaiiTeaux aborderait à un: Cap qui fut nommé de Sainte Heiei'ne , à caufe qu'il y arrivèrent le jour de la Fefte de cette Sainte, Ils parlèrent de là à un fleuve qu'ils appeilerent le Jourdain , du nom de celuy qui le découvrit. Les Espagnols débarquèrent en cet endroit,. & ies habitans de la contrée qui n'avoient point encore vu .de Navires, les vinrent confiderer comme des choies furprenantes. Ils s'étonnoient aufîi de ]a forme des habits des Eflrangers, Se dtvoh des hommes avec de la barbe. Mais cela ne les empefcha pas de les recevoir obligeamment ; car ils leurs donnèrent des peaux de martre , quelque argent, Se de la femence de perles. * Les Efpagrrols leur firent d'autres prefens, 8e les engagèrent par leurs carefTes à vif ter les vaiiTeaux. Les Indiens qui fe fioienS à ces apparences d'amitié , entrèrent aunom-

» s;ire.nce ,-fe peilcs-, fe dit des petits fou mtnuës , qui & vcuuca. au poid.

% Hijfoirc de ta Floride.

bre de cent trente dans les Navires. Nos gens aulTi-toft lèvent l'ancre, Se vont à toute voile vers San-Domincuc. Mais de deux Vaiiïeaux > il n'en arriva qu'un au port ; Se mefme ils ne profitèrent point de leur prile. C^s pauvres Sauvages au deilipoir d'avoir efté trompes , s'abandonnèrent à la douleur , 5c fe lailTerent mourir de faim;

Cette nouvelle répandue à San-Domingue* Vafques Lucas d'Aiilon vint enEipagne, demander permrflTion de fe rendre maiftre de la Cicoric , lune des Provinces de la Floride avec le gouvernement du pays dont il feroit la conquefte. LEmpercur * luy accorda ce qu'il defiroit, Se ajouita à cette faveur r celle de luy donner Tordre de faint Jacques» Aillon de retour à San-Domingue arma trois navires en mille cinq cens vingt-quatre , 5c prit Mirvelo pour le mener à la Terre où ce Pilote avoit effe , à caufe qu'on la croioit plus fertile que tout ce que 1 on en avoit découvert julques alors. Mais parce que Mirvelo ne fe fouvenoit plus de l'endroit, où il eftoit la première fois aborde , il tâcha inutilement d'y arriver ; Se il en fut lï feniiblemenC touché qu'il en perdit l'efprit, 5c la vie. Aillon ne laifTa pa^rde palier outre ; Se mefme après que Ion navire amiral fut perdu dans le

* C'cit i'ijnpcicur Cbwlcs ÇHiiou,

Jourdafn , il continua fa route avec les denx autres navires $ & mouilla près de la Cicorie en une tres-agreable coP:c , où d'abord il fut affez bien reçu. De force ques'ima^inanc qu'il luy feroit aifé de fê. rendre maiitre de la contrée, il envoya deux cens hommes pour la reconoiilre. Les Indiens qutcachoient leur mauvais deffein , les conduiiirent au dedans du pays ; & après leur avoir témoigne beau-* coup d'amitié, fe reiïouvenant de la trahiio» que les autres Efpagnols leur avoient faite , ils fe jettent fur eux Se les taillent ai pièces j puis ils viennent de furie fur Aiilon & les Camarades, qui eftoient demeurés aux vauTeaux j ils en tuent & bleffent pluiieurs, 8c contraignent le refle de regagner promptement San-Domingue. Les plus conliderables de ceux qui échappèrent, furent Aiilon & un Gentilhomme de Badajox , à qui j ay oui raconta: dans le Pérou la déroute dont je. viens de faire îe récit.

Ce malheur ne rebuta point Pamphiîe de Narbaez , il paiTa dans la Floride en mille cinq. cens vingt-neuf *, & mena avec luy le jeune Mirvelo , Neveu de celuy dont j'ay parlée Mais encore qu il euft quelauc connoiilance de la contrée > comme ai ayant efle infirme

* D autres cifent en ! ',zl.

ïo H : fie ire de la Floride.

par Ton Oncle , il n'eut pas pourtant la fortune plus favorable que luy. Narbaez mefmc dans cette navigation périt avec les gens, à la referve d Aluar Nugnez Cabeça de Vaca , & de quatre de fes compagnons qui retournèrent en Efpagne , où il obtinrent quelques gouvernemens. Mais cela ne réiilTit pas ¦> car ils moururent allez malheureufement , 8c Aluar revint prilonnierà Valladolid, où il finit fes jours. Apres ceux dont je viens de parler y Ferdinand de Soto entreprit de s'emparer de la Floride , il y arriva en 1539. mais enfin il y perdit les biens Se la vie. Sa mort eftant fçùë en Efpagne , prufieurs demandèrent le Gouvernement de la Floride , avec per-million d'en continuer la découverte. Mais Charles-Quint ne voulut écouterperfonne là-defïus. De forte qu'en mille cinq cens quarante-neuf, il y envoya Cancel Balbaftro Religieux Dominicain , pour Supérieur de ceux de fon Ordre , qui iroient prêcher l'Evangile aux habitans de la Floride. Ce Pcre arrive dans ces contrées, fe mit à catechifer : mais au lieu de l'écouter, les Indiens qui fe reffouvenoient de l'injure qu'ils avoient reçue des Elpagnols , le tuèrent avec deux de fes compagnons. Les autres tout enrayes, regagnèrent les vaiffeaux , reprirent en diligence la route d'Efpagne, & dirent pour ex*

€ufer leur prompt retour , Que les Barbares avoient le cœur endurcy , Se qu ils ne pre-noient aucun plaifir à oùir la parole de Dieu. Treize ans après on promit à un des fils d'Aillon le gouvernement de la Floride , s'il pouvoir s'en rendre maiftre. Mais comme il îbllicitoit Ton départ, Se qu'on remettoit de jour à autre l'exécution de fon entreprise, il mourut de déplaiiir. Pedro Meleniez Se plu-fieurs autres allèrent enfuite dans la Floride. Cependant, comme je n'ay pas afTez de con-noiilance de ce qu'ils rirent, je n'en parleray point.

m • —

CHAPITRE ÎV.

Religion & Couftumes des Peuples de la Floride.

LEs peuples de la Floride font idolâtres, 5c tiennent le Soleil Se la Lune pour des Divinitez , qu'ils adorent iàns leur offrir des prières ny des fâcrifices. Toutefois , ils ont des Temples ; mais ils ne s'en lervent que pour y enterrer ceux qui meurent, Se pour y enfermer ce qu'ils ont de plus précieux. Ils élèvent au(Ti aux portes de ces Temples en forme de trophée les depo ailles de leurs ennemis.

t£ 7Jifiche Ae h T'ortàâ.

Ces Indiens n'épouiènt d ord ; nafre qu'unt femme , qui cft obligée de garder ta fidélité à Ton mari , (ur peine d élire punie d'un chaiti-) j iteux, ou quelquefois d'une mort

cruelle. ! un privilège du païs , les

e rmiliion d'avoir autant de femmes qu il-, en veulent. Néanmoins ils en ont une 1er itime, Se les autres ne lont que comme des concubines. De forte que les en-fans q.ii rtailTent de ces dernières ne partagent pas également Ici biens du Père, avec les en-» fars de la femme.

Cette couftume s'obferve auffi dans le Pérou. Car excepte les Incas Se les Caciques, qui en qualité de Princes Se de Seigneurs, •ont autant de femmes qu ils en délirent, ou qu'ils en peuvent nourrir , il n'eft pas permis aux autre* d en avoir plus d une. Cesperlon-ncs dé qnaî'tc drfent, qu'ils font obligez de feire la guêtre , Se qu il faut quils ayent plusieurs femmes ; afin d avoir plulieurs enfans qui partagent leurs travaux , Que la plulpart cks nobles mourant dans les Combats, il eft necedaire qu il y en air un grand nombre; & que comme la multitude n'a point de rarr aux a Jùires , Se n'eft pas expofee aux périls , il y a toujours aflez de peuples pour travailler , & pour porter les charges du Royaume»

Pour revenir aux habitant de la Floride ,

î!s n'ont nul bétail , 8c ne nourrhleRt point

de troupeaux. lis mangent au lieu de pain du gros millet y au lieu de viande, du poiiîori 8c des légumes. Toutefois comme ils ont cou-ftume d aller à la chaife , ils ont iouvent du gibier ' y car ils tuent à coups de fîéches y des Cerfs , des Chevreuils Se des Daims qu'ils ont en abondance , & plus grands que c^ux d'Efpagne. Ils atrappent aufïî pluiieurs fortes d'oHeaux dont ils le régalent, & dont les plumages de différente couleur, leurs fervent a parer leur telle , Se à distinguer durant la paix les nobles , du Peuple , Se durant ia guerre, le foldat, de celuy qui ne porte point les armes. Ils ne boivent que de l'eau > ils mangent leur viande bien cuite , leur fruit tres-meur , Se leur poiilon fort rety$ Se fe mocquent des Efpagnols qui en ufent autre-» ment. Ainiî je ne puis ajoufter foy à ceux qui ont rapporté, que ces peuplesmangeoieiic de la chair humaine. J'ofe dire qu au moins cela n'eft pas arrivé dans les Provinces que Soto à découvertes ; 8e qu'au contraire ils ont un extrême horreur pour cette inhumanité. Car des Espagnols eftant logez dans un quartier, où ils moururent de faim , & leurs compagnons les mangeant à mefure qu ils

expiroient , il n'y eut que le dernier qui s'en Uuva j de quoy les Indiens iur v iiç tUkmuif

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ï4 Vtfoire de U Tlorîdc.

cffenfez qu'ils voulurent aller tuer les Espagnols qui eftoient dans un autre lieu.

Les peuples de la Floride vont prefque îiuds, Se portent feulement un efpece de calerons de chamois, ou de daim. Ces calerons font de diverfes couleurs, Se fervent à couvrir ce que la bienfeance veut que l'on cache. Leur manteau eft une forte de couverture qui prend depuis le cou jufqu'à my-jambe. Il eft ordinairement de martre fine , Se lent une odeur de mufe tres-agreable. Ils en ont auiTi quelquefois de Chats, de Daims , de Cerfs , d'Gur-s ? de Lions , &^nefme de Vaches, qu'ils préparent iî bien que l'on s'en pourroit iervir comme d'une étoffe. Pour les cheveux ils les poitent longs , Se les nouent fiir la tefte. -Leur bonnet eft un reJeaii de couleur qu'ils attachent fur le front, en forte çtte les bouts pendent jufquau defTous des oreiller. Leurs femmes font auffi vêtu es «c peau de daim , ou de chevreuil, Se ont tout le corps couvert d'une façon bonnette &. mode (le.

I . es Indiens fe fervent detoutes fortes d'armes, excepté de farbalefte & dumoulquet. Ils •nt que l'arc Se la flèche leur donnent une grâce particulière ; Se pour cela ils en portent toujours à la chafle & à la guerre. Mais comme ils ont une taille tres-ayanca-

çeufe , leurs arcs font très-longs , Se gros à proportion. Us font de chêne pour lordinaire^ ou d'autre bois de cette forte. C'eit pourcjuoy on les courbe difficilement, Se il n'y a point d'Elpagnol qui puiiTe à force de tirer la corde approcher la main de fon village ; au lieu que les Indiens amènent cette corde jufqu'au derrière de l'oreille , Se tirent des coups qui furprennent. La corde de leur arc eft de cuir de cerf j & voicy comme ils la font. Us coupent de la peau du cerf une ceurroye de deux doigts de large , depuis la queue jufqu'à la tefle : Après ils oltent le poil de cette cour-roye , ils la mouillent , la tordent, en attachent un bout à une branche d'arbre, Se l'autre à un poids de cent, ou de flx vingts livrer ; Se laiflènt cette peau jufqu'à ce qu elle devienne en forme dtunegrofTe corde de boyau. En fuite , afin de ne le point bleffer le bras gauche avec lacorde, quand elle fe détend , ils fc fervent d'un demy braffar de grolfes plumes , qui les couvre depuis le poignet jufqu'au coude j Se qui cft arrefté par une ¦ de cuir , dont ils font autour du bras quelques tours ; Se ainfi ils lâchent la corde d'une force toute particulière.

Voila en jpeu de paroles les couftumes des habitans de la Floride. Mais comme j'ayaufli parle iuccinv.:en:ent de ceux qui l'ont uécou-

B z

î £ tîtfiûîtt de lî Floride.

vertfc , & que rentrepriiè de Soto fur ce

pays, e(> plus ïlhifttc que celle des autres ; je racontera v maintenant plus au long les choies qu'il fit dans ces contrées ; ie decriray les Provinces qu'il y découvrit, & raporteray les avions Je fes ioldats ju(qu'au temps qu : ils-forcirent de la Floride , Se ie retirèrent au À'euque.

CHAPITRE V.

Préparatifs pour la Floride,

SOto obtint la permiiïion de conquérir la Floride , & d"ériger en A'arquifat trente lieues de long fur quinze de large, dans le pays dont il feroit la conquête. L'Empe^ reur qui luy accorda cette grâce , luy donna auflî le Gouvernement de Saint Jacques de Cuba j afin de prendre dans cette ïile ce qui ïuy feroit necenaire pour ion deilein -, Se après qu'il l'eut exécuté, il l'établit Gouverneur gérerai de la Floride.

Cette nouvel'e divulguée par l'Efpagne , on crut que Ferdinand de Soto alloit joindre

* r ernand ou Fer.^inanJ Soto étoir Fils d'un (impie G«?nril. homme de Xciés de Badijox daas rEQiain-aàouic loftugaiie.

à la Couronne de nouveaux Royaumes ; Comme il eftoit l'un de ceux qui avoient conquis le Pérou , Se qu'il employoit dans cette dernière expédition tous fes biens $ on s'imagina qu'elle iurpalTeroit de beaucoup la. première, Se que l'on s'enrichiroit à fuivre fa fortune. C'eit pourquoy des gens de toute forte de qualité furent attirez à cette entreprit , Se fur Telperance d'en rapporter de grands trefors , ils abandonnèrent ce qu'ils avoient de plus chers , Se s'offrirent tous d'accompagner Soto. Il fe joignit au mefme temps à luy fept Gentil-hommes qui reve-noient de la conquefte du Pérou, Se quin'a-voient pour but que d'acquérir des richeiTes. Comice ils nettoient pas contens de ce qu'ils avoient, Se que le deîir d'amafler s'augmentait en eux , ils croyoient qu'ils iatisferoient mieux leur avarice dans la Floride que dans le Pérou.

Soto en vertu de fon pouvoir , commença-donc à donner fes ordres pour des vailTeaux, Se pour tout ce qui luy ettoit receflaire. IL choifit des perfonnes kir qui il pût fe décharger de quelques-uns de les foins } il leva det troupes , &: rit des Capitaines &: autres Orîi~ ciers. Cependant on exécuta avec tant de promptitude , ce qu'il avoit commande, qu'en moins de quinze ou leizt mois tout fut

b 3

en eflat, & conduit à San Lucarde Barrà-mede. Si bien que les gens de guerre s'y rendirent aulTi-toft avec force cordes , koyaux, panniers , & autres chofès propres À leur entreprile, 5c ils s'embarquèrent en cette forte

CHAPITRE VI.

Embarquement pour U Floride.

ON aïlembla pour là Floride à San-Lucar plus de neuf cens Efpagnols, tous à la fleur de leur âge 3 parce qu'il faut de Ja force , pour fupporter les fatigues de la guerre, & vaincre les travaux qui fe rencontrent dans les entreprïfes fur les pays •lu nouveau monde. Cependant, comme la vigueur toute feule ne fuffit pas, le General ordonna de distribuer de l'argent aux troupes, Se d'avoir égard au train, & àlanaiiTancC de ceux a qui l'on en donnait. Plulîeurs Officiers qui n'etoient pas équipés reçurent cette faveur, les autres qui confideroient les grandes derenfes que Soto étoit oblige de faire, la reruferent, dans la créance qu'il y avoic plus de generofité à employer leurs biens pour ion fervice que de luy eftre à charge.

Lors que le temps fut propre a h. navigation, les troupes s embarquèrent fur dix vail-feaux, dont il y tn avoit fept grands & trois petits. Le Gérerai fe mit avec toute fa famille fur le Saint Chriftophe , très-bien pour-veu de fcldars Se de munitions. Nugno Touar Lieutenant gênerai s'embarqua avec Charles Henriquez kir la Madelaine. Louis de Moicoib Meure de Camp commandoit le vaiiTeau de la Conception , qui eitoit de plus de cinq cens tonneaux. André z Vafcon-celo eftoit Capitaine du Gallion de la bonne fortune ; Se avoit une compagnie de Gentilshommes Portugais, dont quelques-uns a-voient fervi en Eipasne , Diego Garcia montoit le VaiiTeau Saint Jean , Se Arias Ti-noco celuy de Sainte Barbe , Alonfo Romo de Cardeniofa eftoit fur le Gallion Saint Antoine, &menoit avec luy Diego AriasTinoco, Enfeigne Colonel de l'armée. Pedro Calde-ron commandoit une tres-beîle caravelle, 8c avoit dans fa compagnie AlilTer Efpindola Capitaine de foixantehalebardiersdelagarde du General. Il y avoit outre cela deux bri-gantins qui fervo ; ent pour la découverte , parce qu'ils eftoient plus légers que les navires. 11 s'embarqua aulTi fur ces vaineaux des E^clelîaitique>, & quelques Religieux*

* Francifco ecl rozo Pionilio de Tans , Loiii< de îoio", Juaadc Gallcgos, Ftancifco de Rocha, Juan de Touci.

%% Hijfoire de la Floride.

tous gens d'une probité exemplaire.

A cette Armée Te joignit encore la flote deftince pour le Mexique > qui eftoit com-pofee de vingt navires. Soto en fut General jufqu'à Mlle de Cuba , où il falloit que cette flote le réparait pour a! 1er à Vera Crus. Et alors il en deroit laiiïer le commandement à Gonçalo de Salazar, premier Chrétien de la ville de Grenade, après que les Maures 1 eu-tn Mï'i. rent abandonnée. C'eft pourquoy en considération de cette qualité les Rois Catholiques qui conquirent cette place> accordèrent ace Gentil-homme de grands privilèges , & le comblèrent de leurs ra\ eurs. Ces deux notes partirent de San-Lucar le fixieme d'Avril de Tannée mil cinq cens trente-huit,, avec toutes les choies ueceiTaires j mais il ne manquoit rien fur tout aux troupes qui alloient dans ! a Floride.

CHAPITRE VIL

Ce qui arriva a l'Armée-depuis Sati-Lucar pif qu'a Cuba..

LE jour que les flote c fe mirent a la voilci Soto commanda un peu avant la nuit à SilvcfUe en qui il ic confioit,- de viiiter les

fentinelles , avec ordre au Capitaine de l'artillerie de tenir le canon en eltat ; afin que (î quelque navire manquoit à Ton devoir , on tira deffus. Cela fut audi-tort. exécuté ; & fur le minuit il penfa arriver un grand defor-fordre. Les Matelots du navire de Salazar voulant montrer la legeteté de leur vaii^eau, ou aller à la tefte de la flote avec celuy du General; ou plutôt s'eftant aif ez abattre au fommeil, & le Pilote qui gouvernoit alors le navire n'ayant pas alfez de connoiffance des chofes qui s'obfervent dans un Armée navale, le vaifîeau s'éloigna d'une portée de canon de fa flote, Se gagna le devant du navire de Soto qui eftoit à la telle. Mais comme Silveftre à qui le Ceneral avoit donné fes ordres, eftoit à l'erte, Se qu'il voyoit ie navire de Salazar, il éveilla le Capitaine de l'artillerie ; il luy demanda fi ce vaifTeau eftoît de la flote ; 8c fur la réponfe qu'il n'y avoit point d'apparence , à caufe que les Matelots qui fe feroient ainii avancés meriteroient la mort ; il fit tirer fur le navire. On en rompt les voiles du premier coup de canon ; on en enlevé d'un autre les œuvres mortes * ; Se on entend ceux qui eftoient dans le vailfeau demander

* On appelle eruvri< m rU>.\c<> parues d'un navire, qui foc» tent hors de l'eau ; ôt ocuvtci vives les parues d ou navire » qui (bat dans l'eau.

quartier , criant qu'iis eftoient de l'armée. Cependant les autres navires prennent les armes au bruit du canon, Se fe mettent en eftat de tirer fur ce vaiiTeau , qui flotantau gre du vent; parce que les voiles eftoient déchirées, vint tomber lur l'Amiral qui luy donnoit la chaiTe. Ce malheur fut preique plus fafcheux que l'autre. Les uns dans la crainte & dans le dclordre, où ils le trouvoient , penfoient plutôt à exeufer leur faute qu'à conduire leur vaiiTeau ; les autres au contraire lur la créance que l'action des gens de Salazar efloit une marque de mépris-, ne reipiroient que la vengeance, Se ne prenoient pas garde de quelle façon , ny comment ils voguoient. A la fin néanmoins lors qu'ils apperçûrent que ce3 deux vaiffeaux s'alloient heurter, ils fe fervi-rent de perches Se de piques , Se en rompirent plus de trois cens, pour arrefter la violence du choq, Se fe garantir du péril. Mais ils ne purent empêcher que ces navires ne s'em-bara(TafTent dans les cordages, Se ne fuiTent en danger d'eftre coulez a fond. Pas un vaiiTeau ne les fecouroitdanscette.confu(ion, le Pilote etirayé deiefperoit de le tirer de péril ; lanuitdéroboitlaconnoiilancedccequ'il falioit faire à l'air retcntiiToit de cris; Se comme le bruit empechoit que l'on ne s'entendit, la foliat ne pouvoit obéir , ny le Capitaine

¦commander. Voilà leftat où eftoîent réduits les deux navires, lors que Dieu infpira de couper les cordages du vaifleau de Salazar , qui avaient caufé tout l'accident. Car aufTi-tofl ils le virent hors de danger , 'Se le navire de Soto faverifé du vent s'éloigna de l'autre. Toutefois ce General en colère, fbit de s'e-frre vu dans le péril, ou>croyant que Ton malheur fut un eitet-de mépris que Salazar faifoit de luy, il le piqua de paroles -, Se mefme il s'en fallut peu qu'il ne luy fit couper là telle. Mais Salazar s'excula avec reipect, & Ton appuya avec tant d adreiTe fes raiions , que Soto reçut fes exeufes, Se oublia genereufement toutes choies. Salazar n'en uia pas tout à fait de rr.eime ; car dans le Mexique ? lors qu'il s'en-tretenoit quelquefois de cette avanture , il témoignait de l'aigreur contre Soto , 1k fou-haiioit ardemment de trouver l'occalion, de luy faire tirer l'épée ; afin de le vanger de l'outrage que ce General luy a voit fait. Pour revenir aux vailleaux ; après que les Matelots de Salazar eurent racommode les cordages , l'Armée vint mouiller à Gomerc * où eile le rafraîchit. Cependant le General trouva tant de charmes en la fille naturelle du Seigneur de cezu Ifle , q'i il la luy demanda avec prometle

••* Gomere Por:,-": Capital? de 1 Iflc Goraerc , l'une &* •Canaries dans l'Océan Atlaacjijue.

de la marief richement au pays, dont \\ aÏÏoît

faire la ..te. Ce Seigneur qui aioûftoît

foy aux paroles de Soto, luy confia cette hile, q li d avoit alors que ieize ans. Mais il la mie premièrement entre les mains d'Iiabelle de Bovadilla femme d_i General , Se la fupplia d'av >ir à 1 avenir pour cette*jeune perfpnne des lenrimefis de mère- Enfuite Soto partit de Gomere , & favoriie du vent, il apperçût à la fin de May Hile de Cuba. * Alors Salazar obtint permiiTion de Te feparerde la flote , Se conduisit 1 armée de Mexique à Vera Crus. § Le General ravy d'avoir achevé heureule-ment foa voyage, ne longea plus que de s'aller rendre au port. Comme il eftoit preft d'y entrer, les troupes virent un Cavalier qui ve-noit à bride abatuë , Se qui crioit de toute fa A droite, force au vaiiVcau amiral Ababor. Ce Cavalier eitoic envo T ye de la ville de Saint Jacques , pour faire périr le navire du General dans des bancs Se des rochers, qui le rencontr oient aux endroits qu'il leur enfeignoit. Et en effet les

* Cmkë l'une des Ifles de l'Ameriq iC. & la plus grande des An ilies

fCc Hoir ê're Samjaaâ de l lua dite V*ra Ct«%, h Nouvelle, petite » iiie fui le Go'fe du Mexique , ou '1 y a un < ort , «lan lequel fe te.tJenr tous les vaifoauv , qui vont i'r-llpagne tu» Mcinque Je ne croy pa- q ne ce i «it i'**a C* i la Vieille ui-te Gnplemeoi V*r* Cr*j. que les ¦ pagnols avoienrabaO" donné 'e c 1 an t s ig. a cauie delà ûiffi.uiie , & de l'incom-roouue ee ion pou-

MacelotS

Matelots qui ne connoifToient pas bien l'entrée duport,portoientlaprouë de ce colté-là» Mais aulîi-toft que ce Cavalier reconnut que c eftoit un vaifTeau amy il retourne leur crier k Lftribor *, Se mettanr pied à terre, il court, * a gaucte. Se leur fait ligne de pafTer à l'autre bord, ou qu'ils s'alloient perdre. L'Amiral qui entendit la penfee de cet homme , reprit aulïi-tofl à gauche. Toutefois quelle diligence qu'il kiï il donna contre un écuëil. Si bien que les Matelots qui croyoient que le vaiilèau fuft entre-ouvert , eurent recours à la pompe ; mais au lieu d'eau ils tirèrent du vin, du vinaigre , de l'huile & du miel ; parce que plulieurs ton-n eaux qui en eftoient pleins en furent rompus. Cet accident redoubla tellement leur crainte, que perdant prefque toute efperance de ie tirer de péril , ils mirent la chaloupe en mer, où entra la femme du General avec les filles de fa fuite , Se quelques jeunes hommes qui furent les premiers à s enfuir. Soto le pofiè-da fort bien en cette occafion. Car malgré les prières de les gens, il demeura ferme dans le navire , il encouragea par Ion exemple: les uns à travailler ; Se retint les autres. Il donna ordre enhn à tout, & ht decendre au fond du navire, où on trouva qu'il n'y avoit rien de rompu que les tonneaux. L'armée en refientit beaucoup de iove, Se il n'y eut quç

C

^ Ti'lhlre de la 'Blottie.

ceux qui s'eftoient échapez avec les Dames -^ qui eurent quelque déplaifir d'avoir témoigné fi peu de fermeté dans le péril.

CHAPITRE VIII.

•Combat de deux navires.

Dix jours avant que le General abordaft au port de Cuba , Diego Perez y eftoit arrivé avec un navire equippe de toutes cho-fes. Perez eftoit de Seville, Se allait trafiquer aux Mes du nouveau monde. On ne içait pas bien quelle eftoit la qualité , on fçait feu-Irmcut qu'en toutes Tes actions il agilïoitavec :tsant d'honneur ; que de fa conduite feule on poirvoit juger qu'il avoir lame tres-noble. Ii n'y avoir que trots jours qu'il eftoit dans ce <port » lors qu'il y arriva un Cor faire François qui avoit un tres-bon navire , Sz qui eftoit fort brave de fa perfonne. Mais comme l'Ei-pagnol avoir auiTi beaucoup de valeur , ils n'eurent pas plutôt reconnu qu'ils eftoient ennemis de nation , qu'ils s'attaquèrent & combattirent jufqu'à ce que la nuit les iepa-raft. Apres quoy ils s'envoyèrent Étire compliment avec des prefens de vin & de fruit, $ fe donnèrent parole que la nui: il y aufok

trêve Se que mefme on ne tircroît point de canon de part ny d'autre. Ils difoient qu'il n'y avoit point d'honneur , ny de courage-à iè battre avec du canon* Qu'il eftoit plus glorieux de ne devoir la' victoire qu'à ien bras Se à Ton épée : 8c que d'ailleurs on s'en-richiiToit des dépouilles du vaincu, Se d'u& excellent navire. Ils gardèrent leur parole ; de cependant de peur de quelque furpriie , ils ne laiiTerent pas de pofer la nuit des fentincl-ks. Le lendemain à la pointe du jour ils recommencèrent le combat avec tant d'opiniâtreté , qu'il n'y eut que la fatigue Se la faim qui les feparerent. Mais lors qu'ils eurent repris des forces , ils fe battirent encore jufqu'au-foir , après ils s'envoyèrent viiiter , ils fe firent des prefens , & s'offrirent des rtmedes pour ks bieifez.

Durant cette nuit, Perez écrivit aux habitais de Jaint Jacques,qu'il faîloit purger leur: Dur d'un Corfaire auflî redoutable que celuy quil tàchoit découler a fondsjqu'en côniide* ration des efforts qu'il faiioit pour leur rendre de bons offices , ri les fupplioit de luy promettre , que s il avoit du pîrt > ils luy ren-droieut à luy ou a fes héritiers la valeur de fan navire. Que s'ils l'aiTeuroient de cette faveur ? il mourroit , ou il triompheroit de ionennemy. Qu il leur demandoit cette gra~-C z

ce,parce qu'il n'a voit vaillant que Ton vaiïTèau: & que s'il polTcdoit d'autres ricliefles , il ha-zardercnt de tout Ton cœur ce qu'il avoit fur mer pour leur fervice. La ville de Saint Jacques * reconnut tres-mal la volonté de Pe-rez. Car bien loin de luy rien accorder , elle fit réponfe qu'il pouvoït faire ce qu'il luy plairoit, Se qu'elle ne luy garantifïbit aucune chofe. Ce Capitaine piqué de leur ingratitude , mit ion efperance en fa propre valeur, Se refolut de combattre également & pour fon honneur Se pour fa fortune.

Dans cette vue dés que k troisième jour parut , Percz s aprefta pour le combat, Se -attaqua fon ennemy avec autant de vigueur qu auparavant. Le François reçût de fon coité TElpagnol avec affûrance , Se il ne fon-gea qu'à vaincre ou à mourir.C'étoit en efFcc plutôt l'honneur que le profit qui animoit ces Capitainesjparceque hormis leurs navires qui valoient quelque chofe , le reflc de ce qu'ils pofTedoient n'étoit pas coniiderable.

Cependant ils s'attachent l'un à l'autre, combattent en lions,&ne fe feparentque pour reprendre haleine. Ils rentrent après au combat , irritez de ne pouvoir remporter aucun avantage l'un fur l'autre. La nuit enfin les le-

H Vilk autrefois la Capitale de l'Iflc de Cuba.

-pare , chacun fe retire avec fes blefTez Se fes-morts, & ils s'envoyent viiiter à la manière accoutumée. Une conduite il extraordinaire eflonna la ville de voir que deux perfonnes qui cherchoient fortune , s'opiniâtralTent avec tant de courage à fe vouloir o&er la vie, fans qu'ils y fufTent obligez par devoir y ny' par clperanee d'eitre recompeniez de leurs* Roys 3 puifque pas un de ces vaillans hom--mes ne combattoit par l'ordre de Ton Prince, Le quatrième jour , lors que Pcrez 3c le Coriaire fe* furent faluez cle quelques-volées de-canon j ils continuèrent leur combat ,.& ils ne le quittèrent que pour donner ordre à leurs blefTez. Ils le battirent enfuite avec tant d'ardeur , qu'il n'y eut que la nuit qui les Te- • parafl: -, puis ils s'envoyèrent faire civilité, 5c *e régalèrent de divers prefens: Mais comme Perez eut remarqué de la foibkiTe-enfo» ennemy, il le fit prier que leur combat fe continuait h première fois, jufqu a ce que l'un ou l'autre euft remporte la victoire. Et-pour-1 y engager il le defia à la manière de ia guer« re : ajoutant qu'après le courage qu'avoic , fait paroître cehiy qu'il avoit à combattre, il elperoit qu'il accepteroit volontiers le defu he Capitaine François repondit, qu'il Lre-cevoit de-tout ion cœur; & qu'au jour ailigné, il vaincroitj ou qu'il meurroit. Il fupplia

c 3

$o Hiflôire de l'a Tloride.

mefme Ferez de prendre toute la mut ds nouvelles forces pour le lendemain , Se de ne 1er point tromper par un défi artificieux; à caufe qu'il fouhaitoit de montrer en fa personne la valeur de la nation Françoiiè. Néanmoins lors- qu'il connut que le temps eftoit propre pour échapper, il rit fecrettement lever l'ancre , Se fe mit à la voile. Les lentiiieîles EC pacmoles ouïrent quelque bruit. Mais dans îapenfeeque leur ennemy le preparoit au combat, elles ne donnèrent point l'alarme ; $e lors que le jour parut , ils furent iurpris de voir qu'il s etoit iauvé. Ferez affligé de cette-fuite y parce qu'il croyoit que la victoire luy eftoit aiTeuree , prit dans Saint Jacques ce qu'il luy Jailcit, Se pouriuivit le Corfaire. Mais il eftoit déjà loin , & après tout.il fit bien de ne plus tenter la fortune du combat > puis que k. luccez en eiteit incertain pour luy.

Certes le procédé de ces Capitaines efl digne d'eftre remarqué. Us s'attaquoient en véritables ennemis, & toutefois iliembloitqu'a-prés le combat > ils s'aimafFent en frères. Us ïi'avoienr l'un pour l'autre que du refpeét., 5c de la bonté; Et ils donnoient d illullres marques que leur civilité ne le cedoit pointa leur courage ; Se que ioit.cn paix ou en guerre^ i[% CÛoient également généreux»

C H A P I T FL E I 2C Arrivée de 8oie-à Cuba*

LOrs crue les habitai! s-de Saint Jacques encore tout effrayez du combat virent pa-roiftre les vaifïauxdu General, ils craignirent que ce ne fufl le Corlaire qui retournai: avec d'autres pour faccager leur ville. Ce qui les-porta comme il a ef:e dit^-à faire échouer s'il le pouvoir, Ferdinand de Soto : mais lors qu'ils le reconnurent, ils changèrent de defïein, & il aborda iieureuJement. Le peuple court au devant de luy, Se promet de luy obeïr, luy témoigne fan affection par de frequens cris de joye. Ils luy demandent eniliite pardon de leur meprile, cauiee par le combat y dont ils avoient efté les fpeclateurs. Toutefois comme ils ne luy parlèrent point de leur conduite envers Perez j Se que le General en fut fe-crettement informé , il les bidma de leur ingratitude... Il leur reprefenta que ce Capitaine s'étoït hazardé pour leur (Service. Que la ire ayant balancé quatre jours entre luy 3c Ion enoenry , il leur eut efté aile avec une barque de trente hommes de le rendre maiftre 4c ce Corlaire. Que la crainte qui. les avois

£i Hîfioire de la Tijrlde.

empêchés de le déclarer eftoit mal fondée : parce que (î le François cuit-.efte victorieux , iln'auroit point eu d'égard a toute la froideur qu'ils avoient montrée pour un homme , qui" combattoît pour leurs interefts, Se qu'enfin on ne pouvoir aflèz toft, ny avec trop d'ardeur, lecourir ceux de Ton party , ny fe défaire de les ennemis avec trop de promptitude* Les habitans touchez de ces paroles promirent qu'a l'avenir, leurconduiteferoitplus» tage Se plus genereufeySe continuèrent à le ré-jouir. Mais ce qui redoubla leur joye, fut l'arrivée deleurEvêque, Ferdinand de Moça qui penia faire naufrage au port. Comme il deliroit palier du vaiileau en la chaloupe , il-tomba dans la mer , à caule quela chaloupe s'éloigna du navire.. Néanmoins ce qu'il y eue de plus dangereux, fut que revenant au dciïus>' de l'eau, il -donna de la telle contre la barque r. mais les Matelots fe jetterait dans la mer , 8c le fauverent. La perte de ce Prélat eut efté: leniible. Il pailoit dans l'Ordre de faint Dominique , dont il eftoit , pour un homme, d'un mérite extraordinaire. Si bien que le peuple de Cuba , qui s'cltimoit heureux d'avoir pour Evêque un grand per-fonage , Se pour Gouverneur un Capitaine renommé , ce ne. fut par toute la ville durant quelques jours que. jeux, danles,.

fèûnns, 5c mafquarades. II y eut meime des eourfes de bagues, où l'on voyoit une quantité de chevaux, de tout poil Se de toute taille,. les plus beaux du monde. Ajouftez qu'ami de rendre la réjoûiffance plus célèbre , on di-flribua divers prix à ceux qui fe fîgnalerent le plus. Ils donnèrent aux uns des bagues, Se aux autres des étoites de foye ; & au contraire on railloit ceux qui n avoient ny ladrcfie , ny le courage de fe rendre dignes d'eilime. Ces re-eompenfès d'honneur obirgerent pîuficurs Cavaliers de Tarnice qufefloient adroits , de fe méfier avec eux; ce qui augmenta la beauté de la feite, &: donna à toute la ville un piaifir particulier.

CHAPITRE X.

DcQfpoir de quelques Hubitans de Cuba.

LEs Soldats vivans en paix avec ïe peuple de la ville de Saint Jacques, Se tâchant de fe rendre de bons offices les uns aux autres, ils firent durer leur rcjoùiiîancc prés de trois mois. Cependant le Gouverneur vifita toute» les Places de lifte y II y établit des juches à qui" il donna la qualité defesLieutenans,& acheta des chevaux pourfon entrenrife. Les principaux Officiers £rerxlamei:ne chofe r de forte

que cela l'obligea a leur dtiïribuer de forgent, Se porta i^s Habitons de Hile a luy faire prelent de quelques chevaux : car ils en nour-riiloient avec grand foin, 8e en vendoient dans le Pérou & dans le Mexique^ Il fe trou-voit en effet des particuliers de Cuba qui en avoient les uns vingt, Se d'autres jufqu'a cinquante & foixante -> parce qu'alors rifle efloit riche , fertile , Se remplie d'Indiens. Mais la plupart le pendirent un peu après l'arrivée de Soto. Voiey la caufe de leur deferpoir. Comme les peuples de Cuba font naturellement parelieux , Se que la terre du pays rend beaucoup , ils-ne prenoient pas grand-peine a l'a cuiiivi r. Ils fêmoïent feulement un peu de gros millet qu'ils recueilloientchaque année pour les neceflitea de la vie. Si bien que et s pauvres Indiens le bornant à ce ciie la nature demande pour la fubfiftance , Se comme l'or.n'eft point nccelTaireàla vie, ifs ne 1 "eftu ruoient point, & ne pouvoient Toutfrir que Tes Efpagnois les contraignùTent de le tirer des lieux , où il fe trouvoit. Ailifi , afin de n eftre plus obligez à faire une chofe àquoy ils avoient tant d'averfion , ils le pendirent prelquc tous } Se on trouva au matin dans un Jeul village cinquante familles qui s'eitoienc defelperees de la forte. Les Efpagnolseffrayés de l'horreur de ce fpcctacL , tâchoient sude*

Hvre premier. «. Jf

tourner le refte des Barbares dune il cruelle refolution* , mais ce fut inutilement. Caria plupart de llfle, & prefque tous leurs voiims finirent leur vie par le mefme genre de mort : Se de là vient que l'on acheté aujourd'huy fort cher les Nègres qu'on mené aux mines.

CHAPITRE XI.

VÀfco Torcallo âe YigueroA prend pirîy dans l'Armée*

POur revenir à Soto , après qu'il euft envoyé des troupes par mer ious la conduire d'un § de Tes Capitaines ; afin de rehaftir la Ville des Havanes , que les Corlaires François avoient laccagée , il pourvCut à ce qu'il falloit pour la conqueftede la Floride , Se fut fécondé dans cette entreprife par Vafco Por-

* Ua autre hittorien raporte une aftion fort induftrteufe , dontfe fervi: un Espagnol Intendant de Vafco Forcallo, pour détourner quelquesuosde ceslndiens deCuba de fe pendre lt prit une corie a la imin . & les alla trouver dans le lieu , ok il favoit , qu'ils fe devoienr afTembler pour cette expédition leur difant qu'il s'nlloir pendte avec eux, pour les tourmenter en l'autre monde cent fois plus qu'il n'avoir fait en celui-ci. Ce JifcouiS leur rît abandonner la refolution . qVil', ivoient prife. & ils revinrent avec lai pour faire tout ce <V''i! '"ut ordonneroit.Cc qui fait voit combien ils hailicienx les Espagnols.

} Mutco Azcituno.

Jtf Hijîctre de U Tloride.

ca'lo de Figueroa , dont je vais par'er. Por-callo eltoit un Gentil-homme qui avoit de la tiaiflance , du bien Se de la valeur. Il avoit long-temps porté les armes, Se fouffert de grandes fatigues en Europe, Se en Amérique : fi bien qu'eftant vieux Se rebute de la guerre, il fe retira à la Trinité Ville de l'Iflede Cuba. Mais iur la nouvelle que Spto eftoit arrivé à Saint Jacques avec un€ Armée, il iuy alla rendre vifite, il s'y arrefta quelques jours, 5c comme il vit de braves troupes & de magnifiques préparatifs pour la Floride ; il fut tenté malgré Ion âge , de reprendre les armes. Il s'offrit donc luy 8c toutes ics richeffes au General , qui le reçût avec joye , Se loua fa refoiution. De forte que pour reconnoiftre avec honneur l'oiîre que ce Capitaine luy avoit faite de fes biens & de faperfonne, il le fit fon Lieutenant gênerai en la place de Nugno Tovar , qui fans fon aveu seftoic marié à la fille du Seigneur de Gomere. Ainfi les troupes s'augmentèrent de tout le train de Porcailo ; Se cela fervkextrêmement. Car il avoit un grand nombre d'Eipaçnols, d'Indiens, de Nègres, pluileurs domdtiques,plus de quatre-vingts chevaux , trente pour ion fervicc particulier , & cinquante qu il donna à des Cavalier- de l'Armée. Il avoit auili fait provilion de pain, de chair lalce, Se d'autres

chofes y

thofes ; & encourageoit par Ton exemple plu* ïieurs Efpagnols qui demeuroient dans Mile à iuivre le General , qui après avoir mis ordre à fes affaires, prit en diligence la route des Havanes.

CHAPITRE XII,

Soto arrive aux Havanes*

SUr la fin d'Août de l'année mille cinq cens trente-huit , le General partit de Saint Jacques , accompagné de cinquante chevaux pour fe rendre aux Havanes ; 8c commanda au refte de fa cavalerie, qui eftoit ce trois cens hommes, de le fuivre , & de fe partager par petits efcadrons de cinquante hommes chacun , avec ordre de partir à huit jours l'un de l'autre $ afin qu'étant en petit nombre ils trouvaient mieux ce quil leur feroitnecefïaire. Mais il voulut que l'Infanterie Se fa mai/on allaffe le long de la côte aux Havanes -> où aulïi-tôt qu'il fut arrivé , Se qu'il euft vu ladcfolationde la Ville, il fit des largefïes aux habitans pour reparer leurs maifons & leurs Eglifes, que les Pirates avoient ruinées. Il ordonna enluite à Juan d Aniafco fort expérimente dans la uaviga-

D

^ 8 îliftoire de la Tlorîde.

¦ tion, d'armer deux brigantins, d'aller découvrir les côtes de la Floride , 8c d'en reconnoi-ftre les Rivières Se les hommes. Aniafco ©beit ; & après avoir couru deux mois plu-fieurs endroits de la côte , il retourna avec une exacte relation des chofes qu'il avoir

*vûës , & amena avec luy deux hommes du pays. Soto fatisfait de fa diligence le renvoya, avec ordre de voir où l'Armée pourroit aborder. Aniafco reprend fa route, viiite la côte, Se remarque les lieux où l'on pourroit prendre terre. Mais dans cette féconde courfe , d'où il revint avec -deux autres Indiens : il arriva que luy 8c fes comparons qui s'étoient égares les uns des autres dans une I-fle deferte, furent deux mois avant que de fe pouvoir rejoindre, Se ne mangèrent que des oileaux qu'ils tuèrent à coups de groiTes coquilles. Enluite ils coururent lur mer de li grands périls , que lors qu'ils abordèrent aux Havanes, ils furent au fortir de leurs vaifleaux a genoux jufqu'à i'E^lile ; où après avoir remercie Dieu de les avoir tirés de danger, l'Armée les reçut avec d'autant plus de joye, qu'elle croyoit qu'ils ewTent tous fait naufrage.

Cependant le General qui s'appliquoittout entier à" fon entrepriie , eut nouvelle que Mj'vloça Vice-Roy de Mexique , levoit des troupes pour la conquefte de la Floride»

Maïs comme il apprehendoit que leur rem-contre ne caufaft des differens, il refolut de luy communiquer les proviiions qu'il avoit de l'Empereur. Il dépêcha donc vers Men-doça , pour le fupplier de ne faire aucune levée qui le puft troubler dans la oonquefte qu'il meditoit. Et le Vice-Roy répondit, que Soto pouvoit en toute alTeurance continuer Ton voyage. Qu'il envoyoit Tes troupes en des endroits oppolez à ceux où il voulort mener fa flote. Que la Floride eftoit un vanité pays. Que chacun y trouveroit de quoy fatisfaire ion ambition. Que bien loin d'avoir la penfée de nuire à Soto , il fouhaitoit que la fortune luy donnaft lieu de luy rendre fervice , Se qu'il n'épargneroit pour cela ny fes biens, ny le pouvoir que luy donnoit îa qualité de Vice-Roy. Le General content de cette réponfe remercia Mendoça de fi bonne volonté,

" En ce temps-là les Cavaliers qui avoient eu ordre de partir de Saint Jacques pour les Havanes , y e(loient arrivez ; & avoient fait un peu plus de deux cens lieues, qui eftla di-ftanec d une de ces villes a l'autre. Soto alors voyant que fa Cavalerie 8c fon Infanterie tftoient jointes, Se que la faifon de fe mettre en mer approchoit j il laifîa pour commander en fon abfcr.ee , Iiabelie de Bovadilla fa fem»-

D %

me , & luy donna pour confeil Juan de Rochas. Il eftablit aufîi dans la Ville de Saint Jacques Franciico Gufman y car ces deux Gentils-hommes commandoient dans le pays avant fa venue, & fur le rapport qu'on luy avoit fait de leur bonne conduite, il les confirma en leur charge. Il acheta au mefme temps un beau navire , qui efloit abordé aux Havanes, 5c avoit fervit d'Amiral y lors que Cuniga fit la découverte de la Rivière de la Plata. * Ce vailTeaus'appelloit Sainte Anne j & efloit* fi grand qu'il porta quatre vingts chevaux en Floride.

CHAPITRE XIII.

Rencontre de Ferdinand Ponce aux Havanes.

DUrant que le General attendoit un vent favorable pour mettre à la voile, Ferdinand Ponce, qui efloit en mer s'opiniâtra quatre ou cinq jours, afin de ne pas relâcher aux Havanes $ mais l'orage l'y força. Il ne vouloit point entrer au port ; parce que quand Soto partit du Pérou pour l'Efpagne ,. ils eftoient convenus qu'ils partageroient

• * C'eft l'une des pl«s grandes Rivières de l'Amérique Me-

leur bonne & leur mauvaife fortune. La résolution de Soto lors qu'il fortit du Pérou, eftcit d'y retourner, pour y jouir des re-compenfes que fes fervices avoîent méritées dans la conquefte de ce Royaume. Comme depuis il changea de relolution ; Ponce obtint de Pi carre par ordre de 1 Empereur , une contrée où il aniafïa beaucoup d'or, d'argent, Se de pierreries. Il fêJit auffi payer de quelques dettes que Soto luy avoir laiïTées à recevoir : Se après s'eftre enrichy, iî prit la route d'Efpagne. Mais fur la nouvelle qu'il eut à nombre Dcdios, que Soto fe preparoitpour la conquefte de la Floride , il tâcha de palier outre y de peur d'eftre contraint de partager avec luy, Se que fous couleur de fon entre-prife , Soto ne s'emparait de les richeffes, ou du moins d'une partie.

Aufli-toft que Ponce fut au port, le General luy envoya faire compliment, Se luy ofrrir ce qui dépendoit de luy. Il allaenluite pour l'obliger de venir fe rafraîchir à terre , Se après s'eftre entretenu avec beaucoup- de civilité ; Ponce luy dit qu'il fe trouvoit limai de la tempefte, qu'il manqueit de force pour fortir de fon vaiiîcau ; Se qi:e des qu il fe fe-roit un peu fortifie,il 1 iroit remercier des offres obligeantes qu'il luy avoit faites. Soto par com r laiiancene l&f&efla point. Mais comme

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S^b Wfioïre de U Floride.

il ie defîbît de quelque chofe il voulu l'éprouver. Cependant Ponce qui ne coniultoit que fon avarice , Se qui ne fe fioit pas auffi • i la tby du General , ne longea qu'à luy ofter in-confiderement la connoilïance des richefîès qu'il raportoit du Pérou. Il commanda donc, que fur le minuit on tirait, de Ion navire l'or , les perles Se les pierreries qui valoient plus de quarante mille écus,. Se qu'on les portait en la inaifon d'un de Tes amis ; ou qu'on les enterrait prés de îa côte , afin de les reprendre quand il le trouveroit à propos., fans que Soto en eut connoifTance. Toutefois cela ne reiiiiïlt pas 3 car ceux qui obfervoient les-gens de Ponce , appercevant venir un vaii-feau , fe cachèrent en diligence Se fans bruit. Mais lors qu'ils virent que le trelor efloit débarqué Se que ceux quil'avoient en garde s'a^-vançoient, ils donnent deilus , les mettent en fuite , Te rendent maîtres du butin , & le portent au General , qui ordonna que l'on ne divulgaitrien juiqu'à ce qu'on viit de. quelle manière fe gouverneroit Ponce qui s'eitoit défié de luy.

Le lendemain , Ponce qui diiViniuioit la trifteffe qu'il reiTentoit d'avoir perdu fon tre-for , vint deicendre au logis du General, où ils eurent un long cntretL-n , tant des choies preientes que des paiïccs. Mais comme 1*

converfation tomba ilir le malheur arrivé la. miit précédente , Soto le plaignit à Ponce de ce qu'il s'eftoit méfié de luy y Se pour mon-a-erlajuilice defes plaintes,,, il ht apporter les pierreries, Se les luy remit ,. 1 .apurant en mefme temps que s : ii eu manquoit quelq u— ne, il la feroit rendre ;-afm qu'il commit que ne touchant point aux biens de la fociçté , la conduite eftoit fort différente de la fienne. D'ailleurs que la depence qu'il avoir faite pour obtenir la permiilion de conquérir h Floride , eitoit.dans la vue de partager avec luy tout le bien qui luy en pourroit revenir. Qu'il en avoit fait fa déclaration en prefence. de gens d'honneur y Se que néanmoins il de-pendoit de luy de s'embarquer pour la Floride. Que mefme s'il le fouhaitoit , il renon-ceroit aux titres qu'on luy avoit accordez , & qu'il luy auroit obligation de l'avertir de* choies qu'il trouveroitbon qu'il hil pour leurs interefts communs. Qu'en un mot il-rencon-treroit en luy toute la fidélité que l'on doit attendre d'une perfonne genereuie.

Ponce plein de confufion du procédé qu'il' avoit tenu , Se encore plus furpris de la manière dont on \wy venait déparier, fupplia le General de luy pardonner fa faute , & de continuer à laymer. Il le conjura aullî de trouver.bon que chacun d'eux pourfuivifl fou

voyage, 8c de rerouvellerleurfocieté, mettant pour cela entre les mains d'Ifabellë de Bovadilla , dix mille éeus tant en or qu'en argent ; dont le General ie pouvoit fatfr pour l'avantage de la fociete. Cette façon d'agir fembla iî honnefte qu'on luy accorda ce qu'il demandoit. Enluite comme le temps parut propre à la navigation, Soto fit embarquer les munitions Se deux cens- cinquante chevaux dans les navires > qui fans compter les Matelots , portoient mille hommes tous gens bien faits, 5c bien équipez. De forte qu'il ne s'eitoit point vu julqu alors pour les Indes, un armemement ny fi grand , ny i\ Jefte. Il le mirent en mer Ifc douzième ds May de l'année mil cinq cens trente-neuf.Mais tandis qu'ils voguent au gre du vent, je diray ce que faifoit Ponce dans le port. Ce Capitaine fous prétexte de fe rafraîchir, Se d'attendre un temps favorable pour retourner en Eipagne , demeura aux Havanes après le de-part du Général, Et huit jours enfuite , il prefenta une requefte à Rochas, qui efioit le J*uge du lieu , par laquelle il expoloit que fans rien devoir à Soto, & feulement dans la crainte qu'il ne s'emparait de tout ce qu'il apportait du Pérou , il avoit donne à fa femme dix mille ccus en or Se en argent, & demandoit qu'on luy fia rendre cette iomme ,

ou qu'il proteftoit de s'en plaindre à l'Empereur. La requefte fignifiée , cette Dame répondit qu'il y avoit des comptes à faire entre Ponce & Ton mary, fiiivant le contrat de focieté qu'ifs avoientfait enfemble. Que Ponce devoit plus de cinquante mille ducats , Se qu'elle priok qu'on larreftaft juiqu'à ce qu'on euft vérifié les comptes qu'elle s'ortroit au plùtoft de produire. Ponce qui en effet eftoit débiteur dune grande fomme à la focieté^ furpris de cette reponfe mit à la voile , h bien qu'on ne puft l'attrapper ;. Et comme il seftoit embarraile là fort mal à propos , il fit prudemment de ne point pouffer cette afôire. Voila Comme l'avarice aveugle les hommes ,. Se ne leur apporte que de la peine 8c de la cou-fuiîon.

Vin du premier Livre de la Floride*;

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HISTOIRE

DE LA

FLORIDE.

LIVRE SECOND.

Ce qui arriva dans la découverte des huit premières Provinces.

CHAPITRE I.

Arrivée de Ferdinand de S et g dans la. Floride,

*S6 O t o ayant elle dix-neuf jours en % mer , à caufe qu'il n'avoit pas eu le p temps favorable ; ne découvrit la Floride qu' à la fin de May , Se vint mouiller en une très-bonne baye * , que l'on appella du Saint Efprit. Mais comme il eftoït fort tard,on ne débarqua point,& I'elendcmainon

* M Samfon appelle cette baye la rivière du S. Ifprit, U *îctUbaysdeccnotnàrj:ciJcQt de celle cy.

envoya les efquifs à terre. Ils revinrent avec des raifins (anvages, qui eftoient encore tout verts, «Car les Indiens qui les eftiment peu , ne prennent nul foin de les cultiver 3 & ne laiffent pourtant pas d'en manger , lors qu'ils font meurs. Le General reçut ce fruit avec joye, parce qu'il eftoit lémblable aux raiiins d'Efpagne : & qu il n'ei avoir point trouvé dans le Mexique , ny dans Je Pérou. De forte que jugeant par là de l'excellence du Terroir de la Floride ; il commanda à trois cens hommes dïci\ aller prendre poffeiTîon au nom de l'Empereur'. Ils débarquèrent incontinent, £< après avoir marché tout le jour , ils le reposèrent la nuit, à caufe de la fatigue qu'ils avoient eue. Mais le matin les Indiens qui les chargèrent avec vigueur , les mirent en fuite, & les menèrent battant juiqu'a la mer. Por-callo pour hs iouitenir , (ortit à la tefle de quelques Groupes : Se d'abord il eut taille les ennemis en pièces , lans h deiordre de fes foïdats , dont quelques-uns furent bleifez, à caufe de leur peud expérience. Néanmoins il les rallia, & comme il les.eut encouragez, il donna fur les Barbares qu'il pourfuivit chaudement. Et après leur avoir donné la chaffe , il retourna au camp ou/on cheval mourut au fi-toft d'un coup de flèche, qu'il a voit e* au travers du corps.

En mefme temps le General fît débarquer ; & après neuf jours derafraîchifTement, illaiffa fes ordres pour la garde des vaifTeaux ; 6e marcha environ deux lieues dans le pays, julqu'à la Capitale dHirriga* , qui porte le nom de la contrée & de Ton Seigneut ; parce que dans la Floride, la Province, la Capitale, Se le Cacique , s'appellent ordinairement du mefme nom. Lors que le General le fut donc ainfî avancé , le Cacique , qui efloit dans la Capitale de la Province , irrité contre les Efpa-gnols, à caufe qu'auparavant ils luy avoient coupé le nez, Se qu'ils avoient fait manger fa mère par les chiens : Se d'ailleurs allarmc de la venue de tant de monde abandonna la place, Se fe retira dans les bois, d'où Tonne put le faire fortir, quelque favorable traitement qu'on luy fit eiperer. Car tout en colère contre ceux qu'on luy envoyoit pour l'obliger de contracter alliance avec les Clire-ftiens ; il dlfoit que bien loin d'avoir communication avec eux , fon honneur ne luy per-mettoit pas mefme d'en oùir parler. Que c'e-ftoient des lafehes Se des perfides. Que le plus grand plaifir qu'on luy puft faire , eftoit de luy apporter leurs teftes, Se qu'il ne pourroit jamais allez reconnoiftre une Ci grande faveur.

¥ OuHirrihigua,

Tant

i ant les outrages ont de force pour exciter la haine dans ïe cceur de ceux que l'on a of-fenfez. Maïs afin que l'on connoiffe mieux jufqu'où le Cacique portoit Ton reiïentiment j je ràconteray les cruautez qu'il exerça fur quatre Efpagnols.

Il y avoit quelque temps que Narbaez" «doit party de la Province d'Hirriga ; lors qu'un de Tes vaiilèaux qui eftoit demeuréder-riere , & qui le venoit chercher parût à la rade. Le Cacique qui en futaverty, refolut de prendre ceux qui eftoient dans le vaiiïeau, 8c leur envoya dire que leur Capitaine en partant luy avoit ordonné les copies qu'ils dévoient faire y fl'p^T hazard ils meuiriorenv au port. Il leur-montra a. :es feuilles de

papier blanc , avec des lettres qu'il avoit re> çùës de Narbaez , tandis qu'il eitoiibïcn a-v^c luy. Mais cela rut inutile; car ils fe tinrent toujours (ur leur garde , fans vouloir prendre terre , jufqu'à ce qu'Kirri^a Lur en* voya pour oftages quatre des principaux de fa Sujets. Cette adrefte reùfiit , Sz autant d'Efpagnols entrèrent dans le bai t eau où eftoient k:s Indiens qui amenoient les ofb Le Cacique qui les apperçut^ fachc d'en voir fi peu, en voulut demander un plus grand nombre ; mais il en perdit la penfee , de peur que ceux qui venoient ne découd rïflent fon

^o Hifioiu de la Tïoïule.

deflein, Se ne luy echapaflent. Comme ils furent débarquez, Se que les oftages conn ( que leurs ennemis enoient au pouvoir de leur Seigneur ; Ils Te jetterent dans la mer fuivant l'ordre qu'ils en avaient; Se nageant entre deux eaux ils fe (àuverent. Cependant les mois qui voient qu'ils ont malheureu-fement iacririe leurs compagnons , lèvent l'ancre; Se de crainte de quelque autre malheur* ils fuient a toutes voiles.

CHAPITRE ïï.

Mort de mû Efpagnols , &'. us

que foujfrit fuan Or.

Hlrriga garde:: avec foin les prisonniers, pour augmenter par ' te d'une fefte qu'il devoit célébrer dans pçii de jours, îe on la couitume du pays. Le temps de la cérémonie arrivé,il commanda que l'on h: venir en public 'es Eipagnols tout nuds -, S; que les obligeant de courir tour à tour d'une extrémité de la place à 1 autre , on les tiraft de temps en temps a ce. afin que leur mort fiift plus lente , leurs tour-mens plus ;, & la rejoui .lance plus cé-

lèbre Se de plua longue durée. On

auffi-tôt, Se le Cacique qui affiftoit au fpc-cracle , vit avec plaifk trois de cesEfpagnoIs courir de cofte & d'autre , & chercher inutilement à le fâuver de la mort. Pour le quatrième qui s'apppelkut Juan Ortis, comme i! n'avoit qu'environ dix-huit ans, & qu'il eftok bien fait de ia perfor.ne,1a femme Se Itb filles du Cacique s'interreflerent en fa faveur. Ei'es dirent que fon âge eûoit digne de pitié , qu'il n'avoit point eu de part à [a peifidie de ceux de fa nation ; & quainfi n'ayant commis aucun crime digne de mort, ij falloit feulement le tenir efclave. Le Cacique y confentit: Mais cette erace ne fervit qu'à faire mourir Ortis de mille morts. On le forçoit à porter perpétuellement du bois 8e ue Peau , il man--geoit Se dormoit-trespeu, & eftoit accable de tant de coups, que s'il n'enfl eité retenu par la crainte de Dieu, lî fe fuft tue luv-mefmc.' Ajouftez que les Barbares reccubloient les peines aux réjoûilîances publiques, & l'obii-geoient de courir tout nud dans une grande place où ils eftoient avec leurs arcs pref s à le :¦ , en cas qu'il paruft. vouloir prendre quelque relafche. Il commençoit à courir avec )c Soleil, Se ne finftToitqu'à la nuit ; Se mefine durant le dîner du Cacique, on ne ibuffiroit pas qu'il interrompift fa courfe. De forte qu'a la fin de la journée , il eftoit dans un E 2.

efiat pitoyable ; eftendu par terre , plus mort 1 que vif. La femme & les filles d'Hirriga touchées de eompaffion luy jettoient alors quelque habit,& lefecouroient (i à propos qu'cl es l'empefehoient de mourir. Mais leur pitié luy eftoit cruelle. Car elle ne fervoit qu a augmenter la barbarie du Cacique , qui enragé de ce qu'Ortis refiftoit à tant de diverfes fatigues, commanda un jour de fefte que Ton a lumaftunfeu au milieu de la place y que ionpofaft fur le brader un boucant * , & que fon mit Ton efclave deflus afin de le brufler vif. Cet ordre fut promptemen: exécuté, Se Grtis demeura étendu lur ce gril, jufqu'à ce que les Dames attirées par fes cris, accoururent à fon fecours. Elles conjurent îe Cacique de ne pas pouffer fa vangeance plus loin, elles blafraent fa cruauté, & enlèvent le pauvre Ortis à demy-bruilc. Car le feu avoit déjà Sut élever iur fon corps de greffes ampoules, àorx quelques unes s'eftant crevées le courroie nt de iang , & attiroient la eompaffion île la plupart des fpe&ateurs. Eniuite ces charitables filles, îe font porter dans leur mai-fon ; où elles le traittent avec des herbes., dont les Indiens fe fervent dans leurs maux , n'ayant ny Chirurgiens, ny Médecins, Enfcv.

tu bout de quelque jour , Ortîs guérît de Tes bîefïlires, & il ne luy en demeura que les cicatrices. Le Barbare réjoui de le voir en eftat de fourrrir 5 afin de faire durer la vançence long-temps y inventa un nouveau genre de iupplice pour ie iatisfaire pleinement , Se fe délivrer de ïtmportunité de les filles. Il luv ordonna donc de garder de jour Se de mrit les corps morts des habitans de la ville. Ces corps eftoient au milieu d'une foreft * cb.ns des cercueils de bois couverts d'aix, qui lï'eftoient point attachez : mais arreftez feulement par le poids de quelques pierres , ou de quelques pièces de bois qu'on mettoitdeil 6iSé Mais comme les lions qui font en grand nombre dans la contrée , venaient quelquefois tirer de ces cercueils les corps, & les emportent : Le Cacique commanda à Ortis fur peine d'eftre brufle vif, d'avoir foin qu'ils ne les enlevaient, & il luy donna quatre dards pour fe derrendre contre toutes fortes de beftes farouches. Ce pauvre^fefpa«.;nol reçut avec joye cet ordre dans Tefperance de mener une vie un peu plus heureufe qu auparavant. Il s'en va donc dair c la foreft, ou il s'acquittoit exactement de la commilîion , & fur tout la nuit -, parce qu'alors il y avoir

* Cette coutume d'enterrer les morts w'ans une toiçft, «toit particulière aux peuples de la Province d'Hirri^a.

E3

$4 Rîfiolrs de U Fhrjdeï

plus à craindre. Cependant il arriva qu'une fois comme il eftoit abbattu de fatigues, &£ «mil s'eftoit laiile turmontçr par le lommeil , un lion découvrit un cercueil Se en tira un enfant qu'il emporta.. L'efclave éveillé a la ckeute des planches, court, s'approche du cercueil, n'y trouve plus de:corps, Se croit ru'enhn c'eft fait de fa vie. Touché de crainte & de douleur , il va chercher le. lion , ou pour mourir en le combattant., ou pour luy faire lafeher fa proye. 11 fçavoit que dès la, pointe du jour , les fujet» d'Hir-riga vien-, droient vifîter les cercueils ; Se que s'ils n'y r«ncontroient l'enfant;, il feroit cruellement^ bruïlé. De forte que l'apprehenlion l'obligeant de courir ça & là , il fe trouva dans un, grand chemin au milieu de la foreft. , Se oùit,. un bruit comme d'un chien oui ronzeoit u». os. Il prcitel'oreil, & danslapenlcequec'c-. toic le lion , il le coule à travers des bromTail-. les, & à la faveur de la Lune il le voit qui de-. -proit fa^foye. Il prend donc courage, & luy, lance un de les dards : mais parce qu'il ne, l'oùit pasf.:ir, il crut ..qu'il! avoir tué, Se demeura jufqu'au jour pour en eure éclaircy f , priant Dieu avec larmes de ne.le point ab<ufc«. 4onner dans fon njajfreuu

fàvre fb'cond: fjj|

C H A PI T R E III..

Ortis fe fduve,

Sttoft-que. le jour-commençaàpareiuTe>-Ortis trouva le Lion tué , & tout tranu porté de joye , il r?.maife ce qui--reftoit clô Déniant, l'enferme,dans le cercueil? prend la. Lion par la pare, & fans luy. arracher la dard Cjui le perçoit, le traîne à Hirriça. Comme-c'en: une cho-fe nirpreiiante que de tuer un Lion dans ce pays-là, ou-toutefois ils ne font pas iî furieux qu'en AfFrique , Ortis fut ho«» noré de toute la ville, & le Cacique iupplia par les hlles defefervir d'un fi courageux ef-clave, .& d'étouffer Ton reifentiment, à caufe d'une fi belle action. Le Barbare en cette, rencontre eut un peu de complaiiance > 8c. durant quelques jours il traittaOrtis avec pluSi d'humanité. Mais parce que les injures reçues lai fient toujours quelque rené de haine :: toutes les fois qu il fe iouvenoit des indignité que !e> Lipj.c-noL luy avoitnt faites, Une fongeoit qu'a le vanner de cette nation en la perfonne d'Ortis ; & ia colère qui femb.loic. comme efhinte , feçajlùmoit tout à coupa-. xcç plus de violence. Défaite que fuçconw.

^K Stfloire de U Floride •'

tant au defir de vangeance qui le pofïedoit? me & à fes iules, que puisque la v s de fon efclave oit en Ton efprit l'affront v-"! p. voit reçu. $ il voulait à la première telle le faire tuer à coups de flèches, & que far peine d'encourir fbn indignation, elles ne le ibilicitailcnt plus en fa faveur. Qu'il eftoit vray qu'il avoit montré un peu de courage y mais que cela n eftoit pas affez confiderablc pour 1 emporter fur fes reflçnti-mens. Sa femme Se les filles qui le connoii-fôient, s'accommodèrent à Ion humeur, -5c luy témoignèrent que c l éCoit bien agir que de fè défaire d'un homme pour qui l'on avoit tant d'averfion : & dont la prefence ne iervoit qu'à renouveler les déplaifirs. Cependant l'aînée de les filles refoli ê* de fauver Or-ris , l'avertit de tout ce qui fe paiïoit. Mais comme à cette nouvelle il parut à demy-mort , elle luy dit qu'il ne devoir defelperer de rien. Qu'elle le tireroit de danger s'il avoit aflez de reioîution pour fuir. Que la nuit mirante à telle heure & en tel lieu, il trouverait un Indien en qui elle fe floit. Que cet homme le conduirait jufqu'à un certain Pont, à deux lieues de la Xille. Que lors qu il ferait arrivé à cet endroit , l'Indien reviendrait fur fès pas, avant qu il fut jour ; arin que le Cacique n'cuftconnoilTance d'au*

cmne chofe , & ne puft raifonnabîement fe vanger de la fuite fur perfonne. Elle ajoufla-qu'à fîx licuës, au de là du pont, il rencontrèrent une Ville *, dont le Seigneur appelle Mu coco la coniideroit, & (ouhaitoit mefme de lépouier.Quil luy diroit qu'elle lenvoyoit fe jetter entre fts bras , étant aiuiré qu a fa-considération ii feroit protégé de Mucoço. Qu'au refte il implorait, le fecours du Dieu quiiadoroit, Se que de Ton cofté, elle ne pouvoit rien davantage. A peine eut- elle a-chevé déparier, qu Ortis le jette à ies-pieds > Se !-uy rend tres-humblement graecs-des boutez qu'elle avoit eues pour luy. Il-s'appreiïe pour fe fauver îa nuit fuivante, & lors que les gens d'Hirriga étoientdans leur premier fom-meil, il s'en va chercher Ton guide, qu il trouve au rendez-vous, & part ïecrettementavec luy. Mais fi-tôt qu'ils furent au pont, Ortislç pria de le mettre dans le droit chemin , & de s'en retourner en la maifon. Après il le remercia , il luy fit mille proteftations de fervice> 8c s'en alla en diligence vers Mucoço*

CHAPITRE IvT"

Generofité du Cacique Mucoço.

ORt : s arriva avant jour prés de la Ville de Mucoço. Néanmoins de crainte d'âc-IkPjoviacc de Miifoço, ™

jS Biftohe de la Floride.

cident il n'ofa entrer que le Soleil ne paruit. Deux Indiens qui l'avoient découvert, Sortirent alors Se fe mirent en citât de le tirer., Il | S'apprcfta au(Ti pour fe defFendre ; car 1 honneur d eitre favoriio d'une belle Sz ger.ertufe Dame , luy donnant de la hardiefTe, l'obligea de dire qu il eftoit envoyé de !a part d'une fille de qualité vers Mucoço. Les Indiens le joignirent au mefme temps , & s'en retournèrent de cou . avertir leur Seigneur, qu'un e'cïave d Hirriga luy apportent des nouvelles. Mucoço qui fortoit de {a maifon, s'avança pour apprendre ce qu'on luy vou-îoit. Si-toft qu'Ortis l'apperç fit, il s'approcha avec rcfpect, 8c luy dit qu Hirriga l'avoir refolu de le faire cruellement mourir à la première ferle. Que les files noi oient plus parier en la faveur, que l'aînée l'avoit porté à fe fauver, 8c luy a y oit donné un guide. Qu'elle luy avoit commande de fe prefenter à luy de k pair. Qu'enfin elle le prioit par l'amour qu'il avoit pour elle Je ;e prendre en fa protection , 8c qu'elle luy en fçauroit beaucoup de gré. Après que Mucoço eut favorablement écouté Ortis, il le plaignit 8ç i'embraf-fant , il luy dit qu'il n'appréhendait rien. Que fur fes terres il mènerait une vie bien différente de celle qu'il avoit menée. Qu'à la.coniideratiou de la belle qui l'envoyoît, il

le

le protegeroît hautement, Se que tandis qu il VÎVToit perfonne n'entreprendroit de luy faire tort. Mue ço tint fa parole à Ortis, & e traita beaucoup mieux qu il n euû jamais oie eiperer. îl voulut que nuit & jour, il demeurait dans la chambre ; ma ; s i! acheva de le comb'cr de fes grâces, lors qa il apprit que d'un coup ce dard il avoir tue un lion. Cependant Hirriga eut nouvelle que fou efclavë eitoit auprès de Ivmcoço , & il l'envoya demander par an Cacique *leur amy commun. mdît, qu'Ortis ayant pris ifon pour azile , ?1 ne permettroit jamais qu'on l'en tirait; 3: que la perte d'un homme qu'Hirriga vouloir faire mourir ne luydevoit pas lu ronliderable. Sur cette réponse

Hirriga alla trouver Mucoço, mais fort inutilement. Car en fuite de quelques paroles de civilité , Mucoço luy témoigna qu'il efloit fort m de le vouloirobliger.a faire

une choie contre Ion honneur, & qu'il leroit le plus lâche de tous les hommes, s'il aban-donnoit Une perfonne qui eftoit fous fa protection.

Cette réponfc brouilla le Cacique avec Mucoço, qui ayma mieux renoncer a f.s a-mours que de violer fa foy ; de forte qu'Orcis

* Lriibaracuxi.

#0 TJiJlohe de U FÎorlcîel

demeura avec ce Seigneur, quiiuf contîiuîS fa bienveillance, il vécut avec luy jufqu'au temps que Soto entra dans la Floride Se fut en tout dix années parmy les Indiens, un an Se demy avec le Cacique qui le tourmenta 9 8e le refte avec eduy dont il reçût toutes fortes de bons traitemens. Mucoço en effet fè gouverna bien envers Ortis j S: \a conduite couvre de honte certains Princes Chrétiens qui trahiflent lâchement ceux au fq ne 1 s ils font obligez de garder la foy. Mais il f aut croire <r à l'avenii ia geno ohté du Cacique ks ton-chera. Son aclion part ve tentd'une

grande ame. Plus on confïdere la perfonnû pour laquelle il a fait tant et chofes , ceux à qui il areiifle, Se la paflîon qu'il avoitpour !a {¦¦\ d'Hirriga; Se plus il mérite de loiiange , d avoir genereufemen* iacrifié fa maiitrefTe , s a ion honneur. C'eftainf que Dieu fe piaiit à raire naiftre dans des régions barbares , des yenonnes extraordinaires , pour confondre les Chrétiens qui vivent dans des pays où régnent les feiences Se la religion.

CHAPITRE V. Le General envoyé demander Ortis.

SOto eftant en la Ville d'Hirriga, apprit les. a van turcs d'Ortis, dont il a voit leu quelque

Ihre fécond. &

<iue cnofè aux Ha/ânes par un des fod-'ens ou Aniafco a ! "oit attrapé , lors qu il alla découvrir la cofte de la Floride : Car ils eft 3\ctft -fuie es du Cacique Hirriga. Mais comme ce--4uy qui racontoit des nouvelles d Gitis prononçoit Orotis pour Oriis , les Eipa-gnols malgré leurs truchemens crurent que ce Barbare aflèuroit que Ton pays abon-doit en or., 5c ils fe réjoùilîoient d'en rendre ce mot d Orotis, à-caufe que leur but ne ten-doit qua chercher Ior de la Floride.

Enfin fur l'aflèurance qu'eut le General f qu'Ortiseftoita^ec Mucoço , il crut qu'il de* voit l'envoyer demander, tant pour 1-arrran-chir que pour s'en fervir en qualité de truche* ment. Il donna donc ordre à Balthazar de Gallego , Sergent Major de l'Armée , d'aller trouver Mucoço ; & de dry dire que les Espagnols prenaient part aux grâces qu'il avoit faites à Ortis. Que fe confiant fur la bonté qu'il avoit eue pour eux, ils le fupplioient de leur rendre cet efclave ; parce qu'il leur eftofe tres-necefTaife. Qu'en confideration de cette nouvelle faveur qu'ils efperoient, il n'y avoit rien qu ils n'entreprirent pour luy. Que s'il vouloir prendre la peine de les venir voir , il trouveroit qu il n auroit pas oblige des ingrats. Qu'enfin après ks marques de .ge-nerofitc qu il avoit données, leur plus grande

F

Gl lliftoirc de U Floride.

joye feroît de le reconnoiftre 5c de l'avoir

pour amy.

Gallcgo partie incontinent avec foixante lances, Se dans ce temps-là Mucoço apprit que les troupes Efpagnoles eftoient arrivées à Hirriga pour faire la conquefte du pays* Comme ilapprehendoit cette armée,il enparla à Ortis 3 Se luy dit qu'à Ton fujet il s'eftoit brouille avec de puiiîans Caciques. Qu'au-iourd'huy il fe prefeiïtoit une belle occafion de n'eftre pas méçomioiflâht de cette faveur. Que véritablement , il l'avoit oblige lans ei-¦perance ; mais qu'il lembloit que la fortune defiraft que les bons offices qu'il avoit rendus aux Lfpagnols en (à perionne , fuffent reconnus. Qu'ainli ileftoit d'avis de l'envo ver avec cinquante des plus remarquables de les lujets vers le General , pour luy offrir fon ail iance-, avec prière de recevoir la contréee ious la protection. Ortis ravy de cette nouvelle, Tepondit à Mucoço , qu'il avoit beaucoup de joye de luy pouvoir témoigner la recon-noiffànce. Qu'il raconteroit aux Espagnols la généralité , Se que ceux de la Nation qui fe piquoien: d'effre fort fenfibles au grâces que l'on faifoit à leurs gens, le confidciv-roient à prel'ent Se à l'avenir ; S: qu affairement il recevroit le fruit des boutez qu il a-Voit eues pour luy. À peine avoit-il parle,

qu'il vint cinquante indiens à qui Ion avoir -commandé de fe tenir prefts pour l'accompagner. Ils prirent la route qui va de Mucoço a Hirri^a, & partirent le jour que Gallego lortit du Camp pour venir vers le Cacique. Mais il arriva qu'après trois lieues de marche dans le grand chemin, le Guide des Efpagnols s'alla mettre en tefte qu'il ne les devoit pas conduire rldeileinent. Il commença donc à les regarder comme des ennemis qui venoient s'emparer des Indes, & ravir aux habitons les biens avec là liberté. Touché de ces coniîde-rations y il quitta fa route; prit la première qu'il rencontra, Se égara les Efpagnols une bonne partie du iour. I! les menoit en tournant vers la mer, à deûein de les engager dans quelque marais pour les y faire périr. Et comme ils n avaient aucune connoiiïance du pays , ils ne remarquèrent point la malice du Barbare , que quand l'un d'eux apperçut entre les chênes de faforeftoùilseftoient,les mats de leurs Navires. On avertit Gailego de la méchanceté du Guide , & il fe mit en cftat de le percer d'un coup de lance. Lin-tout eflonné , fit entendre par figues qu'il remettroft les Efpagnols dans le chemin. 11 tint <a parole ; mais ils furent contraints de 3 fur leurs pas.

£$ Hiftoire de U Floridél

CHAPITRE VI.

Rencontre d'Ortis & de G aile go.

ORtis allant de Mucoço à Hirriga, entra dans le chemin qu'avoit pris Gallego , te reconnut aux traces doi Efpagnols , que leur Guide les avoit égarez par malice. De forte qu'airn de prévenir l'alarme qu'ils don-Kcroient à la ville , s'ils y arrivaient avant que de Juy avoir parlé > il refolut de les fui-* vre avec fa trouppe. Et après avoir marcha quelque temps, il découvrit Gallego avec Tes compagnons dans une grande plaine bordée d'un cofté par une épaiile foreft. Les Indiens audi-toft furent d'avis de gagner le bois, à caufe qu'on fe mettoit au hazard d'eftrei mal-traité des Chreiliens, G l'on n'en eftoit reconnu pour amis y avant que de les joindre. Crtis fans écouter ce confeil , s'imagina que c'efloit afTez d'eltre Efpagnol -> 8c que ceux de fa nation ne le méconnoiilroient pas. Cependant comme il eftoit veftu à 1 Indienne, un bonnet couvert de plumes , un petit caleçon , des flèches & un arc à la main, la choie n'alla pas ainil qu'il fe l'eftoit figuré. Car au meihic temps que les Eipagnols le virent ao-.

compagne de Tes gens, ils doublèrent leurs marches , quittèrent leur rang, Se fans obeïr à Gallego qui les rappelloit, fondirent furies" Barbares que menait Ortis, Se les pouffèrent à coups de lances dans les bois. Néanmoins, à cauie que ces Indiens ne furent pas fermes, il n'y en eut qu'un leul de blefTéd un coup de lance aux reins. Ce Barbare qui faifoit le Hardy, eftoit demeuré derrière avec Ortis , que Nieto preiïoit vigoureuicment à coups de lance, qu'il para d'abord de ion arc. Toutefois , comme Nieto qui eftoit ardent & robuste revenoit à la charge , Ortis craignit de fuccomber, 9c commença à crier Xibilla pour Scvilla. Il ritmehne de Ion arc le ligne de la Croix, afin que Ton reconnuft qui F eftoit Chrefticn ; parce qu il ne lepouvoit dire en Eipagnol. Il avoit tellement perdu la couftu-me de parler fa langue depuis qtf il eftoit par-m y les Indiens qu'il l'avoit oubliée j juiqu a. ne pouvoir prononcer Seville, le nom propre du lieu où il eftoit né* La mefme choie m'eft. arrivée à moy } car n'ayant trouve dans TEC pagne perionne avec qui je puiffe converfer en ma langue naturelle , qui cft celle du Pérou j'ay perdu de telle lorte l'ufige de la parler , que pour me faire entendre je ne (eaurois dire lix, ou fept mots de luite. J'ay pourtant f^ù autrefois m'exprimer en Indien avec tant

€6 Hiflolre de la Tlbride.

de grâce , que hormis les Incas qui parlent le mieux, nul autre ne s'expliquoit plus élegam* ment que moy.

Pour retourner à Ortis, après que Nieto luy euft oui prononcer Xibilla, il luy demanda qui il eftoit ; & des qu'il euft repondu Ortis , il le prend par le bras., le jette fur iaxrou-pe de Ton cheval, Se le mené tout joyeux à-Gaîlego , qui rit promptement raiTembler les-gens qui donnoient la chafTe aux Indiens, Ortis entre luy-mefme dans laforeft, appelle les compagnons, Se leur crie de toute fa force qu'ils pouvoient revenir en toute aiTeurance. Mais les uns épouvantez s'enfuirent juiqu'à la.Ville de Muçoço , où ils donnèrent avis de tout ce qui fepafïoit : 3c les autres qui n'a-i oient pas eu tant de peur, & quines'eftoient pas écartez fi loin, fortirerrt l'un après l'autre de la foreft à la voix d'Ortisi Es deteftoienr. tous la mauvaife conduite ; Ç\ bien que lans la. prtfence de nos gens ils feulTe outragé.. Mais pour fe iatisfaire en quelque façon , ils> s'emportèrent à des injures , qu'Ortis inter-. prêta le moins mal qu'il put auxEfpagnolsqui le bialmerent ayfli, & donnèrent ordre que l'on eûtfoin de l'Indien blefle.Cepcndanr ildé-pecha un homme au Cacique Mucoço ., pour le tirer de la peine oùl'avoient jette lesiuyars; le enfuite lu prirent touà la route du Camp.

CHAPITRE VÎI.

Mucçço vient voir h General. *

LA nuit étoitdéja fort avancée, lors que Galîcgo. arriva au Camp. Le General filfprîs d'un (î prompt retour, s'imagina quel-* Tûud maiheurunais ri fut auffi-tôt raflèuré par la vue d'Ortîs qu'il récent obligeamment^ &: auquel il donna un jupon de velours noir, dont Ortis ne fe put fervir , parce qu'il eftoît? accouftume d'aller nud, Il porta leii'ement une chemiie , un caleçon de toile , un bonnet , Se des fouliers j Se demeura en cet eftar plus de vingt jours, jufqu'à ce que peu à peu' il-, reprit L'habitude de fe veflir. Soto ht auflr un favorable accueil aux Indiens ; & après il" depécha.vers le Cacique pour le remercier de luy avoir envoyé Ortis. Il donna ordre de* kiy dire qu'il fe lentoit oblige de l'offre qu'iL luy faifoit de fe^vouloir mettre fous la protection des Eipagnols, S< qu'il l'acceptoit avec joye au nom de Charles-Quint ion Mahlrc, le premier des Princes Chrcftiens.

Cependant , les -Eipagnols viennent voir, Oitis, 1 cmbralfent, le félicitent fir L\ venue, & paffent la nuit en rejouiflançç ,• Enfui te la

#8 ni/foire de U Floride.

General l'appela pour s'informer des parti— eularitez de la Floride , & de la vie qu'il avoit mené ions les Caciques. Ortis luy dit Bu'Hirriga l'avoit cruellement tourmenté , il luy en montra les marques , & l'on vit qu'il fortoit des vers des playes que le feu luy avoit faites ; Mais que Mucoço l'avoit traitté hon-neftement. Que néanmoins il n'avoit ofé s'écarter -de crainte d'eflre tué par les Sujets de ce Cacique ; Ci bien qu'il n'avoit prefque aucune connoifiance de la contrée , Se qu'il fç avoit feulement que plus on avançoit dans le pays, & plus il eftoitfertiie,

Durant qu Ortis entretenoit le General , on donna avis que Mucoço accompagné de plulieurs Indiens approchoit du Camp. On l'apperceuten effet prcfque au(Ti-toft qu'on en eut nouvelle , 8c on le conduifit au General , qu'il falùa avec refpecl: auiTi-bicn que tous les Officiers de î armée , félon la qualité qu'Ortis'luy faiioit connoiftre que chacun avoit. Il retourna en fuite faire fa cour au General, qui le reccutavec beaucoup d'amitié , à caufe des bontez qu'il avoit eues pour Or* tis. Mais Mucoço témoigna qu'on ne luy avoir point d'obligation de ce .qu'il avoit fait ; parce qu'en qualité de Cacique il y eftoit obligé.Qu'ils'étoit feulement coniidere en cela, & que tnefme ii n'avoit envoyé Ortis, que

pour empefcher que les troupes ne fuTent du deeat fur ies terres. Quainli fes fervues eftoient peu de chofe. Que néanmoins il fe ré-joùifToit que faconduite fuit, favorablement interprétée du Généra' , pourlequel il avoir une eftime toute particulière. Qu il le fup-plioit par ce zèle & par la grandeur dame qui eft fi naturelle aux Efpagnols, de le prendre fous fa protection. Que deflors il recon-noûToit Charles-Quint, & Ferdinand de Soto pour Tes Seigneurs légitimes. Qu'eftant+eur raflai , il efloit recompenfé au de là de Ton mérite; Se qu'à l'avenir il les ferviroit de tout fon pouvoir. Porcallo & les autres Capitaines" furpris du bon fens de ce Cacique-, luy firent beaucoup d'honneur, mefmes despreiens, & à tous ceux de fa fuite.

CHAPITRE Vlin

la Mère de Mucoco vient au Cam?.

DEux jours après l'arrivée de Mucoço* la mère qui eftok abfente lors qu'il partit de chez luy , & qui n'auroit jamais con-ienty qu il fe livrait au pouvoir desEfpagnota vint trouver Soto. Elle avoitla trifteiîe peinte fur le vifage, Se paroiilok li fort agitée do

y a Hifloire de la Tleride.

l'inquiétude qu'elle avoit pour Ton fils, qu'api prochant du General , elle le conjura de luy rendre Mucoço ; dans la crainte qu'il nefuft traité comme Hirriga. Que s'il avoit relolu de fe porter à cette extrémité, elle efloit pre-fle de mourir pour Ton fils. Le General la. reçût civilement , & luy repondit que bien loin de faire aucun déplaiiir à Mucoço, il meritoit- toutes fortes de bons traitemens. Qu'il vouloit melme qu'à caufe d'un fiis Ci généreux, on rendift a la mère de grands réf. pedb. Que pour cette raifon elle n'appréhendait rien , & eiperail tout de la gêner ofi té des Espagnols. Ces paroles raffurerent un peu cette bonne mere # , Se l'oblig��rent à demeurer toujours dans le camp. Mais elle avoit tant de défiance que mangeant a la table du General, elle craïgnoît que l'on ne luy donnait, du poifon. De forte qu'elle ne goûtoit d'aucune choie qu'auparavant Ortisn'en fift refïày,& ne laiTeurait qu'il n'y avoit nul danger. Ce qui obligea un des Gentils-hommes du General à dire, qu'il s'eftonnoit qu'elle euft. ottert fa vie pour Ion fils, puis qu'elle appréhendent fi fort de la perdre. Cette Da-me a qui l'on fit entendre cela, répliqua qu'il eiloît vray qu'elle aimoit extrêmement la vie ; mus qu'elle aimoit encore plus ion fils , & qu'il n'y avoit rien qu'elle ne donnafl pour le-

-conTerver. Qu'en cette confideratîon elle fupplioit le General de luy rendre le fa/et de toutes le: tendre Iles. Qu'elle defiroitpailîon-nement de l'emmener avec elle. Qu'en un mot elle ne pouvoit gagner fur Ion efprit de k fier à la parole des Cnretiens.

Le General Iuy repartit qu'elle eftoit libre de s'en aller • mais que pour fon fils-, il trou-voit quelque plaifir à demeurer parmyles Espagnols , dont lapluinart eftoient de ion âge. Que quand il auroit volonté de s'en retourner , perlbnne ne s'y oppoferoit* Qu'enfin il protêftoit que ton iiis auroit plutôt à s'en Jouer qu'à s'en plaindre.

La mère du Cacique partit du Camp fur cette promené ; mais auparavant elle pria Ortis de le fouvenir que fon fils 1 avoit -obligé , & de luy rendre la pareille dans le danger ou elle le laîfloït. Le General & toute fa Cour rirent de cette défiance , que Mucoço tourna avec tant d'elprit qu'il contribuai!: au divercilîement, & pour montrer'qu'il fefioic aux Efpagnols , il fut encore huit jours à entretenir Soto Se les Ornciers; Tantôt il s en-queroit de l'Empereur, tantofi des Dames, tantoftdescouitumes& des grands dEpagne. Après ce temps-là, il prit un honnefte prétexte pour s'en retourner , Se quitta civilement les Efpagnols. Mais il les revint voir plufieurs .

/ois depuis, 8c liur fit à tous divers preleifiC Muccço eftoit alors âgé de vir.gt-fixà vingt-fept ans. Il avoit le vidage bienfait, la taille belle & un que je ne Jç>y quel air de grandeur dans toutes (es actions, quigagnoit 1 eftime & 1 amitié de ceux qui l'approchoienu

C H A P I T R £ IX.

Vreparatifs pour avancer dans le Payf.

DUrant ces chofes le General donnoit ordre à tout. Car après que l'on eut débarqué les vivres 8c les munitions a Hirriga , la ville la plus proche de la baye du S. Elprit, il rnvoya auxHavane > les plus grands de fes vaif* ïeaux, avec pouvoir a (a femme d'endilpofer. Il garda les autres pour s'en fervir au befoin , -& en donna le commandement a Pedro Cal-cleron , Capitaux vigilant 8c expérimente. Il ¦cflaya enfuite de gagner le Cacique Hirriga, dans la peu I ce qu'il n auroit plus de peine à fc bien mettre avec les autres Seigneurs du pays, qui n-avoient rcçii aucun dcplaiiir des Eipagnois. Que d ailleurs cela lu y acquere^ roi: du crédit parmy les Indiens , Se augmenteront ion honneur parmy ceux de ia nation, C'e/1: pourquoy lors qu on faiioit quelques

prifonniers,

prifonnîers, il les renvoyoit à Hirnea avec des prefens. Ii luy faifoit dire qu i. louhaicoit pamonnement Tes bonnes grâces, & qu'il luy donnerait fatisfaction des outrages qu'on luy avoir faits. Mais le Cacique répondoitfeulement quel injure qu'il avoit reçue, ne iuy permettoit pas d'écouter aucune proportion de la part des Efpagnols. Toutefois la conduite de Soto ne la'iila pas de produire de très-bons effets. Car comme les va T ets de Farines alloient tous les jours au fourage efeortez de trente ou quarante foldats ; il arriva que n'étant pas fur leur garde , les Indiens fondirent fur eux avec de grands cris, les mirent en de-fordre, prirent un Eipagnol nomme Graiales, & le retirèrent. Cependant nos gensieralient> •& depefehent"vers le General qui ht auilï-toft •courir des Cavaliers après Tennemy , qu ils iurprirent au bout de deux lieues dans un endroit fermé de rolèaux. Alors comme ces ¦Barbares ne fongeoient qu'à le rejouir avec leurs femmes Se leurs enfans, nos Soldats entrent de furie dans ce lieu, ils le* épouvantent, les mettent en fuite, & prennent femmes & enfans prifonniers. Graiales qui dans cette • confufion entendit la voix de ceux de la nation , court le jetter entre leurs bras. Il n'en fut pas tout d'abord connu , parce qu il eftoit déjà habille à 1 Indienne 5 mats bien-toit aprrs

G

ils le reconnurent & revinrent tout joyeux au Camp avec les priionniers. Cela réjouit extrêmement Soto qui voulut fçavoir le détail de cette rencontre 3 de forte queGraiales luy dit 'que les Indiens n'avoient point eu deffein de nuire aux Efpagnols , Se n'avoient tiré des flèches que pourle<- épouvanter. Que comme ils les avoientprisendefordre, il leur eufl efté facile d'en tuer une partie ; mais qu ils s'e-.fioient contentez de faire un prifonnier. Que bien loin de luy avoir fait aucun tort, ils l'a-voient traite civilement, Se que le rafleuranr. peu à peu , ils le preffoient obligeamment de manger. Le General incontinent fit venir fes priionniers, Se après les avoir remerciez de la manière do ut ils en avoient ufe, il les renvoya* Il leur protefh auffi qu'il n'y avoir rien à craindre pour eux du coite des Efpagnols ; 8c que du leur, il Ls prioit qu'il en fuit, de mei-me à 1 égard de lès gens, Se de vivre en bonne intelligence les uns avec les autres. Quil n eftoit pas entré dans le pays pour s'attirer leur haine, mais leur amitié. Le Gênerai accompagna ces paroles de quelques faveurs, & les Indiens s'en retournèrent tres-latisfaits.

A quelque temps de là ces mefmes Indiens attrapèrent deux Efpagnols , aufquels ils

(ïcrent tant de liberté qu'ils curent moyen de s'échaper. Ces peuples fans doute ne se-

ftoient adoucis de la iorte, qu'à cauie des courtoiiîes de Soro envers leur Cacique ? 5c auflî il n y a rien qui falTe plus dimpre(lion fin les hommes que les faveurs qui font faîtes de bonne grâce.

CHAPITRE X.

Suite de U de couverte.

APrés que Ferdinand de Soto euft eflc environ trois femaines à faire fes préparatifs pour avancer , il commanda à Gallego r avec foixante lances & autant de fuie-lien dans la Province d Urribaracuxi. Galle/» go partit au mefme temps , Se fe reedrt à Mucôço où il fut reçu avec jove par le Cacique , qui logea une nuit les Eipagnoîs & ltur fit bonne chère. Mais le lendemain comme ils efloient prefts à marcher ils luy demandèrent un guide , Se Mucoço leur dit qu ils eftoient trop honneltcs gens pour fe prévaloir de ion amitié , afin de 1 obliger à faire une chofe contrefon honneur. Qu Urribaracuxi eftant fon coufn , il leroit blâmé de tout le monde , s'il leur donnoit quelqu'un pour les mener fur fes terres. Que meime quand ce Cacique ne leroit pas fon parent, il ne les

G z

yS Ri faire de Lt Floride.

Revoit pas lervir en cela, parce qu'il palTe-roit pour un traiftre envers la patrie , & qu'il oit mieux mourir que de commettre un crime fi indigne d'une perfonne de fa qualité. Ortis qui conduifoit les Efpagnols , luy. répondit par Tordre de Galleço, qu'ils r.e veu-loient point abufer de ion amitié. Qii ils luy demandoient feulement un Indien , en qui Urriharacuxi eut créance, afin de l'envoyer avertir qu'il n'apprehendaft point leur venue, Que meime quand il ne voudroit nv paix, ny alliance, ils avoient ordre de ne point ravager la Prov ince en faveur du généreux Mu-coco , dont ils confideroient les amis Se les parens. Et que pour 1 amour de luy ils n'a-voient fait nul defordre dans la contrée dn Cacique Hirriga leur ennemy déclaré, Mu-coço reprit qu'il eftoit fort obligé aux Espagnols , Se que dans la. connoiifance de leur defièin il leur donnoit un guide tel qu ils le Vouloient. Ils partirent donc de Mucoço extrêmement fatisfaits du Cacique , & fe rendirent en quatre jours à la contrée d'Urriba-racuxi éloignée d environ dix-fept lieues de la ville deMucoço. Comme Urribaracuxi 8c ks fujets s'en eftoient fuis dans les bois , les Elpagnols dépêchèrent leur guide qui luy offrit leur alliance; mais apres l'avoir civilement écouté, il le renvoya fans rien conclure.

Pendant le chemin qui eft de vingt-cinq lieues, depuis Hirriga juiqu'à Hurribaracuxi j on rencontra pluiieurs ceps de vigne > des pins, des meuriers, Se autres arbres (emblables à ceuxd'Efpagne. On pafîa auiTi à travers certains pays où il y ar oit quelques marais , des-colines, des boisy Se des plaines fort agréables , dont Gallego fît une relation qu il envoya au General, Se l'avertit que l'Armée* peuvoit fubiifter deux ou trois jours aux environs d'Urribaracuxi. Tandis qu'on vatrou--ver Soto, il eft bon de dire ce qui fe pafloit au Camp.

CHAPITRE XI. Dijgrace de Porcallo»

S.Ur là nouvelle qu'Hirriga eftoit dans un bois proche le Camp , Porcallo refolut malgré les prières du General, d'aller prendre ce Cacique. Il fortk donc avec de la Cavalerie Se de 1 Infanterie , dans 1 elperance de l'amener prifonnier, ou de l ; obliger à demander k paix. Hirriga averty de cette entreprife , envoya dire plufieurs fois à Porcallo de ne point pafieroutre, à caufe que les marai- Se îe-r autres dimcultez du chemin qu'il falioit

G *

?fc Ilijloire deU Floride.

franchir pour venir à Juy , le mettoient- à\ couvert. Qu'il luy donnoit ce confeil, non pas par crainte 3 mais en reconnoiflance du plaiiîr qu'on luy avoit fait^ de ne point ravager fes terres, tiy makraitter fes fujets. Por-callo fe moqua de ces avis, il crut, que le Cacique apprehendoit, Se. qu'il ne-luy pouvoit échapper. C'efl pourquoy il doubla fa marche , encouragea les foldats, &-arriva prés d'un lieu marefcage.ux, où fur la difficulté que chacun faifoit d'entrer , il picque ., Se en s'a-vançant oblige pluiieurs de fes gens àlefuivre. Mais il n alla pas fort loin que, fon cheval, s'abbattit y de forte qu'il fe trouva engagé def-fous avec fes armes., Sç parce qu'on ne pouvoit aller jufqu'à luy, à caufe-que le marais «ftoit trop profond, ce fut par un bonheur extraordinaire qu'il ne périt pa§. Ainiî lors. qu'il vit qu'il eftoit vaincu fans combat, &-mefme fans eiperance d'avoir le Cacique , il retourna au,quartier tout eji colère. , fiilant réflexion fur les douceurs dont il• joiiiffoit à la. Trinité ,.& far les fatigues qu'alloientfournir les Efpagnols ,. qui n'eftoient encore qu'au «ommencement.de leur conquefte.. D'ail-. leur< comme i! ,confiileroitqu'il avoit acquis, sffez de gloire ,. Se qu'à, l'âge où il eftoit, il ne de voit, pas s'expofer fr légèrement ;-il crut; ^uii n'y avoit. nulle honte à luy de quitter

l'armée, Se de tailler l'honneur de l'entreprife aux jeunes gens, qui a voient befoin d'acquérir de la réputation dans-les armes, Son malheur î'occupoit. effectivement il fort qu'il s'en en-tretenoit tout feul j Se quelquefois avec ceux qui l'accompagnoient. Il prononçoit mefme tout haut, iillabe à fillabe le nom d'Hirriga-&; d'Urribaracuxt. Il en tranlpoicit auffi quel-quesfois les lettres > il'difoit Huri Harri Siga Siri Barracoxa Huri , Se ajotiitoit qu'il don-noir au Diable laterre, où. les premiers noms qu'il avoit ouys eftoient eirroyables. Que l'on ne devoit rien attendre de bon de ceux qui les portoient. Que chacun pouvoir travailler pour fes interefts-pamculiers y mais qu'à Ton égard la fortune ne le touchoit point. Porcalio agité de la forte arriva au Camp, où après avoir demandé, à s'en retourner a ia Trinité , on luy donna un vaiiTeau. Mais avant que. de.s'embarquer il diitribua fou équipage à quelques foldats qu'il aimoic. .11 laifïa aux trouppes les vivres avec les muni--tions quil avoit., Se voulut que Suarez de Figucroa ion fils naturel -, qu il équipa fort bien, accompagnait Soto dans fonentrepriic Fjgucrda obéit avec joyc aux ordres de fon. pere, &,ne laiiTa échapper aucune occaiion de donner des marques de fon courage. Mais il; eut du malheur y les Indiens luy tuèrent Ses .

Sô Hiftoïït de U Fibride.

chevaux Se le bleflerent, & depuis il marcha' à pieds ians vouloir rien recevoir, ny du Ck> heral , ny de fes Capitaines. Cette manière d'agir déplut à Soto , qui le preffa pluiicurs fois de prendre de luy de quoy ie remonrer : mais Figueroa le portoit fort haut, Se 1 on na put jamais rien gagner fur ion elprit.

CHAPITRE XII.

Relation de G aile go.

POrcallo en quittant l'Armée , donna des marques de légèreté , comme il en avoit donné d ambition y lors que pour fuivre 1q General il abandonna fa rrraifon & Ion repos. C eft ainfi que dans les affaires d'importance les résolutions qui ne font pas priles prudemment , font honte à ceux qui les exécutent. Si Porcallo eut bien conlulté avant que de s'engager , il n'auroit pas perdu une partie de fon bien Se de fa réputation. Mais fouvent le» peribnnes riches s'imaginent qu'ils ne Jurpal-lent pas inoins les autres par les qualitez de frefprit , que par les avantages de la fortune, & perluadez de cette erreur y ils ne prennent conleii de qui que ce foit.

Parcalio eûoit a pekfe party , que la rcldj

thrt fécond: %t:

tîôn de Gallego arriva. Elle réjouit le Camp , parce quelle failoit efpererlaconquefledela Floride. Elle marquoit entre autres chofes que. trois lieues au de là d'Urribaracuxi, ilyavoit un marais fort dangereux. Mais cela ne fervic qu'à encourager les Efpagnols. Ils dirent que-Dieu avoit donné aux hommes le cœur Se I'in-duftrie en partage , pour franchir les obffa-cles qui le rencontroient dans leurs defleins. Sur cette nouvelle le General fit donc publier que dans trois jours on le tinft preff pour partir , Se envoya trente Cavaliers ibus la conduite de Silveftre , avertir Gallego qu'il iaU luit fuivre. Cependant il îaiùa une garniion de quarante lances Se de quatre-vingts fuie-liers dans la ville d'Hirriga ; ou après avoir eftably Calderon à la garde des vaiifeaux Se des munitions, il luy commanda d'entretenir la paix avec Tes voilins , de cultiver l'amitié de Mucoço , 8c de ne point quitter la place fans Ton ordre. Le General enfuite partit d'Hirriga avec îerefte des troupes , il prit la route de Mucoço , Se le troificme jour de fa marche il découvrit au matin îa ville. _ Le Cacique averty de fa venue , fortit au devant de luy , il le reçut avec jove , Se luy offrit fa maifon. Mus duns la crainte de i'incommo-der, le General l'ùlTeura qu'il eltoit oblige de' palier outre : Se apre\ luy avoir recommanda

Si Hïfloirc de ta Floride.

la garnifon d'Hirriga, il le remercia de toutes les bontez qu'il avoit eues pour lesEfpagnols. Mucoço luy baiiant les mains avec refpecl:, kiy dit la larme à l'œil , qu'il ne pou voit exprimer lequel luy eitoit le plus feniible, ou le contentement de l'avoir connu, ou ledéplai-iîr de le voir partir fans le pouvoir fuivre* Il le conjura auflfi de fe fouvenir de îluy y 8c fit fes complimens aux principaux Officiers de l'Armée. Au fortir de la, le General continua Ton chemin jufqu'à Urribaracuxi , fans faire aucune rencontre digne d'eftre écrite , & il marcha toujours au Nort d'Eft. Néanmoins je fuis obligé de dire , que fa route ne m'eft pas fi precifement connue , qu'un jour on ne trouve que j'ay manqué à la bien marquer. Ce n'eft pas. que je n'aye tâché d'apprendre les hauteurs du pays-j mais je n'en ay pu avoir une aufli exa&e connoifîance que je le fouhaitois -, parce que les Efpagnols ne ipngeoicnt pas tant a prendre lalituation des lieux , qu'à chercher for &. l'argent de la, Floride.

CHAPITRE XIII

Pajfage du Marais.

LE General arrivé à Urribaracuxi oùGal-legô l'attendoit, apprit que le Cacique

s'en eftoit fuy dans bs bois ; & àuflf*-tôtîl dé-pefcha vers luy, pour le prier de faire alliance -avec les Efpagnols, Comme ce Barbare ne voulut entendre en rien, Soto envoya fonder lin grand & large marais , qui eftoit fur fon chemin ; il [çut que le fond de^ bords n'en eftoit pas bon, & qu'il y avoit une telle quantité d'eau au milieu, qu'on ne lepouvoit paf-fer à pied. Néanmoins on chercha tant qu'au bout de huit jours en trouva un paiTage , où le General s "eftant rendu avec l'Armée, ilsen tira arfement ; mais parce que le défilé eftoit long , il demeura un jour 4 letraverfer, & fe campa à demie lituë au de là dans une grande plaine. Le jour fui van t il envoya découvrir le chemin, & l'on rapporta qu'on ne pouvoit avancer , à caufe des eaux qui inondoient la campagne. Sur cette nouvelle , après avoir pris etnt Cavaliers avec autant de fantafîins , -& laiffe le refte des troupes fous la conduite de îvlofcofo Ion Meftre de Catnp j il repalTe le marais, Se envoyé chercher un autre p -iTage. Cependant les Indiens qui eftoient dans un bois fondent iur Soto & fur fes gens , tirent fur eux, S* regagnent auffi-tôt la foreft. Les Efpagnolsles tepouffôient& en tuoient,ou en prenoient toujours quelques-uns. Ceux qui fe voioient pris fe voulant tirer des mains de leurs ennemis, s'orlroienc de les guider , ôc les

$4 HtfiAn de fa VloriHel

iaifoient paffe au travers des embufeades dé$ Barbares qui les perçaient a coups de flèches. Cette malice reconnue, on rit déchirer par les chiens quatre des plus coupables d'en-tr'cux. Si bien que les autres epouventez , commencèrent .1 bien faire leur devoir , 8c mirent les gens du General en un chemin, où après avoir marche environ quatre lieues, ils fe trouvèrent au defïus du grand marais en un .pailage , dont l'entrée 8c la fbrtie eftoient lèches. Mais une lieuë durant on a voit de î'eau jufqu'au deflous des bras, 8c k milieu du «trajet cent pieds de long n'eftoit pas gayable. •Les ennemis en cet endroit avoient drefle un méchant pont de deux gros arbres tombez dans l'eau, ioutenu de quelques pieux fichez en terre,& de quelques pièces de bois en travers, avec des manière de garde-fou.

Au meime temps que le General vit ce pont,il commanda à Pedro Moron 8c à Diego d'Oliva Métis, qui eftoient de grands nageurs , d'aller couper ces branches d'arbres qui embarraflbient le pont, &-de faire .tout ce qu'ils trouveraient a propos pour la commodité du pailage. Ils exécutent «éur ordre , mais au fort du travail les Indiens qui eftoient cachez parmy les rofeaux fortent dans de petites nacelles , 8c tirent fur eux. De iorte que Jdoron & ion camarade le jetèrent en bas du

pont,

pont , nagèrent entre deux eaux ,- ou ils furent légèrement bleffez , Se fe fauverent. •Néanmoins les Indiens eftbnnez de la refolu-tion de ces deux hommes, n'oferent plus pa* roiftre ; Se les Efpagnols accommodèrent îe pont à deux portées de moufquet plus haut -, ils trouvèrent un lieu pour palier la Cavale-* rie. Le General en donna avis à Mofcofo Ton Mettre de Camp , -avec ordre de faire marcher le refle de l'Armée > Se de luy envoyer promptement des vivres. Siiveflre qui -fut dépefché pour cela , eut charge d'amener les munitions, avec une efeorte de trente lances, Se d'eflre de retour le lendemain fur le foir. Car Soto promit de l'attendre , Se luy dit qu'encore que le chemin fut long Se difficile , il efperoit tout de luy. Siiveflre monte donc fur un excellent cheval qu'on luy tenoit prefl, Se rencontre Lopes Cacho , auquel il ordonne de la part du General de l'accompagner. Cacho s'en exeufe fur ce qu'il fè trouvoit fatigué , & le fupplie d'«n choifir quelqu'autre ; mais comme Siiveflre le prei-foit de plus en plus, il cède, monte à cheval > & part avec luy au Soleil couchant.

H

%$ }ïiftoiu de la Floride.

' CHAPITRE XIV.

Silveftre forte les ordres du General à Mofccfo.

Sllveftre Se Cacho qui n avoient pas plus de vingt ans chacun.} s'expoferent refo-Jument à tout ce qu -il leur pourroit arriver. -Il firent d'abord fans peine quatre ou cinq .lieues, parce que le chemin eftoit beau , 5c qu'ils ne rencontrèrent point d'Indiens. Ensuite , à caule du marais, ils fe trouvèrent engagez dans de tres-fàcheux chemins , dont ils defefperoiènt de fe tirer. .Comme ils n'a-voient aucune connoiilance certaine du pays, ils eftoienr. contraints de marcher au hazard, _Sc de taicher à fe louvenir des lieux par où ils eftoient paflèz la première fois avec leur General ; Se en cela leur chevaux leur rendirent de fort oons fervicts. Car lans eftre guidez que de leur inftincl:, ils prirent la route qu'ils avoient tenue en venant, Se baitîoient Ja.tc-fte pour ientir la pifte. Cacho & Ton camarade qui ne comprenGient rien à cela, leur tiroient la bride , mais leurs chevaux recher-ehoierit incontinent le chemin à leur manière, ils rônfloient li fort lors qu'ils l'avoient perdu, qu'il efterit àcQundre que le bruit qu'ils faj*

fôïent ne découvrit les Cavaliers. Le che* val de Silve/tre efloit le plus feur pour bien conduire , Se il avoit de très-excellentes marques. Il eftoit bay~brun, le pied du montoir blanc avec une pareille marque au front. Le cheval de Cacho eftoit alezan bruflé avec les extremitez noires : mais il ne valoitpas celuy de Sirveitre^qui après avoir reconnu î'aclioa de Ton cheval, !e laifa rdlcr à fa fantaifie. Voilà l'eftat où eftoient Silveltre & Cacho , & cet eftat fe peut fans doute mieux imaginer que décrire.

Os Cavaliers marchèrent ainfi toute la. nuit fans tenir aucune route certaine ; accablez de travail, defommeil , & tourmentez de la faim , parce qu ils n'avoient mangé depuis deux jours qu'un peu de millet. Leurs chevaux eftoient d'ailleurs abbattus de fatigues , à caufe qu'il y avoit trois jours qu'ils travailloient fans relaiche , Se qu'on ne les avoit débridez que pour repaiiire quelques rrcmers. Car limage de la mort que les deux Cavaliers voyoient devant leurs yeux , les obligeoitde piquer en diligence , Se de franchir toute forte de diir.cultez. Il y avoit de lin Se de l'autre cofté de leur chemin des troures d Indiens , qu'ils appercevoient à la lueur des feux que ces Barbares avoient nHumez , Se qui en fautant à l'cntour , foifbicftl

H 1

S3 Hifioire de la Floride.

tout retentir de leurs cris. On ne fçait s'il* c A broient alors quelque fefte , ou ii c eftoit un hmple ree;alc;mais leurs cris durèrent tout z la nuit ; Se empeicherent qu>l c n'entendiïTent le pas des chevaux, Se ne p rifle garde à leurs chiens, qui aboioient plus fort que de cou-ftume. Car s'ils enflent découvert Silveftre & Cacho , ils auraient fait leurs efforts pour les avoir.

Apres que ces Cavaliers eurent marché dix lieues avec beaucoup de crainte 8e de peine, Cacho pria Silveftre , ou de le tuer., ou de le laifler dormir , Se luv protefta qu'il ne pouvoit ny palier outre , ny le tenir davantage à cheval. Silveftre luy répliqua brufquement qu'il dormit donc , puifqu'au Juillet! du danger qui les menaçoit, il n'avoit pas la force de relifter une heure au lommeil. Que le paflage du maraisn'eftoit pas loin, & qu'ils ne pou voient éviter la mort s ils ne pa£-ioient avant le jour. Cacho lans écouter ce qu'on luy difoic, fe laiila tombera terre comme s'il eut efté mort. Silveftre prit auiïi-toft la bride du cheval , Se la lance de fon compagnon ; Se en ce moment il le répandit une grande obfcurité accompagnée d'une tres-groife pluye , qui toutefois n'éveilla point Cacho , tant la force du fommeil eft grande. La Pluye celîec, le temps s'éclaircit, le jour.

parut, & Silveftre fut au defefpolr de ce se-flre pas plutôt apperçù de la clarté. Mais tandis que Ton camarade repoloit, il s'eftoit peut-eftre endormy luy-mefme à cheval. Car il me fouvient d'avoir connu un Cavalier quimar-choit environ quatre lieues en dormant, Se qui ne s'éveilloit point, quoy qu'on luy parlait , Se quil fuft melme en danger d'eftre tue par Ton cheval.Incontinent donc que Silveftrs euft vu le jour , il appelle Cacho, le pouiTe du bout de fa lance, afin de l'éveiller, & luy dit que pouLs'eitre trop endormy, il leur eftoit prefque împoiTible de ne pas tomber entre les mains des Barbares. Cacho remonte à cheval*-pique avec Siiveftre au petit galop ; mais 1s jour les découvrit , Se auili-toft on n'entend de colle Se d'autre du marais que- cris , que trompettes, tambours, Se autres inflrume-ns. Les Indiens fortent d'entré lesrofeaux dans des nacelles,,gagnent le pallage , Se y attendent les deux Elpagnols, qui bien loin de perdre courage, fe rafleurent par le fouvenir du perd où ils venoient d'eftre expofez fur terre , Se Te jettent hardiment dans l'eau par où ils dévoient pafTer. On les couvre alors de fleches, mais comme ils vont ville¦& font bien armez, ils échapent fans recevoir de blelTure, ce qui rut un grand bonheur , veu la multitude de* traits qu'on leur tira. Cependant 1$ H 3<

bruit que failoientlcs Barbares , fut entendu des trqjjes qui nettoient pas fort loin du marais, & parce qu'onfe douta dequelqechoie, il Te détacha trente Cavaliers > qui ie rendirent au pallage. Tovar monté avantageufe-merit piquoit à latefte j ilavoitdelahardieffc Sç aimoit la gloire , car encore qu il connufl qu'il eftoit mal dans l'efprit de Soto , que les actions ne feraient pas conliderces,il ne lailloit pas de fervir en homme de cœur.Toutefois,ce-. ia ne le remit point dans les bonnes grâces du General, il lembloit au contraire^ ileuftdu chagrin de voir tant de vertu en un homme > pour qui il avoit tant d avcrlion. Il eut auiil mieux valu que Tovar abandonnait le fervice, que de s'opiniàtrcr à vouloir regagner l'ami-tic de Soto. Il arrive rarement que les grands pardonnent, lors qu'ils iont perjuad,cz qu'on les a onènfez.

CHAPITRE XV. Retour de Sïlvcjlre.

COmme les Indiens pourfuivoien: hors de l'eau les deux Efpagnoîs , ifs apper-çùrent le fecours , & fe retirèrent de crainte flCftre maltraittés. Si bien que Silveitre vint

au Camp où il fut reçu deMofcofo qui ayant apris l'ordre du General , fit en diligence" chercher des vivres, Se commanda trente Cavaliers pour les eicorter» Cependant Sil-veftre s arreita environ trois quarts-d'heure à manger un peu de millet & de fromage j car on n'y trouvoit rien autre chofe ; Se lors que tout fuft prefl il reprit ia route accompagné de Ton efeorte , Se emmena avec luy deux mulets chargez de fromage Se de hiieuit. Cacho qui n'avoit pas ordre de s'en retourner demeura avec Mofcoio , qui commanda à les gens de fe tenir prefts pour partir. Durant cela, Sil-veftre Se Ion elcorte traverlèrent le marais, fins que l'ennemy jfîft mine de les attaquer 4 Se arrivèrent à deux heures de nuit, ouïe General les devoit attendre. Mais comme il* ne l'y trouvèrent point, ils en eurent beaucoup de déplaifir , Se ils fe campèrent en cette forte. Une partie de la nuit dix Cavaliers battoient 1 eftrade, un pareil nombre veilloit, Se fiiloit repaiftre les chevaux tout feelez, tandis que les autres prenoient un peu de re^ pos, ahn que chacun travail!aflj dormift tour à tour , Se qu'on ne puft eAre furpris de îen-«cmy. Si-tot qu'il fut jour on découvrit la route du General dans le marais * , que l'on traverla a r ant que les Indiens le rcndiiTcnt

\}± Hijl'vire de UFltnde.

maiftres du Dallage, Si une fois ils s'en furïen* failis, les Espagnols auroicnt eu de la peine à le gagner , a caufe qu ils eulfent efte obligez' de combattre dans l'eau jufquaux aiiTelles fans pouvoir le retirer v ny attaquer avec avantage ; au lieu que les ennemis qui avoient des bateaux qu ils menoient fort vifte, pouvoienc à leur fantaifie tirer de prés oudeloin. Néanmoins ils r.çii: lervirent pas deToccaiion, 5c l'on n'en lçait pas la caufe , ii ce n'eft qu'ils obiervent des jours heureux pour le combat» Enfin après Gx lieues de marche , I'efcorte trouva Scto dans des vakes pleines de millet , li haut qu ils le cueilîoitnt a cheval.- Mais comme ils avoient extrêmement faim ,- ils le mangeoient cru, &. remercioient Dieu de leur bonne fortune. Le General reçut Silve-ûre avec joye, & lors qu'il aprit de luy les maux qu'il avoit ioutrerrs, il le loua hautement &.Juy promit de reconnoiilre les 1er vices. Il luy dit enfuite qu il n'eftoit pas demeuré au rendez-vous , parce- que ces gens ne pouvoient plus iupporter la faim , Se qu'il croyoit que les Barbares l'avoient-tué iur Ls chemins. Comme il achevoitde parler , oq l'avertit que Molcoio avoit pafTe le marais , fans que L'ennemy li fut oppofé , & que liant arrive en trois jours à un autre paifage qui eftoit de.l'autre colle, ii avoit mis uicore trois

jours a s'en tirer , à cauie qu'il eftoit long> & qu'il y avoit beaucoup d'eau. Ileutauiîï nouvelle que Mofcofo & Es troupes avoient faute de vivres, & il leur envoya du millet, ce qui les réjouit beaucoup ; après quoy lis fc rendirent dans la Province d'x\cuera où citait. le General.

CHAPITRE XVI,

Vrovince d'Acucr.i,

LÀ Contrée d'Acuera eft au Nord , à l'égard de celle d'Urribaracuxi, dont elle eft éloignée d'environ vingt lieues. Mais comme le Cacique d'Acuera s'en efloitfuï à l'arrivée des troupes dans fa Province , on dé-peicha vers iuy quelques priionniers Indiens. Ils aboient ordre de le porter à faire alliance avec les Efpagnols qui eftoient vaillans, 8c qui pourroient ruiner fes terres Se fes fujets. Que toutefois jufqu'icy ils n'en efloient point venus à cette extrémité , à cauie que leur def-fein eftoit feulement de réduire par la douceur les habttans du pays , a l'obeïilaiice du Roy d'Efpagr.e leur Maiitrc. Que pour cela ils defiroient luy parler, 8c 1 infrruire de l'ordre qu"ils avoient de traitet a.vcc Les Cac i

Acucra répondit que les Efpagnols eilant déjà entrez daus le pays , il les connoifToit pour des vagabons , qui vivoient de brigandage , Se tuoient ceux qui re leur faiioient aucun dé-plaihr. Qu'avec une nation (î deteftable , il ne vouloit ny paix, ny commerce -> Se quelques braves quils le fiiTent , ils trouveroknt des gens qui le feroient autant qu'eux. Que dés à prefent, il leur declaroit la guerre , fans toutefois en vouloir venir à une bataille j mais qu il leur dreiTeroit tant d'embuicades qu'il les déferoit entièrement^ Que mefme il avoit commande qu'on luy apportaft chaque femaine deux telles de Chreftiens, moyen leur pour les exterminer d'autant plus facilement qu'ils n'avoient point de femmes. Quant à l'obeïfTance qu'ils fouhaitoient qu'on rendiit à leur Prince, ils dévoient fçavoir qu il eitoit de la dernière baffeile , à des gens libres, de fe ranger fous une domination étrangère* Que luy Se tous les lujets perdraient plutôt la vie que la liberté y Se qu'on ne devoit poir.t attendre d autre reponfe d'un Souverain» Qu'ils fortifient donc en diligence de là centrée. Qu'ils cfloiert des mil érables qui fe la~ erihorent en faveur d'autruy. Qu'amii il les eftimoit indignes de leur amitié, Se qu'il ne vouloit ny voir leurs ordres , ny les lourhir davantage iur les terres. Le General furpris-

Lhre fécond. ^

-•de cette fierté, s'efforça de gagner le Cacique; mais inutilement. L'armée fejouma vingt jours dans fâ Province , qu'on trouva fort bonne j & l'on y prit des provifloîispour pafc fer ou:re. Durant ce temps-là les In di ni s-harcelèrent fi fort 4cs Espagnols , qu'un foldat ne pou voit s'écarter cent pas du canro qu'ils ne 1er tuallent. lis leur coupoient d'abord la tefiç à moins que l'on ne couruftpromptementfur eux , 5c ta portaient à leur Cacique. 11$ croient en effet tres-animez, Ils deterroient la nuic les Chrefliens morts , ils les mettoient par quartiers , les pendoient au haut des ar--bres, & executoient avec tant décourage les ordre*, de leur Seigneur , qu'ils luy portèrent la tefte dedîx-hiritloldats, fans parler de ceux qu ils firent périr > Se qu'ils bleïTerent à coup de flèches. Pour eux, après avoir attaqué ils fe fauvoient tres-fouvent, Ci bien que nos gens -n'en tuèrent qu'environ cinquante.

CHAPITRE XVII. "Entrée des Efpagnçb dans la Province d'Qcalfl

L'Armée partit d'Acuera, *ans y avoir fàic autre choie que de tuer quelques Indiens. ptfcit fa .route vers la Province dOcaly ,

r>6 Hiftcire de la Tic ride.

efloignée de vingt lieues de l'autre, & marcha au Nord-dEft. Elle traverfa tntre les deux contrées un defert d'environ douze Heuës de longueur remply de noyers , de pins Se d'arbres inconnus en Efpagne ; mais arrangez avec une fi égale diftance , qu'ils fembloient plantez à plaifîr , fi bien qu'ils fai-foient une agréable foreft.

On ne trouva point en Ocaly tant de marais ny de mau 7ais pas, que dans les autres contrées. Comme ce pays efloit plushaut Se plus efloigné de la cofte , la mer n'y pouvoit -aller, & les autres Province en eftant plus proches & pi us bafles •> la mer y entroit en de certains endroits , tantôt trente , tantôt qua-tante > cinquante , foixante , Se quelquefois cent lieues. Elle y formoit de grands marais, & rendoit la terre tellement tremblante , qu'il efloit prefque impoiTible de parler deifus t Les Espagnols en effet le font rencontrez dans des chemins ii faicheux, qu'au mefme temps qu'ils mettoient le pied fur la terre , elle tîembloit vingt 5c trente pas aux environs ; toutefois il fembloit qu un cheval y puft galopper. On n'euft jamais cru que ce n'eftoit que de la vaie endurcie, & qu'il y euft de l'eau & de la bourbe au delfous. Néanmoins quand le delîus Venoit à tè rompre, les hommes avec les chevaux enfonçoient, Se ié noyoient fans rei-

livre fécond. fource, cîe forte qu'il y avoir beaucoup a iouttrir , lors qu'il failoic palier en ces lie ux-là.

Pour revenir a la contréed'Ocaly , les Ef-pagnols y trouvèrent plus de èhrres que dans les autres Provinces ; Ja terre y eitoit meilleure Se Je pays plus cultive. Ils remarquèrent aui-fi que plus les contrées eftoient loin de la mer, $c plus elles ^eftoient peuplées•¦& abondante? en toutes fortes de fruits

Comme les troupes eurent traverie le dc-fert entre les deux Provinces, elles firenrfèpt lieues. Eies rencontrèrent fur leur chemin quelques maiions de ça Se de la, $c entrèrent dans la Capitale que l'on appclloit Ocalv où le Cacique tenoit la cour, Mais luy 5c fes vaïlaux s eftoient retirez dans les bois av,?c -ce qu'ils Iraient de meilleur. La Ville d O-caly eitoit de iix cens maifons , où les Efpa-^nols Te logèrent, parce qu'ils y trouvèrent beaucoup de- feegumes -, de noix , de raihns kes , Se autres fruits. Le General au mcfîre temps envoya des Indiens prier le Cacique de faire amitié avec luy ; mais il s'en exeufa fur ce qu il ne pouvoit fortir fi-toft , & iix jours après il vint va l'armée, où quoy quil fut bien reçu , 5c qu'il eut traite alliar.ee > on ne laiiïa pas de juger qu'il avoit de mauvais deileins, qu'on dillïmula de peur de l'etiaroucher. Ce

§Z Htftoirê de la Floride.

que je vais dire fera connoiftre qu'on ne \c

faupçonnoit pas à tort.

Il y avoit auprès d'Ocaly une rivière profonde , dont les bords efearpez avoient deux piques de hauteur. Cependant il fallut paffer cette rivière , Se parce qu'il n'y avoit point de pont, on convint que les Indiens en fe-roient un de charpente. Le Cacique Se le General accompagnez de plusieurs Efpagnols, choifirent un jour pour voir l'endroit où l'on drefferoit ce pont. Comme ils le faifoient tracer , quelque cinq cens Barbares cachez dans des builîbns à 1 autre bord J.e la rivière , s'avancèrent Se fe mirent à crier aux Eipa-gnolsj lafehes voleurs vous fouhaitez un pont, mais nous ne vous en baftirons point ; Se là de (Tus ils les couvrent de fiéches. Ce qui o-bligea le General à dire , que puis qu'on se-toit juré alliance , cette action devoir eilre chaînée. Le Cacique pour -s'exeufer repon-dir., qu'auiîL-toil que tes fujets avoient vu ou'il inclinoit en faveur des Eipagnols, ils feraient perdu l'obéi fiance. Qu'il n'eftoit pas en fon pouvoir de iea punir , Se qu'on ne pouvoir, fans iujuftice luy imputer leur fuite. Aux cris que faifoient les Barbares, un Le-Va ici: nommé Brutus, qu'un Page du General nuiioi: en iaiiTe, s'eftant cchapé , ii le hr.ça dans l'eau. Le-» KipagnoU le mirent à l'ap-

Lhïcfécovd. $9

peîler , mais cela l'encourageoit à nager y droit aux Indiens qui luy percèrent la te fie Se les épaules de plus de cinquante flèches. 11 raiTa pourtant à l'autre rive , 5c tomba mort à la fortie de l'eau. Les Chreftiens en furent fenliblement touchez , parce qu'il leur avoir rendu beaucoup de fervice, comme je vay raconter.

Un jour quatre Indiens par curiofité vinrent au camp pour voir les troupes, leurs armes , & principalement leurs chevaux qu'ils apprehendoient fur tout. Le General qui fçût leur deifein , Se qu ils eftoient des plus remarquables de leur Province , les reçût avec civilité , il leur ht quelques prefens , & commanda de les régaler dans une chambre a part. Comme ils curent bien mangé , Se qu'ils ne Ce virent obfervez de perfonne , ils s'enfuirent avec une telle viftelTe, que les Efpagnols de-fefperans de les attrapcr,ne les fuivirent point. Sur ces entrefaites vient Brutus , illemetailx trouas des Indiens qui fuyoient à la file , 8c après les avoir atteint, il en paffe trois fans les attaquer , Se k jette fur le plus avancé qu'il couche par terre. Cependant il laide approcher celuy qui fuivoit , il le terralfe, Se en flic autant aux autres, lors qu'ils furent prés de luy y ii bien que les tenant tous en un mef-ujc endroit, il fe lançoit lur le premier qui

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faifoir mine de fe relever, Se l'arreftoit à force d'aboyer. Il les embarrafTa enfin de telle forte, qu'il les retint jufqu'à ce que les Efpagnols. accoururent qui s'en laifirent, Se les remenc-rent au camp. On les fepare auffi-toft, Se interrogez du fujet d'une fuite ii peu raifon-nable , ^répondirent qu'ils ne s'en eftoient fuis que dans la créance que ce leurferoitune chofe glorieufe panny ceux de leur Nation , de s'eitre ainii tirez des mains des Chrétiens,. & que Brutus leur ravifloit un fort grand honneur. On dit encore de ce lévrier , qu'un-jour que les Indiens Se les Efpagnols efloient \c< uns avec les autres fur le bord d'une ri-«yiere , un Indien frappa de Cou arc un Efpa--gnol. Qu'eniuite llndien fe jetta dam l'eau avec les autres Barbares , & que. Brutus qui vit cela le pourfuivit, s'attacha à luy , Se l'étrangla au milieu de l'eau.

Qçft de la 1brte qu'en la conquelle dut nouveau monde les lévriers ont fait des cho-fes dignes d'admiration. Becerillo fervit li bien dans rifle de Porto-Rico, qu'à caufede lny les Eipagnois donnèrent à ion mavftre la moitié de tout leur gain. Nugnez de Balboa voulut auîlï qu'on reconnuft de cinq cens el-cus dor, celuy à qui appartenoit Leoncillo , pour les bons ofriccsquc ce. chien-avoit ren-. das dans la decouvcrte.de la mer pacâc^uc.

G H A Ç I T R E XVIII.

Province de Vitachuco,

SOto qui voyoit que le Cacique demeu-roic inutilement au Camp , luy dit qu'il craignoit que s'il y eftoit d'avantage , Tes vaiïaux nefe révoltaient tout à fait ; ou que croyant qu'on le retinfr, priibnnier, ils ne ... sirritafTent de plus en plus. Qu'il le priait d£ s'en retourner ; & que lors qu'il voudroit le venir revoir, il luy feroit toujours beaucoup d honneur. Ocaly répondit qu'il fouhaitoit feulement daller vers Tes fujets , pour lei porter à fe foûmcttre au General, & que sïi ne pouvoit les y obliger, il ne lailTeroit-pas de revenir témoigner l'on affection à toute l'Armée. Là-deiTus il s'en alla &¦ ne tint aucunes de fes promefles.'Enfuite par le moyen d'un Ingénieur de Gènes nommé François , les Elpagnols firent un pont de poutres avec des madriers * en travers attaches avec des cordes. Ccmmeleboisne leur manquoit pas, ils vinrent fi bien à bout de leur delîein, que les hommes & les chevaux pafferentfort à-

* Planches deboi* de chênes fort épaifiîcs.

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leur aife.Mais avantque de traverfer le fleuve, , le General commanda aies cens de-Je mettre •a c.mbufcade pour prendre quelques Indiens, Ils en attrapèrent trente, qui à force de pro- . mettes & de menaces les conduilïrent dans uncProvince éloignée de feize lieues d Ocaly. Le Pays par où ils-marchèrent efloit dépeuple , mais agréable , uny , plein d'arbres 5c . «le ruifleaux y & paroiiloit très fertile.

L ! Armée ht huit lieues en deux jours, & au troihéme après avoirmarché .julqu a..midy , . Soto s'avança avec cens Cavaliers Se autant de fintailms, fit continuant Ja route le reftedu jour & toute la nuit, il arriva fur le matin à Qchilé qui eftoit une des Villes de la Province de Vitaçhuco. Cette contrée avoit prés de deux cens lieues , Se eftoit partagée entre trois frères-. Vitaçhuco qui eftoit l'aine portoit le nom de la Province & de la Capitale \ Se de dix parts qui compoioieiit cette cftenduë de pays, il en poifedoit cinq , le fécond de qui le nom n'eu pas connu en avoit ¦ trois : & le dernier qu'on appelloit Ochilé au nom de la Viilc , dont il eftoit Seigneur , en avoit deux. On ne fçait point la railbn de ce partage ; car dans les Provinces que l'on découvrit les aines eftoit nt les Iculs héritiers. Mais peut-eftre que ces parties avoientefte jointe* par quelque mariage^Sc depuis divifets

entre les enfuis.; ou que des ¦ parais qui eftoient morts fans héritiers les avoient laiiTees- : au père de Ces trois frètes , à condition qu'il les partageroit de la forte à fes fib , afin de conferver la mémoire de leurs bien-faitèurs. Tant le deiir de s'îmmortaJiier cil: naturel à l'nomme , Se puiilant melme fur l'cfprit de* nations les-plus Barbares.

La ville d'Ochile eftoit de cinquante maï-fons fortifiées pour refiiter à leurs voilîns>. car iaplufpart des contrées de la Floride, font toutes ennemis les unes des autres. Le General .entra par lurpriie. dans Ochile , railant Jonner les trompettes & battre les tambours pour e'tonner les Indiens. Plufeurs en erfec tout tifrayez d'un bruit il peu attendu, aban-donnoient leur demeure dans la penfee de fe auver , 3c tomboient entre les mains des Espagnols , qui après avoir fait quelques priions niers , attaquèrent le logis du Cacique. Ce-toit une maifon allez belle,qui navoit propre- -meut qu'une Salle de fix vingt pas de long y lur quarante de large avec quatre portes aux quatre coins, & pluiicurs chambres a 1 eu tour ou l'on entroit par ia Salle.

Le Cacique qui avoit des ennemis furies bras eitoit dans cette mailonavecdes gens de guerre , aulquels fe joignirent promptement la. plrTiparc dele> vailaux , iors qu ils virent

t04 lijloire de U Tloride.

les Efpngnols maiitres de leur Ville. Auiîi-t4t ils prennent tous les armes & fe mettent en cftat de fe dépendre*, mais inutilement. Ow avoit déjà gagné les portes-, & Ton taichoit de les obliger a fe rendre , tantoft les menaçant de les brufkr , & tantoft. leur promettant de bons traitemens. Néanmoins le Cacique demeura ferme , jufqu'à ce qu'on luy eut amené plufeurs de Jes lujets qui avoient eux pris. Ils l-'afTeui erent qu'il y avoittant d Efpagnob, qu'il ne devoit pas longer à leurre lifter. Que iufqu'icy il b 'avoient mal-traitte perfonne , & qu il feroit prudemment de le her à leurs promettes. Le Cacique fe lufla perfuader , Se fut reçu civilement de Soto qui le retint , Se donna la liberté à tcus les autres Indiens* Mais comme il vit deJ autre codé de la ville, une vallée remplie de plufieurs maiions fort habitées , &à quelque difranec ks unes des autres, il crut qu'il n'y avoit nulle feurcté pour luy à~ parler la nuit à Orhilé, parce que lî les Barbares de la contrée venoient le joindre avec leursvoifins, ilsluyenleveroientfa-» cilement le Cacique. Il retourna donc en diligence rejoindre fes troupes qui eftoient à trois lieues de là , Se qui s'affligeoient de ne le point voir. Mais leur triitelfe le changea en joye , lors qu'ils le revirent amenant avec luy Ochile, accompagne de fes domeftiques

Se de plufîcurs foldats Indiens , qui fuivoieiic volontairement fa fortune.

CHAPITRE XIX.

Le Frère. à'Ochilé vient au Camp , & tnvtye vers VitachtLCQ.

LE lendemain que Soto eut rejoint Tes troupes , elles entrèrent en bataille dans le pays d'Ochilé , ies tambours & les trompettes à leur tefte , qui de leur bruit fai(oient tout retentir aux environs. L arméelogée, le General pria Oehiié d'envoyer vers ies frères pour les porter à la paix. Le Cacique fit donc fçavoir à Tes frères, que les ChreftienS eitoient entrés fur leurs terres. Qu'ils n'a-voient pour but que l'amitié des peuples. Que lors qu'on les recevoit, ils ne faifoient nul dégât, 8c le contentoient feulement de prendre des vivres pour fubfifter, finon qu'ils ruinoient tk mettoient tout à feu & à fang r , & qu'ainfi il les prioit de s'allier avec eux.

Le lecond rrere répondit, qu'il rcmercioit Gchilé de Ton avis , qu'il defiroit voir Se con-noiftre les Espagnols. Que toutefois iln'iroic que dans trois jours au camp, à caule qu il iouluitoit de. fe mettre eu ellat de poroiftrç.

Mais qu'il pouvoit toujours les afleurer ie fon obeiffance , Se accepter de fa part l'amitié qu'ils luy offroient. Ce Cacique vint en effet trois jours après à l'Armée , accompagné des plus lelies Se des plus remarquables de les fu-jets. Il ialua civilement Soto, Se entretint les Officiers avec tant d'efprit, que l'on auroit dit qu'il eut efté depuis long-temps parmy eux. Les Espagnols de leur cofté le reçurent avec de grands témoignages d'affection ; ils ivoublioientrien de ce qui pouvoit gagner l'amitié des Caciques que recherchoient leur alliance ; ils appuyaient fortement leurs intérêts , & ne iouffroient point qu'il fe fiil le moindre deiordre fur leurs terres.

Vitachuco qui eftoit le troiiiéme frère ne répondit rien > 3c retint ceux qu orr luy avoit envoyez. Ses deux frères à la perfuafion de Soto, luy dépêchèrent d'autres perlbnnes qui le conjurèrent de recevoir la paix que luy offroient tes Efpagnols. Qu'il ne fallbit poiflt s imaginer qu'on les pufl battre. Qu'ils ti-roient leurs origine du Ciel, & eftbiérit les véritables tils du Soleil 8e de la- Lune. Qu'en un mot iîs montoient certaines beftes * i\ vi-fks qu'on ne leur pouvoit échapper. Qu'ils U fijppîioient d ouvrir les yeux furie malheur ! ¦ ¦.!¦ mi i ii ¦ u. _ _

* Ce font iks Cheraur.

qfù le mènaçoit, &: d'empêcher Iadefolation de ion pays avec la ruine de Tes fujets. Vita-chuco répondit iî orgueilleufement, qu'il n'y eut jamais rodomontade qui approchait de la fierté de Tes paroies Mais comme Ton ne s'en eft pu fouvenir, je raporteray feulement la réponie qu il fit à fes frères. Il commanda à leurs envoyez de leurs dire, que leur conduite eftoit de jeunes gens.qui naveientny jugement , ny expérience. Qu'ils donnoient à des ennemis une naiflance & des vertus imaginaires. Que les Efpagnols n'eftoient ny les fils du Soleil, ny û vaiilans qu'ils fe le perfua-doient. Que fes freres-eftoîent des laiches de fe mettre entre leurs mains. Que depuis qu'ils avoient préfère lalervitude à la liberté ils par-loi eut en efclaves, & loùoient des hommes pour lefqucls ils ne dévoient avoir que du mépris. Qu ils ne confideroient pas que ceux dont ils vantoient le mérite ne feroierrt pas moins cruels que les autres de la mefme nation que l'on avoit vus dans le pays. Qiiec'e-floient tous des traiftres, des meurtriers, des voleurs, enfin des enfans du diable. Qu'ils enlevoiVnt les femmes , ravilToient les biens, semparoient des contrées habitables, Se fe ient lafchement par le travail d'au-e s'ils avoient autant de vertu qu'on ^ ;: enflent point abandonné leur

r îoS Hiji'nrc âeU ïhrlle.

pays ; mais qu i s 1 auraient cultivé , & ne fe feraient pas attiré par leurs brigandages la haine de tous les nommes. Qu'on kur pouvoit dire de fa part qu ils n'entrafîent point fur Tes terres ; qu autrement ils n'en fortircient jamais. Qu'ils y périraient tous , Se qu'il les fe-roic cruellement bruiler.

Après cette réponft , Vitachuco envoya pluiieurs de les iujets vers ie Camp des El-pagnols. Il y en venoit tan toit deux Se tan-toit quatre qui Jonnoient de la trompette, 8c failoient de nouvelles menaces plus terribles que les premières. Car ce Barbare penfoit eftonner nos gens par les différentes fortes de fupplices dont il les menaçoit. Il leur man-doit quelquefois, que lors qu'ils feroient entrez dans fa Province, il commandroit à la terre de s'ouvrir Se de les engloutir.; aux montagnes entre lefquelles ils marchoient, de fe joindre 8c de les ecrafer ; aux vents de déraciner les forefts par où ils pafleroient & de les renverlèr fur eux ; aux oifeaux de prendre du venin dans leur bec,& de le laiiTer tomber fur fesennemis pour les consumer. D'autrefois il -devoit faire empoifonner de telle forte les eaux , les herbes , les arbres, 8c 1 air même, que ny les hommes, ny les chevaux ne pour-roient jamais ie garantir de la mort. Et qu'ainîî ks Elpagnok (miraient d'exemple a ceux

qui

tpi auroient îapenfee d'entrer à l'avenir contre fa volonté fur Tes terres. Ces rêveries qui marquoient affez le caractère de Vitachuco , obligèrent les Chreftiens à fe mocquer de luy. Cependant elles ne laiiTerent pas de les arrêter huit jours dans le pays des deux frères qui lesregaloient, Se leur témoignoient à Ten-vy la paifion qu'ils avoient de les fervir. Mais comme ceux qu'ils avoient en voyez vers leur aine ne le pou voient perfuader, ils refolu-rent d'y aller eux-mêmes. Ils communiquèrent ce deflein au General , qui l'approuva & qui leur ht plusieurs prefens pour Vitachuco. Ce Barbare touché de la prefence de Tes frères qui luy difbient, que les troupes s'a-vançoient vers Ton pays > Se qu'elles le pou-voient entièrement ravager , crut qu il de-voit diiîimuler fa haine. Qu'un jour il trou-veroit occalion de la faire éclater ou vertement , Se que les Elpagnols lerepolanti, nlitié quil leur jnreroit,il les extermineroit tous fans qu'il courût aucun danger de (à rcr-fonne. Pour cette raifon il dit à fês fre que jufqu'à cette heure il ne s'eA:o ; : pu imaginer que les E(papiù\i etiflènt tant de valeur Se tant démérite. Qu en fa ^puisqu'il en eftoitperluadeilrecevoit: 1 '- c \6yt le lkir.ee ; mais qu'auparavant il auhaitôit de fçavoir combien ils dcmenrerôientfurfesicr-

K

res, Se combien de vivres il leur faudroit lors qu'ils en fortiroient. Les deux frères dépêchèrent promptement au camp pour faire fçavoir cette réponie. Si-toftque le General !a fçiït, il les pria d'alTeurer leur aîné , que les troupes, ne fejourneroient dans fa contrée , Se qu'il ne fourniroit des vivres qu'autant qu'il voudroit j parce que les Efpagnols ne defi-roïent que rhonneur de fon amitié, avec laquelle ils croyoient avoir toutes chofes en abondance.

CHAPITRE XX.

Arrivée de Vit a chu ce.

VItachuco fut content de la réponiê du General ; de forte que pour cacher plus adroitement fon deffein, il aiîeuroit qu il lento it augmenter en luy le defir de voir les El-pagnols. Il commanda donc aux principaux de fa Province , de le tenir prefts pour aller •au Camp , d'amaHer des vivres avec les chofes necelfaires, Se de les amener dans la Capitale , afin d'y recevoir honnorabiement les Chreftiens. Enfuice il partit accompagné de fes frères , Se de cinq cens hommes bien armez , & en fort bon ordre. Mais après deux-

lieues de marche il rencontra Soto , qui s'e-ftoit avancé pour le recevoir, 8c il luy rendit Tes civiiitez avec de grandes marques d'amitié. Il le (upplia aufli de pardonner ce que la pafîion l'avoit obligé de dire contre les Efpa-gnols. Qu'il avoit efté mal-informé de leur conduite. Qu'à l'avenir il leur rendroit l'honneur qui leur eftoit dû. Qu'en un mot pour reparer lofrenfe qu il avoit commife , il re-connoiiloit le General pour fonSeigneur, Se que Tes fujets eftoient prefts de luy obéir aveu-. glement. A ces mots Soto l'embraiîa, Se luy repartit qu'il ne ie fouvenoit plus de tout ce qui s'eltoit patte. Qu'il ne fongeoit qu'à la faveur qu'il luy faifoit de l'aymer, Se qu'en reconnoifïance de cette grâce , il defiroit de luy rendre toutes iortes de iervices. Le Mettre de camp Se les Capitaines vinrent enluite le laliier, Se ie réjouir de fa venus, Se après quelques complimens de part Se d autre ; les troupes entrèrent en bon ordre dans la Capitale , que l'on appelioit Vitachuco. EHe avoit quelque deux cens grandes maiibns bien fermées, Se quelques autres plus petites qui com-poioient les Faux-bourgs. L'armée fe logea dans les mations les plus fortes. Les Caciques 8e le General avec les gardes , Se. fou train prirent pour eux le logis du Seigneur où lors ou ils-eurent demeuré trois jours enfemble Se K *

fait bonne chcre , les deux frères demandèrent permilfionde s en retourner. Soto la leur accorda Se leur fît quelques prefens ; i\ bien qu'ils fe retirèrent tres-fatisfaits. Vitachuco fut encore quatre jours à entretenir le*Espagnols, afin qu'ils fe tiniTent moins fur leurs gardes > & qu'il puir. mieux faire reulhr ce qu'il medi-toit contre eux. Ce deffein le préoccupait tellement qu il en efkut aveugle. De forte qu'au lieu de-prendre confeil de fes ridelles a-mis , il les fuyoit, &. ne communiquoit fa penfee qu'à des pexionnes qui le fiattoient. Voilà le procédé des gens qui fe fient trop à cux-mefmes , Se qui aufîi ne manquent pref-que jamais de s'attirer la peine que mérite leur imprudence.

Enfin , Vitachuco qui ne pouvoît plus re-fifter à la paillon de perdre les troupes ; r.ifcm-bla cinq jours après le départ de les frère?, quatre Indiens qui fervoient de truchemens au General. Il leur découvrit qu'il avoit refo-lu de faire main baffe for les Efpagnols , qu il luy e (l'oit fort facile d en venir à bout. Qu'ils le repefoienc fur fon amitié, &ne fe défiaient point d'aucune chofe. Qu il avoit affemblé plus de dix mille de fes iujets , tous gens de main Se d'exécution. Et qu'il leur avoit ordonné de cacher leurs armes dans la forer): voifinc, d'entrer dans la ville charge de bois

& de provifîons , Se d'en fortîrTons couleur de rendre fer vice aux ennemis , afin que ne fe doutant de rien , il ne fiuTent point fur leur garde. Il adjouitoit qu'il mettroit dans une grande plaine tous Tes fujets en bataille. Qu'il prieroit le General de les venir voir. Qu'après il ordonneroit à douze Indiens des plus forts & des plus courageux, d'accompagner ce Commandant fous prétexte de luy rendre honneur, Se de l'emporter au milieu du Bataillon , quand ils en verroientune occa-iion favorable. Que cependant les autres fon-droient fur les Efpagnols , qui furpris d une action ii hardie n auroient ny le temps de fe ralTeurcr , ny de fe mettre en eftat de re-fifter. Là deflus comme fi les deiTeins eufïent déjà retirai , il continuoit qu'il feroit fourrrir à ceux qui tomberaient entre les mains, tous les iupplices dont il les avoit menacez, Se qu'il mettroit en ufage le feu,le poiion,les tortures. Qu'enfin il n'y auroit aucun genre de mort dont il ne s'aviiaft pour les tourmenter. Apres que Vitachuco eut parlé de la forte, il commanda aux truchemens de luy dire leur avis, avec detïenfe de découvrir ion lecret, & il leur promit que lors qu'il auroit fatisfait fa vengeance , il leur donneroit des charges coniiderables, & des femmes tres-riches, s'ils vouloient demeurer furies terres5 finon qu il

K 3

x 14 H'tftoire de là "Floride,

les ferait eleorter jufques clans leur contrée f Se les cornbleroitdc faveurs. Qu'ils conîide-rafient que les Efpaghols les tenoient comme des efclaves. Qu ils les trailneroient en de3 régions fi éloignées , qu'ils dévoient perdre toute dperance de revoir leur patrie: Que non feulement ils leur faifoient tort, mais à tout le pays. Qu'ils n'a voient pour but que de leur ravir la liberté ; \cs biens , leurs femmes , & leurs enfans , & de les charger tous les jours de quelque nouvel impoft. Qu'il fal-loit donc s'oppoier courageufementà leur tyrannie. Qu'enhn , puilque fes deffeins ne re-•ardoienr que la gloire & Imîereft des peuples , il les fuppîioit par tout ce qu'i'savoicnt de plus cher, de farder de leurconfeil.

Les truchemens répondirent, que ion cn-trçprifè eftoit haute Se digne d un grand cœur. Que Ls mefures paroilfoîent bien prifes. QyinfaiiiS'ement il ne feroit point trompé-dans ion efperance. Que le pavs luy devroir £} confervation , &: Ls peuples l'honneur, les biens & la vie. Q^e dans cette vue ils luy ju-roienc de ne point divulguer fou fecret , Se d execurer aveuglement ie^ ordres. Qu'en v,n mot, puis qu'ils ne pouvaient contribuer que de leurs vcc.ix à faire rciiînr une aéiion il glo-riéufe , ils prioient le Soleil 6c la Lune de la fevofiler.

CHAPITRE XXL Suite de l'entreprit de Vitaihuco,

VItachuco & les truchemens fe quittèrent avec beaucoup de joye. Ceux-cy efperoient d'eftre bien toit libres 5 élevez aux honneurs, & mariez avec des femmes tres-riches,&: Vitachuco"s'imaginoic qu'il eftoit glorieufement venu à bout de fes delTeins. Que les voiims l'adoreroient, Se que tous les peuples du pays le reconnoiftroient pour leur Libérateur. ïi penloit mefme ouir les louanges qu'on luy dévoie donner en faveur dune action ii illuure , & voir les femmes avec les enfans , danier Se chanter devant luy lelon la coutume du pais, des chardons , qui pu-blioient la valeur & 1 heureux fuccez de ion entreprife. Enfle de ces vaines imaginations , il fax venir (es Capitaines, non pas' pour prendre leur avis fur quoy que ce fuft ; mais pour leur faire Cxecutet fes ordres. Ii leur dit qu il alioit citre couronne d'une gloire immortel ie> Que me fine il en jouiOoit déjà par avance ; mus ou il dépendoit de leur courage de le cdûiblcr d honneur. Qu'ainfi il les coàjurok d'attaquer vigoureufcmcht les Chrcilieru > 6c

d'en faire un carnage tel qu'il fc l'eftoit ims-i giné. Ses Capitaines luy repartirent, qu'ils avoient tant de refpcft pourluy > qu'il n'a-voit qu'à commander & qu'ils luy obei-roient en gens de cœur. Le Cacique fatisfait de leur réponie , ies renvoya avec promeuve de les avertir dans peu de ce qu'ils auroient à faire. Cependant les truchtmerrs à qui Vi-tachuco s'eteit découvert y conliderant que fon entrepr Lfe ne pouvoit réirflîr , à caufe du courage des Elpagnols , Se de la vigilance de Soto y & d'aiileurs la crainte du danger où ils s'expofoient l'emportant fur l'efperance d e-ftre recompenfez, ils crurent que leurinterefl particulier les obligeoit de violer leur foy. Ils allèrent donc trouver Ortis , auquel il déclarèrent la trahiion, avec ordre d'en donner avis au General qui aiïcmbla autTi-tOit Ton confeil. Il fut conclu qu ii falloit diïFimuler & avertir fecrettement leurs gens de fe tenir fur leurs gardes , avec une négligence apparente , afin que les Barbares ne fe doutaient de rien. On cru: meime que pour s afleurer de Vitachuco , on devoit employer le moyen dont il avoit relolu de fc fervir pour prendre lierai. Airifi l'on ordonna a douze de> plus robuftes loidats de ie tenir auprès du General , Lors qu'à la prière de Vitachuco iliroit voir ieo Indiens en bataille > Se l'on rut toû-

jour à l'erte,pour obferver finement toutes les démarches du Barbare.

Le jour venu que tout fe devoit exécuter , le Cacique pria Soto de venir voir Tes fujets à la campagne, où ils lattendoient en bataille. Que ta prelencc les obligeroit à bien faire. Qu'il verroit leur nombre avec leur adreffe, & s ils entendoient la guerre. Comme Soto diflimuloit Se feignoit de ne fe pas donner de garde , il répondit qu'il verroit avec beaucoup de joye les Indiens ibus les armes, & que pour rendre la re • eue plus belle, Se contribuer à leur fatisfaction, il feroit fortir en bataille la Cavalerie Se l'Infanterie Efpagnole, afin que les uns Se les autres fi fient l'exercice, §e s'efearmouchadent par plaifir. Vicachuco ne fouhaitoit pas qu'on iuy fift tant d honneur , mais fa paillon le préoccupent fi fort qu'il confentit à tout. Il fe repofoit fur *a valeur de les lujets Se croyoit que fais peine il vien-droit à bout de ion entreprife.

CHAPITRE XXII.

Déroute des Indiens.

Ors* que de part Se d'autre les troupes furent fous les arme$ > la Cavalerie Se

Flnfanterie Efpagnole ibrtîrent en ordre de bataille , & le General marcha à pied avec le Cacique. Il y avoif prés de la'ville une grande plaine qui aboutiiToit d'un cofté à une foreft, Se de l'autre à deux marais. Le premier de ces marais eftoit une efpece d'étang , dont- le fond eftoit tres-bon ; mais l'eau fi profonde que l'on perdoit pied à quatre pas du bord. Le fécond eftoit large de trois quarts de îieuës , Se long à perte de veuë. Les Indiens fè vinrent camper entre cette fortft 8c ces marais ; il avoîent ces eaux à la droite , Se le boisa la gauche. Ileftoientpreftsde dix mille, tous gens d'élite Se fort leftes, avec des plumes difpofées de telle façon fur leur tefte* qu'ils en paroiiToient plus grands que d'ordinaire. Eftant campez, il cachent leurs armes fous terre , pour faire voir qu'ils n'ont aucun mauvais defïcin , Se forme un très beau bataillon en CroifTant. Là ils attendent leur Seigneur , Se le General qui venoient dans la reiolution de fe faifir l'un de l'autre , accompagné chacun de douze personnes. L Infante-ré Efpagnole marchoit du co/té de la foreft , Se la Cavalerie au milieu de la plaine à la droite du General, qui ne fut pluftoft. arrivé , où Vitachuco le devoit faire prendre y qu'il le prévint Se fit tirer un coup de mouC quet qui eftoit le fignal, Les douze EJpa~

gnoîs (ê faifiiTent incontinent du Cacique, les Indiens tâchent à le (au ver ; mais leurs efforts ne reuilirent pas.

Le General qui eftoit armé fous Tes habits, avoit commandé qu'on luy tinft prefts d'eux de Tes meilleurs che aux. De forte qu'après la prife du Barbare, il monta le cheval nommé Azeituno , 8c attaqua le bataillon des Indiens. C'eftoit la couflume d'encourager les autres par fon exemple , & d'aller premier tefte baillée dans le danger. Car il n'auroit pas trouvé la victoire belle, s'il ne l'eut gagné au péril de la vie. Il palloit auiTi pour un des quatre plus vaillans Capitaines quifuflent entiez dans les Indes Occidentales ; mais il ne fe menageoit pas allez. Les Indiens qui a-voient pris alors leurs armes, le reçurent cou-rageuiement, & l'empêchèrent de rompre leur bataillon. Au meime temps quil mettoit en deiordre les premiers rangs , ils tirèrent fur luy , & percèrent Azeituno de huit flèches. Ce cheval tomba mort ; car c'eftoit à quoy ils vifoient principalement , & mefme dans tous les autres combats , ils eurent plus de foin de tuer les chevaux que les hommes, s'imaginant quclamortdcs uns leurimportoit celle des autres.

I. : lignai donné, nos gens fondirent fur les Indiens, 5c la Cavalerie fuivit de Ci prés le

General. qu'enc fècourut avant qu'il fuft WelTe. Mais eftoit un de fes Pages,

voyant que le Ch v;J «Je (on Maiitre eftoit tué , il met pied à terre & luy donne le fien. Le General le lance auffi-to: (ur es Barbares, qui fans piques ne purent renfler a 300. chevaux , Se fe mirent tous à fuir y eux qui s'e-floient vantez d'exterminer tous les Elpa-gnoîs.

Comme le bataillon fut rompu, Ieslndiens fur les dix heures du matin le fauverent les uns dans les bois & les autres dans l'eftang. C^ux de l'arriére garde fe répandirent par la plaine j c'eft pourquoy on en tua plus de trois cens , & 1 on fit plufieurs prilon-niers. Néanmoins, ceux de l'avant-garde qui eftoient les plus vaillans furent encore plus mal-trakez. Car fuyant après avoir Soutenu le premier choq & la furie des chevaux , ils ne purent gagner ny le bois ny le marais, qui eftoient les meilleures retraites ; fi bien que plus de neuf cens le jette-rent dans lefhng. Cependant les Efpagnois pourfuivirent les autres jufqu'à la foreft , mais inutilement, & ils revinrent fur leur pas à 1 dftang harceler le refte de la journée les Barbares qui s'y eftoient lauvez. Ils leur ti-roient rantoft des flèches , Se tanroft des coups de moufquets , pour les obliger feulement

Lèvre fécond. m

ment à fe rendre : car puis qu'ils ne peu sroi =nîç échaper, nos gens ne leur vouloient pus taire de mal* Les Indiens de leur coôé le def&n*.

dirent vaillamment , Se épuiferent fur les i l -pagnols toutes leurs Sèches, À ais comme

n'avaient pas pied , il ye] .lUiieurs qui

nageoicnttrois ou quatre de iront, ferrez l'un contre l'autre, Se qui portoient fur leurs dos un' de leurs camarades, qui tir oit jufqu'à ce qu'il n'eut plus de flèches. Ils fe battirent de la forte tout le jour , fans qu'aucun fe vou] ût rendre. La nuit venue , nos gens invei'iirent Veitang. Les Cavaliers fe poferent deux à deux d'efpace en efpace , Se les fantaiTms ilx à fix, à fort peu de diftance des uns des autres; de crainte qu'à la faveur de lbbfcurité ils ne leur écHapaflent. Et lors qu'ils les entendoient approcher du bord , outre qu'ils leur pro-. rtoient toutes fortes de bons traïternerïs * lis les menaçoient Se tiroient iur eux pour les Faire reculer, & les fatiguant à force de nager, les contraindre de fe rendre promptement.

o

CHAPITRE XXIII.

Rcfolution des Indiens , & leur fcvtie de leftanv.

N fut 1 a plus grande partie de la nuit à lniceler les Indiens , qui fins avoir au-L

\li Wjfoire de la Floride.

cime efperance de fecours témoignoient vouloir plutôt mourir que de fe rendre. Toutefois à laperfuafion d'Ortis, les plus fatiguez commencèrent à fortir de l'eftang à la file j mais fi lentement qu'au point du jour i! n'y en avoit point encore cinquante dehors. Les autres qui virent que l'on traittoit bien leurs compagnons , fe rendirent en plus grand nombre. Ils venoient néanmoins fi à contrecœur , que la plufpart eftant fur le bord , fe rejettoient dans l'eau, & n'en fortoient qu'à l'extrémité. De forte qu'il y en eut pluficurs qui nagèrent vingt-quatre heures. Et le lendemain que le jour efloit déjà un peu avancé, environ deux cens fe rendirent 3 mais fi enflez de l'eau qu'ils avoientavallée , fi accablez de faim y de fatigue, & de fommeil , qu'ils e-ftoient à demy-morts. Enfin les autres for ti-rent à la referve de fept, que rien ne put é-Branler, 8c qui iêroicnt morts dans leau , fi a-vant le foir le General n'eut commandé de les en tirer. Douze grands nageurs fe jettent donc dans l'eftang , & les prennent par ht jambe , par le bras, Se par les cheveux, & les mènent à bord. Mais le*pauvres Indieusfai-foient pitié, eftendus fur le fable, plus morts que vifs ; Se dans un citât où l'on peut s'imaginer djs hommes, qui ont combattu trente heures dans l'eau 5c à la r.agC. Nos gens tou-

chés de compaiïlon, Se admirant leur courage les portèrent dans la ville , où ils les recoururent , Se furent plus aidez par la bonté de leur tempérament, que par la vertu des remèdes. Enfuite lors qu'on les vit un peu remis , le General les fit appelier ; Se fous pretexte.de-frre en colère, il leur demanda pourquoy dans le déplorable eftat où ils s'eitoient vus, ils n'avoient pas fuivi l'exemple de leurs compagnons. Alorj quatre d'environ trente-cinq ans chacun , repondirent par la bouche de l'un deux , qu ils avoient connu le péril qui les menaçoit. Mais qu'en reconnoiffance des charges que Vitachuco leur avoir données dans ies troupes Se de 1 eftime qu'il avoir de leur valeur , ils avoient efte obligez de montrer qu'ilsn eftoieu-t pas entièrement indignes de les grâces, Se qu il re s'eftoît pas trompé dans le choix qu'il avoit fait de leurs perlonnes. Qu'outre cela ils avoient voulu lailïcr a leurs enraus un exemple de fidélité Se de courage ; 8c inftruire par leur valeur tous les autres Capitaines. Qu ils efloient donc à Ire de n'avoir pas fait leur devoir, Se que la compalïion qu'on avoit eue pour eux cftoit cruelle a leur honneur. Que toutefois ils nelaiiloient pas d'avoir beaucoup de rei-fcntimcnt du bien qu'on avoit prétendu leur faire : rn^is que. l'on augmenteroit les grâces

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'124 Uijloîre de la Floride.

qu'ils avoient reçues, fi on leur oftoit la vîeJ Que n'eftant point morts pour le fervice de Vitachuco , ils n'oferoient jamais paroiftre ny chus le monde , ny devant luy.

Le General qui admiroit cette réponfe , fc tourna vers les autres Indiens , qui eftoient de jeunes Seigneurs de dix-huit à dix-neuf ans chacun. Il leur demanda ce qui les avoit contraints de demeurer avec tant d'opiniaftreté dans l'eau, eux qui n'avoient aucune charge à l'Armée. Ils luy répondirent qui n eftoient fortis de leurs maifons, ny dans la vue de ruiner fe? troupes, ny dans l'efperance de faire butin y ny de gagner l'amitié d'aucun Cacique pour en avoir quelques recompenfes ; mais pour acquérir de la réputation dans le combat qui fe devoit donner contre les Chrétiens. Qu'on leur avoit toujours enieigné , que la gloire qui s'acqueroit dans les batn.il les, eftoit grande Se folide. Qu a cette confide-ration ilss'eftoientexpofezau danger où il les avoir vus 3 & dont il les avoit fi genereufe-ment tirez , qu aujourd'huiv ils le iac^fle--roient volontiers pour fon fêrvice. Ils ajoû-toient que la fortune s'eftant déclarée pour luy , Se leur ayant ravy une victoire qui les eut comblez d honneur • ils s'eftoient vus dans letrifte cftat, où font ordinairement les ¦Yaincus. Que toutefois ils avoient appris que

s-ils fourrroient leur malheur avec confiance, ils pourroient fe rendre recommandables ; parce que le vaincu qui n'a combattu que pour la liberté, ne mérite pas moins de louange que celuy qui le gouverne fagement dans la victoire. Quainii il ne fe falloit pas e n ron-xm , h initruits de ces maximes , ils avoient fait paroiftre autant de cceur que les Capital nés. Ils foùtenoient au contraire qu'ils eftoint plus obligez qu'eux à combatre vaillamment; à caufe que leur naiilance les deftinoit à de plus hauts employs que ces officiers. Que dans cette veuë ils avoient prétendu de faire voir qu'ils pretendoient fucceder à leurs pères ; puis qu'ils tachoient d'imiter les exemples de generoiîtc qu'ils leur avoient donnez. Que mcfme ils leur avoient voulu montrer qu'ils cfloient dignes d eftre leurs enfans Se les cou-Cola- de leur perte par une mort glorieufe* Qu'enfin h ces conïiderations les pouvoient exeufer auprès de luy , ils imploroient fa clémence j linon qu'ils luy prefentoient leur tefte y Se qu'il eitoit permis au Vainqueur d'u-fer de la victoire a la volonté. . Ce dilcours joint au courage , à la bonne mine, Se a 1 infortune de ces jeunes Seigneurs, tira des larmes de la plufpart des Efpagnols qui eftoientpreiens. Le General mJmeicn-ttf de lapide en leur faveur, Se lcsenibrafiant

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ntf Xiftoire de U Ftoridei

n leur dît qu'il jugeoic de leur naifTanee par leurs actions. Que les hommes qui avoient autant de fermeté qu'ils en avoient fait pa-roiftre, meritoient de commander aux autres kommes. Que pour cette raifon il avoit une. joyc particulière de leur avoir confervé la rie y mais qu ils ne s'affligeafTent point, & eme le comble de fa fatisfaction eftoit de les mettre en liberté. Le General en effet après-les-avoir retenus feulement deux ou trois jours* pour leur témoigner fon affection , les renvoya accompagnez de quelques uns de leurs* dlomcftiques qui eftoient prifonniers, il leur donna diverfes prefêns pour leurs pères, avec ordre de leur offrir leur alliance * 8c de leur dire la manière dont il les avoit traitez.

Ces Indiens après beaucoup de remer-eiemens , prirent le chemin de leur pays* fort contens du General , qui le lendemain-£t appelier Vitachuco avec les Capitaines, priîonniers. Il leur dit que leur conduite «ftoit criminel? c, puis que lous apparence da-<mitic ils avoient conipiré la perte des troupes. Qu'une telle trahifon devroit eftre punie de jnort, ahn que leur exemple empechaft les au-très Indiens de la Province de le iouflever» Que néanmoins pour montrer qu'il preferoit ia paix a la vengeance , il leur pardonnoit, à ¦condition qu'à l'a veau iU répondroieut à laf*

Lhre fécond. r ty\

fecVion qu'il avoit pour eux. Il les conjura aulTi d^ublier le paiTe, Se de ne plus rien tenter contre les Chreftiens 3 parce qu'infallible-ment ils ne s'attireroient que du malheur de-toutes leurs entreprifes. Il prit enfuite le Cacique à part, il tacha par toutes fortes de moyens de l'adoucir , & voulut qu'il revinfl manger à fa table d où il l'avokchaffepourfa perfidie. Mais bien loin que ces témoignages à'amitié obligeaient ce Barbare à rentrer dans Ton devoir, ilsnefervirent qu'à entretenir l'averiion qu'il avoit conçue contre les Efpagnols. De forte qu'il fe lailla emporter de plus en plus à la violence de la haine, Se fe perdit enfin luy-mefme avec la pluipart de fes fujets.

CHAPITRE XXIV.

Mort de Vitacbuco.

LEs Indiens qui fortirent de l'eflang , furent faits prifonniers Se diitribuez pour efclaves aux Efnagnols, Se Vitachuco eutlort logis pour prifon. Le General l'ordonna de la forte pour chaftier ces Baroares de leur trahilon , Se les retenir par la crainte dans le devoir. Cependant il avoit reloiu qu'au fer-

tir de la Province, il leur donnerait à tous la libertc. Mais k Cacique qui ne fçavoit pas ce deilein , Se qui voyoitfes ftijeÇ ciclaves , médita de nouveaux moyens de perdre les Efpagnols. Il fe flatta que les neuf cens pri-fonniers qui eitoient les plus courageux de les troupes executeroient feuls ce qu'ils n'a-voient pu faire tous eniemble. Qu'eftant eu aulTi grand nombre que les Chreftiens, ils tu croient chacun [cur.MaîflrCj Se que prenant l'heure du difner fon deilein reûiliroit d'autant plus infalliblement, que les Efpagnols ne fe douteraient de rien. Cette entreprife qui meritoit d'eftre conduite avec beaucoup de prudence, fut précipitée; Se il crut que fcS lu-jets avec leurs bras feulement déferoient fes ennemis. Il commanda donc à quatre jeunes Indiens qu'on luy avoit laiiîez pour fon fèrvice particulier, d'avertir de (a refolution les principaux prifonniers , avec ordre de la faire a-droitement fe avoir aux autres, Se de le tenir prefts dans trois jour* fur le midy , afin de tuer chacun leur homme. Il leur fit dire auiïi qu'à la mefmc heure il o fierait la vie au Commandant , Se que pour fignal il feroit un cry fi haut , quand il feroit aux priies avec luy , que toute la ville 1 entendroit. Vitachuco donna cet ordre aux Indiens L menue jour que Sotô oubliant ion crime , le fit manger à

fa table. Mais c'eft ordinairement de la.force que les traiftres Se les ingrats reconnonTeiiC les faveurs qu'on leur fait.

Les fujets du Barbare avertis de cette féconde' entreprife , virent clairement qu'elle ne feroit pas plus heureufe que la première. Toutefois ils répondirent, qu'ils obeïroient, ou qu'ils mourroient tous. Car les Indiens du nouveau monde ont tant d'amour Se de vénération pour leur Prince , qu'ils le considèrent comme des Divinitez. Si leurs Souverains le defirent, ils fe jettent auiTi librement dans le feu que dans l'eau , Se fans confiderer le danger où ils fe mettent, ils ne regardent que leur devoir, Se l'obeïûance qu ils leur ont vouée.

Enfin , fept jour après la première déroute des Indiens , lors que le General Se le Cacique eurent achevé ledifner, le Barbare feplie tout le corps, fe tourne de coite Se d'autre, ferme les poings, eflend Se retire fes bras jùt 1 les rcnverler fur les épaules , 8e lesfe-couë avec tan: de violence , que fes os en craquèrent ; couftume ordinaire des Indiens, quand ils veulent entreprendre une chpfeôù il faut de la vigueur. En fuite ii Je levé fur fes pieds avec une fierté qui nclçauroit s imaginer, il fe lerre contre le General , luy pafle le bras gauche autour du cou, Se luy applique de

la main droite un fi rude coup de poing fur le vifage qu'il le jette par terre, fe laiïîe tomber defïus, Se fart un fi haut cry , qu'on l'entend d'un grand quart de lieue. Les Officiers qui" s'eftoient rencontrez au difner , voyant lm-fblence du Barbare le percèrent de dix ou douze coups d'épée , Se il tomba mort, la rare dans i'ame & le blafphcme dans la bouche, à caufe qu'il n'ef.oit pas venu à bout de Ton entreprife. Mais iarsles O fric fers il eut achevé le General par un autre coup. Car celuy qu il luy avoit donné eftok deji 11 grand, qu'il demeura demy-heure qu'il ne revinft point à luy. Le farg luy couloit par les yeux, par le nez Se par la bouche. Il eut mefme des dents rompues, & les autres fi mal-traités qu'il fut vingt jours fans pouvoir manger que des hachis. Ses lèvres , fon nez Se Ton vifage. s'enflèrent 11 fort, qu'il fallut les couvrir d'em-plaftres , tant Vitachuco l'a voit frappé .rudement. Ce Barbare eftoit alors d'environ trente-cinq ans , il avoit e corps robufle, la taille belle , Se l'air (ombre , fier, & cruel tout enfcmble.

CHAPITRE XXV.

Suite de Li mon de Vitachuco, E cry de Vitachuco entendu , chaque Indien attaquai Eipagnolqu il fervoit, 3c

tâcha de le tuer, les uns avec les tifors du feu , Se les autres avec tout ce qu'ils rencon-troientj parce qu'alors ils navoient point d'armes. Néanmoins ils ne lahTerent pas de faire un fort grand defordre , les uns frappèrent lesEipagnois au vifage , Se les autres à la tclte j tantôt avec des marmites où cuiioit la viande , Se dont quelques-uns de nos gens furent brûlez, Se tantoft avec des pots Se des affiettes. Cependant ils firent plus de mal avec les tifons , qu'avec tout le refte. Comme la plus part en avoient, ils mal-traiterent placeurs de nos gens. Les uns eurent le bras calTe , les autres les paupières bruflées, le vi-fige deriguré Se le nez écrafé. Il y en eut même quatre de tuez , dont l'un eftant jette par terre d'un coup de tifon , il vint trois Barbares qui le chargèrent fi cruellement qu'ils •luy firent fauter la cervelle. Il arriva aufïï dans ce defordre , qu'après qu'un Indien euft battu un Efpagno! a coups de battons, & luy euft carte les dents à coups de poings,ilfefau-va de queîc] ie nos gens qui fondoient

'fur luy, mont;, à une chambre qui donnoit fur une cour , prit une lance qui eftoit contre la muraille, Se deffendit avec tant de courage la porte , que perfbrine n'y put entrer. Sur ces entrefaites accourut Diego de Soto qui eftoit parent du General, 6c nui femit £

ïyi Htfiûin de U Floride.

tirer de la cour avec une arbaL-fte. Comme l'Indien vit ce nouvel ennemy, il fe plaça, au droit de la porte, & reîolu de vendre chèrement fa vie , il jetta la lance au même moment que Soto droit. Mais elle toucha Jeu-lemcnt du bois {'épaule du Cavalier Efpagnol, & 1 ayant ébranlé, cl'centra une demy-braife en terre. Le coup de Soto fut plus heureux* il attrapa (on ennemy à la poitrine & le tua. Cependant le bruit fe répand , que le General a voit efte mal-traité pir Vitachuco ; Ci bien que les Efpagnols irritez de plus en plus, & principalement ceux qui avoieut efté bief-fez, fe vengent fur les Barbares "qu'ils rencontrent. Il fe trouva néanmoins des Cavaliers , qui ayant honte d'avouer qu'ils eulfent efté battus, crurent qu'il eftoit indigne deux d'ofter la vie à des efclavcs. C'eft pourquoy Us en firent tuer quelques-uns par les Indiens mêmes qui les fervoient dans j'armée , & les mirent pour la plufpart entre les mains des Archers de la garde du General, qui les per-çoient à coup de pertuifanne au milieu de la grande place de la ville. Entr'autres, Sal-dagna qui ne voulut pas fiire mourir luy-me'me ion efclave , l'attacha avec une corde par le cou , & le mena pour le liv rer aux gardes. Mais lors que le Barbare entra dans la place Se vit ce qui s'y paiToitj une telL r.

le

le fâifit, qu'il prend d'une maïn Ton maiftre par le cou, Se de 1 autre par deflbus la cuiiïe, ii le foufleve , luy met la tefte en bas ; Se le lai Je ii rudement tomber qu'il l'eitourdit. Il luy monte incontinent à deux pieds lîir le ventre avec tant de furie qu'il l'euft crevé, ii quelque cinquante Efpagnolsfepec à la main ne fuiïent venus au fecours.Toutefois le Barbare ne s'eftonne point., Se il !es reçoit ii cou-rageufement, qu'il fut long-temps fans cure ny pris ny bleiTe. Il attrape l'épec de Saldagna, en fait le moulinet, & écarte les ennemis de telle forte , que l'on fut contraint de le tuer à coups de fuiiis Se de piftolets.

Voilà une partie des defordres qui arrivèrent le jour que Vitachuco frappa le General, & fans doute ils auroient eflé plus grands, il la plupart des Indiens n'eiuTent elle enchaînez. Ainfi il y eut peu d'Eipagnols de tuez , mais pluiicursdeblefiez. Quant aux Ind^u.-, parce qu'ils eftoient braves, qu ils attaquèrent Se Je défendirent avec vigueur ; il en mourut plus de neuf cens qui eftoien: la Heur des iujets de Vitachuco, que ce Barbare précipitamalheu-reufement. 11 fut auiîi caufe de la mort des quatre Capitaines que l'on avoit rerirez de 1 e-ftang , Se qui furent envelopez dans le malheur des autres. C'cft de la lorte que les foux Se les téméraires perdent les laees qui les

M

croyent, ou qui exécutent leurs ordes.

CHAPITRE XXVI.

Vrovinc-e d'Ojfachilé

A Prés la deffaite des Prifonniers , le Ge^ neral demeura quatre jours dans la ville de Vitachuco , à fe faire panfer luy & les autres bleffez , & le cinquième il prit la route d Oilachiié. Les troupes firent quatre licuës la première journée, & campèrent fur le bord d'un grand fleuve, qui fepare la Province d'Ofîachilé de relie de Vitachuco. Mais comme ce fleuve n'eftoit pas gayable , il fallut-drefTer un pont. Les Eipagnols amarrent donc promptement des planches,& ils les met* toient déjà en œuvre, lors que les Indiens parurent à l'autre bord de l'eau pour derTendre le paiTage. Si bien qu'on l'abandonna , 5c l'on fit iix grands traîneaux de plufieurs pièces de bois ; fur lefquels pafTerent cent fufeliers Se arbaîeftrîers, avec cinquante Cavaliers qui portoient les felksde leurs chevaux. Enfuite Soto commanda de faire traverfer cinquante chevaux à la nage , avec ordre de les feHer lî-tôt qu'ils feroient à l'autre bord. On commença donc a marcher dans Ja plaine > Se les

Indiens quittant leur pofte donnèrent le temps de drefTer un pont, qui fut fait en un jour Se demy. Les troupes paiTerent defîus, après elles trouvèrent des terres femées de gros millet, Se d'autres fortes de légumes, Se commencèrent à voir des maifons qui efeoient de ci Se de là dans la campagne , &: qui alloient à quatre lieuësdelà jufqu a la Capitale. ( "ette plice eitoit compoiée de deux cens feux, Se s'appelloit OiTachiîé'du nom du Cacique qui y demeuroit. De la ville de Vitachuco à celle-là , il y a dix lieues de plaine fort agréable.

Les Indiens d'abord n avoientoie faire te-fie aux Eipagnols ; mais lors qu'ils les virent dans les terres eniemencees, ils retournèrent fur eux , Se fe cachant derrière les millets , ils" leur tirèrent quantité de fk ches, Se tàch à Le* mettre en déroute. Ils en bieffe plusieurs -, mais les Chrétiens Irritez de 1 attaquez y les poufferent, en firent queiq uns priionniers , en percèrent la plupart à coups de lances, Se les battirent quatre iieuës dur;

Comme les Eipagnols trouvèrent la Capitale d Ollachilc abandonnée , & que le Caci-

vec tous fa gens s efïoit fauve 5 le Ge-

nei 1 luy àépécha. des Indiens de fes fujets,

er de faire amitié avec les Chre-

. Mais il ne fit aucune réponfc 7 Se

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rnefme ceux qu'on luy avoir envoyez ne retournèrent point. Cependant les troupes qui ftjdurnercnt deux jours dans le pays , (e mirent en erhbùfcadé , attrapèrent plufieurs Barbares qui leur'rendirent de fort bons 1er-vices , & qui citant pris leur témoignèrent autant de bonté qu'ils leur avoient auparavant témoigne eTaverfîon. Voilà ce qui arriva de plus conlîderable dans la Province d'OflachiÙ

CHAPITRE XXVII.

De la ville ejr ie la maifon du Cacirre Cfa~ ckilé , & des Cap: ait s des autres VfQ.viv.ces.

LAvil'c & la maifon du Cacique Oïïa-chile, font Jemblabie; à toutes ce,les des ^ Caciques de la Floride. C'elt pour-quoy fiuis faire une defcrip:icn particulière de cette place & de cette maifon , il fembîe à propos de donner 'eulement une idée générale de toutes 'es Capitales, & de toutes 1 es maiions des Seigneurs du pays. Jediraydonc que les Indiens tâchent de pi ccr leurs villes fcr des endroits élevez ; mais à caufe que dans la Floride, il fê rencontre rarement de ces fovtes de lieux , où 1 on puifle trouver ks

commoditez nccefïaires pour baflir , ils élèvent eux-melmes des éminences en cette manière, ils choilillent une place où ils apportent une quantité de terre , qu ils élèvent en une elpece de plate-forme haute de deux ou trois piques , Se dont le defliis efl capable de tenir dix ou douze , quinze ou vingt mailons pour loger le Cacique , avec fa famille Se toute fa fuite. Ils tracent après au pied de cette hauteur une place quarrée conforme à l'etenduë de la ville qu'ils veulent faire , Se autour de cette place les plus confiderables baitilTcnt lears demeures. Le petit peuple ib loge de la mefme forte ; & ainli ils environnent tous la maifon de leur Seigneur. Pour y monter ils tirent en droite ligne des rues de haut en bas , chacun de 15*. ou vingt pieds dé large, Se les joignent les unes aux autres avec de groffes poutres qui entrent fort avant en terre , & qui fervent de murailles à ces rues. Enfui te ils font les efcaliers avec de fortes folives qu ils mettent en travers, qu'ils ai-femblent & qu'ils efquarent, afin que l'ouvrage foit plus un y. Ils éloignent les degrez de ces efcaliers de lept ou huit pieds des uns des autres ; de forte que les chevaux les montent Se les decendent fins peine. Du refte, à la re-ferve des efcaliers , les Indiens efearpent les autres coftez de la plate-forme ¦> auili 1 on n'y

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peut monter > Se le logis du Seigneur eft alTcs

fort.

CHAPITRE XXVIII.

L'Auteur prévient quelques difficulté*..

AYant que de palier outre , il eft a propos de prévenir ceux qui pourroient Aire , que dans Les autres hiftoires des Indes Occidentales, on ne void point que les Indiens ayenc dit , ou fait des choies dignes de mémoire, comme le parodient celles que j'ay importées. Que mehne on croit communément , que ces peuples iont gro(Tiers, & qu'ils-n'ont aucune conduite , loit dans la paix , loit dans la guerre. Qu,*auîfi, ou que j'ay particulièrement eu deilein de lo-iier les Indiens,. parmy Iciquels j ay pris naillance , ou que je me fuis vainement piqué de faire paroiftre de leforit aux dépens deia vérité. Je reponsque la créance de certaines pcrfor.nesque les indiens ne font pas intelligcns, Se qu'ils ne içau-roient ie gouverner dans les affaires importantes , eit mal-fondée , Se contraire à ce qu'en raconte Acoiïu * Auteur tres-dignc de foy. D'ailleurs je n'avance rien que fur le ra-

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1 V. l'Hirtoiit des Iûùcs , 1. 7. c, u

port d'un témoin oculaire Se exa& , qui revit avec foin ia relation, qui y ad jouira ce qu'il avoit oublie, Se retrancha ks choies dont il n'avoit pas vu toutes les particulari-tez y ii bien que le copiant feulement, je puis-aiTeurer que dans cette hiftoire, il n'y arien que de véritable. Je. luis de plus ennemy des Ecrions, Se de tout ce qu on appelle Roman* Quant à ce que Ton peut dire , que je loue a-vec palîïon ceux de mon pays , c'eft une erreur. Car bien loin de rien exagérer, il m'eft knpoilible de mettre dans leur jour les veritez qui s'offrent icy en foule. Mais je rejette la faute de mon peu de capacité far les guerres civiles , qu il y eut dans les Indes durant ma jeunenc j les lettres alors ne furent plus cultivées T Se l'on s'appliqua feulement aux armes* On apprenoit à bien piquer un cheval , Se. je m*abandonnay à cette exercice avec quelques-uns de mes compagnons, qui y ont acquis beaucoup d honneur, Se lont deyenusde très-bons hommes de cheval. Mais depuis y connue les choies ont change de f?xz, les lettres fleuriifent aujourd huy dans les Indes, 5c les. Jefuitcs y ont étabîy tant de Collèges, que l'on s y paiTe facilement des Univeriitez d Ek pagne.

Du refte , pour continuer à faire voir que je n'écris rien qui ne foit véritablement arri-

vé. Je airay que parlant un jour des réporr-fes pleines de bon kns, que les Indiens avoient faites au General ; je témoignay à celuy qui

m avoit donne cette relation , qu'en auroit p.ine à les croire. Ii me repartit, qu'il importait de defabuLr le monde touchant les peuples des Indes Occidentales; & que jelçavois moy-meime > qu'il y avoit dans ces pays, des perlonnes d'un jugement folide , & d'un excellent efprit , qui ie conduifoient fagement dans la guerre Se dans la paix , 8c qui raifon-noient très-bien fur toutes fortes d'affaires. Que je pouvois donc écrire hardiment les cho-fes dont il m avoit afleuréj & que quand je parlerais avec autant d'éloquence que les Orateurs les plus fameux ; mes paroles n'ega-leroiert jamais la grandeur de courage, ny la beauté des actions des Indiens. Que l'on crût, ou que l'on ne crût pas ce que je dirois-, je ne pouvois fins faire tort aux habitans des Inde cacher par une lâche complailance leur valeur à la pofierité. Mon auteur me répondit c chofes-ia 5 - Se je les raporte pour faire coi noiftre aux honnefres gens, que juiqu icy |ay écrie avec beaucoup de fincerite, & que dans la fuke de cette hiiloirc , je n-avanceray rien que de véritable.

Fin ùufiand Livre de la Floride»

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HISTOIRE

DE LA

FLORIDE,

LIVRE III.

Ce qui fe paffa entre les Efpagnols & les: Indiens dans la Province d : Apalaché.

CHAPITRE I.

Arrivée des Troupes en Apalaché.

Ur l'afleurance qu'eurent feff Efpagnols, qu'ils n'eftoient pas loin de la Province d'Apalaché, dont on leur avoit conté tant dt merreiflès y que la terre en eftoit admirable pour fi fertilité & le peuple trcs-vaillant; ils fuppîierentle Ccneral de les mener en quartier d'hy ver dans cette Contrée i

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-T4 Hijiotre de là Ftcride.

ce qu'il leur accorda facilement. Ils marchèrent donc ver- i Apalache , Se après avoir fait en àroîs jours 12. lteûës, fans trouver aucune habitation , ils arrivèrent le quatrième fur le mi-ly prés d'un marais large dune demy-lieuë, Se long à perte de vi.ë. il eitoit outre cela bordé des deux coflez d'ure foreft, où les ronces & les buiflbns fe joignant aux troncs des grands arbres, en rendoient l'entrée difficile. On ne pouvoir en effet aller au marais que par un chemin Ci eflroit, que deux hommes a voient de la peine à y pafler de front. Avant que d'y arriver, les troupes fe campèrent dans une plaine; mais comme il eftoitde bonne heure , le General commanda deux cens fantailms avec trente Cavaliers, pour aller reconnoiftre le pafTage. Il ordonna auin à douze excelîens nageurs de fonder le marais , Se de bien remarquer les lieux , afin qu'on s'y puft exnofer le lendemain avec alternance. Tous ces foidats obéirent auiïi-tôt ; mais à peine furent-its dans la foreft , que les Indiens leur disputèrent le pafiage; Se comme le lieu eftoi: (erré, il n'y eut que les deux premiers de chaqufi partyquipulfentcombattre. Les deux E fpagnois les mieux armez mettant

;.i main , : à la teftt

autres, Se lefoûant : Luxfufe!ier>>

& deux arbdleftricrs, ils donnent avec vi-

gueur fur les Barbares, les pouffent !e ftrfrg de la foreft , Se les obligèrent de fauter âaris l'eau. Là les Indiens font ferme y \h combattent courageufement -> de forte qu'i! y en eut de part Se d'autre pluiïeurs de bleifcz & de tuez y ce qui empêcha qu'on ne puff. recon-noiftre le marais. On en avertit le General , qui vint avec les meilleures de fes troupes. Les ennemis recoururent auiïi , & le combat s opiniaftra ; les Indiens 5c les Efpagnols dans l'eau juiqu'à la ceinture, Se parmy les ronces, lesbuiifons, les arbres & les pierres qu'ils ren-controient par tout. Néanmoins nos gens déterminez à mourir , ou à reconnoifîre le p.uTage , prirent cœur de plus en plus, Se Jurmontant tout obfb.clc , ils pouffèrent les Barbares jufqu'a l'autre cofté de l'eau , & trouvèrent qu'il eftoit aûe de lapaffer à çué, excepté au milieu où il y avait environ quarante pas qu'on traverfoit fur des poutres. Ils virent aufli de l'autre Coûé de l'eau , une fore î"t tres-epaiffe, que 1 on ne pouvoit palier que par un défie , & il y avoir, tant au marais que dans les foi'efts qui cfioicnt deçà Se de là, 1 e lieue Se dcm'c de traverfe. Comme le rai eut recornu le chernûl , il retourna fers fes trotrpes pour les encourager à vaincre les difficulté* qui le preferïtoient» Il prit le conieil de fes Capitaines, fur h manière dont

il le devoir conduire , & ordonna à cent Cavaliers de mettre pied à une , de prendre tous desrondaches, 3c de marcher devant a-vec ordre à deux cens hommes, tant arbale-ftritrs que fùfelicrs de les ioûtenir, & d avoir chacun des haches , afin d'ouvrir un endroit du bois qui eftoit de l'autre cofte du marais. Car les Eipagnols eilant obliges de défiler par un lieu, où on leur pouvoit aifément fermer le paflage, il crut qu'il leur feroit impolTible de traverser de jour le< deux forefts. C'eft pourquoy il les fit camper dans la féconde , pour ne les point expofer de nuit aux embuf-ches.des Barbares.

CHAPITRE II.

Pujfagt du Marais.

AUiIi-toir. que le General eut donné Cqs ordres, chaque fbldat prit du millet cuit pour un four, Se ils marchèrent environ deux cens les plus braves de 1 Armée. Comme ils a-voient envie de furpiendre les Barbares , ils s écornèrent fans bruit deux heures avant le jour , par un (entier qui les condutut ji-iiques au pont, qu'ils païTerent (ans refifiance. Les Indiens n'avoient pas eu foin de s'-n rendre

mail

maiftres, dans la créance que les Ëfpagnois ne s'expoferoient point de nuit parmy les bois. Mais lors que le jour parut, & que les Barbares virent leurs ennemis paîTez , ils s'avancent avec de grands cris 5 Se au defefpoir dû iie seitre pas plùtôi: fains du païfage , ils fondent de furie fur eux, pour deffendre un quart de lieuë de marais qui refloit à traverfer. Les Chreftiens de leur codé les reçoivent avec courage, Se fe battant Se les uns Se les autres dans leau > nos gens les preiïcnt fi vertement qu'ils les pouilent dehors , Se les enferment dans le défilé de la foreft qui eftoit au de là* Les Eipagnols qui virent lès Indiens em-barraffez, résolurent que cent cinquante fol* dats feroient une eiplanade pour camper y Se que n'y ayant point d'autre route que ce défilé , les autres cinquante en dcfTendroient le paifage , Se empécheroient que les Barbares ne vinrent charger les travailleurs. On exécuta auifi-toil: cette refolution. Cependant les Indiens qui ne pouvoîent tirer fur les fol-» dats, tafehoient de les effrayer à force de cris* Mais les Efpagnols ne 1 aidèrent pas de &i C leur devoir , les uns deffendoitiv le paifagC du dehle , les autres abattoient du bois, & quelques-uns brufloient ce qu'il y en avoitd^ coupé pour nettoyer la place.La nuit les •ayant furpris dans ce travail, ils demeurèrent:

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#4^ iïfîeire de ta Tloridel

chacun à leur pofte, & ne purent dormir à caufe des hurlemens continuels des Barbares. Comme il fut jour , le refte des troupes commença à marcher , fans que l'ennemy s'y oppofaft. Mais la difficulté du chemin, & les ronces qui s'y rencontroient , les incommo-doient de telle façon , qu'eftant obligez de défiler , ils ne parent arriver qu'au lieu où Ton avoit abattu du bois. Ce fut la que toute la nuit les Indiens les tourmentèrent de leurs cris , Se fur tout ils donnèrent 1 alarme à ceux qui defTendoienc le paffage , aulquels on a-voit loin de faire tenir des vivres de main en main. Au melme temps que le jour parut , ris marchèrent tous en diligence par le défilé de la foreft, & chaflerent devant eux les Indiens -, qui après avoir tiré, fe reculaient peu à peu, & ne lainoient prendre du terrain qu'autant que l'on en pouvoit gagnera coups d'epée.

LesEfpagnolstrarerferent de la forte-cette féconde foreft câpres quoy ils entrent dans une autre plus claire , où les ennemis ayant liberté de s'eftendre , les incommodèrent extrêmement y car ils les prenoient de tous co-ftez. Les uns attaquoient, les autres le pre-paroient au combat , 6c ne donnoient point que leurs compagnons ne raflent retirez, afin de ne fe pas blefïer les uns Le* autres par la

Itvte troiJSémei tJ^f

multitude des flèches qu'Us faifoient pieu* voir.

Mais encore que les arbres de cette dernière foreft j où les Indiens & les Efpagnols eftoient venus aux mains, ne fuffent pas Ci preffez que ceux de la première > les chevaux pourtant n'y pouvpient courir qu'en certains endroits, Se cela rendoit les ennemis plus hardis. Ce qui leur augmentoit auffi le courage, eftoit la viftefîe prefque incroyable avec laquelle ils lafchoîent leurs flèches. Un Indien avoit tire fix ou fept fois,avant qu'un Eipagnol eut tire Se rechargé. Les Indiens en effet l'ont fi adroits à manier l'arc , qu'à peine ont-ils tiré qu ils iont prefts à recommencer.

Les endroits de la foreft, où les chevaux pouvoient courir eftoient de petites éminen-ces. Mais les Barbares les avoient embar-ralTces de longues pièces de bois, Se -avoient fait aux lieux où il leur eftoit impoliibled'a'Jcr, des entrées & des forties, afin de donner fur les Elpagnols fans en pouvoir eftre mal-traitez» Les Indiens avoient quelques jours auparavant fongé à toutes ces choies. Ils fçavoient que la foreft du marais eftoit lerrée , Se qu'ils n'y pourroient beaucoup incommoder les Espagnols. De plus ils coniïderoient que dans le bois où ils le trouvoient ils remportaient quelque avantage fur les Chrcftiensj 3c dans

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ccre vue ils avoient recours aux rufes pour ks blefler , ou pour les tuer tous. Nos gens de leur coftétârhoicnt d'éviter les embuiches qu'on leur dreflbit, 8c voyant que les chevaux leur cftoient mutiles, ils penfoient feulement à fe defTendre. Les Indiens qui recon-noiïfoient cela , s'erTorçoient de pllis en plus de les mettre en déroute. Us s'encourageoient encore par le fouvenir de ce qui s'eftoit palTé dix ou douze années auparavant. Us avoient detfait dans le même endroit Narbaez , Se ils menaçoient les troupes de Soto de les traiter de la même façon. Nos gens furent tourmentez de cette forte là pendant deux lièuës , 5c arrivèrent après en rafe campagne ; où lors qu'ils eurent rendu grâces à Dieu de les avoir tirez de danger , ils le battirent à cheval avec beaucoup de courage Se de bonheur. Car en deux autres lieues de marche dans le pays découvert jufqu'aux terres femées, ils ne rencontrèrent aucun Indien qui ne fuit, pris ou <tué. Us ne donnoient fur tout nul quartier à ceux qui faifoient mine de leur relifter $ de forte que ce jour-là , il mourut pluiieurs des ennemi? -, $e lesEfpagnols vangerent glorieu-fçment, la défaite des gens de Narbaez.

CHAPITRE III.

Marche des Efpagnols jufques ÀJa Capitale*

A Prés toutes ces chofes, le General-avec Tes troupes campa dans une plaine, prés d'un village où commenç.oieiïtleshabitations*-. & les terres cultivées d'Apalaché. Mais les-Barbares qui ne penfoient qu'à tourmenter les Chreftiens , ne rirent toute la nuit que tirer & jetter des cris ; de forte que les uns 8c les autres furent continuellement lur leurs gar* des. Le jour venu , les Etpagnols-marchèrent par des terres femées de. gros millet, qui avoient deux lieues détendue oùTonrencoiv--troit pluiieurs maiions éloignées les unes des autres, fans aucune forme de village;- Les Indiens qui eftoient dans ces maiions, for-toient de furie lur les Chreftiens, Sctalchoienc de les tuer. Mais nos gens irritez de la.har-dieffe des Barbares-, les repoufToient. à travers champ , & les perçoient à grands coups de lances. Ils en venaient i cette extrémité^ afin de les réduire y mais fort inutilement. Plus les Espagnols montroient de valeur , 5c plus le courage des Indiens redoubloit. Enfin , après deux lieues de marche à

* >• Hiflolre de la Floride]

travers les terres cultivées, nos gens arrivèrent à un ruifleau très-profond , bordé de part & d'autre d'un bois fort elpais. Les ennemis qui s'eftoient retranchez en cet endroit, ly r attendoient les troupes pour les défaire. 'Mais il en arriva autrement qu'il ne fe l'étaient imaginé. Les Eipagnols-ayant recon-bu le pofte des ennemis , les Cavaliers les jnicux armez mirent pied à terre , gagnèrent! le paiTa^e l'epée à la main , & coupèrent à coups de haches 'es palilTades qui couvroient les Barbares, Se empéchoient que les chevaux n'avançaiTent.

Les Indiens alorschargerent rudement nos-gens y dont plulleurs turent blelTez , Se quelques-uns tuez. Le paffage eftoit fafcheux, 80 les ennemis qui elperoient vaincre > faiioient un dernier effort a caule de l'avantage du lieu. Néanmoins ils eurent du malheur , les Eipagnols donnèrent avec tant d'ordre Se tant de courage, qu'ils les forcèrent lans perte que de fort peu des leurs. Enluite ils firent encore-deux lieuirs à travers les terres cultivées ; mais-les Indiens qui apprehendoient les chevaux , ne les attaquèrent pomt. Les Eipagnols fc logèrent donc dans la plaine ; elperant qu'en-» fin la nuit ils prendroient quelque repos. Toutefois ils furent fruftrez de leureipcrancc*. tes Indiens à la laveur de l'oblcurité, leur

donnèrent lans celle l'alarme ; afin defoufte-nir leur réputation , Se de paiTer pour braves dans l'elprit de leurs voilins. Le matin corn* me les troupes marchoient, on fut averty par les prifonniers que "l'on n'eftoit qu'à deux lieues de la Capitale & que le Cacique avec un grand nombre de Tes fujets, y attendait les Chreftiens pour les combatre. Le General au mefme temps détâcha deux cens chevaux avec cent fantalîlns, il s'avance vers la ville , 8e commande que fiir la route on rafle main baiTe par tout. Il arrive dans cette place, il la trouve abandonnée, Se que le Seigneur s'en eftoit fiiy. Mais fur la nouvelle qu'il n'eftoit pas loin, il fe met à le chercher , court deux lieues aux environs de la ville, tuë Se fait prifonniers pluiieurs. Indiens y fans qu'on puft: attraper Capafi. C'eft ainfi que le Cacique d'Apaîaches appelîoit, Se c'eft lepremier-qui jufqu'icy n'ait pas porté le nom de fa Province. Le General defcfperant de prendre ce Barbare, il rejoint l'Armée qui eftoit dans la Capitale. Cette place avoit deux cens cinquante, maifons, Soto prit pour luy celle de Capafi au bout de la ville, Se plus élevée que J$:s autres.

La Province d'Apalaché a outre un grand' nombre d habitations éparfes çà & /à dans la campagne, pluiieurs villages de cinquante Se

fojxante feux chacun, dont les uns (ont clof---gnez des autres d'une lieuë, & quelquefois-dc deux ou de trois, la lîtuation du pays eft agréable. On y trouve plusieurs eftangs. On y pefche toute l'année r & Jes habitans font provifiondepoiilonpour leur nourriture. La contrée ne laiflè pas délire fertile en toute autre chofe. Soto Se les gens eurent auhS une fenfible jo.ye d'y eftre arrivez. Car fans- parler des vivres qu'ils y trouvèrent , ils- acquirent •beaucoup de gloire dans les combats qu'on y donna. Je les raporteray pour faire connoi-ftre la hardieiTe des Indiens Se la valeur des-Eipagnols..

CHAPITRE IV.

Qn va veconnvijïre le faj/s.

APr x s que l'Armée fe fut rafraifehie quefc ques jours, Soto envoya dés troupes fous la conduite de Tinoco, de Vafconcelo,5c d'Aniafco , pour reconnoiftre la Province d'Ap;ilàchc avec les contrées voiïinc>. Deux de eus, Capitaines allèrent par diverles routes quinze ou vingt lieues vers le Septentrion. Ils retournèrent L'un au bout de huit jours, Se l'autre de neuf $ Se dirent qu'ils a voient vu

pîufleurs villages fort peuples. Que la terre efto.it fertile, & qu'il n'y avoit ny bois ny marais. Aniafco raporta tout le contraire, qu il eftoit trcs-mal~aife de marcher dans le pays. Qu'il n'y avoit que des forefb Se des lieux ma-refeageux ; Se que plus on avançoit , plus les chemins eftoient difficiles. Nugnez dans fès. Commentaires dit prefque la, mefme chofe» Que la Province d'Apalachéeft pleine de marais , couverte de bois, fterile Se mal-peuplee. Cela erfe Vivement eft vray des lieux voilins de la mer 5 mais non pas- des endroits que le General envoya découvrir. Ce qui me con-. firme dans cette créance, eft que la plus grande partie de la relation de Nugnez ayant efté donnée par le> Indiens , ils ont rnalicieufement décrit leur contrée , comme un pays anreux & inacceiïible, pour ofteraux Efpagnols l'envie d'en faire la conquefte. J'ajoufte que les-geas de Narbaez , deJqucls Nugnez raconte les avantures, ayant eue battus en Àpaia hé; & mcfme la.plufpart y-cirant mon s de faim* ils ne purent entièrement découvrir ccite Province. C'eft pourquoy je n'avance rien que de certain de l'endroic d'Apaîaché où a efte Soto ; Se ce que Nugnez raporte'de 5 - lieux de cette contrée , qui font aux environs delà «aer , elt auili très-véritable.

CHAPITRE V^

Découverte de la cofte.

LOrs qu'Aniafco alla découvrir la cotte de-la mer , qu? n'eftoit pas à trente lie;iës d'Apalaché , il prit cinquante fantallms Se quarante Cavalfers. îl mena aufîi Arias Go-mes , foldat vaillant & expérimenté, qui dornoit de bons confeilf , nageoit fort bien, Se trouvoit moyen de faire reûflir les entre-prifes que l'on tentoit lur mer Se fur terre*. Arias avoit eflé efclaveen Barbarie, Se avoic fi bien appris la langue du pays, que s'echa-pant d'entre les mains des infidèles, il le rendit à une frontière oùeftoient les Chreftiens, (ans que les Maures qu'i-i rencontroit, Se aufquels il parloit, s'apperceuifeut qu'il ftift eflranger. Ce Cavalier Se les compagnons tirèrent vers le Midy , guidez d'un Indien qui s'eftoit volontairement orïert à cela, Se qui leur témoignait beaucoup daffecloin. Ils-firent en deux jours douze lieues, ils paflerent deux petites rivières, Se arrivèrent heureufe-ment au Bourg d'Autc * , qu'ils trouvèrent

* Les Carres mettent Auté plus loin , mais le vo>agc cft. bien aufli crovable o.jc les Canes.

abandonné & remply de toutes fortes de vivres. Ils en prirent pour quatre jours, & continuèrent leur marche par un beau chemin. Mais enfin leur guide s'imaginant que c'eitoit mal tait à luy de !ej- mener fidèlement ? il les égara dans les foreits où il y avoit plufieurs gros arbres tombez , Se où l'on ne renco^i-troit aucune route. Il les fit auîii aller par de certains lieux qui eftoient tans bois-Sc fi pleins de fange , que ny les chevaux ny les hommes ne s'en pouvoient tirer. Ce qui les incom-rnodoit le pius, eftoit une grande quantité de grottes ronces qui traii noient par terre , Se qui leur faiioîent beaucoup de peine. Toutefois ils marchèrent cinq jours dans ces chemins , où ils foufrrirent des maux incroyables. Mais lors qu'ils n'eurent plus de vivres, ils retournèrent à Auté en prendre d autres , afin de continuer leur route. Et fur le chemin ils efïuyerent des travaux qui ne le peuvent décrire > à caufe que reparlant par les melmes lieux qu'ils étoient venus , Se la terre y eftant déjà foulée , ils s'enfonçoieht plus qu'auparavant. Au refte > tandis qu ils citaient égarez parmy les bois , ils fe trou voient de fors à autre fi prés de la mer , qu'ils entendoient le bruit des vagues. Mais aulTi-toft leur guide les éloignoit, & tafehoit de les engager dans des endroits ,

l^ Hiflobe de ta VÏotîàe'.

d'où ne pouvant fe tirer ils mo unifient tous de faim. Pour luy, il ne fe foucioit point de p îrir 9 an cas qu'il les envelopaft dans fa ruine» Néanmoins y ma'gré fà malice , ils retourne-à Aoté , accablez de lamtude & de faim, n'ayant vefeu pendant quatre jours que de racines. Ils fe rafraifchirent donc un peu, ils prirent des vivres pour cinq jours , & continuèrent leur découverte par des chemins encore plus décelables que les premiers.

Comme les Efpagnols repofoient une nuit dans les bois prés d'un grand feu , l'Indien qui les menoit, ennuyé d'eftre li long-temps à les faire périr , prit un tifon , Se en frappa un loldat au vifage. Les autres qui virent cette infolence > 1 euffent fans doute tué fans Aniafco , quijeur reprefenta qu'ils ne pou-voient changer de guide, & qu'il falloit ibuf-frir de celuy-cy. Enfuite ils le rendormirent, & l'Indien eut encore la hardieffe demal-trài-ter un autre foldat ; mais on chaftia la témérité à coups de baftons.Néanmoins il ne rentra pas dans fon devoir > & avant le jour il en bâtit encore un autre. Cette dernière inio-lence luy attira de fâcheux coups , &: le rit enchailner : Apres quoy > on ie donna en girde à on des plus robuit.es de la troupe > avec or-ire de 1 obferver foigneuiêment» Le jour venu, ils fe mirent à marcher, ralcnez

de

de la difficulté du chemin Se du procède de leur guide. Ce Barbare fe voylnt hors d'eftat de les perdre Se de s'enfuir, fe jetta en defef--peré fur ceiuy qui le gardoit , Se le faififTant par derrière , il le terrafTa & le mal-traîtta à grands coups de pieds. Les Efpagnols enfin irritez de cette rage, îuy donnèrent plufieurs coups d'épée Se de lance , dont il y en eutqui ne le blefîerent pas plus qu'une houiTiïre y Se l'on eut dit qu'il eftoit charmé. Àniafco fur-pris de cela fe levé fur les eïtriers, prend la lance à deux mains, Se luy en porte un coup de toute fa force ; Cependant encore qu'il fuft tres-robufte , il ne le blefla que leqere-ment. Defefperànt donc de luy pouvoir o-fter la vie , on l'abandonna à un lévrier d'attache , Se c'efi de la forte que ce perfide me-ritoit d'eftre traité. À peine fut-on à cinquante pas de luy , que Ton oùit le chien qui heurioit comme il on l'eut tué. L'on retourne Se l'on trouve le guide qui tenoit de les pouces les deux coftez de la gueule du lévrier, Se la luy déchiroit fans que le chien s'en puft dépendre. Un des foldats aulTi-toit donna au Barbare tant Je coups d'épée qu'il le tua , un autre avec un coufteau luy coupa les mains , qui eftant feparées du corps, tenoient encore fortement à la gueule du chien. Après nos gens continuèrent leur route. Se commande-

O

Î5§ Hijfoire de ht Tloriâel

rent fur peine^le la vie à un Indien qifîls £ voient pris , lors qu'ils retournèrent à Auté , de les conduire fidellement. Ce Barbare tandis que le premier vivoit ne les avoit jamais voulu fervir : il faifoit le lourd quand ils luy parloient, parce que l'autre l'avoit menacé de mort s'il répondoit. Mais lors qu'il fe vit délivré de Ton compagnon , & qu'il craignit quelques mauvais traitemens, il fît entendre par ligne qu'il conduiroit les Elpagnols à la mer , au mefme endroit où Narbacz avoit conftruit Tes navires. Que toute fois il eftoit .auparavant neceflaire de rebrouiTer chemin vers Auté, & que de là on prendroit la route. Mais comme les Eipagnols luy faifoient con-noiftre qu'ils eftoient prés dfr la mer , puis qu'ils entendoient le flot , il témoignoit que par le chemin qu'on tenoit, il eftoit impoiTi-ble d'y arriver, àcaufedesbois Se des marais. Ils retournèrent donc à Aute où ils arrivèrent en 5. jours avec beaucoup de peine. Ce qui les tourmentoit d'ailleurs eftoit l'inquiétude, qu'ils s'imaginoient que le General avoit de ce qu'ils demeuroient trop à leur découverte. Durant leur marche , Arias & Silveftre gagnèrent les devans, Se attrapèrent deux Indiens, aufquels ayant demandé par lignes s'ils les pourroient mener par la mer , ils témoignèrent qu'en cela ils les ferviroient avec h-

délité , Se ils fe raportoient au fentiment du guide. Nos gens pleins de joye& d'efperaiice de reuffir dans leur découverte, pafferent tranquillement la nuit ; Se lorsque le jour fut venu , ils prirent leur route à travers de grands chaumes par un tres-agréable chemin qui s'clargifïoit peu à peu. Toutefois ils y rencontrèrent un mauvais pas > mais ils s'en tirèrent facilement. De forte qu'au bout de douze lieues, ils fe trouvèrent fur le rivage d'un vafle Golfe qu'ils cottoyerent, [& arrivèrent enfin où Narbaez avait débarqué. Ils virent la place où il ht les ferrures de fes navires, Se trouvèrent beaucoup d< aux environs avec avoient ;. au:

Enfuite les Indiens montrèrent l'endroit ôà l'on avoi: tue dix (bldats de Nârbàez , Gc firent connoiitre par fîgncs & par paroi principales avantures de ce Capitaine. Car les habitans de cette code avoient retenu quelques mots d'Elpagnol, iîstâchoient mef-me chaque jour d'en apprendre davantage. Cependant Aniafco & Tes compagnons cher-: t avec beaucoup de foin dans le creux des arbres, Se fur leurs ccorces, s'il ne fe trou-voit point quelque mémoire , ou quelque c-criture ; c'a toujours efte la couftume de ceux qui les premiers ont découvert un pays^

O z

î tfo Hijhire de la Floride,

de laiffer des instructions qui quelquefois ont efté de grande importance. Mais- voyant qu'ils ne rencontroient. rien , ils fui virent la code du Golfe jufqu'à la grande mer qui ntn eftoit qu'à trois lieues.

Après , lors que la marée fat baffe , douze des plus excellent nageurs entrèrent dans des batteaux àdcmy-échoùez 5 ils fondèrent l'en-trée du Golfe , Se la trouvèrent capable de porter de gros vaiiTeaux. Ils en biffèrent des marques aux plus hauts arbres, afin que ceux quiviendroienten ces quartiers prifîcnt leur! meiures. Eniuite Aniafco retourna au Camp, où le General fut tres-ailè de le voir, & d ap-prendre qu ils aboient découvert un bon port.

CHAPITRE VI.

Tarty de trente lances pour la Province d'Hirriga.

TAndis que l'on eftoit occupé à découvrir la cotte , le General qui voyoit approcher l'hyver mit fes foldats en garniion. Et comme il fçavoitque Calderon ne faifoitrien dans la Capitale d'Hirriga , il luy envoya ordre de le venir joindre. CependantiifitamaG fer des vivres, & bâtir des rnaifons paur lu-

gcr plus commodément Tes gens. Il cômman* da aufli de fortifier la Ville d'Apalaché , afin de fe mettre à couvert des iniultes des Barbares , & il dépêcha vers Capafi avec des pre-fens pour le porter à la paix. Mais ce Cacique n'écouta aucune- prcpofition, 8c fe re~ trancha.dans une foreft très-difficile. Comme Soto perdit la penlee de le gagner, il ordonna à Anialco qui avoit du courage Se du bonheur , de partir avec trente lances pour Hirriga. Ce commandement fut rude y car le voyage efioit d'environ- cent cinquante Jieuës & l'on courok de grands dangers. U falïoit paflTer parmy dès peuples hardis, vaili lans 5c.ennemis déclarez ; Se franchir <Ies fleuves avec des marais tres-facheux. Toutefois,, malgré toutes ces confédérations les trente Efpagnols- entreprirent coiirageufemenr : le voyage, & firent de très-belles action?.. Mai? je les plains de ivavoir>qu'un Indien pour les raconter. Néanmoins pourleur rendre ce-que je puis, je raporteray les noms de ceux qur font venus-àmaconnoiflance. Juan de Soto* Aniafeo , Arias , Cacho , Atienfa , Cordtro*. Silveftre , Kfpinofi , Fernande , Carîllo , Atanaiio , Abadia; Cadcna, Segredo, A.rgo-te , Sanchir , Pechado , & Moron. Geluîî-ci avoit le nez 11 fin , qu'il eventoit mieux çhien de chalTe. Car-allant plufiçurs fois uans-

P 3

\6^ Hiftoire de la Vloride.

l'iile de Cuba chercher avec Tes compagnons des Indiens qui s'eftoient revoirez, Se qui a-voient pris la 'fuite , il les fuivoit à la trace dans les buiiTons, dans le creux des arbres, Se dans les cavernes où ils s'eftoient cachez. Il leiatoit auiTi le feu de plus dune lieue., parce que fouvent fans avoir vu ny clarté , ny fumée , il difoit à ceux qui l'accompagnoient qu'il y avoit du feu près d'eux , Se il ie trou-voient à dcmy-lieuë , ou à une lieue de là.

Ces trente lances partirent d'Apalaché le vingtième d'Octobre de l'année mil cinq cens trente-neuf. Ils eftoient bien montez , Se a-voient le cafque en tefte, le corfelet iur l'habit , la lance en main , avec quelques provisions dans leur valifes. En cet eftat ils forti-rent avant le jour, afin que les Indiens ne les apperçûflent pas, 8e ne s allailent point faifir des paiTagcs. Ils marchèrent en diligence, ils galopèrent meime forj fouvent, & tuèrent Jur le chemin quelques Barbares par qui ils apprehendoient d eftre découverts. Ils continuèrent ainfi leur route, Se arrivèrent au marais d'Apalaché qu'ils traverferent heureuie-ment. Comme ils avoient fait plus de treize lieues ce jour-là , vingt Cavaliers le repofè-rent, & les autres veillèrent de peur de fur-prife. Après ils marchèrent douze lieues par le pays defert, depuis le marais d'Apalaché

jufqu'à la ville d OïïachLe.

Mais dans la crainte de lire vus , & qu'on ne leur gagnait les paflages ,^s-firent aire vers le loir , Se traverferent Jiir leSiinuitOiTaciiilé au petit galop. Une lieuë au de là , ils s éloignèrent de leur route pour prendre le reite de la nuit un peu de repos, & le tinrent iur leurs gardes à leur manière. A la pointe du jour, ils le remirent au petit galop , a caufe qu'il y a voit du monde par les champs, Se qu ils crai-gnoient d'eitre découverts. Ils coururent cinq lieues , de l'endroit où ils le repoferent jufqu au fleuve d'OiTachije, Se fatiguèrent extrêmement leurs chevaux. Mais lors qu'ils approchèrent de ce fleuve , Silveftre prit les de vans, & comme il vit que l'eau n'eitoit pas li gro(Te que quand les troupes la traverferent , il Je jetta dedans , & gagna heiireufc. ment l'autre bord.

Aniafco Se tous les autres le fui virent, & dès qu ils furent pallez ils repurent. lis continuèrent enfuite leur chemin au petit pas ,<Se firent quatre lieues depuis cette rivière juiqu a. Vitachuco , où appréhendant deftre obligez de le battre contre les Indiens, ils relolurent de piquer à toute bride j mais lorsqu ils forent dan; certe ville, leitat.où ils la trouvèrent les rafleura. Elle eftoir abandonnée, Lsmai-ions ruinées entièrement, Se l& rues jonchées

de Barbares tuez *. Les Indiens détruifîrcnt de la forte celte place, dans la penlee qu'elle eftoi: mdheureulb. Ils taillèrent aulTi les mort? fans fepulture , parce qu'ils les regardaient comme des miferabl'ès qui n'a voient pu exécuter leur deifein , Se qui dévoient eftre la proye des Beftes j çhaftiment dont ils punif-fenteeux qui ont mal-réùfll à la guerre. • Le party edoit à peine hors de Vitachuco> : qu'il rencontra deux Indiens qui chafloient , Se qui avo'ent l.air dé gens de qualité.Gomme ces Barbares virent les Chreftièna , ils le retirèrent feus un noyer ; ma * s ^ un deux ne croyant pas élire en feuretc , s'enfuît vers une foreft du cofl.edu chemin, deux Cavaliers-prirent les devans, 8t l'attrapèrent. Pour l'autre Indien qui avoit du coeur, la fortune le favori! a. Car tenant la flèche pôfee fur forr arc , il Rt tefte aux Cavaliers, Se les menaça de tirer s'ils l'approchoiènt. Quelques-uns irritez de fa hârdîéfljb , voulurent l'aller percer à coup; de lances;

Mais ÂniaTco ieur dit qu'il cftoit indigne d'eux de vouloir ouer la vie a ce téméraire 9 Se qu'au liéil où ils fe trouvoient, ils ne de-v ie it p iït s ex] oler à le faire bL-fTer ny tuer. Ainflil les de tourna du chemin qui-

* Ce:: ju ceui ^ oairiaiTacu , ioxs que Viuchuca fat Uié.

eftoit 'prés du noyer, & leur commanda d'avancer au petit galop. Le Barbare cependant leur preientoit ion arc à meiure qu'ils dérlloient ; puis il commença à- leur crier qu'ils efloient des laiches de ne l'avoir olé attaquer., Se ils leur dit pîufieurs autres injures accompagnées d'orgueil &¦ de menaces. A la voix les Indiens de cofté Se d autre de la route accoururent, Se fe mirent a sappeHer pour leur couper le paiîage. Toutefois les trente Efpagnols fe tirèrent de là, Se arrivèrent dans une plaine où ils prirent un peu de repos. lis firent ce jour-là qui efroit le troiiïeme de leur marche dix-iept lieues, Se le quatrième autant par la Province de Vitachueo. Mais les peuples de cette contrée indignez de ce quîs'e-ftoit pane , tafcherent à vanger lur eux la défaire de leurs gens. Ils dépêchèrent du monde pour avertir de la rouie des Ghreftiens , afin qu'on fe iaiCfldesavenues. Les Cavaliers qui découvrent cela*, piquent à toute L>ridc , attrapent tes MeiTagei£&" en tuent fe pt à coups de lances. Ils arrivffent ce jour-là kir le loir dans une très-belle plaine j où n'entendant aucun bruit ils repolirent quelque-temps. Ils partirent de là après minuit*-y flfcau lever du Soleil Ik avoient fait cinq jî'cnës , Se eftoient venus au fleuve d'Ocaly. Ils croyaient le rencontrer moins gros que de cpuftume 3 maifi

ils trouvèrent l*eau déboïdée,rapidequi tour-noit en beaucoup d'endroits , Se marquoit le gouffre qu'elle c-vuvroit. Les ennemis d'ailleurs accouroient aux bords du fleuve, Se s'encourageoient par des cris les uns les autres pour en défendre le palTaçe.

Les Efpagnols alors confiderant le danger qui les menaçoit , & que pour échaper il ne falloic pas perdre le temps en de vaines délibérations , nommèrent douze d'entre eux pour gagner l'autre bord, afin de Iesfavorùer lors qu'ils paneraient. Ils ordonnèrent aulli que quatorze couperoient des branches, dont ils feroient des traimeaux pour mettre leur équipage, avec ceux qui ne pouvoient nager, 3c que les aut: voient aux Barbares qui

accouroient pourempefcher qu'on ne traver-iafr. Cet ordre donné, les douze Cavaliers refolurent ce mourir , ou de venir à bout de leur deflein. Ils pouffent leurs chevaux dans le fleuve, le cafque en tci°ce,.la cotte de maille iur. la chenufe , avec la lance en main , Se onze gagnent heureuieÉfent une ouverture à l'autre bord. Cacho leul n'y put arriver , à caufe que ion chuval n'eut pas la force de rompre la violence de le.au. Il fut donc contraint de ie laifïèr aller le long du fleuve pour chercher quelque fbrtie. Comme il n'en trouva poinc il ië vit forcé d implorer le leçours de

fes compagnons qui coupoient du bois. Quatre fe jetterent dans l'eau Se le fauverent. Mais 1 aillons ces Cavaliers, Se coniïderôns ce que fait le General en Apakché.

CHAPITRE VIL

Trifc de CaP a fi.

SOro ennuyé de voir ces Barbares à les troufTes } crut que s'il pou voit avoir Ca-S y il les reduiroit fans reine. Il s'enquit dohe avec .foin de fa retraite, & il apprit qu'il eftoit àhuit lieues de l'armée dans une épaule foreft , où il penfoit eitre enfeureté, tant à -caufe de la fituation du lieu que des marais, Se des gens qu'il avoit pour le detfendre. Sur cette nouvelle le General prie des foidats autant qu il luy en falioit , il alla en peribnne pour le failir du Cacique ; après beaucoup de -travail il ib rendit en trois jours à l'endroit Je la foreft , que les Indiens avoient fortifié* Ceftoit une place dont ils avoient abatu le 1 >is 4 & où 1 on n'abordoitjque par une ave-. nue fort eftroite , & de demy-lieuë de long. Mais de cent pas en cent pas, il y avoit de bonnes palii ce des pieux , Se chaque

paliilàde eftoic bien le. Voilà le lieu

Y/rS Hifioire de la Flonde.

où Capafi s'eftoit retiré avec un grand nom^ bre de les fujcts , qui avoient reiolu de perdre pliîtofl la vie , que devoir leur Seigneur au pouvoir des ennemis. Enfin Soto eftant arrivé à l'avenue qui menoit au retranchement où edoit le Cacique , il trouva des gens déterminez à luy deitendre l'entrée j & au ïhelme temps il fit donner. Mais comme le chemin cftoit ferre , il n y eut que les premiers qui fe battirent , Se qui après avoir eiïliyé quelques coups de flèches , gagnèrent à la main, la première 5c la féconde pa-liiîade. Ils en arrachent les pieux Se coupent les liens qui les attachoient. Les Barbâtes tirent Se en blelTent quelques-uns. Les Efpa-gnols s'encouragent de plus en plus , avancent tefte bailfee juiqu'à latroiiieme baricade qu ils forcent, gagnent ainli toutes les autres, Si viennent pied à pied maigre la refiftance des ennemis , juîqu'au lieu où e (toit Capafi.

Les Indiens alors qui voyent leur Cacique en danger redoublent leurs efTorts, fe jettent a travers les épées 8c les lances , Se fe battent en defefperez. Nos gens de leur coure donnent avec vigueur , Se ne perdent point Je vùe ; Capafi , de crainte qu'il ne leur cchape. Le General fur tout fait paroifixe ion courage , combat en véritable Capitaine a la tefte des liens , Se les anime par ion exemple Se par

fes

îès paroles. Enfin les Barbares manqûans dermes dcffehfïvés plient, les Eipagiîolsfont un dernier effort, Se les taillent prefquç tous en pièces.

Le Cacique qui voit le carnage qu'on a fait de les fûjets, Se que ceux qui reftent ne le peuvent pkis dçfTendre , leur commande de mettre bas les armes, & au mefme moment ils viennent ernbrailer les genoux de Soro , & le cor? jurent avec larmes de pardonner à leur Seigneur-, & d'ordonner qu'on leur oite pie-vie que de luy faire aucun dcplaiilr, Le General touché de cette genërpfké le huila ir , à condition qu'ils demeureroient dans robeïflaiiçe,

Ciipafi vint ialiier Soto , qui le reçut fort

aient; tres-aiie de le tenir en Ion pou-

. Ce Cacique eftoit appuyé de qucUrues

Indiens qui l'aidoient à marcher , parce qu il

eûoic extraordinairement gros. Il ne pouvoir

ny taire un pas, ny le tenir fur fesrpieds ; de

: qu'on le porto it eau s un brancard par

où il vouloir aller , 8c dans la rnaifon il

beat à quatre portes. Cette } eianteiiç

fut cauie qu il ne put k t - kuu.

X

.CHAPITRE VIII.

JCdpdfi va peur réduire fes fujets & fe fauve.

A Prés 4a prife de Capafi , le General retourna au quartier , dans leipcrance que les Indiens ne harceleroicntplus les troupes , mais il eu arriva tout autrement. Irritez de la prifon de leur Cacique, & n efrant plus occupez à le garder , ils faifoient plus de de-fordre que de couftume. Sotcven colère de

Hfcela , fe plaignit à Carafi , que fes iujets mé-nfloient le bon traitement qu'on luy fai-foit. Que rneime à leur égard ils cdoient obligez d'en uiër d'une autre forte.* Qu'il n'avoit

•ny ravy lents biens , -ny ravagé leurs terres-&z que s'ils ne l'avoient attaque il n'auroit ja-jonàb permis qu'on eut bielle , ou tue perfon-

«Ui*.. Qu'âinfi il leur commandaft.de ne plus drefler d'embufehes aux troupes. Qu'autre-ment il leur feroit uue guerre ouverte , Se mettroitto.ut à feu,& a fan g. 'Qu'il coniîde-raft entin que^dans l'efrat où la fortune l'avoit

fednlt, les Indiens traitoient fi cruellement Igs

•Efpagnoh , qu'ils les pourroient obliger à quelque violence envers luy , Se porter la de-

.lolation dans ia Province.

Câpafîiepliqna avec reipect., Se apparanv nient avec reconnoilTance, q*iela conduite de : les fujcts luy déplaifoit d'autant plus, que depuis fa prifon , il leur avoit envoyé ordonner " de ne faire aucune infulte aux Elpagnols s mais que tout le-foin qu'ils e#oit donné pour cela avoir efté inutile. Qu'ils teuoient pour fuipeft; les mefTagers qu'il leur dépéchoit, S: ne pouvoient croire les bons trakemens qu'on luy failoit. Qu'au contraire ils leîima-gmoient plutôt charge de chaiines, oc expofé a-toutes lortes d mjures. Qu'il prioit donc le General de commander à quelques-uns de les fôldats, de l'accompagner julqu'à fîxlieues du Camp , en une foreft où il trouyçroit tous îrs plus braves de fes vaflaux. Que là il les ap-pelleroit par leur nom. Qu'ils viendioieut a . Que leur ayant raconté les faveurs qu'il avoic reçues, ils ceiïeroient tout a::e d hoiciliri , 6V. quec'eiloit l'unique moyen de

K

Le General, touche de cesraiionS, fit et -corter le Cacique par une compagnie clcCa- ¦ Se d'Infanterie > jusqu'au lieu ou il al-cies lujets, 5c il ordonna fur ries de prendre garde au Bar-, [ce \U partirent avant le jour , Se c he vers le midy, ils a*? b Ai où les In .1 un s s efloient re-P -a

\-jî ÎJîjhîre de la Ilarldel

tirez. Le Cacique y fît aller auiTi-toft trois de fis gens. Mais à peine y furent-ils, qu'ils revinrent avec douze autres, aufquels ii commanda d'avertir les principaux de les flijcts , de !e joindre & de fe prefenter le lendemain devant luy , pai'ce qu'il avoit à leur communiquer des chofes qui regardoient leur gloire & leur intereft. Les Indiens entrèrent aulll-tofl «dans la foreft avec cet ordre. Cependant ks Efpagnols mirent des fentinelles par tout, ils repoferent la nuit, fatisfaits de la conduite ' de Capah, Se dans lapenicedereto/.rr.erglo-rieuiement au Camp. Mais lorsque le jour parut, ils connurent que la plus belle efperari-ce eft Couvent crempeufe -, ils ne trouvèrent plus le Cacique , ny pas un des Barbares qui S a voient accompagné. Surpris de cette a-vaaturc, ils iedemandoient les uns aux autres \ï manière dont la chofe s'eftoit pafîee ; <Sc comme Ton répondit qu'il eftoit impoflible qu'il fe fut fauve , parce que les fentinelies •aiTeuroient quelles avoient veillé toute la nuit y on crut que Capafi avoit imploré le fc-eours de quelque démon y Se qu'il tn avoit éfté emporté. Ce qu'il y a de certain eft , que les Espagnols citant fatigues s'endormirent , Se que le Barbare qui vit une belle oc-caOon de s cchaper, fe traîna fins bruit à quatre pattes 5 & que tandis qu'il fe fauvoit, il

trouva en èmbufeade quelquçs-ufrs de (es !¦;-

jets qui l'enlevèrent. Le Ciel (ans doute Fh-vorila en cette rencontre les Efpagnoîs. Car ii dans le temps qu'ifs repofbient, les Indiens fuflent venus fendre fur eux, ils les-eurent é-;z. Mais tous tranipottez de joye /ils? ne longèrent qu'à mettre leur Seigneur en k\?~ retc 3 auiïi ils le cachoienttres-bien , & "on"!â chercha inutilement tout Je four. Du réf. 3-ils le contestèrent de le- moquer des Espagnols y Se de leur dire quelques injures, de* forte qu'on retourna au Camp fans péril ;. Mais dans la plus grande confuiion du mondes d'avoir laiffe échaper ie priionnïer. Qn s'ex-cuibi: fur ce que !a nuit qu'il s'ercoit fâuvé,l orir avoft oui un bruit extraordinaire, & qu'ayant* efte carde avec tant de-ichx > ii ralloit qu'un. Démon l'eut emporté.

General qui voyoït que la fauts-ue fè>

pouvait réparer , ne voulut faire auront j-

perionn:-. Il feignit dajoufler foy à tout ce

qu'on luv difbit 3 que les Indiens cfloient dd-

grands Sorciers-, & qu'ils failoient Jts cho-

- ^furprenantes. Néanmoins quelque

. mine qu'il tir , il rut ienfiblcmciit to.u~

» la négligence de ils pfliciers%

p î

CHAPITRE IX.

S*itt de /j nuirehc des trente: Uttces.

LOrs que le traîneau fut fait., les foMatfr „ te jutèrent dans 1 Ocaly avec de longues cordes, & deux nageurs en portèrent l'une . à l'autre bord à onze de leurs compagnons. Cependant les Indiens .accoururent a. eede grands cris •> mais ceux qui eitoient paiTez leur rehfterenî vigoureulemeiit ; Se après a-voir percé à coups de lances les plus avancez, , les autres n'oferent les attendre ; il bien que ]cs Efpagnols furent maiftres cela campagne. Au deçà du fleuve , parce que les ennemis n'c/l oient pas en grand nombre , il n'y a voit que quatre Cavaliers * qui leur fiilcnt tefte. Deux caracoloient vers le haut, & les autres rers le bas, à caufè que les Barbares ahor-doient de ces deux codez.

Ces Cavaliers les amuferent fi adroitement , qu'on eut le temps de traverier plusieurs fois avec le traîneau. La première, on porta les habits de ceux qui edoi^nt à l'autre bord; car n'ayant que leur cotte de maille

* L'Auteur répète que ks avuftS #Okipoicoi du bois, u.afo cela cû dit au cUà,

lur leurs chemîfes, il foufEoi:-un .vent:;..de Nord qui des geloit : La féconde fois, on paflfa leshamois & les values avec ceux qui . ne pou voient nager. La plulpart des autres impatiens dé ie battre traverierent lÇXcaiy a la nage 3 & à melure qu'ils palToient, ils ie joi-gnoient à ceux qui eitoient aux mains avec les Indiens. Si bien qu'il y demeura feulement au. deçà du fleuve deux Cavaliers des quatre qui foufienoient l'ennemy, & qui pailerent en cette iorte. Tandis que l'un taiipit entrer fon cheval dans le fleuve , Se s'accommodoic fur k traîneau ,. l'autre repoufToit les Barbares. Comme il vit qu'il les avo;t chaînez alfez loin , if retourne à toute bride-, deiie la corde qui attachoit le traîneau au bord, 5c . traverle ! Ocaly avec, ion compagnon- Les Indiens fondent de furie lur eux, mais inutile--rnept _, tout conlpiroit en faveur des Cavaliers.

Sur les deux heures, apres-midy , que les. Eipagnuls curent tous achevé de palier 5 ils prirent le chemin de la ville d'Ocaiy., pour foulaeer Caçho gelé de froid & abatu dciati-gués. Les Indiens qui Les apperçùrcnt, le

•arcrent à leur endefeudre ilsjue refiiterent que pour faypriferla retraite de leurs ïc.>s> Se lors qu'ils .furent qu'ils s'e-toient fauvez dans la forçfti ils le retirèrent.

ï7<> Hifiorre de la Floride. .

Les Cavaliers aulii-tot entrèrent Jans la ville, Se fe mirent au milie« dune grar.de ri ace dé crainte de fcrprifej s ils Te iogcoitntdans ks rnaiions. Après ils a t fumèrent Quatre grandi feux à quelque diftance des uns des autres, ôc dans cet efjpace ils placèrent Cacho. Ils le couvrirent d'habits, ils Juy donnèrent une chemiie dont il reçut beaucoup de foulagemcnt,& de-* meurerent là le relie du jour. Mais comme Cacho n'eftoit pas encore en efhrt de fuivre > Se qu'il y avoit du danger à -s'arrcfler pîa=? ¦temps , à cauie. que les Barbares ie pou* voient afîèmbler pour leur couper chemin , ils redoublèrent leurs foins-, afin cfe-rétabli* prompte in en E1 sur compagnon. Ils rirent auiîi repSftre leurs «chevaux , ils réparèrent Lea hamois, Se prirent des pruneaux, des rainxiSjj 8c autres fruits leçsqu ils trouvèrent en abondance.

En fuite , lors qu il fut nuit , ?is poferent des vedetes > & battirent i'eitraue aux em i-rons , Scmr le minuit deux Cavaliers oùircnt un bruit:, comme de gens qui marchoient* L-un deux pique & en vient avertir la trt Ce-e; iant hântre demeure pour r ftre i jiv. nt ce que c'efioit , & ap-

p ' à la clarté dé la Luiîe un gros ci In*

dkrts qui-«s'fevanç it vers Ocaly, il court à toute l'i tdt endoitncr avlî. On mit jncoiui-

rvent Cacho à cheval', St-par-ce qu'il ne s'y pouvoit bien tenir, on l'attacha à-la ïêtte avec ordre a un Cavalier d'en prendre loin. Là-dellus ils partent & marchent avec tant de diligence , qu'a la pointe du jour ils avoitnt déjà fait lix grandes lieues-.

Ils allèrent de la forte lors qu'ils trayer-Aient des endroits fort peuplez , ils tuoient refîne ceux qu'ils trou voient pour ne point découvrir leur route , mais par les lieux in-hibitez ils- marchoien: au petit pssj afin- de donner haleine aux chevaux-, 3c de galoper en cas de befoin. Ce jour-là quieftoitle irxié-me de leur voyage , ils firent prés de vingt lieues, tant par la contrée d'Ocaly que par la Province d'Acuera. Le lendemain Atienfafut frappé de maladie , & quelques heures après* il mourut dans la marche fur fon cheval*- Ses compagnons qui ne s'eftoïent point arreftez pour le foulager , ne croyant pas fon mal dangereux , furent lenfiblement touchez que dans une conjoncture i\ "Êucheufè , là mort leur eultravy ce Cavalier. Comme la douleur en ces rencontres eft inutile, Se qu'ils dévoient promptement avancer , ils tirent une fofTe où ils enterrèrent Adcnfa, 5£ continuèrent leur route. Ils marchèrent ce jour-là vingt lieues, & arrivèrent au Soleil couchant au grand marais, Cç fout fans doute da, choies

fùrpgcnantçs que ces longues traites, & ceux qui n'ont pas efte preiens à la conquefte de la Floride «lurent peine à les croire. Néanmoins il n'y a rien de plus véritable , les Cavaliers rivent en fept jours cent fix lieues, qu'il y a d'Àpaîaché au errand marais. lis le trouvèrent il enflé que les eaux qui y entroient &-en-ior-toient avec impetuofre fembloient des bras flç mer. Pour moy je me trouve fi iurpris toutes les fois que je coniidere le travail des chevaux a paflèr ces fortes de lieux, que je croy qu'ils n'auroient pu endurer cant de fatiguer, h l'on ne les cuit nourris de gros millet; . LV.'age effectivement, en elt excellent Se donne de .nouvelles forces aux animaux qui en ngent. C ciî'pcurquoy les peuples du Pérou qui fe fervent de moutons pour bci.c charge , ne les nourriiïlnt que de cette forte "de légume, ce qui les rend vigoureux Se pro-_, à porter ia.pclàmeur d'un hocniVJ Les Cavaliers pa 'enc la nuit lur le

bord du marai> , & eurent h froid quiis fiu rc-ut contraints d'allumer p'ufieurs feux , Se cela leur ht craindre que les Indiens n« les apperçùu'cut ; car vingt feulement les tuffent empeichez de tra\ erfer. Us les auroient même tuez aifement-, parce que de leurs batteaux i!s pouvoien danger. N

gens d aille urs u'ayoicjut ny piûokts^ ny ar-

' livre troifiérxe. *79

baleftes, Se il leur eftoit impolïîble de s'ay-der de leurs chevaux. Ainii ils paiTerent la nuit dans une continuelle apprehenflon > 3c fc préparèrent au travail du jour fuivant.

C H A PU T Pv E X.

Cêttétmation du vov^^s des trente

lances jufqu'a Hirriga. <

LA nuit que les-Cavaliers-eftoient fur le bord du marais, Juan de Soto un de leurs compactions mourut de mort Jubite. Un autre à Tinitant melme s'enfuit , difant, que puis qu'ils mouroient il promptement'îa pefte . citoit parmv eux. Mais comme il quittent on luv cria qu il porteit c&xz. maladie avec luy-., qu'elle ne l'abandonnerait point en quelque -lieu qu'il aHafL Que d'ailleurs il eftoit éloigné de Ton pays, qu'il ne pouvoit oùs'arreiter, cv: feroit bien mieux de demeurer avec les au-très. Ces paroles l'obligèrent de fe rejoindre à ceux qui prioient Dieu pour Juan de Soto ; toutefois dans la créance qu'il eftoit mort de pcfle , il n'ola ayder à le mettre en te;

Quand le jour parut , les Cavaliers le mirent en cftat de travrrier le marais, & virent avec ;oye que l'eaueftoit abaiflïc. Huit^ien-

tre eux racommoderent Je pohr qui efYoir Cifeoit Se méchant > & pafTerent delfus portant les (elles de Leurs chevaux. Comme les chevaux ne pouvoient palier fur ce pont-, tous le dépouillèrent 8e les menèrent dans Peau , jui'qu'à l'endroit où il n'y avoir plus de pied. Mais à caule qu'elle eftôit trop froide, les chevaux ne vouloient point fe mettre à la nage* Pour les y obliger , on attachai leurs licous de longues cordes -, que quatre ou cinq des plus excellens nageurs tiroient juf-qu"au milieu de-l'eau , tandis que les autres les frappaient avec des boudinés. Toutefois c'efloit inutilement, car ils reculoient., Se ils le rtiflent plutoit laine tuer que d'avancer. Quelques-uns néanmoins à force de coups le jettoient à la nage , mais ils rebrouiloient promptemenr Se -entrainoient les nageurs, ians pouvoir eftrc arreftèz par Arias, Se les autres qui eftoient derrière. A la lin le cheval d A-niafeo pana avec celuy de Siîvefire. Et comme ceux aufquels i' tenaient eftoient de l'autre cofte , ils les ielicrent «Se ta >nte-ren: deOiis , pour élue en eftat d à lennemy sil venok efcarmotichêr. 11 y avoir déjà quatre heures qu'Arias radeseftoient dans 1 eau \

s. Si bi s ù-

¦trojuvok

coi >ienc

commençoient à dcfefperer de leur vie.

Aniaico irrité de cette longueur s'approche à cheval auprès du pont , 8c mal-traite de paroles Arias qui ne pouvoir faire avancer les chevaux. Arias qui connoiffoit que ce ne-floit ny la faute > ny celle de les compagn ons, Se qui tro'uvoit fort eftrange qifaprâ les maux qu'ils avoien: ioutr^rts on en ufafl ainfi y répondit que c'eftoit mal agir que de parler ce la forte. Qif Aniafco de voit coniiderer qu'ils gel oient malheureufcincnt dans l'eau fàris pouvoir rien faire avec tous leurs efforts. Qu il mift iuy-même pied a terre , & qu'on verroit les merveiles qu'il feroit. Arias pouffa encore plus loin (on relientiment ; car lors qu'on eft une fois en colère on a peine à le modérer. En tin la liberté de ce Cavalier fît rentrer Aniaico cn'luy-mcme, oc l'obligea de condamner Ion humeur brufque , qui contraignit pluîicursfoîs à pcrdre'lc reipecl: qu'on luy de-'voit. Cela inftruit ceux qui ont quelque pouvoir dans les armées , Scieur fait connoiitfc qu'il faut gagner le fckiat par la douceur. Qu'en matière de commandement-l'cxomple cft plus puillant que tous tesdifeours. Et que fi l'on cft force de reprendre les pqrfonnés, on le faffe en des termes qui ne iont point OiTjnians.

Aniaico oc Arfas eftarit donc rci

Q

v?.i Jliftohedc la Floride.

continua de harceler les chevaux ; &: fur le milieu du. jour-que. le Soleil avoic plus de force Se temperoic la froidure, ils commencèrent à palier, mais h lentement qu'il eftoic plus de trois heures apres-midy avant qu ils fu fient de l'autre cofté. Les Espagnols alors fhiloient pitié, fatiguez , languiiîans, dépourvus généralement de. toutes choies. Nean^ moins il s prirent cœur eu con lîderation du péril qu'ils avoient paffé, & dont ils avoient eu tant de crainte. Car fi l'ennemy les eut attaques dans le paiuge , & qu'ils euflent cité o>-biigezde. combattre..., ils eftoient perdus. Mais par bonheur les Barbaresqie* parurent point, a caufe qu'allant prefque tout htids Thyver, ils ne fortent que très-rarement de leurs maiibns. Enfin , comme nos gens furent hors du marais.,.ils. campèrent tout proche dans une plaine , -ils tirent de grands feux , à caufe qu'ils avoient extrêmement froid , ils reprirent leurs forces peu à pen,& lerejoiiiû fant, parce que déjà juiqua Hirriga il n'y avoit plus de mechans chemins.

La nuit venue ils repoferent , Se avant le jour ils continuèrent leur route , lur laquelle ayant rencontré cinq Indiens, ils les percèrent à coups de lances , de crainte d'en cftre découverts , ili firent ce jour-là trerze lieues, Se s: arrc fièrent la nuit dans une belle plaine.

]\Iaîs le lendemain avant que le Soleil fut levé ils délogèrent, & pafïefent qu'il eitoit matin pçés d Orribaracuxi, où de peur des-habitais ils ne voulurent pas entrer. Ils marchèrent quinze licuës ce jour-la qui eftoit le dixième de leur voyage 3 & repolerent une partie ce la nuit à trois lieues de Mucoeo. Sur le minuit ils recommencèrent à marcher 5 Se au bout de ài-ux lieu es , ils virent du feu dans un bois à cafté de leur route. à-loron qui avoir fentî ce feu , leur en avoit donne avis auparavant, meime depuis leur en ayant encore-parlé, ils 1 appcrçiircnt preique auiïî-toit.

Les Efpagnols furpris d'une chofe fi extraordinaire allèrent droit à ce feu, Se trouvèrent aurour -pluiieurs Indiens avec leurs femmes & leurs enfans, qui faifoient roftir dupoiiïori. C eiioit des iujets de Mucoço^ néanmoins on les prit pour fçavoirii leur Seigneur avoient entretenu la paix. Car il fut r<& iblu que s'il le trou voit des plaintes contre luy , l'on euvoyeroit fes Iujets aux Havanes». On fondit doive à toute bride fur eux ; on eh va dix-neuf , -les autres s crfoncèrent la forelt, & ie iauverent àlafav. 1 oblcurite. Les piifonniert rec'amoient Ori ti>,5e sViîorçoLi'it de faire reflouvenir les I i des bons offices qu'on leur avoit

rendu* en la perfonne, ce oui ne fervit de ricin

a-

Cependant les Cavaliers voyant qu'ils ne pou-voient plus avoir d'Indiens, ils.fe mirent à. déjeuner du noiffon qui cftoit là , & que la faim dont ils cftoient prefTez leur fit trouver excellent, quoy qu'il fuft couvert de lapou-dre que les chevaux avoient fait voler deflus. Eni li e prenant une route qui alloit à la tra-Vvjfe , ils s'éloignèrent de Mucoço , Se au bout de cinq lieues , Cacho avoit recouvert fes forces. L'alarme que les ennemis avoient donnée lors que l'on eftoit à Ocaly , avoit fait une telle imprèïîion iur fon eiprit, qu'aidé de la vigueur de fon âge, il fe trouva gue-ry du mal que le froid & la fatigue luy avoient caufé 9 Se il fervoit auiïi vigoureusement que les autres. Mais fon cheval ne put pafler outre , & on le biffa dans un pré après luy avoir oité la felle Se la bride qu'on mit à un arbre y afin que fi quelque Indien s'en vouloitfervir, ' il eut tout ce qu'il falloit pour monter dcfïus. Après on continua à marcher , mais lors que l'on approcha à une lieuë d'Hirriga , où il y avoit quarante chevaux Se quatre-vingts hommes de pieds, la peur prit les Cavaliers,de voir qu ils ne rencontroient ny trace d homme, ny de cheval. Ils ne pouvoient s'imaginer que Calderon qui cftoit dans cette place ne fut pas .venu fe promener aux environs. Ils crurent donc ou que la garaifqn avoit cite

égorgée , ou qu'elle s'eitoit retirée fur les brigantins qu'on luy avoir 1 aillez. -Dans cette créance ils avoient de la crainte Se de la tri-fteiïè , le con{iùero:ent éloignez de l'Armée, depourveus de vibres 8c de vaifTeaux pour fe retirer par mer. Ils repafloient fur les maux qu'ils avoient fourlcrts dans leur voyage, Se defèlpêrôient de retourner jamais à Apalaché. Cependant parmy de h" racheuies inquiétudes ii refolurenc que s'ils ne trouvoient leurs gens à Hirriga, ils camperoient dans un lieu de la fbreit la plus proche où il y auroit de 1 herbe. Que tandis qu'ils fe delafTeroient, ils tuëroient les chevaux moins utiles, & qu'après les avoir mis par morceaux pour vivre iur !e chemin , ils tenteroient leur retour. Ils Je Ratoient que (1 on les tuoit, ils aurcien: du moins en mourant la confolatien de s'eitre mis en eftat de faire leur devoir ; Se que n* la fortune les fa-vorifoit ils auroient de la latisfaction Se de Thonneur. Là-denus ils continuèrent hardi-ment leur rouie , Se le rendirent a Hirriga. .

CHAPITRE XI.

Arrivée du part? À Hirriga. .

LEs Cavaliers arrivez a un petit marais à demy-lieue d'Hiriiga , trouvèrent quel-CL3

quespaffées de cheval>&tls en furent extrême-ment réjouis. Leurs chevaux meirne qui ne

Je peuvoient prelque fouftenir reprirent codur , ils flairoieut les pas qu'ils rencontrôlent , Se n'allant plus que par bonds , il ffcmbloit qu'ils fortifient de i'efeuric, Ainii les Efpagnols marchèrent en diiîgc-ncc., & arrivèrent au Soleil couchant à la vue d'Hir-riga* Quelques Cavaliers de la gamiTon<for-toient alors à cheval, pour battre î'eftraJe autour delà place, & alloient deux à deux la Jance en main*

Aniafco & fes compagnons qui les appçt-Çttrerit ic mirent dans le menue ordre; Se cornnfti fi c'eut efté pour courre en des rc io u ii-fances publiques , ils piquèrent au petit ça-lop à la rencontre les uns des autres ; ce qui fut tres-agreable. Au bruit qu'ils Jaiioier: , Caldcron Se lercflcde la garnifon fortirent Je la ville. Ils prirent plaûir à voir les cou ries d'Aniaico 5c de les gens, 5c les reçurent avec toutes ks marques d'une grande arlecn'on. Aniafco Se fo compagnons leur tcmoLn.icnt auffi leur joye ; 8c de part «Se d'autre on demeura long-temps à s'embraf er. Kr.k.'re faîis que la garinkHI s in Forma 11 de )a lante de Solo l OU de l'cfiat de l'Armée , elle s'enquit 1 feulement s'il îe trouvoit beaucoup d'or dans h Pro\ inec d'Aj aîache. Tant le deiir de ce

m.ctal a de puîûancë km feiprit-des hofhirkis 9 &4ëu| &it facilement oublier leur devouv

Le voyage d'Aniafco & de ceux eai.i'ac-ëojn'pagnojeht dar^t onze jours. On en paflà deux àtraverfer i'Ocaly & le grand ma rais,.fi bien qu'en neuf on fît plus de cent cinquante lieues y qu il y a d'Apa'acnc a il riile d Hirf iga* Kîâïs par les maux que ces Cavaliqas on: fouf-fer es, on peut aifement juger'.de&peîrïês àc$ autres Jâlpagnols,- qui ont .conq.uis.le refte du nouveau monde i\ vafie dans Ton étendue, Se i\ redoutabie pour la valeur de Ls habitans. Toutefois i! le trouve des perfonucs qui joli il* lent du fruit des travaux de ceux qui on.tac* quis à la Couronne d'Efpagne tant.de ri

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Royaumes ? & qui le moquent des fatigues il s ont eues à les iubjuguer.. Comme i,s ert

jpofleefent les. biens Sans, peine , ils perdent

qu'on les a gagnez de mefme > & ÎU ie trom-r

peut lourdement.

Aniaico arrive à HHTtaa , s enquitu* les Ini

diens de la Provir.ce de Aîucoço Se de celle

ou il clloit n avoi'eut p.omt rompu la paix.

Et au ni.ime temps qu'il eut apns , qu'on >ic (arisfait de leur conduite , il renvoya

lus prifonniers avec ordre à leur Cacique de

venir au quartier, 8c d'y amener dis gens pour les vivres , 6V les autre-; choies dont

on iuy. vouJoit faire prefent. 11 îes chargea

auîîi d'avoir loin du cheval qu'on avoit laifïe dans Icijr contréei Se là-dcifus ils prirent la , route de leur pays , pleins de joye de recouvrer leur liberté. Mucoço trois jours après ¦ arriva avec le cheval , dont quelques Indiens , portoient la bride 8t la ïçUe , parce qu'ils ne le^ luy avoient pu mettre. Il embrafla avec affection Aniafco Se ceux de la fuite, il s'en-quit civilement de la fan té du General, Se les . iuppîia de luy raconter le fuccez de la conquête , les cire on fiances de leur voyage, les combats qu'il avoic fallu donner, les rencontres qu'ils avoient eues, avec la faim Se les travaux qu'ils avoient fourrerts. Quilferoit . heureux s il pouvoit obliger les Caciques du pays à rendre obcifiance aux Eipagnols, à cauie qu ils ne pouvoient jamais vivre ious une domination plus douce ny plus iliuftrc que celle d'une nation li bcîliqueufe.

Aniafco ayant remarqué cette manière o-bligeantc , dont -Mucoço les avoit reçus en comparailon de leurs compagnons , qui d'abord ne s'eftoient informez que de^richeifes que l'on avoit découvertes , il le remercia au nom de tous de l'a tre cl ion qu ils portoient aux Efpagnols , Se luy rit compliment fur le Jujet de la paix qu'il avoit confervée. Mais le Cacique repondit à ces civilicez avec tant d ef-prit, qu il s acquit l'efiimç^, ramîtie 6e l'admî-

ration de tout le monde. Mucoço pofTedoit aufll de très-belles qualités. Car fans parler des avantages du corps, iLavoit-.de la prudence,, t de la generoiité, & une certaine conduite qui charmoit les Efpagnols. C'eft pourquoy il en . efloit aymé tendrement, & ils dévoient à mon avis l'obliger avec adreiTe à fe faire bâ-tifer. Selon les lumières naturelles qu'il a voit, ils n'auroient pas eu beaucoup de peine à le convertir à la foy, Se c'eut eflé un heureux commencement. Mais Jes Chrétiens r=e vouloient pas prelcher 1 Evangile aux habi-tans de la Floride , qu ils ne l'euiient auparavant toute conquife.

Enfuite de cela, Se durant quatre jours q«£, Mucoço fut avec les Efpegnols, il fit emporter plus de cinq cens quintaux de Caçave , qui elt le pain qui fe fait a Cuba de la racine demanioque , plufieurs manteaux , facs, caleçons , haut de chauffes , fouliers de cordes, Se autres avec des cuiraifes 5 des lances ; en un-mot toutes fortes d'armes. On luv donna de plus, des voiles , des cordages , des ancres, des cables , Se autres choies pour les navires. Nos gens aVoient de tout cela en abondance , Se ils eftoient bien-aifes d'en laiCer à Mucoço Se à fes (ujets.

CHAPITRE XII. Ou exécute!?* qrdres dUGcMr.iL

LOrs que Mucoçq -eut fait .enlever ce qu'on luy Liiîloic, on rit les ordres du General, Ils portoieri: qu'Anialco prit Iqs bî^aiitihsdemeurez dans la Paye du S. Elprk, & qu'il razail la-cotte vers l'Occident > jut-ques au Golfe d Alité qu'il a; T .oit luy-mun>c découvert. Aniaico viiita donc les vaiiL il les remif en ef:a:> les remplic-de toutes jor-tes de prpvifions, C< choiiit de> gens pour 1 accompagner,- li rut llpr jours a le préparer, & comme il eue donné 1 ordre un General j» Calderon touchant ion chemin > il fit (es adieux , te mit à la voile , £e priti.. ers

le.Golfe; d Auté. Mais taillons-le . au

gré du vent. &er\ ovors de quelle racon Ai : . exécute ce v .;'i! devoir faire. On luy avoit commandé de pj '.-.dallcraux

Havanes vers deBovadilho Lise

fçavoir L c .; ail i. .• fa découverte. ,IJ cftok auili chargé de : oaires j

niais elles ne regardent pas cette 1 S:

je n eu park o-ur i\\-

agraire à ce qui luy efipit • , fuit radou-.

ber Là cafavele , il l'équipe , le met fer mer , Se arrive en peu de jours aux Havanes. Il fut reçu avec beaucoup de joye de la femme de Soto , & de tous ies habicafls de lllie , qui firent de grandes réjôiufïances , àcaule des nouvelles qu'on leur apportent, & de îa fanté du General qii/ils-çomblercRt de bcnedi5tions Se de louantes.

CHAPITRE X ï 11. *Ct qui fipdffit aux environs d'Hiïïigdcn

-:' ûbfbiUC c'.C'SutC.

DUrant le fejour de Calderon à Hirriga > Tes gens firent plusieurs jardins où ils fédèrent force raves , laitues Se autres herbes. Vs amafîercrit diverfes fêmences pour leurs befoins , au cas qu'ils s'cftabïiilent dans le pays. Les Indiens prirent auifi quelques EU pagnois , ce qui arriva en cette forte par la faute des Espagnols mefnics. Les Barbares ir au bord de h Raye du Saint Eiprit de grands lieux fermez de pierres iëichcs , •pour la p~frhç des rayes St des autres poiilons iqui entroient dans ces* endroits, lors que la vutc, & qui lors qu'elle le reti-Toit ; y dtfmcuroient prefçpe a (êc. Cette

pcfchc eftoic grande , Se les foldati de Caïde-rpn en jôùiâotem avec les Indiens. C eft pourquoy il prit un jour fantaifie à Lopés Se à Gai van d'aller pefcher fans l'ordre du Capitaine. Ils fe mirent dans un batteau , Se menèrent avec eux Mugnôs , paçe de leur Commandant. Comme ils pefchoient il arriva dans de petites nacetes quelques Barbares, •qaicii abordant dirent partie en Indien , Se partie en Ëfpàgnoi, qu'il ralîoîtque lapefche fut commune. Lopcs qui eftoit brutal leur repondit, qu'ils allaient fêrvir de proyc aux chien?, qu'ils n'avoient rien a partager avec eux ; 3e auflitbt il mit l'épee "à la main , Se bleûa un indien qui s'eftoit approche de lu y. Les autres irritez de cette inioîence , i"e jettent far les trois Elpagnols , aflomment Lopez a coups de rames , JairTent Galvan pour mort, & emmènent Mugnos j auquel ils ne firent rien en confédération de fa jeuncfTe. Quelques fôldatsde h garnilon qui n cftoient pas loin de là , attirez par le bruit, & Je doutant du détordre qui cftoit arrivé vinrent au batteau , pour donner fecours à Lopez Se à Calvan : mais ils les trouvèrent morts , Se Mugnos au pouvoll des Barbares. Ils enterrèrent Lopez fur l'heure , Se comme Galvan it encore ils le Tecoururent li i propos, <]u ils k & ent reveniraluy. Cependant ii fut

plus

plus de trente jours à guérir , Se mefme il demeura tout hébété de ies blefïures à la te fie. Car lors qu'il racontoit ce malheur il difoit quand les Indiens nous tuèrent Lopez Se moy, nous fi]mes telle chofe. Ses camarades qui fe dj-vertiiToient de its rêveries , luy repliquoient qu'il n'y ivoit que Lopez de tué, Se que pour luy il rî'eftoit point mort, mais il so-piniaflroic avec chaleur qu'il eftoit tué Se vivant tout enfemble , parce que Dieu luy a-voit rendu in vie.

Quelque temps après , les Indiens 'prirent •encore un foidat eue l'on appelloit Vin: comme il peichoit de^ :fcreviiTesdemcrda;is la baffe marée , au pied d'une foreft, entre Ja ville d'Hirriga Se la Baye du S. Efprit. Les Barbares cachez dans le bois le voyant feu! s'approcheront, Se luy dirent doucement qu'il falloit partager la pefche. Vintimiila qui les penfoit effrayer, leur repartit fièrement qu'il n'avoit aucun partage a faire. Les Indiens of-fenfêz qu'un homme feul ofaft leur parler avec tant d'orgueil, à eux, qui eftoient eux ou douze , l'enlevèrent 5c ne luy firent pourtant aucun mal. Mugnos 8e Vintimiila furent dix ans parmy eux , avec liberté d'aller ou il leur plaifoit. Mai! enfin ils feh ivererit en cette manière. Un Navire Chrétien pour-fuivy par des lujets d'Hirriga fut iurprisc e la

R

Yp4 Hijioire de h Floride.

tempefte, Se pour en eviccr la furie il fe retira à la Baye du Saint Efprit. L'orage ceifé, il fe mit en haute mer, & les Indiens recommencèrent à luy donner la chafTe. Vintimilla Se Mugnos qui îcs accompagnoienteftount feuls en un batteau , Se comme ils avoient deiTein de s'échaper , la fortune leur en pre-lenta une belle occafion. Un vent de Nord s'élève tout à coup. Lesîndicns craîgri int que s'il venoit à s'augmenter, il ne les poufi'aft trop en mer, s'efforcent de prendre terre. Cependant les deux Efpagnols s'arrelient peu à peu , & feignent qu'ils n'ont pas la force d'aller contre la violence du vent. Mais lors qu'ils virentles'Indiens éloignez, ils tournent la prouëde leur «tifleau vers le navire , rament à force de bras, Se crient qu'on les attende. Les Chrétiens à leur voix , calent les voiles-& reçoivent avec joyc ces deux Efpagnols , pour fe CGnfoler de ceux qu'ils avoient perdus.

CHAPITRE XIV.

Dcpart de la Ville d'Hhrra.

A

Prés qu'Anîafco Se Arias furent partie , l'Un pour le Golfe d'Autc, Se l autre

pour les Havanes , Calderon prît la route d'Apalaché, avec cinquante fantafîins Se foi-xante-dix lances, & arriva le fécond jour à Mucoço. Le Cacique fortit au devant de luy, il le logea dans la ville, leur fit à tous grand'-chere , 8c ks accompagna le !ende~-main jufques hors de Tes terres. Et çomtné*il fut preft à les quitter, il leur dit les larmes aux yeux qu'il perdoit à l'avenir lefperan ce de revoir le General. Que tandis qu ils a voient eflé à Hîrriga , il s'eftoît flatté qu'il revien-droit un jour dans le pays, où il auroit encore eu 1 honneur de luy offrir Ton fervîce. Mais qu'aujourd huy qu'il fe voyoit condamné à pleurer Ton abftnce, il les fupplioit de luy témoigner I affliction qu'il en avoit ; Se les embratïant après ces parole?, il s'en retourna tout chagrin à Mucrço. Cependant les Espagnols continuCrc • ' vr route , ils vinrent jufqu'au grand marais; 8c re rencontrèrent aucune choie, il ce n'eft qu il arriva une nuit que l'eftant campez en une plaire prés d'un bois , il en fortit plusieurs Indiens qui les tinrent fans cel r e en allarme. Car on ne les avoit pas plutôt recognez qu'ils revenoicnttoutcn furie. Un d'entre eux fur tout qui faifoit pa-roiitre beaucoup de hardîcfle fut attaqué par Silveftre. î . Indien fait fermed'aSord , toutefois il lkhc enluite le y<k\{ % j'Efpagnol le

IV i

lf$ Hifloire de la Floride.

poufTc, mais le Barbare qui Te voit en eftat deftre percé , fait- tefte > Se au moment que le Cavalier luy porte un coup de lance qui le jette par terre & le tue, il tire une flèche qui perce & renverfe le"cheval de Silveftre , de îbrte que le Barbare, le cheval & celuy qui eftoit defTus tombèrent l'un fur l'autre. Les Efpagnols furpris qu'un feul coup de flèche tiré de. iî prés, euft tué un cheval tres-vigou-reux, eurent la curiofité de voir au matin l'effet de ce coup. Ils trouvèrent que la flèche eftoit entrée par le poitral, 8c qu'après a-voir percé le eccur elle ^'eftoit arreftée dans les boyaux, tant les Indiens tirent fortement. Audi dés leur bas âge ils n'ont point d'autre exercice. Lors que leurs enfans commencent à marcher , ils s'étudient à imiter leurs pères ; Ils manient des flèches , 8c leur demandent des arcs. Que s'ils leur en refufent, ils en font cux-mefmes avec de petits bâtons , & déclarent la guerre aux fouris du logis. Mais ne rencontrant rien lur quoy ils puiflent tirer , ils chafTent aux mouches , 8c hors de la mai-fon ils cherchent des lézards ; & lors que ces animaux font dans leurs trous, ils les attendent cinq Se iix heures, jufqu'a ce qu'ils en fortent. Ainli par un exercice continuel ils tirent avec une adreffe furprenante. Mais puis qu'il vient à propos de parler des coups extraoïdi-

naircs de« Indiens , j'en raporteray un exenr pie. Mofcofo dans l'une des premières efear-mouches contre les Apalachites, receut au coite droit un coup de flèche qui perça-fon bufîe & fa cotte de maille fans le tuer, parcs que le coup alla de travers. Les Officiers Efpa-gnols étonnez qu'une cotte de maille de cent cinquante ducats fut percée d'un feul coup, -voulurent éprouver les leurs afin de fçavoir fî l'on s'y pouvoit fier. Comme ils furent donc dans la ville d'Apalaché , ceux qui portoient des cottes de maille , prirent un pannier de -rofeaux fort tiiTu , Se ajufterent autour une des plus belles cottes. lis deflierent enfuite un des-prifbnniers Indiens, ils luy donnèrent un arc avec une flèche , Se luy commandèrent de tirer de cent cinquante pas fur cette -cotte de maille* Au mefme temps le Barbare ayant lerré les poings, iecoué, eilendu Se plie les bras pour reveiUer fês forces y il tire -'¦ Se traverfe la cotte Se le pannier avec tant de violence,que le coup auroit encore facilement percé un homme. Nos gens qui virent qu'une cotte de maiile ne reiiftoit point au trait, en çnt deux Kir le pannier, ils donnèrent une flèche àl'Indien qu'ils rirent tirer, Se il les perça toutes Jeux. Néanmoins la fieche devant attachée Bc paiîant autant d'un cefté que dautte , kçid'k qu'elle n'avoir point

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efté tirée avec allez d adreiTe , le Barbare de*

manda qu'il luy rut permis d'en tirer un autre à condition que fi elle ne perçoit les deux cottes avec autant de vigueur que la première , il fc foùmettoit à perdre la v r e.

Les Eipagnols ne luy voulurent point accorder fa demande, & depuis ils ne tinrent conte de leurs cottes de maille , qu'ils appelaient par raillerie des toilles d'Hollande. Ara-fi ils rirent avec de gros draps des juiîe-au-corps de quntre doigts d'épainVur qui cou-rroicr.t le poitraî avec la croupe des c hevaux, 5c rdlfloiert mieux au trait qu'aucune autre eho'fe. Mais comme dans cette relation je parlcray encore de quelques coups de flèches flirprenans, je viens à Calderort,

CHAPITRE XV.

Suite de Li ntarebe de Çaldcnm & fin arrivée a* Cantp.

L Es Indiens vovant un des leurs tue , ne revinrent plus harceler les Eipagnols qrrl arrivèrent te jour fuivant au bord du grand marais, où ils demeurèrent toute la nuit. Ils te traversèrent le lendemain lai.s eftre atta-r.-.'.z lies thrrerais , &: marchèrent j. graïuieif

journées par la Province d'Acuera. Pour &1 fouiager les uns les ancres, les Cavaliers rhû. rencpied a terre aimant-mieux de crainte de fatiguer leurs chevauxdes donner aux rantaû fins , que de les porter en trouiTe, ils arri-verent enfin à Ocaly qu'ils trouvèrent aba»-donne, Se lors qu ils y curent pris des vivres, , iis tra-verierent fur des traîneaux la^rivicie > , qui paile près de cette ville. Enfuire ils entrèrent dans-Ochiié • delà, ils fc rendirent a Virachuco , puis au fleuve d'Offichilë , Se a ]<ï ville du même nom ,-d où les habîtans se-ftoient retirez. Ils y prirent des vivres, .?c -continuèrent leur voyage par un pays deier:-,.. entre Oilachilé Se- le marais 'd'ApaSaché , Sz fens que les Barbares les attaquaient qu une leule fois', ils rirent plus de cent & trente* cinq lieiiës depuis le commencement de leur route., Rilquà l'endroit ou ils le trouvoierr, P'ft.nt arrivez au bois qui borde le marais, ils campèrent toute la nuit en une plaine \*oiiinC Se s !a pointe du jour, <<$kime .i's curent marché par 'c Jeiilé le mirent dans l'eau , ibavaii^ cerent j'iikfu'au pont Se le racommoderent. J.cs gens de pied pafférent deiïcs iâns que linnemy s'y op.po'aft , fc ceux de hhéi vM traverLr jnt heureuiement a la nage le 1 . Enkntc Calderon donna Tes ordres pour franchir ce qiu.iCi.toit dtt

«2-eo Hiftoirc de Li FîoriJe.

marais. Il commanda à dix Cavaliers de met-' tre derrière eux cinq arbalétriers, avec autant d hommes aimez Jerondachc s,Scde Te iaihrdu i n qu ici j ttre cote. Vs le mettent

donc en cRat de traverfer l'eau , & de gagner promptement le bord. Les Indiens en embul-cade forcent aiMneime temps , ils les attaquent -arec de grands cris, les couvrent de flèches, -. tuent le cheval d'Àlvar & en blelTent cinq \ autres. Le refte épouvanté du bruit", Scdcs-. coups des Barbares regimbe , fe cabre , prend le mords aux dents , rebroufîe Se jette dans l'eau ceux qu'ils portoient en tiVuTe., & qui eiloient preique tousblefîez. Car lors que les chevaux retournoient > les Indiens voyoient à plain les fantailms , Se les choiiiflbient. Us le mirent meime en eftat de les v-nir égorger dans l'eau , appel krent leurs compagnons pour les ayder, Se pour efhe témoins de leur victoire. Cette attaque eftorï- -na auiïl les Elpagnols, leurs chevaux fe trou-voient hors de cqÇjta* , iJ Je falloir battre dans le marais , ils fe voyoient en defordre , i'ennemy rbndoit fur eux ; tout cela leur hz upprehcnder.dcfhe tous taillez en pièces. Les -Barbares au contraire qui iremarquoient Je trouble des noltres devinrent plus-iniokhs , & redouble rent 1ju:s efiurts cenue ceux qui ctioieiiL daui I ---

Sur ces entrefaitesVillabo & d'autres vaii'ans foldats s'avancèrent au fecours de leurs compagnons , Se faifant tefie aux Indiens ils arrêtèrent leur furie- Cependant les autres Barbares de lacontree avertis que les Chreitiens eftoient en déroute, accouraient pour prendre part à la victoire.

A la gauche des Efpagno's, qui traversent le marais , venoit une grcllc troupe ce Barbares, Se quelques vingts pas devant marchoic un Indien avec des grandes plumes fin fa tefte, veftu fuperbement à la mode du pay?. Ce Capitaine voyant que les Efpagnoîs s appro-choient, voulut fe iaiiir d'un eros arbre , qui eftoit également diftant deux Se de luy, doù il les auroit fort incommodez. Comme Sil-veitre eut reconnu ion defftin , il appelle Gai van qui accourt, ils gagnent 1 arbre avant le Barbare, qui de rage leur lâcha trois flèches ; le bouclier de Silvcflre le reçut, Se reilfta à la violence des coups , parce qu'il eftoit mouillé. Galvan qui avoit ordre de ne tirer que fur cet Indien , attendit qu'il fui à la portée de Ion arbaleitc , il prie de forte fon temps, qu'il luv donna au milieu de la poitrine 8c le perça, à caufe qu'il n'eftoit couvert que d'une petite peau* Toutefois il ne fut pas renverfé du coup, il fit fculem pirouette , &: S'écria que ces tf

tiens lavofent rué. On entend auiTi-tôt im grand bruit, ce ne iont que cris & hùrkmen* parmy les Barbare?, lis accourent à leur Capitaine , le prennent entre leurs bras , le pafîcnt de main à main , Se l'emportent par où ils eitoient venus.

À la droite de nos eeuss'avançoittouten furie,une foule d'Indiens vers lefquels ManalTes, accompagné de dix autres-marcha pour leur faire telle. I es Barbares les chargèrent ver* tentent, 8* bleflcrert Manafles aux cuifes au défaut defon bouclier,& ïesquatrescoups de flèches qu'il luy tirèrent en cet endroit furent û rud< s qu ils k renversèrent dam l'eau. Cinq Je k s-compagnons eurent le mcfme malheur. Les Indien- animez par cette action* & dans l'efperance de remporter la victoire , firent de nouveaux étroits rour achever dç vaincre. Les Espagnols alors réduits à lane-çeflîté de combattre pour 'eur vie fe deîten-drient en lior?. Cependant !e bruit court pamiy les Barbares , qi e leur Capitaine eft b'efT. a mort , c< ' ntneerent a fe re'à-

chc r peu a neu ^ à fe battre en retraite. N• te gi:^< v rejoignirent auiîl-tcten très-bon ordre , & pour ne pas perdre loccafion que là fortune leur présentoir, ils pouflèrent Fen-ncinv , le jetterent dans ] c dcfiîé qui efoit a l'autre bord du niaraii , 3c fe rendirent fam

peine maiitres de l'endroit de laforeft, que les troupes avaient ouvert en pailant. Les Barbares qui l'a voient fortifié, & qui s'y eftoienr retirez l'avoient abandonne à la nouvelle de -la bleilure de leur Chef. LesEipagnolstà logèrent dans ce lieu qui efloit dun -abord tres-dimcile & fort aile a'garder. Ils y pafTerent la nuit à panier les blelïèz qui erVoienteft fort .grand nombre, &-furent toujours àFcrte-à caufe de^ cris continuels des ennemis. Comme il fut jour ils fe mirent en chemin, & me--nerent les Indiens battant , jusqu'à une autre fore ft d'environ deux lieues de tvaverfe. Dans ce bois qui n'efteit pas li ferreÇ|de celuy que l'on avoit paffe, les Barbares avoient fait de cofté & d'autre du chemin de bonnes paliifa--des, d'où ils Broient & attaquotent avec tant d'ordre, que lors qu'un des rangs donnoit , l'autre ne fj battok point , de crainte de le blefler de leurs propres arihes. LesElpagnols traverlerenr epurageufement cette foreft, & curent vingt blelîez , fans que jamais ils pu£ (enz tuer aucun Indien. Ils croyaient mefme .beaucoup faire, que de fe garantir de leurs coup<. Apres ils entrèrent dans une va (le ça j les Barbares craignant la

Cavalerie , n afere»t ny tes attaquer, ny les attendre. Et au bout de cinq lieues, comme les blciTez fe trouvèrent ordinairement fati-

guez , nos gens campèrent dans une plaine -, Bc la nuit les ennemis fondirent de toutes parcs liir eux. Alors les Cavaliers s'avançoient pour leur faire tefte , & donnoient vigoureu-f fèment dans le plus fort des Barbares qui fe battoient en retraite , & tâchoient de percer les chevaux , toutefois ils n'en bleïTerenc qu'un feiîl. Prcfque toute la nuit, ils ne firent que crier aux Efpagriols , qu'ils avoient égorgé les autres , qu'ils les avoient mis par quartiers, & an.ichez aux plus hauts arbres, qu'ils feroient d'eux, la mefme choie avant qu'its -arrivaflertt où ils fouhaitoient. Qu'ils n'e-ftoient pas afe. lâche* pour fouhrir leur tyrannie , & s'ils ne fortoient du pays, qu'ils les ' mettroient toiis en pièces.

Lors qu'il fut jour nos gens fuivirent leur roure , &r arrivèrent à un ruiiTeau profond , & d'autant plus difficile à traverkr qu'il eftoit à l'autre bord fortifie de palitlades. Calderon envoya reconnoiftre le palTage, Se s apprefta pour donner. 11 commanda à trente Cavaliers -de mettre pied à terre, d'aller l'cpée à la main Se la hache à l'autre arracher les pieux. Que ceux qui eftoient le moins en eftat de combattre fe milieu: au milieu avec l'attirail , & lc^ mieux* armez à la '^ucuë , arin que de tous •codés ci: p :: "nemy.Ils entrèrent

•en cet ordr> ' jui eftoit au de-

vant

vant du ruuTeau. Comme les Barbares les virent engagez en un lieu où les chevaux ne pou voient fervir , ils ie mirent à faire de grands cris, Se à les charger avec tant de.fureur , qu'ils les croyoient tous tailler en pie-ces. Nos gens reiblus de palier , ou de mourir arrivèrent tefte baiiîée aux tranchemens, JLe combat fut opiniaflré ; néanmoins mal-~gré la refiftance dés Indiens , iis gagnèrent les paliiTades, Se les coupèrent à grands coups de haches. Il y eut quelques bîeiTcz & un cheval de tué. Ils marchèrent eniuite par la plaine , fans que les ennemis les attaquailent, excepté lors qu'il fe renconcro.it fur leur chemin de forts buifTons. Car les Indiens e fiant en embufeade ils fondoient à lîmprovifte fur eux , Se crioient 'qu'ils les extermine.roient comme ils avoient fait les autres. Les Espagnols commencèrent à s^èftenner de ces menaces, parce que de la ville d'Apalachc, d'où l'on pouvoit aifement entendre le bruit, il n'en fortoit nul iecours -, Se melme ils ne voyoient aucune pifte de cheval. Toutefois ils avancèrent au petit pas vers la place* où ils entrèrent au Soleil couchant, Se quel, •ques jours après il y mourut douze de leurs blelfez , entre autres Manaiïe's qui eftoit un ,-brave Cavalier. Caideron 3e fes ioldats furent rtcùs de toti-

ÎO? Wftoire de U Floride]

te l'Armée avec d'autant plus de joye qu'on les croyoit morts. Car les Barbares venoient tous les jours crier à nos gens qu'ils les avoient tuez en chemin , ce qui paroitfbit vray-femblable, parce que le General s'eftant vu en grand péril avec neuf cens hommes dans ces pafïages > il eftoit aifé de croire, que Calderon avec fix vingts s'y eftoit perdu. Mais comme le General fe vit heureu-fement trompé, l'on ne peut s'imaginer la fatis faction qu'il eut de recevoir Calderon 8c fes compagnons. Il les embrafla tous plu-fieurs fois , Se s'informa obligeamment des particuliarites.de leur route. Il loua avec affe-.ction , il parla de leur fatigues & de leur courage y Se commanda que l'on euft grand foin des bleffez.

CHAPITRE XVI.

Découverte de la cvfie.

T Ors que Calderon arriva dans la ville *-* d'Apalaché, il y avoit iix jours qu'An iaf-"co y étoit, ayant débarqué à Auté fans avoir fait aucune rencontre digne d'eftre écrite. Il eftoit heureufement abordé à ce port,parce que pour le luy affiner, on y avoir envoyé

douze jours avant fon arrivée deux compagnies, lune de Cavalerie Se lautred'Infanterie. Elles eftoient relevées de quatre jours en quatre jours, Se pendant leur fejour au port elles arboroient leurs drapeaux , afin qu'on les découvrit de plus loin.

Aniafco qui les apperçût vint aborder à Auté , eu après avoir mis en feureté deux vaiiTeaux, il prit la route du Camp avec ceux qui avoient ordre de l'efcorter. Mais lors que Calderon y fut arrivé , Se que les Efpagnols fe virent tous enfemble, ils crurent qu'il n'y avoit aucun danger qu'ils ne furmontafTent.Ils furentdonc toujours dans lajoye,&pafTcrent agréablement leur quartier d'hyver. Cependant le General qui s'appliquoit tout entier à la découverte du pays , fit appeller Maldo-nado Capitaine vaillant, Se qui avoit bien fervy dans toutes les rencontres. Il luy commanda de laifTer le foin de fa compagnie à Gufman Se daller au Golfe d'Auti. Que là il prendroit deux brigantins que l'on y avoit lailTez. Qu'après il fuivroit la coite cent lieues vers l'Occident. Qu'il remarqueroit exactement les Bayes, les Havres Se les fleuves, Se en feroit une fidèle relation , que cette découverte pourroit eftre extrêmement importante , Se qu'il luy donnoit deux mois pour ce voyage.

S 2.

Maldonado fe rendit donc au Golfe d" Auté, & lors qu'il eut rafé la cofte , il retourna dans !c temps preferit. ïïraporta qu'il avoit décou-\*crt à foixante licuës du Golfe un port que l'on appelloit Achuffi. Que ce port eftoît très-beau, a l'abry de tous les vents, capable de contenir plufieurs navires 8e d'un fi bon fond,qu'il eftoit aifé de s'approcher de terre, 8c d'y fauter fans ayde.il amena de là deuxlndiens qui e(k)ient parens, & dont l'un eftoit Ca-cique. Mais il les prit d'une manière fort mal-honnefte. Comme il fut aborde au port, les habitans le reçurent civilement, ils le prie* rent de <iefcendre, & qu'on luy donneroit des vivres.Maldonado qui nefefioit peint en eux, n'ofa accepter leurs offres. Mais les Indiens reconnoiilant fa défiance , firent les premières démarches pour luy ôter fes foupçons. Ils vinrent dans les vaiiTeaux deux à deux, quatre à quatre luy rendre vifite, ils luy apportèrent ' les provifions dont il avoit befoin , & peu à peu les tfpa^nols fe raffeurerent & fondèrent le port. Ènïuire après avoir pris tout ce qui leur eftoit necefTaîre , ils hauiTcrent les voiles., & fe mirent au large avec les deux Indiens , qui fe fiant aux marques d'amitié que l'ons'cftoit données départ & d autre, ru4 jentjachçment trains.

C H AP I T RE XVII.

On -envoyé aux Havanes une relation de la dé couverte,

Y' : Es Efpagnols apprirent avec ioyê la dé-A , couverte du port (TAchuiîi & de toute la cofte. Il leur fembloit qu'ils pourroienf enfin s'habituer dans la Floride. Que la princi-. pale choie confirmant à rencontrer un port$ ils en a voient trouvé un où les vaifTeaux pour-roient aborder , avec toutes les choies nece£» irises à un 'eftabliffement./ C eft pourquoy Maldonado reçût ordre d'aller avec les deux brigantins aux Havanes vers Bovadilla , luy raconter le détail de ce qui s'eftoit palTé, 5g en porter la nouvelle à toute Tille de Cuba* On luy commanda aulïi qu au mois d'Octobre * prochain de l'année mil cinq cens quarante & un , il le rendit au port d'Achuffi avec les brigantins , la caravele d'Arias , 8c quelques vaiiTeaux chargez demoufquets, de . plomb , de poudre, Se de toutes lbrtes de munitions. On luy avoit de plus ordonné de ramener Arias , homme de bon conieil 8c de

— ~ M'

¦* Qa eftoa alors lui la ùa de février i s<»oj

s 3

grande conduite dans la guerre. Le Gcncri avait donné ces ordres , parce qu'il croyoit qu'au-temps-marqué a Maldonado , il aurait de fon cafté découvert le dedans de la contrée , Se pris toutes Tes mefures pour s'y établir , & qu'après il le rendrait au port d'A-chuiTi. Mais, auparavant il Falloir fe faiiir de ce port^ car dans la penfée de s'habituer dans la Floride', c'eftoit une choie dont abiblumciit on ne fe pouvait palier.

Maldonado partit donc du Golfe d'Auté, Se fe rendit .auxHavancsjoù pour les^bonnes nouvelles qu'il apportoit,&ion bonheur dans tourtes fes entrepriies, ii fut bien reçu de la femme •lu General 8e de toute. l'Iile. Après en envoya donner avis du fuccez de la découverte, ee-ne furtnt queréjoùuTances Se que vœux en faveur de Soto. Les riches meimes en parti-, culicr contribuaient de toute leur force à Tes clcffeins. Ils envoyoient, ou ils apportaient ce. qu'ils avoient de plus précieux , parce qu'ils en efpesoient quelque recompenfe j Se tru'ilsvoul oient montrer qu'ils prenoient parc aux intérêts de leur Gouverneur. -Mais tan-, «lis que les habitans de 1 IUe feront leurs prepa-^ xatifs, revenons au peuple d'ApaUçhç,

C H A PI TR E XVIIî, Hardiejfe d'an Indien*

ANtafcô monta un jour à cheval luy fep*-ticfme,¦& s'eftant promené par les rués d'Apalaché avec fes compagnons,- il leur prît à tous fan taille- de faire !e tour delà ville par dehors. Comme ik-n avoient pas deflèïn de s'en éloigner beaucoup , à caufe que les Barbares fe mettoient en embùfcade derrière les buiiTons ; Se que la campagnen'eftoit pas feu-re, ils lortirent lans autres armes que leurs épées, hormis Pegado qui portoit une lan-ce. Pendant qu'ils marchoient au petit pas > & qu'ils s'entrecenoient agréablement de' ai* verfes chofes , ils apperçûrent un Indien avec fa femme qui cueilloient des feverolles dans une plaine près d'un bois. Ils-piquerent auiîi-toft droit à eux, Se la femme tout éperdue nc.pouvant fuir, l'Indien la prend, remporte dans la forcit*, la jette.contre le premier buiflon, Se la pouffe de force plus avant* Apres au lieu de il- lauver avec elle, il retourne hardiment où il avoir laiffé /on arc , Se s'avance contre les Cavaliers avec autant de re-folution, que s'il n'en eut qu'un à combattre.

zii Hiftûire de U Floride.

Les EfpagnoJs furpris de cette action , Se croyant qu'il y auroir de la honte à fepthommes d'en tuer un , voulurent feulement le prendre. Ils fondent fur Juy lîpromptement, qu'il n'eut pas lé temps de tirer une feule fois; ils le renverfent, le tiennent à terre> luy crient quartier & qu'ilfe rende. Mais plus ils le preA fent , Se plus ii fait patoi/tre de cœur. Car tout abbatu qu'il eft, il les blelTe tous aux jambes , Se pique avec fes flèches le ventre de leurs chevaux. Enfin il sechape une fois d'entre leurs pieds > le relevé , prend fon arc à deux maius, Se en donne un li rude coup fur le front de Pegado , que le fan g luy en coula le long du vifage, Se en fut tout étourdi» Ce Cavalier en coiere de fe voir ainfi traite > poulie fon cheval fur le Barbare , luy porte quelques coups de lances, l'atrape à la poitrine , Se le renverfe mort à Jes pieds. Les Espagnols viliterent au mcfme temps leurs chevaux , & trouvant qu'ils eltoient tous biefTez légèrement y ils reprirent le chemin d'Apalachc, honteux quun.feul homme leur eu# donné.tanc de peine.

C H A PITRE XIX.

On s'offre de conduire leslfpagncls en des endroit* , oit l'onpenfe qu'Hj a de 1er o" de l'urgent.

DUrant le quartier d'hyver des Efpagnofc dans Apalaché , Soto reiolut d'aller vers les contrées de la Floride qui regardent l'Occident. G'eft p>ourquoy il s'informoit des Indiens qui fervoient dans Ton Armée, & dé ceux que l'on prenoit tous les jours, s'ils n'a-voient aucune connoiifance des régions Occidentales du pays. Sur ces entrefaites onluy amena un Barbare d'environ dix-fept ans, qui avoit eflé à des Indiens , qui alloient fort a-vant dans la Floride troquer des marchan-difes. Car la monnoye n'eftant point en ufa-ge parmy les peuples de ces contrées , ils ne font que des échanges. Le General réjoui dé cette rencontre , fit interroger ce jeune garçon , touchant les endroits de la Floride qu'il defnoit découvrir ; Se il luy repondit qu'il connoifToit feulement les Provinces où il avoit accompagné les m.iiftres ; Se.qu'en douze ou treize-jouis, ii y conduiroit les troupes. Le General le mit auffi-tôt entre les mains d'un fpldat, avec orure de prendrç

carde qu'il n'échapaft. Mais bien loin de s'enfuir , il s'accommodent tellement à l'humeur des Chrefliens, qu'il témoignoit n'avoir point-de plus grand plaifir que de vivre parmy eux. Il en prit aui'fi toutes les manières, & on l'eut cru un véritable Espagnol.

Peu de.jours après laprifede cet Indien, on en atrapa un autre qui le connoifFoit ; Se qui confirma ce qu'il avoir dit. Il s'offrit mefme de mener nos gens aux Provinces où il avoit efté, qu'il aiTeuroiteitre d'une tres-vafte étendue. Mais comme on luy demandoit.fi dans ces quartiers ii ietrouvoit de l'or , & de l'ar* gent, & des pierreries, & qu'on luy montrôit de toutes ces choies pour luy faire comprendre ce qu'on vouloit içavoir de luy, il témoigna qu'en Cofaciqui, il y avoit un métal fem--" blable au jaune , 5c au blanc qu'on luy faifoit voir. Que les Marchands qu'il fervoit achetaient de ce métal & en trafiquaient en d'autres contrées. Que mefme oiï rencontroit en Cofaciqui une tres-grande quantité de perles; & là-defïus il en montra une parmy les pierreries qu'on luy prefentoit. Les Efpagnois pleins de joye de ces nouvelles, ne fongerent plus qu'aux moyens,d'aller en Cofaciqui, & de fe rendre maiflres des richeiks de cette Province.

livre troijîé me. 2i'f

CHAPITRE XX.

De quelques combats particuliers >&defe fertilité d'Apalaché.

T 7 X jour , un party de cinquante fanta'C ^ iins » & de vin^t Cavaliers fortît du Camp, pour chercher du gros millet a une rlieuë 4^ là, où a leur arrivée ils en cueillirent autant qu'ils avoient befoin. Ils tè mirent a-pres en embufcade pour prendre quelques Barbares, & cotèrent une fentinelle en un endroit élevé. Elle l'avertit prefque auffi-tôt qu'il paroiiToit un Indien, qui jettoit la vue d'un cofté Se. d'autre, commes'ileuteudeifein de découvrir quelque chofe» Sur cet avis Diego de Soto un des braves Cavaliers de l'Armée , piqua pour attraper le Barbare, qui d'abord tenta de s'enfuir. Néanmoins venant à confiderer que le cheval luycouperoit chemin , il gagna un arbre , refuge ordinaire des Indiens ; il appreftefon arc , 8c attend de pied ferme que ion ennemy fut à la portée du trait. Comme Soto eut vu qu'il ne pouvoit avancer jufques fous l'arbre , il paffe auprès, Se porte un coup de lance a 1 Indien , qui ne l'eut pas plutôt paré, qu'il tira Se perça le cheval de

1 Efpagnol avec tant de violence . que depuis ':'¦ \ marcha qu'environ vingt pas en bronchant , & tomba mort.

Sur ces entrefaites arrive Veîafques qui fui-Voit- au petit galop pour -fecourir Soto y & lors qu'il apperçùt ie cheval de Ion compagnon tué, il preiTe le Tien , avance droit au Barbare Se luypouiTe un coup de lance. L'Indien après l'avoir encore paré , tire & tue le cheval de Veîafques. Ces deux Efpagnols auffi-tôt courent la lance en main fur le Barbare qui gagne le bois, tourne quelquefois la tefte en (ê retirant, leur dit avec une fierté melpri-fente qu'il le falloit battre à pied ; Se que l'on verroit à qui demeureroit la victoire. Il Rechapa ainli des Cavaliers à ion honneur ,¦& les laifla au dcfefpoir d'eftre maiheureufement démontez. Le party reprit en fuite le chemin du Camp , fâché de ce qui eftoit arrivé à leurs camarades.

Peu de temps après-cette action Rodriguez Se Yelvesfortircnt à cheval d'Apalaché, pour cueillir du fruit en une foreft prés de cette ville. Efbivr arrivez , ils mirent pied a terre, & montèrent au haut des arbres ; dans la p-nfee que le fruit y eftoit meilleur qu'aux branches d'en-bas. Les Indiens en embufeade les apperç firent Se coulèrent doucement pour les furf rendre. Yelves qui les vit fe ietta en

bas

bas de l'arbre , où il s'eftoit mis, Se îlsîuy tirèrent une flèche qui le renverfa tandis qu'il xouroit a Ton cheval. Le coup prenoit à l'épaule , Se pafToit au travers de la poitrine. Pour Rodriguez , ils le.tirèrent fur 1 arbre comme un oileau % & l'ayant fait tomber dit troffiéme" coup , ils luy enlevèrent le teft, -qu'ils emportèrent pour marque de ce qui s'en-oit pane. Yelves ne fut point traité air il, "ii vint des Cavaliers à fon iecours, auiqnels après avoir raconte en peu de parole- (à IiU .grace, il demanda un Confe fleur , & expira. Les chevaux d Yelves Se de Rodriguez, eftant épouvantez du bruit des Barbares, ils prirent la fuite vers le Camp. Les foldats qui avançoient, Se qui les rencontrèrent, s'au-- perçurent qu ; il y en, avpit un de bielle a une jambe de derrière- Toutefois, parce que la bleflure n'eftoit pas plus grande que celle d'une lancette, iis négligèrent de la faire panier, & le lendemain on trouva le cheval'mort. Les Espagnols furpris qu'un coup fi léger eut produit un tel cit.:, tirent ouvrir le cheval par 1 endroit où il cftoit bleiie ; Se (ûivant la trace de la flèche ils rencontrèrent qu'elle a-voit entièrement pt rec lacuinY, & eiroitpaf-fee au foye. je raporte c-.s particularités, pour faire connoiftre que durant le fejour des troupes dans Apalacbe, les Barbares les atta-

T

querent courageufement, Se ne perdirent aucune occafion de les mal-traiter. Les peuples

• de ces quartiers font braves Se fiers, toujours à Terte, Se toujours prefts à combattre. On raconte encore cecy de leur courage. Corn-me les Elpagnols dans la Province d'Apala-ché mangeoient quelquefois de petits chiens* à caufe qu'ils les trouvoient à leur gouft ; fept Cavaliers fortirent du Camp pour en chercher y Se furent apperçûs de cinq Indiens qui les attendirent de pied ferme fur la route. Ce? Barbares les voyant prés d'eux,firent une raye à travers le chemin , Se leur dirent que s'ils la pafïoient, ils les tuëroient. Les Cavaliers qui Te moquoient de ces menaces avancèrent; & auiTi-tot les Indiens leur tirèrent quelques

* flèches, dont il y eut deux chevaux de tuez, Se deux de blefTez avec un foldat. Mais il ne demeura qu'un Indien fur la place, les autres fe

- mirent à fuir Se echaperent, parce qu'ils font fort vîtes. Les peuples d'Apalache n'eftoient pas contens d'eicarmoucher contre ceux qui s'écartoient. Mais ils attaquorént jour 8c nuit l'Armée, fans en vouloir venir à une bataille , ils fe cachoient dans les bois., & ve-noient fondre dans les troupes qu'ils s'etfor-çoient de défaire.

La Province d'Apalachc abonde en millet» citroûiles , 5; autres légumes. On y trouve

auiîî cliveries fortes de prunes & de noix, avec une telle quantité de glands qu'il fe perd au pied des arbres, à cauie que les Indiens ne nourr'ifTent point de troupeaux. En un mot, le pays eft fi fertile , que les troupes durant cinq mois -d'hyver y eurent des vivres en a-bondance •> Bc mefme pour en avoir elles ne s'éloignèrent jamais de plus d'une lieuë du quartier. Néanmoins, outre quelque 350» chevaux ils faifoient prés de quinze cens hommes fans conter les Indiens de fe^vice. Il y a d'ailleurs dans la contrée plufieurs meu-riers blancs , des pafturages fort bons , des eaux excellentes , des eftangs pleins de poif-fon , des marefts remplis d'herbes , dont" là fleur eft bonne pour le beftaii, 5c feule capa» ble de le nourrir.

Tin du troifcme Livre ds U Floride}

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Tz

HISTOIRE

DE LA

ELORID E.

LIVRE IV.

Avantur.es des Efpagrtols en diverfes Provinces.

CHAPITRE h

Départ d'Apahcké.

M

\ Pre'.s qu'on eut dépéché Maîdo-

les vivres

î^nvp na 4° aux Havanes , pour le MSÂ&*$. & d'autres chofes necciTaires aux troupes ; le General partit de la ville d'Apa-laché fur la fin de Mars de l'année mille cinq cens quarante, Se prit fa route vers le Nord. Il marcha trois jours fans eftre attaqué des ennemis , & logea dans un village prefque fer-,

livre quatrième, 211

méd un marais, qui avoir, plus de cent pas de large ; Se où on enfonçoic jufqu'au defilis du. genou. Toutefois , comme dans ce marais il y avoit des pièces de bois en travers , on le parToic aifément j 5c de là fans peine y on a-. bordoi: au Bourg iitué fur une hauteur, d oit on découvroir pluiieurs villages ça & là dans une valèe agréable. Les troupes fejournerenç trois jours dans ce Bourg , qui eftoit encore de la dépendance -d'Ap'alachév Durant es temps cinq gardes du General forcirent' dit quartier avec Aguilera & Moreno y pour re-* eonnoiitre les villages de la contrée. Les Gardes portoienc chacun une halebarde^ Se-ies'autres leur épee. Aguilera avoic auiTi uner rondache , Se Moreno une lance. -Ils paife* rent en cet erat le marais Scie coin d'un bois> Se entrèrent dans une plaine femée de gros millet, ou a quelque deux cens pas du Camp ils furent attaquez par les Indiens. Ils crient auiTi-tôt aux armes, le ioldat qui les entend fort du Bourg, fe jette dans le marais pour ne pas perdre le temps à chercher le paflage ? Se court-en hafte aufecours. Neamoins quelque diligence que l'on lift % on trouva les gardes tuez de dix ou douze flèches, chacun au travers du corps , Se les deux autres tres-mal-traïttez. Moreno avoit à la poitrine un coup oui juy paflbic à l'épaule , Se il expira

T 3

HZ lliflolre de la Floride .'

lors qu'on le panfoit. Agirilera qui s'efloic courageulement battu , avoit les cuilTes percées de deux flèches, le corps noir de coups & la tcfle bleiîce. Car les Barbares qui n'a-voient plus de quoy tirer,p rirent la rondache, Se luy en déchargèrent de iî rudes coups, qu'ils luy découvrirent le tcft jufqu'aux four-cils. Mais comme il eftok jeune & robufte il n'en mourut pas. Cependant les Indiens apperçoivent le fecours , Se le (auvent li promptement, que l'on ne peut connoiihc Jeûr nombre. On fçût tourefois d'Aguilera qu'il y avoit plus de cinquante hommes, Se quelque temps enfuite on apprit en cette lor-te la manière dont la choie s'eftoit pailce.

Des Elpagnols demandant un jour par raillerie à Aguilera , s'il avoit conté les coups de baftons qu'il avoit reçus ; &: ii pour s'en van-ger avec honneur, il ne vouloit pas défier les Barbares de fe battre feul a feul contre luy, il leur repondit, que les coups eftoient tombée (i drus fur ces efpaules, qu'il ne les avoit pu compter. Qu'à l'égard du mal qu'ils luy avoient fait, ils en pourroient dire un jour éks nouvelles , 'quand ils feroient entre ks mains de; ennemis. Que néanmoins pour leur faire connoîftre de quelle manière Ion malheur eftoit arrivé; ils fçauroientque pluficurs Indiens les avoient rencontrez «dans une plat-

ne. Tes camarades Se luy , Se que les ayant va feulement fept à pied, ils s'eftoient détachez du gros en pareil nombre, s'eitoient avancez vers eux , Se les avoient chargez vigoureufe-ment y tandis que les autres demeuroient fpe-ctateurs du combat. Que les compagnons non plus que luy, n'ayant ny arbaîefte ny moulquet pour les repouiTer, les fept Indiens, les avoient approchez a leur aife , 8c avoient tiré fuc eux comme iur des beftes priies dans des pièges ; qu'enfin ils les avoient mis en un eftat pitoyable. Que- toutefois, puis qu'il n'a-voit pas perdu la vie, il leur pardonnoit les outrages qui's luy avoient faits ; Se que de crainte d'une autre dilgrace il ne fongeoit point X les deiier, leur confeii'ant mejme à eux qui lerailioient, de ne point fortir du Camp fans armes, de peur d'eftre mal-traitez, Se dt fer-vir à leur tour de divertiffément aux autres. Ceux qui écoutoient Aguilera demeurèrent iurpris j car ils nauroient jamais cru que les Indiens euiTent ofë le battre en nombre égal contre les Efpagnols. Mais cetze rencontre leur fit Qpnnoiûre la hardieife de ces peuples, qui n'apnercevant point de chevaux, le rient f\ fort en leur courage , qu'ils s'imaginent ne le céder ny en valeur, ny en adreile aux plus braves des Chrcfliens.

'25-4 Hiftoifeds Lt Floride.

C H A P ï T R ;E II.

Arrivée dans U Province fPAftafaki V d'Achalaqué,

s E Gênerai partît d'Apalachc, Se fc ren-dit far [a frontière de la Province d'Alta-paha. Il fut la reconnoiftre luy-mefme avec jent cinquante hommes > tant de Cavalerie que d'Infanterie j Se entra le troiliéme jour de fa marche dans la première ville delà contrée. La pluipart des habitans s'eitoient retî-rezde cette place , de forte que l'on n'y en prit que iî'x , dont il y avoit deux Capitaines quieitoient demeurez ; afin,de faire fuir les derniers.

On les mena au General pour avoir quel-» que coimoilTance du pays. Mais à peine furent-ils en la prefence, que ces Chefs Indiens luy demandèrent hardiment s'il venoit faire guerre , ou traiter alliance $ Se il leur fit dire cu'il ne demandoic que la paix avec quelques livres pour palier outre. Ils repondirent t ; ii'on ne devoit point les arrefter, que la demande qu'on fiilbit citant raiionnable , c

>:t accorde lans difficulté , 5c que mefm* par coûte laProvùicc.onrvCCvroitùvorable*.

ment les troupes. Ils dépêchèrent deux de. leurs gens vers le Cacique , pour l'avertir de tout ce qui fe pafloit, Se. leur ordonnèrent de dire à ceux qu'ils rencontroient de ne point harceler les Efpagnols , &. de fe faire fçavoir-les uns aux autres que ces peuplestraverioient feulement la contrée fans y faire degaft. Le. General qui fe fît interpréter cette ordre , commença aefperer que tout reiiiiTiroit fcîon fon defir ; Se commanda qu'on mift les deux Officiers en liberté&:«qu'on les regaîaft. Cependant les Indiens avec le General, luy con-? feilcrent de rebroufTer chemin vers un Bourg meilleur que la ville où ileftoit, & s'offirirent de l'y conduire par une route agréable.

Soto fe laûTant periuader envoyé fes ordres au Mettre de.Camppour fe rendre à ce Bourg, il y marche en diligence avec ce qu'il avoir do troupes, Se y eft reçu avec de grands témoins de joye.Le Cacique averty de ces cho» fes vint laitier le General, qui parut fort réjoui de fa Venue y Se les habitans qui s'en eftoient fuis retournèrent dans leurs maiibns. Suc ces entrefaites le refte de l'armée arriva , une partie fe logea dansTe Bourg & l'autre dehors, & durant trois jours qu'elle y fejourna , ils vécurent paifiblement avec les Barbares. Après , ils marchèrent dix jours, en montant le long de la rivière, où ils virent de beaux

meuriers, 8c remarquèrent que la contrée eftoit fertile , Se le peuple doux 5c fociable 0 Si bien que gardant inviolablementlapaixde part Se d'autre, les Indiens ne reçurent aucun -déplaifîr, parce que l'on te contenta feulement \ de ce qui étoitneceiTaire.Enfuite les Chrétiens partirent d'Altapaha, & entrèrent en Achala-qué Province pauvre & fterile,où l'on ne trou-voit que des vieillards , dont la pîufpart avoient la vue baffe > ou eftoient aveugles. Comme on jugeoit cki nombre des jeunes gens par. celuy de ces vieillards , Se qu'au pavs on ne rencontrent point de jeuneffe , les Kfpagnols crurent qu'elle s'sftoit cachée , Se qu'elle les attendoit en embufeade. Mais après qu'ils s'en furent informez avec foin , ils apprirent qu'il n'y avoir rien à craindre, & qu'effectivement il ne fe trouvoit point de jeune* gens en Achalaqué; ce qui les furprit encore d'avantage. Néanmoins ils ne fe mirent pas en peine d'en (ça voir la caufe, Se ne longèrent qu'à fe rendre à Cofaciqui, où ils efperoient tous de s'enrichir. Usfaifoicntauf-fi de grandes traites, Se comme le pays eft beau , lans rivière , ny foreft , ils le traver-ferent en cinq jours. Lors que le General partit d'Achalaqué , il donna au Cacique entre pluiieurs choies deux cochons. Il avoit Ùit le meune prêtent au Seigneur d'Altapaha,

-~& à quelques autres avec leiquels il avoit fait alliance 5 car il avoit mené dans la Floride plus -de cent de ces animaux, qui durant tout le voyage fervircnt en diverfes rencontres. Mais l parce qu'ils s'efcartoient queîquesfois fur le • chemin, & que le General donnoit toujours autant de nulles que de femelles, il eft vray-femblable que fi les Barbares ne les ont tuez - en haine des Chreftiens , il en doit avoir aujourd'hui' beaucoup dans la Floride , qui-eft un pays très-propre pour les nourrir.

C H A PI T RE Iiï.

Du Cacique de Cofa*& de fa Vrovineel

LOrs que le General païTok dune Province à l'autre , il avoit accouftume d al~ ter luy-mefme à la découvrte, ou d'envoyer avertir de fa venue. C'efl pourquoy il dépêcha vers le Cacique de Cofa, pour le portera faire alliance , •& il l'aifeura que fon defTcin eftoit de gagner les peuples par douceur. Qu.'i| en ufoir genereufement envers ceux qui voulaient la paix -, témoins les habitans -d'Achalaquc Lu^s voifins, à qui les Efpa* gnolsavoient fait toutes fortes de bons traitement 3 Se que pour luy , s'il acceptoit leur

amitié , il n'en ferait pas moins fatisfaît qufc les autres. Cofa & fès iujets repondirent, que le General leurfaifoit beaucoup d'honneur, que luy 8c fes troupes feroient reçus avec joye ; 8c qu'on ne pou voit jamais ny le voir nfîez tôt, ny luy allez tôt entrer dans le pays. •Les Efpagnols ravis de cette réponfe , doublèrent leur marche ; 8c le quatrième jour a-pres leur départ d'Achala'qué , ils arrivèrent à îapremiere ville dé Cofa, où le Cacique pour paroiftre en grand Seigneur , les attendoit a-vec le? plus leites de Tes vafTaux qu'il avoir af-femblez de toute fa Province. Mais comme il apprit que les Chrefliens approchôient, il fortit au devant un quart de lieue , ou après avoir flilué Soto,luy avoir conhrme'fa parole, ' 8c s'cflre enhn témoigné l'un àlautre leur (a-tisfaction, l'Armée entra dans la ville en très-bon ordre. Le Cacique logea Soto , il diftri-bua les quartiers, 8c fe retira dans un"Bourg éloigné des troupes d'environ deux portees de moufquet.

Les Efpagnols réjouis de cet accueil , demeurèrent cinq jours dans ia contree ; 8c à leur départ ils donnerait en carde au Cacique la icuîe pièce de canon qu ils avoient. Et -pour luy montrer 1 eftime qu'ils faiioient de hxy par l'importance de 'a chofe qu'ils luy conhoient, L Gcutral commanua de tirer ce

canon

tanon à un grand chefne,qui fut renverfe du fécond coup. Le Cacique & fts fujets iurpris d'un effet qui leur par onToitfi extraordinaire, témoignèrent que c'eftoit véritablement une grande marque d'eftime 3c de confiance , que de leur laifîer un depofl ii important. Enfuke les rroupes prirent la route de la Province de Cofaciqui, & le Cacique avec fes gens les accompagna. Mais après un jour de marche, on le fupplia de ne pas aller plus loin. Il prit donc congé des Espagnols , avec mille protestations de lervice 3 il commanda à ceux de 4a fuite de les embrafTer, Se dépécha vers ion frère Cofaqui,. pour luy faire fçavoîr que l'Armée approchoit de fa contrée , & qu'elle meritoit d'eftre favorablement reçue. Soto envoya enmelme temps rechercher l'alliance de Cofaqui, Se après fix jours de chemin , il fortk de la Province de Cofa , qui efl un pays propre pour le befrail, tres-fertil-e en gros , 3c tres-charmanr. On y rencontre de grandes rorefts, de beaux fleuves, des plai-nes,des montagnes , Se fur tout des peuples fort fociables.

c

CHAPITRE IV.

Cofaqui reçoit les Efpagmls. Ofaquî ayant appris que les ChreftienS venoient iur les terres , fait préparer

toutes choies pour les recevoir honorablement, Se dépêche Vers le General quatre des plus remarquables de fes-vaifaux , accompagnez de quantité d'autres pour l'aiTeurcr de ion oberiTance. Soto réjoui de les voir, leur fk de grandes carrelles, Se vint avec eux jufqu a Ja première ville, qui s'appelloit Cofaqui, du nom du Seigneur Se de la Province. Comme il s'approchoit de cette place, le Cacique qui eftoit dedans *en eut nouvelle, Se fortit au devant de luy,fuivi de plufieurs de Tes fujets, parez d'arcs, de plumes Se de mantes de martre. Coraqui lefaliiaavec refpcct., Se après quelques complimens illuy confirma ce qu'on luv avoir dit de fa part. Le General de ion colle le reçut d'une manière fort obligeante, Se luy promit toute forte d'amitié , en recon-noiiïance de l'accueil qu'il luy faifoit. A leur exemple les Officiers Elpagnols Se les Indiens fe firent aulTi de grandes civilitez, Se nos gens vinrent dans la ville pleins de joye Se de iatis--facHon. Cofaqui au mclme temps diftribua les logis, Se de crainte d'incomm" 1er fes nouveaux hoftes , il fe retira avec les liens dans un village voifin. Mais le lendemain il vint faire fi Cour , 8c pria le General de luy dire s'il lejourneroit, ou s'il paiferoit plus loin , fcnn de mieux prendre Tes mefures pour luy rendre toute iorte de fervice. Soto repondit

qu'il prendroit la route de Cofaciqui, Se ne s'arrefteroit point qu'il n'eut auparavant efté dans cette contrée,. Là-deflusle Cacique luy repartit qu'elle n'eftoit feparée de la Province de Cofaqui, que par un defèrt de fept jours de marche. Que pour cela il Juy orfroit des vivrcsftvec des gcni; de guerre , Se que s'il luy-plaifoit de donner Tes ordres , .il les feroit ponctuellement exécuter. Le. General témoigna qu'il luy avoit obligation , & leçon* jura de faire en cette rencontre, ce qu'il ju-geoit neceflaire pour .la marche, & qu'amfïH elperoit que les troupes ne.manqucroient de rien , & qu iiiroitheureufement à Cofaciqui: Le Cacique joyeux que le General fe confiait en luy ; ordonna dé lever, promptemerft des troupes, & dans quatre jours il le trouva quatre mille hommes pour efeorter l'armée , avec un pareil nombre pour porter le bagage & lts provilions. * Cependant de peur de quelque Jurprrfe , à cauie.du nombre des In— , le General commanda à ie> gens de ie tenir fur leurs gardes plus qu aJ'ordinaire, mais les Barbares eiloient bien éloignez de rien entreprendre ; ils ne fbngeoient qu'aga* gner l'amitiédcs Eipagnols, afin qu'il* les ai-duuentàfc - de-peuples de Cofaciquij

*Crosmi!l<c> pruaçjux , noix*, raifinsfecs»

V z

avec lcfquels ils cftoient en guerre. C'efl pourquoy un jour avant le départ des Chrc-fliens y le Cacique fit appcller Patofa Ton Lieutenant General , Se luy dit qu'il Te pre-ientoit une belle .occafion defereflentir des-injures que les habitans de Cofaciqui leur a-voient faites à tous. Que pour, en a^feir rai-ion, il l'envoyoit dans leur paysavec l'Armée des Efpagnols. Qu'il eftoit de fa prudence d'en ménager l'amitié par toutes fortes de fer-vices , à caufe qu'à la faveur de ces invincibles troupes 9 il le vangeroit hautement de fes ennemis. Que cela d'ailleurs luy donneroic lieu de mériter de fon Prince, & de fon pays,, & augmenteroit fa réputation. Que connoif-* fànt fon ardeur pour la gloire , fon zèle pour la patrie , & /a valeur en toutes rencontres » il ne hiy en diroit pas davantage , perfuadé qu'il répondroit glorieufement à l'attente ou'on a voit de !uy.

Apfcés que Patofa qui eftoit bien Tait de fit peribnne , & dont le vifage marquoit quelque chofe de grand > eut reçu cet ordre , H ofta une mante de peaux de chat qu'il avoit fur les épaules, il prit une branche de palmier que luy portoit un de fes valets, Se fit devant fon Seigneurplulieurs gambades, & plufieurs {auts avec tant de £race qu'il fut admiré. Puis, il s'avar.:a vers fan Cacique la branch;

palmier en main, .il le faliia d'une manière peu différente de la nouVe > Se TalTûra qu'il feiacrifieroir pour Ton fervice. Que puiique fon bras eftoit fécondé des Efpagnols. y .ilTuy engageoirJafoy qu'il le vengeroit âcics ennemis. Que mefmela vengermce.:en ieroiti]-luftre Se capable de luy ofter le fouvenir des injures qu'il avoit.reçues 3 ajoutant que li la fortune trahi lïbit ion-courage, Se s'il ne rem? pliïïoit 1 attente qu'on avok conçue de luy y fon malheur leroit luivi de Ta mort. A ces paroles le CaciqueembralTa fon Lieutenant,. Sz luy dit, que iur l'ailùrance du luccez de fon entieprifj , il l'en vouloit recompenfer-par avance. LàrdeiTus il prit une mante- de martre qu'il porto it ,. Se que nos gens efli-moient deux mille ducars,. & il en rcvefh't Patofa ; ce nui en: parmy ces Indiens, la plus, grande marque d'honneur qu'un- iujet puiifç jamais recevoir.

CHAPITRE V.

Avanture d'un Indien,

LA nuit avant que îes Efpagnols partifleà&' pour Cofaciqui leur gmde qui eftoit l'un, des Indicni qu'ils avoient pris en Apalache >

V 3

&: qu'ils nommoient Pierre , (ans toutefois l'avoir baptiié , fe mit à crier au iecours , Se qu'on le tuoit. Les troupes prirent auiTi-toft les armes, Se dans la crainte de quelque tra~ fcifon elles* fe mirent en bataille. Mais ne voyant rien ,,.& s'eftant enquis du iujet de l'alarme* ils connurent que c cftoit leur euide > & le trouvèrent tout effraye, Se prefqu'à de-my-mort. Comme le General luy demanda ce qui l'avoit oblige à jetter de iï'grands cri-, il répondit que le Diable avec un vifage affreux , accompagné de pluiîeurs petits Démons seftoit prelênté à.luy, qu'il l'avoic menacé de le tuer s'il menoit les Chreftiens en Cofaciqui. Que là-deiîus il luy avoit marché fur le ventre >-. l'avoit traîné par la chambre, 3c luy avoit donné tant de coups qu'il ne le pouvoit remuer. Que s'il n'eut efté iecouru par deuxEfpaçnol'^le Diable luy eut ôté ia mais qu'au moment qu'il les avoir a] .;, à e;: t ;•' ay£C coûte aiuite.. Quainlî,

puifquc les Démons craiç-lo'ent les Chrétiens, L fuppliott qu'on lebaptizaftfur l'heure, atin que le Diable ne vinftplus le maltraiter. Le General Se les Officiers qui jugeoient de la vérité de l'avanture par des coujÉ , envoyèrent quérir des PrenVes , qui après avoir interrogé ce pauvre Indien , le baptiferent Se ne l'abandonna . ont le rèfte de la nuit,

ny le 'our iuivanc. Il efloic en an fi pitoyable eilat, qu'il fut obligé de Te refaire ; & l'Armée ne put décamper que le lendemain, encore fallut-il que cet Indien rhontaft à cHeval. Cofaqui accompagna ie General deux iieuës, & îuy fit enfuit* quelques complimens , lure dep'auu" qu i! avoitde le quitter, il comman-da.de nouveau ai Patofa d'obéir en tout aux Efpagnolf , Se il le rirfouvenir qu'il s'eftoir engagé à de grandes chofes,& que l'on ne jugeait du mérite des hommes que par la beauté de leurs actions. Puis il-retourna dans la. ville , & les troupes tirèrent vers Cofaciqui, où elies louhaitoient paiïtonnénaent d'arriver.

CHAPITRE VI; Marche des troupe s %-.

m

LEs Indiens Se les Efpagnois forme; ée«* corps darmée feparez , & marchèrent tout le jour Ci? cette forte ;,. Patofa fit le :ra! chacun a la tefte de leurs troupes > le iZ au milieu avec les gens de fervice. Comme la nuit approcha les Indiens diftri-bue*cntdes vivres aux Espagnols ; les armées fe campèrent, elles poferent des ièntiu ;i!es , &c fc mirent de zdk façon lur leurs gardes les

unes contre les autres, qu'on les euil cru ennemies. Les Chrefticns fur tout eftoient toujours à épier ja contenance des Barbares, qui voulaient feulement montrer qu'il? entcii-doient bien la guerre. Les Espagnols k piquant aufil de la mefme choie , chacun ob-ferva à I envy la difeipline ; Se au bout de deux journées, on arriva en tres-bon ordre à un defert , entre là Province de Cofaqui Se de Cofâciquû Les Espagnols marchèrent fx jours fans grand-peine par ce defert, à caufe que les bo-3 & les chemins en eftoient faciles. Outre quelques ruilTeaux ils traverferent deux fieuves (ans profondeur , mais fort étendus., &c fi violens que ion fut contraint de mettre plufiei aux de file pour rompre 1 impe-

tuoiité de l'eau , . & favorifer le*paflàge aux gens de pied qui ne fe pouvoient tenir de bout, que les chevaux ne les fouftiniTent. Au feptîérrie jour fur le midy , ils fe trouvèrent à h fol du chemin qurlls avéient luivi jufqu*à Itjrs, exue rencontrèrent que des fentiers qui alloieut çà &: ; là dans la foreft , 8c qui le per-doicntprefque aulli-toit. Si bien que ne (ça-chant plus quelle rouse prendre, le General commença d'avoir quelques ioupçons des Barbares. îî dît a Patofa que fous apparence dîamitié il tes avoit voulu foire périr ; qu'il Iteftoit pas croyable qu'entre huit mille IrN

diens qu'il commandoit, il n'yen eut pas un qui içùt le chemin, veu qu'ils avoient toujours eu guerre avec les peuples de Cofaciquij, & fait des coudes les uns furies autres. Patofa répondit qu'il n'eftoit jamais venu fi loin, ny pas un de ceux qui l'accompagnoient. Que Ton ne pouvoit appcller guerre , les cfcar* mouches qu'il y avoit eues entre eux Se les ennemis. Que dans le defert qr^'eftoir.feulement battus en diverfes rencontres: de chaiTe Se de peiche , où ion s'eftoit tué & fait des prifonnrers de part Se d "autre. Que comme les hahitans de Cofaciqui avoient toujours, remporté l'avantage , ils les craignoient, 1fc n'avoient ofé entrer dans leur contre». Qu'ainii puifque luy, ny (es gens ne connoiil foient point où ils envoient $. i! fupplioît que L'on prift en leur faveur d'autres fentimens que ceux qu'on témoignait avoir. Que le* peuples de Cofaqui n'eftoient capables d'aucune lâcheté, D'ailleurs , \c Cacique Se iuy «voient trop de cœur pour démentir par une honteufe trahifon , le bon accueil qu'ils a--voient fait aux Efpagnols. Que pour affeu-ranec de (a parole on pouvoit prendre tels oitages , Se en M grand nombre que l'on vou-droit. Qu'il offroit mefme fa tefte avec celle de fei foMûts, qui fe facriheroient tous aveuglément <jj'i: fouftenii Fhoflneuï ue leur Ci-

cique, Se leur gloire particulière.

Soto touché de ce difeours, craignît qu3 ce Commandant n'en vinft à quelque extrémité , p<*ur montrer l'innocence de fa conduite, Se luy repartit, que bien loin de croire qu'il euft malicieulement égaré lesElpagnols, il eftoit maintenant,perfuade du contraire ; 5c que l'air dont il avoit parlé le jufHfîoit afïcz» On appella eniuite l'Indien Pierre-, qui les a-voit ii feurement guidez , que la veille H marquoit le chemin du jour fuivant. Mais-il avoua qu'il avoit tout à fait perdu la route, oc s'exeufa fur ce qu'il y avoit long-temps qu'il n'efloit venu à Cofaciqui. Les Efpagnoîs a-lors qui s'imaginoient qu'il apprehendoit encore d'efirc mal-traité du Démon, &: qu'ils le prieroient inutilement, continuèrent le refte de la journée à marcher par les endroits les plus clairs de la forcit, Se arrivèrent au Soleil couchant au bord d'un grand fleuve qui ne-(toit pas guéyab!e« Comme ils. n'avoient rien pour le traverfer , & qu'Ai avoient confumé leurs vivres , cela redoubla leurs maux, & ik furent toute !a nuit dans une grande confier-nation. A la pointe du jour le General pour les ralTcurer leur promit de ne point continuer la marche, que L'on n'eût auparavant trouve quelque chemin.

Il commanda donc à Gufman , à Vafcon*

teîîo y Aniafco Se Tinoco y Capitaine?, de Cavalerie Se d'Infanterie , de prendre chacun leurs geiisyayec ordre-aux uns de corroyer le fleuve en montant. à quelques autres en defcendant,& à toutlerefte d'avancer une lieuë dans le pays >Se de retourner dans cinq jours au camp , pour y raporter'ce qu'ils y auraient découvert. Aniafco alla vers le haut du fleuve avec le General Barbare ,1e guide Pierre , Se mille Indiens. Les autres Capitaines en avoient chacun autant, afin de fe répandre à travers le bois , Se de pouvoir plus facilement trouver quelque route. Cependant Sotoles attendit fur le bord de la rivière , oc endura de la faim ce qu'on en peut fouffrir. Luy Se les foldats ne mangeoierït pour l'ordinaire que les chôfes que les quatre mille Barbares qui eftoient demeurez luy ar> portoient. Ces Indiens partoient du quartier des le matin pour chercher des proviiions, Se rie retournoient que la nuit, les uns avec des herbes, des racines, Se quelques oifeaux qu'ils tuoient, Se les autres avec du poifTon ; en un mot, avec ce qu'ils rencontroient Se qu'ils donnoient eriKereroent aux Efpagnols , qui "furent trois jours à ne fe nourrir en partie que des vivres que les Indiens leur fourniilbient. •Mais comme nos gens leur en lailloient la meilleure part, Se que Soto vit que l'on ne

-pouvoir plus fubfïfter, il fît tuer quelques'Cochons, Se distribuer une demie livre de viande -à chaque Efpagnol ; ce qui irritoit plutôt la faim qu'il ne l'appaifoit. Néanmoins pour faire voir leur reconniflance aux Indiens, ils partagèrent avec eux ce qu'ils avoient. Le General qui les follicitoit à cela, fourrroit comme le plus (impie des fantaflins , il diffi-muloit Tes maux., il carrefioit les foldats 8c les enconrageoit avec une gayeté qui les char-moit, Se leur faifoit oublier une partie de leurs peines j de forte qu'ils témeignoient à leur tour un vi(àge aulli content, que s'ils eufièht -eu toutes chofes en abondance.

^ ¦—

CHAPITRE VIL Suite de ce quifefujfa, dans le defirt.

LE cinquième jour que l'Armée marcha dans le defert, un Indien *de ceux qui a-voient le loin des vivres s'enfuît, foit qu'il defiraft revoir fa femme, ou qu'il çraigtjiit de mourir de faim. Patofa qui -en fur averty, envoyé à Tes trouiles quatre de ies gens , qui a-prés l'avoir atteint, le ramenèrent au quor-

* Ou tes appelle Tamcmc.

ticr

tîer les mains liées , Se le luy prefçnterent. Alors il commença à luy faire des reproches de fa lâcheté, il luy remontra le tort crue fa fuite faifoit aux Indiens, le peu de refpecl: qu'il avoit pour les ordres de Con. Cacique, 8c luy jura que fon crime ne demeuréroit pas im-puny ; mais qu'il ferviroit d'exemple pour retenir les autres dans le devoir. Là-defTus il ordonne qu'on le mené à un ruhTeau y 8c là il luy fait ofter ce qui le couvroit à la reierve d'un petit caleçon. Il commande qu'on apporte plulieurs rejettons d'arbres d'une brafie ' de long; il fait troubler Teau , Se ordonne au deferteur de fe coucher dedans Se de la boire toute. Quatre des plus robuftes Indiens eurent charge de prendre les verges, Se de frapper de toute leur force fur ce malheureux s il ' celToit de boire. Ce pauvre Indien but d'abord autant qu'il luy fut polTibîe ; mais comme il vint à reprendre haleine , on luy donna tant de coups qu'on le força de continuer. Cependant quelques-uns de fes amis courent "trouver Soto , fe jettent à fes pieds Se le conjurent avec larmes de demander à Patofa la grâce du malheureux.

Soto qui fçavoit qu'on ne ceflèroit point de tourmenter l'Indien qu'il n'eufl: perdu la vie , pria Patofa de fe contenter de la peine que le deferteur avoit fourîerre , il y confenti^,

X

fcaja 'tfifivire-de U-Floride'.

Se l'on tira incontinent du ruineau le pauvre Barbare tout enflé de l'eau qu'il avoit beuë-, .¦en un mot à demy-mort.

Il arriva auiîi que l'un des jours qu'on fouf-fïlz le plus de faim dans le defert, quatre fol--dats des plus courageux , Se des plus honne-ites gens de l'armée refôlurent de partager ce 'qui leur reftoit de vivres en commun. Comme ils ne trouvèrent qu'une poignée de qros niillet ? ils la rirent cuire pour la renfier , ils -fe la partagèrent , 8e en eurent chacun dix-huit grains. Trois * mangèrent leur part, S: il ¦n'y eut que Silveftre qui envelopa la Germe dans un mouchoir. Enfuite un.autre ibldat •qu'on appeJloit Troche , Iuy demanda sil •n'avoit rien à manger , Se il luy repartit aOèz ¦plailamment. qu'on luy avoit envoyé de Se--ville de bons macepains.

Troche fe prit à rire, Se iur ces entrefaites lin autre de leurs compagnons arrive, qui les fupplie de luy donner quelques vivres. Sil-vcflre luy répondit encore agréablement ¦qu'il avoit un fort excellent gafteau, Se qu'il .¦cftoit preftà le partager. Ce dernier tournant cela en raillerie, Sil/eftre reprit qu'il n'avan-rçôit rien qui ne fuit vray, Se tira fon mouchoir où eftoient les dix-huit grains de millet,

• H Carilto , Mcroa , PahaJo. '

H en donne fix à chacun de les camarades, Se garde le refte pour luy. Us ie régalèrent auiii-, rot de cela avant qu'il iurvinft quelqu'un % puis ils s'en allèrent boire au ruilTeau , & pal-ferent la journée de la lorte fans manger. Voilà comme les autres loldats enduroient la faim .j & c eft par de femblabies travaux qu'on a ga-gné le nouveau monde , d'où l'on tire chaque année douze ou treize millions d'or & d'argent, avec une grande quantité de pierreries. Lors que je confidere auili que c'eil principalement du Pérou que viennent ces richeiTes aux Efpagnols • J'eftime qu'il m'eil fort glorieux d'eftre fils d'un des Conquerans de ce Royaume.

CHAPITRE VIII.

âucecz. des Capitaines envoyez, a la découverte*

DUrant ces chofes , les Officiers qu'on avoit envoyé chercher la route, ne ibuf-fërenc pas moins de faim que le General. Pen-dantcir.q joursdemarche ils en furenttrois fins avoir rien amanger.IIsne reiiluïent pas mefme dans leur découverte, à la referve d'Aniafco, qui rencontra un viltage fur le bord du fleur v€-qu'il coftoyoit. II y aveit peu de monde

X a

dans ce village , mais tant de provisions, que dans un feul logis on trouva cinq cens mefu-res de farine de gros millet, outre quantité d'autre en grain. Les gens de Patofa Se d'A-niaico réjouis de ce bonheur, vifiterent le refte des mai fous, montèrent aux plus hautes, virent deçà & delà le fleuve, plufleurs habitations , Se des terres cultivées. Enfuite ils repurent Se far le minuit les Efpagnols dépêchèrent vers Soto quatre Cavaliers, qui pour l'afTiirer des chofes qu'ils luydiroient, prirent des montres de gros miilet, Se quelques cornes de vaches. Jufques alors ils navoient point vu de vaches dans la Floride , encore qu'ils en eufTent trouvé de la chaire fraifehe. Ce qui Us avoit fouvent obligez à prelTer les Indiens , de leur dire où ils rencontreroient de ce beftail ; mais ny par prières, ny 'par menaces , ils ri avoient jamais pu rien tirer de ces Barbares.

La nuit mefme que les Cavaliers furent envoyez vers le General, les gens de Patofa ap rirent qu'ils eftoient dar.s un village de la Province de Cofaciqui, Se ils le foccagerent. Ils pilierent le temple oùeftoient lesrichefles du lieu , Se lans confédération deiexeny d'âge , ils tuèrent ceux qu'ils purent prendre, Se leur enlevèrent le teft pour les porter à leur Cacique , Se luy montrer la vengeance qu ils

a voient prife de Tes ennemis. Ce 'dtk>rdre dura julqu'au jour , Se fur le midy Aniafco 8c; Patora avec ceux qui les.accompagnoient , appréhendant -que s ils dtiiieuroient plus 4ong-temps au village , ceux de la contrée 41e s affemblalTeiit en grand nombre-, qu ils i:e vinlknt fondre lur eux Se ne les taiilaiîent -tous en pièces, ils reiolurent de deicamper, •Se d'aller rejoindre Soto. -

CH A P I T RE IX.

¦Arrivée du General en Cofaciqui , avec ¦ Lt découverte du Pays. -

Y* E General ayant (ça les particularité^ JO de la découverte d'Aniafco, il décampa, Se prit pour guide les Cavaliers qu'on luy a-yoit dépêchez. Mais à caufe que les troupes qui l'accompagnoient, enduroient beaucoup jdc faim, elles ne fongeoient qu'a fe rendre où il y avoit des vivres. De iorteque fans garder aucun ordre dans La marche , ils avancèrent avec tant de .diligence, qu'après avoir fait eq lin jour &c demy plus de douze lieues, ils arrivèrent où eitôient leur compagnons. Ils s'y rafraifehirent fept .jours 5 Se durant ce temps? les trois autres Capitaines que l'on avoit c#j.

*3

voyez à la découverte, retournèrent au lieu? d'où ils eftoient partis , fans avoir rencontré un feul village , ny.pris aucun Indien , quoy qu'ils en euiTent vu plufieurs pafTer. Mais Comme ils ne trouvèrent plus Sôto , ils fui-virent la route qu'il avoit tenue, Se fe rendirent au village où il s'eftoit avancé. Là ils luy racontèrent le détail de leur courle , ils fe rétablirent , 8c ils en avoient grand befoin ; car ils cftoienr abatus de fatigues, 8c depuis huit jours ils n'avoieiit mangé que des racines.. Cependant Patofa Se fes gens fe répandent quatre lieues aux environs du quartier, tuent indifféremment hommes Se femmes,faccagent les villages, Se pillent les Temples où ils peuvent entrer. Le General averty de cela Se que ces Barbares alloient encore pouiler leur ref-fentiment plus loin > crut qu'il eftoit de fon intereft d'empêcher le defordre, à caufequ'e-ftant contraire au deflèin qu'il avoit de gagner les peuples par la douceur , il luy feroit à l'a-, venir de cruels Se puifîans ennemis. Il envoyé donc prier Patofa de faire arrefter fes gens. Ce Capitaine obéît, Se à fon retour de la pour-fir'te de fes ennemis, Soto luy donna pour fon Cacique Se pour luy quelques étoffes de foye , du linge , des couteaux , des miroirs, &: autres choies femblables ; Se après l'avoir remercié de fes bons offices t tl le fupplia de

ne pas aller plus loin , 5c de reprendre Le chemin de fa Province.

Patofa ravy des prefens qu'on luy avoit faits , s'en retourna avec d'autant plus de joye , qu'il avoit hautement vangeion Seigneur. Soto enfui te de ce départ demeura encore deux jours au camp. Mais ii-tôt qu il vit les gens en eftat, il prit fa marche en montant le long du fleuve , où il trouva force vivres , & plufieurs Indiens malTacrez , ce qui avoit obligé les autres habitans de ces quartiers de fe retirer dans les forefts ; Se au bout de trois journées il campa dans un endroit remply de meuriers, Se de pluiîeurs arbres . chargez de fruit. Les logemens faits, il commanda à Aniafco de fuivre avec trente fan-taiTms, la route qu'on avoit tenue jufques alors, Se de tafeher a prendre quelque Indien, pour avoir connoiflance du pays Se du Cacique de laProvincc.Qu'en tout cas ii prit grand -loin de remarquer tout ce qu'il verroit , ahn que l'Armée continuait fa marche avec afTe*-rance. Qu'il fe repofoit fur fa conduite , Se cfpcroit que le bonheur qui 1 avoit toujours accompagné , ne l'abandonneroit point en cette rencontre. Un peu avant la nuit Antafco de fe S compagnons fortirent fecrettemtnt d'-i camp, ils iuivirent le chemin qu'on leur avoit dit, 5c qui s'élargiiîbic peu à peu, Mais après

£48 Hiftoîre de Li ihî'iécl

deux lieues , ils ouïrent un bruit confus & femblablc à ecluy que l'on fait dans un vil Là-dclTus continuant leur route iiiiqm.s hors aine forcit où ils.fe trouvermï, ils virent ds 4a lumière, ils entendirent des chiens aboyer, des enfans crier , Se des-.perfonnes parler, 5c connurent qu'ils n'eitoi-uc pas loin de que!-? ¦que bourg. Us le préparent donc à prendre quelques Indiens, Se dans ce deflèin ils le cou^ lent doucement droit au village , chacun à ienvy l'un de l'autre*- .

Comme ils eurent un peu-marché, ils ap-# perçurent le Bourg au de là du fleuve , le long duquel ils eitoient venus. Ils tournent ¦Se courent ci & là pour, découvrir un pafTa-, ge. Mais n'en-trouvant point, ils s'arrefte-r lent dans un lieu découvert lur le bord de la rivière, à l'endroit oèarrivoientksbatteaux. Ils s'y rafraîchirent quelque temps ; puis ils fe rendirent avant le jour. .Ils racontèrent au General leur découverte, & fi-tôt que le So? *eil fut levé il prit cent chevaux avec, autant de fantadhis, Se alla reconnaîtra le Bourg. Lors qu'il fut au pailàge du fleuve , Orti* Se Pierre l'Indien crièrent aux habitans. qu'on venoit pour traiter alliance avec leur Cacique , & que les gens qu'ils appercevoient > efloient la luitede.l.'AmbaiTadeur, Les Barbares furpris4w ce qu ils voyoiçnt fc retirer, ne

promptement dans le village y porter cette nouvelle.

—— ; » ?

CHAPITRE X.

Conduite de la Dame de Cofaeiqui,

T 'Arrivée des Espagnols eftant répandue •*-* dans le Bourg, fix des principaux du lien, gens de bonne mine , âgez environ de 4^ ans chacun , entrèrent dans un batteau avec d'autres Indiens ; Se paflerent à l'autre bord. Comme ils furent en.prefence du General , ils fe tournèrent vers l'Orient, & rirent la révérence au Soleil, enfuite vers l'Occident à la Lune, puis à Soto qui efloit affis avec gravité fur un fiege qu'on luy tenoit toujours preft, pour recevoir les Ambaîladeur qu'on luy dé-péchoit. Ils luy demandèrent d'abord félon la coutume de tous les habitans de la Floride, s'il vouloit la paix ou la guerre ; Se il leur répondit la paix, avec leur alliance, &: des bat» teaux pour traverser le fleuve. Qu'il les fup-phoit auili de luy livrer paiTage fur leurs terres, Se de luy doruier quelques vivres pour aller plus loin. Qu'il cftoit marry de les imç «er^ mais que la necefTité l'y contraL Qu'ainiî la faveur qu'ils luy accorde.

luy feroit extrêmement ienfible. Qu'il tâ^ cheroit de la reconnoître, Se feroit -qu'ils auraient autant de iujet de fe louer de la con-cfuite^ que luy de leurgeuerofité. Les Indiens luy repartirent qu'ils acceptoient la paix , mais qu'il y avoitpeu de vivres au pays. Que la pefte à la referve de leur bourg avoir defolé la Province. Que la plulpart des habitans avoient efté emportez de cette maladie - 8c que les autres s eilant retirez dans les rbreits n avoient point femé. Que meime depuis la pefte ce flic , il neûoienî pas encore retournez dans leurs maiions. Néanmoins qu'il de-voit tout elperer , parce qu'ils eftoient fujets d'une jeune Dame, qui n'efteir pas moins pru* dente que genereufe. Qu'ils Iuv allaient ren* dre compte de toutes, choies , 8z qu'ils vieu-. droient apporter fa réponde , qui félon toutes les apparences ne manquerait pas d edre favorable. Là-deiTus, ils prirent congé du General , ils retournèrent au village, Se firent à leur PrincelTe un fidèle récit de tout ce qu'ils avoient charge de luy dire. A peine eurent-ils parlé, $c dit leur avis touchant les mefures qu'on devoit prendre dans cette rencontre ; que leur Dame commanda que l'on tinft prefi un batteau , & qu'on le parait le mieux qu'il feroit poiîtble. Elle y entra-eniuitc avec huit femmes des plus conlidcrablc.s de fa Province

Ce baCteau eîloit remorqué par un autre , où fe mirent les fix Indiens c-.'\ ret d'auprès desEffagnols, £» arec eux plufieuts •rameurs qui gouverhoiéîit les barreaux, Se -qui lespailerent au bord où tiioit le General. Au melme temps que h jeune Dame s-ar> .procha du General elle luy fk les complimens; & s cfteat aiTife fur un fiege qu on luy avoit apporté , elle raconta les choies que les gens 4uyavoîentdites.^Ellea!oiitaqu'encore oueie ¦malheur de 1 année liiy otaft k moyen d'ailî-fier Soto comme elle l'euftTouhaité,-elle luy orTroit pourtant fix cens meiures de gros -millet. Que dans deux mai-ions du bourg qui eftoient à elle,on trouveroit cette quantité eh -chacune. Qu'elle avoit a'maiTé ces vivres pour 'fecourir ceux de fes iu jets qui a voient •efté prefervez 4& la pefte. Et pourveu que le General fuy laiilaft la moitié de Tes provisions, -s cauie de la pauvreté du ' v ays, qu'elle aban--donneroit 1 autre de tout fon cœur. Que s'il ••ddiroit quelque chofe de plus, elle ordon--neroit qu'on ouvrift les greniers d'un bourg -tout proche. Qu'elle y avoir deux mille mesures de gros millet, & qu'il en prendroit autant qu'il le jugcroitneceiTaire. Que pour loger plus commodément le General Se Tes Of--ficiers, elle quitteroit fa propre maiibn, & elle Jcur abandonneroic la mojtié du bourg. Que

pour les foldacs elle feroit baftir des huttes» Que mefme fi tout cela ne fuffifoit pas , elle commanderoit aux habitans de s'en aller dans un village voifin. Qu'enfin pour faciliter le palTage du fleuve à Ton armée, elle auroit loin tjue le lendemain il y euft des traîneaux Se des batteaux tout prefts , afin de montrer au General avec quelle ardeur elle tâchoit deluy rendre de bons offices.

Soto fit réponfe qu'il luy avoit les dernières obligations. Que lès offres qu'elle faifoit cftoient au de là de Ton mérite. Qu'elles luy fembloient d'autant plus confiderables que jfes fujets foirffroient, à caufe de la mifere de l'année , Se qu'elle fe retranchoit de plusieurs chofes pour l'obliger. Qu'à cette confidera-tion il fer oit loigneufement ménager les vivres , Se incommoderoit le moins qu'il pour-roit. Que touchant les logemens, tout eftoit réglé avece prudence, Se quil cfloit fi charmé de fa gencrofité, qu'il ne defiroit d'eftre ravo-rifé de la fortune, que pour luy témoigner un jour fa reconnoifTance des grâces qu'elle faifoit auxEfpagnols. Enfuite Soto la mit adroitement fur le difeours de la Province de Co-faciqui, Se des contrées voifines, & elle répondit d'un air qui marqua beaucoup d'efprit '¦& de fagefle. On obîerva auiîî que les peu-plci de Cofaciqui &c des deux dernières Provinces,

1 Î3 vinces, avoient quelque choie cte plus doux,

de plus libre , '& de plus honneite que les ha~ bitans des autres pays. Car bien que ceux des contrées que l'on avoit découvertes demandaient la paix , 8c que mefme il l'entretint fent , on remarquoic néanmoins dans leivr conduite je ne fçay quoy de rude, de contraint, 8c de peu fincere. Mais pour ceux de Cofaciqui Se de leurs voifms, il fembloit que toute leur vie ils étalent eu commerce avec les Efpagnols. Outre qu'ils avoient beaucoup deftime pour eux, ils leur obeilloicnten tout, Se tâchoient par toutes fortes de moyens à leur montrer leur attention ; ce qui meritoit que l'on me nageafl leur amitié avec beaucoup ¦ d'adrefTe.

CHAPITRE XI.

¦VArméepaJJe le fleuve de Cofaciqui,

PEndant que la Dame de Cofaciqui par* loit à Soto j elle àéfila l'une après 1 autre une chaifne de groiïès perles, qui luy failoit trois tours au cou , Se luy dcçcndoit jufques à la ceinture. Puis elle fit ligne a Ortis de les prendre Se de les donner au General. Mais comme il luy temoignoit que les offrant ellcr Y

mefme, fes»perles recevroient un nouveau luftre ; elle luy dit que la retenue des perfon-nes de ion fexe luy derrendoit cette liberté, Soto qui fçiit ce qu'elle difoit, luy fit repondre qu'effectivement Ta main releveroit le prix de Tes perles $ Se que puis qu'elle ne les pre-fentoit.que dans la vùë de faire la paix, elle n'alloit ny contre la bien-feance ny contre Ton honneur. Ces paroles luy infpirerent une lionnefte hardieile, elle fe levé aulfi-tôt Se donne des perles au General, qui s'approche très-civilement pour les recevoir. Il s'ofta mefme du doigt un très-beau rubis , dont.il luy fit prefenten figiie de paix. Elle l'accepta & le mit à Ton doigt avec une grâce particulière. Enfuite elle prit congé du General, Se le retira dans le bourg , après avoir remply les Efpagnols d'admiration. Sa beauté Se Ion eiprk les avoient de telle forte occupés, qu ils ne fongerent pas feulement à s'enquérir de fon nom. Cèpe ndant pour donner ordre au pafiage de l'armée , le General demeura lur le bord du fleuve, que les matelots crurent eftae le mefme que celuy qui fur la cofte eft appelle Sainte Hefeine , Se il manda au Mettre de Camp de faire promptement avancer le refte ¦des troupes, Se de fe rendre auprès de luy.

Durant ce temps-là les Indiens firent aulîï 4c5 tram eaux en fort grand nombre, Se ame-

livre quatrième: 2'f?

nerent plusieurs batteaux fi bien que le lendemain on paffa le fleuve. Quelques-uns ra* content que les Efpagnols eurent quatre chevaux de noyez , Se les autres fept. Ce qui leur donna un deplainr d'autant plus fenfible, que ce malheur eftoit arrivé par la faute de ceux qui conduifoient ces chevaux. En effet :1s les pouiTerent fi inconfiderément à travers le fleuve , qu'ils les engagèrent en un gouffre où-ils le perdirent- Les autres efiant heureu-fement paifez avec l'Armée y une partie des troupes le logea dans la moitié du village, que les Indiens leur avoient laiiié ; Se l'autre fous des huttes de rameaux ; car la contrée eft pleine de bois, d'arbres fruictiers & de meu-riers , plus beaux que ceux dont nous avons parle jufqu'icy.

C H A P I T R E XII.

On cïivgt: vers U mers de la Daine de Ccfatiqui.

Ii. E lendemain du paffage des troupes* u Soto 5-mforma avec foin de la Province de Cofeciqoi , 8c il fçùt que le terroir eftoit tres-bon pour femer , & pour nourrir des poupeaux. Il apprit de plus que la mère de i%

Y 2

Dame du pays, efloi: une veuve qui demeu-roit à douze Heuë du quartier ; Ç'efi pour-quoy il fupplia la fille de la mander. Et incontinent elle luy dépêcha douze des principaux Indiens , avec ordre de la prier devenir au Camp, pour y voir des étrangers dignes d'admiration. Se mefme des animaux* inconnus. Mais rien ne put ébranler la mère , qui blâma fa fille de légèreté , &: témoigna beaucoup de refTentiment de fa conduite. Elle trouva fort mauvais aufà que les En voyez ne fe fufTent pasoppofez à leur Dame; & fit connoî-tre.par Tes manières un çrand mépris pour les Efpagnoîs. Le General fur cette nouvelle, commande à Aniafco de décendre avec trente fantafnns le long du ficuve , vers un endroit éloigné de la communication des villages*. Que là i's rencont'reroientlamere de la Dame de Cofaciqui, Se qu ilTamcneroit au quartier avec beaucoup de douceur, à caufê qu'il de!l-roi: gagner le pays par cette forte âe voye, afin de s'y pouvoir un jour établir {ans grande peine. Aniafco part avec fes camarades • Se mené un jeune Indien de qualité, que la Dame de la Province luy avoit donné pour l'accompagner. Get Indien cftoit fuivi de quelques-uns de les domeftiques j & avoit charge lors

I Ce fan le* cherju«

¦qu'on feroît prés du lieu où l'on aîîoit, de marcher devant,poiîr donner avis de la venue des Efpagnols , Se de conjurer la bonne merc au nom de fa fille & des habitans du pays de fe rendre au Camp. Qu'elle y aurok duplaiiîi & de l'honneur, Qu'en un mot elle y iêroit reçue avec beaucoup de jove & d'affection» La Dame deCoraciqui avoir dépéche'ce fat~ •ne Seigneur , à caufè qu'ayant eïté élevé par ia mère, il eneftoit aymé tendrement, £e qu'à cette coniideration il y avait lieu de croire qu'il la rendroit plus.favorable aux Eipasmols. Jl efloit d'ailleurs capable de faire reiuTir ce deifein luy feuL Car il a voit de l'adreiïe ; du jette la taille Se lamine avantageufes/fort lefte à la manière du pays 9 des plumes de diverfes couleurs fur la tefie, une belle mante * de peaux, un arc peint en la main, avec un carquois plein de flèches fur l'épaule. C'eftreitat où marchent ce jeune Indien, qui nelongeoit qu'à gagner l'amitié des Efpagnols, Se qui leur témoi§noit en toutes choies, que fa plu* grande fatisfaction feroit de les obliger;,

* Cela eftoit contre h coutume. 1^6 loàicnporrtûtia* icœcnc des peaux l'Eàé t -

T-'S

CHAPITRE XIII.

Mort iïq Stirneur Indien avec k retour des Envoyez.:

APires qu'Aniafco Se les compagnons eurent marcheenviron trois lieues , durant la chaleur du jour > ils ie repoîerent fous de grands arbres. Cependant le Seigneur Indien qui eftoit au milieu de la troupe, Se qui •jufqu alors les avoit agréablement entretenus de Coraciqui Se des contrées voifines , commença tout d'un coup à rêver; il apuye négligemment la tefte fur Ton coude , Se jette de fois à autres de profonds foupirs. Néanmoins de crainte de l'affliger d avantage , on n'ola îuv en demander la caufe. Eniuite comme il relia un peu de fo apirer, il prit ion carquois, Se mit dehors prefquetoutes les flcches l'une après l'autre. Elles eftoient extrêmement belles , parce que les plus confiderables ha-bitans de la Floride mettent leur honneur dans la beauté de ces fortes d'armes ; fur tout en celles qui leur fervent d'ornement. Comv me on aura du piailir d'apprendre la manière dont elles font faites, je parleray des flcches de l'Indien , qui accempagnoit les Espagnols.

Les flèches de ce Seigneur , eftoient de ro-leau, garnies de plumes, &.avoient toutes quelque choie dehnguiier. Pluiîeurs eftoïent armées de corne de cerf, ou d'os, de paillon , Se quelques-unes de bois de palmier, é^ui-fées par le bout , Se Âtnteléesgar. Jes collez avec.tant de propreté , qu on neunVpu rien faire de plus, jufte avec lacier.

Aulïi les Eipagnois les. trouvèrent 1î bien faites qu ils en prirent quelques-unes pour les confiderei de prés , Se cenvinrenttous qu'en ce genre il n'y avoit rien de plus achevé. Durant cela l'Indien qui voit que nos gens ne robfervent pa>, tire doucement de ion carquois une ileche , dont la pointe.eftoit de pierre à fuhl, Se iemblabie à celle -d'un poignard , ii s'en frappe a la gorge Se tombe mort. Et les Elpngnols étonnez de cet accident, Se fichez de n'avoir pu prévenir un coup lî fenefte , appellent les valets de cet Indien, & demandent la cauiede ce malheur. Ils répondent la larme al œil qu'ils eflimoient que leur maiftre s'efbit donné la mort dans la penfee que le iervice qu'il rendoit aux Chre-fttotis , ieroit trcs-defigreabîe à la Dame vers r tri illcsconduiioit. Que puis qu'elle n'eftoic pas venue la première fois, il cftoit à croire qu'elle s'en oftenfcroic Qu'ainli il reconnoif-ioic mal i amour qu'elle luyportoit, & les foins-

£.&o Hiftêirt de la lloridc*.

qu elle a voit pris de Ton éducation, lis' ajoiï-toion-t qu il s'cftoit airJi pcriiiadé , que s'il n'cxecucoit les ordres de la jeune Dame , il le mettroit mal auprès d'elle. Qii'iUeroic enfin contraint de fe retirer , & ils afleuroient que voyant qu'il ne pouvoit éviter de delTervir ia rille , ou la mère, il leur avait voulu ge-ncreuiement témoigner qu iTprcferoitlamort: -au malheur de leur déplaire. Les Efpagnols trouvèrent ces conjectures allez vray-lembla*-bles, Se continuèrent kiu* route. Maïs après trois lieues-, ifs s'enquirent des domefliques •de l'Indien , s'ils içavoient la retraite de la Dame qu'ils chetchoient, Se combien ils en eftoient encore éloignez. Ils répondirent que Jeur Maiftre feul la içav.oit ¦; Jk que nean--moins ils s trTorecroient de la trouver.- Nos gens ne lauTerent pas de marcher , Sz au bout de quatre lieues ils apperçurent quelques •Indiens, ils fe mirent au flî-toft en -embulca-de , Se prirent un homme avec trois femmes. Txi> les fupplkrent de leur enfeigner le chemin qui conduiioit vers la mère de la Dame de Cofaciqui ; Se ces.Barbares repartirent que le bruit couroit, qu elle eftoit Jbr.tie de fa de demeure ordinaire , Se t]ue même -ils ne fça-voLnt pas bien. où elle fe retirait. Que tftutcibis ^ ils voulait r.r les iuivre , ils s en rit* fomi^idicnz , Se que uns k chercher bien

loin , el<e fe trouverait ;:eut-eltre fort prés. Sur cette reponle , pmmç les Efpagnols balançaient touchant la refolution qu'ils dévoient prendre, l'un de leurs compagnons dit, que les premiers Envoyez n'ayant eu aucun fuccez de leur entreprise , iln'yavoit point d'apparence qu'ils deuflent eflre plus heureux. Que la Dame qu ils aîloient chercher, témoignoit une particulière averfion pour les Efpagnols. Que s'eftant opiniaftrée à ne pas venir, elle auroit peut-être ailemblr des troupes pour les tailler tous en pièces, au cas qu'ils la voulufl'ent enlever, & que fans avoir des chevaux , ils ne pouvaient ny ie dépendre , ny rien tenter. Qu'après tout, cette bonne femme leur eflcit fort inutile pour l.ur conquefte, Se qu'il fumToit d'avoiria hlle , avec laquelle il falloit faire une paix folide. Que du reflc il ne fçavoient quelle route prendre pour aller à la demeure de la mère , parce quils manquoient de guides fidèles , Se que fans parler du jeune Seigneur, dont la mort efioit d'un mauvais prefage, leurs fitigues les dévoient obliger à retourner vers le General. Ils paflerent tous d'une voix a cet avis , Se reprirent le chemin du Camp ¦> où ils rendirent compte de leur avanture. A trois jours de là un Indien s'offrit de les conduire en defeendant par eau, où cftoith merc

l^i Uîfâiri de la Tlorideï

de la Dame de Cofaciqui & Aniafco prit deux batteaux avec vingt de les camarades, & iui-vitfon guide.

Ils trouvèrent le premier jour les quatre chevaux qui fe noyèrent au paiTage dufleuve-de Cofaciqui , & cela, renouvela le déplaiiir qu'ils avoient eu de leur perte. Mais les cinq autres jours qu'il continuèrent leur voyage> ils ne firent aucune tencontre, & après beau* coup de peine ils revinrent au quartier avec nouvelle , que la Dame qu'ils alloient chercher j ayant feu qu'on retournoit à elle , s'e-ftoit cachée dans une forcit, d/où il n'y avoit aucun moyen de la tirer. Le General alors dcfefpc rant de 1 avoir > tourna toutes fes pen;-fécs ailleurs.

<k H A P I T RE XI V,

Métal qu on trouva en Cofaciqui

D

Urant les ccurfes d'Aniafco, les autre?

Eipagnols qui efperoient tous de faire fortune en Cofaciqui , s'informèrent avec foin desricheiTes qui s'y rencontraient, Se le

General commanda d'appeller les deux jeunes-Indiens que l'on avoit amenez- d'Apalaché. Ii les envoya vers la Dame.de Cofaciqui > h

Hipplîer de faire apporter des pertes avec de • ces métaux blancs & jaunes, dont trafiqueront les Marchands qu'ils.avoient fervis ; l'a fleurant que fi elle obligeait les Efpagnels en cela, elle.acheveroit de les combler de Tes grâces. Cette Dame dépêcha aulTi-tôt de fes fujets quérir de ce métal j & ils raporterent du cuivre d'une couleur tres-dorée , avec de certains aix blancs-., comme de l'argent, longs & larges d'une aune , épais de trois à quatre doigts y Se toutefois tres-legers. Maisqnand. on les maniait ilsie reduifoient en poudre, à la façon d'une motte de terre fort feiche. Enfuire elle fit dire aux Efpagnols,.qu'au bout du village , dans un Temple , où l'on -enter*, roit les plus conliderablcs du lieu , il y avoic de toutes fortes de perles en abondance. Qu'ils en prendroient autant qu ils le juge-roient à propos; que s'ils en vouloient d'avantage , ils en trouveroient à une licuë du quartier dans la Capitale de la contrée, Que cette ville , le fejour de fes an ce me s, avoic un Temple, où ils verroient une grande quantité de perle», qu'elle abandonne»!: à la dit-cretion du General 8c de fes troupes¦ ; Se que :meime s'ils n'eftoicnt pas iatisfaits de tout cela, ils en pourroient encore avoir par le moyen de la peiche qui (e failoit au pays. Ces nouvelles coule-Lient Les Espagnols de

n'avoir pas rencOntr ... :fqui l'or Se

l'argent, dont on les avait flattez. Ils fe réjouirent aulli de voir queplufeurscroyoient qu'il y euft de l'or dans le cuivre ; mais comme ils n'avoient ny eau forte , ny pierre de touche y ils n'en purent faire l'eiTay.

CHAPITRE XV.

Temple cii l'on enterre les principaux habit ans de Cofaciqui.

LOrs que l'on fçût les richeffes du Temple , où efloient enterrez les plus confi-derables habitans de Cofaciqui, on l'envoya garder , & au retour d'Aniafco-le General Se les Capitaines s'y tranfporterent. Us trouvèrent dans ce Temple de grands corfres de bois , où il ne manquoit que des ferures , Se ils s'eftoilnerent que fans outils les Indiens les euiTent pu il bien faire. Ces coures eftoienc autour des murailles fur des bancs à deux pieds de terre, Se enfermoient les morts embaumez de telle forte , qu ils ne fentoient point mauvais. Outre ces grands coitres , il y en avoit de plus petits , 8e des corbeilles de rofeau très-bien faites. Ces derniers coffres eftoient pleins d'habits d'hommes Se de femmes, Se

les

îe? corbeilles rempile.-* de perles de toutes iz-çaris. Les Espagnols far in: réjouis de ta» c oie

richefTes j car il y avoir pi «s de miltt meiiirts de perles. Ils en peferent. vingt m dures, 8ç en prirent deux feulement avec au taiïçde iemen-ce de perles pour les envoyer aux Havanes , où Von en fçauroit le prix. Le General en effet ne voulut "point qu'on s embarraTan de beaucoup de choies ; Se meime il eut fait remettre dans les corbeilles le reite des perles ,* fi on ne l'euft fuppfie d'en dfftribuer. Il en donna donc à pleines mains aux foldats & aux officiers', avec bràre d 5h faire des Chapelets, àquoy elles eftoienr propres. -Enfui te les Efpagnols ibrtirent de ce Temple, Se Soto deux jours après, prît trois cens nommes des principaux de fes troupes, Se alla à Talomeco* Le chemin de part & d'autre depuis le Camp jufquà cette ville eftoir couvert d'arbres , dont une partie portoit du fruit, & il fembloit qu'on fe p/omenait dans un verger, Ainfi nos gens arrivèrent avec plailir Se lans peine à Talomeco, qu'ils trouvèrent abandonné à caufe de la nette. Talomeco efl une belle ville , Se marque aiTez qu elle a efte le fejour des Caciques. Elle efl lur une petite e-rhinenci prés de la rivière, & Confifte en cinq cens maisons bien baftie,. Celle des Seigm: irs s'elcve par defllis la ville Se fe vol

Z

5: tftf Ïli/Mii de la Tlortâil

Elle eft aufTi plus grande, plus- forte Se plus agréable que les autres. Vis-à-vis de cette maifon effc le Temple où font les cercueils des Seigneurs de la Province. Il eft remply de ri-chefTes , & bafti d'une manière magnifique. Mais comme je -defefpere.de ±e bien décrire , je conjure les bonnettes gens qui liront cette hiftoire , de iuppléer au défaut de mon ex-prefTion , en fe formant une grande-idée des chofes dont je les vais entretenir.

iC H A P I T R.E XVI.

DcfcriptiGtt du Temple de Talomeco.

LE Temple de Talomeco, ou eftla fepul-ture des Caciques, a plus de cent pas de long fur quarante de large ^ les murailles hautes à proportion, & le toi&.fort élevé , pour fuppléer au défaut de la tuile, & pour donner plus de pente aux eaux. La couverture eft de rofeaux fort déliez, fendus en deux, dont les Indiens font des nattes qui reflemblent aux tapis de jonc des Maures; ce qui eft très-beau à voir. Cinq ou fix de ces tapis mis l'un fur l'autre fervent pour empêcher la pluye de percer , & le Soleil d'entrer dans le Temple i ce que les particuliers de la contrées Se leurs

voifins imitent dans leurs maifons^

Sur le toicl de ce Temple il y a plufieurs coquilles de différente grandeur, Se de divers poifTons rangées dans un tres-bel ordre. Mais on ne comprend pas d'où on les peut avoir aportées, ces peuples errant fi éloignez de la mer , fi? ce n'eft qu'on hs ait priiez dans les fleuves Se les rivières qui arrofent la Province. Toutes ces coquilles font pofees le dedans en dehors pour donner"plus declat , mettant toujours un grand coquillage de limaçon de mer entre deux petites écailles , avec des in-tervales dune pièce àl'autre, remplis par plusieurs filets de perles de diverfe groifeur en forme de feftons , attachez d une coquille à l'autre. Ces feftons de perleS qui vont depuis »le haut du toief. jufqu'en bas , joints au vif é-clat de la nacre & des coquilles, font un très-bel eftet, lors que le Soleil donne deffus.

Le Temple, a des portes proportionnées a fa grandeur. On void à l'entrée douze fla-tuës de géant faites de bois. lis font repris-fente z d'un air fi farouche 8c -fi menaçant, que les Efpagrvols s'arreiterent long-temps à confi-derer ces figures dignes de l'admiration de l'ancienne Home. On diroit que ces geans foient mis là pour défendre l'entrée de la porte. Car ils font en haye des deux coftez, 5c vont en diminuant de grandeur. Les premiers oiat

Z z

huit pieds,, &. les autres un peu moins à proportion , en forme de tuyaux d'orgues.

Ils ont des armes conformes à leur taille, les premiers de chaque cofté, des maiTuës garnies de cuivre qu'ils tiennent ellevtes , & femblent tout prefts à les rabattre avec fureur , fur ceux qui fe hazardent d'entrer. Les féconds ont des marteaux d'armes , & les troifjémes , une efpece de rame ; les quatrièmes, des haches de cuivre , dont les tranchans font.de pierre à fufiL Les cinquièmes tiennent lare bandé , & la flèche prefte à partir. Rien n eit plus curieux à voir que ce< flèches, dont le bout d'enbas eft d'un morceau de corne de cerf fort bien mis en œuvre , ou de pierre à fulil afilée comme un poignard. Les derniers geans ont de fort longue* piques garnies de cuivre par les deux bouts tn pollure menaçante, ainii que les autres ; mais tou*d'une manière différente Se fort naturelle»

Le haut des murailles du Temple en dedans , eft orné conformément au dehors du toift y car il y a une efpece de corniche faite de grandes coquilles de limaçons de mer mis en fort bon ordre , & entre elles on voit des fêlions de perles qui pendent du toicl:. Dans l'intervalle des coquilles & des perles, on ap-perçoit dans l'enfoncement attaché à la couverture quantité de plumes de diveries cou*.

leurs très-bien diipofées. Outre cet ordre ouï règne au demis de la corniche , pendent de tous les autres endroits du toiit plulieurs plumes & plufieurs filets de perles , retenus par des filets imperceptibles attachez par ha*t Se par bas., enforte qu'il femble que ces ouvrages foient prefls à tomber,

Au defTousde ce plafons & de cette corn!-' . che , il y a autour du Temple des quatre collez , deux rangs de ftatuës, l'un au deiîus de rl'autre y 1\k i dhomme s 5c l'autre de -femmes > de la hauteur des gens du pays. Chacun a. fa .niche joignant Tune de l'autre 9 Se feulement pour orner la muraille qui eufl eilé.trop nue fans cela». Les hommes ont tousses armes -en main , où. font des rouleaux de perles de quatre ou cinq rangs aveedes houpes au bout •faites d'un fil trts-délié , Se de diverfes couleurs. Pour les ftatuës des femmes , elles iie portenfrien en leur main.

Au pied de ces murailles il y a des bancs de .bois fort bien travaillez , -où font potées les cercueils des Seigneurs de la Province 8c de ¦leur famille. Deux pieds au deiîus de .ces ccr-cueili^n des niches dans-lc mur, fe voyait les itatuë* des perlonnes qui font là enfevelies* . Elles les reprefentent fj naturellement, que l'on juge comme elles cftoient au temps de Jeur mort, Les femmes n'ont rien à la nuin »

Z 2,

mais les hommes y ont des armes»

L'efpace qui eft entre les Images des morts,' Se les deux rangs de ftatuës, qui commencent fous la corniche eft femé de boucliers de di-verfes grandeurs, faits de rofeaux iî fortement tiifus , qu'il n'y a point de trait d arba-lefte , ny mefme de coup de fuiii qui les puilTe percer. Ces boucliers lont tous ornez de perles 8c de houpes de couleur , ce qui contribue beaucoup à leur, beauté.

Dans le milieu du Temple il y a trois rangs de quaiifes fur des bancs feparez. Les plus grandes de ces quaiifes fervent de bafe aux médiocres, & celles-cy aux plus petites, Se d'ordinaire ces pvramides font compofée de cinq ou iix quaifîes. Comme il y a des efpaces entre an banc Se un autre , cela n'empêche point d'aller de cotte Se d'autre, Se devoir dans le Temple tout ce qu'on veut.

Toutes ces quaiifes font remplies de perles, de forte que les plus grandes renferment les plus grolTes perles, Se ainlî en continuant juf-fm'aux plus petites, qui ne font pleines que de kmence de perles. Au refte la quantité des perles eftoit telle , que les Efpagnols avouèrent qu'encore qu'ils fuifent plus de neuf cens* hommes , Se eulfent trois cens chevaux , ils pe pou voient tous enfemble emporter en une fois toutes les perles de ce Temple. On ne

doît pourtant pas s'en trop étonner, fi Von coniidere que les Indiens de la Province apportaient dans ces quaiiTes depuis plufieurs iîecles toutes,les perles qu'ils trouvoient fans en retenir une feule. Et de là on peut juger par comparailoiiy que ii tout l'or Se tout lar-gent qu'on a amené du Pérou en Efpagne, ne s'eftoit pas transporte'ailleurs, les Efpagnols pourroient aujourdhuy couvrir d'or & d'argent plufieurs Eglifes. .

Outre cette innombrable quantité de perles, on trouva force paquets de peaux de. chamois, les uns d une couleur, 8c les autres d'une autre., fans, compter,plufieurs habits. de peaux avec le poil teintes différemment , plufieurs veftemens de chats, de martres, 8c d'autres peaux aulTi bien paliées qu'au meilleur endroit d'Allemagne Sc.deMofcovie.

Autour de ce Temple , qui partout eftoit fort propre , il y a un grand magafin diviféen huit falles de mefme grandeur , ce qui luy apporte beaucoup d'ornement. Les Efpagnols entrèrent dans ces lalles, & les trouvèrent pleines d'armes. Il y avoit dans la première de longues piques ferrées d'un très-beau cuivre , Se garnies d'anneaux de pcrîes, qui font trois ou quatre tours. L endroit de ces piques qui touche à l'épaule eft enrichi de chamois de couleur , 5c aux extremnez il

tj-L llrftchc de la Tlcridel

•y a dés houpes , avec des perles qui contribuent beaucoup à leur beauté.

Il y avoit dan-> la féconde falle des manu es Temblab'.es à celles de* gtans v garnies d anneaux de perles,. Se par endroits de houpes de diverics couleurs , avec des perles alentour. Dans la troiliéme on trou voit des marteaux d'armes enrichis comme les autres 9 dans k ^quatrième., des épieuxparez de houpes , prés du fer 5c a la poignée ; dans la cinquième dos -eipeecs -de rames ornées de perles Se de franges ; dans la fixiéme des arcs Se des flèches -très-belles. Quelques unes font armées de pierre a fuhi , égauees par le bout en forme •de poinçon , d epee, de fer de.picques , ou xie pointe de poignard, avec deux tranchans. JLes arcs lont emaillez de diverfes couleurs, luifâns ce. embellis de perles en divers t -droits. Dans la . feptié-me lalie il y avoit.des rondaches de bois 3e de cuir de vache aporté de loin, garnis de perles Se de houpes de cou? kur. Dans la huitième , des boucliers de K* ieaux tiflus fort adroitement , -Se parez de houpe.' <Scde kmences de pulcs. Voilà h deicri-ption du Temple & dumarahndeTalomeco, que les Espagnols qui ayoiect efté au.Perou, & dans les autres partits-de:!'Amérique* admi, tereut comme la merveille du nouveau mon-« cCi.Laiuiteiis demanderait, aux .Indiens ce

qui les avoir portez à amaffer tant de richei-Tes, & ils répondirent que tous les Seigneurs, du pais , & principalement ceux de leurPro-» vince, faifoient confifter leur grandeur dans la magnificence de leur Temple. Nos gens le contentèrent de.cette réponfe , Se auili-toft les Intendans de l'Empereur qui eftoient à la fuite de l'armée > pour recevoir Je quint de toutes les richefles que l'on trouveroit, délibérèrent de prendre les droits de leur Maiftre. Mais Soto leur dit qu'il ne fe falioit charger de rien. Que l'on efloit afTez embaraile des armes Se des proviilons que l'on portoit. Qu'après la conquefle de la Floride on le partageront, Se que^celuy auquel arriveroit la Province de Cof aciqui, payeroit le quint des trefors qui ie.trouveroient dans le Temple de Talomeco. Tout le monde approuva ce fen-timent, Se Ton reprit la tonte du quartier,

CHAPITRE XVII.-

Départ de Ccfaciqui, avec ce qui.arriva dans U marche jufques à Cbovala.

Si-tôt que le General rut arrivé au quartier il employa dix jours à s'informer des Provinces voifiues, & fur l'afieurance qu'elles c-

toient fertiles 8c peuplées, il commanda à Tes gens de fe tenir preft pour partir, & alla avec fes Officiers prendre congé de la Dame de Cofaciqui & des principaux Indiens. Il les remercia de leur obligeant-accueil, & fur tout la jeune PrincelTe, à qui il promit toutes fortes de reconnouTances des bontez qu'elle avoit eues pour les Eipagnols. Enluite les troupes décampèrent ; mais parce quelles n'a-voient pas allez de vivres pour marcher en gros, elles fe divisèrent. Le General ordonna à trois de fes Capitaines*, de prendre cent Cavaiiers avec deux cens fantaffins, & d'avancer douze Keuës dans le pays , à cotte de la route de Ch^va'aouon alloit. Qu'ils ren-contreroient dans un bourg fix cens mefures de gros millet ; & qu après en avoir pris autant ; qu'iis pourroient, ils rejoindroient lereftede l'Armée dans la marche. Ces Capitaines partirent incontinent, & le General prit le chemin qu'il avoit refolu. Il arriva en huit jours à Chova'a , qui confine à la Province-dé Co-faciqui, 3c ils Officiers au village , où ils a-Voient ordre de fe rendre. Ils y trouvèrent une grande quantité de gros millet, ils enlevèrent deux cens meiures, Se vinrent reprendre la route du General qui eftoît pailé. La

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*-Gaile£0 , Titoco, .SiU-cHit.-

plupart d'entre eux qui ne lçavoient à combien ils eftoient de luy , & qui dans cette incertitude , craignirent de manquer de vivres iur le chemin, fe mutinèrent, & fans vomoir . obéir ils doublèrent le pas pour 1 atteindre. Les Capitaines qui vouloient aller douce* ment, à caufc de trois chevaux malades , tâchèrent à retenir ces mutins, par la considération des fer vices que 1 on tiroit des animaux. Mais ils leur répondirent fièrement, queî-'on ne de voit point préférer trois chevaux à la vie de trois cens hommes, & ils fe remirent à marcher plus fort Se p'us en de/ordre qu'auparavant. Là-defTus un des Capitaines qui fe trou voit a la r.efte , leur dit, qu il s eftonnoît de la précipitation avec laquelle ils alloient. Que dans deux purs au plus tard, ils join-droient le General à Chovala. Qu'il avott trop d honneur, & fçavoit trop bien la guerre pour les laifler dans-un pays ennemy. Qu'il He falloit donc pas fur une crainte ridicule de manquer de provifions,-abandonner des chevaux qui fervoient il utilement contre les Barbares. Que fans doute leur conduite les couvriroit de honte , Se donneroit un fenfi-ble depiaifir à Soto quiles-a-ymoit. Qu'ainiiils dévoient plutôt fonger à rentrer dans leur de-yoir , Se a mourir en braves foldats, que de-ftre dans la defobcïfTançc, & vivre fans gloire»

+$â Hljîch'c de ta Tloridel

Ces paroles les arrêtèrent un peu , Se le lendemain comme ils rrwchoient, il le forma darib l'air au milieu du jour, un orage accom-gagné de vents, de tonnerre, 8c à une grefîe fi funefte , que fans la rencontre de quelques: grands arbres , ils fuiïent tous péris. Car la ' grefle eftoit fort groffe , mais par bonheur elle ne dura pas long-temps. De forte qu : ifs continuèrent leur chemin, & arrivèrent le : troifiéme jour de leur marche à de petits villages , tjue Ton appclloirChalaques, d'où lés 'habitans s'cftôient retirez , hormis quelques vieillards, dont la plafpart avoient perdu la vue.

A trois journées de là, ils rejoignirent le General qui les attendoit depuis deux jours '^dans une valce de la Province de Chovalay éloignée delà Capitale d'environ cinq lieues, par la route qu'ils avoient tenue, & qu'ils : trouvèrent aflez belle. Car ils. marchèrent prefque toiîjours par un pays plain Se coupé à chaque trois ou quatre lieues, de petites rivières qui coûtaient agréablement par la campagne. Ils rencontrèrent aufTi quelques montagnes d'une pente fort douce , couvertes d'herbes très-propres pour le beftail ;" Se vinrent durant leur trai:te de très bonnes terres. Au refie depuis Àp; :ùpes à Cho-

Vala, le chemin fut d'environ cinquante-i^pt

Journées ,

journées, 3c prefque toujours vers le Mord ou Nordeft. Ce qui eft afTez remarquable , les Efpagnols trouvèrent dans les villages qui dépendoient de la Dame de Cofaciqui, plu* fleurs efcîaves Indiens des autres contrées, eue ceux qui allèrent à la chaffe Se àlàpefchè railoient priionniers. Ces efcîaves fervoient à cultiver la terre & on les avoir tres-maltraitez pour les empêcher dé fuïrv Aux uns on avoit coupé les nerfs du coup de pied, Se aux autres les nerfs qui font au deifus du talon» Quand j'auray encore dit quelque chofe de là Dame de Cofaciqui, j'auray raconté ce qui s'eft vu ou pafïè de plus considérable dans les ^Provinces.

CHAPITRE XVIII.

Gêner ofité de la Daim de'Cofaciquh

LEs Efpagnols fejoumerent quinze jours dans la Capitale de Chôvalâ, fituée entre un bourg & une petite rivière fort rapide y ils y furent tres-bieft reçus > parce que la Province dépendoit de la Dame de Cofaciquî. Enluite ils delcamperent, Se marchèrent le premier jour par des terres kmecs , Se cinq autres fur des montagnes, inhabitées-, & de

A a

'i-j% Riftoire de ta Tlortieï

vingt lieue de traverfe. Elles eftoient pleine^ de chefnes, de meuriers, de bons pafturages, Sz de petits ruiffeaux qui coûtaient parmy des vallées tres-frefches 3c tres-agréables.

Pour revenir à la Dame de Coïaciqui, elfe ^ie fut pas contente d avoir fait conduire les Efpagnols jufquesà Chovala, elle comman-cîa encore aux habitans de cette Province de leur fournir autant de vivres quils en vou-droient,& meime de-leur donner des Indiens pour les fervir durant les vingt lieues de montagne qu'ils dévoient paffer , avant que d'arriver à Guachoulé. Elle eut foin aulli, afin que tout allait mieux , que les-Jndiens de fer-vice fuiTent commandez par quatre des principaux du pays, & fît garder cet ordre , tan-âîs que les Efpagnols marchèrent fur les terres, JMais voicy comme .elle fe^gouverna à leur é--gard , lors quils fortirent des contrées de fon obe'nTance. Elle ordonna aux ¦ quatre Commandans Indiens, que dés qu'ils arrive--xen: au pays de Guachoulé qui confine a fês Provinces, ils prifTent les devans ; Se qu'en qualité defes Amhaûadeurs, ils allaifent prier le Cacique de recevoir favorablement les Efpagnols dans ion eflat. Qu'en cas de refus , ils luy declaraflent la guerre, & le mcnaçailent de mettre tout à feu& a langdans Jacontrce. Le General ne fcûcricJi-de cet ordre, qu'a.

prés que l'on euft pafîe les montagnes. Alors comme les quatre Indiens luy eurent demande permilTlon de s'-avancer, ils luy découvrirent les chofes dont on lesavoit chargez. Nos gens furpris de cette genereufe conduite, demeurèrent dans le fentiment où ils eftoienr, que la Dame de Cofaeiqui defiroit de les fer-vir ardemment. En effet, lors que dans fà Province elle les obligeoit avec chaleur, elle les prioit toûjouts de luy pardonner , fi elle ne leur rendoit pas tous les bons offices qu'elle fouhaitoit. Les-Efpagnols pour la perfuader du contraire , luy faifoient compliment fur la manière dont elle agifToit. Cette Dame eftoit non feulement libérale envers nos gens, mais encore envers les fujets qu'elle combloit dé fes grâces. Elle meritoit auffi de commander ides Royaumes entiers, & pour eftre ur.g Princelie accomplie , il ne luy manquent qus d'effaré éclairée des lumières de la'foy.

CHAPITRE XIX.

Ce qui arriva aux troupes dans ledefert. .

LE jour que les Çfpagnols fortîrent de Chovala , ils trouveront à cire trois ef-dàves , dont deux ejioient Negrçs & l'autre

Aa 2,

À.laure. L'amour des femmes plutôt qu'aucun ma ivais traitement les avoit obligez à fuir & à ejemenrer parmy les Indiens,.li ravis de les avoir qu on ne pue jamais les retrouver quelque diligence qu'on fit pour cela. Comme les Nègres aymoient leurs Maîtres, Se pa(Ibtent pour bons Chreftiens , on fut fur-pris de leur faute, mais perfonne nes'eftonna de la conduite du Maure y qui eftoit fin Se méchant.

Deux jours après cette fuite , lors que les troupes marchaient a travers le ddert, ]uan Terron un des plus robuftes foldats de L'As» mec tira de ion Alforge *fur le mkly, environ fix livres de perles , Se prelTa un Cavalier de fes amis de les prendre. Le Cavalier le remercia , & luy dit qui les devoir garder , ou plû-toit puifque le bruit couroit, que le General dépéchoit aux Havanes , les y envoyer pour en achqpter des chevaux , & n'aller plus à pied. Terron piqué de cette réponfe > repartit, que ces perles nepaiTeroient donc pas outre., & là-deiïus il les répandit de cofté 5c d'autre fur l'herbe > & a travers des huilions. On fut furpris de cette folie; car les perles eftoieiu groOes comme des noilettes , d'une tre^-bjlLeeau , Se à eau fe qu'elles n'efioient

¦» £fpe£C de gtaadc ûucouai:ic,

pas percées, elles valoient plus de fix mille ducats. Oirramafla environ trente de ces perles qui parurent fi belles, qu'elles firent re-* gjeler la perte des autres-, & dire par raillerie ces paroles , qui paiferent en proverbe par* my eux, ce ne (ont pas des. perles pour Juan Terron.

. Terron ne voulut jamais découvrir où H avoit rencontré tant de greffes perles , Se comme Tes compagnons le mocquoient fou-vent de ûi conduite , il les pria.un jour de l'épargner ; que toutes les fois qu'il (bfouve-noit de fa fotife , il îuy prenoit envie de ib pendre. Tels font les prodigues-, ils defpen-ient rbilcmsut leurs biens, & après ils en font au defelpoir. Au contraire ceux qui font libéraux ont de certaines joyes {ecretes, que l'on km mieux qu'on ne.les exprime*,

&n de la première Partie de VHiftoiii as U Floride.

a 3

HISTOIRE

DE LA

FLORIDE,

ou

RELATION

DE LA CONQUETE

De ce Pays par Ferdinand de Soto.

seconde partie.

M. DCC. VIL

picture5

HISTOIRE

DE LA

FLORID E.

SECONDE PARTIE.

LIVRE PREMIER.

Accueil des Efpagnols en diverfes Provinces de la Floride , avec les batailles qui s'y font données.

C H A P I T\R E I.

<Cûnune les Caciques de Guacboulé , CT d'UL'h.i * reçurent (es trtupes.

O^s que les Efpagnols eurent tra-verle le defert, dont j'ay parlé au dernier chapitre de la première Partie de cette Hiftoire, ils entrèrent dans la

picture6

4 oa Iciiiaiu.

£ Hiftoirc. à( la Ttcride. -

Capitale de Guachoulé,iituée entrepîufieurs ruifleaux qui paffcnt de cofté.Sc d'autre de la ville , Se viennent des montagnes qui lont à l'entour. Le Seigneur qui portoit le nom de la Province , fortit de la Capitale demy-îieuë au devant des Efpagnols , accompagné de cinq cens des principaux de la contrée , fort le fies à la mode du pays. Il receut en cet eftat le General avec de grands témoignées d'amitié r 8e le mena dans fa viliaquieftôk de trois cens feux ; puis il le logea en fa maifon qu'il avoit préparée pour celai. la confidera*. tion de la Dame de Cofaciqui ¦> & pourveut les Efpagnols de toutes les choies necefïaires. Son logis eftoit fur une tertre avec une t<.rr.i~£ autour , où ûx hommes le pou voient promener de front.

Durant quatre jours que le General ftjcur* tu dans cette place , il s'informa de la qualité du pays*. Enîuite H prit la route de la Province d'Iciaha , 5c en faiiant tous les jours cinq lieues , il arriva le fixieme à la Capitale , qui poite le nom du Cacique Se de la contrée. Pour y aller il defeendît le long 4eplufieurs ruifleaux qui palfent^GuaciiouIc, qui le joignent à quelque di/tance de-la, Se font un fleuve fi puillant, que dans la Province<d I-ciaha éloigne de trente lieues de l'autre, il efc plus c^rani que le Gualiaquivir } c\\\ p^Ûfe à Se ville;,

thfe premier j

La Capitale dlciaha eft à la pointe d'une lïîe de plus de cinq lieues. Le Cacique à l'an, rivçe du General fortit de cette ville , & le fut recevoir avec toutes les apparences d'une grande joye. Les Indiens qui laccompa-gnoient firent la meû»e chofe à l'égard des autres Efpagnols 3 & les'paiîerent dans des barques , Se fur des traîneaux qu'ils tenoient prefts pour leur rendre cet ofSce, Us les logèrent après eYi'leurs maifons , ils les régalèrent le mieux qu'ils purent, & tâchèrent par toutes-fortes de moyens de leur marquer leur .bonne volonté. Le General senqùit z Ton -ordinaire de ce qu'on trou voit de particulier dans la contrée, & le Cacique luy dit qu'à Trente lieuëï de la Capitale -, il y avoit des rni-nés de ce métal jaune donril-s'informoit, Se que s'il vouloit y envoyer des gens , il les y feroit feurement conduire 5c ramener, Villa-bos Se Silvera s'offrirent de faire !e voyage , Soto y confentît, & i's partirent auili-tôt à pied avec des Guides Indiens,

CHAPITRE IL

Stopped Here

Mjnkre dont les Indiens rirent les pries de leurs coquilles.

LE lendemain le Cacique vint voir le General , 5c luy donna un til de perles

% Hijloire de U Tlcrîde.

d'environ deux brades. Ce prefent fans doute eufl patte pour beau, fi les perles n'euttent point été percées; car elles eftoient toutes égales Se grottes comme des avelines. Sotoenrê-connoittance de cette faveur, Iuy donna quelques pièces de velours & de drap, qui furent particulièrement emmées de l'Indien , auquel il demanda on fe faiioit !a pcfche des perles, il répondit qu'elle fe faifoit dans fa Province. "Qu au Temple de la ville dlciaha , où fes anceftres eftoient enterrez , il y en avoit une grande quantité, Se qu'on en prendroit à dii-xretion. Le General répliqua qu'il luy eftoit obligé , mais qu'il ne vouloit rien emporter du Temple , Se qu'il n'avoit receu fon prefent que pour ne Iuy pas déplaire. Que ion dt^cm ettoit feulement de fçavoir de quelle forte on tiroit les perles des efcailes. Le Cacique repartit qu'il en feroit pefcher toute la Huit, & que le lendemain matin à huit heures il aurait la fatisfaction qu'il fbuhaitcit. Il commanda donc au même temps d'envoyer quatre batteaux à la pefche des perles, avec ordre de retourner au matin. Cependant il eut foin que l'on brnlaft force bois fur. le rivage , pour y faire un grand brafier , Se qu'ail retour des batteaux on mitt les efcaillcs de (Tu s qui s'ouvrirent à la chaleur. On rencontra à Couverture des prémieres,dtt ou douze perles

de

Ihrt premier* j

*!e la groiTeur d'un poix que l'en porta au Cacique, Se au General qui eflaâ€nt prefens., Se qui les trouvèrent très-belles, hormis que le feu leur avoit dérobé une partie de leur, éclat.

Lors que le General eut vu ce qu'il défi-roit, il retourna dîner ; Se incontinent après entra un foldat qui d abord luy dit, que mangeant des huiftres que les Indiens avoientpefl chees , il avoit rencontré fous fa dent une perle très-belle Se d'une couleur très-vive , & qu'il le fupplioitde la recevoir pour l'envoyer à la gouvernante de Cuba. Soto réfuta civilement cette perle , Se affeura le foldat gu'il luy eftoitauiîi obligé que s'il l'acceptoit. Qii'il tàcheroit un jour de reconnoiftre fon -affection , Se l'honneur qu'il faifoït à fa fem-* me. Et que cependant il eltoit d'avis qu'il confervaft fon prêtent , pour en acheter des chevaux aux Havanms. Les Efpagnols qui eftoient alors avec le General confïderererit la perle de ce foldat ; $e quelques-uns qui fê piquoient de fe connoiftre en pierreries , le-ftimerent quatre cens ducats. A'uffl e'ie ii;u voit rien perdu de fon luîlre, 8e 1 on ne se-itoit pas fervi du feu »v -ur la tirer.

Tandis que les Efpagnols kjournerent dans la CapirnL dlciaha, un cavalier qu on appclloit Louis d,c Bravo , le pr menant la il. Part. B b

G Hifloire de U Floridel

îance en main fur une chauiTée prés du fleuve? vit palier un chien , Se il luy jetta fa lance à defîein de le tuer, Se de le manger faute d'autre viande. Mais il le manqua, 8c le coup alla donner à la temple de Juan Mateos qui pef-èhoità la ligne, Se le tua. Bravo qui ne l'avoic pas vu , Se qui ne fe doutoit point de ce malheur , courut ramafler Ja lance, & il trouva qu'elle traverfoit la tefte de Mateos , le fcul des troupes qui euftdes cheveux blancs. C'eft pourquoy ils l'appelloient leur père , Se comme ils luy portoient beaucoup de relpecY,fa mort les toucha fenfiblement.

Tandis que ces chofes fe paiïoient, ceux qui eftoient allez à la découverte retournèrent au bout de dix jours, Se rapportèrent que les mines eftoient d'un cuivre fort haut en couleur. Qu'apparemment fi l'on chercheit avec foin , on renconrreroit de l'or Se de l'argent. Que du refte la terre par où ils avoient paiTé, eftoit bonne pour le beftail, Se pour le labourage. Que par les bourgs qu'ils a-voient traverfez , on les avoit bien reçus, Se qut mefme toutes les nuits après les avoir régalez , on leur envoyoit deux jeunes filles fort jolies pour coucher avec eux. Que néanmoins ils ne les avoient point touchées, de crainte que s'ils avoient pris quelque liberté avec elles , les Barbares le lendemain ne s'en

fuffent vengez fur eux à coups de flèches. Mais les Indiens'en ufoient peut-eftre delà forte dans la penfée de mieux divertir leurs ho fies, qu'ils vo voient jeunes & vigoureux 5 car s'ils les avoient voulu tuer, ils le pouvaient aifément fans chercher aucun prétexte,

CHAPITRE III.

Réception des Efpagnols dans les Provinces d'Acofté & de Coca.

A Prés le retour de Silvera 8c de Villabosi le General commanda qu'on fe tinft preft pour partir, Se l'on décampa le jour Suivant avec l'amitié des Indiens de la contrée. Les troupes marchèrent le long de Mile, 8c à cinq lieues dlciaha, où fe fait la jonction du fleuve de cette contrée , avec celuy du pays , où Ton entroit, el!< s r< ncontrerent la Capitale d'Acofté qui porte le nom de la Province. Le Cacique les y reçut d'abord d'une manière bien différente de fon voifin, car lors qu ils entrèrent en Acoité , il y avoit plus de quinze cens hommes fur les armes, tous gem refolus & déterminez à combattre, qui ne delarmerent.point de tout le jour, Se oui traitterendes Efpagnols avec tant de fierté

Bb z

Se d'i'nfol'ence, que plufieurs fois on fut preft d'en venir aux mains avec eux ; mais le General l'empêcha pour ne point rompre la paix qu'on avoir, gardée députe la fortie d'A-pahehé. On obéît, &: Ton fut toute la nuit fous les armes aulTi bien que les Barbares, qui le- lendemain agirent avec moins de défiance Se plus de eu ilité. Le Cacique accompagne-des principaux du pays , vint obligeamment offrir du gros millet •> Se nos gens crurent.qu'il s'eftoit adouci à. la recommandation du Seigneur d'Iciaha,qui l'avoit envoyé prier en leur faveur. Le General accepta les vivres 5c les paya. Les troupes auffi-tôt defcamperent,,Se pafïcrent le fleuve dans desbatteaux Se fur des traîneaux, ravies que les chofes fe fuffent terminées fans combat. Elles entrèrent de là dans # la Province de Coça dont lçs habitans vinrent au devant d'eux ,'&. les reçurent avec affection. Ils leur fournirent aufTi de*s vivres *c des guides pour les mener d'un bourg à l'autre.

Coça eft une Provinc? de cent lieues de traverfe. La. terre en eft bonne, Se le pays fort peuplé. Car en un feul jour fans compter l'es villages de cofte 5c d'autre de la route, les Espagnols traverferent dix ou douze petites bourgades, dont les habitans leur donnoient des provilions , 5c mefme ceux d'un heu hei

i& Coça/un Chreftien qui n'eftoit point E£. pagnol,. fe cacha dans cette place pour ne point fuivre les autres. Mais comme il n'eftoit pas confiderable, on ne le trouva à dire qu'à TalifTe, où l'on effara de le faire venir, mais inutilement. Il fit dire au General qu'il vou-. loit demeurer avec les Indiens, & que fort Capitaine l'ayant querellé,, il ne le vouioit jamais voir , ny les Efpagnols aufÏÏ. Là-deiïus le General pria le Cacique de luy rendre ce deferteur. Mais Coça luy repartit agréablement, que puis qu'ils n'avoient pa? tous voulu s'eftablir fur les terres , il eftoit juft'e qu'il y en demeuraft au moins quelqu'un, & qu'il en auroit un foin tout particulier. Qu'ainh il îè fupplioit de luy pardonner , s'il ne contrai** gnoit point Ton (bld'at de rejoindre les troupes. Soto alors qui coniidera qu'il n'nbtien-droit rien du Cacique , ne le. prefTa pas da-

vantage.

J'ay oublié de dire qu'un Nègre fort bon Chreftieir^Be fort bon efclave, demeura malade a Coça , 8c qu'il fut recommandé au Cacique , qui promit d'en avoir foin. Ces particularité font de peu de confequcncc,mais je les raporte , afin que fi quelque jour on fait Kl conqucfte de la Floride > on puiiTe s'informer des habîtans du pays, »'îh ne fefouvien-nent point des étrangers qui fe font cftabils-parmy eux.

Ï4 HiftoWe de la Floride]

CHAPITRE V.

De quelle manière Tafcaluça reçût le General.

LE General fejourna dix jours àTalifTe^ où il s'informa des Provinces voifwes, Se du chemin qu'il avoir, à faire. Cependant le fils de Tdcaluça le vint trouver. C'eftoit un jeune homme d'environ dix-huit ans ; mais iî haut, qu'il furpaifoit prelque de la moitié du corps tous les Efpagnols, & tous les Indiens de l'armée. Il avoità fa fuite plufieurs gens confiderables , Se venoit en qualité d'Ambafladeur offrir à Soto l'amitié de fon père , fa perfonne 8c fa Province. Soto le reçût aufïî avec beaucoup de civilité, tant pour le mérite particulier qu'il fembloit avoir, que pour fon air qui avoit quelque chofe de grand. Enluite , comme ce jei^e Seigneur apprit que le General voulait aler voir TaC caluça, il luy dit que fon Père n'eftoit qu'à douze lieues du camp , 5c qu'on s'y pouvoit rendre par deux chemins. Qu'il iupplioit le General d'envoyer quelques fôldats pour les reconnoiftre , avec ordre d'aller par l'un 8c di£ retourner • èroitron*

8uîre Se ramener feurement; & qu'après on marcheroit par la route la plus agréable & la plu* aifee. Villabo qui fouhaitoit que la découverte fuft heureuie , t> : ofrrit d'aller avec un de les compagnons trouver Tafcaluça. A fon retour les Eipagnols dirent adieu à Coça & à Tes fujets, & prirent le chemin que Villa-bos leur marqua. Ils parièrent le fleuve de TalifTe fur des traîneaux 6c des barques 3 8c au bout de trois jours ils'arriverent a la vue -d'un petit village où les atrendoit Tafcaluça. Mais lors qu'ii apprit qu'ils approchoient, il fut au devant d'eux, Se s'arrefta fur une émi-nence pour le? mieux voir. Il efloit environné de cent des principaux de les fujets, tous de bout, tandis qu'ii eftoic^affis for une chaife de bois, haute d'environ deux pieds , fans doiTier, ny bras >*&t toute d'une pièce. Prés de cette chaife il y avoit un Indien avec un en-' feigne de peau de chamois , traverfé de trois barres d'Azur , de la figure d'un eftendart de Cavalerie; Nos gens en furent furpris, parce qu'ils n avoient pas encore vu de drapeau "parmy les Indiens.

Tafcaluça efteit âge de quarante ans , ou ¦environ, & plus haut de deux pieds que ceux qui l'accompagnoient ; de forte qu il paroil-foit un géant. Son vilage,Tes épaules & le «fie de fon corps répondoit a cette hauteur,

ï6 Bifioîu de U TkrtiS.

Se il eftoitgrosa proportion^ bel homme J l'air noble 5c fier , le mieux pris en ia taille , & le plus grand que l'on euft encore vu dans Il Floride.

Comme il attendoit Soto fur l'éminence^ quelques Officiers Elpagnois s'avancèrent jufqu auprès de luy, fans qu'il d'aignaft les regarder , ou leur faire la moindre civilité ; Se il îembl oit qu'il ne les euft pomt apperçûs. Mais a l'arrivée du General, il fe leva, Se fit quinze ou vingt pas pour le recevoir. Soto de \on cofté mit pied à terre &. l'embralTa. Ils s'entretinrent tandis que les troupes fe logèrent dans le bourg Se aux environs. Après ils fe donnèrent la main, Se vinrent à la maifonqui eftoit préparée pour le General, où le Cacique prit congé de îuy, Se fe retira.

L'Armée fe rafraîchit deux jours dans le village, Se le troiiiérae elle en fortit. Tafca-luça fous prétexte -d'amitié Se defervice,la voulut accompagner durant qu'elle marche-roit fur fes terres. Si bien que Soto commanda tyue Ton tinft preffc un cheval pour ce Cacique, de mefme quon avoir fait jufques-ià pour tous les autres Seigneurs Indiens ; ce que j'avois oublie j dire. Mais comme Tak. caluça eftoit grand , on eut de la peine à luy trouver une monture. G-pend -nt lors que l'on euft bien cherche, on rencontra un

cheval

cheval de baft, on le mit defiiis-, après îuy a-voir donné Un habit d'écarlatte Se une cape de mefme couleur j mais il s'en falloit tres-peù que Tes pieds ne touchaflênt à terre.

Le General réjoui, qu'enfin on euft dé •emoy monter le Cacique donna lès ordres pour marcher, Se l'Armée fit quatre lieues •chaque jour, Se autroitiéme elle arriva à la Capitale , que l'on appelloit Tafcaluça du nom du Seigneur Se delà Province. Cette ville eft forte , parce qu'elle eft au milieu d'une prefque Ifle, que forme le fleuve qui paiTe à Taliffe, Se qui eft beaucoup plus grand Se plus rapide à Tafcaluça qu'à ce bourg. Le lendemain on traverfa le fleuve, mais à caufe qu'on n'avoit pas afTez de traîneaux, on employa tout le jour à pafTer , Se l'on ne put longer qu'a dcmy-lietië de là dans une valée tres-àgréable. Alors les Efpagnols trouvèrent] ù dire Villabos 8c un autre cavalier, fans qu'ils puffentfçavoir ce qu'ils eftoient devenus. Ils foupçonerent alors feulement que s'eftant écartez, les Indiens les avoient tu~z. Villabos en etfet fe plaiioït à fortir du camp Se à courir le pays ; mais de ces fortes de courfes il n'en arrive d'ordinaire que du malheur.

On commença deflors à avoir mauvaife o~ pinion de l'amitié de Tafcaluça. Et ce qui confirma cette créance, fut que ks Efpagnols

¦II. Part. Ce

kt Hiftoîre de la Vlorlde.

cémoignans aux Indiens leur étonnement de !a perte de leurs camarades, les Barbares leuT répondoient avec infolence , qu'ils.ne leur avoient pas donné en garde, Se qu'ils n'e-iloîent pas obligez de leur en rendre compte. XjZ General ne voulut point pouffer la chofe, de crainte d'effaroucher le Cacique. Etparce -qu'il crut que Villabos Se ion compagnon cftoient tuez,, il différa de vanger leur mort, îufques à ce que la fortune leur en fournie quelque Qccalion.

Le lendemain Soto envoya à Mauvila ,' qui eftoità une lieuë & demie du camp^ Gonçal Quadrado Charamillo , Se Diego Vaiqués, cavaliers expérimentez dans toutes fortes de rencontres, Se leur ordonna de re~ ^connoiflre ce bourg , Se de l'y attendre.

CHAPITRE VI.

découverte d'une trahîfon-datts Mauvila.

A. V mefme temps que Quadrado & forî camarade furent partis , le General prit cent chevaux Se autant de fantafllns, pour riîler à l'avant-garde avec luy Se le Cacique y Se donna ordre au Meftre de camp de le fuivre fin diligence. Néanmoins le refte de l'Armée

ne fortitque tard ; & dans la penfée qu'il ri y àvoit rien à craindre , ils ie répandirent deçà Se de là pour-chaffer.

Le General arriva fur les huit heures du matin à Mauvila, qui confiftoit en quatre-vingts maifons, où dans quelques-unes oa pouvoit pofter quinze cens hommes, dans quelques autres mille, & aux plus petites environ iix cens.- Ces maiions n'avoient pourtant qu'un corps de logis ; .car. les Indiens ne les font point autrement, 8c chaque corps de logis eft en forme de fa!le avec quelques petites chambres. Au refte , comme Mauvila eft une place frontière, les maifons en eftoient fortes Se belles , & marquoient alîez la pui£ fance du Cacique. La pluipart auiTi luy ap-partenoient, & les autres aux principaux de fes lujets. Le bourg de Mauvila eft dansene très agréable plaine , ceint d'un rempart fort haut, palilladé deigroffes pièces de bois, fichées en terre avec des ioliveaux en travers par dehors ^attachez par dedans avec des fortes cordes: Le haut des pièces de bois e-ftoit enduit de terre grafii ; méfiée de longue paille , ce qui rempliiloit de telle forte le vui-de qui fe trouvoit entre les pièces de bois, que cela paroifloit une muraille de maflonnerie. II y avoit de cinquante pas en cinquante pas des tours capables de tenir huit hommes avec

Ce 2

des crenaux à quatre ou cinq pieds de terrej Ii n'y avoit que deux portes àJMauvila, l'une au Levant, l'autre au Coucaant , Se une grande place au milieu du bourg entourée des principales maifons. Soto arriva avec le Cacique dans cette place qui eft au milieu de la Ville. Tafcaluça auiTi-tôt mit pied à terre > Se appella Ortis pour luy montrer le logis du General Se de fes Officiers. Il luy dit que les-. valets Se les autres gens de fervice prendroient la maiion la plus proche du logis du Gênera^ Se que les troupes camperoient dehors à la^ portée du trait , où l'on avoit fait de fort bonnes huttes. Le General fit répondre qu'il falloit attendre que fon ^lettrede camp l'euft joint, & la deiTus le Cacique entra dans une rnaiîon , où eftoitfon conieil de guerre. Cependant les foîdats qui s'eftoient avancez a-vec le General demeurèrent fur la place, 8c envoyèrent leurs chevaux hors, du bourg 9 , juiqu a ce qu'ils euiîent vu le lieu qu'on leur deftinoit.

Sur ces entrefaites Quadrado qui eftoit venu rcconnoiflre Mauvila , vint trouver le General. Il luy dit qu il le falloit défier du Cacique ; 8c qu'il craignoit une trahi fbn. Qu'il y a voit dans le s maifons du bourg prés de dix mille hommes de guerre , tous jeunes gens, lcftcs Se bien armez > la, fleur des vaû

faux de Tafcaluça & des Seigneurs Voîfins* Que plusieurs logis eftoient pleins d'armes. Qu'il n'y avoir dans Mauvila que de jeunes femmes qui pouvoient combattre , nuls en-fans , Se que les habitans eftoient libres Se fans embarras. Qu'a un quart de lieuëaux environs du bourg , ils avoient fait le dégaft 7 ce qui faifoit eonnoiftre qu'ils avoient envie de fe battre. Que tous les matins ils fortoient en campagne , Se faifoient l'exercice en très-* bon ordre. Qu'à cela il falloit ajouter la mort de Viilabos avec l'orgueil des Barbares, 8c qu'ainfï il eftoit d'avis qu'on fe tinft fur ks gardes. Le Gêner il commanda auiTi-tôt > que fous main on avertîft. de îa trahifon ceux de Tes gens qui eftoient dans le bourg, pour fe tenir prefts en cas d'alarme , avec ordre à Quadrado de raconter au Mettre de camp ce qu'il avoir vu.

Carmona dit que le General fut reçu à Mauvila en grande réjoùifîance , & qu'à fou entrée les Indiens pour r_r'eux couvrir leur mauvais defTein, avoient ordonné piuficurs. dan ces de femmes , ce qui eftoit agréable à voir; car les Indiennes l'ont belles & bien-faites. En effet celle que Mofcolo emmena de Mauvila au Mexique, fut trouvée (i charmante que les Dames Efpagnois qui eftoient dans ce Iloyaume le prièrent Couvent de la

Ce 3

leur envoyer pour la voir.

Quant au Cacique , lors qu'il fut entre dans la maiion où l'attendoit ion conicil, il dit à les Capitaines qu'il n'y avoit point de temps à perdre y Se qu'il falloir promptement déterminer fi l'on egorgeroit les Espagnols qui eltoient dans le bourg , ou (i l'on attendroic qu'ils fuiTent tous joints. Qu'il ne doutoit point du fuccez de l'entreprile, quelque refo-lution que l'on prifl ; parce qu ils n'avoient à faire qu'à un petit nombre.de lâches & de inal-adroits. Mais que pour eux, outre qu'ils fe trouvoient huit contre un, ils eftoient vail-lans oc expérimentez. Qu'ils declarafïent donc hardiment ce qu'ils trouvoient bon d'exécuter, Se qu'il n'attendoit que cela pour perdre fes ennemis.

CHAPITRE VIL

Jtefolut'wn du confeil du Cacique , avec le com~ mencement de la bataille deMauvila.

LEs opinions du confeil de Tafcaluça furent partagées. Les uns foûtenoient qu'on ne devoit point attendre à attaquer les Efpa-gnols qu'ils fe fuifent joints, à caufe que la dtfaice en leroit plus difficile 5 Et les autres,

livre premfef. qu'il feroit" lâche de les attaquer lors qu'il* eitoient eu petit nombre. Qu'ilfalloirdifférer l'attaque jufqu'à ce qu'ils fu lient cotisa Mau-vi!a j & qu'alors il y auroit plus de gloire 3 les vaincre. A cela les premiers repartirent qu'on ne dévoie rien hazarder, que les Efpa-gnols eftant joints, fe deffendroient avec pins de vigueur , Se pourroient tuer quelques Indiens. Que la mort de leurs ennemis couile-roit trop cher, fi elle leur coulloit la perte de quelques-uns des leurs j qu'ainu* il impor-toit de donner Tans délibérer davantage. Cet : avis 1 emporta , Se il fut refolu que l'on cher-cheroit prétexte de querelle, Se qu'au cas que Ton en trouvait, point, on ne Jailîèroit pas de paffer outre , d'autant qu'il y avoic toujours railon de perdre Tes ennemis.

Tandis que ces choies fe pauoient, lés valets du General qui avoient appreité le d£*-ner , 1 avertirent qu'on alloit fervir , Se il commanda de dire à Taicaluça qui avoic toujours mangé avec luy., qu'il lattcndoit pour fe mettre* à table. Ortis qui avoit rcçii cet ordre alla au logis du Gacique , pour le prier a diner, mais la porte luy fut refuJec , 8c on luy répondit que Taicaluça alioit fbrtir. Il retourna une féconde fois Se il eut la méfrne îcpoiifc i 8c a la troifîcmeil dit que Tafcaluça, yinft s'il luy plaiioit ; & que le diner eûoJc

-2.4 Uifloire de la Floride^.

fur table. Alors un Indien qui avoit lammë d'un OrEcïer, , repartit qu il s'eitonnoit que des brigands ofaiîent .proférer le nom de Ion Seigneur avec fi peu de reipecr., & i'appeiler Talcaluça , iàns luy donner les titres qui luy eftoient dus. Q^-Lii juroit par le Soleil, que l'info!ence de ces coquins leur coufteroit la vie , Se qu'il falloit dès aujourd'huy commencer à les chaitier. A peine cet Indien eut-il parle , qu il en vinft un autre qui luy donna un arc & des flèches pour commencer le combat. Le Barbare renveric auiïi-tôt ks bords de la mante lur les épaules, apprefte fon arc, Se le met en eftat de tirer iur une troupe d Ef-pagnois dans la rue. Gailego qui le rencontra par hazard à un coite de la porte par où 1 Indien eftoit forti , voyant cette trahifon déchargea au Barbare un tel coup d'eftra-maiîon furJ'cpaule, qui neftoit couverte que de la mante, quille fendiit jufqucs aux entrailles , & tomba mort dans le temps , qu'il alloit lai cher le trait. Ce Capitaine qui venoit d'eure. tue avoit en lortant commandé aux Indiens de charger les Efpagnols. C'eft pour-quoy ils fondirent de toutes parts Se donnèrent avec tant de furie lur nos gens, qu ils les châtièrent plus de cent pas hors du bourg. Néanmoins pas un Elpagnol ne tourna le dos, tous combattirent & (e retirèrent en braves fbidacs.

Parmy les Barbares-qui donnèrent les pre* miers, il y avoit un jeune homme de marque âgé de dix-huit ans , qui jetta les yeux for Gallego y Se luy tira fix ou fept flèches, mais inutilement, fi bien que de rage de ne l'avoir ny blefle, ny tué, il le ferra de prés, Se luy déchargea arec tant de force trois ou quatre coups de fon arc fur la telle, que le fan s en coula. Gallego qui prévit la recharge, le perça de deux, coups d'epée , & le.renverfa mort à fes pieds.

On fe'perfuada que ce mort eCtok fils du Capitaine Indien qui avoit perdu la vie, 8c que la paflion de vanger la mort de fon père l'avoit attaché à Gallego avec opiniaftreté. Mais ce ne fut pas ce jeune homme feuî qui fe battit courageufement, les autres donnèrent avec îamelme ardeur ; car ils n'a voient tous pour but que d'exterminer les Efpagnols*. Les Cavaliers qui avoient envoyé leurs chevaux hors de Mauvila , coururent prompte-mçnt les reprendre. Les plus viftes montèrent defïus , les autres n'en eurent pas le loîfir, Se leur coupèrent les longes, afin qu'ils puifeur échaper à la fureur des Barbares -> mais les derniers qui ne purent ny les monter, ny les mettre en liSertc , tes virent percer à grand coups de flèches. Car les Indiens qui avoient fait deux bataillons donnèrent vigoureuiement >

les uns fur les Efpagnols, 8c tes autres fer lès chevaux & le bagage qui eftoit là. Enfuite ils portèrent le butin dans leur maifon , Se il ne refta aux Efpagno's que la vie qu'ils-defrendi-rent en gens de cœur. Ils rirent en effet dans cette rencontre tout ce que de braves foldats pouvoient faire.

CHAPITRE VIII.

Suite de la bataille de Mauvila,

LEs Cavaliers qui eftoîent montez à cheval s'eftant joints a d'autres qui arri-voient à la file, s'oppofent à la furie des Barbares ; & s'avancent pour kcourir l'Infanterie qui en eftoit prelTée ; les ennemisk relalchent peu à peu , les noires fe raffembknt & font deux gros, l'un d Infanterie , & l'autre de Cavalerie. Enfuite ils fondent fur les Indiens avec tant d'ordre-& de courage, qu'ils-les se-pouflent jufques dans leurs fortifications, où ils leroient entrez peile-rneile , fi ceux qui eftoient dedans n euiîent fait pleuvoir de toutes parts de> fleches .& des pierres. C'cftpour-quoy nos gens fe retirèrent, Se les Indiens-fortirent fi promptement, que plulieurs fe jet-tereut. à bas des murailles , & approcheruic

¦les Efpagnol de ii prés • qu'ils fe feffirènt des lances de quelques-Cavaliers. Cependant ils ne remportèrent aucun avantage; nos foldats qui le battoient en bon ordre les ayant ?drok :tement attirez a plus de deux cens pas du bourg, redoublèrent leurs efforts, & les y recognerent vertement. Mais comme de defc fus leurs terraffes , les Barbares incommo-doient les noftres, on eut recours aux rules pour les obligera fortir, & donner lieu aux Cavaliers de les percer. On fit donc plulieurs feintes pour les attirer, &: comme elles reù£-firent on les repouflâ. plufieurs fois ; mais ce ne fut pas fans perte de part Se d'autre. Car ils ioLitenoient Se attaquaient vivement nos gens.

Le Capitaine Gallego parmy les efearmou-ches , eftoitfuivi d'un Dominicain bien monte qui eftoit fon frère, de qui le prioit d'accepter fon cheval. Mais le Capitaine qui le trouvoitdes premiers dans le combat, & qui aimoit l'honneur avec paiîion, ne voulut jamais quitter fon rang. Cependant Ion frère qui piquoit & d'autre après luy 7 fut tiré par un Indien, qui le bleffa légèrement a l'épaule, parce qu'il avoit deux capuchons avec un grand chapeau de feutre qui flottoient dcfTus.

Il y eut dans ces attaques quantité de morts |c de bleflez. Entre autres mourut Dom

s$ 'Hi/tohe de ht florin

•Carlos Henriquez, qui avoit cpouféiaKieCé du General, Se qui eftoit aimé-detoute Tar-mée. Ce cavalier parmy beaucoup d'excellentes qualitez eftoit généreux envers tout le monde , 8c fort brave de fa perfonne. Rien ne toucha plus les Efpagnols, que fa mort qui arriva en cette forte. Son cheval dans la der-"•niere attaque eut un coup de flèche au poi-tral, & aulTi-tôt Henriqucz fe courba pour l'arracher j mais comme il tournoit un peu là tefte fur lefpaule gauche , il découvrit fa gor-rrc, Se reçût en cet endroit un coup de flèche armée de pierre à fulil. Il en tomba par terre-, & mourut le lendemain,. t Voilà comme les Efpagnols & les Indiens fe battoient , mais il en périt plus du cofté des Barbares , parce qu'ils n'avoient point <1armes dérîennVes. -Aulfi après qu'ils eurent reconnu que les chevaux leur enlevoient la victoire > ils fe retirèrent dans te bourg, dont ils fermèrent les portes , refolus de mouric tous fur leurs remparts les armes à la main. Le General commanda en melme temps aux Cavaliers de mettre pied à terre , parce quils eftoient mieux armez que les fantafïins, avec ordre de prendre des boucliers c\: des haches, & d'aller tefte bailTee , enfoncer les portes de îdauvila^cc qu'ils firent courageulenicrt,mais non pas fans cftre maltraitez. Ils entrèrent

donc

"Livre premier] ï$

donc dans ce bourg ; Se cependant les fantal-fins qui eftoient aux en v irons y accoururent en grande foule. Mais comme ils ne purent tous paiTer par les portes , à caufe qu'elles eftoient efiroites Se que d'ailleurs ils ne vou-îoient pas perdre 1 occaMon d'acquérir de l'honneur dans le combat , ils fapperent à grands coups de haches un endroit de palifia-de , & entrèrent dans le bourg lefpée à la main au fecours de leurs camarades. Alors les Indiens qui virent leurs ennemis maiitres de la ville, combattirent en defcfperez au milieu des rues, & des ramparts, d ? où ils incommodèrent fort nos gens ; de forte que pour empêcher que ces Barbares ne les priflenten queue-, Se ne regagnaient 1 es maifons dont on s'eftoit emparé , ils y mirent le feu , 8c parce qu'elles rfeftotent que de paille , on ne vit en un moment que flamme Se fumée , ce qui lervïc encore à augmenter le nombre des morts & des blclTez.

AufTi-tôt que les Indiens furent retirez dans le bourg , pluiieurs d'entre eux coururent pour piller le logi> du General , mais ils y trouvèrent des gens qui les repouflerenij trois arbalétriers , un Indien Sien armé amy des Etpagpols-*, avec deux Pu ilr.s , aurait d'efeiaves, & cinq gardes de Soto. Tandisqu« ies EcclefiaflLque* prioient , K-s autrei coin-

Ç5 Wftctre de la FloridU

battoient courageufement. Si bien que les er£ nemis ne pouvans gagner la porte de la mai-fbn , eflaïerent d'entrer par le toict , & y firent des ouvertures en trois ou quatre endroits , mais les arbaleflriers percèrent tous ceux qui fe prefenterent. Cependant le General 8c Tes gens arrivent, ils donnent fur les Barbares qui aflîegeoient la maifon , les mettent en fuite y Se délivrent ceux qui eftoient dedans.

Enfurte le General qui s'eftoit déjà batta quatre heures à pied , fort du bourg, monte à cheval pour redoubler la frayeur des Indiens & le courage des foldats. Après il rentre dans Mauvila accompagné de Tovar, & criant S. Jacques^ ils le font jour à travers les ennemis , les mettent en defordre y Se les percent à grands coups de lance.

'Comme dans la meilce Soto fe drerToit ^ur Ses eftrïers pour percer un Indien, il fut tiré par derrière ; la flèche rompit fa cotte de maille , & luy entra aiTez avant dans la felfe. Néanmoins , de peur que la blefïtire n'abatift ie courage de fes gens, & ne relevait celuy dc% Barbares, il dilfimula le coup qu'il avoit reçu , & n'arracha point la flèche, fi bien qu'il ne put s'afTeoir. Mais il ne laifîa pas de fe battre Vaillamment jufques à la fin du combat qui dura cinq heures. Certes cette adion feule

marque afTez fon cœur & Ton adreffe à cho* .val.

Tovar eut aufïï un coup de flèche, qui perça fa lance de part & d'autre au deflus d$ la poignée , mais à caufe que le bois en eftoit bon , le trait ne fit que ion trou; de forte qu'après que la flèche tut coupée , lecavalier fe fervit de fa lance comme à l'ordinaire. Ce coup eft de peu d'importance, toutefois je.le raporte , h caufe qu'il en arriveailcz rarement de fembiables.

Cependant îe feu qu'on avoit mis aux mations augmentoit de plus en plus, Se incom-modoic les Barbares jufques fur leurs rera-parts, d'où la plufpart combattoient $ c'eft pourquoy ils furent contraints de les abandonner. Le feu qu'on mettoit aux portes des logisfailoit auffi de grands maux n ayant qif u-ne feule porte, ceux qui eftoient dedans nç pouvoient fortir, Se ils brufloient malheureu* lement. Plufieurs Indiennes qui fe trouve* rent enfermées dans des mailons eu.le fem eftoit aux. portus , périrent toutes de cette manière là. Le feu n'excitoit pas moins de cklordre dans les mes qu'aux autres 'ieux. Quelquefois Je vent chaffoit la flamme avec la fumec fur les indiens, & favoriloit les Espagnols , 8c quelquefois au contraire -, i\ bien que les ennemis regagnoient cequilsavoient

Dd'z

g 2 Hiftoire de la Floride.

perdu , Se il fe tuait de part Se d'autre beaucoup de monde.

Un ii fâcheux combat s'opinîaitra pendant frpt heures , Se dura jufques à quatre après midy. Alrrs comme les Barbares virent le nombre des gens qu ils avoient perdu par le feu & par le fer, Se que leurs forces commen-çoient à satfoibhr, Se celles de leurs ennemis à croiitrt, ils implorèrent le îêcours des femmes , Se les portèrent à vanger la mort de plulieurs braves Indiens, ou a périr toutes ge-ncreuiement.

Lors qu'on appeîla les femmes au fecours, cmelqu'unes combattoient déjà au cofte de leurs maris : aiais fi-tôt qu'elles furent commandées y elles accoururent en foule, îes unes avec àts arcs & des flèches, Se les autres avec des épées , des pertuifannes & des lar que les Eipagnols avoient laiiTé tomber dans les rues, Se dont elles le fer virent adroitement. Elles fe mirent toutes à la tefte des Indiens, Se pleiwes de colère S: de dépit arfron-terent le péril, Se firent voir un courage au deflus de leur (exe. Mais comme les Elpagnols virent qu'ils ne febattoient prefque plus que contre des femmes , Se que ce* braves Indiennes longeoient plûtoft à mourir qu'à vaincre, ils les cfpargnerent tellement qu'ils n'en blef-icrent pas une.

Cependant l'arrierre-garde qui avancent,, & qui k divertifibit dans la marche, entendit le bruit des tambours Se le Ton des trompe:* tes •> Se le doutant de ce-qui eftoit arrivé, elle marcha promptement- Se en bon ordre; il bien qu'elle vint.encore à temps pour donner; Jecours. Mais a peine furent-ils.arrivez,que Diego de Soto Neveu du General, aprit la mort de Dpm Carlos fon-couiln , & comme il l'aimoit extrêmement, il la voulut vanger». Ii le jette en bas de \cn cheval, prend une ror.dache , mec l'epée à la main, &-entre dans Je bdurg au plus fort de la méfiée. Il y reçût-aufli-tôt un coup de flèche qurluy enfonça. l'œil au derrière de la telte,-il en tomba par terre , & languit jufqu au .lendemain , qu'il mourut fans qu'on luypuftarracher la flèche— Ce malheur fut fenflble. à toute l'Armée, Se. liir tout au General ; Diego deSotoeiloitun,-Gavalier vrayement digne d'eitre fon Neveu.-La bataille.ne fut pas moins fanglante à la campagne 'que dans le bourg. Au mefme moment que les Indiens eurent reconnu que leur nombre leur nuifoit, dans un aufïi petit iieu que Afauvila, à caufe que leur adreiîe eftoit prcfque inutile, pluficurs fè coulerenç en bas du rempart Se gagnèrent la campagne, où ils (a battirent en gen<< de courage. Néanmoins ik n'y curent pas plus de bonheur que dans le ' Dd 3

bourg. L'avantage qu'ils remportèrent fur les fantalTins , les Cavaliers l'avoientfur eux, & les peiçoient aifément à coups de lances ; parce que les Barbares n'avoient point de piques. On les rompit auiïi plulîeurs fois -, Se comme alors l'arriere-garde avoit rejoint Soto, on les mit enfin en déroute, 5c il s'en fauva fort peu.

En ce temps là que le Soleil sîalloit coucher , & que les cris Se le bruit de ceux qui le battoient dans Mauvila redoubloient, il y entra une partie des Cavaliers. Jufques là personne hormis Soto & Tovar , n'y eitoit encore encré à Cheval pour combattre , car on n'y pouvoit commodément manier les chevaux. C'eft pourquoy dès que les Cavaliers y furent, ils partagèrent en plusieurs petites efquadres , 8c coururent par toutes les rues , où ils tuèrent plulîeurs Indiens. Douze de ces Cavaliers piquèrent par la grande rue, où il y avoit un bataillon d'hommes Se de femmes , que le defefpoir forceit à le battre. Ces Cavaliers les prirent en queue, Se lors qu ils les eurent rompus ils les pouffèrent vertement , renverferenr melme pefle-mefle plusieurs de nos gens qui combattoient a pie J , $c tuèrent ces braves Indiens, qui moururent preique tous les armes à la main, préférant la mort a la fèrvitude. Ce fut par ce dernier

Combatqui (e donna le jour de S. Luc de l'année mille cinq cens quarante , que les Eipa-gnols après s'eflre battus neuf heures entières ians rclaiche , achevèrent 4e triompher entièrement de leurs ennemis.

CHAPITRE IX.

De quelques particuUritez, touchant Li bataille*

LGrs que les Indiens attaquèrent G cou-rageulement nos gens, qu'ils les chaiTe-rent de Mauvila , un Efpagnol de fort peu de considération , prit la fuite , & comme il le fut tire de péril il tomba par terre , & le releva aui]i-tôt. Cependant parce qu'il ne pen-ioit pas eftre tout à fait fauve, il fe remit à fuir Se tomba ; ce qui parut furprenant, on le trouva mort lans apparence de coup, firy de ble&ire , & l'on crut que la peur l'avoir, fait mourir. Voilà une des choies qui arriva pendant la bataille, Se voicy ce qui avint immédiatement après. Men-Rodriguez Cavalier Portugais , qui avoitfort bien fervi en Afrique, Se fur les frontières de Portugal, coin bâtit prefque tout le jour, & lit de tres-bcHes a-ctions i mais après la bataille lors qu'il eut mis

$6 Hîftoiït de (a îkridc.

pied a terre , il demeura immobile fans potw voir parler ny manger, & mourut en cet eÛat là au bout de trois jours , quoy cm il n'euft reçu ny coup ny bleffure. On crut que les efforts extraordinaires qu'il avoic faits contra les Barbares , luy avoient caufe cet accident, Se Ton difoit qu'il eltoit mort de trop de cœur. Du reftë après- la bataille ii -i trou va dans Mauvila un Indien qui avoit charge les Eipa-gnols avec tant de furie , que durant ia chaleur du combat il ne s eftoit pas apperçu du carnage que 1 on avoit fait de les compagnons j mais comme la rage avec laquelle ii iebattek fut paflec y . Se qu il reconnut Je péril où il e-ftoir , avec le.malheur de fon-party , il gagna en diligence le rampait, pour tacher de felau-ver à la campagne. Toutefois voyant la Cavalerie 36 l'Infanterie Elpagnoles répandues ça Se là , il perdit toute ciperance d'echaper.-îl ofte la corde ce ion arc, enattache.unbout» à une branche d'arbre , que l'on avoit laiiTé tjitre les pièces de bois du rempart, & l'autre? a ion cou-, <Se Je laiifc tomber du haut du renx part en bai 9 & s'étrangle. Quelques foldati-coururent à ion fecours, mais quand ils arri-. VLJCnt il eftoit-mort. Cette action fait voir !f courage & le delcfpoir des Indiens, pui.lque. le leul qui s droit iaj^ve du combat, aima -x ii. faire périr. Juy-mcirne , que de.

tom&er au pouvoir de fes ennemis.

CHAPITRE X,

iftat des Tfpagr.ols après U bataille*

LE jour de la bataille le General fit rendre aux morts les derniers.devoirs ; & le len-. demain il eut foin de faire panfcr tous les blef-fez. Aîais il y en mourut plulieurs auparavant 5 car on trouva dix-fept cens foixante-dix blefïures dangereufes, les .unes à la poitrine y les autres à la tefte, fans parler des blefTu-res légères, dont le nombre ne fe icauroit dire, ïl n'y eut prefque aucun foidat qui fufl bieffé, 6c quelquefois de dix ou douze, coups. C'ehV pourquoy il eut fallu pluueurs Chirurgiens j néanmoins il n'y en avoit qu'un , fort lent, & fort mal habile. D ailleurs toutes chofes manquoieirt, huiie, bandes, charpie, habits ; parce que les Indiens avaient enlevé le bagage , Si que le feu avoir tout coniumé. Il n'y avoit auiîl ny hutte pour le mettre à couvert la nuit, ny vivres pour fe rafraichir. Les fol-d'ats mefmes ne poavoîertt en aller chercher, à caufe de l'obfcurité Se de leurs blefïures. De forte que n'eiperant aucun foulagemcn hommes, ils implorèrent le lecours du CieJ*,

& reconnurent que par les prières , leurs for* ces Se Leurs courages s'augmentaient peu à peu. Ainfi ilsfe tirèrent glorieufement de l'état déplorable où la fortune de la guerre les avoit réduits.. Les moins blefTez eurent d'abord foin de_ceux, dont les coups eftoient mortels. Les uns apportèrent de la paille, les autres quelques branchages des huttes , que les Indiens avoient faites hors du bourg, Se en rirent des loges-qu'ik appuyèrent au rempart, fous lefquelles ils mirent les malades. Plufeurs ouvrirent les corps des Barbares tuez , dont ils tirèrent la graine Se en composèrent un onguent pour les bleilures. Quelques-uns prirent les chenilles de leurs compagnons morts, & fe dépouillèrent mefme des leurs pour en faire des bandages Se de la charpie, 5c gardèrent celles de lin pour les bleflures daji-gereufes y car les playes légères le panfoient avec du gros linge , &. des doublures de haut de chauffes. D autres écorcherent les che,-vaux qu'on ayoit tuez, Se en donnoient la chair aux plus foib*es» & le refte eftoit fous les armes-, pour faire telle à I'eimemy au cas qu'il paruft. Voilà comme Ils Elpagnols fe rendirent tous iervice les uns aux autres durant quatre jours qif ils panferent les blcfiures mortelles -, Se cependant ils perdirent virgt-deux de leurs camarades faute d eflre bien

traitez. De fbrte qu'avec treize quî expirèrent immédiatement âpres le combat, & qua-rante-iept qui furent tuez , dont dix-huit périrent de coups de flèches à la tefte, il en mourut quatre-vingts 8c deux, fans conter quarante-cinq chevaux que Ion regretta ^ comme la principale force de i Armée.

C H À P I T R E XL

Indiens morts kUv4Uùlte*

LEs Indiens perdirent prés d'onze mille perfonnes dans la bataille. On en tua aux environs de Mauvila plus de deux mille cincj cens parmy lefquelles eftoit te hls du Cacique* & dans le bourg plus de trois mille .•$ outre un pareil nombre qui fut brufle. Car «lans une feule ntaîfcm il y eut mille femmes dVftoufrees par le feu ; ce qui attiroit la compafïion de tout le monde. A quatre lieues autour de la ville , parmy les bois dans les ruiflèaux, Se autres endroits femblables, les iôldats qui allèrent en party , trouvèrent plus de deux mille Barbares ; les uns morts, tk les autres bleflez, qui faiioient tout retentir de leurs cris. Mais on ne put fçavoir ce que le Cacique eftoic devenu. Les uns aileuroient qu il avoit lâche-

\b Hiftoire de la Tloride.

ment pris la faite , Se les autres qu'il s'eir.oî£ brufle. Aulfi meritoi:-ii bien le feu , parce quil avoit caufe tout le malheur arrivé de part & d'autre. En effet, des quil apprit que les 'Efnagnols dévoient paÛêr fur les terres , il reioiut de les y exterminer. Ceft pourquoy avant qu'ils y entrafl'ent, il envoya ion fils accompagné de quelques-uns de fes fujets vers le General ; afin que fous prétexte de paix, ils obfervafTent la conduite des Efpa-gnols dans la guerre , Se que lur leur rapport il prift des meiures pour faire reùïfir fes def-feins. On apprit aulTi qu'un jour comme les habitans de Taliffe fe piaignoient à luy , que leur Cacique les obligeoit à donner aux Ei-pagnols des hommes & des femmes pour ef-clavcs i il luy dit qu'il luy pouvoient obéir fans répugnance , que bien-tôt il leur ren-voyeroit leurs gens & les Efpagnoîs mefme , dont ils fepourroientfervir à cultiver la terre. Les Indiens que nos gens prirent la bataille confirmèrent la înelme choie. Qu'à la per-fuaiion de Tafcaluça , les habitans s'eftcûent alTembîez dans la vue de tuer les Chrétiens. Que pour elles , la plufpart lous de grandes promeilcs L ••kmentavoient efte attirées dc'S "Provinces \ oifines. Qa airx unes on devoit •faires prelent des capes d*ecarlatte , de j de latin & de velours , atin de paroifti* à la

dance & aux feftes publiques ; Se qu'aux autres on eftoit convenu de donner des chevaux pour Te promener devant les Efpagnols. Quel-'* ques-unes dirent qu'on leur avoit promis plu-fîeurs foldats pour éfclavès ^ Se toutes déclarèrent le nombre qu'elles en dévoient avoir* Que comme plufieûrs d ? elles àvoient leurs maris , elles eiloient venues par leur ordre \ Se les autres à la follicîtation de leurs parens, qui leur avoient fait efperer ou "elles verroîcnt de grandes rejoùifTances, pour rendre grâces au Soleil de la defraite de leurs ennemis. Enfin quelques-unes avouèrent qu'elles s'e-! ftoient trouvées-à la bataille à la prière de leurs galands ,'qùi avaient fouhaité aveepai-•fiôn qu'elles fuiTent témoins de leur valeur, ,; Ce qui fait allez cormoiftre qu'il y avoit long-' : temps que Tafcaluçamedîtoit fa trahifon. -Mats elle Juy fut fatale aufïi bien qu'aux Ef> pagnoîs , qui fans conter les chofes dont j'ay parlé, perdirent plufieûrs calices, pluiîeurs paremens d'autels , des chafubles*& autres ornemens , le vin Se quelques meruresde Farine de froment, que l'on gardoit pour dire Ta MeiTe. De forte que ne pouvant l'ouïr., ks Ecclefiafliques Se les Religieux qui fuivoienC l'Armée s'afTembieient pour Ravoir fi l'on ^ourroit confacrer avec du pain de gros millet. Mais tout convinrent qu'il falloit du II. Part. T. e

$£ H'iflohc de la TUrïâel

pain de pur' froment, & de véritable viril Comme donc l'on ne confàcra plus, on drek fa tous les Dimanches Se toutes les Fefr.es un îVutel, puis un Preftres'habilloit d'une efpece de chafuble de chamois, Se difoit/'/flfro/fe a-rec les autres prières de la MeiTe, fans confe-cration, Si les Efpagnôls appelleient cela u-ne MelTe feiche. Celuy quïJacelebrbit, ou bien quelque autre Eccleiiaftique expliquoit l'Evangile ,'Sc Taccompagnoit d'une prompte exhortation, "AmiHios gens, (econfol oient un peu de ne pouvoir adorer J'efus-Chrift fous les. eipeces du pain Se du vin. Mais ce qui leur donna du déplaiiîr, fut qu'ils demeu-rcrent dans^cet éftat plus de trois ans ; & juf» tiu a ce que fortant de la Floride , ils entrèrent dans les terres des Chreftieus.

C H AP.I.T R E XIV

Conduite des troupes après la bataille , avec la mutinerie de quelques foldats.

L

Es Efpagnols furent-huit jours aux loges qu'ils avoient faites autour du rempart de Mauvila, Se quinze autres à le faire panfer 'dans les huttes , que les Indiens leur avoient préparées. Cependant ceux qui fe portoient

la mieux allèrent quatre lieues à h. ronde chercher des vivres par les villages, où ils trouvèrent force millet, Se beaucoup d'Indiens bîefTez , fans qu'ils rencontraiTent per-fonne qui en euft foin. Ils apprirent feulement que la nuit-il venoit des gens les traiter, 8e que le jour il le retiroient dans les forenV. Nos foldats touchez de compaiîîon partagèrent leurs vivres avec ces pauvres Barbares* Mais comme les autres Indiens envoient cachez Se que l'on vouloit lçavoir ce quife pal-foit dans le pays , les Cavaliers coururent ça & là pour faire .quelques prilonniers, Se prirent dix-huit ou vingt Indiens. Ils leur demandèrent d'abord ii Von s'aiTembloit pour venir attaquer les troupes ; Se ils répondirent, que les plus braves des leurs ayant elle tuez à la bataille , il ny avoitplusperionne qui puft prendre les armes. On crut cela (ans aucune peine y car tandis que les Eipagnols iqouriieurent aux environs de Mauvila , ils eurent ce bonheur dans leur mifere, que les ennemis ne leur donnèrent point d'alarme ; ce qui tes eut fort incommodez dans l'cfUt où ils éw * toient.

Durant ces chofes Soto apprit que Maldo-

nado Se Arias amenoient des navires, Se qu'ifs

découvraient heureufement la code. Hfçïjf

auifi des priibnnicrs, que la mer 5c la Province

E.c z

JJ4 Hipire de U Floride.

d'AchufTi où il fouhaitoit daller, n'eitoient pas à trente lieues de Mauvila., Ces nouvelles le réjouirent, dans 1 efperance de mettre fin à ., ion voyage , Se de s'eftablir en AchufTî. Car il avoit refolu de bâtir une ville au port, qui porte le nom de cette Province , où il rece-vroit tous les navires , & d'en faire un autre vingt lieues dans le pays, pour obliger les ha-bitans d'embraiTer la foy Catholique > & les ,. réduire peu à peu fous la domination d'Espagne.

En c on fideration dune iî bonne nouvelle, & lur ce que l'on pouvoit aifément aller du camp, en Àchuffi ; le General donna la liberté au Cacique de cette Province , lequel depuis quelque temps il retenoit auprès de fa perfonne fort civilement. Il le. pria de luy conierver l'honneur de fon amitié, Se après luy avoir dit qu'il ne l'avoit pas plùtoft renvoyé, dans la crainte qu'eftant fort efloigné de fon pays, il ne luy arrivait, par le chemin quelque malheur, il l'aileura que lesEfpagnofsne tarder oient point à fe rendre fur fes terres. Le Cacique témoigna beaucoup de joye de cela, & après quelques complimens qu ii rit à Soto, fur la manière dont il l'avoit traité, il luy promit qu'il tâcheroit de répondre par fes fervf-ces aux obligations'qu'il luy avoit, & là deffus jl prit lajroute d'Achuiïi. Cependant, la dit»

corde y cette pefte des nations 8c des armées > deuruifit tous les deflèins que le General avois -' formez, de peupler cette Province',. Car dans les troupes comme il fe rencontrait des foU • datiqui a voient aidé à conquérir le Pérou* Se • que repaiTant en leur efprit les riche-fïès quq -Ton y avoit gagnées, il coniîderoient qu'il ! n'y avoit rien de femblabïe à efpsrer dans la. Floride , il leur efloit impoflible defe refou«f-dreàs'y eftabiir. D'aiileurs rebutez des fatU gués , & épouvantez de la dernière bataille » ils diioient qu'on devoit-defelpcrer de dompter jamais des peuplesaulù fiers & auifi belliqueux , que les habitans des-vaïtes- régions qu'ils découvraient tous les jours» Que ces. Barbares aimoient avec trop de pafïïon leur*-liberté , & qu'ils perdraient plutôt la vie que: -de fc fo omettre fous le joug des Eipagnols* Qu'après tout, les plus fertiles de leurs contrées ne valoient pas la peine que l'on fe con-fumait malheureufement^ Etpuilquel'onn'y trouvoit ny or ny argent -, qu'il falloit quand on ferait arrivé à la cofte prendre la route du Pérou '5c du Mexique, où-il ferait facile à tout le monde de faire mie fortune coniidera-ble. Ces difeours furent raportez aux General j mais ne voulant fas y ajouter foy , s'it. ne les entendoit luy-meime , il fe mit la nuit à roder tout iêul en habit déguifé. Il oùit qu'ut*

j^ç Hiftoire de la Floride!

Treforïer * des troupes avec quelques autres, proteftoient qu'à leur arrivée au port d'A-chuili , s'ils trouvoient des vaiiïiaux ils fe-roient voile vers la nouvelle Efpagne, & qu'ils eftoieiit las de fe facrificr pour conquérir un miferable pays. Ces paroles touchèrent Soto, dans la créance qu'a la première rencontre , ion armée le dilTiperoit. Qu'il auroit le mef-me malheur en Tes deffeins, quePiçarre dans la conquefte du Pérou , qui demeura feulement avec treize foldats dans l'Ifle de Gor-gonne. Et qu'après il luy feroit impoflîble de lever de nouvelles troupes ; parce qu'il auroit perdu fa peine, fon autorité, ion honneurs enfin Tes biens. Toutes ces confiderations o-bligerent le General qui eftoit jaloux de fa gloire, à prendre des relolutions précipitées 6c pleines de defefpoir. C'eft pourquoy de crainte que Tes foldats n'exécutai? çnf ce qu'il leur avoit entendu dire, il donna les ordres en diligence Se avec adreiTe, pour avancer dans le pays, defirant de s'éloigner de la cofte, Sç d'o-, fter aux mécontens les moyens de luy ravir l'honneur , Se de faire mutiner le refte de ion Armée. Mais cette conduire fut la caufe & le commencement de fa perte , Se depuis il eue toujours du malheur. Car fâché de voir tous

* J.iao Caitao.

fes deifein-s inutiles , Se fonefperance traîné, il erra N comme par dépit de cofte Se d'autre y jufques à.ce qu'il perdit paria mort tout le fruit de fes travaux, fes biens, &.la gloirs d'avoir manqué à fonder un Royaume, pour 1 augmentation de la foy & de la Couronne d Efpagne. Néanmoins * û au.lieu de s'écarter de la cotte ;. il euft d'abord pris le confeil de lès fages amis, 3c châtie les principaux auteurs de la mutinerie, ii euft retenu làns peine les autres dans le devoir , & terminé heureu-fementfon entreprife. Alais comme il ne fui-vit que fa paillon, il manqua en une chofè qui luy efloit de la dernière çonlequence. Ainfi quiconque néglige de conlulter fes amis, lors qu il le faut, reùiîit fouvent fort mal en fes affaires.

CHAPITRE XIII. . Des femmes Indiennes adultères. -..

AVant que de fortîr de la Province de T t ifca!uça yilcft à propos de raporter la manière dont les loix de ce pays, & de la contrée de Coça., puniflent ks femmes adultères. Il y a dans cette dernière Province une loy qui ordonne , far peine de la vie , que il

quelqu'un a des indices fuffilans pour croice qu'une femme foit adultère •> il ait à-s'en é-claircir , 5c à l'acculer auprès du Cacique , ou enfon abfence, auprès des Juges du lieu. Ces Juges fur le raport qui leur eft fait, informent fecrettement contreJa perlonne aceufée , Se s'en failiiTent siils la trouvent coupable. Puis à la première fefte, ils commandent qu'on publie que les habitans ayent à fe rendre , au fortir de leur dinar, dans un certain lieu hors du village ; Se que la ils fe rangent tous en baye. Apres viennent \(^ Juges dont deux fe placent a un bout de cette riie ,-& deux àlau* tre. Les premiers ordonne qivon-leur amené îa femme adultère •> Se alors ils dilent h. fort mary qui eft prêtent, qu'elle eft convaincue de, mauvaife' vie, 3c qu'il la traitte lelon la rigueur de la loy. Le.mary la dépouille toute nue, Se h fa/e avec une efpece de rafoir *"cfe pierre à fufil ; ckifljmenthoïîteux^Sc ordinaire parmy les Nations du nouveau monde. En-fuite pour marque qu'il la-rcpudie, il fe retire avec les habits de la femme , ik l'abandonne au pouvons des Juges. Deux commandent aufii-tut à la criminelle de palfer pardevant les perfonnes qui font en baye , Se d'aller de-t clarer ion crime aux deux autres OrBciers»

fi L« indiens. a'o.aî gas encoïc l'u%e dçi çiieaiw.

EHc obéît , & dès qu'elle les approche , ells. leur dit qu'elle eft convaincue d'adultère , &..• condamnée à la peine, dont les loix punhTent ce crime. . Qu'on l'envoyé vers eux , afin qu'ils faffent d'elle ce qu'il leur plaira "pour le bien de la Province.. Les Juges larenvoyent incontinent avec cette réponiè, qu'il eft rai-fonnable que les loix qu'on a faites dans la vue* • de conferver rhonnefteté publique foientin-violablement-obfervées. Qu'ainïi ils confirment la fentence ? quc l'on a rendue contre elle, & luy ordonnent à l'avenir de ne plus retomber dans-la faute. Là demis elle s'en retourne vers les premiers Juges, 8c les gens qui font en haye IafifHent, Se tâchent à force d'injures d'augmenter fa honte. Cependant le.peuple qui vient en fouie, Se qui la voit toute nuë , fait des cris après elle. Les uns luy jettent des mottes de terre, les autres de la paille , Se d'autres de vieux drapeaux, des morceaux de nattes Se autres cho-fes fembla-blés ; la loy le commande de la forte, Se on ne regarde cette pauvre femme que comme la honte de fon fexe.,^ Apres tous ces maux, 'les Juges la bannifle-lit de la contrée , Se la mettent entre les mains de fésparens avec ordre, lur peine de punition exemplaire , de ne luy donner point d'entrée dans aucun endroit delà Province. Les païens la reçoivent, Se (i-

'50 Hifieire de U Fhride.

tôt qu'il l'on couverte d'une mante, ils l'em* mènent en un lieu où elle n'eft vue de pas un Indien du pays -, & au mefme temps les Juges permettent au mary de, prendre une autre femmet Voilà comme l'on punit en Goça les Indiennes qui violent la foy qu'elles doivent à ceux qui les epoufent ; mais*dans la Province de Tafcaluça , on les chailie- encore a~ vec plus de rigueur. La loy de cette.contrée ordonne , que ira heure indue on voit quelqu'un entrer Se fortir trois ou quatre fois d'une maifon >. Se que l'on ioupçonne d'adultère la maiftrefle du logis-, on eit obligé félon la religion du pays d'avertir le .mary de la coiw duite de fa femme , Se de prouver par trois ou quatre témoins qu'on n'avance rien que de véritable. Le.mary au mefme temps aliénable les témoins, & les.interroge l'un après l'autre avec dhorribles imprécations contre celuy qui ment > & de grandes bénédictions en faveur de celuy qui découvre la vérité.

Après s'il trouve fa femme fuffilammeot convaincue d'avoir faulTc ia foy , il la mené hors du bourg > l'attache à un arbre , ou à un pieu qu'il fiche en terre , Se la tuë à coups de flèches. Eniuite il va trouver le Cacique, ou en fon abfence lajuftice du lieu, U leur dit qu*en un tel endroit hors du village , il vient d'citer la vie à fa femme fur le rapport qu'elle

Sloît tombée en adultère. Qu'il fuppl'ïé qu on mande 4es - accufateurs, afin que fi le crime dont ils l'Ont chargée eft vray , il foit abfous dans les formes, & qu'au contraire il reçoive la punition Ordonnée par la loy de la Province; £n cècasia loy comma'nde'xjuelespafèns de la femme tuent îe mary à coups de flèches* Qu'il lbît la proye des chiens & des oyfeauxj Se fa femme pour marque de fon innocence honorablement enterrée. Que h les témoins perfiftent en leur déposition, 8c ne le contre-difent point ,• en un mot, s'ils vérifient par de bons indices le crime dont il s'agit ,* on ab-fout le mary avec la liberté de prendre' femme , & defenfe fur peine de la vie aux parens de la criminelle , de huy arracher une feule flèche du corps ,'n'y'mefme de l'enterrer $ parce qu'il" faut'qu'elleferve- d'exemple > Se fuir mangée des bettes. On voit parla que dan^toute la Floride on 'punit*fort rigoureu-fement les femmes adultères. Mais on n'a pu fçavoir de quelle forte on y chaftioitles hommes qui debauchoient les femmes d'autruy/ Les loix peut-eftre les y favortfent comme parmy les autres nations. Il nlefouvient là def» fus de ce que difoit un jour une Dame de ma connoiflance,que les hommes s cftoient feulement coniiderez,lors qu'ils avoient fait les loir -contre l'adultère , & que la crainte qu'ils ont

fans fondement de l'infTdélité des femmes, îes î.voic obligez à les traiter cruellement. Mais que fi les perfonnes de fon fexe avoient ordonné des peines contre ce crime 5 elles s v y feroient gouvernées fans palTion & avec tant de prudence, que l'on n'auroit eu de part ny ¦ d'autre aucun fujet de fe plaindre.

C H A P 1 T RE XIV.

Intréc des Efpagfwls dans U Vrovmt de Chicaça^

POur revenir à Soto,-après que les Efpa-gnols eurent demeuré vingt-quatre jours aux environs de Mauvila , & recouvert affez de forces pour pafier outre, ils fortirent de Tafcàluça, & arrivèrent au bout de trois jours dans la Province de Chicaça par des lieux dépeuplez, mais fort agréables. Le prejnier bourg qu'ils trouvèrent du cofté qu'ils àvaru çoient eftoit fur un fleuve, grand, profond, ie haut de bordiEe General auiTi-toft dépécha dans le village pour demander alliarice,mais on répondit fièrement qu'on vouloit la guerre. Enefcfet, lors que nos gens s'approchèrent de ce lieu, un bataillon d'environ quinze cens hommes vint les attaquer. Toutefois, après «quelques efearmouches les ennemis plièrent,

& le retirèrent avec ce qu'ils a voient de meilleur vers le fleuve, dans le deiTein d'en défendre le paiTage. Nos gens les pouffent verte-' ment j fi bien que les uns le jettent dans l'eau, les autres'la paifenten nacelles/&: pluficurç à nage, Se rejoignent leurs troupes , qui fai-foientbien huit mille hommes. Elles bordoient l'autre coite du fleuve environ deux lieues de long , Se travailloient courageufement pour

• empêcher que l'on fie le traversait. Car la nuit ils le palToient en batteaux, Se venoient don-ner fur les Espagnols, qui las de (Ire impunément harcelez firent en fecret quelques foilez, vis-à-vis des lieux où les ennemis debar-

• jquoient. Enfuite ils cachèrent dans ces endroits des arbalétriers & des" fufeliers, avec ordre de ne point tirer, que les Indiens ne ib

' fufTent éloignez de leurs batteaux j mais alors de les charger vigoureuiement, Se de fondre tefte baifTee fur eux l'epée à la main ; ce qui fut exécuté avec bonheur. On les repoufïa trois fois jufqua leurs vaiiTeaux ; de forte que fans fe mettre plus au hazard de paffer le fleuve , ils en défendirent le yx(fage : feulement. Mais comme ils s'en acquittoienc fort bien, Se que Soto defefperoit de traverier cette rivière, il commanda a cent hommes des plus experts en charpenterie, daller dans un bois à une Jieuë du camp , & d'y faire deux barques ca-II. Part. 'Ff

Ç4 Rifteire de ta Tloride]

fables de tenir beaucoup de monde. On exé> cute Tes ordres, & en douze jours les barqaes" furent faites avec deux chariots où on les mit, £z que l'on fit tir£r par des chevaux & des mulets. Les Efpagnols mefme les aidèrent durant le chemin , & ie rendirent-heureufe-ment avant le jour en un endroit du fleuve , où ils trouvèrent de cofté & d'autre un paiTa-ge fort- commode. Sur ces entrefaites le refte des troupes les joignit. -Et alors après que le General euftfait jetter les barques dans l'eau, il commanda à dix^Cavaliers & a quarante fantaffins d'entrer en une, & autant en l'autre, & de paiTer promptement de crainte des ennemis, avec ordre aux gens de pied de ramer, tandis que leurs-compagnons demeureroint à cheval, pour eftre prefts à combattre au fortir du fleuve. -Cependant cinq cens Indiens qui eftoient allez à la découverte , entendirent le bruit de ceux qui'traverloient la rivière j ils accoururent au pafïagc , les couvrent de fiéches, envoyent au fecours ,& donnentl'a-kirme par tout. Néanmoins fans perdre cœur, les Efpagnols arrivèrent à l'autre bord la phif-part biciîez. Car les Indiens les tirèrent tout à leur aile. La féconde barque s'éloigna un peu dupaflage , & re le put gagper qu ,. ce de rame*. Mais la première qui eftoi jà abordée, faute a teire, Silveftre & C

. Lîvre premiêrl ft

Cavaliers hardis Se raillais fortent les pre* miers, & chargent vigoureufement les enne* mis. Il les pouiTent quatre fois à plus de deus cens pas de la rivière 3 8c comme ils Tetour-jnoient à la charge, ils furent fécondez par d'autres Cavaliers, ce qui commençai» raleni tir la fureur des Barbares, & favorifa les fan-tailins, qui hors de combats à caufe de leurs bleiTurcs> .Je retiroient dans un village fur le bord de l'eau. Cependant la féconde barque gagne le paffage, le Soldat faute a terre, & le joint à ceux qui le battoient dans la pleine. Presque au mefme temps le-General, qui à la prière des troupes ne s'eftoit point embarqué à cauie du péril, pafTe avec quatre-vingts Efc pagnok , & redouble par ce renfort le courage des autres. Les Indiens qui voyent croi* ftre le nombre de leurs ennemis , Se qui craignent dettre taillez en pièces 5 plient 8<. gagnent une foreft toute proche ; & de là Jeu* Gamp qui avançoitaufecours. Mais fur l'aiTiî* rance que les Efpagnols avoient prefqne tous paiTc le fleuve , ils reprirent enfemble la route du quartier , où à leur arrivée ils fe fortifièrent de paliifades. Nos gens qui les lui-voient en queue les harcelèrent avec opiniâtreté pour empêcher leur travail 5 toutefois ils ne biffèrent pas de continuer , &' mefme Izs plus hardislortirentàlefcarmouclie. Mais

«^ Htfioke de U Floride .

les Cavaliers plus viftes qu'eux les perçoîent à grands coups de lance. On employa le jour en ces fortes de combats,&lanuit on demeura en repos, parce que l'ennemy ne parut plus. Cependant le refle»des troupes paffa heureusement.

C H A P I T R E XV.

Bat Aille de Cbtiaça.

Ai. Prés le paflage du fleuve , les troupes U\ délirent les barques, Se en conferve-rent la ferrure pour s'en fervir.au befoin.. Ensuite. elles continuèrent leur marche , &c au bout de quatre jours de chemin par une plaine lemée de villages , elles arrivèrent à la Capitale de Chicaça. Cette ville eft de deux cens feux , fituée fur une coline qui s'eftend vers le Nord Sud , eft arrofee de plusieurs petits ruifTeaux couverts de noyers ,»de chef-nés , Se d'arbres femblables. Nos gens entre-rent dans cette place au commencement de Décembre de l'année 1540. Se comme ils la trouvèrent abandonnée, ils y pafTerent leur quartier d'hyver. Ils y baftirent mefme pour fe loger plus commodément des maifons, avec du bois 6c de la paille qu'ils allèrent que«*

kfr dans les villages voiiins. Apres ils coû'm--rent la campagne > & tirent plurleivrs-prifon-niers. Mais dans la vùë de faire la paix , le General en renvoyoit quelques-uns avec de s prefens pour le Cacique, qui l'entretenant d'efperance Se d'excufèsdépelchôit àfbn tour versluy > 6c luy envoyoit des fruits 3 du poif* fon Se du gibier. Cependant toutes les- nuits il venoït des Indiens harceler nos gens, mais? dés qui lesapperçevoientils ic retiraient, témoignant de la crainte & de la foibieilè, pour rendre les Efpagnols plus negligens à fe battre y par les mépris qu'ils feraient d'eux , Se les vaincre ave-c plus de facilité -, lors qu'ils le» attaqueraient véritablement. Enfnv honteux de toutes ces feintes , &d'avoir lï long-temps-caché leur courage r ils refoîurent d'en donner des marques par la défaite <le nos troupes» c C'en pourquoy far la, fin dejanvier de Tannée 1541. une nuit que le ventdeNordlcsfavo-rifbit , ils s'avancèrent trois bataiilons de front,a cent pasdesfenti;ieilesEipagnoles;Lc Cacique à la refte de celuy du milieu commande l'attaque de la ville, Se Ton entend au mefine temps que fifres, cors, Se tambours. Tout retentit-des cris des Barbares y ^uilé flambeau à la maia fondent fur nos gens* CCs flambeaux qui fembloient de cire , parce <jails éclairaient bien > eftoient faits d'une

Ff 3

certaine herbe qui croift au pays, Se qui lors qu elle eft en corde Se allumée conferyele feu comme une mefchc, & branlce jette une flamme fort claire. Outre ces flambeaux qui leur fervoîcnt fort dans le combat, ils allumoicnt au bout de leurs flèches, de cette herbe dont je viens de parler , puis ils les tiroient for la ville, Se y mettoient le feu fans peine, à caufe que les rnaifon.s eftoient de paille > Sç le xent très-favorable. AufTi une attaque ii extraordinaire & fi imprévue furprk nos gens, mais elle n'ébranla pas leur courage. Ils font par tout reiiitance. Soto donne l'ordre qu'il peut dans cette homble confuiion, monte a cheval le cafque en tefte *la lance en main avec la cotte d'armes, Se fort hardiment de la ville pour faire tefte aux Barbares. Mais en peu de temps il eft fécondé de dix ou douze braves Cavaliers, & après de pluiîeurs fantalTins, qui maigre le feu Se la fuir :e que le vent poulie fur eux , font voir leur valeur. Qpe'ques-uns coulent à quatre pares ious les rorrens de flamme, qui roulent dans le porte où ils iont, & rejoignent heureulement le General ; les autres courent aux malades, & en font eclia-per avec eux une partie a la campagne., tandis que le rerte brufle avant que de pouvoir ertre iecouru.

Les Cavaliers «le leur corte lâchent à fe ti-

rer de péril. Les uns dans la craints de ne pouvoir fe fauter abandonnent leurs chevaux , les autres montent deflus fans feî!e, Se fe rendent vers le Général > qui le premier a-voit eu l'honneur de tuer un Barbare de fa main. Cependant les Indiens hormis le bataillon du Cacique entrent dans la place à la faveur du feu, $c tuent cruellement hommes & chevaux.- Quarante ou cinquante fantaC fins épouvantez de cette furie > prennent lâchement la fuite ,. chofe honteuie , & qu'on n'avoit point encore vue depuis que les troupes eftoient entrées dans.la Floride. Tovar qui les apperçùt, court après eux Tépée à la main , Se leur crie de toute la force. Qu'ils retournent promptement contre l'ennemy. Qu'il n'y a nulle retraite pour eux, Se que leur courage feul les peut fauver. Sur ces entrefaites Gufman à- la tefte de trente foldats , fort d'un autre quartier de la ville , Se coupe les devans à ces fuyars, blafme leur lafeheté , & les porte fi fortement à recouvrer leur honneur , que le repentir les prend* Ils rentrent dans leur devoir , tournent la ville avec lu y Se avçc Tovar , 8c pou lient courageufe-ment tous les Barbares qu'ils rencontrent. Valconcelos au meime temps lort aufïï avec vingt-quatre Cavaliers Portugais, Se donne de. ion cafte fur les Indiens. Enfin , les uns 8c

<S"o Hijioire de la .Floiide.

les autres les attaquent, Se les preiTent avec tant de vigueur , qu'ils les recognent jufques dans le bataillon du Cacique» où eftoit le fort de la meflee, Se où ceux qui fecondoient Soto fc battoient en véritables loldats. Néanmoins à l'arrivée du fecours ils font un nouvel effort, le General attaqueun. Indien,-que l'onremar-quoit entre tous dans le combat, il le terre, le blelTe, Et redouble fes coups, à cauie qu'il ne luy a pas ode la vie-Mais comme ils fe hauffe krr les eflriers pour, l'achever tout-à-fait, !e> poids defon corps joint à la violence avec laquelle il fe porte,tourne!a.telle de fon cheval que l'on avoit oublié de fanglcn, Se il tombe au milieu des ennemis» Les Elpagnoîs qui le vovent en paril ,1e fecourent tefle baiffée, Se combattent avec tant de courage qu'ils le i;rjv veîit. Ils 4e- remettent aulïi-tôt à cheval ,3c-il recommence à donner. Cependant les Indiens qui remarquent que de toutes parts , nos foldats fondent fur eux , commencent ± plier, Se n'opiniaftrent plus le combat.que de> fois à autre. Mais enfin dans la vue qu'ils vent? fuccomber ,-ils s'appellcnrà grands cris les uns' 1rs autres pour (e retirer, & prennent:la fuit~v Le General fe met à leur trouffe avec fa Ca-rf Valérie , Se les pourfuit autant que le feu les peut ccïairor. Apres il fait fonner la retraite, & rentre <lzi\s la -place , pour voir le dcfordfe

que îes Barbares avoient faits durant deux grandes heures de combat. Il trouva quarante . ibldats morts, avec pluûeurs chevaux bleilez, & cinquante de tuez,dont quelques-uns qu'.on n'avoit pas eu le loiiir de délier, avoient efté : bruflez aux mangeoires où ils eôoient atta-« , chez avec des chaiihes de fer aux teftieres* D'aiIleurs,hormis quelques cochons qui écha* perent à travers la clofture qui les enfermoit 1 le refte fut confumé par le feu -> ce qui toucha d'autant plus que dans la necefîité de viande où l'on eftoit , on ks'refervoit pour les malades.

Carmona qui raporte cette particularité , ajoute que chaquelndien portoît trois cordes^ l'une pour attacher un cochon, l'autre un cheval,. & la troifieme un ioldat. Ce qui tacha encore tres-feniiblement nos gens, fut la mort de Francilca Heneitrofa, la feule Efpa-gnole qui fuivit l'Armée. Elle eitoit femme de Ferdinand Bautifta, Se preite d'accoucher quand les ennemis donnèrent i'alarme. Son mary qui eftoit brave ne longea alors qu'à les repouffer y & à Ton retour du combat il vit que fa femme n ayant pu le garantir du feu y eftoit perie. Francilco Henriquez miiera-ble fantalTin fut bien plus heureux dans ion malheur. Tout lancuillantqu.il eitoit parmy Jçs, malades , il le lauva de rembrafementj

6 2, Hiftàirc de la Floride.

Mais comme il s'enfuyoit, un Indien d'uS coup de flé«he , Iuy perça prefque l'aîne , te rétendit par terre, où il demeura plus de deux heures. Néanmoins il guérit heureuiemcnt de Ta maladie 3ô de fa blefïure que l'on croyoit mortelle. Chois étrange qu'un malheureux ichapeàtous les maux,-tandis que tant dç braves gens periiTent»

G HA P. I T R E XVI,

Ctf que firent les Efpagnols après la bataille?

LOrs qu'on eut rendu aux morts les der4 niers devoirs , Se donné ordre aux bief— fez ; on alla fur le champ de bataille , où l'on vit un gros cheval, avec une flèche qui luy pafïoit quatre doigts de l'autre code au tra-» ver? des épaules. On trou va aulTiplulieurs autres chevaux avec les entrailles-percées à coups de traits , Se quinze percez au milieu du cœur , dont quatre ! at oient chacun tra-verfe de part en part de deux Sèches; Et trois jours apr es, dan s la crainte d'une nouvelle attaque y parce que les ennemis n'avoient per* du que cent hommes , le Gênerai commanda d'avancer une Ueuë, avec ordre aux ioldats d-'aller chercher du boisic de la paille , 5c de,

iaitîr un bourg qu'ils appellerent ChuAc'àU* Bs y accommodèrent prompremcnt une forge avec des cuirs d'ours-, Se des canons de moufquets, Se firent des lances, des ronda* ches , & autres armes dontilsavoient befoin. Ce fut dans ce lieu que le General donna la charge de Mofcofo à Gallego. Car lors qu'il fe fut enqnis xle la conduite des Officiers du Camp , il connu que Mofcofo avoit fait mal Ton devoir , Se quilefteit en partiecaufe que les Indiens avoient furpris , Se preique vaincu les Efpagnols. En e&t fans un Religieux, Se quelques particuliers qui les obligèrent de retourner à la méfiée , les .Barbares qui fe Battaient pour l'honneur Se pour la lu berté du pays , avoient gagné'la viftoire. Ceft pourquoy honteux d'avoir lâché le pied, ils revenoient trois jours après leur fuite, pour nous attaquer dans la refoltvtion de vaincre ou de mourir glorieufernent. Mais à deux portées de moulquets du camp, il tomba une ii grofle pluye quelle mouilla les cordes de leurs arcs 7 Se les contraignit de rebroulTer chemin. Nos gens avertis de ce deiTein par un Indien que Ton prit le lendemain matin , appréhendèrent de nouveau le feu Se le mirent bon du bourg en bataille avec des fentinelles li. T y.itefois les Barbares ne laûTercnt {lus uuxes les nuits de venir par divers en-

«"4 Mffoht de la Tlorltel

droits fondre lureuxà grands cris , ilstuoient fans ceiTe quelque foldat , ou ils bleffoient quelque cheval. Les Elpagnoîs qui les re-poulioient vertement, ne manquoknt point aura d'en percer pluHeurs , mais pour cela î'enncmy ne perdoit point cœur. Soto qui vouloic le mettre a couvert de leurs infultes, envoyoit tous les matins en campagne des

• partis de Gavallerie & d'Infanterie , qui fai-folcnt main baffe fur tous les Indiens qu'ils rencontroient, & ne rctoumoient qu'au Soleil couché, avec affeurance que quatre lieue?

- autour du Camp, on ne trouveroit en vie aucun habitant du pays. Mais ce qui eftoit ctonnant, les bataillons ennemis * quelques cinq heures après revenoient nous harceler avec perte de part Se d'autre. Néanmoins du-

•rant ces efearmouches rien n'arriva de plus remarquable qu'une nuit que le quartier de Gufman rut attaqué par un bataillon d Indiens. Ce Capitaine avec cinq Cavaliers lort aùlîi-tôt pour leur faire tefte, il commande à

• fon Infanterie de le fuivre 5 8c au meime luttant que les ennemis allument leurs flambeaux , nos gens les chargent. Gufman attaque le Porte-En feigne ,$c luy pouiTe un grand coup de lance , l'Indien l'évite failit la lance 9

l'arrache des mains de Gufman, Se lans abandonner fon drapeau avec la main gauche, le

renverie

' renferfe de défias fon cheval. Nos iolda*s accourent-àfonièc-ours , lefauvent, & mettent en déroute le bataillon ennemy , mais non pas fans perte. Ils eurent deux chevaux "Mettez Se autant de tuez, ce qui molora-ia joye qu'ils a-voient eue de tirer de péril leur Capitaine.

C H A P I T R -£ XV IL

Invention ¦ ccr.tr e le froid.

M Aigre les attaques continuelles des ïh*' cliens _, les Espagnols demeurèrent jui-'qu'à la fin de Mars dans leur poire-. Us y ioiif-"frirent beaucoup de froid, parce qu'as pat foient les nuits fous les armes, Se que là plu parc eSoient fans ibuliers avec de mécftàris pourpoints itulement,&: de péchons fiant ce ehau£ fes de chamoi?. Auilï feioh t .,¦: les apparences^ ils hiflerït riiortsde froidure lâhs |uan Vego, dont je diray icy quelque choie avant que de venir aux bon. offices qu'il k ur rendit. Vego pilToit pour un fbldat grouper, & néanmoins agréable quelquefois. C'cft peurquey Ion fe pîaitoic à rire avec lu? > & a luy faire quelques peti:e> malices. Porcailo de Figue* rua fur tout aymoit à le joiior. Car il luy fit aux Havanes une telle pfcatfanterie , que ; -, l'en fattsfaïre, il 1 1 y donna un cheval don: on •luy offrit dans 1a Floride tèpt raille ccus a paye t II. Parc. G g

£<?? Siftoire de ta Floride*.

fur la première fonte de métal qu'on y feroit? Mais Vcgo refufa cette condition, &.L011 ne fit aucune fonte. Voicy ce cp^i! inventa pour luy Se pour Tes compagnons. Comme il ap-perçût que la froidure les alloit tous accabler, & qu'il y avoit beaucoup de très-bonne paille au quartier, ilfe mita faire une natte de quatre doigts depaiiTeur, longue Se large à proportion 5 i? bien qu'une moitié luy fervoit de matelas * & l'autre de couverture. Il connut que cette invention le paroit du froid , & il fit promptement plulieurs autres nattes en faveur des.fpldats qui l'aidèrent à travaille^ cha-xuafe, piquant de mettre la main à l'œuvre. Amfi par ,1e moyen des natres qu'on porta au corps de garde, & dans les places d'armes, les Efpagnols refîflerent aifement au froid. Aulîi à la referve des maux que leur failoient les Barbares , ils pafferent 1 hy ver fans incom-modité. Car ils avoient des fruits de du gros millet en abondance , 3c rien ne leur man-,<juoit des chofes neceflaires à la-vie*

Fin du premier Livre*

°"7

LIVRE IL

DE LA

FLORID E

'Attaque du fort Alibamo. Mort de plusieurs Eipagnols. Arrivée des troupes^n Chifca. ProceiTion où Ton adore la croix. Guerre entre deux Caciques. Invention pour faire du Tel. Habitant de Tula; avec le quartier d hyver des troupes en Utiaiigue.

CHAPITRE I.

Att.ique du fort Alib.imo*

E General' Se Tes Capitaines aptes quatre mois de iejour dans la Province de Chicaca, en partirent avec au commencement d'Avril de l'année If4i* & rirent le premier jour de leur marche quatre lieues, par un pays peuple de

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plufîeurs villages de quinze à vingt maifons ; chacun. Ils le campèrent à un quart de lîeuë de ces habitations , dans la créance de pre >-dre enfin un peu de repos, majs il çn arriva autrement. Car après cjuc les coureurs que 3 on avoir détachez pour aller à la découverte y curent raperté qu atfez prés du camp , il y avoir un fort où il paroifïoit environ quatre milldhomrnçs, Je General avec cinquante chevaux alla prpmptement le's.recpnnoiljre s & à Ion tour il die à les Capitaines , qu'il falloir, avant la nuit en çhaflerles Barbares. Que. c'eftoieht <ks enragez qui les pourfuivoient à toute outrance, & les brayoient avec trop d'orgueil. Qu'ils eftoient donc obligez par honneur à les chaftier, & leur apprendre aux dépens de leur vie la valeur des Efpagnols. Qu'en un mot on fe.devoit porter avec d'autant plus de courage à leur enlever leur re-' traire qua. toute la nuit, ils harcèleraient les. troupes par de continuelles efearmouches. Tous les Officiers approuvèrent le fehtîment dç leur General, qui iaiHa un^ partie de 1' -mee a la garde du camp , Se marcha avec Y tre contre le fort, qu'ônappellok Alîbatho.. Gefôrteftoifcn quatre avec quatre paliflà-de^ de quatre cens pas de long chacune, ce dèut autres dedanJ. La première de toutes rois portes fi baïïiî qu'un Cavalier n'y

poùvoît entrer, lune au milieu, & les autres aux coings. Vis à vis de ces portes feulement, il y en avoit trois autres en chaque paliilade, y aBn que (i l'on gagnais les premières on fe dé-rendift aux fuivantes* Les portes delà dernière palilTade donnoient fur une petite rivière, où -il y avoit de médians ponts, Se quiendecer** tains endroits étoit très-profonde T avec des • bords fi hauts, qu'on n'y pouvoir'preique parler à cheval. Les Indiens auffi âârpient bâti ce fort en ce lieu de la forte pour s aiTeurcr contre les chevaux , & obliger les Efpagnols à fe battre a pied ; car ils n'apprehendolenc pas nôtre Infanterie. Comme on s'approchoit de cette place , le General ordonna à cenc Cavaliers des mieux armez de mettre pied à terre , Se après en avoir fait trois bataillons, il commanda l'attaque avec ordre auxfantaf-fins de les fouflenir. Gufman marcha droit à la première porte, Cardeniofa à la faconde, & Silveftrc à la trciiiéme, chacun à la tefte de leurs gens. Les alTiegez firent aullî-tôt une fortie de cent hommes par chaque porte, avec -¦ ifides plumes fur la telle ; &atinde-do:i-lier piu-j d'épouvante, le vilage & les bras peints par bandes de div r erfes couleurs. Ils attaquèrent vivement les Efpagnols, Se blefle-refit d'abord Diego de Caftro, Se Pedro de Jorres ; qui cltoicnr aux coftez de Sijyeitre '

Gg 3

fo H'ftcire de la Tlcfidf.

que Reînoib féconda fort promprcmcntv Louis de Bravo à la tefte de l'autre bataillon; auprès, de Guiman , fut aufli frapé d'un coup de flèche au défaut de la cuilTe. Cardcnioi*; vit tomber auprès de luy Fran.cifco de Figue- . roa blcife au încfme endroit que Bravo. Les .. Indiens vifoient ordinairement de la çuifle en bas, à caufe qu'ailleurs ks Elpagnolsavoient [ de quoy fe garantir de leurs coups. Néanmoins , parce qu'ils tiroient furnosgen? avec •. des traits armés de pierre à fuiîl ; , & que ces traits faifoient beaucoup plus de mal .que , les autres, Cardeniofa Se (es compagnons les • ierrerent de iî prés, qu'ils leur ofterent le moyen de fe fervir de leurs flèches, 5c les me-nrrent battant jufqu'aux portes. Là delîiis ie General donne avec cinquante chevaux , de reçoit fur le front du calque un ii viole: : coup de lïédîé j.quc le-trait bondit au moins de la hauteur aune pique. Toutefois (ans s'étonner , il poufTe- fi vertement, les Indien?, qu'il les contraint 4e; fe jetter en diligence dans le fort. Mais comme les portes en é-toient étroites, 5c qu'ils ir v pouvoient pafTer -que deux de front, on en rit un grand carnage, iS: Ton entra mefme pelle 5c méfie avec eux. Les Elpagnols alors animez de nouveau par le fouvenir du mal qu ils leur avoient fait, les I bargent avec ardeur j 5c £n patient un graïui.

Lhre feccnd. yi*

Nombre au hl de i'épée. Les ennemis en âc-Tordre abandonnent le fort $ les uns fautent, du haut des palhTades , & tombent au pou-* voir des Cavaliers-qui n'ont pas-mis pied h. terre , Se qui les percent à coups de lances y. les autres paiTent iur les ponts, mais ils fe prei-* fent tellement qu'ils fe renverient dans l'eau.-Plufieurs qui ne peuvent gagner les ponts, à caufe qu'on lespcufTe trop chaudement, fe. jettent dans le fleuve, le traverfeut à la n^ge^, & fe mettent en bataille fur le bord. Et incontinent l'un de ces Indiens iort du bataillon, Se dcrle le plus brave des arbalétriers Efpa-. gnols pour fe battre contre kiyv\ Juan-de Sa-linas accepte hardiment le déh, quitte le gros qui eftoit derrière des. arbres, à couvert du trait, Se vient fe pofter vers-Je bas du fleuve vis-à-vis de (en.ennemi, qui n'efbôk couvert non plus queluy d aucune rondache. IlsVap-* preftent pour le combat Sc^fe tirent. LEf. ; pagnol-attrape 1 Indien à la poitrine , Se lin- . dicn, l'Efpagnol un peu plus bas que l'oreille, &4uy travcrle le cou de telle forte , que \& flèche*, fartoic- autant d'un cofté que d'autre. Les Indiens qui voient que leur homme chan- ¦ celle , accourent à loy & 1 emportent. Ce-* -pendant le Gênerai ennuyédel&ïr rehflar.ee, paile le fleu ve a gué au defliis du fort, afîen> Me-la Cavalwi-ie ; fond fur eux.& les pour fait

*j% Hiftoire de U ïloridê.

jufques à la uuit, Si bien qu'à compter ceux qui peinent dans le fort, il y demeura du colle des ennemis plus de deux 'mille hommes 7 Se de celtiy des Efpagnols- trois Joldats feulement , Caftro , Torres 3c Figueroa, dont ils eurent beaucoup de regret, Se encore m >u-rurcnt-ils de leurs bleiTures un peu après la bataille. Mais ils eurent tant de Mêliez > qu'au retour de la pourfuite des Barbares ils furent obligez de fejourner quatre jours dans le fort pour les traiter.

C H APITRE II. ' Mort depluficurs Efpagnols faut? de fil.

A Vaut que de pafTer outre, ileft àpro de raporter qu'au temps que les Efpagnols entrèrent en Tafcaluça -, ils perdirent pluileurs de leurs compagnons faute de fel. D'abord une fièvre-maligne prenoit ceux qui avoient davantage belomd'cn manger, 3c' leur pourriflbit les entrailles. De iorte qu'^u bout de trois ou quatre jours ils fentoi mauvais, que de cinquante pas on n'en pou-» voit fupporter la puanteur.'Ainiî ce mal ? après avoir quelque temps langui, les emportait (ans reflource. La plulrvu: des au;;

tsnnez d'un accident fî étrange ] curent heu— i eufement recours au prefervatifdes Indiens, qui s'exemptoient de la pourriture par le-moyen d'une certaine herbe qu us failoient 1 brufler , Se dont ils meiioient la cendre par-my les chofes qui (enrôlent à les nourrir. Mais pour les autres -Eipa^ncîs qui mepriie-rent cette recette , Se qui s'imaginèrent qu'il y avoit de la honte à eux d'employer u leur confervation les mefmes remèdes que les Barbares , ils moururent malheureufement. Car encore que durant leur maladieon leur donna' du prefervatif, il ne leurfervoit de rien, à caufe qu'il n'eftoit propre que pour empêcher Ja corruption , Se non pas pour la chafîer , Se en l'eipace d'un an qu'on manqua de Tel 5 il y . périt plus de fotxante de ces orgueilleux.

Il me femble encore neceflaire de dire icy, qu'où parle un langage tout-à-faî? différent dans toutes les contrées de la Floride ; Se que Sôto avoit outre Ortis treize ou quatorze truchemens pour communiquer avec les Ca- -ciques. Ces truchemjns quand il s'a:

1res avec ces Seigneurs, fe mettoient de-file (elon qu'ils s'entendoient, Se de l'un a l'autre la parole alloit jufqirà Ortis qui eftoit au bo::t , Se qui raportoit toutes chofês au General. Ainfi nos gens a voient beaucoup de peine à s'informer des pamcularkcz dcsPro- ,

vinces par où ils paiToient ; les Indiens a*ï contraire n'en avoient aucune pour entendre le langage des troupes. Car après deux mois de fréquentation > ils concevoient ce qu'on leur diioit, & s'expliquoient en partie fur les fujets les plus ordinaires, • Mais lors qu'ils a* voient demeure cinq ou fix mois à la fuite de l'armée , ils lervoient de truchemens ; ils en-tendoient l'Efpagnol y -oc's'y exprimoient a-vec facilité, ce qui aidoit extrêmement le General à s'enquérir de tout, & cela montre que les habitans de la Floride ont de lefprir rai* fonnablement.

CHAPITRE III.

Les troupes arrivent en Chifca , & font 1% yaix avec U Cacique.

JE retourne où j'en efteis de mon hiftoire. Les Eipagnols au fortir d'Alibamo marche-rent à travers un defert toujours du ce Nord pour s'éloigner de plus en plus de la mer, & au bout de trois j ^urs ils appércûrent la Capitale de Chifca, qui porte le nom de la Province Se de fon Seigneur. Cette vilie eft iîtuee proche un fleuve , que les Indiens appellent Cbuiéigua , le plus grand de tous ceux

que nos gens ayent vu dans la Floride. Les habitans de Chifca qui nettoient pas avertis

, de la venue des-tronpes 5 . à caufe de la guerre -qu'ils avoient avec leurs voiims, : furent fur-pris. Les Elpagnols les pillèrent, & en firent plufieurs prifonniers ; le reftes'enfuyt, les uns dans un bois entre la ville 5c le fleuve ; Se les

: autres à la mai ion Au Cacique } élevée fur une éminence doit elle commandoit à toute la place. Ce Seigneur efloit vieux, & alors malade dans fon lin , prefque fans forces , de Ci petice taille Se de M pauvre mine, que dans le pays on n'en a^oit point encore vu de teL. Neanmoîn$:au bruit de l'alarme > Se fur le ra-port qu'on pille Se prend fes lu jets, il feltvt, fore de la chambre avec une hache d'armes en main , Se menace de tuer tous ceux qui font entrez fans fon ordre fur fes terres. Mais comme il allait fortirde fi maifon pou** s op-poier luy me fine aux Efpagnols, fes femmes aydees de quelques-uns de fes fujets qui s'e-toien: fauvez vers luy le retinrent. Elles luy représentèrent les larmes à lœil qu'il eit-oit foible , fans troupes, fa vafTaux en defor-dre Se hors d'état de combattre, Se ceux à qui •il avoit a frire, vigoureux , en bon ordre, en £;rand nombre , Se la plufpart montez iur de$ animaux , fi villes qu'on ne le ir | m/oit jamais échaper. Qii il falloit donc attendre une

*;G ÏJtfhbh de U fhrtkï

favorable occafion de le vanger , 5e-tromper •cependant les ennemis par de belles apparences d'amitié, pour-empécher la-ruine & celle de tes mjets. Ces confiderations arrefterent Ghîfca, Mais il eftoit fi-fort irrité de'l'injure que les Efpaçnois ltiy avoient faite , que fans vouloir écouter les envoyez du General qui •îtiy -demandoient la paix , il leur déclara la .guerre , ajoutant qu'il efperoit dans- peu dégorger leur Capitaine > avec tous ceux qui T'accompagnoient. Soto néanmoins fans s'étonner de cela , luydépêcha d'autresperfon-nes qui exculerent le defordre qu'on avoit fait <3 abord , & ¦continuèrent a luy.demander la paix- Car il voyoit que les troupes elknenr. rebutées de'Combattre incefTamment, &<m-baraffees d'hommes $z de chevaux malades. QiVcn moins de trois «heures il s'eftoit joint au Cacique environ quatre mille hommes fort bien arm^z, Quq probablement il s'en anu£. feroit encore un plus grand nombre. D'ailleurs que 1 affiecte du lieu eftoit tres-favorable aux In liens , & tres-incornmode aux Efpagnols , à caufe des bois qui eftoient autour de la viilc, 5c qui-empechoient que l'on ne puft fe lervir j des chevaux. Qu'enfin au lieu d'avancer par la guerre , ils fe ruinoient eux-mefmes de jour en jour. Voilà les confiderations qui portei. nt Je General a faire la paix 9 mais la plufpart des

Indiens

Indien? qui s'eitoient aiTemblez pour de! iberer fur ce (ujet,avoient dcsVûës toutes contraires. Les uns vouîoient la guerre dans la créance qu il n'y avoir point d'autre voye pour recouvrer leurs biens, 6c délivrer leurs compagnons du pouvoir des Eîpagnols. Que de, tels gens nettoient point à craindre. Que ia paix qu ils dem,andoient avec tant cf emprel-feraent eftoit une marque afTiireê de leur peu de cœur. Qu'il falloir donc leur faire con-noiffre par un combat le courage de ceux qu'ils venoient attaquer , afin que nul étranger n'euft à l'avenir la hardièfîe d'entrer iur leurs terres. Mais les autresToîitenoîcnt que la paix eftoitle lèul moyen de ravoir leurs biens , Se de retirer leurs prifonniers. Que iï l'on venoit à ie battre , il falloir appréhender un plus grand malheur que le premier ; ic fi:u , la perte de leurs grains ., qui eitoient encore fur pied, la ruine entière d^ la Province, avec la mort de plufîcurs de leurs "gens. Car puis que les ennemis eitoieiït venus julqu a eux à travers tant de fafcheux périls , & de braves peuples, on ne pouvoitVaiJonnablement douter de 'leur valeur. Qu'ainfi lans en avoir d'autres preuves, il ralloit fe porter à la paix; & que fi elle n'eftoit utile , on la romproit a-lor beaucoup plus av.antagtcufemcnt qu'on ne feroit aujourd'huy la guerre. Cet avis tut II. Parc. H h

le plus fort, & le Cacique diliimulant Ton réf. fentiment demanda aux envoyez du General, ce qu'ils pretendoient par le moyen de la paix , donc ils témoignoient avoir tant d'envie. Ils répondirent leur logement dans la ville,avec des vivres pour patTer outre. Chifca confentit à tout, à la charge qu'ilsmettraient en liberté ceux de fesfujets qu'ils a voient pris. -Qu'ils rendroient tout le pillage , Se n'entre-Toicnt point dans fa maifon. Qu'autrement ils n'avoientqu'às apprefter à combattre a toute outrance. Les Efpagnols acceptèrent la paix .à ces conditions. Ils relafcherent les fujets de Chifca, parce qu'ils ne manquoient pas d'In-«diens de iervice, & rendirent touT le butin qui n'eiloit que de méchans chamois, avec quelques mantes de très-petite valeur. En-fuite les habirans abandonnèrent la ville avec les vivres qu'ils .avotent, & IcsEipagnols y demeurèrent iîx jours à traicter leurs malades. Le dernier jour Soto obtint permifîion de Chiica de l'aller viiiter en iamailon, où après l'avoir remercié de la faveur qu'il avoit raire aux troupes, il fc retira, 5c continua le lendemain la découverte.

9^»

CHAPITRE IV.

Ce qui arriva aux Efyagnols depuis Chifca jufques a Cafquin.

AU fortir de la Province de Chifca , les troupes marchèrent en remontant vers le haut du fleuve. Elles firent en quatre jours douze lieues feulement, en considération des malades , & arrivèrent en un endroit où l'on pouvoit paffer l'eau , parce qu'il cftoit aifé d'en approcher x & qu'ailleurs de cofté Se d autre , le fleuve eftoit bordé d'un bois fort épais, & le rivage Ci efearpé qu'on n'y pouvoit monter ny defeendre. Ils demeurerent-à faire des barques dans ce lieu, où à leur arrivée il parut ài'autre bord de leau, environ fîx mille Indiens bien armez, 8cavecplufieurs batteaux, pour en difpater le paiTige. Mais le jour fuivant qiutre des plus considérables de la troupe Tinrent de la part de leur Cacique trouver le General, Se après les révérences accouftumées,ils luy firent compliment fur fa venue , & luy demandèrent la paix 5c fon amitié.

Soto les reçut avec jove , Se les renvoya fort fatûfaits. C'eft pourqnoy durant vingt

Hh 2,

S9 Htfoîte de l.i Vloridel

jour*; , que les Efpagnob furent fur le bor<f du fleuve, ces quatre Indiens les fervirent de toutes leursYorces auprès du Cacique. Néanmoins il rut impolTible de l'obliger à venir au. èamp , 5c il s'en exeufa toujours de façon ou d iutre. Auîïi Vtm crut qu'il n'avoit envoyé vers le General que par crainte feulernent, Se pour empêcher que 1 on ne fift le dégaft dans fa Province. Car comme le ternps de la moifïon approchoit, 8c qu'elle paroifToit extrêmement belle, cela iuy euft fait un fenlîbte déplainr.

Les Efpagnols achevèrent en quinze jours deux barques, à caufe que tout le monde y travàfllpît , Se ils les gardèrent nuit & jour , de peur que les Indiens ne les brûlaffënt. Car ils venoient de tous collez en batteaux fe po-fier à l'endroit de nos gens, puis ils s avan* çoîent vers eux à grands cris, Se les couvroienc de flèches. Mais ils eftôient repouiïez à coups de mouiquets du retranchement qui efloitiur le bord du fleuve. Si bien que malgré tout leur efr >rt , les Efpagnols mirent fur l'eau quatre barques,où il pouv.oit tei;ir cent cinquante foldats avec trente cavaliers -, Se ramèrent en prelënce des ennemis qui defelperant de les empêcher , fe retirèrent chacun dans leur bourg. Ainfï' nos ^ens paflerent heureuie-ment le fleuve dafas ces barques Se dans des

batteaux qu'ils avoient pris fur les ennemis. Enfuite après avoir détaché la ferrure de leurs barques , parce qu'elle leur eftoit necefTaire, iis continuèrent leur route > & au bout de quatre jours de chemin par des lieux depeu-z, ils découvrirent au cinquième de de-fîus une eminence , une ville d'environ quatre cens feux, fur le bord d'un fleuve plus grand que le Guadalquivir, qui pafle à Cor-douë. Ils virent aulli qu'aux environs les terres eftoient couvertes de gros miilet, & dune quantité d'arbres fruictiers. - Les habitans de cette place qui furent avertis de leur venue , lortirent au devant d'eux , Se offrirent au General leurs biens avec leurs perfonnes y 8c le mirent ious fa protection. Quelque temps après il vint de la part du Cacique> deux des principaux de la contrée qui confirmèrent ce que les autres avoient dit. Sotolcs reçût avec toutes les marques d'une grande affection , & les renvoya d'auprès de luy fort contens.

La Capitale, la Province 8c le Cacique s'ap-pelloient Cafquin. Les Efpagnols s'arrefte-rent fix jours dans la ville, à caufe des vivres qu'ils y trouvèrent, & après deux jours de marche ils arrivèrent à de petits villages , où le Seigneur de la contrée tenoit fa cour, 8c qui Ciloicnt éloignez de quatre lieues de la Capi* H h ,

ti Biftoire cie la Tkrîdel

taie, en remontant le haut du fleuve. Ce Cacique fortit de ces villages, accompagné Je Tes principaux fujets, 8c vînt recevoir Soto^ auquel il offrit fon amitié avec ià maifon. Car a un des coftez de fon fejour il avoit encore dix ou douze autres logis, où demeuroit fa famille avec plufieurs femmes 8c valet?. Le General reçut avec joye l'amitié du Cacique. Néanmoins de peur de l'incommoder il le remercia civilement de fa maiibn, 8c fc loçea dans un jardin où les Indiens firent promptemenx des huttes de branches d'arbres, à caufe de la chaleur de May , où l'on eftott alors y Ci bien que les troupes fe campèrent' commodément /une partie dans les villages .? & l'autre dans les jardins daîentonr.

CHAPITRE V. ?rcce$cn ck lui adore la tnix*

r.

'Armée eiloit à Cafquin depuis trois jours,' lors que le Cacique qui avoit environ cinquante ans, accompagné des plus confidcrables de fes Jujcts , vint trouver le General. Comme il luy eut fait une tres-pro fonde revrrence, i\ luy dit, que puifquc les JKipagnols vainquoient toujours les lu*

diens,il falloit croire qu'ils efloient favoii-fez d un plus grand Dieu que le leur. Qu'airWî il eftok Tenu avec ks plus remarquables de ¦ fes vaiTaux, fupplier le General de demander de la pluye à ion Dieu, parce que les fruits de la terre en avoient befoin. Soto répondit, qu'encore que luy 6c ceux de i'à fuite fuilent de fort grands pécheurs , ils prieroient néanmoins Dieu, qui efk)it le Père demifericorde . d'envoyer de l'eau ; Se au mefme temps il donna charge à l'Intendant de la fabrique des Navires, de faire une croix du plus haut pin qui fe trouveroit dans la Province. Ea etfct, on en choiiît un û gros & fi haut y que meime après l'avoir arrondi,. cent hommes avoient de la peine a le foule ver. On en fit en deux jours une croix fans luy rien ofler de fa hauteur , Se on la pofa au bord du fleuve fur-un tertre fort cleve. Apres, Soto ordonna une procefllon pour fe lendemain, Se de peur de lurpritè il commanda que le refte de l'Armée fuft: lous les armes. Le Cacique Se le General marchèrent à la Procciiion , à codé l'un de l'autre , iuivis de pluficurs EJpagnois Se deplufieurs Indiens. Ils faiioient environ mille perfonnes. Les Preftres avec les Religieux a 11 oient devant, Se chantoîent les Litanies, Se les foldats leurs répondaient, lis s'a-Vancerent en cet ordre vers la croix > où des

qu ils furent arrivez ils fe mirent à genoux J éc après quelques orailor.s ilsl'allerentadorer avec beaucoup de zèle & d'humilité 3 les Ec--cleiiafiiques premièrement, pu:sSoto,le Cacique Se le refte de la troupe.

De L'autre cofte du fleuve, il y avoit tnvi-Ton quinze ou vinçt mille perfonnes, de tout âge 5c de tout lexe. Us levoient les mains & les yeux au ciel, Se montroient par leurs po-dures qu'ils prioient. Dieu d'accorder aux Chreftiens la grâce qu'ils defiroient. On en-tendoit auffi parmy eux des cris , comme de gens, qui pleuroient pour obtenir plutôt du Lie! leur demande. De-forte que les Efpagnols eurent beaucoup de joye de voirreconnoiure îeur Créateur , Se adorer la croix dans des pays, où le Chriftianiimc efloitinconnu. En-fuite les Ecclefiafh'ques entonnèrent le Te Dam y Se les Efpagnols Se les Indiens s'en retournèrent au village 1 dans le noefme ordre qu'ils efloient venus 3 cela dura en tout quatre grandes heures.

Cependant Noltre Seignenr voulut montrer aux lu jets duCaciqucCaiquin,qu'il écoute les prières de fesferviceurs. Car vers le milieu de la nuit lui vante i! commença à pleuvoir. Les uns dilent que la pluye dura trois jours

.ers, Se les autres fix. Si bien que les habi-tans de la Province rejouis de la faveur que

Dfeu leur accordent par le moyen des Chrétiens , vinrent avec le Cacique en rendre grâces au General. Ils l'aiTeurercntdeleurfer* vice, & luy protefterent qu'ils tenoient à honneur de dépendre abfolument de luy-, Soto leur répondit qu'il eftoit fort aife de voir des marques de leurs bons fentimens ; Mais qu'iL n'avoîent obligation qu'à Dieu leGreateur du Giel Se de la Terre , & que c'eftoit luy qu'ils dévoient remercier. Apres cela , comme les troupes avoient déjà fejourné neuf ou dix jours dans les villages, elles en partirent pour continuer leur découverte. Gafquin fuppiia le General de luy permettre d'aller avec luy, de mener des gens de guerre Se defervîce, les uns pour efeorter l'Armée, Se les autres poimporter des vivres , à caule qu'il falloir travers-fer par des endroits où l'on ne trouvoit aucune habitation. Le General confentit à ce que voulut Cafquin , qui commanda aufli-tôt au* plus braves de fes iujets, de fe tenir prefts pour accompagner les Chrciliens , jufques dans la Province de Capaha, dontL- Cacique Se la Capitale portaient le mefme nom.

~~C H A P I T RE] VL

Ma h: des troupes vers C.ifah.t.

LEs Seigneurs de Cafquin Se de Capnha > avaient Je gaut temps eu guerre enfun*

Btf Hiftoirc de la Floride]

ble ; c'efl: pourquoy les Caciques qui gou* vernoient ces Provinces à l'arrivée des Efpa-gnols euoiciit brouillez. Comme celuy de GapaHa eiloit le plus puifTant, il avoit tcu-jours> eu L'avantage fur l'autre, qui seftoit reiTcrré. dans les bornes de la contrée , lans en oler fortir de peur d'irriter le Cacique. Capaha. Mais lors qui! vit une occafîon de fe tirer de contrainte , Se de le venger de Ton ennemy à la faveur des troupes > il leva-cinq mille hommes fort leftes Se en bon ordre , fans conter trois mille Indiens chargez' de vivres Se très-bien armez, puis il s'avança devant en bataille vers Capaha , fous prétexte de découvrir quelque embutcade , Se d'avoir foin de prendre un bon porte pour loger les deux armées. Les Espagnols marchèrent après eiloignez d'un quart de lieuë ,. Se continuèrent tout le jour leur route. En-fuite on campa de part & d'autre en tres-bon ordre , Se de telle forte, que les Cavaliers qui battoient leftrade pafïoïent entre les ienti-ncile> Indiennes & les Elpagnols. On marcha trois jours de cette manière, 8c au quatrième on arriva de bonne heure à un marais, qui faifoit la feparation des Provinces de Cafquin Se de Capaha , Se dont le fond eftoit il mauvais aux bords, Se l'eau fi profonde au milieu, <ju'il falloit nager plus de vingt pas. Les

gens de pied le paiTerent fur de i&échans pon:s de bois, Se les chevaux à la nage mais à caufe de la fange d js rives, ils eurent tant de peine que Ton demeura le refte du jour à le traverfer. Si bien que les Efpagnols & les -In*--diens n'allèrent qu'a demy-lieuë de là , où ils logèrent dans de tres-agreables pafturages , & arrivèrent au bout de trois jours fur une eminence d'où ils apperçûrent !a Capitale de Capaha très-bien fortifiée, parce qu'elle eftoit la clef de la Province. Cette ville efl fur une petite coline, Se a quelque cinq cens bonnes maiions, avec un folié de dix'ou douze braf* fes,large de cinquante pas,dans;la plufpart des endroits, Se aux autres de quarante. Ajouftez qu'il eft plein d'eau , par 1 e moyen d'un canal que l'on a tiré depuis la place jufqu'au Chucagua. Ce canal a trois lieues de long , une pique d'eau au moins Se fi large que deux grands oarreaux de front, le peuvent monter 8e deicendre très-facilement. Le fofle qui efl: rcmply par ce canal environne la ville , excepté en un endroit qui eft fermé d'une palilTa.de de grottes poutres fichées en terre, attachées avec d'autres pièces de bois en travers , enduites de terre graflè Se de paille. On trouva au refte dans ce fofTé Se dans ce canat une telle <ju intité de poiflbn, ^ue tous les Efpagnols Se tous les Indiens

SS TJiftoire delà Tlortde.

qui iliivoient le General , en pefcherent fans

qu ii paruft que l on en euft pris tin icul.

Le Cacique Canaha eftoit dans la ville, lors que les Indiens qui accompagnoient les troupes la decouvTÎrcnt. Mais comme il jmnquoit de monde pour le dcnvndre , il fe retira dans une Lfle que fait le Chucagua.Ceux de fes lu jets qui purent avoir des nacelles le fai virent, une partie des autres gagna les bois, & le refte demeura dan- la place. Néanmoins il s en fauva encore quelques-uns, parce que les vafiaux de Cafquin appréhendant que ceux de Canaha, neleur enflent drefle des embuA ches ; & fe refïouvenantqu ? ilsenavoientefte plufieurs fois vaincus, il les craignoient 5c n'entroient d'abord que lentement dans là ville. Mais Kir Tifleurance qu'il n'y avoit aucun péril, ils courent en foule-dans la place> tuent plu • de cent cinquante habitans, leur enlevé ît eteftpour marque de leur victoire, Se pillent la ville , de particulièrement les mations du Cacique. Ils prennent outre plu* fieurs jeunes hommes deux de les remmes qu'on trouva fort belles , Se qui ne s eftoient pu fauver avec les autres, à cauie du trouble oui arrivée des ennemis les avoic miles.

CHAPITRE

CHAPITRE VIL

Uefbrdre que les Cafqitins firent dans le Temple de CapaJja, avec L.pourffjte duÇ.u'hiue.

APrés que les vafîaux de Cafquin eurent pille la vilie , ils s appelèrent les uns les autres , & dans la penfée d'oiFenfer cruellement Capaha , qui eftoit fier Se iuperbe , ils entrèrent au Temple Ou eftoit la fepulture de Tes anceftres, Se emportèrent toutes les ïichefTes. Ils y renverferent les trophées qu'on avoit élevez de leurs dépouilles, briferent les cercueils, & répandirent de cofte Cz d'autre les os des morts. Apres de rage iis les foulèrent aux pieds, ofterent le> teftes de leurs gens qui eftoient au bout des lances aux portes du Temple, & mirent en leur place celles qu'ils venoient de couper aux habitansde Ca-paha. Enfin-ils n'obmirent rien de tout ce qui pouvoit mortellement oflfènfer leurs ennemis. Us délibérèrent m^fine de bru fier le Temple & les marions 4u Cacique ,"& ils'n'en furent empefehez, que parce qu ils avoienc peur domnfer Soto qui arriva ejifiiîfiç de et defordre. Comme il apprit la retraite du Ca-fcique , il luy dépêcha de les fujet's que I on a-II. P.rt. li

§6 Wiftoîre de la Vlorîde.

voit pris, Se luy fit demander la paix avec foij amitié. Mais le Barbare témoigna qu'il ne refpiroit que la vengeance du tort qu'on luy avoit fait, Se qu'il afTembloit des troupes pour en avoir raifon. v Ceft pourquoy le General commanda auxEfpagnols & aux Indiens de fe tenir prefts pour marcher vers rifle , Se h-defïus Cafquin le pria d'attendre trois ou quntre jours , .tandis qu'il feroit monter des Datteaux par le Chucagua qui paiToit autfi fur Tes terres. Soto conientit à cela, Se au mefme temps Cafquin manda à Tes fujets de fë Te n ir joindre avec foixante batteaux , pour fe venger entièrement de leurs ennemis. Cependant Soto dépéchoit chaque jour vers Capaha, Uans la vue de faire la paix ; mais comme il jdeiefpeja de reùilir , Se qu'il fçut que les batteaux avançoient, il alla les recevoir avec fes troupes, Se fe rendit à rifle où s'eftoit retiré Capaha , après avoir demeure cinq jours dans la ville de ce Cacique.

Les.Cafquins fuivirent auiïi-tôt le Général y Se pour mieux-faire le dégât fur les terres de ;!eurs ennemis., ils s'étendirent dans la marche environ une demie lieuë. Ils trouvèrent plulieurs efclaves de 'eur Province, aufquels en avoit coupe les nerfs de defïus le coup de pied , pour les empecru r de fuir , & ils les renvoyèrent au pays, plu* pour mar-

quer leur victoire que pour en tirer aucun fer-vice. Enfuite ils. arrivèrent avec les Efpa-gnols vers Mile que forme le Chicagua où le Cacique s'eftoit fortifié de bonnes palifTades, & où il eftoit difficile de le prendre, à caufe des bois qu'ii y avoit , & des braves gens qui l'accompagnoient, tous bien armez 8c tous refolus de- fe detfendre eourageuitment. Néanmoins malgré tous ces-obftacles, le General fit embarquer deux cens Elpagnols dans vingt batteaux, & trois mille Indiens dans les autres, &-commanda l'attaque de lliic. Mais au mefme temps que Kon alloit débarquer, il Te noya un Elna?r-ol nommé Francilco Se-haïtien , qui avoit long, temps Itrvi en Italie* Ce icldat voulant avoir 1 honneur de iortir le premier du vaifleau , met le gros tout de (à lance en terre. Se r^iehe de s arn.fter auborcL ..Cependant [Je vai ieau recule, il tombe dans l'eau ,. & va à fond a amie d'une cotte de maille qu'il portent. Sébaftien n avoit jamais paru plus joyeux que le jour qu'il perdit la vie. Car quelques heures avant ia difgra entretenoit agréablement les compagpoj leur difoit que la mauvaiie fortune 1 avoit conduit en Amérique. Qu'il avoit beaucoup plus de bonheur en Italie , où l'on letfafttovt avec grand refpecr., Se où il ne liiy manquoit rien. Que G par hazard dans ce pays-là il

li *

$1 fitfloire de ta Floride^

tuoit quelque ennemy,il en avoir la dépouille, Se iouvenr un bon cheval, au lieu que dans la Floride il ne gagnoit à la mort d'un Indien qu'un arc , des flèches, & de méchantes plumes. Il ajoûtoit que rien ne le fachoit plus que la prédiction d'un fameux Aftrologue Italien, qui lavoit aiTe.uré que l'eau luy Jeroit fatale. C eft p'nirquoyil diloit que Ton deftin lavoit poufle dans de damnables régions, où l'on fe trou voit toujours engagé parmy les eaux. Voilà comme avant fa mort Sebaftien entretenoit les camarades qui furent fenfible-ment touche z de la perte. Du refte ils prirent terre , Se combattirent en véritables gens de cœur. Ils forcèrent d'abord les premières pa-liflades, poulie rent les ennemis jufquà la féconde , ce qui épouvanta tellement les femmes Se les gens de fervice qui fe trouvoient dans llfle , qu'ils coururent à grands cris s'embarquer, Se s'enfuirent à toutes rames le long du fleuve. Mais ceux qui gardoient la féconde paliiîade fe dépendirent en lions 5 car animez de laprdencedu Cacique, du fbuve-nir de-leurs belles a-flions , & de la gloire de leurs anceftres , ils donnèrent en dciefperez , & blelTcrcnt tant d'EipagnoIsSc de Cafquins, m qu'il* les empêchèrent d'avancer plus loin.

C H A P I T R E VÏIL-

Les Cafqtiins fuient-, & Sctofaitla fjj» ¦ avec Capahu.

LOrs que les gens de-Capaha curent fou-tenu l'attaque de leurs enii€mls ? îls reprirent cœur", &: leur crièrent que-c'eftoient des lalchcs, qu'ils dévoient courageufement: pouffer leur pointe, Se tes emmener priion-' niers, puis qu'ils avoient eu l'iniolence de facager leur ville , & d'oftenfer leur Cacique. Mais qu'ils le .IcuvinfTeirc-de l'injure qu'ils' kur failbient, & fçîiuent qu'un jour ils en au--roient raiion. Ces paroles épouvantèrent les ¦ Cafquîns, qui fe reflouvenoient d'avoir efté pluiieurs fois vaincus par ceux qu'ils atta-quoient, -de forte qu'ils abandonnèrent le combat, Se fuirent vers leurs batteaux , fans que les prières du General , ny les menaces de leur Cacique les pulfent retenir. Ilss'em-barquerent donc tout en defordre , 5c voiir lurent mefme emmener les vaifFeaux des Espagnols*.afin que leurs ennemis n'en trouvai ient point pour leur donner la chade ; mais ils en furent empêchez par quelques foldat$ juai les gardoient.

M $

Apres une fuite ii hpnteufe, les Ëjpàgrtok COrmOifiàçs qu'ils ne pouvoient relifter à h multitu de des ennemis , parce qu'ils man-quoient de chevaux, ils commencèrent à faire retraite en fort bon ordre, & auÏÏi-tôt les Indiens de i V If!e qui les apperç tirent en petit nombre, vinrent fondre fur eux tout en furie, Mais Capaha quieftoit fage, Se qui vouioit gagner les bonnes grâces du General, afin d'empocher par ion moyen les Calquins de faire davantage de dégât, Se l'obliger enfuite à luy pardonner le mépris qu'il avoit fait de fon amitié, court à grands cris afes fujets, Se leur défend de rien faire aux Efpagnols. Si bien que nos gens fe retirèrent heureufemenr, fatisfaits de la conduite de Capaha ; car {ans luy ils eulTent tous efté taillez en pièces. Et le lendemain il vint vers le General quatre des principaux Indiens, qai après luy avoir demandé la paix, luy offrirent leurs fervices avec leur amitié, Se le fupplicrent de ne point Jfanfc frirque Lurs ennemis riilènt plus de ddordrç dans la conrree. Ils le prièrent aulîi de retourner à la ville de Capaha , Se qu'auiii-tôt leur Cacique iroit 1 affeurer luy-melme de ion obei'Iance. Voilà en peu de paroles le difl. -cours des envoyez , qui firent une révérence >au Soleil , l'autre à ia Lune , Se la îroiiieme à Soto , mais ils ne rendirent aucune civilité a

Lhre fécond. ^

Cafquin qui eitoit prefent. Le General répondit à ces Indiens » que Gapahi viendroic quand il luy plairoit, Se qu'il "feroit bien reçu. Qu'il accepteur, avec beaucoup de joye fon amitié , Se empecheroit qu'à l'avenir on ne ravageai! Tes terres. Que leur Cacique e-jftoit la feule caufe de tout le defordre , parce qu'il avoir toujours refuie la paix; uials-Com-, me de fon coité il avoit genereufement oublié tout ce qui s'eftoit paflé , il le conjuroic de faire le meime» .Les envoyez contens de cette réponfe > s'en retournèrent vers leur Seigneur. Cependant Calquai eitoit au de-fefpoir de tout cela ; car il eut voulu que Ion ennemy fç fufr opiniaftré , pour avoir moyen de le perdre a la faveur des troupes étrangères. Après ie départ des envoyez de Capaha, le General reprit h route de îa viile, 8c lit publier que pas un Indien, ny Elpagnol, neprift dans la marche aucune choie qui portai! préjudice au:: habitans de la Province, Se comme il fur. arrive à Capaha, il commanda aux fujets de Cafquin de s'en retourner à leurs pays , Se qu'il ny demeurai!-que ceux dont le fervice eitoit necefiaire au Cacique , qui ne voulue point quitter l'Armée.

w Sur le milieu du jour que les troupes mar-choient, des Indiens de la part de Capaha vinrent Ravoir des nouvelles de la faute du

General, Se alTeurerent que leur Cacique luy rendroit bien-tort les- devoirs. Au Soleil couchant que Soto citoit à la ville, Capaha dépé». cha d'autres perfonnes qui le félicitèrent fur fon mérite. Tous ces envoyez rirent les révérences accouftumées, & dirent ce qui leur eit-oit ordonné. Soto leur répondit avec civilité , Se eut foin qu'on les traitaft tres-honne-ftcmcnt> afin qu'ils connuilent l'eftime qu'il faifoit d'eux. On vit le lendemain à huit heu-tcs du matin , Capaha accompagné de cent de Tes principaux lujets fort leftes à leur ma* nïere. D'abord qu'il Rit entré dans la ville il alla au Temple , où diiTimulant fon dcplaiiir 5 il ramafla luyvmelme les os de fes predecel-feurs , que les-Cafquins avoient jettes pa? terre, & après les avoir baifezil les remit dans les cercueils. Enfuite il fc rendit au logis du General, quilortit de fà chambre pour le recevoir, Se } emhittflk avec beaucoup d'affection. De.Cacique l'alicura qu'il venoit fe mettre fous ionobeïiTanceluy&fa Province. Soto réjoui de cela l'en remercia obligeamment , Se puis il s enquit de la quaiité de la contrée 5c des pays d'alentour. Capaha ré-pondit avec eipric, & fit connoiftre fa prudence dans tous les diicours. Ce Cacique e« #oit alors âge de 25. a 26. ans, & fort bien-fkîr dttJà peribiuic*

Comme îe General eut cefie de s'enquérir de fa Province, Gapaha éclata contre Caf-quin qui eftoit prefent, & luy dit qu'il devoir eftre déformais fatisfait d'avoir vu ce qu'il ne fe fuit pas imaginé, & qu'il n'euft ofe efperer de Tes propres forces* Qu'il s'efloit enfin vengé de fon ennemy , $c a voit effacé lahonte qu'il avoit eue dans la guerre. Qu'à la vérité il en avoit l'obligation à la valeur des Efpa-gnols , qui fortiroient bien-toft de la Province , 8c qu'alors on fe reffentiroit de tous les outrages reçus.

C H A P I T. R.E IX. Vitix entre Cafqkin & Capaba*

SUr la connoifTance qu'eut le General de la haine des Caciques , & qu'après fon départ la guerre fc rallumeroit entre eux avec chaleur 3 il leur témoigna qu'il eftoit fâcheux qu'il le.détruilifTent l'un l'autre > Se que refo-lument ils les vouloit accorder. Il effaya donc d'abord d'adoucir Caoaha ; 8c dit que fi l'on avait ravagé fes terres, il s'en dévoit imputer la faute y que s'il euft envoyé au devant des Efnagnols, ils eulfent empêché que Js«v Clmemi^ ne Ment aucun delbrdre, Se n'ta«

>S Wfloih de U FïvriJv".

traitent dans fa Province, Qii'ainfi il ne faî-loit point que de Ton cofte il repugnafl à faire la paix avec Cafquin. Qu'il les conjuroittous deux d'eftourîêr leurs reiTentimens en fa faveur. Que melme en cas de befoin il leur commandoit de luy obéir en cette rencontre, 8c tenoit pour ennerrry celuy des deux qui s'o-piniaftreroit à vouloir la guerre. Capaha répondit à Soto , que la plus grande marque qu'il pouvoir donner de fon obeïffance , e-ftoit de faire.ee qu'il defiroit de luy, 8c que de tout fon cœur il eftoit preft de lier amitié avec Cafquin , Se la deffiu les deux Caciques s'embrafTerent. Vais à les voir, leurs cai Croient contraintes. Néanmoins ils ne laii-ferent pas de s'entretenir adroitement avec le General, touchant l'Eipagne&: les Provinces de la Fl< ride. Leur conversation dura jul-eufà ce que 1 on vint avertir qu il eftoit temps de dîner , & auffi-toft ils parlèrent dans une autre chambre où le couvert eftoit mis pour trois. Le General îe plaça au haut bout, Se Cafquin à fa droite ; mais Capaha remontra ruent a Cafq iin , que comme plus qualité , plus puiiïant, & dune nobleiîè plus IL luftre, cette place luy appartenons Soto qui vit cere conteftation , en voulut fea* oir lu calife , S< c >qfime il 1 eut apprife* il dit que fans avoir égard aux avantages que l'un i

'fcr l'autre , Capaha dévoie avoir du reC pect pour les cheveux blans de Calquin -, & luy accorder le lieu le plus honorable > & qu'il eftoit d'un jeune Seigneur bien né de confiderer les vieillards. Capaha repartit que û Cafquin eftoit Ton ho fie, il luy cederoit volontiers la première place, fans mefme avoir é-gard a Ibn âge. Mais que mangeant à la table d'un tiers, il ne devoit point perdre Ton rang, & que s'il n'eftoit pas jaloux de cet honneur, tou; Tes fujets en murmure soient. Que pour ces conflderations, h* le General vouloir qu'il mangeaft avec luy , il foufrrift qu'il ne dérogeai! point à fa qualité , ny à la gloire de les anceftres. Qu'autrement il luy feroit plus a-vantageux d'aller dîner avec (es fbldats, qui (cachant fa conduite l'en aimeroient davantage. Calquin qui vouloit appaiier Capaha, Se qui connoiflbit que ce Seigneur avoitraiion, ic ! jva , & dit à Soto que Capaha ne deman-doit rien que de fortj lifte , Se qu'il le fupplioit ¦de luy faire prendre fa place. Que pour luy il s'efttmoit fi honoré deftre à fa table, qu'il n'importoit de quel cofte il fe mift. Comme il parloit de la forte il pafla à la gauche du Général, & adoucit Capaha , qui durant tout le dmer ne témoigna aucun reuenrittiént. Ces circonftances montrent que melme par-tny les Barbares, le rang que donne la qualité

eft quelque chofe de confiderable. «Les E£-pagnols s'étonnèrent du procédé de ces deux Seigneurs ; car ils n'auroient jamais crû que les Indiens euffent efte fi délicats lur le point d'honneur.

. Au meirne temps que le General Se les Caciques eurent dîne , on amena les deux fem-mes de Capaha qu'on avoit mifes le jour précèdent en iiberte avec ies autres prifonniers. Ce Cacique reçut fort civilement ces deux Dames , Se après il fupplia le General de les prendre pour lu y , ou au moins de les donner a quelqu'un de les Officiers, parce qu'elles ne dévoient plus demeurer -, ny dans fa maifon r>y iur les terres. Le General qui ne voulut pas refufer Capaha , de peur de Iuy déplaire, répondit, qu'il acceptoit volontiers l'agréable prefent qu'il luy faifoit. Ses femmes en ¦effet eftoient très-belles, Se à caufe de cela, -on fut d'autant plus furpris de la conduite de ce Cacique , qu ileftoit à la fleur de ion âge. Mais on crut qu'il avoit de la haine pour c^s Dames* à cauie qu'il les loupçonnoit d'avoir -efté touillées par les ennemis ; dont elles a-voient efté priibnnieres»

CHAPITRE

CHAPITRE X.

: tes Rff-agnals tnvoyetit quérir du fol* <? votit$ U Vrwincç de QuigUAte.

LE General s'ehquït des Caciques Se dt leurs fujets, où Ton pouvoir trouver du fel, parce que plufieurs foldats mouroient faute d'en avoir 5 Se par bonheur il le rencontra huit marchands Indiens qui en trafiquoient par les Provinces , Se qui aifeurerent qu'il y en a voit dans des montagnes à quarante lieues de Caparta. Ils dirent autli qu'on y trouveroit de ce métal jaune dont on leur avort parlé* T^os gens réjouis de ces nouvelles, Aloreuo) & Silvera qui efloient exacts $c fages y s'otrrU rent d'aller avec les marchands reconnoii'tre la vérité de toutes ces choses. Le General les dépêcha auiîi-tôt, avec ordre de remarquer la qualité de la terre par on ils paiferoi ^nt> & Capâha ks rit accompagner par des Indiens, he leur donna des perles , de chamois avec des fcverolles , pour acheter de i'or Se du fel. Enfuit c ils partirent, & au bout d'onze jours il retournèrent avec fix charges dp fel de pierre chiiitaline, ce qui donna beau-cou") de j )ye aux Ei^agnols. Ils importèrent II. Part. K k

auiîi du cuivre ir es-jaune , 8c dirent que le pays d'où ils venoient eftoit fterile & fort mal peuplé. Sur ce raport Soto reprit la route de la ville de Cafquin , pour tirer de Jà vers îe Couchant, Se en reconnoiftre les terres.; car depuis Mauvila il avoit toujours marché droit au Nord , pour s'éloigner de la mer. Il fè rafraîchit cinq jours à Cafquin , puis il ai marcha quatre le long du fleuve en bas, par un pays fertile Se peuplé , & arriva à la Province de Quiguate. Le Cacique Se fès fujets vinrent au devant de luy , & le reçurent o-bligeamment. Mais le lendemain on le pria d'avancer jufques à la Capiatale, fur l'ailea-rance qu'il y feroit beaucoup mieux fervi. Le General crut ce qu'on luy d'ifoit, Se continua cinq jours fon chemin, en defcencl-ant le long du fleuve par des lieux abondans en vivres, 5c au cinquième il arriva à la Capitale nommée Quiguate, qui donne le nom à la Province. "Cette ville eftoit ieparee en trois quartiers, les Efpagnols Te logèrent dans deux , Se les Indiens au troilieme oit eftoit h rnaifon du -Cacique. Ces Barbares deux jours après l'arrivée des troupes s'enfuirent ians qu'on en içiit la raifou , Se retournèrent au bout de deux jours demander pardon de leur faute. Le Cacique s'exculoit fur ce qu'il penfoit re-Vcnir le mefme jour; JMais on crut qu il ne-

fioit retourné que dans la crainte que les E£-pagnols à leur départ, ne miflent le feu dans la ville & aux gros millets. Car apparemment il eftoit forti à mauvaife intention, puifque Tes fujets eauferent durant leur fuite tout le mal qu'ils -purent; ils fe mirent enembufcade & bleiTerent deux ou trois Elpagnols. Tou-. tcfbis le General qui ne vouloit pas rompre avec les Barbares, ne leur en témoigna rien. Une des nuits que les Elpagnols demeure* rent à Quiguate, un Aide de Sergent Major alla trouver à minuit le General, & luy die que Juan Gaitan auquel on avoit commandé Cîe battre leftrade une partie de la fecor.de veille avoit refuié dobeïr, Tous prétexte qu'il efloit Treforier de l'Empereur. Cette ddo-beiiTânçe piqua d'autant plus Soto ? que Gaitan eftoit l'un de ceux qui à Mauvila a voient fait de fil in d'abandonner UJFJbôride. Auffi Soto tout en coierc vint au milieu Je iacour de fbli logis qui eftoit :1e ve , 5c d'où il pouvoir eflre facilement entendu des loi Jars qui ¦ efeoiect aux environs. La il dit que ç'eftoic une honte que l'on ffrmutinafi tou-j les Jours; & que l'on ne vouluft point faire fon devoir fous couleur que l'on eftoit Treforier de Sa Majeur. Qu'au refte il re comprenoit pas ces gens qui ddîroient retourner en Etpagnfe au au Mexique , n'y. pouvant jamais parcifurc Kk *

qu'en Hchcs. Qu'on içauroit que fur le point de fe rendre maiftres d'un vafte Se fertile pais, ils l'avoienc honteufement abandonné. Que comme il ne pouvoir Jouftrir qu'on leur fift un reproche fi injurieux , à caufe qu il retom-beroit en partie fur luy , ils ne dévoient point aulîî penler à quitter la Floride tandis qu'H vivroit, parce qu'il avoit refolu d'y perdre glorieufementlavie , ou de la conquérir toute entière. Qu'il ne falloit pas non plus que personne fous prétexte de fa charge, s'imaginail s'exempter de faire ce qui luy leroit ordonné, qu'autrement il feroit couper la tefte au premier qui n'obeïroit pas. Ces paroles prononcées d'un ton rler Se plein de reflentiment, firent rentrer dans leur devoir les mutins , 8c ceux que Ton avoit peine à faire obéir. Car ils fçavoient que le General eftoit exact Se îe-vere y &s qu'après s'eflre ouvertement decla* ré, les menaces eftoient à craindre.

CHAPITRE XI.

tes treupes arrivèrent à Col hua , elles font-dufel &fJ$fUtÀ Tu la.

L

Es E fy? gnoib fejournerent foc jours à Qui-guite , ih Cn partirent le feptieme , fc a-

Lhre fécond. ¥of

prés cinq journées de marche en descendant le lon^ du fleuve qui paffe à Calcum, ils arrivèrent à la Capitale de la Province de C olima. Le Cacique reçut Soto avec de grands témoignages .daifection 5 Se cet accueil réjouit nos gens y qui eftoient extrêmement touchez dt ce qu'on leur avoit'dit-, que les'habitans de Colima empoifonnoient leurs ffefches. Ils de-fcfperdfëflt de pouvoir leur refrfter parce que-lans le (ervir de flelches empoifonnées, ces Barbares avoient déjà trop de force dans les-combats. Mais on apprit avec joy€ qu'ils ne promut point de traits empoifonnez , Se Yorï eftima davantage leur amitié, qui pourtant' ne dura que fort peu. Car deux jours âpres r'-arrivée des troupe-s, ils fe mutinèrent lans' raifon , Se fe retirèrent dans les bois avec leur Cacique. Enfuite de cette retraite les Efpa-gnols demeurèrent encore un jour dans la vilie de Colima, ou lors qu'ils eurent amrtfledes vivres , ils continuèrent leur chemin à travers des campagnes fertiles, Se des forefts agréables & faciles a palier , Se au bout de quatre jours ils arrivèrent au bord d'un fleuve où l'armée fe campa. Après il y eut des foldars qui sellèrent promener lur le bord de l'eau , oà ils apperçûrent du fable de couleur d'azur* L'un d'eux en prit, il en goufta Se fentit qu'il .ciloit laie. 11 en avertir, fes compagnons, & Kk 3

$cG Rijfofre de U Fioride.

dit, qu'il croyoit qu'on en pourrott compoier du falpeftre , dont il le fcroit de fort bonne poudre. Ils ramaiTerent donc ce lable dans cette penfée, Se tafeherent de tirer lentement celuy quiparoiiïoit azuré. Comme ils en eurent iumlammcnt, ils le jetteront dans de 1 eau, où après lavoir lavé, ils le preiferent entre îeurs mains pour la faire couler ; puis ils le rirent cuire à grand feu, & il le convertit en un fel un peu jaune , mais très-propre pour filer. JLes Efpagnols rcjoùis de cette nouvelle in* vention, le rafraîchirent huit jours à Colima, & rirent provision de fel. Mais il y en eut qui maigre les prières qu'on leur faifoit en mangèrent tant, qu'il en mourut neuf ou dix 4 'hydropilic. Ainfi les uns perdirent la vie pour avoir eu du lel en abondance , Se les autres pour en avoir manqué dans leur beioin. Après que no* geus fe furent fournis de fc!, ils partirent de Colima & marchèrent deux jours pour lortir de la contrée qu'ils appellerait la Province de le!. De là ils paiTrrent en celle de Tula. Ils firent trois jours de chemin par un pays dépeuple ; & au quatrième iur le inidy, ils camperait dans une tres-agreable plaine à demie lieue de la Capitale , où le General ne voulut pal aller. parce que les trou-yjés eftoient haraiîces. Mai* le lendemain il prie louante fantaiîms avec cent chevaux, &;•

fut reconnoiftre cette ville, qui eft iîtuée dans un pays plat entre deux ruiileaux. Les habi-tans qui ne fçavoient rien de la venue, te mirent en armes lors qu'ils le virent, ils iomrent contre luy. &. furent lecondez de plusieurs femmes qui le battirent fort vaillamment. Nos gens-rompirent d'abord les ennemis, & les pouffèrent jufques dans ia ville où-iL entrèrent peiîe mefle. Le combat alors s échauffa, car les Indiens &: leurs femmes fe battirent en defefperez , & montrèrent tous qu ils prcie-roient ia mort à la ièrvitude.

Ileinofo durant la méfiée entra dans une mailon , & monta à une chambre haute, il y avoit en un coin cinq Indiennes , auxquelles il fit connoiltre qu'il ne leur vouloit faire au» cun mal. Mais ces femmes qui rappercûrent feul fe jetterent de furie fût my. Les unes le prient par les bras & par les jambes, quelques-unes par le cou , & me fine par les parties naturelles. Reinoio pour le debarailer s'agite, fe remue avec violence , & frappe h fort du pied; que* le plancher qui n'eltoit que de ro-leaux crevé. Et comme l'un de (es pieds paffe par le trou , il tombe lur le plancher où les Indiennes le traittent cruellement. Toutefois il ne voulut jamais crier au fecoius , dans la penlce que cela luy leroit honteux qu'on vift que des femmes luy furent unt.de peins;*-

Comme les Indiennes outrageoîent ainfl Rcinoio , un autre Eipagnol entra dans une -chambre au-défions , & parce qu'il oùit da bruit en haut, il regarde Se voit une jambe qui pafloit par un trou du plancher. Il la prie d'abord pour celle d'un Indicn,a catife qu'elle eftoit nuë& h au fia 1 epee pour la couper, àlais dans ie doute qu'il n'y eut quelque malheur il appelle deux loldats y ils montent à Lt chambre , où voyant leur camarade en un eftat pitoyable , ils attaquent les Indiennes 9c 4 les tuent toutes cinq , parce que pas une ne voulut jamais s'empêcher de mordre & de frapper Reinofo. Ainli ils luv lauverent la vie qu'il auroic bien-tôt perdue, s'il ireuil eux lecouru.

Cette année i >9 r. que je remets au ner l'hiftoire de la Floride, j'aoprens que Reinofo vit encore ,- Se qu'il.eftau Royaume de Léon en il a pris naiilance.

Il arriva fur la fin du combat que Paez C:^ pitaine d'une compagnie d'Arbaleitriers, fort méchant homme de cheval, attaqua-un In-. dîen qui fuioic.Il iuy porte d abord un'coup de .lance, 1 Indien pare d'un grand bafton , Se en décharge un i\ vude coup lur le vilage de Raez ,-cuïl luy cafle toutes les dents , Se le laiiîant tout étourdi Tuf Ja place il le retire gîoiiailenaent.

Alors comme il fe raifoit déjà tard, Soto ftr former la retraire > & revint au camp, fort furpris du courage des Indiens, & principale» ment des Indiennes, qui combattirent avec plus d opiniâtreté que les hommes. Il y de<-meura fur la place plusieurs Barbares -, mais ducoftédenosgens>il n'y eutquedesbleilez. que lonramenaau quartier, & dont Soto fut feniïblement raché.

CHAPITRE XII,

Des habit Ans de TuU.

LE lendemain du combat, les Efpagnols entrèrent dans la. Capitale de Tula. Comme ils la trouvèrent abandonnée , ils s'y logèrent, & fur le foir le General envoya de cofte Se d autre des cavaliers a la découverte. Ils prirent quelques Indiens qui efroient en fentmelles , mais ils n'en purent tirer aucune réponfe, touchant les chofes qu'ils leur de* mandoient, ny les faire marcher, parce qu ils fe Kttoient par terre & fe laifîoient traîner. Delelperant donc de les emmener au camp , il> leur o fièrent à tous la vie.

Les Etoagnols trouvèrent dans la ville de Tula pluhcurs cuirs de caches pàffez avec h

poil, Se s'en fervirentau lieu de couverture de lir. Ils v rencontrèrent auili des cuirs crus avec de la chair de vache y . fans qu'ils ayent rû des vaches, ny découvert d'où les Barba» res avoïent apporté tint de cuirs.

Les hommes de la Province de Tu!a, autTi bidn que les femmes tonc tres-dirFormes. Ils en: lateite longue Se pointue extraordinaire-ment, 5c on la leur forme de cette manière dés le moment de kurnailTance , ju;qu alàgede neuf à dix ans. Ils ont auffi ie viiage fort laid , parce qui's ie le dengurentavec de^ pointes de caiilou , & particulière ment les lèvres qu ils noircirent après les avoir decoup.es. Ainii ils ie rendent ii épouvantables , qu'on ne les peut preique regarder ians- frayeur Aijutez que leur efprit eft encore plus mal fait que leur corps.

La quatrième nuit que nos gens eftoient à Tula , les Indiens s'en approchèrent avant la pointe du jour en grand nombre , & a fi petit bruit, que les ienrine^es ne les appciCLirent que quand ils foridirenî f. relies. Us attaquent d abord le camp par trois endroits, Se entrent avec ta : le ; iriè 8c d.- promptitude au quartier des ai-ba'c(-riers ? leur don: 1

arbaidftes, ils les c^n-; deiordre vcrs'e | dcGufinan* Ce Quâcaine hn aulli-to:, c*

ériarge'lcs Barbares qui fe battent avec d'autant plus d'ardeur qu'ils croient que la refî-ftance que fait Gufman leur enlève la vi-ftoife.

Les Indiens & les Efpagnors Xe batto : ent courageufement aux autres endroit^ , & l'on n'entendoit par tout que des cris. D'ailleurs laconrufion eftoit ri grande 3 àcaule del obicu> rité , que Tontrapok auilî-tôt iur ceux de Joa party que for les autres. Nos gens pour fe reconnoitfre & ne fe point bleiTer , fe donnèrent promptement pour mot laint Jacques Se les Indiens Tuia.

Ces Barbares pour la plnrpart -, au lieu de flèches avoient des barons de cinq a lix pieds parce que l'Indien qui auparavant avoit caiTé î:s dents a Paez leur avoir dit ce qu il avoir fait avec un baron. Si bien que fe camarades efperans un pareil bonheur^ pjuiïeurs s'armèrent de bâtons , 5c en (râpèrent rudement quelques Efpagno's. Juan Raeça î'un des ha-lebariicrs de la garde du General en fut fur tout nrù-tra ; te ; car de jx Indiens l'avant pris, l'un luy rompit fa rondache lu premier coup de batôn , & l'autre luv en déchargea Lia tel C( ufe far le dos qu il rétendît a fes pu ds , Se l'eut kàé fàfiS quelques iol Jars qui occou-

Turent. Il arriva de certe i. au-

tres accident dont les Efpagnob fe raillèrent

depuis, à cauie que ce n'eftoit que des coups

tic bacons.

La Cavalerie que les ennemis crâignoient rompit leurs bataillons ; mais ils ne laifTerent "pas dopiniaftrer le combat. Car quoy que ie^ Cavaliers les perçafTent à grands coups de lances , Se les miflent plufieurs fois en defor-dre , Ils retirèrent avec courage jufqu'au jour 5 mais alors ils fe retirèrent dans un bots proche un ruifleau qurpafloit prés de la ville* Les Elpagnols eurent beaucoup de joyc de cette retraite, parce que les Indiens combattaient en delefperez , & ne refpiroient que îa défaite de leurs ennemis. Le combat finit au lever du Soleil. Enfuite nos gens rentrèrent dans le camp pour panfer les blefTez, qui «ftoient cnafTez grand nombre, & cependant ils n avoient perdu que quatre hommes*

. ¦ . ¦.

CHAPITRE XIIL

X.onwUî d'un Indien (ontrt quatre hfpagneh*

A Presse combat quelques Efpagnois allèrent lelon leur couftume voir les morts •Se les blefTez , Se cependant Galpard Caro , 4jni dans la mefLe avoit perdu un cheval,mon-•ta celuy d'un de les amis pour aller chercher

le

le n'en qui s'en eftoit fuy par la campagne, "Caro retrouva fon cheval , Se arriva en le •chaiïant devant luy au champ de bataille , où il rencontra quatre fantailins, dont l'un appelle Salazar , voulut faire voir Ton adrefle à piquer, Se monta fur îe cheval que Caro chat Soit. Sur ces entrefaites, Juan de Carrança l'un des quatre fantailins , s'écrie qu'il avoîc viï un Indien dans des buifïbns prés d'eux. Les Cavaliers auiîi-tôt s'avancèrent, l'un d'un cofté , Se l'autre de l'autre , pour empêcher le Barbare d'échaper. Carrença court au lieu ou Il lavoit apperçu , Se eit fuivi de Tes compagnons , dont 1 un va en diligence après luy, Se l'autre doucement, l'Indien qui fe voit in-vefti de toutes parts, fort des buiilons Se coure à Carrença avec une hache d'armes qu'il avoit gagnée à l'attaque des Arbalétriers. Cette hache eftoit fort bien affilée, Se avoit un manche plus d'un demi-bralTe de long, L'Indien la prend à deux mains, en décharge un li furieux coup lur la rondache de Carrença qu'il en abbat la moitié, Se le bleflè tellement au bras qu'il le met hors de combat. Il va en-fuite tefte baillée à an autre foldat Se le traitte de la mefme façon que Carrença.

Salazar qui cil: lur le cheval de Caro , Se qui voit les deux camarades mai-traicez , attaque avec rurie l'Indien qui de crainte du II. Part. L 1

* 14 Wftoirc de la Floride.

cheval gagne un cheine qui eftoit là. Salazar le pourfuit, l'approche le plus prés qu'il peut, & îuy porte inutilement quelques coups Je-pées. Mais comme le Barbare apperçoit qu'il rie fçauroit s'aider de Ton arc, .à caufe des branches , il quitte l'arbre , Te met à la gauche du cavalier , Se. décharge un tel coup.de I>ache fui l'épaule du cheval qu'il la luy fend. Cependant arrive Gonçalo Silveftre qui fui-•voit à petit pas , dans la penfee que les compagnons battoient aifément l'Indien. Comme îl fut proche , le Barbare s'avance fièrement ,-droit à luy, Se Iuy décharge, un coup de toute fa force , mais Silveftre lévite avec tant d'a-drelTe que la hache ne fit que couler fur là rondache : & aulTi-tôt il donne à 1 Indien un revers de fon épee dont le coup le blelfe à la poitrine, au vifage, au front, & luy coupe le poignet gauche. Alors le Barbare enrage de n'avoir plus qu'une main, fe lance lur ion ennemi. Silveftre pare de fa rondache , & luy donne un fi furieux revers de fon epée au défaut des coftes,que ne rencontrant ny armes, ny habits , il le coupe en deux : de forte qu'il Jtombe mort à fes pieds.

Au mefme temps lurvint Caro , qui fâché de voir fon cheval en l'eftat où il eftoit, le mène au General, Se luy dit tout en colère gu'un Indien, de trois coups de haches, avoit

mis hors de combat trois Espagnols qui fe pi-quoient d'adrefTe Se de courage, & que me(-me il leur euft ofté la vie fans Silveftre qui a-voit genereufement tué leur ennemi.

Le General & ceux qui l'accompagnoient, admirèrent la hardieffe de l'Indien 8c la valeur de-Silve-ftre ; mais comme Caro s'empor-toit trop contre les trois Espagnols y Soto quî en connoifToit lé mérite, luy dit que *eur ma!-" heur eftoit un effet de la fortune qui dans la-guerre favorilbit tantôt l'un & tantôt l'autre 9 qu'il ne devoir point être fi fort irrite de la blefc fore de fôn cheval, parce qu'elle citoit légère. Que du refte il fouhaitoit de voir celuy à qui Siiveitre avoit ofté la vie , & là-deffus il le rendit, avec plufieurs de lè< Officiers, au lien où eftoit le corps de l'Indien , dont la valeur le furpris de nouveau , après avoir entendu des bleiTez les particularitez du combat.

CHAPITRE XIV.

Départ de TuLi avec le quartier d'Hiver det troupes en Vttangue*

TAndis que les Efpagnols fejournerent 3 Tuf a, Lis ruent diverfes courfes par la Province Se la, trouvèrent fort peuplée. Uf

Ll 2,

prirent plufieurs Indiennes 5c plufieurs Indiens de tout âge , mais ils ne purent ny par force, nv par douceur les .emmener. Car lors qu'ils dehroient de les obligera fuivre, ils fe jet-toient par terre Se faifoient leulcment con-noiftre qu'on les laifTaft , ou qu'on leur otaft la vie. Nos gens piquez de cette brutale opiniâtreté , tuoient les hommes qui eftoient capables de le battre, & relàchoient les femmes Se les enfans. Toutefois Juam Serrano emmena une Indienne par adrelTe -, mais elle çftoit tellement farouche que s'il i'avertiiioit de ion devoir, elle luy jettoit à la tefte le pot, les tiibns de Ru , ou ce qu'elle rencon-troir. Elle vouloir, qu'on la laifTaft faire , ou qu'on la tuaft, Se diloit qu'elle n'eftoit pas née pour obeïr : c'eft pourquoy fon Maiftre foufrroit qu'elle rit tout à fa fantaific. Néanmoins elle le fauva , de quoy Serrano fuC fort aife.

Au ieul nom de Tula , on appaife les en-fans qui pleurent ; 8e l'humeur brutale des habitans de certe Province les fait appréhender de leurs voifins. Lors que les Espagnols fortirent de cette Contrée , ils emmenèrent un jeune garçon de neuf à dix ans ; Se comme dans les villes qu'ils découvrirent depuis , de où ils furent bien reçus, les enfans faiioient de petites compagnies peur fc battre les uns

Lhrefcconi'. Ïp>

contre les autres, nos gens ordoniioïent au jeune Indien de Tula de choilir l'un , au l'an* tre des partis. Ceux de fa troupe le prenoient aûlîî-toft pour leur Capitaine , Se au mefme temps il les rangeoit en bataille &attaquoità grands cris le party contraire auquel il raifoït lâcher le pied quand il venoft à crier Tuîa» Les Efpagnols qui eftoient prefens luy corn-iriandoient enfuitcdepaiTer du collé des vaincus, & de charger les victorieux. Ilobeïfîbit/ & dés quil commençoit à crier Tula, fësennemis tournoient le -dos : de forte que de quelque collé qu'il fe mift, il emportoit Cou-jours la victoire.

Après que les efpagnols eurent demeuré vingt jours à Tuia, 3 caufe de leurs bleffez> ils en partirent ; Se au bout de deux journées de chemin ils entrèrent dans la Contrée d'U-tfengtae en refolution d y païTer FHy ver" qui ¦ approchoir. Ils marchèrent quatre jours par cette Province , Se en trouvèrent la terre fort bonne, mais mal peuplée , Se les habitans•> hardis : Car fur la route ils ne firent que har- -celer les Efpagnols par des attaques 8c des ai-larme; , de demy-lieuëen demy-lieuë, -D'abord ils leur tiroient dallez loin une quantité de flèches, 8c puis ils fuyoient. Mais corn- ¦ me on fe battoit en pleine campagne, les Ca-raliers les pourfuivoient Se les perçoient ai,

jement x coups de Ia-nccs.Toutefois,îatis per-> dre cœur, des qu'ils fe pouvoient rallier vingt ou vingt cinq feulement, ils revenoient à grands cris fondre fur nos gens qui les char-geoient avec vigueur. Ils fe cachoient âuflî quelquefois parrny de grandes herbes pour mieux furprendre les Efpagnoîs. Cependant rien ne leur reùiliiToit, Se ils eftoient toujours battu. Les troupes arrivèrent à la Capitale qui porte le nom de la Province , Se s'y logèrent parce qu'elle eftoit abandonnée. Le General dépécha des Indiens du pays vers les habiians de cette Place, mais ils ne voulurent ny paix, ny alliance avec Içs Efpagnoîs. Les peuples de la Province d'Utiangue font hardis, fiers, téméraires, Se beaucoup mieux faits que ceux de Tu la ; car ils n'ont ny le vifage diriguré , ny la tefte monftrueufe.

Lors que Soto Se fes Officiers eurent vu qu'il y avoit des vivres dans la ville d'Utiangue , qu'elle efloit iituee dans une plaine fertile, arrofee de part 8e d'autre d'un ruiffeau , avec des pafturages aux environs, Se fermée de paliffades ; ils refolurent d'y prendre leur quartier d'Hyver. Car outre qu'ils eftoient déjà à la my-Oclobre de l'année î 541. ils ne fçauroients'ils rencontreroient ailleurs autant de commodité que dans cette Place. Ainlî ils ]a fortifièrent y Se Br^nt provilion de bois, de

Ltvrt fécond. ny

gros millet, de"'raiiins fecs, de pruneaux , Se d'autres fruits qu'ils trouvèrent en abondance. Us tuèrent aulTi à la chaiTe force Lapins , Cerfs ySc Chevreuils , dont ils fe régalèrent Se ilsn'euflent pas efte mieux en Eipagne, ny plus commodément que dans Utian-gue. Il eft vray que l'Hyver y fut rude Se qu'il y negea fi fort qu'ils demeurèrent un ¦ mois Se demy fans pouvoir fortîr ; mais le bon feu qu'ils faiioient les garantiiToit àifément du froid.

Certes, quand je viens a confiderer toutes ces commoditez, Se l'excellence du terroir de laFloride,je ne.puis approuver la conduite des Efpagnols , qui ne voulurent pas s'y établir , parce qu'il n'y trouvoient ny or, ny argent. Mais ils ne longèrent pas qu'ils ne ren-c'ontroieht aucun de ces métaux, à caufe que les habitans du pays ne fc donnent pas la peins de les chercher, & n'en font aucune eitime. -On alTure en effet que des Navires efiant péris fur la cotte , 8c les Indiens ayant trouvé desbourfes pleines d'argent, ils emportèrent les bourfes dans la vite qu'elles leur pouvoi :nc férvir, & laiflerent ce qui eftoit dedans, parce qu'ils n'en fçavoicnt pas l'uiage.

no Hi (taire de la Floride,

C H A PITRE XV.

Str.it Agefme du Cacique d'Vtiangue , avec

la découverte de la Province

de Naeuatex

LE Cacique qui connut que les Espagnols paftbient leur quartier dliyver à Utiait-gue, prie reiolution de les en chafler. I! efTaya pour cela d'amufer le-General par des gens qu'il Liy dépéchoît la nuit, <k qui l'aflèu-roient que leur Cacique fe rendroit bien-tôt à la ville. Mais fous ce prétexte, ils avoient ordre de-rcconnoiflre les troupes ; afin que fur le raport qu'ils en feroient, on délibérait, des moyens de les attaquer en feureté. Les Elpagruols qui ne fe-menoient point de ces Indiens , leur IaûToicnt voir les chevaux , les armes Se la rarde qu'on faifoit dans la place. Cependant Soto averti du deiTein des Barbares , dit à leurs Envovez qu'ils n'entraffenc plus que de jour dans Urian-gue. Mais comme ils s'opiniaftrcrcntà y venir de nuit, on crut qu'il leur falloit apprendre à obeïr-par force, puis qu'à leur éeard îa douceur paroffièic inutile. C'cft-- pourquoy Barthélémy "d'Argote <jui avoi: Tordre du General, cftant une nuit en fentinelle à la porte de la viiiè , il tua un [ Envoyez qui vouloir entrer pour parJ 1er aiu. OrBciers, Cette action hit approuver

de tout le monde, & particulièrement de Soto ; car il donna de grandes loiianges à Argote , qui pafla depuis pour un brave fol-dat ; Se les Indiens qui connurent que leur delTein eltoit découvert ne renvoyèrent plus vers nos gens.

Durant le quartier d'hyver des troupes à Utiangue, les uns gardèrent la place , Se les autres , lors que ks neiges furent fondues, allèrent en party pour prendre des Indiens, à caufe qu'on avoit befoin de gens de fervice. Mais parce qu'après fept ou huit jours de courfc , ils ne revinrent qu'avec peu de pri-fonniers ; le General çhoifîc deux cens cinquante hommes , tant de Cavalerie que d'Infanterie , Se avança vingt lieues dans le pays jufqu'à Naguarex , Province fertile & peuplée. Il furprit avant le jour dans cette contrée un village oiY le Cacique demeuroit. Il y prit un aiTez grand nombre d'hommes Sedc femmes, Se revint après à Utiangue, où le re-fie de l'Armée lattendoit, 5c commençoit à craindre pour luy , parce qu'il y avoit quatorze jours qu'il eltoit parti. Mais ion retour diilipa leur crainte , Se Y on fongea feulemeut à le réjouir Se à partager les priiomiiers....

Fin du. fécond Livre.

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LIVRE III,

DE LA

FLORIDE.

Découverte de plufieurs Provinces, avec les avanture de- Espagnols dans ces contrées j & leurs préparatifs pour le Mexique.

* *-

CHAPITRE I.

Innée des troupes en TSignatèxl

_J Pre's cinq mois de fejour à UtiarH t eue , le General en partit au com-

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mencement d'Avril de l'année mille cinq cens quarante-deux; & marcha vers la Capitale deNaguatex, quiportelenomdela Province. Il fit en (ept jours vingt-deux ou' vingt-trois lieues pour aller à cette ville, Se pafla par de* terres fort bonnes Se fort peuplées. Une Itiy arriva rien dans la route , Il

.livre 'tfàjf&mfm œjy

ten'elt. que les Barbares l'attaquèrent aux païTages des bois & des ruiiTeaux ; mais ils fuioient au me fine, temps qu'on leur ftiioît telle. Nos gens fe rendirent clone heureufe-rncnt à Naguatex qu ; ils trouvèrent abandonné , Se où jjp demeurèrent quinze jours. Cependant ils -coururent toute la Province , Se prirent les vivres qui leur eitoient necefiaires, îans que les habitans s!y oppofafient que foi* htement.

Il y avoit hx jouis que les Efpaçnols eftoient à Naguatex , ïors que le Cacique envoya S-'excuièr auprès de Soto, de ce qu'il ne l'avoir pas attendu dans cette ville , afin de l'y recevoir avec honneur. Il luy fit encore dire qu'il eftoit h honteux de fa couduite , qu'il n'ofoit le vihter .à prefent y mais qu aulTi-tôt qu'il n'auroit plus tant de cenfiifion 5 il ne man-queroit pas à ion devoir. Que cependant il 'commanderoit a fes vafïaux d'obeïr exactement à fes ordres, parce qu'il iereconnoinoit pour fon Seigneur. Le General répondit qu il avoit obligation au Cacique, de la grâce qu'il luy faifoit -, qu'on le pou voit affeurer qu'il feroit fort bien reçu , & que 1 on auroit beaucoup de joye de Je voir. Là-dcflus les Envoyez s'en retournèrent tres-farisiaits de boto ; Se le lendemain de grand matin il en yint d'autres qui amenèrent quatre des prui-

cipaux Indiens , avec plus de cinq cens hommes de fervice. Ils dirent au General qu'ils iuy prefcntoient des plus confiderables per* fonnes de la Province, pour le fervir & pour les tenir en oflage , en attendant la venue du Cacique. Soto les remercia de cette faveur, Se commanda que Ion ne fift plus d'Indiens prifonrriers. Néanmoins le Cacique ne le vint point voir. Se l'on crut qu'il n'avoit envoyé vers les Efpagnols que pour empefeherqueTon ne ravageai!: Tes terres , Se que l'on ne prift Tes fujets. Cependant les principaux Indiens, & tous les autres fer-¦ virent les troupes avec ardeur, & n'eurent pourvue que de leur complaire aveuglement. Le General qui connut leur affection s'informa d'eux , aulTi bien que des foldats qui al-loient en parti, de la contrée deNaguatex, Se marcha jufques à une autre Province accompagné de pluiieurs autres Indiens, que le Cacique luy envoya avec des vivre's.

A

CHAPITRE II.

Fuite de Gufman.

U bout de deux lieues , les Efpagnols trouvèrent à direDiego Gufman * brave

V Carmona l'appelle François.

Cavalier

Vivre trolfiemel r% ç

Cavalier ; mais grand joueur, qui eftoit venu dan.-, la Floride très-bien équipé de toutes chofes. Le General auiïi-toft commanda de faire alte, & d'arrefter les principaux Indiens, jufques à ce qu'on euft des nouvelles de GuC nun. On s'informa donc parmy les Eipagnols où pouvoir eftre ce Cavalier ; & il fe trouva que la veil;e du jour qu'on le chercheit, or, Tavoit vu au quartier. Que quatre jours auparavant, il avoir joué aux cartes * armes Se bagage. Que s'eftant echaufe au jeu, iî avoit perdu une tres-charmante Indienne d'environ dix-huit ans qui iuy eitoit écheuë, lors qu'on partagea les priionniers de la Province de Na-guatex. Qu'il avoit paye tout le refte de ce qu'il avoit perdu , mais qu'à l'égard de cette belle il avoit dit a celuy qui {'avoit gagnée que dans quatre ou cinq joursillaluyenvoyeroit. Que cependant il avoit manque de parole ; & que ny luy ny l'Indienne ne paroifloient plus. Si bien qu'on le foupçonna de s élire retire parmy les Barbares à caufe de la honte quil avoit d avoir joue ion équipage, & perdu cette jeune fille qu'il aymoit. En effet on ne douta plus de rien', lors qu'on fçut que l'Indienne efloit Mlle du Cacique. C eit pour-quoy Soto qui eftimoit Gulman , ordonna

* Elles eftoient de cuir faute d'autres

?2<T Hifioire de la Viortde.

aux principaux Indiens de le faire revenir eii . diligence. Qu'autrement il croiroit qu'ils l'au* roient fait aflafîiner , Se que luy , afin de punir une fi noire action , les feroit mourir, Se tous leurs gens. Ces pauvres Indiens de peur . de perdre la vie , envoyèrent promptement .où ils penloient qu'on-apprend-roit des nouvelles de Gufman, Se leurs mëflagersqui allèrent & revinrent en un jour, raporterent qu'il eftoit avec le Cacique ; & qu'il leur avoît juré qu'il ne retourneroit plus parmy- les Ef-pagnols. Là-deiTus le General repartit qu'il - ne pouvoit ajouter foy a cela , Se qu aiTeure-menr les principaux Indiens Tavoient fait tuer. ï/un d'eux alors prit gravement la parole, & . dit d'un ton qui ne ientoit point fon j>ri* . fbnnier^ qu'ils avoient trop de cœur pour mentir. Qu'arln d'eftre pLus feur de ce qu'on leur avoit raporté , ils le fupplioient de mettre en liberté 1 un de leurs compagnons qui allait vers les Indiens. Qu'ils luy proteftoient que ton Cavalier fe rendrait au camp avec leur camarade , ou qu'il declareroit fa dernière résolution. Qu'il priftleulementla peine de luv •faire ordonner par une lettre de revenir , ou de répondre par un billet , Se qu'on jugeroit -par là , que le Cavalier eftoit vivant. Us ajoiV teient que li leur compagnon ne retournoit .de la manière qu'ils laiîcuroient, les trois au-

très fe foûmettoient à perdre la vie. Mais qu'ils avoient une ii haute opinion de la prudence du General, qu'ils eftoient perfuadez qu'il ne porterait pas Tes reflentimens fur d'autres que fur eux, & que mefme il ne confen-tiroit jamais que trois perfonnes de qualité mourulient pour un ioldat, qui avoit lâchement deierté fans y cure contraint par aucu» habitant de la Province. Soto Se Tes Capital- -nés convinrent avec l'Indien de tout ce qu'il avoit propofé , & luy commandèrent d'aller vers Gulman , 8c à Gallcgo , qui cftoit amy de ce Cavalier de luy écrire la penfée , fur le peu de conduite qu'il avoit eu , Se de le porter à revenir. Qu'on luy rendroit tout (on équipage , 8c qu'en un mot il-ne luy manquerait jamais rien.

L'Indien partit au mefme temps avec la let~ tre de Gallego,Ac Tordre du General qui prioit le Cacique de luy renvoyer (on foldat ; ou ou'il proteftoit de mettre tout a feu tk àfang, Se de faire mourir tous les Indiens qui eitoienc en (on pouvoir. Lors que Gulman euft vu ce qu'on luy mandoit, il grifonna fon nom avec du charbon , pour faire connoiftre qu'il vivoit, Se lupplia l'envoyé d'allurer les Efpa-gnols qu'il ne retournerait plus avec eux. Et auffi-toftle Cacique répondit, que comme, Çuinun eftoic libre de demeurer fur fes ter.* Mm &

Î2.8 iïtftoïre de la Tlvriâel

res , il ne le contraignoit pas aufl! d'en fortîr. Qu'à la confideration de la faveur qu'il luy avoit fuite de luy avoir ramené la fille , il le traiterait toujours fort civi ement; & Te con-duiroit de la loi te envers les Efpaguols, qui •¦iroient dans fa Province. Qu'après tout, Sotoncferoit jamais loue de faire mourir les fujets d'une perfonne qui recevoit fes gens avec amirié. Q^.ie néanmoins il ne luy en diroit pas davantage là-deiïus, & qu'il en ufëtoit comme il luy plairoit. Le General qui connut Topiniaflrete de Gufman , & que le Cacique parloit en homme d'honneur , re-folut de paiTer outre. Se délivra les principaux Indien.- avec les gens de fervice , lors qu'ils 1 eurent tous accompagné julqua une autre Province. Cependant il faut demeurer d'accord , que l'amour 6c îe jeu aveuglent bien les hommes, puis qu'ils les obligent de s'abandonner eux-meirnes à leurs propres ennemis.

CHAPITRE III..

De lu Province de Guacane.

NOs gens marchèrent cinq jours au travers de la contrée de Naguatcx ; & ar-

rivèrent à la Province de Guacane , dont les peuples eftbient bien dirrerens de leurs voi-iins. Ceux de Naguatex eftoient doux, ci-~vi!s , Se amis des Espagnols ; £< les habitans -de Guacane , barbares, & leurs ennemis jurez. En effet, au Heu de traker allianceavec eux , ils témoignèrent-en toute rencontre-' .qu'ils leshaïiîbient, & leurs prefenterent plu-ikurs fors bataille. Mais les noftres la refu/b* ¦ rent toujours, parce qu'ils avoient perdu plus^ de la moitié de leurs chevaux", & qu'ils ne deiîroient pas-expofer les autres à la Ririe des ¦ ennemis. Auiïi pour n'avoir aucune occafioa ' d'en venir à un combat3 ils doublèrent leur" marche, Se traverferent en huit jours la Pro- " vince de Guacane. On vit dans cette contrée des Croix ie bois fur la pluipart desmaifons, à cauie que ceux de cette Province avoientoûî* parler des grandes chofes, que Nugnez & les • compagnons avoient faites au nom de Jefus-" Ghrift dans les régions de la Floride, où ils " avoient elle tandis qu'ils eftoient au pouvoir des Indiens.. Néanmoins Nugnez , ny feca* : marades'ne pénétrèrent jamais juJquts a Glu-' cane, nv en beaucoup d'autres contrées où-leur réputation eftoit connue. Mais la re-' nommée avoir publie d'une Province'à l'autre les miracles qu'ils-avoient opérez, parla puiiTancc de Dieu en faveur des malades Wj$

JM m 3

guerifloîentavec des fignes de croix. Aînfî les habitans de Guacane furpris de ces merveilles , fe perluaderentque mettant des croix fur leurs maifons, ils fe garantiraient de tout danger. Et par là on peut connoiftre la facilite qu'il y a de convertir à la foy les peuples de la Floride , & que l'exemple eft plus puif-fant pour les porter au bien, que la force & la violence.

CHAPITRE IV.

M.irche des troupes vers U Province d'Anilco.

LE General partit de Guacane, dans le deflein de retourner vers Chucagua, par Ut) chemin différent de celuy qu'il avoit pris. Se de faire un tour plus long-pour découvrir d'autres Provinces. La vue qu'il avoir, eftoic vie s ctabiir dans la Floride, avant que les maladies Se les combats ruinaient entièrement Ion Armée. U eftoit.d'ailleurs fafche de ne tirer aucun fruit de la peine qu'il avoit priie, & prenoit encore chaque jour à faire de nouvelles découvertes. Ceftpourquoy il louhaï-Coit avec paiTion, que la Floride qui eft vaite Se fertile fuft habitée par les.Efpagnols, Se principalement par ceux qui l'accompa*»

gnoîent. Ilavoit dans la penfée que s'il mou-roit fans commencer un etablifTement , il ne s'aifembleroit de pluiieurs années de fi braves troupes que les demies. Ainli il fe repentoic de ne S'eftre pas habitué dans la contrée d A-chulTi, Se defiroic réparer la faute qu'il avoic faite. Mais comme il eftoit loin de la mer, Se qu il pefdroitdu temps à chercher un port, il avoiL relolu qu'à (on arrivée au Chucagua, il baftiroit une ville fur le bord de ce fleuve. Qu il feroit deux brïgantins, dont il donne-roit la conduite à des perlonnes ridelles, qui defcendroiênt le long du fleuve juiqu'a la mer, afin d'aller avertir les habrtana du Mexique, de Cuba, & autres pays que dans la Floride , on avoic découvert de grandes régions abondantes en toutes iortes de chofes. Il el-peroic que par ce moyen les Eipagnoîs y a-borderoient de toutes parts , & amen croient ce qui eftoit neceiTaire à une habitation. Cela fe pouvoit ailément exécuter fans la mort , qui interrompit de fi glorieux defleins.

Le General au fortir de Guacane traverfa fept autres contrées peur arriver au Chu-cagua, & commencer au printemps à s établir. Mais parce qu'il avançoit à grandes journées , les Eipagnoîs ne senquirent peint du nom de ces Provinces , dont quatre eitoienc tres-abondantes eu vivres 6c cres-agréables ,

tyz' lliftohc de la Floridel

à caufe des vergers Se des ruiiïeaux qu'on y rencontroit. Pour les crois autres, elles n'e-ftoienc ny fertiles ny charmantes. Et l'on crut auiTi que les guides Indiens a voient conduit les troupes par les lieux les plus mauvais & les moins beaux. Le General fut fort-tien reçn par toute cette étendue de pays 3 de iorte que nos gens pafferent tres-heureufement ces Provinces , qui pouvaient au moins avoir fix vingts lieues de traverfe. Enhn, ils arrivèrent à la frontière de la contrée d'Anilco , Se firent trente iieucs jufques à la Capitale , qui porté le nom de la Province Se du Cacique. Elle cft furie bord d'un fleuve piusgrand que le Guaidaquivir, & a environ quatre cens bonnes mailons > avec une belle place au milieu. Le logis du Cacique cil fui uneeminence qui commande à la ville. Ce Seigneur à l'arrivée des troupe; efloit devant cette place, à la te-* ftc.d-un bataillon de quinte cens hommes la fleur de fes iujets. Les Efpagnols qui reconnurent ia-contenance des Indiens, rirent alte-pour attendre les ioldats qui Juivoient en queue , Se fe rangèrent promptement en ba-* taille. Cependant Anilco ordonna qu'on hi\ retirer les femmes , Se que chacun fauvaft ce qu'il avoit de meilleur. Et au meiîne temps nDftre année avance pour donner , mais les Barbares ians tirer, une-ièule flefche Ucùent le

pted ; les uns entrent dans la ville, & la pîuf-part traverfent le fleuve en nacelles & fur des traîneaux, &: quelques-uns' à la nage ; car ils n'avoïent pasdeflem de Te battre , maïs ieule-ment d'arrefter l'ennemy pour Favoriier ceux qui emportoient leur bien. Nos gens alors qui voient que les Indiens fuient , fondent fur eux, en attrapent quelques-uns fur le bord du fleuve 7 Se prennent dans la ville plu-fieurs femmes Se eiïfâns oui n a voient-pu é-chaper Le General envoya après orrrir 3 A-nilco la paix avec fon amitié , Se luy demander i'honneur de les bonnes grâces. Mais il ne voulut rien répondre , Se rît feulement figée de la main aux Envoyez qu'ils fe retiraient.

Les Efpagnols fe logèrent dans la ville, où ils demeurèrent quatre jours. Cependant il* fe fournirent de nacelles Se de traîneaux > Se t.à:- erferentle fleuve fans qu'ilsfuUent empêchez par les Indiens 5 eniuite ils marchèrent quatre jours par des pays dépeuplez , Se entrèrent dans la contrée de Guachoia.

A

CHAPITRE V.

De Guachoia, de Con Cacique & de la guerre des Indu ni*

Prés le pafTage de ce defert , la première habitation que les Elpagnols trouve-

rent , ce fut la Capitale de Guachoîa. Elfe porte le nom de iaProvince, Se eft au bord de Chucagua, (kuéeJur deux éminences feparées feulement par un terrain uny, qui feît de phf-ce a la ville , compolee de trois cens feux, moitié fur 1 une. de ces colines , 8c moitié fur l'autre. La mailon du Cacique eft au plu-haut de ces deux emtnences. Nos gens furprirent Guachoia , parce queceux d-'Anilcoqui avoient guerre avec les habitans de cette ville , ne les avertirent point de la marche des troupes. Le Cacique 3c fes fujets eftonnez à la vue de l'Armée , Se voyant qu'ils ne pourvoient tenir > ils s'enfuirent Se fe retirèrent vers le Chucagua qu'ils paiTerent en batteaux avec leurs femmes > leurs enfans , & ce qu'ils avoient de meilleur. Les Espagnols s'emparèrent de la ville où ils fe logerent,à caufe qu'il y avoit quantité de fruit 5c de gros millet.

Comme j'ay déjà dit que la pluipar"- tles Frovmces qu'on a traverseront ennemies les unes des autres ; je vais rapporter le y de quelle manière les habitans de ces diveries régions Refont la guerre. Les Indiens d'une Province ne fe battent pas contre ceux d'une autre par une ambition déréglée de s'emparer de leur pays, ny ne mettent point d'Armée fur yied pour fe livrer bataille, lis le dreiîentfeu-4cment des euibaicaies ies uns aux autr v $ 3 <&

¦ livreur oijicmf. êig{

fe pillent à 4a peiche & à îachaiTe, en un mat, par tout où ils rencontrent leur avantage. Ils fe tuent aullî quelquefois & fe prennent prifon-nicrs. Mais de ceux qui font pris , -les uns fe changent pour d'autres, Se le refte demeure et» clavej à qui l'on coupe les nerfs du cou de pied de Tune des jambes, afînde .es empêcher de fuir. Que il par hazard la guerre s'allume tout à fait., ils font le dégât for les terres de leurs ennemis, mettent ie feu dans les villages , 8c fe retirent. Vorià comme les habirans de la Floride le battent Province contre Province , Se deviennent vailians Se hardis , à caule qu'ils font perpétuellement en guerre, Se -toujours fous les armes * ou dans l'exercice. Mais parce que la dmiïon règne parmy eux, Se qu'ordinairement le Cacique d'une contrée cil brouillé avec tous les voilins ; il efl certain que la conquefte de tous le pays en eft plus aiiee , & que la diicorde cù -:1s s'entretiennent pourra un jour cauier leur ruine.

Pour revenir à nos gens , après qu'ils fc furent rafraîchis .trois jours dans la ville de -Guachoia ; Le Cacique qu'on appelloit du nom de la contrée, ayant appris qu'Anilco a-voit refufe de faire la paix avec les Efpagnok, il voulut profiter de i'occaiion que la fortune luy prelentoit -de fe vanger de Ion ennemy. Il dépêcha 4enc vers le General quatre des

r *3^ Hlftoirt de U Floride".

principaux de là Province , avec pîuneurS gens de lervice, chargez de fruit Se de poitf on. Ils lupplierent Soco de pardonner à leur Cacique la faute qu il avoit faite , de ne l'avoir pas attendu à Guachoia, pour l'y recevoir avec honneur. Qu à prefent il le reconnoii-foi: pour fon Seigneur j & que s'il obtenoit permiffion de l'en venir afleurer de bouche , il le rendroit dans quatre jours au quartier.

Soto rejouy de cette nouvelle chargea les envoyez de dire à leur Maiftre qu'il luy avoit -¦.ion ; & que comme il eftimoit particu* aent fon amitié, il fe donnaft la peine de le venir voir quand il luy plairoit, Se ¦. E : o i : b i en re c û. Les Indien s fatisfaits de ¦ cette réponfe s'en retournèrent & le Cacique durant trois jours qu'il différa de fe rendre au camp j envoya chaque jour fept ou huit per-fonnes faire compliment au General, pour rcconnoifVre avec airelle par leur moyen , files Efpagnols ne changeoint point de volonté, & silferoit prudemment de les venir voir. Mais comme il içiit qu'on en uferoit bien , il fe rendit au quartier fur le midy accompagné de les principaux fujets, tous parez de plumes i Sz fort Jettes a la manière du pays.

CHAPITRE

CHAPITRE Y T.

Vengeance de GttachoU.

QUand le General aprit que Guachofo eitoit arrivé dam la ville, Se qu il yenott Je trouver^ il forcit de fa chambre pour le re* çevoir à la porte du logis. Là il îuy fit compliment, & a tous ceux qui L'àccompagnoienki f[ palTa enfui te avec eux dans une lalie , où le Cacique &¦ luy par k moyen des truchemeiiSj «'entretinrent des Provinces "voinnes, & de tout ce qui pouvoir retarder > ou avancer 1i çonquefle du pays. Cependant le Cacique efternua 5 Se auffi-toft les Indiens de la luite .qui s'eftoientrangez contre les murailles de il ialle s'inclinèrent ^ <k eftendirent les bras. I!<ï témoignèrent encore au Cacique leur relpeû de pluiieurs autres manière^ ^ & dirent toi^s civilement que le Soleil fuft avec luy, 1 éclairait, le derYcndift, & le cpnfcrvaït. Les Espagnols admirèrent qu'il y eut autant de civilité parmy les Barbares, que pajmy les peu-pics les plus polis, Se crurent qu'il y avoit de certaines couflumes qui s obier voient généralement par tout e monde.

Alprs comme en s citoit allez entretenu, II Part. >in

¦Xyt Hiftoïre de U Floride!

on 1er vit fur table , Se le Cacique mangea avec Soto y les Indiens debout autour d'eux, juf. qu'à la fin du repis. Ces Indiens allèrent en-fuite dîner dans une autre laie , qu'on leur avoit préparée j & furie loir on donna un appartement au Cacique avec quelques gens

• pour le lervir. Les autres le retirèrent au de là du fleuve , 8c revinrent faire leur cour a leur Seigneur , 5c ne manquèrent jamais à cela tandis que les Eipagnols fejournerentà Gua-

, choia.

Durant ces chofes le Cacique qui eftoit adroit, dit au General qu'il devoir retourner

.dans la Province d'Anilco , abondante en 'toutes fortes de commoditez. 'Qu'il s'orrroit de l'y accompagner avec la plufpart de fesfu-

Jets. Que pour faciliter le paflàge du-fleuve

. qui porte le nom de cette contrée, il promet-toit de faire venir plus de quatre-vingts bat-teaux qui defeendroient lept lieues par le

, Chucagua, jufqu à l'embouchure de l'Anilco qui entre dans ce fleuve. Qu'après ils remon-troient par l'Anilco jufques à la ville du même

-nom. Qu'en tout il n'y avoit pas plus de

iringe lieucs's Se que tandis que les vaiileaux dclcendroient , Se remontrotent , le refte des troupes iraient par terre , Se qu'il arriveraient tous enfemble où ils fouhai-

^toient. Le General le iailTa perfuader , à

caiife qu'il dcfiroir fçavoir fi la Province d'A-niico luy fcroit commode pour le delTein qu'il aroit. Il vouloir d'ailleurs s'eflablir paisiblement entre cette contrée & celle de Gua-ehoia , dans la créance que cet endroit luy ieroit favorable, pour attendre des nouvelles du Mexique , où il avoir, relolu d'envoyer, • Mais Guachoia avoit des vues toutes parti- ¦ culieres , 8c que l'on ne içavoit point. II pre-tendoit qu'a la faveur des Efpagnols, il fe vengeroit du Cacique Anilco, qui dans toutes ' Ks rencontres avoit remporté l'avantage fur luy. De forte que lors qu'il eut engagé le General, à retourner dans la Province d'A-niïco , il fa amener tous les batteaux qu'il » avoit promis ; Se alors Solo ordonna à Guf-man de s'embarquer luy , & la compagnie avec quattre mille Indiens, & plufieurs ra- '•" meurs armez d'arcs.& de fl éches. Ce Capitaine entra donc dans les barreaux avec toutes ces troupes, & defcendït le Ion- du fleuve. • Aulli-toit le General avec tous les autres EL pagnolSjSc Guachoia-avec deux mille de les lu-jets marchèrent par terre, accompagnez d'un grand.nombred Indien de fervicc , & arrivèrent tous au même tenu a la vue de !a ville d'A-nilco,où L Cacique n'eftoit point alors.Néanmoins les habitans dtfputerent courageuie-meat le palïàge de la rivière 5 mais comme ils N D 2*

V^ê Hiftoire de tx Thrîde]

rirent qu'il leur eftoit impofTible de refiftes '-rage , ils prirent la fuite , & abandon-* aèrent la place. Les fujets de Guachoiay entrent de furie , pillent, Se faccagent le terri* pie , où eftoit la fcpCtltare des Seigneurs de b Province, a<vc les richelïes d'Anilco. Dans ce temple cftoienr les armes 8c lus enfeignes , que les fujeB dAnileo aboient gagn.es fur teur voifins, Se aux portes le voyoïent fur des kiices les telles des plus ccnfiderables vaf-faux de- Guachoia. Mais les gens de ce Cacique obèrent ces teftes, Se mirent prompte-i rnfnt en leur place celles de quelques fujets d'Anilco. Ils reprirent les enfeignes, rcnvei* ferent les cercueils , foulèrent au pied les morts , en vengeance des outrages qu'ils en àvoient autrefois r-ecûs , -& tuèrent tout ians elpargner âge ny fexe. Mais ils exercèrent principalement leur rage fur les enfans a ia mamelle, Se fur les vieillards. Ils arrachoienc d abord à ceux-cy leurs habits, Se leuroftoient la-vie à coups de traits, qu'ils le-ur tiroient d'er. dinaire aux parties qui font la différence du fexe. Pour les enfans , ils les jettoîent par la jambe en l'air , & les tuotent à coups-de fié* chos avant epi ils retombaflent à terre.

CHAPITRE'

C H A P I T R E VII.

Retour du General a la ville de Guachoia l avec fes préparatifs pour le Mexique.

S-Oto averty des cruautez que faifoîent les gens de Guachoia , en fut extrêmement irrité; parce que le deflein qu'il avoit deretour-lier dans la Province d'Aniîco, étoit fort contraire à cette barbarie. Afin donc d'arrefter le defordre,il fit promptement fonner la retraite, blaiphema le Cacique de tout le malheur , & commanda aux truchemens de publier que fur peine de la vie aucun ne mift le feu, Se ne mal-traitaft d'avantage les fujets du Cacique Anil-co. Néanmoins, parce que le General craignit que les vafïauxde Guachoia n'exécutaient en cachette tout ce que la rage leur infpireroit; ïl fortit de la ville d'Anilco , 8c prit l'a marche vers la fleuve, avec ordre aux Elpagnols de faire avancer en diligence les gens deGua-choia , de crainte qu'ils ne s'amufanent derrière » Se ne niïcnt main-baffe iur leurs ennemis. Comme il fut au fleuve , -il s'embarqua avec toutes les troupes pour la ville de Guachoia. Mais a peine eut-on fait un quart de liwuc , que l'on apperceut la place d'Anilco

N-flf 2

en feu ; caries Barbares qui ne lavaient oÇ'

brufler, apré> lesdéfenfes du General, avoïent mis maficieufement delabraife aux coins des maifons qui n'eftoiènt que de paille 5 de forte qu'au moindre fou A3 e de vent le feu y pfit , &¦ en un moment tout futembrafé. Le Général voulut rebroufler chemin , pour empé-t&er que la ville nefuft toute coniumée. MaÎ6 lors quil vit que les Indiens des environs y accouroient., il conrinua-ta route. Se le rein àk à Guachoia , où il fe déchargea de tout le foin des troupes furfes Capitaines:, pour s'ap* pliquer toutàfait.a fes delfeins. Il commanda donc découper-dubois propre pour des vai Je/iux, d'amalTer des cordages , de la go ra-» me.,.Se des ferrures , afin de.conftruire des» brigauîms* Klaij comme il efperoitque Dieu; luy feroit lagrace de le.conferver , iniques à, ce qu'il euft acccmpl.y ce cuil iouhaitoit, il» avoir déjà jette les yeux iuf des Omciers oc. des Soi.iars r en qui il Te çonôoit d'avantage, pour leur donner la conduire'des vaiiTeauje, qu : il devait envoyer au Mexique. Il avoit, auiîî arrefté., qu'apn:s le départ desbrigan-» lins, ii paiferoie avec les bacteaux du Cacique •. Guachoia , de l'autre coité du fleuve dans iat contrée de Quigualtanqui. Il fçavoit par Je-. moyen de fes coureurs , que cette Province . •ftoic fertile & peuplée j Se que «la caplu.^.

quî-avoir quelque cinq cens maîfons n'eftoic pas fort loin du Camp. Il avoicdcja dépêché vers le Cacique , qui cenoit là cmir dans cet* teviHe, qui portoic le nom de la Province Se de ion Seigneur. Mais ce Cacique avoic répondu mloierament aux erfvoyc^qurkiy de» rnandoient la paix , que bien-tofr. il exterminerait tous les Efpa'gnols. Q*ie c'eftoient de? brigands & des vagabonds. Qu'ils les feroic pendre aux plus hauts- -r.rbres pour citre la proye des oiieaux. Et qu'il avoît juré par le Soleil, & par la Lune Tes divinisez ,-de ne contracter jamais alliance avec une-.nation H deteftablc. Soto qui eftoit fage ht parler avec konneftet-é à ce Barbare ; de lorte qu'il l'obi :=» gea de changer deiangage & de fentimert.* Toutefois 5o:o eftant averty, que toutes les* apparences d'amkié de ce. Cacique eftoient trompeufes, Se qu'il conipiroit avec les Seigneurs des Provinces voiiines contre les E&, pagnols ; il Ce tenoic fur Tes gardes dans l'cfpe-: rance de chaftier un jour cette trahilon. Car. i\ commandait encore pius-de fix cens hommes , tan: de.Cavalîcrie que d Infanterie. Il avoit reloiu de les-men.-r dan? la ville de. Quineualtanqui, 6e d'y demeurer le rtfteds» IF Ile & lH\vcr prochain», jufqua ce qu'il» Cuit necù \c iccours qu'il .. : de Mcxi-

cjue ,. 5c. qu'on luy.pcuvoii; aucuicnr. t.:-,

voycr en montant par le Chucagua , capable de porter tous les vaïffeaux qui auroient voulu venir.

CHAPITRE VIII.

Mort de Soto.

L-Ors que Soto ne fongeoit plus qu'aux 5 moyens de s établir y 5c de tirer quelque fi tnt de les travaux, il fut attaque le vingtième de Juin de l'année mil cinq cens quarante-deux d'une fièvre qui d'abord parut peu de choie , mais qui s'augmenta li fort qu'il la jugea luy-méme mortelle. U commença donc d à le troiiiéme jour de fon mal à ie refigner entièrement à la volonté de Dieu ; il lit fon tciVtment Se fe con&fiâ avec beaucoup de dévotion 8c de douleur de fes péchez. En-fuite il eut foin qu'on appellaft fes OrEcier? % Se comme il eut nomme en leur prefence pour General Louis de Moicofo d'Alvarado , ii leur ordonna de la part de l'Empereur d'o-bar à celuy qu'ii avoit choili, afin de leur commander juiques à ce que ià Majefte leur envoyait un ordre contraire. Là-defTus il prit leur ferment félon les formes , & ajouta Qui Alofcofo poifedok hs quaikezd'un grand

Ttvïe troîftême] !4f

Capitaine. Apres il commanda de faire venir trois à trois les foldats qu'il eûimoit davantage, Se les autres trente à trente. Il leur recommanda de travailler autant qu'ils pourroient a la convefnou des infidelîes, Se de fo ût en if l'honneur de la Couronne d'Efpagne , & fur tout de conlerver la paix entre eux. Au moment qu'il achevoit fes paroles, il lesembraffa 86 ieur dît adieu avec beaucoup de reflèntîfe ment..de..fon cofté & de larmes de leur part. Il paflfa ci:*q-jo.urs -à lés entretenir ainli les uns les' autres ; Se au feptiéme qu'il rendit l'efprit, il femit à invoqueria Vierge, & à îa prier d'intercéder en fa faveur auprès de fbn'Fils. Soto mourut âgé de quarante-deux ans , après a-roir confumé à la conquefte de la Floride plus ce cent mille ducats. Il avoit pris naifTance k Villa Nuevade-Barca-Rotta, Se efloit dune famille fort noble. Il avok la taille un peu ai* denais de la médiocre, le vîkge riant Se tant laie peu bazané. Du reflc tres-bon nomme de cheval. Heureux dans fes entreprifes , li la>mort n'euft rompu le cours de Tes dcjfeinsi Vigilant, adroit, qui aymoit ixgloirc. Patient dans la peine. Scvere à châtier les fautes contre la difeipîme j mais facile à pardonner les autres. Charitable 8c libéral envers- les foldats. Brave & hardy autant qu'aucun Ca* ptfatoc qui foit entre di/us le nouveau monde*

I

Tant de rares qualîtez îc firent généralement "

regreter de toutes les troupes.

CHAPITRE IX.

Funérailles de Scto.

Y> Es EfpagnoJs qui aimoient paflîonné-JL> ment Soto , eurent un tres-fenfible dé-plaifir, de ne luy pouvoir faire d honnorables funérailles. Ils confideroient que s'ils l'enter-roient avec pompe , les Indiens qui appren-droient le lieu de fa fepulture , viendroient ÎC déterrer , & feroient à Ton corps toutes les barbaries que la haine leur infpireroit. Ils en avoient erTe<fHvement ainiï ufé envers plusieurs foîdats, & commis fur eux toutes fortes d'indignitez. Ils en avoient pendu quelques-un^ , 5c mis quelques autres par quartiers aux plus hauts arbres. Et vray-femblablement on apprehendoit qu'ils ne s'emportaient contre le Gentraî, avec plus de cruauté que contre les autres , ? afm d'outrager fenfibîement les troupes en 6 perfonne. C'eft pourquoy les Efpagnois pour oiler la connoiflànce du lieu où il feroit enterre, refolurent de luy rendre la nuit ks derniers devoirs. Ils choifirent proche de Guachoia un-endroit d'une plaine,

©11 il y avoït pluiîeurs folles que les habitans de cette ville avoient faites pour tirer de la terre, & ils mirent dans l'une de ces folles le corps de Soto , fur lequel ils répandirent encore plufieurs larmes. Le lendemain pour cacher tout de nouveau le lieu de ià fepulture , & diiïimuler leur triftelfe , ils rirent courir le bruit que le General le portoit mieux. Us montèrent à cheval en réjouïflance de ce qu'il avoit recouvert fa fanté , & comme en des feftes pubKques, ils caracolèrent long-temps fur lafoife , pour en ofter la connoiffance aux Barbares , 8c leur dérober en quelque forte le corpsdeleur Commandant. Ils ordonnèrent melme, ahn de mieux reiïfîir dans ce devTein qu'avant leurs courfes, apriâ ,-rvoir remply toutes ks foifes à l'égal de celle du General , on jettaft une quantité d'eau defïus , fous prétexte d empêcher que les chevaux ne fif-fent de la poudre en courant. Néanmoins malgré toutes ces précautions 8c ces feintes, les Indiens le doutèrent delà mort de Soto, Se du lieu où il eftoit. Car lors qu'ils palToient fur les folles Ilss'arreftoient tou? court, 8c marquoient des yeuxl'endroitdelalepulture. Nos gens recommencèrent à craindre en faveur du General , & convinrent de le tirer delà folTe , Se de luy donner pour tombeau le Chucagua , dont auparavant ils voulurent

T4$ Ht foire ~àt U FloYuli.

fçavoir la profondeur. Aniafco , CardenioJk & autres * firent donc un foir femblânt de pencher pour fonder ce fleuve , Se rapbrtêrcnt -qu'il avoit neuf brafles d'eau au milieu. On Tefolut incontinent d'y mettre" le corps de Soto, mais parce qu'il n'y avoir-'point de pierre dans la Province, afin de le faire coûter à fonds , on coupa un fort gros chêne, ique l'on feia 8c creufed uncoftédeJahauteur •d'un homme , & la nuit fîiivante Aniafco 8c fes compagnons déterrèrent le General fans :bruit , Se le mirent dans le creux du chêne , -fur lequel ils clouèrent un couvercle. Ils le portèrent enfuite fur le fleuve , au lieu qu'ils savaient fonde, Se il alla auffi-tôt à fond. Car* miona fc CoJe^qui racontent cette particularité , ajoutent que quind les Barbares ne vinrent plus Soto, ils demandèrent de fes nou-velles, Se qu'arm de les amufer on leur répondit , que Dieu l'avoir envoyé quérir pour luy •rommander de- grandes choies , Se qu'à fba retour, qui ferait dans peu detemps il les de-•voit courageufement e::ecuter.

'<* Abbadia , Tinco , Cufrn?» , Aiias.

¦< "APURE

CHAPITRE X.

TLefolution des troupes , après la mort de leur General.

APrés k mort de Soto, pas un de Tes Officiers n'eut le courage de pourfuivre le defïèin qu-il avoir eu de s'ertahiir dans la Floride. C'eft pourquoy ils refolurent d abandonnée ce pays, où l'amour Se le refpeift qu'ils portoient à leur General, les avok tous retenus. Mais les plus blâmables font ceux qui le dévoient oppofer à une fî lâche refoîu-tion , Se qui néanmoins l'appuyèrent les premiers. En effet Aniafco qui avoit heureufe-ment contribué à la découverte de plufieurs Provinces > Se qui eitoit obligé par honneur d'achever une conquefte f\ illufire Se il utile à toute l'Efpagne ? S offrit luy-mefmf de mener toutes les troupes au Mexique. Comme il fe piquoit délire excellent Gcogftnht , il fe flatta de les conduire facilement en ce Royaume , Se ne longea point aux forcit ny aux deferts qu'il fiiloit pailer avant que d y arriver. Car l'envie qu'il avoit de fôrtir de la Floride luy rendoit toutes choies aùecs, L es autres Efpagnols qu il s'eftoit offert de mener II. Part. O o

i

Yçb Hiftwc de la Floride i

au Mexique , croyoient auffi que rien ne les arrefteroit dans leur voyage, parce que la pa£ fion qu'ils avoient d abandonner leur conquête les aveugloit, Se qu'ils hanToient la Floride, à caufe qu'ils n'y avoient trouvé, ny or ny argent. Ils eftoient d'ailleurs portez à quitter leur entreprife , à caufe d'un bruit que ks Indiens avoient fait courir , que non loin du lieu où eftoit l'Armée, il y avoit d'autres Espagnols qui fubjuguoient les Provinces qui ciloient vers l'Occident. Nos gens qui ajou-ftoient trop légèrement foy à ces bruits , di-loient que ces étrangers dont parloient les Barbares eftoient des troupes forties du Mexique , Se qu'il falloit les aller joindre pour les favoriier dans leur defTein. Là-deifus ils partirent de Guachoia le quatrième ou cinquième de juillet, Se prirent leur route vers le couchant 5 relolus de ne fe détourner de cofté ny d'autre. Us s'imaginoient que luivant cette ligne, ilsarriveroient droit au Mexique, ne considérant pas qu'ils eftoient dans des hauteurs dirTerentes. Us firent à grandes journées plus de cent lieues par de nouvelles Provinces, &ne s'enquirent point du nom ny de la qualité de la terre de ces régions ; mais il eft certain qu'elles n eftoient pas fertiles ny peuplées , comme les autres pays de la Floride qu'ils avoient auparavant découverts.

CHAPITRE XI.

Snperjïïtion des Indiens .

JE quitteray icy un moment le cours de mon hiftoire , pour raporter une chofe allez remarquable touchant la fuperfti-tion des Barbares. Lors que les Eipagnols fortirent de Guachoia, ils furent fuivis d'un Indien de feize à dix-fept ans y fort bien fait de la perionne, comme le (ont ordinairement les habitans de cette Province. Les valets du GcneraïMofcofo aufqueisils'eftoit joint, le voulurent empeicher au bout de quelque temps de pafTer outre , & fe mirent meinie en eftat de le chaiTer de leur compagnie. Mais quand ils virent qu'ils nes'en pouvoient défaire , ils appréhendèrent que ce ne fuit, un efpion , Si en avertirent leur maître. On rit donc venir cet Indien en prefence d'Ortis , qui luy demanda par l'ordre du General , ce qui l'obligeoit à quitter fesparenspour fuivre des étrangers. Il répondit qu'ils voyoient lui pauvre jeune homme qui a voit elle abandonné des ion enfance , & à qui le pere , ny la mere n'a voient rien laifTe. Si bien qu'un des principaux Seigneurs de la Province touclvi

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de pitié l'a voit reçu dans fa maifon , 8c fait élever avec les cnfans. Mais que comme ce généreux bien-faicleureitok malade à mourir, on l'avoir choifi pour eftre enterre tout en vie avec luy; parce qu'on difoir qu'il en é-toit tellement aymé qu'il deveit 1 "accompa-Ên l'autre monde , afin de l'y fervirdans fes beioins. Que pour luy il avoùoit , quii é-toit vrayemer-r obligé à ce Seigneur ¦> mais non pas jufqu a ioufïnr qu'on le wÂi\ tout vif avec luy dans Ion tombeau. Qu ainli afin s'éviter une fi facheule mort, il avoir fuiviles troupes , aymant mieux titre efc'ave que de mourir fi cruellement. Le General Se ceux qui eftoient prefens à ce récit, apprirent que la coutume de rendre lés derniers devoirs aux pciionnes de qualité s obiervoit dans la'Floride , comme dans les autres pays du nouveau monde qu'on a découverts. En erlet, fous le règne des Incas au Pérou, l'on enterroitd'ordinaire avec-les Souverains & les gsuids Seigneurs, la femme ¦& le (enriteur quils avoienc le p!us armez.

Tous ces peuples croient i-ame immortelle, 5c un autre monde, où les gens de bien fon couronnez de gloire , & rccompcnlez de leurs bennes actions, 8c les méchans punis de leurs crimes. Us appellent !e Ciel HanaanspaT-cha d'un mon qui fignifie le haut monde, Ôc

l'Enfer Ucupacha qui veut dire le bas monde. Pour le Diable , ils le nomment Cupai, avec lequel ils difent que vont les méchans.

CHAPITRE XII.

arrivée dis EjgdgnoL à Anche , avec la. mort de leur tuide:

JE reviens où j'en eftois de 1'hiftotre. Les Ef-pagnpls: après une traitte de "plus de cent iicuës , arrivèrent à la Province d'Auché. Le Cacique de cetre contrée les logea, Se les reçue avec de grands témoignages d'affection en apparence. Ils fe rafraîchirent deux jours dans la Capitale , qui porte le nom de la Province , où lors qu'ils fe furent informez de la route qu ils dévoient tenir , ils apprirent qu'à deux journées de cette ville , il y avoir un deiert.de quatre jours de traverie. Le Cacique leur donna donc des gens de fervice chargez de grop millet pour fix jours , avec un guide auquel il commanda dj mener les trouoes, julqu'aux terres habitues par le chemin le plus court. Ils partirent d Auchc avec ces In.liens , & fe rendirent heureulement au defertj àtra- ers lequel ils marchèrent par une grande route , qui peu à

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peu rétrécit de telle manière qu'elle fe perdre Entièrement; Néanmoins 3s ne lai lièrent point d'avancer fix jours, fans tenir aucun chemin , parce que l'Indien qui les-guidoit leur faifoic accroire qu il les menoit de la lorte, arin de couper plus court. Mais comme ils virent qu'ils ne fortoient point des bois ; Se que depuis trois jours ils ne mangeoient que des herbes & des racines j ils obier voient de prés leur guide , Se apperçCirent qu'il les condui-foit malicreuJement, tantôt airSeptentrion, Tantôt au Couchant, puis au Levant, 8c quelquefois au Midy. Le General auiïi-tôt commanda d appellercet Indien , de luy demander ce qui l'avoit obligé d'égarer les Efpagnols huit jours durant ^ luy qui dans i\uché avoit promis de les mettre en quatre jours hors dit defert. A cela il répondit d'abord n peu raisonnablement, que Molcolo fâché de voir fes troupes en un (i pitoyable eilat, le fit lier à un arbre , avec ordre de lâcher lur luy les Lévriers d'attache. Comme il vit qu'il ailoit élire de-\ T oré , il kipplia qu'on fiîï retirer les chiens , & qu il decouvriroit tout ce qu il a-voit tenu caché. On luy accorde fa demande, &: ii proteite qu'il n'avoit rien fait que par le commandement de Ion Cacique , qui luy a~ Toit dit que n'ayant pas allez de forces pour .combattre ouvertement les Efpagnols, il a-

voit déterminé de les défaire par adrciTe. Que pour reiïilir en cette entreprife , il l'avoir choiiî ; Se luy avoit ordonné de les égarer tellement j qu ils mourufTent tous de faim dans les bois. Que s'il en venait à bout, il luy a-voit promis de grandes recompenfes j iînon qu'il devoit s'afTeurer de perdre cruellement la vie. Qu il s'eitoit donc vu contraint d'obeïr à ion Cacique , & de faire ce qu'eux-mefmes executeroient en pareil rencontre. Qu'ainil la faute efloit excufable -, mais qu'elle feroic encore bien plus digne de pardon , s'ils conli-deroient le peu de foin qu'ils av oient eu de s'informer de leur route. Que d'abord s'il luy en euïlent parlé comme ils faifoient maintenant , il leur euft tout avoiié , & les euft remis dans le bon chemin. Néanmoins s'ils iuy vouloient donner la vie, qu'il les tireroit du defert en peu de temps, Se s'il y manquoit, qu'il s-'offroit d'endurer toutes fortes de lup-piiees. Le General Se fes Officiers indignez de cette trahilon , ne reçurent point fes excu-Tes, Se crurent tous qu il ne le falloit plus rier en luy. De forte qu'on détacha les chiens qui le mirent en pièces & le mangèrent. Mais incontinent Mofcofo S: fes Capitaines en furent marris, fc fe virent plus en peine qu'ils n'a-•voient encore cite; parce qu'ils ne içavoient ; où trouver un autre guide , ayant alors ren-

voyé à Auebé les Indiens de fei vice. Toutefois comme ils connurent qu'il fa lloit .périr, ou fortir des bois , ils prirent leur route vers le Couchant, & marchèrent trois jours fans aucuns vivres, après en avoir eux 1 trois autres à ne manger que des racines. Enluite ils découvrirent du haut d'une petite montagne des terres habitées , mais fteri 1rs. Les habi-tans a voient pris la fuite , 5c abandonne de méchantes cabanes difperlees quatre à quatre par la campagne ; car les villages de cette contrée n'eiroient pas femblables à ceux qu'on avoit vus julqu'icy dans la Floride. Les troupes à leur arrivée dans la Province, trouvèrent de la chair de vache qui eftoit fraîche, dont elles appailerent leur faim. Elles appcl-lerenc ce pays, la Province des Vachers, à caufe de la quantité de peaux de vaches qu'ils y rencontrèrent ; fans toutefois qu'ils ayent pu trouver de cette forte de beftail en vie , ny découvrir ou les Indiens de la contrée le prenoient.

CHAPITRE XIII. Ce qui arriva dans la Province des Vachers,

TAndis que les Efpagnols eftoient dans une plaine de la Province des Vachers,

il fortît cTune foreft prés du Camp un Indien qui s'avança droit à eux, avec des grande» plumes fur la tefte, l'arc en main Se le carquois fur l'épaule. Nos gens qui le virenx en cet état, le laiflerent approcher, dans la créance que ce fuit un envoyé du Cacique vers le General , & à quelque cinquante pas d^eux iî mit une flèche à ion arc, & tira fur une troupe de foldat qui regardoient. Toutefois per-fonne n'en fut btefîé, les uns s'eflant écartés, Se les autres couchez par terre, le trait pa^a Se alla donner entre cinq ou fix Indiennes qui apreftoient le diner de leurs maiftres. Ils en attrape une au miiieu du dos, &•.après lavoir percée , il en va bleiTerune autre à la poitrine vis-à-vis de celle-là , Se s'arrefte dans fon corps ; cette pauvre Indienne tomba morte auflfi-bien que la compagne. Au mefme temps le Barbare fuît de toute fa fo rce vers la foreft., les Elpagnolscrient aux armes, Gallego qui par hazard eftoit à cheval apperçoit l'Indien qui fe iauve, il entend qu'on dit tue, il Y Ique après, l'atteint proche du bois, Se lu y ofte courageufement la vie.

Trois jours eniuite , lorsque les troupes

fe rafraichiiToient, deux Indiens lùperbtment

parez le du pay~, vinrent aumatîn en-

à deux cens pas du Camp ; $c u ils fe

promenèrent près d'unnoyeiyt'uii d'un collé*-

& 1 autre de l'autre de peur de iurprife.

Molcofo averti de cela, défendit de ne les point harceler ; que c'étoient des foux Se des téméraires dont il le falloit moquer. On les lailTa donc promener jutques fur le loir prt s du noyer. La penfée de ces Indiens étoit qu il prendroit envie a deux Eipagnols de les venir attaquer. Cependant les Cavaliers qui étoient allez le matin en party , retournèrent au Camp un peu avant la nuit, & comme ils apperçùrent ces Indiens proche de leur logement , ils s'informèrent de ce que c'eftoit, &: apprirent l'ordre du General. Ils obéirent tous excepte Paez , qui voulant montrer la valeur , dit, puifque ces Barbares efloient des foux Se des téméraires, qu'il falloit qu un plus foux qu'euxpuniftleur folie, & li-deiïus il pique vers le noyer. L'Indien qui Je pro-menoît du codé que le Cavalier avanç.oit marche droit à luy , tandis que fon compagnon le retireiouâ l'arbre, pour faire connoi-ître qu'ils demandoient àfe battre fcul ài'eul. Paez approche de furie contre ion ennemy qui le tire il vigoureufement , qu'outre ia cotte de maille qu'il luy rompit, il luy perça de part en part le bras gauche -, de forte que les reines de la bride de ion cheval luy tomberont des mains. Ses compagnons qui virent cet accident, & qui n'aveienc pas encore mi*

pîed à terre, accoururent à toute bride furies deux Barbares qui fuyrent, quand ils appeler ùrent tant de gens fondre fur eux. Toutefois ils rurent pris avant que de pouvoir gagner le bob.. Mais en cette rencontre les EC pagnols obfervercnr mal les loix de la guerre, puiique les Indiens n'avoient pas voulu fe mettre deux contre un , il eftoit raiionnable <ju'on les traitait, de la melme forte.

Apres -ces choies les troupes marchèrent plus de trente lieues par cette Province des Vacher? ; & comme elles curent achevé de la traverfer, elles découvrirent vers le Couchant de hautes montagnes , Sz d'épaHês forefts qui eftoient des deferts_; mais le Geneial & fes Officiers , que la fatigue & la faim avoient ren-fkis lages, reiolurent de ne point avancer qu'ils n'euflent auparavant trouvé une route afTeurée pour les conduire dans un pays habité. C'eft pourquoy ils commandèrent à quatre Compagnies de Cavalerie de vingt-quatre hommes chacune d'aller par trois endroits vers !e Couchant, pour découvrir la contrée, avec ordre d'entrer le plus avant qu'ils pourroient dans le pays,de s'éloigner les uns des autres, 8t de tâcher à connoîcre la qualité de la terre , <S: le naturel de- habitant On leur donna pour cela des truchemens Indiens les plus capables que Ton put trouver ,

entre ceux qui fcrvoient le* Efpagnok. En-fuite ils partirent, & au bout de quinze jours qu ils retournèrent, ils dirent tous qu'ils é-toient entrez plus de trente lieues dans le pays, & qu ils avoient rencontre des terres fort ftcriles Sz mal peuplées. Que plus on a-vançoit & plus elles eftoient méchantes. Que les habitans de ces quartiers ne cultivoient rien, Se ne vivoient que de fruit, Se que d herbe , & de ce qu'ils attrapoient à la chafïe & a la pefche. Enfin qu'ils marchoient par troupes , & erroient dune contrée à l'autre. Car-mona ajoute que les Indiens aflfeurerent que par de là leur Province , il y avoit une vafte étendue de pays plat où fe nourrifToient les vaches,dont les troupes avoient vu les peaux, 8c qu'il y avoit dans ces quartiers une grande quantité de beftail.

CHAPITRE XIV.

Retour des I.fpagnols vers le Chucagux Avec leurs avantures.

SUr le rapport des Cavaliers qui avoient êfte à la découverte , ks Espagnols perdirent toute efpetance d aller au Mexique, par le chemin qu'ils avoient tenu. C'cft pourquoi *

de

de crainte de s'engager dans des defèrts où ils mourroient tous de faim j ils furent d'avis de retourner vers le Chucagua , dans la cretnce que la route la plus courte, Se la plus affùrée pour fortir de la Floride , eftoit de defeendre Je long de ce fleuve, Se de gagner le golfe de Mexique. Ain fi ils s'enquirent de leur chemin, pour fe rendre vers le Chucagua. Ils (curent que le plus court eftoit de tourner fur la droite de la route qu'ils avoient tenue en venant; mais qu'ils falloit traverfer plufieurs grands deferts, &. qu'au contraire , s'ils détournoier. t fur la gauche, c'eftoit le plus long j mais qu'ils marcheroient par des pays fertiles Se peuplez. Ils prirent donc cette route , Se tournèrent vers le'midy , prenant foin de ne pas s'engager témérairement en des endroits difficiles, Se de ne faire aucun delordre dans leur marche , de peur d'irriter les Indiens. Néanmoins ces Barbares les harcelèrent nuit Se jour. Car iis fe mettoient en embufeade dans les bois prés du chemin ; Se lors qu il n'y a-voit point de bois, ils fe couchoient (ùr le ventre parmy les herbes ; Se quand les Ef-pagnoîs pafioient, iis fe levoient tout d un coup , Se tiroient tant de flèches qu'ils en bleffoicut toujours quelqu'un. Mais au mps qu'on alloit a eux ils îâchoient pied. Le incontinent il en venoit d'autres II. Part. Pp

à la charge, qui prenoient les troupes de tous coftez , toujours avec perte d'hommes 8c de chevaux. Si bien que fans en venir à une bataille, nos gens furent plus mal-traitez en cette Province des Vachers, que dans toutes celles par où ils avoient parle ; Se le dernier jour principalement, parce qu'ils traverferent des ruiflèaux 8c des endroits qui eftoient de véritables coupe-gorges, d'où les Barbares for-toient en furie fur eux , Se où ils Te retiroient fans pouvoir eftre offenfez. Les Efpagnols perdirent en cette journée plulîcurs de leurs gens , plu fleurs Indiens de fervice avec plusieurs chevaux , Se eurent un grand nombre de foldats bleiTez dangereufement. L'un des plus confiderables de ceux-là, fut feint Georges dont je vais en parler. Comme ce Cavalier palïbit un ruifîeau où les troupes eftoient attaquées , un Indien caché derrière un buiffon luy tira un tres-rude coup de flèche. De forte qu'après luy avoir rompu ia cotte de maille , il luy perça la cuiiTe droite, pafîa par l'arçon de la lelle , Se entra dans le corps du cheval, qui tout furieux forte du ruiifeau , bondit par la plaine , & tâche par les rua'des de faire tomber la flèche, Se de renverler Ion maître. Les Espagnols qui Te rencontrèrent alors proche de ce foldat accoururent a Ion fecours , 8c comme ils apperçiircnt que le trait l'avoi: at-

taché à la Telle , Se que les troupes fe cam-poient aiTez prés du ruifTrau ils le menèrent au quartier. Aufïi-tôt on le loûleva adroite-ment, Se on coupa la flèche entre la Telle Se la cuiiïe. On deiTella auili le cheval, & les ET-pagnols s'étonnèrent qu'une flèche de roleau armée Teulement d'une pointe de canne euft pénétré fi avant. Enfuite on étendit feint Georges par terre > & on le lahTa fe panTer foy-mefme. Outre plusieurs qunlirez qu'il pofledoit, il avoit celle de guérir les playes avec de l'huile , de la laine grafle , Se des paroles que les compagnons appelaient des charmes. Il avoit effectivement traitte avec tanr de fuccez quelques bleiTcz , qu'il fem-biôit que Dieu le Êivoriiaft lur tout dans les cures qu'il faiioit. Mais fi-tôt quei'huiie 5c la laine grafTe furent cônfamées par le feu à Mau-viîa, il ne voulut plus pan fer perfenne ; Se tnefme il s'opiniaftra long-temps à ne prendre aucun foin Je Tes blelTures. Car bien que depuis il euft reçu un coup de flèche qui luyen-troic par deflous le pied, Se fort oit par le talon ; Se que d'un autre coup il euft efté fidan-apé au genou, que la pointe de he y eftoit demeurée ; toutefois il n'en-: jamtis ds ic traiter qu'à f extrémité , slmaginant que faute d'huile , Se de laine gralie il ne pourrai: fe guérir. Je reviens au Pp i

16"4 Hifloire de la Flori.'e.

coup qu'il avoit reçu à la cuiiTe. Comme il fçavoit qu'il eftoit brouillé avec le Chirur-^ : en , qui luy avoit fait beaucoup de mal en luy tirant la flèche du genou , Se qu'il fc reC louvenoit qu'il luy avoit die qu'une autre fois il mourroit pHiftoft que de l'appetter; à quoy le Chirurgien avoit répondu , que quand il feroit certain de luy conferver la vie , il ne le feroit r>as qu il ne l'eu A auparavant envoyé quérir -, Comme , dis-je, il le refîbuvenoit de cela , 8c qu'il n'attendoit aucun fecours de perionne , il prit au lieu d'huile Se de laine , de l'oing de porc avec de la charpie d'une vieille mante d'Indien , Se s'en iervit tres-heurcufèment pourfaplaye. Car durant quatre jours que nos gens fe rafraîchirent prés du ruineau, il fut tout à fait guery, monta a che-val le cinquième qu'ils continuèrent leur route, Se afin qu'on ne doutaft point delà gueri-fon, il fè mit à piquer de cofté Se d'autre autour des troupes , criant qu il meritoit de perdre la vis -, parce que pour n avoir pas voulu traiter les bleflez dans la penlée qu'il travaillerait inutilement, il étoît mort plus de cent cinquante foldars.

Enlin, les Efpagnols forcirent de la Prorince des Vachers, après y avoir feuftert plusieurs maux. Ils marchèrent vingt jours à longues :rai:tes par d'autres contrées j des noms

defquelles ils nes\mquirencpoint,5eallèrent en tournant rets le Midy. Mais parce qu'ils crurent defeendre plus qu il ne falloir pour fe rendre à Guachoia , où ils vouloient retourner , ils prirent au Levant avec loin de monter ton jours un peu vers le Nord, Se vinrent à croifer un chemin par où ils étoient paiTez en allant. Néanmoins ils ne le reconnurent pa-. On eftoit alors à la my-Septembre , & ils avoieiit déjà marche prés de trois mois , depuis leur Ibrtie de Guachoia, (ans avoir manque une feule nuit ny unieul jour d'ertre attaquez. Les Barbares fe mettoient le jour en embuicade , Se chargeoient ceux qui s'écartaient , & la nuit ils venoient donner l'alarme au quartier.

Il arriva rncfme qu'une fois à la faveur de l'obicurire , ils fe traînèrent à quatre pattes iuiq fau Camp ; où ils cirèrent fur les chevaux, 8e tuèrent deux fentinclîes. Peu de jours a-prés douze Cavaliers Se autant de fantaflîns Lipagnols, qui avoient befoin de gens de fer-vice , le mirent en embufeade pour prendre quelques Indiens, de ceux qui au moment que les troupes eftoient decampecs venoient enlever ce qui eftoit demeuré. Ils fe portèrent derrière de grands" arbres y Se poferent fur le plus haut une fcntinelle, avec ordre de le*avertir li-tôt quelledteouvriroitquelque Pp 3

chofc ; ce qui s'exécuta heureusement. Car ils prirent quatorze Indiens qu'ils partagèrent entre eux. Mais après comme ils deiiroient rejoindre l'armée , un de la compagnie qui n'eftoi: pas fatisfait de n'avoir que deux Indiens, conjura Tes camarades de ne s'en point retourner qu'auparavant ils n'en euiïent encore pris un pour luy. Ses compagnons qui fc'eftoient pas de ce fentiment , luy dirent qu'il falloit différer cela à une autre fois,&: qu'ils luy otrroient chacun l'Indien qu'ils a-voient eu en partage. Néanmoins voyant qu'ils ne pouvoient rien gagner fur ion eiprit> ils s'arreficrent encore. Cependant la fenti-nelle avertit qu'elle appercevoit un Indien , Se Pacz que le malheur devoit avoir rendu fage , pique auîîi-tôt droit au Barbare, qui le voyant découvert fe fauve fous un arbre , Pacz l'approche , 8é luy porte avec vigueur 8m coup de lance- mais ne I attrapant pas > 1 Indien qui tenoit (a flèche orelte , tire , 8c b!e;Fe au Ranc le cheval de ce Cavalier. De forte qu'aprrs avoir bronché environ vingt pas, il tombe mort. Bolanios qui iuivoit Paez rond au meime temps fur le Barbare, Se eft aurîi malheureux que Ion compagnon. Juan de Vega qui venoit après au petit pas , rafpris de voir ia camarades démontez, pique vers l'Indien $ Tes compagnons couient auili

la lance en main vers ce Barbare, qui s'avance fièrement droit à Vega pour tuer Ton cheval , Se s'enfuit au mefme temps. Mais le Cavalier qui eftoit lage avoit auparavant donné ordre qu'il ne luy arrivait pas de malheur fem-blable à celuy de Paez. Il avoit mis fur le poitrail de Ion cheval une peau de vache en trois doubles 5 Se c'en: ainfi qu'en uioient la plufpart des Cavaliers qui avoient loin de leurs chevaux. Les uns leur couvroient le poitrail de cette forte de peau de cerf, ou d'ours. Comme l'Indien fut à la portée du trait, il tire fur le cheval de Vega, Se perce la peau de vache i Si bien que la flèche entre environ trois doigts dans le poitrail. Auifi-tôt Vega fond de furie fur le Barbare 8e le tue. Eniuice le party s'en retourne, deteilaiit celuy qui les a-voit obligez à demeurer, & admirant le courage de l'Indien , dont la mine ne répondoit pointa l'action qu'il avoit faite. Des qu'ils furent arrivez , le General rit marcher ves la Province de Guachoia, & no> gens eurent durant leur route jufques à la fin d'Octobre un temps aiTez favorable. Mais alors, à caufe des pluyes il devint ii richeux , qu'ils campaient le plus fouvent tout mouillez , Se fans a icuns vivres , tellement qu'ils cftoient contraints de bazarder leur vie pour en chercher, ajoutez que leurs fatigues redoublèrent à me-

fure que 1 byver avança. Les neiges Se les pluyes qui tomb oient enflèrent extraordinai-rement bs fleuves , Se firent croiftre les ruif-feaux de telle manière qu'ils ne purent pafler fans traîneaux. Encore railoit-il sarrefter fept ou huit jours , pour en traverfer quelqu'un. Car outre qu'ils ne trou Voient point de boi> propre pourdes train aux, ils avoient toujours les emremis lur les bras, Se louf-rroient d'extrêmes peines ; parce quelacam--paçne efbtnt prcfque inondée, ils fe voyoient (burent forcez de camper dans leau, couverts feulement d'un méchant habit de chamois, toujours mouillé,qui leur lervoit de chemiic & de cape. Ccft pourquoy plufieu-is Espagnols accablez de froid Se de iommeil tombèrent malades, Se il ne le paflbit jour qu'il n'en mouruft deux ou trois. On peidoit auiTi chaque jour des chevaux & des Indiens de iervi-ce. Toutefois fans fe laiiîer abbattre au malheur , nos gens continuèrent leur route ; mais ils fc fatiguèrent tellement qu'ils manquèrent mcfme de force pour enterrer ceux q.ii mouraient par les chemins. Ainli ils tYi^ foient pitié. D'ailleurs, la plufpart de leurs chevaux eftoient malades , les Cavaliers de-montez,les fantaffins fi foibles qu'ils ne fe fo>i-ten oient qu à peine. Néanmoins, eftant tous refolus, ou de mourir > ou de retourner vers le

Chucagua , les plus vigoureux montèrent fur les chevaux qui envoient encore de fervice , Se rellitoient aux ennemis qui harceloient les troupes dans la marche. Enluite , lors que l'on eftoit campé , l'on polbit des corps de garde & des fentinelles , Se le lendemain on avançoit dans le mefme ordre, ce qui dura depuis le mois de Septembre jufqu'aux derniers jours de Novembre de l'année mil cinq cens quarante-deux, que l'on arriva fur les bords du Chucagua. Alors comme les Efpa-gnols crurent que leurs maux eftoient finis, ils Te donnèrent tous les uns aux autres de petits prefens pour fe témoigner leur joye. Leur voyage , à conter le chemin qu'ils firent en retournant, fut de trois cens cinquante lieues 5c davantage. Comme ils revenoient ils rencontrèrent une Truye qu'il? avoient perdue en allant, & qui a voit fait treize Cochons, tous différemment marquez aux oreilles , d'où l'on peut croire que les Indiens avoient parcage entre eux ces animaux, &c qu'ils et* nourriiTenr aujourd huy dans la Floride.

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CHAPITRE XV.

Les troupes s'emparent d'Aminoia.

LEs Efpagnols au retour de leur voyage abordèrent a feize lieues de la ville de Guachoia, Sz rencontrèrent deux bourgs l'un proche de l'autre que l'on appelloit Aminoia du nom de leur Province. Ces bourgs eftoient de deux ecns maîibns chacun fermez d'un foïïè , dout l'eau venoit du Chucagua , qui faiioic un Ifle de chacun de ces deux villages. Moicofo qui avoir encore outre foixance-dix chevaux, environ trois cens hommes dep'ed refolut de s'en emparer , Se d'y paiTer tout le refte del'Hyver. II mit donc Tes troupes en bataille, Se attaqua (1 courageufement ces d'eux bourgs l'un après l'autre, que les Indiens eftonnez de la valeur de nos gens les a! donnèrent fans re finance. Ainiî lesEfp^. s'en rendirent maiftres , & quelque temps après pour n'e ri cas d'alarme,

ils en ruinèrent un S: portèrent dans l'autre les vivres kl s chpfe qui leur eftoîent n< ù'T. ¦ Enfuire ps fortifièrent ce porte, & forent vingt 10 :r< a le mettre en eftatde d (e, parce qu eftant extraordinahement ha-

raflez, ils ne travailloient qu'avec beaucoup de peine.

Tandis que les Efpagnols entroient dans ce bourg, une vielle Indienne qui ne s'eftoit pu fauver, leur demanda ou ils alloient 3 & luy ayant répondu en quartier d'Hyver , elle leur repartit que de quatorze ans en quatotze ans , le fleuve fe débordoit (î fort, que les habitans e&oient contraints de gagner le haut des mailons, Se que Tannée qui couroit eftoit la quatorzième où le bourg devoit cilre innondé. Nos gens qui connurent le delTein de la bonne femme fe mocquerent de (es rêveries. Carmona qui rapporte cette particularité , ajoufte que les Efpagnols trouvèrent dans le bourg d'Aminoia dix-huit mille mefu-res de gros milîet > avec une grande quantité de noix, de pruneaux , Se de quelques autres fruict,, inconnus en Eipaene. C'eft pourquoy ils le rétablirent peu a peu ; car outre ces vivres ils eftoient tres-commodément logez, & mefmc les Barbares ne vinrent ny nuit ny jour les tourmenter 3 ce qui contribua beaucoup à les remettre en eftat.

Comme Mofcofo vit que fes gens avoient preique recouvre leurs t'ovecs , Se que le mois de Janvier de l'année 1543- c ^ olt pafle,il commanda de couper du bois pour faire des brieantins y Se d'amailer des cordages , des

voiles Se autres chofes neceiTaires à Ton def-fein. Au refte , tandis que les Efpagnols demeurèrent dans Aminoia, il en mourut environ foixante. De ce nombre turent Ortis, Touar avec Vafconcello. Mais durant toute la traite il en périt plus de cent cinquante, ce qui rut rrouvé d'autant plus fâcheux que la mort de tant de braves foldats, eftoit arrivée par l'imprudence des Capitaines , qui avoient engagé les troupes dans le voyage.

CHAPITRE XVI.

Conduite de deux Caciques envers les Ifpagnols.

Sltoft que le bruit fut répandu, que les El-pagnols efloient de retour de leur voyage , Se qu'ils pafïoient THy ver dans Aminoia; Anilco craignant qu'à leur faveur, les vaiTaux de Guachoia ne vinlTent encore fondre fur les terres, Se y exercer leurs cruautez , il envoya vers Mofcofo avec ordre de luy offrir la paix Se fon amitié, & de TaiTùrer de fon obeiiTance. Qu'il n'y avoit nulle forte de fervice qu il ne duft attendre des peuples de fa contrée , Se que pour en avoir des preuves il n avoit qu'à commander. Celuy qu'Anilco avoit chargé de dire cela , cftoit ion Lieutenant

nant gênerai. Il avoir à la fuite outre deux cens Indiens de fervice , vingt des plus lef^cs & des plus conliderabîes delaProvince , lui-vis de vingt autres avec des fruits 5c de la ve-nailon. Ce Capitaine s acquita fort bien de fon devoir, & n'oublia rien pour gagner Tel-prit de Mofcofo, qui le reçût tres-aWigeam-ment,luy,& tous les principaux de la fuite, & le pria daiTeurer Anilco, qu'il le remercioit de l'honneur de Ion amitié, Se qu'il en feroit toute fa vie une eftime particulière. On ht fçavoir incontinent cette reponle au Cacique; &. cependant l'envoyé & ceux qui laccom-pagnoient demeurèrent avec le^ Efpagnols , aulqueîs ils témoignèrent leur affection par la fidélité de leurs fervices.

Il y avoitdeux jours que les fujets d'Anilco eftoient au quartier, lors queGuachoiaiuivy de plufieurs de les vafTaux , chargez de fruits & de poiiTons, y arriva pour confirmer fon alliance avec les troupes. Le General le reçût très-bien ; mais lapretence du Capitaine d'Anilco ion ennemy , 8c 1 honneur qu'on lu.y rendoit luy donnèrent une douleur mort .ile. Néanmoins il dilîimula Ion deplaiiir, reiolu feulement de le témoigner dans i'ocçaiîon.

Durant le quartier d hy ver ^es 1 agnpk dans Aminoia , les deux Caciques lent rendirent toutes fortes de bons pffaces, & ieur h*

II. Part. Q^q

rent tous les huit jours de nouveaux prefens." Cependant Mofcofo Se Tes Officiers , qui ne fongeoientqu'afortirde la Floride, ordonnèrent à l'Intendant des vaiiïeaux de voir combien il falloit de brigantins pour l'embarquement des troupes ; Se comme il eut repondu fept , ils commandèrent qu'on préparait pour cela toutes les chofes neceflaires. On rit d'abord quatre couverts, fous lelquels on travailla de peur d'eftre incommodez par les pluyes. Le? uns feierent des ais, les autres les rabotèrent, plufieurs firent des doux Se des ferrures, quelques-uns du charbon , Se quelques autres des rames Se des cordages. Ainli ils s'appliquèrent tous courageulement aux chofes qu'ils faifoient le mieux, Se employèrent trois mois à cela.

Pendant ce temps-là le Capitaine d'Anilco montra Ion zèle à nos gens , qui de leur cofté l'honoroient auiTi beaucoup , outre qu il a-voit l'air noble & capable de fe faire aymer , il poiTedoit de rares qualitez. Il eftoit exact, fidèle , officieux, prevenoit de bonne grâce tous les befoins ? Se melme donnoit plus qu'on ne luy oloit demander. Car (ans parler de plufieurs cables Se autres cordages propres pour des brigantins , il fournit aux Efpagnols plus de mantes vieilles & neuves, qu'ils n'en pouvoient raifonnablement efpercr , parce

qu'on n'en trouvent prefque point dans la Province. Les mantes neuves fer virent araire des voiles , Se les vieilles à calfeutrer les vaif-feaux. Ces mantes l'ont d'une certaine herbe iemblable aux mauves. Cette herbe a de petits filets comme le lin ; aulTi les Indiens en font du ril, Se donnent à ces mantes une couleur telle qu'il leur plaît ; mais le plus iouvenc vive Se éclatante.

CHAPITRE XVII.

'tic de quelquee Çdciques.

Te les Efpagjnols travailloient à leurs briîrarnn^ , Quigualtanquî crut .'e prcr>aroient à leur retour , que raconter dans leur pays l'excellence des regioni qu'ils avoient découvertes, & revenir après en plus grand nombre t n faire la conquefte. Qu'alors ils cHaflerbient les véritables Seigneurs (les Provinces, & s'y efta-bliroient fouverainneme nt. De forte que dans cette créance Quigualtanquî relplut, pour prévenir un tel malheur , d'exterminer toupie? Efpagno'squi eftoient dam la Floride» Il alTembla donc les principaux de ia contrée, auiquelsilledeciarala-dellus, Se touslalTùre^

tjiS Ht/forte de la Floride.

rerrt que Ton dcfLin efloit glorieux, Se qu'ils mourroient nour le fervir dans une fî noble entreprise. Il dépêcha incontinent de coflé Se d'autre du Chucagu \ , vers dix Caciques de Tes Torons, & eur fit dire pour les engager dans 1 un rarty , qu'il failoitctoufer la haine qui cftoit entre eux, Se s'unir tous pour perdre leurs ennemis communs. Que s'ils manquoient l'occafion, que la fortune leur en prefentoit, il déploroit la mifere dont ils fe-roient accablez. Que les Efpagnols ne s*en retournoient que pour revenir dans le pays avec de plus grandes forces j 6c qu'après s'en eftre cruellement emparez , ils les tien-droient tous dans une mal heure ufe fèrvitude. Les Caciques reçurent avec joye les envoyez de Quigualtanqui ; ils approuvèrent fon defc fein , parce qu'ils le trouvoient digne d'un grand Capitaine , Se louèrent fon courage , dont la grandeur leur eftoit déjà connue. C'eft pourquoy ils convinrent que chaque Seigneur leveroit des troupes dans fa Province , & prepareroit des barques pour attaquer leurs ennemis par eau auiTi bien que par terre. Que cependant, pour les mieux lurprendre , Se leur ofter toute forte de loupçon ; chacun reindroit en particulier de rechercher leur alliance , Se leur envoyeroit des Députez a-vec des prelens. Quigualtanqui, comme chef

de la conspiration , dépécha le premier vers Moicoio, & toui les autresenfuite à ion exenr pîe. Mofcofo les reçût avec d'autant plus de joye Se d affection , que le peu de troupes qui luy reftoieiît, ne demandoient que la paix. Cependant Anilco qui avoit refufé d'entrer dans la ligue , à caufe de la fidélité qiril avoit jurée aux Efpagriols, crut que par honneur il devoit les avertir de la conlpiration des Caciques j c'eft pourquoy il envoya commander à Ion Lieutenant de découvrir la trahifon au General, Se de l'ailîirer qu'il ne fe pafTeroit rien qu'il ne luy en fit Içavoir des nouvelles» Moicofo eut loin de faire remercier le Cacique de les bons avis, 5c de la continuation de Ton amitié , & eut depuis pour luy Se pour Ton Lieutenant une eftime toute particulière. Néanmoins Anilco ne voulut jamais venir au camp, Se s'en excula toujours lur ce qu'il a-voit peu de fanté. Mais véritablement c'eftoit qu'il ne fc hoit point aux Elpagnols.

On ne peut pofkivemcnt fçavoir fi Gua-choia qui temoignoit de l'ailcetion à nos gens, entra dans la ligue ; mais on fe douta qu il é-toit d'intelligence , pique ieulement de l'efli. me qu'on faifoit du Lieutenant d'Ànilco. En effet, il étoit outré de ce que les Eipagnols reji-doient plus d'honneur à ce Capitaine qui les lervoit promptement, qu'à luy quin'aguToit

aq 3

que Fort lentement pour eux, & il efTayort aulli de le décrediter dans l'efprit de Molcoib. Mais on croyoic que Guachoia , fçachant qu'Anilco n'avoit pas voulu fe liguer avec les autres agifïoit de la forte , afin que (1 par ha-zard ce Lieutenant venant à découvrir la conjuration , on n'ajoutait point de foy à ce qu'il diroit.

CHAPITRE XVIII.

Querelle de Guachoia & du Lieutenant d'Arnica,

COmme Guachoia connut qu'il travail-loit inutilement à ruiner Ton ennemy dans l'ëfprît des Efpagnols , il éclata tout à fi'.ir, & dit a Mofcolo en prefence de plufîeurs OfHciers, que depuis long-temps il iourïroit avec peine l'honneur que Iiry Se les troupes faifoient au Lieutenant d'Aniico. Qu'il avoir toujours penfc qu'on devoit honorer ceux qui avoient le plus de crédit Se de naifTance. Que néanmoins les Efpagnols tenoïent une conduite bien contraire à cela -, puis qu'ils eftimoient uniquemenr le Lieutenaut d'Anilco , qui n'avoit ny biens, ny puiffance , ny nobleife, Se qui ne meriroit d'eftre conhdcré que par ù qualité de vaflal. Que pour luy il

avoir des fujets qui lurpafloient en toutceluy auquel il donnoic tant de marques d'eftime. Qu'ainfi , il les lupplioir de faire reflexion fur leur manière d'agir , Se d'eftre perfuadez que les avions du Lieutenant d'Anilco cftoîent arrificieufes, Se ne tendoient qu : à les tromper. Le Lieutenant d'Anilco qui avoit écoute patiemment ce que l'on avoit dit contre luy ; répliqua, (ans paroiftre emporté , qu'on luy reprochoit à tort la naiflance ; Se que ks an-ceftres ayant efte Caciques, ii ne cedoit à per-fonne en noblefTe. Qu'il avoùoit que ion père ne luy avoit pas laide de grands biens; mais qu'il avoit fupplee à ce défaut par Ion courage, puilque dans la guerre qui! avoit faite contre Guachoia, Se d'autres Seigneurs, il avoit gagne dequov vivre fuivanr fa qualité. Qu'ainii il fe pouvoit mettre maintenant au nombre des riches , que Ion ennemy vouloir que 1 on eitimaft fi fort ; Se qu un vailal comme luy lemporteroit toujours de beau-Coup fur un Cacique lemblable à Guachoia. Qu'après tout , il n'eftoit pas proprement vafTal , parce qu'Anilco ne le conlideroit point de la lorte ; mais comme l'un de fespiu3 proches parens , Se qu à cette confideration , il avoir fait Ton Lieutenant mènerai dans la Province. Qu'enluite il avoir t^gncpiufieurs batail.cî , de;*it le Père de Guachoia , Se de

fois i autre les Capitaines. Que depuis même que Guachoia avoïc iuccede à Ton Père , il avoir taillé en pièce toutes les forces, Se l'a-voît iaitprilonnier, !uy, Tes deux frères, & les plus confiderables de fon Eftat. Qu'alors il 1 euft pu dépouiller de (a Province , Se s'en emparer fans peine , n'y ayant perfonne pour luy renfler; mais que bien loin de rien entreprendre , il avoic eu un foin tout particulier, de luy tandis qui! eftoit prisonnier , qu il fut mefme fti caution pour le mettre en liberté, luy, les frères & (èsvaflfanx. Néanmoins comme Guachoia n'avait pas tenu la parole , il n'attendôit que laioitie des troupes pour le . reprendre. Que la hardiefle qu'il avotti prêtent de le vouloir faire pa^er pour un artificieux luy coûteroit cher alors , Se qu il luy apprendroit a ne pas choquer une autrefois témérairement Ion honneur.Que meiuie pour ne pas diflerer plus long-temps, il ne tiendrait qu a Guachoia qifiis ne rîniJîent fur l'heure leurs ditferens , qu'ils n'avoienr qu'a entrer tous deux dans un batteau pour le battre fur le fleuve. Que li Guachoia le tuoit, il fatîsre-roit la haine , & leroit van?e du dépiainr que les Espagnols luy avoîent fait en rendant de l'honneur à ^on ennemy. Que pour luy, s'il avoit de l'avantage dans le combat, il fe-roit voir (nie le mérite do hommes ne conii-.

doit point dans \ éclat des richefTes, ny dans la poireiîîon de plufieurs vaflaux , mais dans la vertu Se la grandeur de courage. Guachoia ne repartit rien à tout cela , & fit connoiftre fa confufion fur Ton viiage. Mofcolo & les Elpagnols fe confirmèrent dans la créance qu'ils avoient du Lieutenant d'Anilco, & luy rendirent tous les jours plus d'honneur.

CHAPITRE XIX. D'un Efpion Indien.

MOfcofo confiderant, que fi la haine de Guachoia , Se du Capitaine d'Anilco les portoit jufqu'à fe faire la guerre, ils ne luy fourniroient aucune chofe pour Tes brigan-tins ; il leur dit que comme ils eftoient également aimez des Efpagnols , ils ne pouvoient les voir plus long-temps brouillez, & q'uainfî ils les prioient d'eftouffer leurs reiTentimcns , Se de vivre à l'avenir dans une parfaite intelligence. Les deux Indiens répondirent à Mof-co(o , qu'ils eftoient prefts de faire ce qu'on voudroit , Se qu'en fa faveur , ils oubliroient genereufement toutes chofes. Quatre jours après la querelle ayailee , Se fur le départ du lieutenant d'Anilco , pour s'en retourner

dans fa Province; le General qui ne fe fioft point à la parole de Guachoia, Se qui craignoit qu'aiin de fe venger de Ton ennemy, il ne luy euft fait dreffer quelques embutches lur le chemin, commanda à trente Cavaliers de l'accompagner, jufqu'à ce qu il fuit hors de danger. Le Capitaine refuia d'abord civilement Moicolo, &: luy ht connoiftre que Guachoia n eftoit pas fore a appréhender ; néanmoins de peur de déplaire au General, il pritl'efcor-te qu'il luy orïroit.- Mais depuis il revint, 5c retourna pluiieurs fois en fa contrée avec dix ou douze Indiens feulement. Cependant, Quigualtanqui Se les autres Caciques i J < party depéchoient jour Se nuit vers Môfcofo avec des prefens, & avec ordre à leurs envoyez , d'obierver la conduite des Espagnols, leurs corps de ^arde , leur adrefle à tenir leurs armes & à manier leurs chevaux, afin de voir en quoy ils manquoient, Se de s'en lervir contre eux en temps & lieu. Le Central qui cfloît averty de celant defenfe aux Députez des Caciques ennemis , de venir la au Camp , mais e^s defenies eftoient i i Ceft pourquoy Silv-eitre qui fçavott l'ordre du General, Se la defobeftTahce des Ear -eftant une nuit de garde à la porte d Arni-noii , & voyant à h clarté de la Lune deux Iadiens-fba le/tes, qui craycjrfoient le ifoffeiur

tin arbre qui (èrvoit de pont, il les laifla avancer vers luy , & comme il eftoit en fentinelle il donna un coup depée fur le vilàge du premier , qui paiTa le guichet de la porte fans luy en demander permiiîion. Du coup , le Barbare tomba à terre; mais il fe releva incontinent , prie ion arc , Se s'enfuit de toute fa force. Sirveùre ne voulut pas l'achever parce qu'il crut que cela luffiloit pour rendre iage les Indiens. Le compagnon du bleiTé qui avoit oùy le coup prend auiïi la fuite , repaife le pont, regagne (on batteau, traver-fe le fleuve & donne l'alarme par tout. Cependant le bleiTé , le viiage plein de fang , le jette dans 1 eau, la traverle à nage & appelle ion camarade. Les Barbares qui eftoient de l'autre cofte du fleuve , Se qui entendirent fa voix accoururent à luy Se 1 emmenèrent. Le jour d'après au Soleil levant, quatre des principaux Indiens vinrent de la part des Caciques liguez le plaindre au General, que ces gens rompoient la paix. Qu'ils avoient tres-mal-traite un des plus conliderables Indiens du pays, 5c qu'ils le fupplioien: qu'on fift jufti-ce de cette infolence, parce que la perfonne eftoit bleilee à mort. Sur le midy quatre autres le rendirent au Camp j où après avoir fait leurs plaintes, ils dirent que le bielle fe mou-roit, Se au Soleil couchant, il en vint encore

quatre qui aiïeurerent que leur compagnon eftoit more, & demandèrent qu'on fift mourir 1 Efpâgnol qui en eftoic caufe. Le Gênerai répondit à chaque fois aux Envoyez que délirant conferver la paix , il n'avoir point commande ce qui avoic efte fait. Mais que le fo dar qui avoit bleffe leur homme n'avoit poiit agy contre ion devoir. De forte que li pour leur complaire il vouloit qu'on le cha-ftiaft , fes Capitaines n'y confentiroient jamais 9 parce que l'Indien ne devoit pas entrer fans parler a la fentinellc, ny les Caciques l'envoyer contre les defenfes à heure indue. Qu'ainh , puis q'uen cela il y avoit de leur faute, il falloit oublier tout ce qui s'eftoit paffe , Se faire à l'avenir des choies dans Tordre pour oflcr de part Se d autre tout prétexte de rupture.

Les Envoyez s'en retournèrent fort mal fatisfaits de cette réponfe , Se eiTayerent de porter les Caciques à fe venger fur l'heure du mépris des Efpagnols, mais inutilement ; car les Caciques convinrent de ditïimuler encore quelque temps, Se de chercher avec loin es moyens d'exécuter leur deflein. Cependant parmy les troup s il le trou voit des Capitaines , qui appuyoient les plaintes des Indiens. Q^Tii falloit punir Silveiire , qu'il s'eitoit gouverne indiferetement, 6c que Ion action pour-

roit

roit donner lieu aux Caciques de fe mutiner, Se de prendre les armes contre lesE<[ agnoîs. Si ces difeours que la jaîouiie mettoîî dans la bouche de quclq bes Officiers . n/eufîent efté arrêtez par lespi.i: iage c - iiseji'enc fans doute produit de mechans effets.

CHAPITRE XX.

Treparatifs des Caciques liguez* avec un J- bir-ieme?it du Cbucagua.

Durant ces chofes, les Efpagnols travail-loient fortement aux brigantins, & é-toient favoriiez du Capitaine General d Ànil-co , fans lequel ils ne fuiTent jamais venus a-bout de leur defïein. Ceux qui n eftoient pas employez aux vaifTeaux , cher choient des vivres pour leurs compagnons , & comme ils eftoient alors en Carcfme , ils alloicnt pécher dans le Chucagua. Ils failoient pour cela des hameçons, où après avoir mis de lapait, ils les attachoient à de longues cordes , Se les jet-toient au commencement de la nuit dans le fleuve. Le matin ils les en retiroiuit , 8c y rencontroient ordinairement de fi grands poifTons qu'il y en avoit , dont la telle (ciilc pefoit quarante livres de quinze uleize onces, II. Part. R r

tftf tiiftotre de U Florlâel

Si bien que nos gens eurent dans Aminoîa toutes chofes en abondance. Cependant Quigualtanqui,& les Caciques liguez levoient dts troupes chacun fur leurs terres , Se fe pre-paroient à mettre trente à quarante mille nommes fur pied dans lapenfée de tuer tous les Efpagnols, ou de brûler le bois qu'on avoit amaiTe pour les Caravelles. Ils croyoient par la qu'en îes empêchant de fortir du pays , ils leur feroient une continuelle guerre , & les extermineroient d'autant plus facilement, que nos gens eiloient en petit nombre , qu'ils a-voient peu de chevaux , & avoient perdu un Capitaine tres-brave & tres-experimenté. Les Barbares animez de ces confédérations, fou-ïiaïtoicnt avec impatience le jour qu'ils a-voient arrefté pour donner, & qui véritable-ment eftoit fort proche ; Comme on 1 aprit parles Envoyez du Cacique, qui le trouvant feuls avec des Indiennes qui fervoient quelques officiers EJpagnols, leur dirent qu'elles priflent patience, & que bien-tôt on les defi-vreroit de la fervitudc,ou ces larrons d : E-flranpers les tenoient. Qu'on les alîoit égorger, mettre leurs têtes lur des lances à l'entrée des temples, 5c attacher leurs corps aux plus hauts arbres, pour ertre îaproyedes oîfcanx. A peine les Indiennes eurent-elles apris cela , qu'elles allèrent le découvrir à leursmaiuxes.

Les troupes en font aufïi-tôt averties, & elles fe perfuadent d'autant plus aifément que les Barbares font prefts à les attaquer, que h nuit elles entendent du bruit de l'autre coilé du fleure , & voyaut des feux çà 8c là aux environs. Elles fe préparent donc à fe défendre conrageufement ; mais par bonheur fur ces entrefaites , le Chucagua vint à fe déborder. Il commença environ le dixéme de Mars de l'an» née 1^43- il remplit peu à peu tout fon lit , & incontinent après il fe repandit impétueusement par deiïus les bords , puis par la campagne, qui fut aufïî-tôt inondée, à caufe qu'il n'y avoir ny montagne, ny colline. Et le jour des Rameaux qui efteit cette année-là le 18. de Mars, que les Eipagnols ceîebroient le triomphe de Jesus-Christ dans Jerufaleni y l'eau entra avec violence par les portes d'A-minoia ; Si bien que deux jours après on ne put aller par les rues qu'en batteau. Ce débordement ne parut dans toute fon étendue qu'au le. d'Avril. Il y avoit alors plaiiir de que ce qui eftoit n'agueres une vallc campagne , fuft devenu preique tout à coup une vafte mer. Car l'eau couvroit plus de yingtlieues aux environs, où Ion voyoit feulement quelques uns des plus hauts arbres ; & cela lit rclfouvenir nos gens de la prédiction de fa vieille Indienne a leur entrée dans Ami^ ngfua, l\r z

CHAPITRE XXL

On envoyé vers Anilco.

ACaufe des inondations du Chucagua, les Indiens qui habitent de cofte & d'autre de ce fleuve , fe placent le plus qu'il leur cft poiîiWe fur des éminences, & tnftiilent leur* maifons en cette lorte. lis élèvent en quarre & affez de ^rof^cs poutres en forme de piliiers , fur lesquelles ils mettent plusieurs folives, ce qui tient lieu de plancher. Enliiite ils font le toict qu'ils environnent de gai eries où ils ferrent leurs vivres avec leurs meubles. Ainii ils le garantirent des inondations, qui probablement narrivenr qu'à eau le des pluyes & des neiges de l'Hyver précèdent.

Durant le débordement du fleuve, on embarqua pour la ville d'Anilco qui cft à vingt lieue> d'Aminoia, vingt foldats avec quelques rameurs Indiens en quatre barques, attachées deux a deux de peur qu'elles ne fe rcnverial-fent en pailant, par deffus les arbres qui e-toient dans l'eau. Ils avoient ordre de iureplier le Cacique d'envoyer au General des Çprdages, du goudron & des vieilles mantes.

Livre troiféme. i S9

pour des brigantinSj & eftoient conduits par SilveftrC , auquel comme il le verra toute à l'heure , le Cacique avoit depuis peu obligation , &: c'eitoit auffi dans cette vue qu'on le dépéchoit. Lors que les iujets de Guachoia ravagèrent la ville d'Anilco à la faveur des Espagnols , Silveftre prit un Indien de douze à treize ans, qui efloit fils du Cacique 5 il le mena avec luy par la contrée des Vachers, & le ramena dans la Province d'Aminoia. De forte que le Cacique Anilco aprit que fon fils qu'il avoit tant cherché , efloit avec les troupes. Incontinent donc il l'envoya demander, & Silveftre le luy rendit de bonne grâce > en confidoration de ce qu il failoit pour les E£ pagnols,

Sii veftre & fes compagnons arrivèrent heu-reufement à la ville d'Anilco , & trouvèrent que le Chucagua efloit débordé beaucoup plus loin , & qu'il avoit inondé de ce coité~!à plus de vingt-cinq lieues de pays. Nus gens arrivez, on en donna avis au Cacique, qui fit appeller Ion Lieutenant gênerai, & luy commanda de montrer par fon accueil l'affection qu ils portoient aux Efpagnols, & de leurs fournir ce qu'ils demandoient en faveur de Silveftre , qu'il luy avoit genereufement rendu fon fils. Enfuite il ordonna de faire venir Silveftre tout fcul, & l'alla recevoir hers de

î£0 Hifîoire de ta Floride.

fa maifon. Là après l'avoir embrafle, 5c remercie de l'obligation qu il luy avoit, il le conclu ifït clans Ton appartement, Se ne voulut pas qu'il en fortift , que les compagnons ne rui-fent prefts de s'en retourner. Car Anilco auquel Ton fils fervit d'interprète , sinformoit du Capitaine Elpagnol, des avantures des troupes depuis leur entrée dans le pays. Mais comme il en eut appris le détail , ii fit con-noiftre à Silveftre le déplaifir fenfible qui luy demeuroit des cruautez Je Guachoia contre fes anceftres qui eftoient dans le tombeau. Que bien-tôt ce lalche ne feroit appuyé de perlonne , & qu'on verroit alors à fe reiTentir des indignitez qu'il avoit commife. Anilco montra par là, que l'affection qu'il témoignoit à nos g;-ns , n'eitoit fondée que fur la crainte qu'ils ne favoriiailent encore Guachoia , & ne l'empéchafTent de fe venger des injures qu'il avoit reçues , s ils demeuroient plus long-, temps dans le pays. Pour cette raifon, 8c dans la vite dehafter leur départ, Anilco commanda de leur donner promptement toutes fortes de chofes, Se de leur fournir un vaîffeau avec plufîeurs Indiens , qui les conduiroient Jeurement où ils fouhaitoient d'aller. Comme tcu: fut rreit , il embraffa Silveftre, 5c le pn'a d'affeurer le General de fon amitié , & qu'il ne fe pafleroit rien dont il ne l'avertift. Sil-

veftre aufH-tôt reprit la route d'Aminoia,_ où des qu'il fut arrive , il rendit compte de ion voyage à Moicofo.

CHAPITRE XXII.

Conduite des fffagnets durant le débordement #

avec la nouvelle de la continuation

de la ligue,

LE débordement dura quarante jours , pendant lefquels les Efpagnols fe retirèrent fur de certains lieux élevez, où ils travaillèrent à leurs barques. Mais comme ils manquoîent de charbon pour forcer les ferrures , ils en firent en coupant les teftes des arbres qui paroiiToient hors de Leau. Fran-ci'co Se Garcia Ozorio Cavaliers âlullnes , fe fignalerent en cette rencontre , tant par leur adreffe que par la peine qu'ils prirent à forger Se a calfeutrer j car ils s'y portèrent avec courage , 5c leur exemple ieul excitoit les autres à les imiter.

Tandis quel eau couvrit la Campagne , les gens des Caciques liguez ne parurent point ; parce que fî-tôt qu'ils virent le débordement, ils regagnèrent en diligence leurs mailons , pour lauver ce qu ils y avoient iaiiïe. Ccperu

dant Quigùaîtamjui & les autres Seigneurs , pour mieux cacher leur mauvais delTein , ne laillcrent pas d'envoyer toujours vers le General \ qui fans témoigner qu'il te deiïoi: d'eux avoit loin de fe tenir fur Tes gardes.

Sur îa fin d Avril l'eau diminua peu à peu , & fut autant à baiflèr quelle avoit efté à croi-ftre. Car au \ îngciefme de May, on ne pou-voit encore aller par Aminoia, que les pieds nuds a caufè des taux &r des boues qui eftoient dans les rues. Mais à la tin du mois le fleuve rentra dans ion lit, & les Caciques liguez recommencèrent à ie mettre en campagne , refolus d'exécuter promptement leur entreprile. Cependant le Capitaine d'Aniîco qui en eut avis vint trouver le General, Se hiy déclara toutes choies. Que dans un certain jour qui e&oh proche tous les Caciques en particulier depelcheroient vers luy. Que chaque Envoyé luy devoit parler de tdlt façon , & luy faire un tel prefent. Que les uns arriveraient le matin , Se les autres lur le mi-dy , 8c les derniers fur le ioir. Que cela durerait quatre jours entiers, qu'on achèverait daiTembler les troupes, & qu'au mefme temps on donnerait. Mais que le deffein eftoitd ex-terminer tous les Elpagnols, ou au moins de bruiler leurs vaiiieaux, afin qu'ils ne puf£nt forcir du pays , & qu'on les hit malheureule-

ment perîr peu à peu. II ajoufta que pour e-viter cela, il soffroit à eux de la part de Ton Cacique avec huit mille hommes d élite , à la faveur defquels ils refifteroient aifément à leurs ennemis. Que mefme s'ils defiroient fe retirer fur fes terres, il les y recevroit avec joye. Qu'ils y feroienten toute afleurance, 8c qu'outre qu'on n'oferoit les y venir attaquer, ils prendroient tout à loiiîr leurs mefures 9 pour Tanger méurcment à la conduite qu ils doivent tenir. Moicofo répondit au Capitaine Indien , qu'il avoit obligation à fori Cacique des offres qu'il luy faiioit. Mais que dans la crainte qu'à 1 avenir il ne fuft haï de fes voilins pour l'avoir ouvertement favorite, il 11 acceptoit pas le fecours qu'il luy vou-loit donner. Que d'ailleurs comme il efloit fur fe point de partir pour le Mexique , il le rcmercioit de tout Ton cœur de la retraite qu'il luy offroit. Que pour cette raifon il ne vouloir pas auffi s'engager dans un combat j quoy qu'il duft tout efperer des Indiens qui le feconderoient , & principalement de leur Commandant, dont la valeur luy eftoit connue. Qu'au refte ny luy, ny les autres Espagnols n'oubliroient pas l'obligation qu ils a-VOÎent au Cacique , & que mJme le Roy d'Efpaçne le premier des Princes Chreftiens> auquel ils raconteroient les bons offices qu'il

leur avoit rendus, \\cn perdroît jamais le fou-Tenir , & le recompenferoit de tant de faveurs , ii un jour les Efpagnols retournoient dans ion pays. Enluite le Capitaine Indien prit congé de Môfcolo, qui le prépara genc-reukment à tout ce qui pouvait arriver.

C H A P I T R E XX11 L

Des envoyez, de U ligue , avec les prepafdtifi

des tfpagnoh pour s embarquer.

AU commencement de Juin de Tannée mil cinq cens quarante-trois , les envoyez des Caciques ennemis vinrent au quartier dans le mdme temps, au mefme ordre » Se avec les mefmes preiens que le Capitaine d'Anilco avoit marquez. C eit pourquoy ils furent arreftez par l'ordre du General, oui Commanda de les feparer & de les interroger fur le fujet de la conipiration. Ils avouèrent franchement ce qui ie paffoit, & la manière dont on s'y devoit prendre pour faire réunir l'entreprife. Le General fur leur confeflTion, $c fans attendre qu'ils fanent tous arrivez, fit promptement couper la main droite à trente que l'on tenoit. Ces pauvres gens foufFrirent avec tant de patience leurs maux, qu a peine l'un d'eux avoir fa main coupée , qif un autre prefentoit la tienne fur le billot , ce qui atti-roit la compati on de tout le monde. Ce cha-

'¦ftiment rompit la ligue , les ennemis crurent que les Eipagnols eftant avertis de l'entre-prife, fe tiendroient iur leurs gardes. Chaque Cacique s'en retourna donc en fa Province, fortmarry de n'avoir pas exécuté leur defkin. Mais comme ils efioienttous refblus de tenter d'en venir à bout par une autre voye, & qu'ils fe trouvoient plus fort par eau que fur terre , ils convinrentd'amaiTer des troupes Se des batte au m , pour attaquer les Espagnols lors qu'ils -déumdroicnt le long du Meuve. Cependant Moîcolc Se les Capitaines, voyant qu'ils al-loiérit eftre continuellement harcelez, hafte-rent de plus en plus leur travail, achevèrent fept brigantîns ; mais parce qu'ils n'avoient point de doux pour faire l'aîlèmblage du tillac | ils les couvrirent feulement aux deux bouts y Se mirent des aïs au milieu lans les at-r , d'où il fuffifoit d'en lever un pour vuider l'eau du brigantin. Apres ils amailc-rent des vivres, Se demandèrent à Guachoia $c a A'iilco du gros millet, des fruits Se autres chofes de cette forte. lis tuèrent quelques cochons de ceux qu'ils confervoient pour nourrir, & en rderverent feulement une douzaine & demie , au cas qu'ils s'ctabiiilent en quelque endroit prés de la mer. Ils donnèrent aux Caciques leurs amis chacun deux de ces animaux , un Hiafle 5c une femelle ? ils la-

î^ff Hïfloire de U Tlcriâe.

lerent ceux qu'ils avoicnt tuez pour eux , 8c fe Ter dirent de \ç<ir graille au lieu d huile, afin d'adoucir la rai fine , dont ils calfeutroLnt leurs vaiffeaux. Outre cela ii fe fournirent .e petites barques pour oorter trente chevaux qui leur reftoient. Ils ies avoi rit attaches deux à deux, afin que lis cheva eufknt les pieis de devant dans Tune , Se ceux de derrière dans 1 autre. Chaque hrtgantin avoir aufîî en poupe 1 une de a> barques qui luy fervoit de chaloupe. Carmona racontc\$cy , que de cinquante chevaux qui reftoient aux Espagnols, iis en attacheront a des pieux environ vingt qui ne pouvoient plus fervir. Qu'ils leur ouvrirent la veine , & .es laiile-rent feigner jufqu a ce qu'ils moururent. Que pour en conierver la chair, ils la leicherentau Soleil. Que le jour de S. Jt an-Baptifte , ils mirent les brigantins à l'eau, embarquèrent leur chevaux avec le mateiotage, & accommodèrent leurs barques avec des planches 3c des peaux pour fe detïendre des fleiches. Qi'enfuite ils nommèrent les Capitaines qui dévoient commander les vaiifeaux, Se ne longèrent plus qu'à s'embarquer, après avoir dit adieu a Guachoia, Se luy a. oir recommande de vivre en paix avec Ànilco.

Vin du trvijîéa;e Livre.

Î97

LIVRE IV.

DE LA

FLORIDE.

Capitaines des Caravelles. Radeaux des Indiens. Leur combat Jur l'eau. Mort de plufieurs Eipagnols. Leur arrivée à la mer. Leurs avantures jufques a Panuco , avec le réception qu'on ieur fit dans la ville de Mexique.

CHAPITRE I.

Capitaines des Caravelles , avee l'emUn-quement des troupes.

îfi&$ifj O s c o s o s'embarqua dans la pre-«Kj^fe miere caravelle , Alvarado Se Mol-T^jp^ quera dans la féconde , Aniafco & Viedma dans latroilkme. Guî'man & Gaitan commandèrent la quatrième , Tinoco 5c II. Part. S s

Cardeniofa la cinquième, Calderon Se Fraru cilco Ozorio la fixiéme , Se Vega avec Garcia la feptiéme. Chaque caravelle avoit fept raines par banc , & il y avoit dans chacune deux Capitaines ; arin que i\ l'un eftoic obligé à décendre pour faire terre aux ennemis, l'autre demeuraft dans le vaiileau pour donner les ordres neceflaires. Il s'embarqua fous la conduite de ces fameux chefs, environ trois cens cinquante hommes, de plus de mille qui cfioient entrez dans la Floride , & quelque trente Indiens Se Indiennes , de huit c.^s qu'on avoit emmenez de diverfes contrées dans la Province des Vachers. Comme ces pauvres gens eftoient efloignez de leur pays, Se qu'ils portoient une arïection particulière aux Efpagnols, ils ne les voulurenr jamais quitter , témoignant qu'ils aymoient mieux mourir avec eux, que de vivre hors du îieu de leur naifTance. Les Efraçnols les emmenèrent donc , dans la penfee qu'après en avoir tiré de fort bons fervices, il y auroit de l'ingratitude à les abandonner, Se ils navige-rent à voile Se à rame le foir de la fefte iaint Pierre 8e ïaint Paul. Mais ce fut un jour fatal pour eux3 parce que fortarit de la Floride, ils perdirent le fruit de tous leurs travaux. Ils ramèrent tous excepté les Capitaines , qui avoient foin de les rafraîchir d heure en

heure , Se coftoyerent durant une nuit Se un j our toute la Province de Guachoia, fans que l'ennemy les vînii harceler. Si bien qu'ils s'imaginèrent qu'à la confîderation du Cacique de cette contrée qui les aimoit, on ne les avoi't point attaqués, ou que les Barbares jugeant du uiccer de leur entreprife par le cours de la Lune , avoient obfervé qu'alors ils ne dévoient pas combattre. Mais le fécond jour leur flotte parut au matin. -Elle eftoit de plus de mille batteaux, les plus grands & les meilleurs qu'on euft vus dans la Floride ; c'eft pourquoy j'en diray quelque choie , après que j'auray parlé des barques 5c des radeaux* dont les Indiens ie fervent pour pafTer les fleuves.

CHAPITRE II. Marques & radeaux des Indiens.

LEs peuples du nouveau monde qui habitent dans les Mes 8c dans les lieux prés de la mer, font leurs barques grandes ou petites, conformément à la commodité du bois qu'ils ont. Ils cherchent les plus gros arbres qu'ils •nt trouver, ils les creufent en forme d auge , 3c en confhruifcnt leur batteau tout

Ss i.

aco Ei/tcire de la Floride.

d'une pièce. Car ils n'ont pas encore 1 invention , ny d'aifembler des planches avec des cloux , ny de faire les voiles. Ils ne fçavent auiTi ce que c eft de forger, & de calfeutrer. Si bien Que dans les endroits où ils ne fe ren-contre point d'arbres propres pour les barques ; comme en toute la coite du Pérou, les Indiens font des radeaux d'un bois fort légère,, qu'ils trouvent dans les Provinces voiiines de Quito , Se qu'on emmené de là furies rivières. les plus marchandes du pais. Ces radeaux font compofez de cinq folives attachées les unes aux autres^dont la plus longue efl celle du milieu s les autres vont toujours en diminuant atin de mieux coupper l'eau. Je me fouviens d'avoirpafîe du temps des Incas fur ces fortes de radeaux qui eftoient alors en ufage. Les Indiens en font encore d'autres en cette manière, lis prennent une quantité de joncs qu'ils lient très-fortement , Se qu'ils élèvent fur le devant en forme de prouëpour mieux fendre l'eau. Puis ils les elargiiTent peu à peu Si de telle façon qu'ils y placent aifement un homme , ou quelqu autres charges. Et lors qu'ils traverfent quelque rivière rapide , ils couchent dans le radeau la perfonne qu'ils paf-fent , 8c ravertiifent de fe tenir ferme aux cordes ; Se fur tout de ne point ouvrir les yeux. J'eftoii encore fort jeune , que je pailay un

Jour de la forte une rivière extrêmement violente, mais comme l'Indien qui conduifoit le radeau m'euft averty de fermer tes yeux, il me prie une telle frayeur, que fi le Ciel fuft tombe , ou que la terre fe fufl entre-ouverte, je n'eulle pas craint d'avantage. Néanmoins lors que je me fus un peu remis, Se que je ientis que nous eflions à peu prez au milieu du fleuve, je ne me pus défendre de la tentation de le voir. Je me levé donc tant lbit peu, Se je regarde l'eau. Mais il me fembla que je tomboîs des nues • parce que la rapidité de l'eau , 5c la viteiTe dont le radeau fendoit le fleuve, m'avoient fait tourner la tefte. Tellement que je refermay les yeux , Se avoùay qu'on avertilToit avec raifon les palTans de ne les pas ouvrir. Un Indien feul gouverne le radeau. Il fe met au bout de la poupe, jambe de ça jambe de là , il *è couche lur l'eito-Hiach ,. rame des pieds Se des mains, & fe laiiTe aller au fil de l'eau juîqu a l'autre bord-Les habitans du Pérou font encore des radeaux d'une manière différente de ceux-là» Ils attachent enfemble plufieurs calebaces en quarré de la longueur de quatre à cinq pieds, -plus ou moins félon quils en ont affaire ; Se mettent au devant de cette ailemblage une tf-pece de poitrail, ou dés que le batelier a mis-la telle, il le jette dans l'eau > Se nage ayee f*

S' 3

charge jufqu'à l'autre bord de la rivière, ou du golre qu'il traverfe , mtfme s'il eft befoin il a des gens qui pouffent par derrière. Mais lors que les Meuves fe trouvent remplis d'ecueils, qu'ils n'ont ny entrée ny fortie, & font iî rapides , qu'on ne les peut traverfer avec des rsdeauxj les Indiens partent d'un bord à l'autre du fleuve un gros cable qu'ils attachent à des rochers ou à des arbres. Ce cable pafTe à travers une grande corbeille , à laquelle il y a une anfe de bois. Cette corbeille coule le long du cable,& peut aiiement tenir trois ou quatre perfennes. Elle aune corde d'un cafté 3c une corde de l'autre,avec quoy on U tire à l'un,ou à 1 autre bord.Mais parce que le cable eftlongt & qu'il baiife vers le milieu,on Jaifle aller doucement la corbeille juiques-Ja. Enluire comme îe cable remonte peu à peu,on ladre prompte-ment à force de bras. Il y a des ge^$ aux partages des rivières qui ont ordre de cela , Se les voyageurs melmes qui ie mettent dans ces corbeilles prennent fouven: le cable avec les mains & s'aydent à palier. Je me fouviens d'avoir traveiTé à l'âge de dix ans une rivière deux ou trois fois dans ces lortes de corbeilles*. fie qu'on me portoit par le chemin fur les épaules, on ne paîTe dans ces corbeilles que ks. perfonnes & le menu bcilail, le gros eft trop pelant. Au relie les endroits où le trouvent

ces corbeilles, ne font point des pafïages de grands chemins, & mefme Tonne tra. erfe de la forte les rivières qu'au Pérou. Car dans la Floride , où il le rencontre de fort gros arbres , les habkans font de très-belles barques,. & pafîent aiiemcnt les fleuves,

CHAPITRE III.

Va ifc aux de la flotte des Caciques liguez*.

JE reviens à la flotte des ennemis. La grandeur de quelques-uns de leurs vaiiieaux far-prit les Elpagnols-. Car ils en apperceurent de vingt-cinq rames par banc, qui avoient chacun environ trente foldats y fans compter plu-tieurs rameurs armez de flèches. De forte que dans quelques batteaux y il y pou voit avoir jufques à Joixante quinze , ou quatre-vingts hommes de combat. Mais dans les autres il n'y avoit pas tant de monde , parce qu'ils diminuoitnt toujours de grandeur. Les moindres eftoient de quatorze rames par banc , & tous foit grands ou petits, chacun-d'une feule pièce. Leurs rames paroifToient très-proprement faites, elles avoient de longueur environ unebraiîe, dont laplulpart entrait dans l'eau a & lors que l'un de ce> vaif.

féaux alloit de toure fa force, un cheval pouffé à toute bride , euft eu de la peine à gagner les devans. Mais ce qui efl aflez remarquable les ennemis chantoientdiverieschanfons, qui félon la nature de leur air trifte ou gay, les faifoient ramer enfemble en tres-bon ordre , doucement , ou diligemment , comme il eftoit alors necelTaire. Ces chanfons conte-noient les actions héroïques de leurs anceftres, Si bien qu'excitez par le fou venir de ces choses., ils fe portoient avec courage au combat^ & ne fongeoîent qu'à remporter la victoire. Et ce qui mérite encore deftre conliderc, les batteaux de la flotte eftoient peints par dedans Se par dehors, de jaune ou de bleu , de blanc ou de verd , de rouge ou de quelqu'autre couleur , félon la phantaiiie de celuy à qui !s vailiau appartenoit. Les rames mefmes 8c les plumes que les fbiéats portoient fur la tefte , leurs bonnets auiTi-bien que leurs arcs, & leurs flèches eftoient delà couleur du vaiileau. Si bien que le fleuve eftant fort large, 5e les ennemis pouvant aifément s'eftendre , il n'y avoit rien de plus beau à voir que cette flotte , à caufe de la diveriité des couleurs des batteaux, Se de l'ordre dans lequel les Indiens, ramoient. Ils parurent en cet eftat le fécond jour fur le midy à la queue des Eipagnols, pour montrer leur puuîance avec h bcautc

de leur armée , Se ils s'encourageoient par des chanfons au combat. On fçût par le moyen des truchemens, que dans ces chanfons ils appelloient nos gens lâches, leur diiant qu^ils fuyoient in-utilement. Que puis qu'ils n'a* voient pas efté la proye des chiens for la terre , ils ne manqueroient pas d'eftre dévorer dans l'eau par les monftres marins. Qu'enfin les peuples du pays feroient bien-toft délivrez d'une troupe de brigands, & chofes fembla-blés. Et au bout de lachanion ils jettoient de grands cris , qui faifeient tout retentir aux environs. *

CHAPÎTR E IV.

Combat des Indiens fur l'eau,

LOrs que les ennemis eurent efté quelque temps à nous fuivre pour nous reconnoi-ftre , ils feparerent leur flotte en trois corps, Les troupes de Qiiigualtanqui fe mirent à la tefte ; mais on ne put véritablement fçavoir-s'il les commandoit luy meime encore qu'on t'entendift louvent nommer dans les chanfons des Barbares. Enfuite tous les vaifleaux de la flotte s'avancèrent à la droite vers le bord du fleuve & gagnèrent les devans. Ceux du pre-

mier corps attaquent aufïutoft nos caravelles , Se traverfant à l'autre bord de la rivière „ ils les couvrent de flèches , de forte qu'il y eut plufieurs Espagnols de bleflèz. Ce premier corps ne fut pas piùtoft à la gauche qu'il reparte & vient reprendre ion porte, s'avançant néanmoins toujours au delà des caravelles. Le fécond corps qui traverfe après ayant donne de furie, retourne à la droite Se fe met à la teftedes premiers. Le troifiéme pafTe de la mefme forte , 5c ayant fait pleuvoir une quantité de flèches fur nos foldats,, il rejoint ceux de fon party 5c vient fe porter au devant du fécond corps. Cependant comme nos caravelles ne lauToîënt pas de ramer j elles arrivèrent à l'endroit des Barbares qui les avoient attaqué les pi-emiers,6c qui commencèrent à les charger de la mefme forte ou'auparvant. Les autres donnèrent auffi chacun à leur rang & à leur manière accourtumée, 5c fatiguèrent tout le jour les Efpagnols. La nuit mefme ils les tourmentèrent, nuis non pas avec tant d'opiniartreté, car ils ne rirent que deux attaques ; la première , un peu avant le Soleil couché, & l'autre avant la pointe du jour. Nos gens de leur corté fe dépendirent fort bien en cette rencontre. Ils mirent d'abord des foldats dans les barques où eftoient leurs chevaux, afin que fi les Barbares s'en appro*

Choient , on les puft repoûflèr Se empefcher les chevaux- d'eftre tuez, Mais comme les Indiens riroient de loin , Se que les Eipagnois qui eftoient dans les Barques fe trouvoient

incommodez > ils regagnèrent les caravelles &¦ abandonnèrent les chevaux qui eftoient à couvert de méchantes peaux Se de quelques boucliers. C'eft pourquoy durant dix jours & dix nuits de combat, tous ces chevaux périrent à la referve de huit ; & nos gens furent tous bleiTez nonobstant leurs boucliers , Se toute- la rehftance qu'ils purent faire, ils n'a-voient alors pour armes à combattre de lom que des arbaleftres ; car de leurs moufquets on avoit fait des doux. D'ailleurs ils n'a-voient pas tout à fait l'adi-ciTe de s'en fer-vir , & depuis la bataille de Mauviîa , ils manquoient de poudre*

CHAPITRE V, ÀvAntures des ifpAgnols*

A

Près dix jours de combat, les ennemis _ s'éloignèrent des caravelles d'un peu plus de demy-licuë. Cependant les Efpagnols Continuèrent de ramer , 3c découvrirent à quelque'trois cens pas de la rivière un village

d'environ quatre-vingts maifons. Comme alors ils crurent qu'ils avoient fait deux cens lieues, àcaufe que le fleuve ne détournoit de coftény d'autre, Se quainfi ils étoientprés de la mer, ils refolurentque pour s'embarquer , il falloit envoyer chercher des vivres dans le village. Le General fit donc prendre terre à cent hommes fous la conduite de Siiveftre> avec ordre d'aller dans ce bourg quérir du -gros millet, Se d'y mener les chevaux pour les rafraîchir , Se pour combattre en cas de bdoin. Ces ioldats descendirent aulîi-tôt$ mais à peine les habitans les apperçûrent-ils, qu'ils prirent la fuite , fe rc : pandirent par la campagne , 8e faifant tout retentir de leurs cris, demandèrent iecours de tous les cotez» Sur ces entrefaites le party arrive au village , où ils trouvent une quantité de millet, de fruits iecs , plufieors peaux de chameaux diversement teintes, avec des mantes dedirle-rentes peaux très-bien préparées, Se une pie-ce de martre d'environ huit aunes de long (tir trois tiers de large. Cette pièce ctoit double, femblable des deux cotez ,' Se garnie par endroits de houppes de femence de perles. On crut qu'elle fervoitd'ctendartaux Indiens dans leurs feftes ; car félon les apparences, elle ne pouvoit eftre deftinée à un autre ula-ge. Silveftre qui là trouva belle la prit pour

luy,

Lfare quatrième. lof

!uy, Se Tes Compagnons fe chargèrent tous , ¦les uns de millet Se de fruit, 8c les autres de peaux de chamois. Après , ils retournèrent promptement aux caravelles, où les trompettes les appelloicnt $ parce qu'une partie des Indiens de la flotte attirez par les cris des habitans du village avoient pris terre, s'é-toient joints a eux, Se s'avançoient de furie tous eniemble pour donner combat. Mais quelque diligence que fùTent nos gens pour regagner les brigantins, ils furent obligez d'abandonner leurs chevaux ; carie péril où ils le voyoient les empêcha de les embar-quer.Et ians doute il ne fe fufl fauve aucun fol* dat du party, fi les Indiens eufTent feulement vancé cent pas davantage. C'eft pourquoy tous furieux de voir nos gens échappez , ils tournent leur rage contre les chevaux, ils leur abbattent le licou , les defcellent, les font courir à travers champ & tirent fur tux , juiqu'à ce qu'ils les ayent tous tuez. Ainil peric le refte de 350. chevaux qui citaient E z dans la Floride. Les Edpagnols en :t d'autant plus de douleur qu ils ! es virent malneureufement mourir. Mais conil-derant qu ils ne les pouvoient garentir de la furie des Barbares , & que Silvcflre avec fcs compagnons s'en efloit heureufement fauve, ils côtinuerent leur navigation à toutes voiles. II. Part. T t

CHAPITRE VI.

StratAgefme des Indiens , fr témérité d'un Efpagnot.

LEs Indiens defefperant de venir about de leur defTein , parce que les Efpagnoîs voguoient en bon ordre , ils eurent recours aux rtifes. Ils s'arrefterent donc Se feîrmirent d'abandonner la pourfuite des caravelles. Ils croyoient que lors que nos gens ne les ver-roient plus à leur queue, les vaifTeaux s'écarte-roient les uns des autres, 3c qu'alors ils fon-droient deflus Se les mettroient en déroute ; la choie arriva en partie commeîls s'eftoient imaginé. Une des caravelles fortit hors des rangs, &: demeura quelque temps derrière les autres. Les Indiens auffi-toft s'avancent de furie, attaquent cette caravelle, Se tafehent de s'en rendre maîtres. Les autres vaiffeaux qui re-connonTent le danger où elle eftoit, remontent à force de rames contre le fil de l'eau pour la fecourir. Ils trouvent leurs gens preiîcz , qui le defendoient à coups d'épéc, & n'avaient pu empêcher quelques Barbares de kuter dans la caravelle. PJufieurs mcfmc des ennemis f en eftoient déjà faili > mais à

la venue du fecours ils fe retirèrent après la perte de trente des leurs, & emmenèrent une barque où il y avoit cinq cochons, qu'on refervoit pour nourrir en cas qu'on fit quelque habitation. LesEfpagnols remercièrent Dieu de n'avoir perdu que cette barque qui cftoit à la poupe d'un brigantin, & depuis ils eurent foin de marcher en tres-bon ordre* Cependant-les Indiens ne laifferent pas de les fuivre, efperant toujours qu'il y en auroitqux abandonner oient leur rang. Ils ne furent pas trompes dans leur créance. Eflienne Agnez qui avoit l'air 5c la force d'un gros payfan , ic qui s'eftoit rencontré dans tous les combats, fans que par bonheur pour lui il y euft été bleiTe •> voulut comme il eftoit téméraire, entreprendre une choie qui le fift paroiltre i car julqu'a'ors \\ n'avoir rien exécuté de con-fiderablc. Il descendit donc de fa caravelle dans la barque qui eftott à la poupe, Tous prétexte d'aller parler au General quiavançoit à h. telle. Agncz rut accompagné de cinq jeunes Efpagjiols, qu 1! avoir gagnez fur 1 uperance d'acquérir de la gloire par une acrion hardie. Le rils naturel de Don Carlos Henriquez é-tvi: de ce nombre. 11 avoit environ vingt ans, il eftoit très-beau de viiage , &r très-bien fait de la perfonne ; d'ailleurs i\ brave & ii vertueux , qu'on jugeoit facilement de qui il Tt a

eftoit ne. Comme ce Cavalier Se Tes compagnons furent dans la barque, ils s'éloignent de leur caravelle, rament droit aux Indiens, les attaquent criant, donnons, ils fuyent. Le General qui connut cette témérité fit en diligence Tonner la retraite, & les rappeller à grands cris. Mais Agnez s'opiniaftroit de plus en plus , Se faifoit ligne qu'on avançait. Mofcoib irrité de cette defobeïflance commande à quarante Efpagnols de prendre des barques, Se de luy amener cet écervellé. II avoit refoîu fi-tôt qu'il l'auroit de le faire pendre 3 mais il eufl efté plus à propos de n'envoyer perfontie après, Se de le laiflèt malheu-îçufement périr. Si-tôt qu6 le General euft donné les ordres , quarante Efpagnols kuterent dans trois barques fous la conduite de Guiman, qui fut luivy de Juan de Vega , frère d'un autre de mefme nom quicomman-doit une caravelle. Ces barques rament auiïî-toftde toutes leurs forces après celle d'Agnez. Cependant les Indiens qui les conlideroient avancer vers eux à la queue de celle d'Agnez, i e retirèrent doucement pour les éloigner davantage des caravelles. Agnez qui voit reculer les ennemis, s'encourage, s'en approche & crie plus fort qu'auparavant, donnons, ils fuyent. Les autres barques qui l'entendent, fc haftent de plus en plus de l'atteindre > ou

pour l'empêcher de Te perdre , ou pour le recourir en cas de befoin. Comme les Indiens k-s virent près d'eux, ils s'ouvrirent en forme de croisant, & le reculèrent peu à peu pour les obliger de s'avancer davantage. Et lors qu'ils connurent que ces barques eftoient af-Icz engagées, ils les attaquent avec fureur, les prennent en flanc & les renverfent toutes dans l'eau. De forte que de cinquante-deux Eipagnols qui eftoient dedans, il n'en échappa que Moron , Nieto, Coles 8c Terron, les autres furent tous noyez ou aflbmmez à grands coups de rames fur la tefte. Moron (gui eiïoit un grand nageur & fort adroit à gouverner un vailTeau , regagna heureufe-rnent fa barque. Il y tira prefque au mefme temps Nieto , qui la défendit feul vaillamment contre les Barbares, tandis que Moron s'eitorçoit de la conduire. Mais ces braves foldats nonobftant leur valeur & leur adrefïe, eulTent enmi fuccombé fous lefîbrt des ennemis , fi la caravelle de Guiman qui s'eftoit a-vancée à la tefte des autres qui venoient au fecours , ne les euft dérobez à la furie de» Barbares. Cette mefme caravelle fauva Terron • mais il ne fut pas plutôt hors de périt qu'il expira entre les bras de ceux qui l'a-voient tiré dans le vailTeau. Il avoit tant a la tefte qu'au viiage,au cou & aux épaules plus

de cinquante flèches. Coles de qui j'ay pris une partie de cette relation, dit, qu'il échappa après avoir reçu deux coups de flèches, & que les Efpagnols qui périrent en cette occafion eftotent pour la plufpart Gentils-hommes, £: des plus vaillans des troupes. Maicofo en fut auiu touche tres-fenlîblement. Ncan-moins tans perdre cœur, il rafTembfa en diligence Tes caravelles, 3c continua la navigation en tres-bon ordre.

CHAPITRE VII.

fjtour des Indiens dans Uurfays , O" Arrivée des Effxgnels a la mer.

LEs Indiens enfuite de cette défaite , harcelèrent les EfpagHols le refte du jour 5c *ou:e la nuit filtrante , c c e an lever du Soleil , après avoir jette de grands cris, & hit tout retentir du bruit de leurs inftrumens , pour remercier cet Aftrs de la victoire quils a-voient remportée, ils abandonnèrent la pour-fuite des caravelles , & Je retirèrent pleins de joyc dans leurs pays. Car ils en eftoîent éloignez , & avoient luivy nos gens quatre cens lieues , lans leur donner ny jour, ny nrât un feul moment de, repos. Du-

ranfc*cette longue traite, ils nommèrent toù-jours Quiguaitanqui dans leurs chardons , 5e ne parlèrent daucun autre , leurdeiTL-iu citant de faire connoiftre à nos geins que c'eftoit ee Prince qui leur falloir \à guerre. Auiii quand les Efpagnols furent arrivez ait Mexique , Se que Mendoça qui en eftoit Y i-ceroy euft apris les maux que Qutguatfarîqitt leur avoir faits, il les eu rallia & loiiott ce Cacique d'un air qui marquoit ?nue c eftoit rour les jouer.

Comme nos gens eurent reconnu que les Indiens n'eftoient plus à leur queue , ils cru-tTautanC plus facilement qu'ils appro-choient de la mer, que le Chucaeua commen-çoit à avoir environ quinze lieues de large , ii bien qu'on ne décoiïtroit la terre çje codé ny d autre. On voyoit kulement vers l'un de- bords de ce fleuve une quantité de joncs fc , qu'il fembioit que ce fuilent des arbres , &: pjut-eftre que ia vûë ne le trompoit pas. Mais on ne s'en voulut point éciaircir davantage de peur que quittant le fil de l'eau on n'allait donner dans quelques ccueil, Se d'ailleurs | ; ne Iç-avoit encore li l'on

eftoit en mer, ou bien iurle Chucagua. Dans C incertitude nos gens voguèrent trois

jours : eulement j & lequatrime au

matin ils recorjaurent tout à fait la nier, $c

zi(î Hifioire de it Floridel

virent a leur gauche une quantité d'arbres e*-taiîcz l'un lur l'autre , que le fleuve lors que la marée efloithaute portoit a la mer, 8c cet amas de bois paroiiToit une grande Ifle. A de-mv-lieuë de là, il y avoit une Ifle delertc Semblable à celles que font les grandes rivières à leurs embouchures y ainti" lesEipagnols ne doutèrent plus qu ils ne fuflent fur mer. Mais parce qu'ils ne içavoient à combien ils pouvoient eftre éloignez du Mexique , ils résolurent avant que de paiTer outre de viiiter leurs brigantfns. Comme ils virent qu ils n'a-voient beioin d'eftre ny calfeutrez ny radoubez , ils tuèrent dix cochons qui leur refloieur, & furent trois jours à fe rafraîchir. Car ils eftoient abbatus de fatigues Se de ibmmeil, à eaufe des attardes continuelles, que les Barbares leur avoient données tontes les nuits. Pour cette meime railon on n'a pu aulli iça-voir precifement le nombre des lieuè'i, que les Efpagnols firent en dix-neuf jours entiers-8c vingt nuits de navigation furie Chucagua, julques à leur arrivée à la mer. En erret, lors, quon s'entretint de cela au Mexique devant des perfonnes capables d en juger, les uns di-foient que les Chrétiens avoient fait en un jour 8c une nuit 20. lieues, les autres irente» pludeurs quarante , 5c quelques uns davantage. Mais al* iiii ou convint de vingt-cinq

lîcues tant le jour que la nuit,parce que les bii-gantins avoient eu le venc favorable , 5c vogué à voiles Se à rames. Sur ce pied Ton trouva que depuis leur embarquement jufques à la mer , ils av r oient environ cinq cens lieues. Coles en conte quelques fept cens, mais Ton fentiment efl particulier.

CHAPITRE VIII.

Xe nombre des lieues que Les ^ r fArnols firent

dans Li Fleride , & un Cor, kit contre

les Indiens de la Cofte.

LEs Espagnols pénétrèrent dans la Fonde , jufques aux fontaines où le Chucagua prend fa fource. Ce fleuve depuis Aminoia où fe fit d'abord rembarquement à remonter jufques à ces fontaines, cft de trois cens lieues > & de cette Province à la mer , de cinq cens ; de forte qu'il s'étend l'cfnace de huit cens lieues que nos gens firent toutes entières.

Durant les trois jours que les Efpagnols fe. rafraichiffoient, ils virent le dernier jour lur le midy (unir d'un endroit remply de joncs , fept batteauxqui 1 avancèrent vers eux. Il y avoit dans le premier un fort grand & fore noir Indien , d un air tout di&rcnt de ceux

qui habitent au cœur du pays. Les Barbares de la cotte font noirs de la forte , à cauiè que le Soleil y eft plus ardent qu'ailleurs, & qu'ils font continuellement dans l'eau qui eft fallée; car la terre eftant feiche & fterile , il faut quilspefchent pour fubfifter. Comme l'Indien fe fut aflez approché des caravelles, il fe plaça à la proue de ion vaiiTeau, & félon que les truchemens l'aflurerent, il dit d'un ton plein de fierté aux Efpagnols qu'ils eftoient des brigands. Qu'efUce qu'ils venoient chercher fur la cofte y Se qu'ils en fortifient en diligence par une des bouches de Chuca-gua ; qu'autrement il brufleroit leurs brî-gantins, 8c les feroit tous périr malheureufe-ment. Ce Barbare fans attendre de réponfc retourna d'où ii eftoit venu. Cependant les Efpagnols faifant réflexion fur les menaces de cet Indien, & fur ce qu'il envoyoic à tous momens des batteaux les reconnoiftre, ils re-folurent de l'attaquer de crainte qu'à la faveur de la nuit il ne vinftles charger , & mettre le feu aux caravelles, ce qui luy auroir reu'îl plus aifément que de jour , àcaufe de l'avantage qu'il avoit de mieux c onnoiftre la mer que nos gens. Cent hommes entrerentdonc ÎUiS cinq barques , fous la conduite de Nieto &r de Silveftre , Se allèrent chercher les Barbares. Ui en trouTerenc un grand nombre

portez derrière des joncs, avec de bons bat-teaux équippez de toutes chofes. Néanmoins fans s'eftonner ils les in vendirent* donnèrent deflus, en blefTerent plusieurs, en tuèrent dix ou douze , 8c mirent le refte en déroute. Mais la plufpart d'entre eux furent maltraitez , fur tout Nieto & Silveftre. Il y eut aufîi un foliat qui eut la cuilTe percée d'outre-en outre d'un coup de dard , d'environ une brafle de long, que les Indiens tirent avec tant de force qu'ils percent de part en part un homme armé d'une cofte de maille. Le foldat Efpagnol mourut du coup qu'il avoit reçu, parce qu'on luy fit une trop grande incillon pour tirer la pointe du dard, & il eut prefque autant à fe plaindre de nos gens qui le panfoient, que des Barbares qui l'avoient bleiTé.

CHAPITRE IX.

Navigation des Espagnols & Iturs avanturcsi

AVant que de venir au détail de la navigation des Eipagnols, il faut dire la manière dont les Indiens relèvent leurs batteaux quand ils fe renverfent, foitdans la pefche ou dans un combat. Lors que ces Barbares qui

font tres-robuftes & tres-excellens nageurs , voyent un 4c leurs vaiiTeaux lâns deflus def-ious , ils le mettent dix ou douze , plus ou moins après, Se le retournent. Mais parce qu'alors il eft plein dtau, ils luy donnent tous enlembîe lî adroitement trois ou quatre fecouilcs, qu a la dernière ils le vuident tout à fait 8c rentrent dedans. Les Espagnols admirèrent cette promptitude des Indiens à o-fter l'eau des barques, & eilayerent inutile» ment de les imiter.

Lors que nos gens qui avoient eflc attaquer les ennemis eurent rejoint les caravelles, iis s'embarquèrent de crainte de quelque malheur , & allèrent à voile & à rame vers llfle delerte qu'ils avoient vûë aux environs de 1 embouchure de Chucagua. Comme ils y furent abordez , ils mirent pied à terre , ils le promenèrent par tout & n'y trouvèrent rîeri de remarquable. Après ils k retirèrent à leurs caravelles où ils paflerent la nuit, fe le lendemain dés la pointe du jour ils levèrent l'ancre. Un cable le rompit, & il fe perdit une ancre , parce qu'elle n'avoit point de liège. Mais dans la neceflité où ils eftoient de cette ancre, leurs plus excellens nageurs fejet-terent dans l'eau , ou quelque peine qu'ils priiTent, ils ne la trouvèrent qu'environ trois heures après midy. Alors ils le mirent a la

voile

Yoile fans ofer aller en pleine mer; car ils ne fçavoient ny l'endroit où ils eftoient , ny mefme leur route. Perfuadez néanmoins que s'ils rafoient la coïte vers le Couchant , ils ar-riveroient heureufement au Mexique , ils na-vigerent le refte du jour, la nuit fui vante, Se le lendemain jufque fur le foir, & ¦ trouvèrent durant cette traître de l'eau douce> s'eiton-nant que le Chucagua allaft fi loin dans la mer. Enfuite Aniaico prit un Aftrolabe s wafc parce qu'il n'y a voit ny boufïble ny car-te marine ; il rit d'une règle une bouflole Se d'un parchemin une carte marine, Se l'on le gouverna avec cela le mieux que l'on put. Les Matelots qui fçavoient qu'Aniafco n'a-voit pas une grande connoiiTance des choies de la mer, Te mocquerent de luy, Se il jetta de dépit carte 3c bouflole dans l'eau. Le bri-gantin.qui fuivoit les ratrappa, & l'on vogua encore iept ou huit jours, jufques à ce que l'orage força de cagner un petit abry. Après comme le temps fe changea, nos gens navigerent quinze jours & firent aiguade cinq ou fix fois, d'autant qu'ils n'avoient que de petites cruches pour mettre de l'eau. A caufe de cela autïi ; Se parce qu'ils n'avoient .s choies neceflaircs à la navigation, ils n'oferent prendre la traverle pour aller aux Ifljs ny s'éloigner beaucoup de la terre. 11. Part. " Vv

Ajouftez que comme de trois jours l'un ,3 falloir qu'ils fe rafraichifTent, Se qu'aflez fou-vent ils ne trouvoient ny fontaine, ny rivière ; ils creuloient deux pieds dans terre à dix ou douze pas de la mer Se rencontroienc une quantité d'eau douce. Enfin , au bout de ces quinze jours, ils arrivèrent à cinq ou fix petites Mes, remplies prcfque d'une infinité d'oifeaux de mer, qui faiioient leur nid en terre. Us fe chargent de ces oifeaux Se de leurs œufs , Se retournèrent aux caravelles. Mais ces oifeaux eftoient fi gras que l'on n'en pouvoit manger, Se ils fentoient un gouit de marine. Le jour d'après on alla mouiller à une plage qui eftoit fort agréable, à caufe d'une multitude de grands arbres efloîgnez les uns des autres, qui failoient u'ne très-belle foreft. Au mefme temps, des foîdats dèicen-dirent pour aller pefchtr au rivage , Se trouvèrent plufieurs ais de goudron que la mer avoit pouifez au bord & qui pefoient les uns huit , les autres dix , Se quelques uns treize à quatorze livres. JLes Espagnols réjouis d'avoir trouvé ce goudron , à caufe que leurs caravelles faifoient eau les réparèrent toutes. Chaque jour à force de bras ils en tiroienr une à terre , ils la carfeutroient &: la rci toient le foir en mer. Mais afin que le goudron qui cûoic icc coulaft plus facilcnrjn:,

îîs le méîoîent avec de la greiTe de porc, ay-mant mieux l'employer à cet ufage que de la manger , parce que leur vie dépendent de leurs vaifTeaux.

Durant huit jours que les Efpagnoîs Te rafraîchirent dans cette-plage, ils furent trois fois vï-fitez par des Indiens armez d'arcs Se de flèches , & ils en reçurent chaque fois du gros millet. Pour les reconnoiftre de cette faveur nos gens leur rirent prefent de peau de chamois , Se enfuite ils lortirent de cette plage fans s'informer feulement du nom de la contrée , tant ils eitoient fortement préoccupez du deflein d'arriver au Mexique. Ils navige-rent pendant leur route terre à terre, de peur que le vent de Nort qui règne dans toute la cofte , ne les poufTaft en haute mer. Cependant les unss'arrefterent quelquefois deux ou trois jours à pefcher , parce qu'il ne leur re-ftoit pour lubiifter que du gros millet, Se les autres dépendirent de leurs caravelles, & al* lerent chercher des vivres. Ils fe gouvernèrent de la lorte treize jours , Se rirent plulieurs lieues lans qu'ils en pulTent dire pofîtivement le nombre. Car ils n'y avoient fait aucune reflexion, Se n'avoient fongéqu à aborder au fleuve de Palmas, dont ils croyoient n'eflre pas fort loin, cette penfée toute feule les en* courageoit à fouf&ir leurs maux.

Vva

**4 Hiftolre de U Floride^

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CHAPITRE X.

Avanture de deux caravelles.

IL y avoit trente jours que les Efpagnofe eftoient en mer, lors que fur le foir il fc leva un vent de Nort qui força cinq caravelles de s'approcher plus prés de la terre. Cependant l'air fe trouble, le vent s'augmente , & il s'excite un orage furieux. La caravelle de Gaitan Se celle d Alvarado & de Mofquera , qui s'eftoient tenues trop au large , furent cruellement battu de cette tempefte , 5c crurent périr. Sur tout le brigantin de Gaitan faillit à taire naufrage d'un coup de venr, qui fit fauter Je maff. j de forte que ces deux vaii-feaux fe virent en un état déplorable toute la nuit, & prefque aum" tout le jour fuivant, parce que iur le midy ils penferent e-ôre fub-mergez. Et alors appercevant les cinq caravelles qui avoient gagné l'embouchure d'un fleuve quelles montoient , ils tâchèrent trois heures entières à les joindre , mais leurs efforts furent inutiles. Le vent efloit trop impétueux, Se le danger augmentoit de moment à autre. C'ef} pourquoy lans s opinia-ïrer d'avantage y ils allèrent à la bouline le

îe long de la cofte vers le Couchant, fur Tek perance de Te tirer du péril qui les menaçoit. Comme ils eftoient prefque tout nuds, & que les vagues entroient dans les brigantins , ils le trouvoient en grand hazard de perdre la vie. Ils travaiiloient aufli avec ardeur pour fe fauver -, les uns plioient les voiles, les autres vuidoientSe gouvernoientles caravelles, & tout cela fans manger , ny repofer tant la crainte de la mort eftoit prefente à leur yeux* Enfin , après avoir efté 26". heures agitez de cette forte, ils découvrirent encore un peu avant la nuit deux coftes $ l'une blanche à leur droite, & l'autre fort noire à leur gauche. Alors un jeune garçon du brigantin d'Alva-rado, dit, qu'il avoit navigé vers cette code noire fans qu'il en lceuft le nom. Quelle é toit couverte de pierres à fulil , & s'eften-doit iufqu'aux environs de Vera-Crus. Que s'ils tournoient leurs vailTeaux vers cette côte , infailliblement ils periroient tous. Que la côte blanche eftoit de fable , douce, unie , & qu'avant la fin du jour il y falloit aborder , à caufe que fi le vent les jettoit fur la côte noire , ils ne dévoient plus fonger qu'à mourir. Al-varado commande au mejmc temps d'avertir la caravelle de Gaitan de ne pas donner lur la côte noire ; mais les flots s elevoient fi hauts, que les brigantins ne s'appercevoient

Vv *

prcfque point , Se l'on eut de la peine à exécuter cet ordre. Néanmoins comme de fors a autre les deux vailTeaux fe voyoient, la caravelle d'Alvarado lit tant de lignes 3c tarit de cris , que Gaitan conçût ce qu'on luy vou-loit faire Içavoir, & les ioldats convinrent de part & d'autre d'aborder à la côte blanche. Gaitan s'oppofa à ce dcfïcin dans fa caravelle, mais ceux qui laccompagnoicnt luy récitèrent vigoureufement, quelques-uns tteirne avec injure , & luy dirent qu ils ne fourni-roient jamais que cinquante hommes pc-riiîent par fon opiniaftreté. Là delTus, Ls uns mettent la main à 1 epéc > 5c les autres au gouvernail, & porte la prouë du vaifTeau vers la côte blanche , où après beaucoup de travail il donnèrent avant le coucher du So* leil. Auili-tofl que Gaitan connut que la caravelle avoir touche terré, il iauta par la poupe dans l'eau croyant qu'en ces fortes de rencontres c'eftoit le plus leur ; maïs lors qu il revint au defïus de l'eau , il le heurta rudement des elpauies. contre îe gouvernail. Ses fcldats ne iortirent point de la caravelle, que le flot pouffa du premier coup a terre. Enfui* te la vague fe retirant, elle laifla le vaiiïeau-à fec y Se à fon retour elle le battit tellement qu'elle le mit fur le codé. Alors les loidats k jettent dans feau > une partie décharge lai

caravelîe^les uns la prennent d'un colle,les at*-Ères d'un autre ; Se ils font tous iî bien leurde-voir,qu'à la faveur des Rots ils la tirent (ut Le rivage. Aivarado & Môfquera qui a voient échoue à deux portées de moufquet plus loin, travaillèrent auffi avec ardeur I tirer leur b:> gancin a iec, & ils en vinrent hrereuiement à bout. Les- deux caravelles s'envoyèrent aufïi-toft vifîter. Mais comme leurs gens ie rencontrèrent à my chemin , iisfe dirent les uns aux autres leurs avantures, retournèrent les apprendre à leurs camarades , qui après avoir remercie Dieu de les avoir délivrez de péril, ils dépêchèrent en diligence pour iça-voir des nouvelles de Mofcofo , dont ils eitoient en très-grande peine.

CHAPITRE XL

On envoyé vijïter le Gêner.il > &,dé-> coujiir le p47?«

LEs Eipagnols des deux caravelles s'eMar.C aiTemblez quelque peu avant la nuit, convinrent de dé] ers Molcofo pour k.y raconter leurs avantures, vx; auili pour apprendre Je (èf nouvelles,^, fçavoirl'ét. cinq biigancinS qui 1 accompagiioienc. 1

quand ils confidererent que depuis vingt-fix heures ils ne s eftoîent pas rafraîchis, & que pour le rendre auprès du General y il falloir faire treize ou quatorze lreuës cette nuit là par un pays inconnu Se remply. peut-eftre d'ennemis ; ils firent icrupule d'y envoyer aucun de leurs camarades. Quadrado Chara-miila plein de courage & de zèle , voyant cette irrefolution s'offrit d'y aller, parce qu il aymoit pafllonnément Molcolo, & promit ou qu'il mourroit, ou que le lendemain il fe-roit auprès de luy. Que fi quelqu'un le vouloir accompagner à la bonne heure , (mon qu'il iroit ieul. Francifco Mugnos anime par cet exemple, dit qu'il, eftoît preft à luivre Quadrado , 8c qu il perdroit plufloft la vie que de l'abandonner. Les Capitaines des caravelles réjouis de voir le cœur de ces fol-dats , leur rirent au mefme temps donner des vivres, Se ces deux bravesEfpagnols prenant chacun leur épée Se leur rondache, partirent à une heure de nuit. Mais comme ils ne fça-voient pas le chemin qu'ils dévoient prendre, & ils lui virent à tout Lazard le bord de la mer, dans la créance que ç'eftoit la route la plus feure. Cependant leurs compagnons retournèrent chacun à leur brigantin , où après avoir mis des lentinelles 5c s'eilre repofé toute la nuit, ils le raflemblcrent le lendemain ma-

tïn Se choifirent pour chefs d'efquadre Sîl— veftre , Antonio de Porras Se Alonfo Ca-luete. Ils les envoyèrent chacun avec vingt hommes, l'un vers le Midy , l'autre vers le. Couchant, 5c le troiîicmc du cofte du Septentrion avec ordre de tacher à découvrir en quel pays on eftoit, Se de ne pas s'éloigner beaucoup , afin qu'on les puft iecourir en cas de beioin. Les Capitaines qui prirent la route du Nord Se du Midy revinrent aux ca* ravelles, après environ une lieuë Se demie de marche, les uns avec la moine d un plat de terre blanche de * Talavera , Se les autres avec une écuelle de terre peinte,comme on lespeint à Malafla. C'eil pourquoi ils aiTùroient que les endroits du pays qu'ils avoient découverts , eftoient habitez par des Efpagnols, Se que 1 ecuelle Se le plat qu'ils avoient apportez en eftoient des marques infaillibles. Le party de Silveftre qui avoit tiré vers le couchant confirma tout à fait à lbn retour cette nouvelle , aînfi qu'il fe verra maintenant. Silveftre 8c fa troupe s'eitant éloignez d'environ demy-lieuc de la mer , Se avancez au delà d'une petite é-minence> découvrirent un eftang d'eau douce de plus dune lieuë de long. Comme ils ap-perçtirent dans cet eftang quatre batteaux

* VUk d'Efpsgnc»

d'Indiens qui pcfchoient, ils le coulèrent lé long de l'eau un quart de lieue à couvert de quelques arbres, & dans la marche jettent la vue ça & là , ils virent à environ trois cens pas , deux Indiens qui amaffoient du fruic fous un arbre que Ton appelle Guajac* Auîïi-tôt ils le jettent par terre , les uns d'un cofté , les autres d'un autre , & fe traînent fi adroitement fur le ventre , qui fans eftre découverts ils entourent les deux Barbares. Alors ils fe lèvent & courent à eux. Mais malgré toute leur vîtelTe , il s'en iauva un qui fe jetta à la nage.. Les Efpagnol réjouis d'avoir l'autre, reprirent en diligence la route du quartier y de peur que les habitans de la contrée ne s'amafiaflent, Se ne leur fifTent lâcher le butin qu'ils avoient fait. Car outre. l'Indien prifonnier, lis emportoientdeux corbeilles de fruit de Guajac, du gros millet, 8c un coq-d'Inde de Mexique , deux poulies d'Efpa^ne avec un peu de conferve de tiges de Maguey Cet arbre pouiTe des tiges pref-que femblables à des cardons-, 8c qui font très-bonnes à manger, quand elles ont efté expolées au Soleil. Le Maguey fert aux Indiens de la nouvelle Elpagne a faire du chanvre, dit vin, du miel, du vinaigre, ils en font au{ïi du raifîné par le moyen d'une liqueur fort douce que jettent les feuilles en une cei>

taîne £iifon de l'année, Se lors qu'elles tombent de l'arbre. On employé le tronc du Maguey à baftir, mais ce n'eft que dans une extrême necefîîté , & quand il ne fe trouve point d'autre bois. Pour revenir à nos gens, comme ils entendotent que leur Priicmnier n'avoic dans la bouche que le mot de Brecos, 8c qu'ils ne comprenoient pas cette parole, ils luy demandoientpar figne & autrement le nom de la contrée eu ils eftoient. L'Indien qui les comprenoit par le moyen de leurs geftes, mais qui ne leur pouvoit repondre , repetoir inutilement Brecos dans la penfée de leur faire entendre qu'il appartenoit à un Efpagnol,qu'on appelloitChriftopheBrecos. Le pauvre Barbare ie tourmentoit inutilement, puifqu'oubliant le mot de Chriftophe, il n'eftoit pas intelligible à Silveftre ny à Tes compagnons. De forte que de dépit, ils s'em-portoient quelquefois juiqu'à luy dire des injures , Se hafterent leur marche pour rejoindre les caravelles, où ils difFeroientde l'interroger tout à loiiir,& où ils retournèrent heu-•reufement.

*3 a lliftwc de la Floride,

CHAPITRE XII.

Les Efpagols connoiffent qu'ils font au Mexique.

Sllveitrc Se Tes gens trouvèrent à leur re* - tour leurs compagnons dans la joye , à 'caufe des chofes que les deux autres partis a-voienr rapportées de la découverte > mais l'a-legreilc s'auementa à la vue du butin deslol-dats de Si'.vefire. Ce ne fut dans les caravelles aue ckprioîes Se chantons. Chacun ouvrit ion cœur à la joye 5 Se fur tout lors que le Chirurgien cres troupes qui entendoit le langage de Mexique, èe quimelme le parloit un peu, montrant des ci'eaux au Priionnier îrr* dîcn , Se le priant de luy dire ce que c'eitoit, le Barbare répondit Tifelas pour * fixeras. Nos cens qui ouïrent que cet Indien talchoit de parler Efpagnol , ne doutèrent plus qu'ils ne fu fient arrivez au Mexique. Ainîï ils cômthencerent tout de nouveau à le réjouir. Les uns embrafïbient le Prisonnier, & les autres Silveftre avec ies camarades. Ils fe jet-toient à leur cc^ ? les baifoient, les élevoienc

Sf Tixeras, c'eft à dirs des cifcaax en Efpacnol.

"Livre quatrième! ¥}§

fur leurs bras Se faifoietit tout retentir de leurs louanges. Mais enfuite des premiers 'transports , ils demandèrent au Barbare par le moyen du Chirurgien, le nom du pays où ils fe trou voient, & comment s'appelloit le fleuve que le General avoit monté avec cinqbri-pantins. Il répondit que la contrée relevort de Pa:uico , où il y avoit dix lieues par terre» Que le General eftoit entré dans le fleuve qui porte le nom de cette ville, fituée à douze 1 feues de ion •cmboulchure,& qu'à douze au-très , de Tchdrôit cù ils efteient, ce fleuve entroit à la mer. Que pour luy il appartenu it a Chriftophe de Brecos habitant de Panuco. Qu'à un peu plus d'une lieuë du quartier il y avoit un Cacique qui fcavoit lire & écrire > ayant efté élevé par un Ecclefîaftique , qui enfeignoit aux Indiens les principes de la doctrine Chrétienne. Que fi l'on vouloit, il iroit vers ce Cacique qui viendroit en diligence , & les inftruiroitde toutes chofes. Les Efpa-gnols réjouis de cela , redoublèrent leurs ca-reffes envers l'Indien , Se après luy avoir fait quelques prefens 5 ils l'envoyèrent trouver le Caciques, avec ordre de luy faire compliment de leur part, Se d'apporter du papier Se dé l'ancré. Le Barbare fatisfait des Efpa-gnols , (c hafta tellement qu'il retourna en îs d : quatre heures aux caravelles.Le Ca-II. Part. Xx

V?4 Hifieire de la ïlcrUc.

e inftruit de ce qui eftoit arrivjé iur la colle de (a, Province -, vint luy-mefme voir nos gens , iuivi de huit de les lujets chargez de poulies d'Efpagnc , de pain de millet, de huit, 5c de poiiïon. Il eut foin auiïi de prendre de laiïcre & du papier ; car il fe piquait principalement de fçavoir lire Se écrire, & il ctoyoit cela un grand avantage. Des qu i] a-borda les Espagnols, il leur ht prefent des chofcs que Tes huit vaiiTeaux avoient, 5c leur orrnt la maifon avec Ion iervice. Kos gens pourluy témoigner leur reconnoiffance , luy donnèrent des peaux de chamois. Apres ils dépêchèrent vers le General un Indien , avec des lettres où ils luy racontoient leurs avan-tures, Se le fupplioientde leur envoyer les ordres. Le Cacique cependant demeura avec eux .à s'informer des particularitez de leur de-couverte, Se ii prenoit un plaifir particulier a les apprendre. Il s'etonnoi: icuJemcnt quelquefois de voir nos gens fecs, affreux Se fatiguez d'une manière à frire pitié, Se qui mon-troit que durant leur voyage ils avoient horriblement fouilert. Enfuite comme la nuit approcha, il prit fort civilement congé & s'en Tetourna chez luy. Mais le lendemain il revint, & durant cinq autres joursqu on le rafraîchit fur ies terres, il le rendit chaque jour au quartier , Se apporta toutes les fois de

quoy régaler honneftement les Efpagnois,

CHAPITRE XIII.

arrivée des TfptignoU à Pantuo & leur âivifton*

TAndis que ces chofes fe pafToient, Qua-drado & Mugnos marchèrent toute la nuit, &: arrivèrent de grand matin à l'embouchure du Panuco , où ils apprirent que le General Se les brigantins montoient ce fleuve. Ils furent li fort réjouis de ces nouvelles, que ians ie vouloir rafraîchir ils continuèrent leur route , Se ie rendirent promptement auprès du General , qui apprehendoit qne les deux caravelles (t'enflent fait naufrage. Mais l'ar-

: de QaaJ.rsdo dilTipa fa crainte , & )e-joui luivant l'Indien qu'on luy avoit dépéché, luy rendit des lettres dont il eftoit chargé. Elles luy donnèrent beauepup de joye, 5c il répondit a ce qu'on luy écrivoit. Il envoya ordre aux deux brigantins de le venirtrouver à Panuco , où ils lallerent joindre en diligence , & où ils furent reçus avec de grands témoignages d'amitié, aufli bien que leurs camarades. Ils faifoient en tout quelque trois cens hommes : mais ils eftoient en un eftat

. ible, accablez de fatigues, noir?, fées*

Z}6 Mftoire de la Floride]

aftreux , 5c couverts feulement de peaux de vaches de lions , ou d ours; de forte qu'on les euft prefque auffi-toft pris pour des, beftes que pour des hommes. Comme ils furent arrivez., le Gouverneur de Panuco en avertit le Vice-Roy Antonio de Mendoça, qui te-noit fa cour dans la ville de Mexique , à Joi-xante lieues de Panuco. Mendoça au mefme temps ordonna de leur fournir des vivres, oc de les luy faire conduire, après qu'ils le le-roient rafraîchis. Cependant il leur fit envoyer par la confrairie de la charité de Mexique des chemifes Se des fouliers, avec des. remèdes Se des confitures, en cas qu'il y cuit des malades parmy eux. Les Espagnols louant Dieu de ce bonheur demeurèrent dix ou douze jours à Panuco. Mais comme la plufpart eurent connu que les habitans ne fubfiftoient que des choies que la terre produiloit ; que plufieurs ne s'occupoient qu'à planter des. meuriers d Efpagne dans l'efperancc d'avoir de la foye -> que les plus accommodez nour-rifloient feulement quelques chevaux poulies vendre à des Marchands de dehors; qu'ils cftoient tous pauvres, rnal-logez, & le pays milerable ; ils commencèrent à s'affliger d'avoir abandonné la Floride , dont le terroii eftoit tres^fertile, portoit de très-beaux arbres , tk où ils avoient y Ci une fort grande

quantité de fourures de martre, 8c de plusieurs autres animaux. Leur déplaiiir s'aug-mcntoi: encore y lors qu'ils le refTouvenoient dj la multitude des perlas qu'ils avoientvùësj. & de la perïfee dont ils s'eftoient tous Battez y quecliacun d'eux-auroit pu gagner une grande Province dans la Floride. Là delTus i!s: deteftoient leur conduite , qu'ils eftoient dhs lâches de ne s'eftre pas habituez dans ce pays,.. ic d'eftre honteufement venus demander leur vie à des miierables 3 qu'il eu/t eflé ,- Se plus utile &• plus glorieux de mourir dans la-Floride , que de vivre comme des coquins dans le Mexique. Les Eipagnols qui faifoient ces reflexions, avoient corneille de ne pas abandonner la Floride , Ion que l'on délibéra de la quitter. Ainfi le voyant dans là-pauvreté par la faute de leurs Capitaines, qui avoiemr* ies troupes à venir au Mexique , us s V rit avec fureur contre eux ce contre les autres qui avoient appuyé leur¦fentimenf, ils les pourluivent 2 coups d spées y en btëffënt Se en tuent quelques uns; h bien que ces Omcrers Scieurs Compagnons n'oioient paroiihe.. Les habitans de la ville fâchez d'un ïi gi and defor-dre tâchèrent Je i appailer^ mais n'y pouvant reuiîir', Se ladivihons.auçmentar.t de plus-en plus, le ("îouvtrneuren avertit Alendoça. Il y eu: auiTi-toit ordre d envoyer les I.fpagnwi" Xx a

p$$ Hifiûïre de 1% Wride.

dix à dix, Ou vingt à vingt à Mexique^ de faire marcher enfemble ceux qui eftoiënt de même, party , ce qui sexecuta fort exactement.

C H A P I T R E XIV.

Arriice & réception des Efpagwls à Mexique;

LE bruit s'eftant répandu , que les Espagnols qui venoient de la Floride allô Lut à Mexique , les habitans du pays accoururent de tous coftez iur leur route. Comme ils les virent en un eftat pitoyable ,. ils les logèrent & les régalèrent obiigeanment julques à Mexique, Cette ville qui eft une des plus grandes Se,des meilleures du monde, les reçût très-bien;.& il n'y eut prefque point d'hon-n elles gens qui ne leur donnaient des marques de leur bien-vcillance. Cliaramiilo principalement leur témoigna beaucoup d'aif---iStion. Il en logea chez luy vingt, dont il le trouva que * l'un etoit fen parent} il les habilla me:me tous vingt, & leur fournit du linge Se les autres choies neceffaires. Lç Viceroy leur donna auili des marques de la. bonté. Car il vouljt quindiiferemment les fuldats Se les .

* Qu^virado CharaaùUa.

Officiers mangeaifent afa table, fonde fur ce. qu'ayant tous également partagé \ts fatigues de la découverte , il falloit qu'ils euifent tous part aux faveurs qu'il leur falloir. Ce Prince ne fe contenta pas de les traitter, il eut foin encore de les loger dans une de les maifons, 8c de faire diftribuer des habits à ceux qui en avoient befoin -, Se mefme iur ce qu'un Prévoit de Mexique en avoit mis deux en prilon , parce quiis s'eftoient battus,, il ht •publier que déformais aucun juge n'eu il à connoiftre de leurs .dirferens. Il vouloit Iuy-même les terminer^ caufe qu'aymant ces pauvres foldats--, il luv deplaifoit qu'ils recom-mençaiTent leurs vielles querelles. Cependant maigre la conduite-la divifion le ralluma , oc il yen eut quelques uns de tuez. Car la pi ui part enragez de voirleflime qu'on faifoitdes perles Se des fourrures qu'ils avoient apportées de la Floride , fc^giftlils avaient nialheureul.e-ment quitté ces choies pouriuivoientàcoups d'épées ceux qui leur avoient periuadé d'à*» bandonner un Pays ii riche, Les fourrures co effet efloient tres-bclles y .,.Sc quelques ha-bitans de .Mexique s'en parèrent avec joye Se. en doublèrent leurs habita , après avoir ofté le goudron qu'elles avoient amaflé dans les v^ilfeaux.. Enhn ,.. comme ies meutins de-vcuoieiv: . de jour à autre plus infoîcns,

le Viceroy les apaifa par la proméfie qu'il leur fit d'entreprendre le voyage de la Floride , puis quils-avoient tant de deplaifir d'en-eftre fertis. Mendoça eut effectivement dc£ fein d'aller dans ces contrées , fur le r^cic qu'on luy avoir fait des excellentes qualitez du Terroir. Ainfi pour- entretenir une partie djs officiers & des Soldats, qui effcoient de re~ tour de la Floride, il leur offrit aux uns de l'air gent, Se aux autres des charges, tandis qu'il feroit Tes préparatifs-, afin de la conquérir* Quelques-uns acceptèrent les offres de ce Prince, Se les autres les refluèrent, relolus de partir eu diligence pour le Pérou. Un de ceux-cy allant un jour par la ville de Mexique, - habille de fort méchantes peaux, un Bourgeois en eut pitié 3 & luy dit, que s'il ibuhaitoit de le fervir, il luy donneroit de très-bons gages, & le mettroit prés de Mexique dans une de fes mailons, où il pafTeroit doucement la vie. L'Elpagnol luy répondit fièrement qu'il luy failoit les melmes offres , qu'il pofTedoit pluiieurs belles terres au Pérou y Que s-'il vouloir l'y -accompagner, il luy en donneroit une a gouverner,où affeurément il vivroit heureux.. Jeraporte cette petite cir-conftance , pour montrer qu'une partie de* Efpagnols ne iongeoient qua prendre iarou-Câ dj. Pérou. .

CHAPITRE XV

De quelques particuluritcz, du véjagc.

AU retour de la Floride , Silveftre logea dans Mexique chez Salazar., Comme il luy racontoit des parncuiaritez de la découverte , le difc.ours tomba fur le malheur qui avoir penfé arriver la première nuit qu'on s e-toit mis à la voile. * Salazar qui connut par le récit de cette avanture, que c'eitoit Silveftre qui avoft commandé de tirer fur ion vaiffeau , l'en eftima fort y car il diloit qu'il seftoit conduit en homme qui fçavoit très-bien la guerre. Salazar eut effectivement une fi avantageufe opinion de Silveftre , qu'il voulut fçavoir ce qu'il avoit fait durant le voyage , èc il en fut informe avec plartir. Le Viceroy & ion fils Francisco de. Meiidoça > apprirent auiîï avec beaucoup de fatisfaction la fertilité du terroir de la Floride , les coutumes de fes habitans ,.leurs loix contre les adultères , la generoiltc de Mucoço , Se les actions de fermeté & de courage des Indiens, Ils s eftonnoient d'entendre parier des riche!-

*wV. i :.c. 7.

£\l Hiflbire rc la Ptèridè,

fes du Temple de Talomeco, & la quantité de perles qu'il y avoir. La conduite -de la Dame de Cofaciqui , & lnonnefteté du Cacique Coca les charmoit. Ils efloient iurpris du recir de la bataille de Mauvila, de la fidélité du Lieutenant gênerai d'Anilco , Se de la ligue des dix Caciques y qui avoient fi cou-rageufement poiirfuivi nos gens. Ils écou-toient avec admiration les grandes chofes que Ferdinand de Soro avoir exécutées. Mais la mort dans le temps qu'il efperoit de faire reùtfir Ton entreprife » les toucha lenfible-ment. Et lors qu'H fedrent cm'il avoir refohi de leur envoyer demander (ecours, ils blâmèrent Molcofo &r fes Capiraines de n'avoir pas continué les dciTeins. lis proteitoient qu'ils les eufTmr affifté en diligence, 8c qu'ils euf-fent mené des troupes juiques à l'embouchure du CLucagua. Que rrtefme fi l'on vouloit retourner dans la Floride , ils eftoient prcfls d'y aller avec une Àrmee. Mais comme il le va voir, ceux qui en efioient revenus ne. (buhait-reiit point de les y accompagner,

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C H A ? 1 T R E XV î.

Tfttffdg ' j. ituient.

APi é> que nos ptns fe furent rafraîcnts a Mexique , ils fe coniuiiireiit en cette force. Àïïiafço, Gaitan, Gallego, Gardehîoiâ> Tinocoj Caldtron, & quelques autres reprî* rçat la route d'Efpagne, Ils aymerent mieux mener une vie pauvre Se, tranquille dans leur pays, que dciire riches en Amérique > où ils ••oient h;;> de pîçueurs ; ou ils avaient fert de grandes rati&ues Se perdu malheu-feulement leur fortune. Figueroa s : en retourna à !a mailon de Ion père. P'uhcurs fe igipn à L'exemple de Quadiado Çbararruilo, q le faînt Fran-

çois , où il mourut (es actions de

pietc. Q : eiirent dans la nou-

velle Efpagnc avec Mofcofb , qui époufa à Mexique une Demoilelie de qualité Se de beaucoup de biens, qui eftait fa parente. Les autres le retirèrent au Pérou ; ils y lcr-virent fl en braves folJars, dans la

guerre qu clic e«t contre Giron &. Piçarre , : des richeiïes 8: de la réputation. Mais ils ne purent jamais obtenir au-

cune diitribution ou département d'Indien* ; ce qu ils auroLnt facilement eu dans la Floride.

CHAPITRE XVII.

Ce que fort Maidonadû & Arias pour apprendre des nouvelles de Scto.

POur acheverl'hiftoirc de la Floride , il ne refte plus que de parler de Maldonado , qui fur la fin de Février de l'an 1540. fut envoyé aux- Havanes vers Bovadîïla. Soto en l'y dépêchant , luy ordonna de fe rendre l'année d'après au port d'Âchuilî avec Arias , Se d'y amener des vaiiTeaux chargez de vivres, de munitions Se de beilaih, qu'il s'y trouve-roit dans le temps qu'il luy marquoit. Maldonado exécuta ponctuellement les ordres da Gzn eral,il fejoignit avec Arias dans les Havanes , où ils achetèrent enfcmble trois navires, Se les chargèrent auffi-bien qu'une caravelle & deux brigafitïns , de toutes les choies nc-cefïaires à une cftabliffement. Enfuite ils Je mirent à la voile , Se vinrent heureufement mouiller au port dAchuffi. Mais parce qu'ils tt'y rencontrèrent point le General, l'un courut la coffce vers l'Occident, Se l'autre vers

l'Orient

l'Orient pour en apprendre quelques nouvel-ks 5 laiiTant toujours où ils abordoienc <ies lettres aux creux des arbres , dans leC •quelles ils témoignoient qu'ils cherchoient Soto. Us fe gouvernèrent ainfijulques à ce que lç mauvais temps approcha, qui les fit retirer aux Havanes, ians avoir apris aucune chofe» Néanmoins ils ne perdirent pas pour cela courage, ils fe remirent au Printemps en mer, l'un rafa la cofte de Mexique , & l'autre alla jufqu'aux terres de Bacallos. Mais comme ils ne purent rien découvrir , ils reprirent la route des Havanes , d'-où ils partirent fur le Printemps de l'année 1 $43. refo-lus de périr , ou de fçavoir ce qu'eftoit devenu le General. Ils arrivèrent dans ce del-fein , 5c après beaucoup de fatigues à Vera-crus environ la mi-Octobre. Ils y apprirent îa mort de Soto , avec celle de la plufpart de leurs compagnons ; & aufla-tôt ils retournèrent aux Havanes, où ils racontèrent à Ifa-belle de Bovadilla le malheur de fon mary. Elle en fut fi fenfiblemcnttouché, qu'elle ne putreliitcrà fon deplailir , & perdit la vie quelques jours après cette facheufe nouvelle.

II. Part. Y y

; 4.6* lîifoire de lu Floride 1 !

CHAPITRE XVII L Cbreftiens morts dans U Floride.

POnce de Léon équippa trois grands vaif-feaux en l'année i 5 13. 8c aborda avec environ cent hommes fur la colle de la Floride j où lis Indiens les défirent tous. AiJlon fuivi de plus de deux cens, y eut ie mefmc malheur que Ponce» Narbaez y périt avec quatre cens. Ferdinand de Soto y mouru: auili, & plus de fept cens de ceux qui raccompagnèrent. Si bien qu'à compter depuis le commencement de la découvcrte.jufqif a l'arrivée iieMofeolo au\icxiquc,il eft mort dans la Flo-] ide plus de quatorze cens.Chrétiens , fans parler de quelques Eccleiuinqucs & de plu-ficurs Religieux, tous gens iiluilres par leur vertu. Les noms de ceux dont j'ay pu avoir coinoiiTance, font Dionyiio de Paris, Diego de Vagnucios, Francifco de Rocha, Rodrigo de Gailcgo , Franc.ilco Delpolo , Juan de Torres , luan Gallego, Louis de Soto 5c Cancel Balbaibo.

Environ leize ans après la mort de Bal-baftro,trois Jefuîaes pafTerent dans la Floride, & comme à leur arrivée, il y en eut un de tue,

Tes compagnons fe retirèrent promptement aux Havanes. A deux ans de là , huit autres Religieux de la Compagnie dejeius, entreprirent le meJrne voyagej & menèrent avec eux un Cacique. Mais avant que de rien dire de leur avanture • il me iemble necelTairc de raconter comment ce Cacique eftoit venu en Efpagne. Pedro Melendez depuis 15^3. juiqu en 6%. alla trois fois à la co&ï de te Floride , pour en chaflér des Corfaires François , qui pretendoient s'en rendre maîtres. Il amena de ces contrées^la leconde fois iept Indiens de leur bon gré, qui efloient armez d'arcs Se de flèches. Si-toft qu'ils furent arrivez en Fipagn.e, Melendez leur rit prendre -ia route de Madrid , dans la vue de les pre-Tenter à Philippe II. Cependant celuy qui m'a donné cette hiltoire demeurant alors eu Caiïille , fut averti que des Indiens de la Floride prenoient le chemin de la Cour , Se il les alla joindre en diligence. D'abord pour leur faire voir qu'il avait efte dans leur pays , il leur demanda par le moyen dé leur truchement s'ils cftoient de Vitachuco, d'Apalache, ou de Mauvila; Se qu'il voudroit bien !ça-voir des nouvelles de ces Provinces. Les ' Barbares connoiflant que cet Rfpagnoî eftoit un de ceux qmavoientfuivi Soto, commencèrent à le regarder avec hîerté. Se luy r.rpeui-

V y *

'248 Hiftoire deUVÎoriie.

dirent qu'il fe railloit de s'enquérir des lieux que luy & Tes compagnons avoient malheu-reufement defolez. Ils ne repartirent rien davantage, & dirent feulement entre eux qu'ils le perceroient plus volontiers à coups de flèches , qu'ils ne luy apprendroient ce qu'il fouhaitoit. Et là-deflus deux de ces Indiens tirèrent en l'air, Se rirent connoiftre par là qu'ils auroient bien mieux aymé tuer 1 Efpa-gnol que de perdre inutilement leurs coups. Ces Indiens furent baptifez en Efpagne , où quelque temps après ils moururent tous hormis le Cacique, lequel fafché de la mort de fes compagnons, demanda à s'en retourner avec promelTe de travailler à la converfïon des habitans du pays. Les Jefuites qui vou-loient aller dans la Floride, l'entendant parler de la forte, crurent qu'il ferviroit puifTam-ment au delTein qu'ils avoient. C'efl pour-quoy ils le menèrent avec eux , &c arrivèrent avec beaucoup de fatigues fur les terres. Comme ils y eurent efté quelque temps, il les quitte fous prétexte d'aller à un bourg voilîn qu'il leur nomma, pour y difpofer les Peuples à écouter la parole de Dieu; leur promettant qu'au plus tard il feroit de retour dans huit jours. Ils l'attendirent quinze, enfuite ils dépêchèrent vers luy deux de leurs compagnons qu'il fit maffacrer» Et le jour fuiyant il vint

îuv-mejme a la relie d'une troupe d'Indiens, fe jetter fur les autres. Les bons Pères qui les virent avancer tout en furie & les armes a la main., fe mirent à genoux, & reçurent tous la mort. Les Barbares aufll-toft fe mirent les uns à gambader , Se les autres à rompre un coffre où eftoit un Crucifix , avec quelques ornemens pour dire la Meffe , & ils s'en moquèrent avec infolence. Les noms desjeiukes qui furent tuez par ces Indiens, fontBautiita Segura , Louis de Qiiiros, Bautifta Mendez, Grauicl de Solis, Antonio Cavallos/Chri-ftouai Redondo, Grauic-1 Gomes, Pedro de Linares. Ces Religieux aulTi bien que les autre? dont j'ay parle , perdirent la vie dans la Floride , au mcfme temps qu'ils fc préparèrent a y prèfchetl'Evangile* C'eftpourquoy leur mort demande vengeance à Dieu , ou pluitoft miiericorde ; afin que les Peuples de ces contrées qui font dans les ténèbres, ioient un jour éclairez des lumières de Iafoy$& que leur terre arrofee du fang des Çhreftiens, porte des fruits qui répondent à la fainteté d'un fang fi augufte.

Tin de U dernière Ttiïiie*

Table des Chapitre;, chap. 12. Soto arrive aux Havanes. 37

chap. 13. Rencontre de Ferdinand Ponce aux Havanes. ( 40

LIVRE SECOND.

Chap. 1. Arrivé* de Ferdinand de Soto d.i

Floride. 46

chap. 2. Mort de 3. LJpagnols, 6~ les tourmens que fou frit fuan Ortis. f ~>

chap. 3. Orf/'j/2- fauve. 5 >

chap. 4. Cenerofuédu Cacique Mucoço. . $7 chap. <. Le Général envoyé demander Ortis. Gc chap. 6". Rencontre d'Ortis CT de Gallcgo. 64 chap* 7. Mucoço vient voir le General: 67 chap. 8. La mère de Mucoço vient au Camp. 69 chap. 9. Préparatifs pour avancer -dans le pays. 72

chap. 1 o. Suite de la découverte, 7$

chap. 1 1. Difgrace de Porcallo. 77

chap. 12. Relation de Gallego. 80

chap. 13. fajfage du marais. 82

chap. 14. Silveftre porte les ordres du General • a Mofcofir. 8r;

c\\z^. i<>. Retour de Silvcftre. 90

chap. i G. Province d'Acuera. 93

chap. 17. £wm* de; Efpagnols dans la Province d'Ocalj. 9f <chap. 1 3. Pm'mt de VitachucQ. 1 o l

Table des Chapitres, chap. 19. Le frère cTOchilé vient au Camp, & envoyé vers Vitachuco. 1 Cy

chap. 20. Arrivée de Vitachuco. 1 10

chap. 21. Suite de l'entreprife de Vitachuco. 11 s chap. 22. Déroute des Indiens, 117 chap. 23. Refolution des Indiens & leur fort ie de Veftangf. 12 1 chap. 24. Mo;? </f Vitachuco. 127 chap. 25. Suite de la mort de Vitachuco. 13 o chap. z6. province d'OjJachilé. 134 chap. 27. De la ville & de la ma-ifon du Cacique OJJacbilé , & des Capitales des autres Provinces. 136" chap. 28. L'Auteur prévient quelques difficultés. 13 8 LIVRE II L

Chap. 1 - Arrivée des trouppcs enApalâché, r4 i chap. 2. Pajfage du marais. 144

chap. 3. Marche des Efpagnols jufques à la

Capitale. 14^

chap. 4. Oh #4 recor.mifrc le pays. 1^2

chap. f. Découverte de la cofle. 1 $4.

chap. tf. P4rfx *fc trente lances pour la Province

d'Hirriga. l6 °

chap. 7. P rife de Capafi. 1 &7

chap. 8. Capafi va pour réduire fesfujets & fc

- Table des Chapitres, chap. 9. Suite de la marche des trente lances. 174

chap. 10. Continuation du ïkfages des trente lances jufiju''à Hirriga. 179

chap. 1 1. Arrivée du party d'''Hirriga. 1 ? $ chap. 11. On exécute les ' ordres du General. 190 chap. 13. Ce qui fe paffa aux environs d'Hirriga en l'abfence de Soto. 1 9 1 chap. 14. Départ de U ville d'Hirriga. 194 chap. 15. Suite de la marche deCalderon , & fin arrivée au Camp. 198 chap. i<T. Découverte de la cofie. 204 chap. 17. On envoyé aux Havanes une relation de la dé couve rte. 209 chap. i3. Hardiejfe d'un Indien. 21 1 chap. 19. On s offre de conduire les Espagnols en ¦ des endroits ou Von penfe qu y ily a de l'or & • de l'argent. 213 chap. 20. De quelques combats particuliers & de la fertilité d'Apalaché. 2 ï $

LIVRE IV.

Chap. 1. Départ d'Apalacbé. 220

chap. 2. Arrivée dans la Province d'Alt af ah a & ' d'Achalaqué. 224

chap. 3. Du Cacique de Cofa & de fa Province. 11? chap. 4. Cofa ci qui reçois les Efpagnols. 229

Table des Chapitres. ci&ap. f. Avanture d'un Indien. 23.3

chap. 6". Marche des troupes. 23c

chap. 7. £idte <fr ce qui fe pajfa dans le de-

fert 24c

chap. 8. Succez, des Capitaines envoyez, à la

découverte. 243

chap. 9. Arrivée du General en Qefaciquiavec

la découverte du pays. 24^

chap. 10. Conduite de la ¦ Dame de Qofa-

ciqui. 249

chap.. 11. L'armée fajfe le fleuve de Cofa.-

ciqui. 253

chap. 12, Oh envoyé vers la mère de la Dame

de Cofuciqui. 25^

chap. 13 Mort du Seigneur Indien avec le retour

des envoyez,. 258

chap. 14. Métal quon trouva en Cofiici-

cûii. 2 62

chap. 1 5. Temple oh Von enterre les principaux

habit ans de Cufaciqui. z6\

chap. 16. Defcription du Temple de Talo-

meco, 166

chap. 17. Départ de Cofaciqui, avec ce qui

arriva dans la marche jufques a Chouala.

273. chap. 18. Generofité de la Dame de Cofaa-

qui. 177

chip. 19. Ce qui arriva aux troupes dans le

TABLE

DES CHAPITRES De la féconde Partie.

LIVRE. PREMIER.

Chap. i. /"** Omme les Caciques de Gua-

\^À c/jçtilé , CT xl'Iciaba reçurent les

trouves. i

chap. z. Manière dont les Indiens tirent les perles de leurs coquilles. 3

chap. 3. Réception des hfpagnols dans les Provinces d'Acc/fé C? de Coca, 7

chap. 4. Honefleté du Cacique Coça , & départ des troupes. 10

chap. f. De quelle manière Tafcaluca reçût k General. 14

chap. 6", Découverte d'une trabifn dans Mau-vila . 18

chap. 7. Refclution du cohfcil du Quelque, avec le commencement de la bataille de Mauvila. zz

chap. 8.

Table des Chapitres,

chap. 8. Suite de la bataille de Mauvila. 26

chap. 9. De quelques particularités touchant

la bataille. 3 S

chap. îc. Eslat des Efpagnols après la bataille.

chap. 11. Indiens morts à la bataille, 39

chap. 12. Conduite des troupes après la batailie t

avec la mutinerie de quelques foldats. 42 chap. 13. Des femmes Indiennes adultères. 47 chap. 14. Entrée des EJpagnols dans la Province

deChicaça. 52

chap. 15. Bataille de Chicaça. ç 6

chap. 16. Ce que firent les EJpagnols après la

bataille. 6z

chap. 17. Invention centre le froid. 65

LIVRE SECOND.

Chap. 1. Attaque du fort Alibamo. f>j

chap. 2. A fort de plufieurs FJpagnols faute de

chap. ^. f es troupes arrivent en Chifca, & font

la paix avec le Cacique. ~\

chap. 4. Ce qui arriva aux EJpagnols depuis

C.hifca jufques a Cafquin. 79

chap. <;. VroceJfion ou l'on adore la croix. 82

chap. ri, Marche des troupes vers Capaha. 8f

chap. 7. De for are que les Cafquin s firent d.vis

le temple de Capaha y avec la pour•fuite du

Cacique. -9

Zz

Table des Chapitres^ chap. S. Les Cafqutns fuient, & Soto fait la

paix avec Capaha. 93

chap. 9. Paix entre Cafquin & Capaha. 97 chap. ic. Les E/pagnols envoient quérir dtêfel,

& vont à la Province de Quiguate. 101

chap. 11. Les troupes arrivèrent k Colima, elles

font du fel & pajfent a Tula. 1 04

chap. 12. Des habuans de Tula. 105)

chap. 13. Combat d'un Indien contre quatre

Fjpagnols. 112

chap. 14. Départ de Tula avec le quartier

d'hiver des troupes en Utiangue. 115

chap. iç. Stratagème du Cacique dtUtiangne ,

avec la déroute de la Province de Nagua»

tcx. izo

LIVRE III.

Chap. :. Entrée des troupes en Naguatex. 11 z chap. 2. Fuite de Gufman. 124

chap. 3. De la Province de Guacane. 128

chap. 4. Marche des troupes vers la Province d'Anilco. 130

chap. <;. De Guachoia, de Jon Cacique & de ta guerre des Indiens. 133

chap. 6. Vengeance de Guachoia. 137

chap. 7. Retour du General à la ville de Guachoia , avec [es préparatifs pour le Mexique. 141 chap. 8. Mort de Scto. 144 chap. 9. Funérailles de Scto» 146

Table des Chapitres.

chap. 10. Fefolution des troupes, après la mort de Leur General. 149

chap. 11. Superflition des Indiens. i$i

chap. 12. Arrivée des Efpagnols a Anche, avec la mort de leur guide. 153

chap. 13. Ce qui arriva dans la Province des Vachers. 155

chap. 14. Retour des FJpagnols vers le Chuca-gua avec leurs aventures. 160

chap. 15. Les troupes s emparent d'Aminoia.

170

chap. 16. Conduite de deux Caciques envers les EJpagnoIs. 172.

chap. 17. Ligue de quelques Caciques* 17c

chap. 18. Querelle de Guachoia & du Lieutenant d'Antlco. 178

chap. 19. D'un FJpion Indien. 181

chap. 20. Préparatifs des Caciques liguez,, avec un débordement du Chucagua. i8f

chap. 21. On envoyé vers Anilco. \ SS

chap. 22. Conduite des Ejfagnols durant le débordement , avec la nouvelle de la continuation de la ligue. i^i

chap. 23. Des envoyez, de la ligue , avec les préparatifs des Efpagnols pour s'embarquer.

LIVRE IV.

Chap. r. Capitaines de Caravelles > avec rembarquement des troupeu 197

Table «les Chapitres, chap. 2. Barques & radeaux des Indiens» 199 chap. 3. Vaifjcaux de la flotte des Caciques

liguez.. 203

chap. 4. Combat des Indiens fnr l'eau. 205 chap. 5. Avamure des Ejpagnols. 207

chap. 6. Stratagème des Indiens , & témérité

d'un EJpagnoL 210

chap. 7. Retour des Indiens dans leur pays , &

arrivée des Ejpagnol s a la mer. zi^

chap. 8. Le nombre des lieues que les Ejpagnols

firent dans la Floride, & un combat contre

les Indiens de la cosle. 21 7

chap. 9> Navigation des Ejpagnols & leurs

av amures. 213^

chap. ic. Avantures de deux Caravelles. 224 ] chap. 11. On envoyé vtftter le General , &

découvrir le pays. 227

dhap. 12. Les Ejpagnols connoijfent qu'ils font au

Mexique. 252

chap. 13. Arrivée des Ejpagnols à Panuco &

leur divtjïon. 2,3 c

chap. 14. Arrivée & réception des Espagnols a

Mexique. 238

chap. i). De quelques particularités du voyage. 241 chap. 16. Les Ejpagnols fe dtbandent. 243 chap. 17. Ce que font Maldonade & Arias

pour apprendre des nouvelles de Soto. 244 chap. i3. chrétiens morts dans la Floride. 2 a S F I N.

La Bibliothèque Université d*Ottawa Echéance

i

The Lit! |{( Université^ Date

a39003 0095 1 16 k 2b

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Notes

  1. Capuchin A Catholic friar.


Text prepared by:



Source

Cable, George Washington. "Posson Jone'" and Père Raphaël: With a New Word Setting Forth How and Why the Two Tales Are One. Illus. Stanley M. Arthurs. New York: Charles Scribner's Sons, 1909. Google Books. Web. 27 Feb. 2012. <http://books. google.com/books?id=bzhLAAAAIAAJ>.

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