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taffS'fj fait assez connaître que c'est à un éveil**"*;'* nement désastreux auquel il a échappé, qu'il doit
de voir aujourd'hui la lumière.
Recueilli sur les bords du Mississipi, quelques
jours après le naufrage du navire à vapeur '
I'Hécla, naufrage occasionné simultanément par
l'incendie du bâtiment et l'explosion de ses chau-
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dières, il fut retiré d'une malle échouée sur le rivage et trempant encore dans l'eau, dans un tel état d'avarie, que plusieurs pièces étaient indéchiffrables
Aidés de la sagacité de nos amis et d'une pièce trouvée dans la malle sauvée des eaux, nous avions cru reconnaître l'auteur, habitait de la Nouvelle-Orléans. Averti par nous, et invité à faire retirer son manuscrit, il nous répondit que cet ouvrage n'était « ni à lui ni de lui. »
Forts de cette dénégation, et suffisamment autorisés, suivant nous, par l'ancienne loi des Épaves, . en vertu de laquelle les propriétaires riverains peuvent s'emparer des débris des naufrages portés par le courant sur les bords des rivières, ou jetés par les vagues sur les rivages des mers, nous avons, sans scrupule, pris possession du manuscrit que nous offrons au public, en prenant ici l'engagement de le restituer à l'auteur, si le suc*
PRÉFACE. m
ces de son ouvrage peut l'engager un jour à se révéler au monde.
Après cette explication préliminaire que nous avons cru nécessaire de donner au lecteur, nous bornerons ici notre rôle d'éditeur, et nous laisserons parler l'auteur dans une préface qui devait précéder don ouvrage, et que nous ne pouvons donner en entier, vu son état d'avarie qui ne permet d'en lire que des fragments.
« Quant au sujet traité dans la première partie de cet ouvrage, dit Fauteur, hélas! c'est l'amour, encore l'amour, l'éternel amour, ce dieu si vieux, et pourtant toujours si jeune et si nouveau I Nous en recommandons la lecture aux jeunes gens seulemeut; et pour augmenter le nombre de nos lecteurs, et élargir le cercle que nous traçons, nous comprendrons dans cette catégorie, et quel que soit le nombre de ses années, tout homme qui sent encore battre son cœur à la vue
d'une femme passable, dût-il n'éprouver une sensation pareille qu'à l'aspect de ces protubérances voluptueuses que l'art des peuples civi-lises a dérobées aux belles Hottentotes et aux dames du Monomotapa.
« La deuxième partie contient une traduction libre, en vers, d'une grande partie des épigrammes de Martial. Cet auteur, traduit plusieurs fois en prose, ne Ta jamais été, je pense, d'une façon satisfaisante. Une édition de ses œuvres, publiée il y a peu d'années par M. Panckoucke, et sortie de la plume de M. Mangeartet de deux savants professeurs, MM. Verger et Dubois, ses collaborateurs, a sans doute atteint toute la perfection que l'on pouvait raisonnablement attendre d'une version en prose; mais plus elle a de mérite sous certains rapports, et plus elle confirme cette assertion : qu'un poëte ne peut être traduit qu'en vers.
« Celte opinion fut toujours la mienne, et elle
me laissait une assez grande latitude quant à la façon dont j'ai jugé convenable d'exécuter cette entreprise.
« Cette façon n'est pas un mystère : après une lecture attentive, bien pénétré du sens de Fauteur, je me demandais comment,
SU ressoscilail de nos jours, Martial,.si malin toujours, De notre goût prompt à s'instruire, • En vers français pourrait traduire Ces épigramrties qu'aux Romains Il décochait en vers latins?
« C'est dans cette situation que je me suis placé pour écrire. J'avouerai même que j'ai quelque-fois altéré le sens de l'auteur pour lui donner une allure plus française; et que je n'ai pas hésité, dans quelques rencontres, à imiter M. Daru qui, dans son Horace, n'a pas craint de traduire le grenier par la cave, et cela très judicieusement, selon moi, puisque nous mettons à la cave
ti PRÉFACfe.
les vins que les Romains mettaient au grériièi 4 j irinsî : "'• ,vl
Lorsqu'à dîner chez un Romain, Le maître disait à l'esclave : Mont* au grenier chercher du vin , Nous disons ; descends à la cave.
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« An reste, comme les épigrammes latines sont imprimées en regard du français, on pourra ju-gèr jusqu'à quel point f ai usé de là liberté que je me suis donnée, et avec quel soin j'ai tâché
d'éviter le reproche si souvent, et avec tant de raison, adressé aux traducteurs : Tràduttore, Traditore , traducteur, Trahisseur.
« On verra qu il m'est arrivé quelquefois, mais rarement, de substituer ma pensée à celle de Martial, surtout dans quelques passages où les plus savants commentateurs ne sont pas d'accord en-tre eux.
« Cette traduction a été faite sur l'édition Ad usum DelphinL Le choix des épigrammes a été
PRÉFAfCE. tu
fait judicieusement et avec soin, et quant au nom» bre de celles qui composent ce Recueil, on le trouvera très considérable, si Ton veut dégager le gros volume qui contient les œuvres de Martial du bagage qui l'encombre. En effet, si nous en retranchons les notes explicatives, les commentaires, plus considérables que le texte, les épigrammes obscènes, qui ne pouvaient trouver place ici, toutes celles qui ne contiennent que de basses adulations adressées aux empereurs, les livres xhi et xiv qui ne traitent que des sujets çlénués dç toute espèce d'intérêt pour un lecteur français; si nous en ôtons, enfin, un index extrêmement volumineux, ouvrage qui n'a pu émaner que du cerveau d'un moine reclus, pour tromper les heures de la solitude, et charmer les ennuis de la cellule, on se convaincra facilement que la traduction en vers que nous donnons au public, contient près des deux tiers des œuvres du poète lajin.
vin PRÉFACE.
« Un écrivain moderne, ce sont ses expressions, . autant qu'il m'en souvienne, disait, en parlant d'une traduction sortie de sa plume : « J'ai mis tant a de perfection à cet ouvrage, que je pense que le « désespoir de faire aussi bien, arrêtera quiconque « serait tenté de marcher sur mes traces. »
« J'ai moins de présomption, et loin de désespérer les concurrents,je les appelle au combat. Je jette mon gant dans l'arène; puisse-t-il être relevé! et si les efforts de mes rivaux sont couronnés de succès, c'est de moi qu'ils recevront les premières félicitations et les premiers applaudissements. »
LES ÉPAVES.
PREMIERE PARTIE
ŒUVRES DIVERSES.
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LES EPAVES
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ÉPITRE A
Objet divin, que l'amour a formé Pour propager son culte et sa puissance. Toi, qui m'as vu tremblant en ta présence, Pour ton bonheur tendrement alarmé, Cacher les vœux de mon cœur enflammé,
O , daigne en secret sourire
Aux doux accents que ta beauté m'inspire ; Et quand l'amour t'élève jusqu'aux cieux, Laisse, en prenant ton rang parmi les dieux, Cette rigueur et cette humeur sévère, i.
— 4 —
Vrais attributs d'une beauté vulgaire;
Et souviens-toi, qu'au sein de leurs grandeurs,
Les immortels reçoivent sans colère
Les vœux ardents qu'offrent d'un cœur sincère
Les plus obscurs de leurs adorateurs.
Je ne viens pas, dans mon ardente ivresse, Tremblant, hélas ! de troubler ton repos, Te fatiguer du récit de mes maux; Mais par pitié pour ma tendre faiblesse, Ah! puisses-tu recevoir sans dédain Le pur encens présenté par ma main !
Ma folle muse, avant de te connaître, Sur tous les tons préludant tour à tour, Jamais, hélas ! n'avait connu l'amour ! Mais aujourd'hui ce dieu devient mon maître, Comme il le fut autrefois d'Apollon( 1 ) f Lorsque ce dieu dans un riant vallon Devint épris d'une beauté champêtre.
Jusques alors, aimable paresseux, A ne rien faire occupé dans les deux, Le dieu du jour vécut dans l'ignorance : Dès qu'il aima, les arts prirent naissance.
Tu sais comment ce dieu par Jupiter (') Du haut des peux se vit précipiter :
A son malheur il venait réfléchir,
Et qu'il rêvait au moyen de fléchir
Le dieu qu'avait irrité sa folie,
Il aperçut parmi d'épais roseaux,
Une bergère assise sur la plage
Qui souriait à la charmante image
Que sa figure imprimait sur les eaux.
O temps heureux ! les ormeaux et les chênes.
Belles, alors vous servaient de boudoirs ;
Et vous trouviez de fidèles miroirs
Dans le cristal des lacs et des fontaines !
En admirant l'effet de ses appas,
Du dieu soudain la nymphe entend les pas :
Pâle, tremblante, elle tourne la tête ;
Le beau rêveur au même instant s'arrête ;
Son cœur palpite, et depuis ce moment,
Son âme éprouve un secret mouvement.
En la voyant, il rougit, il soupire :
11 veut parler; mais, las! timide amant,
Sa faible voix sur ses lèvres expire.
Alors devait commencer son tourment; Mais, trop heureux, dans son brûlant délire, Il oubliait et l'Olympe et les dieux ( 4 ). Dans les transports de son amour extrême De son exil il s'applaudissait même :
— « —
Dans ce désert il retrouvait les deux.
O combien il fut heureux,
S'il ressentit ce que mon cœur éprouve! Lorsqu'on t'a vue, être en exil, hélas! C'est habiter les lieux où tu n*e£ pas, Et le ciel est partout où l'on tç trouve, Eh ! quel mortel, pour toi brûlant d'amour, Aux habitants du céleste séjour
O , pourrait porter envie !
Pour ton amant l'Olympe est dans tes yeux,
Ton sein d'albâtre est pour lui l'ambroisie;
Et les baisers de ta bouche chérie
Ne sont-ils pas le nectar précieux
Qui donne aux dieux une immortelle vie !
Mais en voyant ce superbe étranger,
Nymphe timide, et même un peu cruelle,
Tu juges bien de ce que fit la belle :
Elle s'enfuit; en un pareil danger,
C'est ce qu'eût fait, je crois, la moins rebelle.
Le dieu du jour, jusqu'alors sans talent, Pour adoucir cette beauté sauvage, Créant des vers l'harmonieux langage, Devint poëtè en devenant amant. Pour soulager son amoureux tourment, En vers touchants il peignit son martyre, Unit sa voix aux accords de sa lyre,
— 7 —
Et fit, au bruit de ses'tendres chansons. Gémir Écho dans les sombres vallons. On vit alors la triste Philomèle, Pour écouter ses langoureux accents. Faire silence, et suspendre ses chants. A ce récit de sa peine cruelle, Autour de lui tout parut s'émouvoir ; De ses accords tout sentit le pouvoir ; Tout s'attendrit, jusqu'au cœur de sa belle.
Au même prix pour mes tendres amours,
O , je n'ose pas prétendre ;
Du dieu la nymphe écoutait les discours; Et je ne puis de toi me faire entendre.
Ah! lorsqu'à peine, hélas! j'ose à tes yeux Faire éclater mes transports amoureux, De tous mes feux dévoilant le mystère, Irai-je donc au milieu des forêts, Par mes aveux provoquant ta colère, Dire ton nom aux échos indiscrets ? Ou bien, rempli d'un espoir téméraire, Me préparant d'inutiles regrets, A tes regards me verra-t on paraître, T interrogeant pour connaître mon sort, Forcer ta bouche à prononcer, peut-être, L'arrêt cruel qui hâtera ma mort ?
— 8 —
Non, non, gardons, dans ce doute funeste, Gardons plutôt une trompeuse erreur : L'incertitude encore, au moins, me reste, Et c'est, hélas ! dans mon affreux malheur, Un fil encore qui pour Pinstant arrête Le glaive aigu suspendu sur ma tête.
Combien de fois j'ai voulu sans détour T'instruire, au moins, de mon timide amour ! Mais quand je veux vaincre ma résistance, Et rompre, enfin, un pénible silence,
O , dis-moi quel dieu rival,
En m'accablant d'un ascendant fatal,
Trompe l'effort de mon âme étonnée,
Et malgré moi tient ma langue enchaînée ?
Je veux parler : aussitôt dans mon sein (*) Un feu subtil coule de veine en veine. Je n'entends plus, et respirant à peine, En te voyant je m'arrête incertain. Un voile épais te dérobe à ma vue; Je veux en vain surmonter les terreurs Que tu répands dans mon âme éperdue ; Pâle, sans voix, je frissonne et je meurs ; Et tel on voit un guerrier intrépide, Au seul aspect de la fatale égide, Se transformer soudain en un rocher ; Tel, foudroyé par ton œil homicide,
— 9 —
Je sens qu'au sol mes pieds vont s'attacher, Et je ne puis te fuir, ni t'approcber. Dans le chagrin, hélas! qui me dévore, À mes malheurs un seul manquait encore : Pour mettre, enfin, le comble à ma douleur, Bientôt j'apprends, ô funeste nouvelle Qui fait encore frémir mon triste cœur ! Bientôt j'apprends par un ami fidèle^ Qu'un ordre, hélas! pour moi trop rigoureux, Doit sans retard t'éloigner de ces lieux : Que tout est prêt pour ce fatal voyage, Et qu'un vaisseau par Fulton inventé ( 6 ), Par ton Mentor dès longtemps affrété, Doit te porter sur un lointain rivage.
Alors, en proie à mes chagrins amers,
De t'arrêter, par d'ardentes prières,
Je conjurai le puissant dieu des mers ;
Mais d'autres dieux, hélas ! m'étaient contraires !
Bientôt Éole, échauffé par Vulcain ( 7 ), De sa prison force les murs d'airain. Ces dieux qu'unit une rage commune De mille bras font mouvoir les ressorts; L'onde frémit, et leurs puissants efforts Domptent les flots et maîtrisent Neptune ( 8 ). En vain ce dieu, des coups de son trident Veut seconder les efforts du courant -
— 10 —
Cédant, enfin, vaincu par la fortune, En frémissant, au sein des vastes mers, De ses douleurs il porte l'amertume, Pousse son char entre des flots d'écume, Et de vapeurs blanchit au loin les airs.
A ses rivaux quand il cédait l'empire, Mes yeux, hélas! suivaient avec dépit Les longs sillons que ton léger navire Traçait, vainqueur, sur le Mississipi ; Et quand, perdu dans la foule attentive Des spectateurs assemblés sur la rive, Tourné vers toi mon regard amoureux Sollicitait de pénibles adieux, Tu secondais mon imprudente envie,
O , le souffle de ma vie;
Et mille traits échappés de tes yeux, En m'atteignant parmi la foule obscure, Ont de mon cœur irrité la blessure, Et signalé ton départ de ces lieux.
Dans les combats, ainsi, toujours le Scythe Lance en fuyant un trait empoisonné Sur le guerrier à le suivre obstiné Que trop d'ardeur entraîne à sa poursuite. Mais ton vaisseau déjà fuyant au loin, Disparaissait comme un léger nuage ; Moi, pour pleurer ton départ sans témoin,
— 11 —
En m'éloignant du fatal rivage
Je t'envoyai sur les ailes des vents
Les tendres vœux, les soupiré, les serments
D'un cœur, hélas! qui t'aime sans partage!
En te perdant, quels furent mes regrets, Et mes chagrins, et mes ennuis secrets! Dans les transports de ma douleur extrême, De mes malheurs j'accusai tous les dieux ; L'amour encore plus coupable à mes yeux( 9 ), Devint l'objet d'un insolent blasphème : Contre le ciel follement indigné, Dans mon dépit rien ne fut épargné ; Contre toi seule, en mon humeur farouche, J'ai vu la plainte expirer dans ma bouche.
L'amour par moi tant de fois encensé,
Prenant pitié de mon affreux délire,
Ne punissait que d'un malin sourire
Les vains transports d'un courroux insensé !
A peine l'ombre a banni la lumière, Que Cupidon pour adoucir mes maux, Au dieu Morpbée empruntant ses pavots, Livre au sommeil mon humide paupière ; Et m'enlevant sur son aile légère : Viens, me dit-il, en prenant son essor, Je vais t'ouvrir le temple de Cythère.
— 42 —
Dans ce lieu seul tu connaîtras ton sort. Là, de Vénus une docte prêtresse Connaît des dieux les éternels décrets ; Et peut toujours dans une sainte ivresse, De l'avenir dévoiler les secrets.
De Cupidon le séduisant langage Interrompit le cours de ma douleur; Et dans la nuit qui régnait sur mon cœur, L'espoir, enfin, brillant sur mon visage, Sembla l'éclair Réchappant du nuage.
Déjà, déjà, mon guide, cependant Dans les élans de sa course rapide, Laissant au loin les bords de l'Atlantide, D'un vol hardi franchissait l'Océan.
a
Du haut des cieux à peine je contemple Le mouvement de ce vaste univers, Cythère, au loin, s'offre au milieu des mers : Déjà je suis introduit dans le temple.
Dieux! quels tableaux en ces lieux j'aperçus! L'amour, lui-même, a de couleurs fidèles Peint les héros que ses traits ont vaincus. Là, ses larcins et ses ruses cruelles ( 10 ) Sont retracés sous cent formes nouvelles ; Mais le premier de ces tableaux du dieu Qui dès l'abord se présente à ma vue,
— 13 —
C'est le Désir, soupirant, l'œil en feu,
Du sanctuaire occupant l'avenue.
Là, je vous vis, infortuné Médor,
Tomber mourant dans les bras $ Angélique
Combien m'émut votre destin tragique!
Que je donnai de pleurs à votre mort!
Plus loin, Héro, cette amante si tendre, En vain aux dieux redemande Léandre : Les dieux cruels n'écoutent pas ses cris ; De son amant bientôt, hélas ! l'aurore Offre à ses yeux les restes si chéris Flottant au gré des vagues du Bosphore ("). À cet aspect, de mes yeux attendris Des pleurs, hélas ! allaient couler encore, Quand j'aperçus un autel révéré (") Où l'on voyait briller le feu sacré. Devant l'autel, aux tableaux de tristesse, L'Amour avait sous ses légers pinceaux Fait succéder des scènes de tendresse : Là, Jupiter se jouant sur les eaux ( 1S ) , Heureux vainqueur, par une ruse insigne, En empruntant le plumage d'un cygne, Pressait Léda sur un lit de roseaux. Parmi des fleurs d'une vie immortelle, Dont cet autel sans cesse est parfumé, Paraît le Temps dans un cercle enfermé ("). Rien ne l'arrête en sa marche éternelle ;
*
— 14 —
En vain Phébé qui préside à la nuit ( 15 ), Sur un char d'or par un cerf entraînée, D'un de ses traits hâtant l'heure qui fuit, Presse le dieu d'abréger la journée : Le Temps fidèle à la loi du destin ; Malgré les vœux de la déesse altière, D'un pas égal poursuivant sa carrière, Règle sa course en frappant sur l'airain. A ce signal la sévère prêtresse A mes regards apparaissant soudain, Secrètement me conduit par la maip Vers le réduit qu'habite la déesse. Ciel ! que devins-je en ce sombre séjour ! Ses soins jaloux et sa perfide adresse De cet asile avaient banni le jour Sous les replis de cent voiles funèbres Qui de l'enfer défiaient les ténèbres.
a Viens, me dit-elle, et que le moindre bruit « De mes travaux ne vienne me distraire. » Alors, trois fois, du pied frappant la terre, Elle invoqua le Silence et la Nuit : La Nuit qui traîne avec soi le mystère, Et la Frayeur qui tremble et qui s'enfuit, Et maint Fantôme, enfant de la Chimère( 16 ), Qu'en nos cerveaux l'obscurité produit.
Sur le trépied la sibylle s'élance
- 45 —
Pleine du dieu qui subjugue ses sens; Alors j'entends un horrible silence, Et je frémis de l'arrêt que j'attends. Mon âme en vain par l'amour enflammée, Dans cet instant d'audace s'est armée : Un noir frisson dans mon cœur a passé, Et tout mon sang de terreur s'est glacé.
« Écoute-moi, me dit-elle, en délire, « Je vais parler; la déesse m'inspire : « Depuis l'instant qu'aux rives de Cythère « Elle reçut l'hommage de la terre, « Jamais objet plus beau, plus gracieux « N'avait paru sous la voûte des cieux. « Telle, au-dessus d'une vague écumante, « On vit Vénus s'élever triomphante, « Telle apparut à l'univers ravi
« Ta sur le Mississipi.
« Les dieux charmés brûlèrent à sa vue,
« Et de plaisir la terre fut émue :
« Les feux d'amour ont sillonné les airs,
« Un long soupir a parcouru le monde,
« Et brûlant même au vaste sein des mers,
« Les dieux marins ont tressailli sous Tonde.
c Toi qui languis, captif infortuné ,
« Depuis longtemps à son char enchaîné,
« De ton destin quel que soit le mystère,
« Crains plus encore une affreuse lumière,
- 16 —
a Fidèle gmant, le plus tendre retour « Est en secret le prix de ton amour ;
« Mais » à ces mots la muette sibylle
Sur le parvis est tombée immobile ; Elle gémit, et le temple à l'instant A retenti de son gémissement.
Je vis alors sur la rive infernale
Le noir Caron et sa barque fatale (") ;
Non loin, la Parque arrêtant ses fuseaux ("),
Ouvrait déjà ses funestes ciseaux,
Alors, alors, je t'ai vue
Pâle, mourante, alarmée, éperdue; Mais, las! bientôt quel fut mon désespoir, Quand près de toi je crus apercevoir Un assassin, disciple d'Hippocrate, Le fer en main, s'avançant à la hâte ! Non loin , un char de crêpe environné, De blancs festons autour était orné; Et deux oiseaux de funeste présage, En composaient le sinistre attelage.
Dans cet instant, je fus ton seul recours ;
Ton œil mourant implorait mon secours :
De l'univers, alors, abandonnée,
Par le destin tu semblais condamnée ( l9 ).
Dans ce péril, mes sens appesantis
D'un long sommeil tout à coup sont sortis,
— 17 —
Et pour sauver une tête chérie, Impétueux , je m'élance et m'écrie ; Et du docteur trompant le noir dessein, Je détournai soq glaive de ton sein. Toi, rappelant ton âme fugitive, Pour éviter les coups de l'assassin, Entre mes bras tu te jetas craintive.
Quels doux liens t'y retinrent captive ! Combien les dieux jaloux de mon bonheur M'ont envié ce moment enchanteur ! Ah ! comme, alors, doucement embrassée. De noeuds étroits tu fus entrelacée ! Moins fortement le lierre tortueux Presse l'ormeau de ses bras amoureux.
Lorsque, la nuit, dans un songe pénible, Un spectre affreux nous présente la mort ; Si notre bras, enfin, par un effort, Petit terrasser ce fantôme terrible ; Grands Dieux ! alors, quel baume le réveil Répand soudain dans notre âme éperdue ; Et quel transport, quelle joie imprévue Vient succéder aux horreurs du sommeil !
Déjà la peur n'oppressait plus ton âme , Déjà l'amour laissait luire sa flamme ; Heureux prodige ! Effrayés par mes cris,
a
Les noirs oiseaux au loin s'étaient enfuis ; Je ne vis plus ni Caron, ni sa barque, Ni les ciseaux de l'homicide Parque. Cythère, alors, ce fortuné séjour, Retentissait*des hymnes de l'amour; Mais quand, chassant ces images funèbres, Ton doux souris, ton regard enchanteur Comblaient les vœux de ton libérateur, Le jour, hélas! bannissant les ténèbres, Et dissipant une si douce erreur, A vu s'enfuir ce trop heureux mensonge, Et cet éclair de ma félicité ; Et quand mes maux ont tant de vérité, M'a disputé jusqu'au bonheur d'un songe ! Un songe, hélas ! ferait-il concevoir Pour l'avenir un téméraire espoir ? Va, ne crains rien, ô beauté trop cruelle, L'affreux réveil, hélas ! m'a tout ôté ; Et d'un vain rêve il ne m'est rien resté, Rien, que mon amour fidèle !
Mais, quelque jour, si se laissant toucher
Par les tourments d'une amoureuse ivresse,
Non oublieux d'une sainte promesse,
Au désespoir ton cœur vient m'arracher,
Pour conserver à jamais la mémoire
De cet instant qui doit combler mes vœux,
Je veux bâtir un monument' pompeux
- 19 -
Qui consacrant mon amour et ta gloire, Rappellera mon heureuse victoire Aux souvenirs de nos derniers neveux. Tel un guerrier désormais sans alarmes, Dresse, vainqueur, un trophée éclatant Sur le terrain encore baigné de sang Où la victoire a couronné ses armes.
^
A L , en lui envoyant LE LIT.
t&^XtG»
Au lieu d'une préface Que personne ne lit, Reçois la dédicace De mon lit ;
Mais ne crains pas, ma chère Que j'aille dire ici Tout ce que l'on peut faire Sur le lit.
Ce secret, sois en sûre, Demeure enseveli Dessous la couverture De ton lit.
PRÉFACE DE L'ÉLÉGIE LE LIT.
AUX DAMES.
Ne portez pas un œil sévère Sur un ouvrage inoffensif, Et, dans votre feinte colère. N'allez pas me brûler tout vif. Avant d'en faire la lecture, Songez bien, je vous en conjure, Que vous voyez à l'Opéra, Sans que votre pudeur murmure, Ëlsler danser la cachucha.
Ces danses de l'Andalousie, Où vous la voyez se mouvoir Avec autant de frénésie, Sauraient bien mieux, je le parie,
— 22 —
t
Vous troubler et vous émouvoir. Que ma prose et ma poésie N'en auraient jamais le pouvoir.
r aurais couvert de voiles sombres Les traits hardis de mes crayons; Mais le soleil, nous le voyons, Perce toujours les vaines ombres Que l'on oppose à ses rayons.
Dans ses douces convulsions Si j'ai dévoilé la nature, Daignez écouter mes raisons, Et servez-moi de cautions Si quelque prude me censure.
D'abord, l'Amour, cet innocent, Par vos beaux yeux, mesdames, jure Qu'il vous plaît mieux sans vêtement ; Et Vénus même, on le prétend, N'est pas moins belle sans ceinture.
Si les peintres les plus fameux
Dans tous les temps ont sur la toile
Représenté l'Amour sans voile,
Moi, qui suis peintre aussi bien qu'eux,
Dites-moi, pourquoi ne pour rai s-je
User du même privilège ?
— 23 -
Sur les tableaux voluptueux De ces illustres personnages Si vous arrêtez vos beaux yeux, Vous pouvez lire mes ouvrages; Mais lisez bas et sans témoin ; Et les plus amoureuses scènes Ne vous paraîtront pas obscènes Quand les profanes seront loin.
Alors, au lieu des terreurs vaines Que vous inspiraient mes écrits, Une céleste et douce flamme Embrasera vos cœurs épris, Et fera passer dans votre âme Tous les transports que je décris; Mais si ne se pouvant défendre D'un mouvement trop sensuel, Honteux de se laisser surprendre Par un sentiment un peu tendre, Contre moi votre cœur cruel Veut lancer un arrêt mortel, Ne me jugez pas sans m'entend re : L'Amour est le seul criminel ; C'est ce perfide qu'il faut pendre.
LE LIT.
O toi, meuble charmant, asile du mystère.
Sur qui repose en paix celle que je révère,
Temple de la pudeur et de la volupté,
O lit, puisque jamais les bardes n'ont chanté
Les attraits que les dieux t'ont donnés en partage,
Chantre de la mollesse et de l'oisiveté,
D'un injuste silence, en t'offrant mon hommage,
Que je sois le premier à réparer l'outrage.
Puisse ma lyre, ainsi, s'illustrent à jamais,
Célébrer dignement tes insignes bienfaits.
Pour les dieux, même avant l'origine du monde, Tu fus de doux plaisirs une source féconde. Et lorsque Jupiter. Plutôt), Neptune ou Mars
— 25 —
Couraient de Cupidon les amoureux hasards, N 'étais-tu pas toujours le commode théâtre Que ces divinités choisissaient pour s'ébattre? Et la postérité pourra-t-elle oublier Que tu favorisais le plus tendre mystère, Dans ce jour mémorable où le dieu de la guerre. Retenu par Vulcain dans un réseau d'acier, Sur le sein de Vénus demeura prisonnier ( M )?
C'est sur toi que Jason, ce séducteur habile ( M ), En attestant les bois, les antres de Lemnos, Pour prix Se ses faveurs, en partant pour Cholchos, Promit la toison d'or à la belle Hypsipile ; Et ce héros connu par mille exploits divers, Qui de monstres affreux ont purgé l'univers, Alcide enfin, cédant à son ardeur trop vive, Sur tes coussins reçut des lois de sa captive, Et laissa quelque temps respirer les pervers. Thésée, humble vainqueur, que sa rage abandonne, S'unit, pour t'écraser, à sa belle amazone; Et souvent même Atride, ennuyé des combats, Avec sa Chryséis foulait tes matelas.
Mais aux faibles mortels s'il faut enfin descendre, Après avoir parlé des héros et des dieux, O lit, est-il un homme, au cœur sensible et tendre, Qui n'ait à^chaque instant, des grâces à te rendre ! Vois ces jeunes époux, au comble de leurs vœux :
— 26 —
C'est toi qui cimentas leurs légitimes nœuds. C'est toi que leur enfant, en ouvrant la paupière, Apercevra, d'abord, en voyant la lumière.
Nos membres fatigués, après de longs travaux, Ne trouvent qu'en ton sein les douceurs du repos. Sans toi, la nuit, encore, une humide litière
*
Nous recevrait au fond d'une froide tanière,
Repaire ténébreux des plus vils animaux.
Le mortel fortuné cherche ton sein tranquille,
Et le malheur toujours y trouve un sûr asile.
Le roi même soupire après la tin du jour,
Pour laisser à tes pieds son sceptre et sa couronne,
Et déposer sur toi tout l'ennui que lui donne
Le fastueux éclat d'une importune cour ;
Et quand le laboureur descend de la montagne,
A peine il a fini le plus simple repas,
Que frissonnant d'amour sa modeste compagne,
En étalant sur toi ses rustiques appas,
A des travaux plus doux que ceux de la campagne,
D'une amoureuse voix l'appelle entre tes draps.
Le débiteur pensif, couché sur une oreille, Sur tes coussins moelleux enfin vient oublier L'homicide rasoir de l'avide usurier. Son chagrin avec lui paisiblement sommeille: Même, il va, grâce à toi, payer son créancier. L'espérance déjà dans son cœur se réveille,
-- 27 —
Et son esprit bientôt prenaut un libre essor, Il rêve, ô douce erreur, qu'il ramasse un trésor.
Le feu seul de ton sein ranime les malades ; Et Ton rit en voyant qu'un ignorant docteur Hardiment attribue à ses breuvages fades La santé qu'on ne doit qu'à ta douce chaleur.
Ainsi, soit que le mal ou l'adverse fortune Sur nous viennent poser une main importune, Ministre bienfaisant de la divinité, Tu rends au malheureux l'espoir et la santé. Si tu donnes, la nuit, un abri nécessaire, Ton usage, le jour, n'est pas moins salutaire ; Et l'ardeur de ton sein souvent d'un feu nouveau D'un esprit languissant ralluma le flambeau.
Eh ! qui ne connaît pas ces hommes de génie Qu'enfantèrent jadis la Grèce et l'Ausonie? De la raison, du goût, ces oracles certains, Philosophes, rhéteurs, historiens, poètes, Des Muses, d'Apollon fidèles interprètes, Composèrent sur toi leurs ouvrages divins.
Oui, célèbres auteurs et de Rome et d'Athènes, Sophocle, Cicéron, Ovide, Démosthènes, Anacréon, Tibulle et vous, tendre Sapho, De vos écrits fameux un lit fut le berceau.
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Ce philosophe, enfin, que produisit Abdère, Dans ses réflexions toujours enseveli, Epiant la nature à l'affût sur un lit, De ses secrètes lois dévoila le mystère. Virgile était couché quand il chanta Daphnis, Amaryllis, Didon et le bel Alexis. Ainsi, ton ombre, ô lit, a produit la lumière Dont nous voyons briller tant d'illustres écrits.
Autrefois, les Romains, ces véritables sages, T'ont fait servir encore à de plus doux usages : Toujours, près de la table aux heures des festins, On te voyait placé chez les joyeux Latins. Là, témoin complaisant des scènes les plus vives, Tu prétais tes coussins à d'amoureux convives ; Et pour d'heureux amants, ou de tendres époux, Les plus ardents baisers, pris à la dérobée, D'autres plaisirs encor, s'il en est de plus doux , Des repas les plus longs abrégeaient la durée.
L'antiquité, dit-on, plaça sur ses autels,
Et vil associer aux honneurs immortels
Cet homme ingénieux qui de sa main savante,
Construisit le premier ta légère charpente ;
Et de nos jours encor, qui n'admirerait pas
De tes membres unis la solide structure,
Quand, gémissant parfois, sous de pesants appas,
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A peine tu réponds par un léger murmure. Aux plus rudes assauts, aux plus tendres ébats !
Mais les combinaisons des plus heureux génies Ont fait un tout parfait de toutes tes parties. Des corps les plus pesants pour affaiblir l'effort, IjSl plume au fond du lit offre son doux ressort, Qui cède et qui résiste ainsi qu'un sein pudique Que presse en fléchissant la baleine élastique. Tu t'élèves plus haut, toi, l'âme d'un bon lit, Solide matelas, dont le flanc se remplit De ce crin végétal dont les masses touffues Flottent dans nos forets, aux arbres suspendues.
Meuble divin, pourquoi ne décrirais-je pas Ces fissus éclatants couvrant tes matelas ? Et cette riche étoffe aux superbes bordures, Aux regards indiscrets dérobant tes souillures ; Et ce lin transparent éteignant la splendeur Des coussins où le pourpre a laissé sa couleur ?
Chez les peuples anciens, l'argent, l'or et l'ivoire, L'écaillé diaphane et le nacre brillant Que le luxe dérobe au liquide élément, De décorer ton bois se disputaient la gloire. De nos jours l'acajou du sol américain, Aux simples ornements de ton architecture,
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Au ciseau permettra de mêler la sculpture Recouverte avec art par l'or et par l'airain.
Pour tempérer du jour la lumière trop vive Et l'éclat importun des nocturnes flambeaux , La beauté surannée ou la pudeur craintive Inventèrent, dit-on, tes modestes rideaux O timides beautés, qu'un tendre amour embrase, Combien voit-on encor accroître votre ardeur, Quand à l'éclat du jour un rideau protecteur Oppose l'épaisseur de son rempart de gaze !
Pour garantir ses dieux des rayons du soleil, lie peuple égyptien, dans ses bizarres fêtes, De nos dais somptueux ignorant l'appareil, D'un chapeau couronnait leurs vénérables têtes ; Mais ce peuple bientôt pour ses divinités, Dans Canope inventa les premiers canapés.
C'est alors que le luxe exerçant son génie, De nos ameublements a créé la folie. Sur ce meuble élégant un bras d airain tendu, Tient un cercle léger au centre suspendu, D'où le brillant tissu du lin et de la soie En festons ondoyants s'étend et se déploie.
De là nous est venu cet art qu'on ignorait, D'unir, de séparer, de réunir ensemble,
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Sur ces lits somptueux drapés par Seigneuret, Vingt tissus différents qu'un même nœud rassemble.
Ces honneurs qu'en Egypte on réservait aux dieux, Rome les accordait à ses hommes célèbres ; Et quand ces fiers vainqueurs, dessus leurs lits funèbres Portaient vers le bûcher leurs restes précieux, Les colonnes du lit supportaient à leurs cimes Des ennemis vaincus les dépouilles opimes.
Ainsi, ton sein, ô lit, de l'enfant au berceau Reçut les premiers pleurs, vit le premier sourire ; ' Et lorsque le vieillard sur tes coussins expire, Tu l'escortes encor aux portes du tombeau. Enfin, pendant le cours d'une frêle existence, Le malheur en ton sein retrouve l'espérance.
Souvent, la nuit, vers l'homme accablé de douleur. Il descend de ton ciel un songe séducteur, Qui d'un sort rigoureux fait oublier l'outrage, Et d'un bonheur prochain vient offrir le présage.
Objet divin, ô toi qui me vois sans retour, A ton char, en esclave enchaîné par l'amour; Toi dont le souvenir, de mon âme embrasée, Devient le charme unique et la seule pensée; Toi dont le nom si doux, en secret prononcé, Chaque jour, mille fois sur mes lèvres expire.
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Et par ma main ici ne sera pas tracé ; Toi, seul objet enfin, pour lequel je respire, Dans des songes charmants, à mes sens enchantés, Par le dieu du sommeil sans cesse présentés, Depuis longtemps, ma vie aux larmes condamnée, Par la douleur, hélas ! eut été terminée ! Mais d'un dieu bienfaisant le magique pouvoir M'accorde, chaque nuit, le bonheur de te voir.
Ton cœur sans crainte alors, cessant de se défendre, Tu souris aux serments de l'amour le plus tendre; Et ta bouche aussitôt, par mille aveux charmants, Vient me faire oublier un siècle de tourments ; Mais lorsque ta pudeur cédant à mon ivresse, Jç presse de mes bras ta taille enchanteresse, Dans mon délire, hélas! parmi tant de trésors, Que l'amour si souvent peignit à ma pensée, Et qu'un rêve a placés sous ma main abusée, L'excès de mon bonheur modérant mes transports, De mon sein , de ma bouche, alors, à peine j'ose Presser ton sein de neige et ta bouche de rose. Mais bientôt sous ma main je sens battre ton cœur : Nos amoureuses voix forment un doux murmure ; Et ton heureux amant qui doutait du bonheur, Aux feux de tes baisers s'anime et se rassure.
Si les songes, pourtant, ces fantômes légers, Offrent à notre esprit des tableaux mensongers,
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Aussi, combien de fois, infaillibles oracles, Ils ont, des immortels fidèles messagers, D'un avenir obscur annoncé les miracles !
Oh ! Grecs infortunés! depuis longtemps vos dieux Dans des songes, dit-on, présentaient à vos yeux D'affreux ruisseaux de sang coulant dans vos campagnes, De féroces soldats égorgeant vos compagnes ; Et dans vos temples saints, sans pudeur violés, Vos rêves laissaient voir vos vieillards immolés.
O vierges de Scio,' colombes gémissantes ! Oui, les accents plaintifs de vos voix innocentes Des rives du Bosphore, hélas ! ont retenti Jusqu'aux bords arrosés par le Mississipi ! (")
Mais les gémissements de l'enfance égorgée, Et ceux de la pudeur par le vice outragée, Ne pourraient-ils toucher ces farouches vainqueurs ! Quoi ! cet île autrefois par Vénus protégée, Four la faux d'un barbare aurait produit ces fleurs ! Non, non ; quand du désir les impudiques flammes Consumaient sans remords le cœur de ces infâmes, Et que d'esclaves vils les indignes troupeaux, Déjà dans le harem pour les plaisirs du crime, Sur de riches tapis entassaient les carreaux ; Quand chacun des tyrans choisissant sa victime, Fondait, cruel vautour, sur ces faibles oiseaux :
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Pour punir ces Tarquins, aux vierges de la Grèce La pudeur a prêté les armes de Lucrèce.
En vain, fiers Musulmans, pour sauver ces hou ris, Votre pitié perfide et se hâte et s'empresse : Le sang de ces cœurs purs inonde vos tapis. Et rougit les coussins que de lâches complices Vous avaient préparés pour d'autres sacrifices.
Et vous, fils de Cadmus, d'Hercule et de Jason,
Hellènes généreux que le monde abandonne,
Quoi ! de vos ennemis le nombre vous étonne !
Où sont donc tous les dieux de votre Panthéon ?
Neptune, Jupiter, le vainqueur de Python,
Et Mars, ce dieu terrible, et la fière Bellone
Qu'adoraient vos aïeux aux murs du Parthénon ?
—Les dieux !... ils ne sont plus; tous les hommes célèbres
Reposent froidement dans leurs tombeaux funèbres.
— Eh bien donc ! de leur tombe évoquez vos héros;
Que l'ombre de Thyrté précède vos drapeaux ;
Marchez ; vos ennemis fuiront devant la cendre
De votre Miltiade et de votre Alexandre.
Qu'il soit votre recours, cet Alexandre, et non
Ce Pygmée accablé du fardeau de son nom.
AU MOQUEUR.
Charmant oiseau, dont le savant ramage Sait imiter par des accents divers, De mille oiseaux qui peuplent le bocage, Les doux accords et les brillants concerts.
Lorsque ta voix mélodieuse et pure Vient enchanter les plaines et les bois; Ou se mêler à Tonde qui murmure, Je sens ravir tous mes sens à la fois.
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Comme le mal qui circule en nos veines Cède aux vertus d'un buume bienfaisant, Ainsi, toujours mes chagrins et mes peines Sont suspendus ou guéris par ton chant.
Pour imiter les airs que tu soupires, L'art des mortels ferait de vains efforts ; Les séraphins pourraient seuls sur leurs lyres, Rivaliser tes sublimes accords.
DISCOURS DE RÉCEPTION
CHANTÉ DEVANT UNE ACMÉIH QUI N'A BU QINJSB DURER ÉMtlÈlB.
Air : Du Rictii du Peuple.
Fondateurs de l'Académie, Vous, qui dans ce pays nouveau. Et des beaux-arts et du génie Voulez allumer le flambeau, Aux indigènes d'une terre Pour qui l'étude a tant d'appas, Montrez ce qu'ils ne savent guère, Et ce que vous ne savez pas.
Que tous les arts et les sciences. D'un même père heureux enfants,
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Par vous chéris sans préférences, Se disputent tous vos instants. L'éloquence et la poésie, D'Esculape l'art tout divin, La musique et l'astronomie Trouveront place en votre sein.
Mais, surtout, que la modestie, Avec ses airs faux et discrets, De tous vos ouvrages bannie, Reste au fond de vos cabinets. Àh ! qu' une noble confiance S'empare de tous vos discours; Le vrai cachet de la science, C'est de parler de tout, toujours.
S'il s'agit de'littérature, En donnant votre jugement, Que la louange à la censure * Vienne se joindre adroitement ; Et répondez à l'homme étrange Qui pourrait blâmer vos arrêts : Monsieur, j'ai du goût comme un ange, Et je ne me trompe jamais.
Professez-vous la médecine ? Rien n'est plus aisé que cela : Vous connaissez tous la vaccine,
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L'émétique et le quinquina. Si quelque belle a la jaunisse, De carmin frottez ses appas ; Mais si c'était toute autre chose, ( u ) Alors ne vous y frottez pas.
Enseignez-vous l'astronomie ? Expliquez bien pourquoi, comment Le soleil et sa bonne amie Se boudent douze fois par an. Peignez cette volage épouse Suivant le soleil pas à pas, Très-infidèle et très-jalouse, Comme les femmes d'ici-bas.
Oui, c'est encore à votre école
Qu'on apprend le secret certain
De captiver ce dieu frivole
Qui tient une bourse à la main.
Aux poursuivants de la fortune
Prouvez, calculateurs fameux.
Que deux piastres valent mieux qu'une,
Et que trois valent mieux que deux.
Comme Orphée avec une lyre Voulez-vous descendre aux enfers, Ou comme Arion en délire Sur un dauphin courir les mers?
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Vous avez un secret unique Pour atteindre ce noble but, Et ce secret, c'est la musique, Sol, ut, ré, mi, fa, ré, mi, ut.
Lorsque vos vastes connaissances
Auront éclairé les esprits,
Dieu ! quelles douces jouissances
De vos travaux seront le prix !
Vos grands noms, vainqueurs des ténèbres,
Grâce à la déesse aux cent voix,
Deviendront à jamais célèbres
De la Balise aux Illinois. (**)
VERS
INSCRITS SUR LA PREMIÈRE PAGE D'UN ALBUM.
Puisque vous le voulez, ô céleste
Je vais inscrira ici mon nom :
Une autre eut été refusée,
Mais qui pourrait vous dire non ?
Je me résous de bonne grâce
A faire votre volonté ;
Et le premier dans la préface
De ce missel de la beauté,
Je viens vous rendre mon hommage.
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Ali! que je serais fier de ce brillant partage, Si je n'en connaissais, hélas ! tout le danger ! Chez vous, si l'on consulte et la fable et l'histoire, A peine trouve-t-on neuf filles de mémoire. Les plus sages toujours se plurent à changer, Et le dernier venu fait oublier les autres.
Ces goûts charmants seront, peut-être, aussi les vôtres; Et si mon nom, ici, le premier est tracé, De votre souvenir, hélas! suivant l'usage, Sans doute qu'il sera le premier effacé.
Ainsi, l'esprit tout plein de ce triste présage, Au lieu de figurer en tète de l'ouvrage, Ab ! que j'aimerais mieux ctre l'heureux amant Qui jouissant, un jour, du solide avantage,
De terminer votre roman, Imprimera son nom à la dernière page!
NIAGARA.
Cascade de Niagara, (") Sous l'épais berceau de ton onde, Je viens du nom de Louisa Laisser l'impression profonde ; Mais si ma main gravait ses traits Sur cette roche humide et brune, Ici l'on pourrait désormais Voir deux merveilles au lieu d'une.
TRADUCTION DE L'ANGLAIS
D'UNE PIECE EN PROSE
INSEREE DANS UN ALBUM.
Le printemps de la vie est le matin d'un jour
Sans nuages, Où l'œil charmé ne voit que d'aimables images, Où l'oreille n'entend que des concerts d'amour.
Puisse, ô C... l'aurore de ta vie, Comme celle d'un jour serein, S'écouler sans être obscurcie Par les ennuis et le chagrin ! Puisse ton astre, à son méridien, Au lieu de ce feu qui dévore,
Promener sur notre horizon Ce pur et lumineux rayon Que promet ta brillante aurore ; Et puisse-t-il à son déclin Jusqu'à la nuit briller encore De l'éclat du matin !
Au milieu des trésors amassés par l'étude,
Sans un pénible souvenir, Parmi des plaisirs purs, exempts d'inquiétude, Tu verras s'avancer un aimable avenir ;
Et quand viendra l'hiver de l'âge, Tu jouiras des fleurs, des fruits et des moissons
Que ton esprit prudent et sage Aura cueillis dans les autres saisons.
A MADAME C
C... vous voulez un couplet?
Ce n'est pas une grande affaire :
Un seul couplet est sitôt fait,
Quand c'est pour vous qu'il faut le faire ;
Et même, s'il était mauvais,
Faute du loisir nécessaire,
Soyez sûr que je serais
Toujours prêt à vous le refaire.
Autrefois, poète fécond, Je faisais six couplets sans peine : A présent j'arrête au second De crainte d'épuiser ma veine. Cependant, encore je vais bien Jusqu'à trois sans me compromettre ; Mais le troisième ne vaut rien, Et je n'ose vous le remettre.
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TRADUIT DE L'ESPAGNOL.
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VOYAGE DE LA COMTESSE MERLIN
A LA HAVANE.
Oranger, au feuillage sntnbre, Quand je meurs de froid sous Ion ombre, Ma maîtresse el son tendre émoUr Sans souci dorment jusqu'au jour ; f Jftq pour. ejle> pourtant j'endure. >< n|. i. : <i Le veqt, la pluie et la froidure., , ,, lM , lIM1 ,| Sans l'espoir qu'un jour de repqs Vienne faire trêve à mes maux.
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loisque autour de ta case j'erre ^rQiypant l'œfl vigilant d'un père,
Comme on coursier rongeant son m
J'attends le signal et tu dors!
Ooîrai-je encore à tes promesses, A tes serments, à tes caresses? Serments d'un éternel amour, Deviez-vous ne durer qu'un jour!
Ds-me voir chez toi tu*/ëdôutes ! De mon amour, ainsi, tu doutes! Mariana, dis-moi pourquoi Te méfier ainsi de moi? Quand tu seras dans ma cabane, Aux ebamps où jaunit la banane, Oui, tu seras, j'en fais le voeu, Mes seuls amours et mon seul dieu.
{
JE VOUS AIME.
Je vous ai vue, aimable Dilais,
Et mille traits de vos yeux sont partis.
Vous voir encore était le bien suprême :
Où vous trouver? je l'ignorais, hélas !
Un dieu charmant, c'était l'amour lui-même,
Sut mon tourment, il dirigea mes pas.
Alors, alors, vous vîtes mon délire !
Ivre d'amour, je me tus à regret :
Mais en travers retournez ce billet,
Et vous lirez ce que je n'osai dire.
LE VRAI CROYANT.
Possédé du désir d'apprendre,
Malgré les efforts d'un esprit
Qui médite et qui réfléchit,
J'en conviens, je ne puis comprendre
Si c'est un ouvrier dont l'art
A son gré.fait mouvoir le monde,
Ou bien si la machine ronde
Marche seule, et tourne au hasard.
Heureux celui qui, dès l'enfance, Instruit à craindre le Seigneur,
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Crut toujours avec confiance Sa nourrice et son confesseur ! Sur son ignorance profonde A jamais son bonbeur se fonde ; Et lorsqu'un homme plus hardi. Ou plus sage et plus érudit Sourit de toutes nos misères ; Et que dans ses discours sévères, Il traite les religions De vaines superstitions, Et nos croyances de chimères, Sans sonder ces profonds mystères, Sans juger ce savant conflit, Je crois sur ces graves matières, Tout ce que le curé me dit.
L/\ VICTOIRE.
Sans talents si Ton voit un sot
Parfois maîtriser la fortune,
Pour fixer la victoire, il faut
Une habileté peu commune;
Et très-souvent ses/avons ,
Si Ton s'en rapporte à l'histoire,
Par l'infidèle sont trahis
Au moment qu'ils chantent victoire.
Jadis un souris gracieux Ou de Corinne ou de Suzettç Eût rendu certain à mes yeux Et mon triomphe et leur défaite.
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A présent ces signes trompeurs Ne peuvent plus m'en faire accroire Il me faut bien d'autres faveurs Avant que je chante victoire.
Toujours par F amour précédé, La lance au poing, le diable en tête, L'amant à qui tout a cédé, Vole de conquête en conquête Sur le terrain baigné de sang, Théâtre illustre de sa gloire, Alors à ce fier conquérant Je permets de chanter victoire.
Mais pour moi qui ne suis pas vain, Et que l'amour dans son armée Voit combattre pour le butin Bien plus que pour la renommée, truand mes camarades, sans fruit S'enivrent d'une vaine gloire, Je vais pillant partout sans bruit. Et leur laisse chanter victoire.
Si ce n'est pas le fabuleux Qui peut séduire votre dame, Dans un roman bien amoureux En vain vous peignez votre flamme; Mais pouvez-vous remplir, un jour,
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Un seul feuillet de son histoire. Tout va céder à votre amour, Et vous pouvez chauler victoire.
On peut chanter sur tous les tons Beautés de toutes les espèces, Femmes de toutes les façons, Des bergères jusqu'aux déesses ; Mais de leurs plus douces faveurs N'allez pas raconter l'histoire ; Parlez toujours de leurs rigueurs, Et jamais de votre victoire. •
L'AMOUR ENFANT.
Vous demandez, belle Thémire Pourquoi l'on peint toujours i'amourcoraineunenfanL?
. Hélas ! il faut bien vous le dire : C'est 'que jamais l'amour n'est plus grand qu'en naissant !
LA LOTERIE
Un billet que l'aveugle amour A choisi de sa main divine, ADavezacdonne en ce jour La tabatière de Delphine. On aurait cru que Davezac, Suivant la coutume ordinaire, N'aurait prisé que le tabac ; Mais il prisa la tabatière.
LA ROSAIDE.
POÈME EN DOUZE CHANTS.
CHANT PREMIER.
Janvier , suivi d'un froid cortège, Vient nous glacer par son accueil ; Rose disparait sous la neige, Et la nature prend le deuil.
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CHANT II.
Février s'avance en pleurant, Et d'un déluge nous arrose. Pourquoi l'eau qu'il verse à torrent, N'est-elle pas de l'eau de Rose !
CHANT III.
Le dieu Mars à ce mois préside, Ce fier Mars que Vénus blessa. Un trait plus sûr et plus rapide , L'eût fait tomber devant Rosa.
CHANT IV.
Pour les Romains jadis Tannée, Par le mois d'avril commença, Comme ton souvenir Rosa Pour nous commence la journée.
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CHANT V.
Les cœurs ont soupiré, Le mois de mai va naître ; L'amour a respiré, Et Rosa va paraître.
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CHANT VI.
Juin, de ta chaleur cruelle L'art brave les traits radieux; Mais, ô Rosa, quelle est l'ombrelle Qui mette à l'abri de tes feux.
CHANT VII.
Rosa, juillet vit autrefois Ce peuple briser ses entraves ; Mais ces fiers affranchis des rois Bientôt deviendront tes esclaves.
-_*:.
— 60 —
CHANT VIII.
Comme toi, rose du matin, Le cœur pur et le front serein, Dans les cieux la vierge s'avance, Et le mois d'Auguste commence.
CHANT IX.
Septembre lance tous ses feux; Déjà le raisin se colore; Et le vin va couler pour ceux Que tu n'enivres pas encore.
CHANT X.
Octobre du tardif automne Vient enfin nous offrir les fruits : Dès son printemps Rosa moissonne Tous ceux que l'étude a produits.
Novembre parait sur la scène, Environné d'épais brouillards, Semblable à ces âmes en peine Que n'éclairent pas tes regards.
CHANT XII.
Décembre vient, et Pbilomèle Va s'exiler pour plus d'un jour : Adieu, Rosa; pour moi, dit-elle, Plus de plaisirs jusqu'au retour!
A EN VOYANT SON PORTRAIT.
En voyant tes divins attraits, D'amour je ne puis me défendre ; Et pour Vénus je te prendrais Si tu voulais te laisser prendre.
1 'M
ROMANCE TRADUITE DE L'ESPAGNOL.
Comme Ariane, en pleurs sur le rivage, En vain j'appelle un fugitif amant.
Hélas ! loin de la plage Son vaisseau fuit aussi prompt que le vent!
Lorsque, au travers des flots de Tonde amère, Un dieu jaloux l'enlevait à mes feux,
Ah ! ah ! qu'un vent contraire Aurait été favorable à mes vœux !
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A quelques maux que son départ me livre, Je n'ai plus rien à redouter du sort :
Qui le perd ne peut vivre ; Qui ne vit plus peut-il craindre la mort !
Si quelque jour sur ma tendre guitare Je racontais les tourments de mon cœur,
Il n'est pas de barbare Qui ne donnât des pleurs à ma douleur.
Dans ma tristesse, ô guitare enchantée,
Tu réponds seule à mes brûlants transports ;
Et mon âme agitée Devra le calme à tes tendres accords.
Aussi, je veux condamner au silence Ce piano que l'ingrat aimait tant :
Je sais son inconstance, Et je l'imite en changeant d'instrument.
POUR LE PORTRAIT DE
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Ah ! redoutez de voir l'objet Que représente ce portrait. O vous qui chérissez la vie * Cette beauté fait sans retour Mourir tous les hommes d'amour, Et les femmes de jalousie*.
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IMPROMPTU
Bonjour, madame belle et bonne, Avant midi je me pomponne, J'arrive chez vous; mais.... personne* Alors, auprès d'une colonne Qui porte une table octogone, Je viens m 9 asseoir, et je griffonne Cette épître à votre personne ; Mais, sur ce sujet, qui s'étonne Que le jugement m'abandonne ? Bientôt je vois que je raisonne Comme un buveur près d'une tonne De vin de Madère ou de Beaune. Alors, je me lève et fredonne Une chanson un peu luronne;
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Tapprocbe du feu, je tisonne. Quand j'entends l'airain qui résonne :
Je compte c'est midi qui sonne.
Adieu, madame belle et bonne ; Si votre absence me chiffonne* En bon chrétien je vous pardonne ; Mais je me venge, et je vous donne A lire ce billet» d une aune.
A ta femme interdis le spectacle et le bal, A l'église elle ira te chercher un rival.
Touchez, d'abord, un objet plein d'appas : Faites l'amour, ne le décrivez pas.
J aime la violence, et je veux un amant
Qui fasse mon bonheur sans mon consentement.
■
Belle Iris, il faut pour vous plaire, Etre amoureux, être empressé ;
s.
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Près d'Eglé, dans un cas pressé, Tout cela n'est pas nécessaire.
Pour fixer à jamais ton époux inconstant, Écoute, ou fais semblant d'écouter un amant.
Des rêves de la nuit par le jour qui s'avance Le vain mensonge est révélé ; Mais rien ne détruit l'espérance, Ce songe de l'homme éveillé.
Donnez-moi votre confiance, Et croyez-moi quand je vous dis Que l'enfer est l'indifférence, Que l'amour est le paradis.
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LES ANGLAIS A LA LOUISIANE (181&).
CANTATE.
Pour assujettir l'Amérique Des insulaires orgueilleux Couvrent les bords de l'Atlantique De leurs soldats audacieux.
Partout la fureur, le carnage Précèdent leurs fiers bataillons ; Et partout la flamme ravage Et les cités et les moissons*
Mais le clairon s'est fait entendre Aux fiers enfants de nos vallons; Et bientôt nous voyons descendre Leurs invincibles bataillons.
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Dans nos solitudes profondes Cérès déserte ses guéréts ; Et chaque fleuve sur ses ondes Conduit les fils de ses forêts.
Sur nos rives bientôt Éole Pousse les Bretons inhumains ; Des brandons pris au Capitole Fumaient çpcore entre leurs mains.
Déjà leur tourbe qui s'avance Médite des crimes nouveaux ; Et leur sacrilège espérance Est inscrite sur leurs drapeaux.
Vierges, au viol destinées,
Ces guerriers changés en bourreaux,
Des plus infâmes hymenées
Pour vous allumaient les flambeaux.
Mais, grâces au dieu des batailles, Les feux des farouches Anglais Ont éclairé leurs funérailles, Au lieu d'éclairer leurs forfaits.
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LEJVFER ET LE PARADIS
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Bon vin et bonne compagnie. Joyeux festin, bal et concert, On dit que cette aimable vie Nous mène tout droit en enfer ; Mais sans songer à l'autre monde, Lorsque nous trouvons réunis Tous les biens dont la terre abonde, N'est-ce pas là le paradis ?
Émus d'une sainte colère Dans un long sermon, bien amer , L'autre jour, un révérend père Nous envoyait tous en enfer;
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Mais vous grillerez loin des femmes, Nous disait-il, mes bons amis : Si Ton brûlait avec ces dames, L'enfer serait le paradis.
Dans son jardin Adam se lasse (") De voir un tapis toujours ^ert; Tant de bien est une disgrâce, Et son paradis un enfer. Le désir d'apprendre l'enflamme, Il mange de ces fruits maudits : Alors il sait qu'Eve est sa femme, Et veut s'enfuir du paradis.
Le Seigneur lui fit cette grâce :
Un ange, avec son bras de fer,
De son beau paradis le chasse,
En le menaçant de l'enfer.
Pour nous, plus heureux que cet homme
Que sa femme a perdu jadis,
Lorsque vous nous donnez la pomme,
Vous nous ouvrez le paradis.
Vous avez mille connaissances, Et vous lisez à livre ouvert ; Et pour acquérir des sciences, Vous prenez des peines d'enfer ; Pour moi je ne fais pas l'habile;
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Et je sais que les beaux esprits, S'il en faut croire l'évangile, N'iront jamais en paradis.
Femme qui prêche un infidèle, Prêche toujours dans le désert ; Et Ton voit son amant rebelle Fuir sa maison comme un enfer : Alors, en proie à sa tristesse, Et le cœur rongé de soucis, Chez une autre, dans sa détresse, H va chercher le paradis.
Avoir une trop tendre épouse Qui quelquefois nous prend sans vert ; Apaiser son humeur jalouse, Voilà l'enfer, voilà l'enfer. Avoir une femme fidèle. Dont tout le monde soit épris; Qu'elle soit bonne autant que belle, Voilà, voilà le paradis.
VVfVVVfV ^HF ffffffff
LES SOUHAITS.
Que ne suis-je l'heureux tapis Qu'étale en ces lieux la nature, Et sur lequel tes pieds chéris Foulent les fleurs et la verdure !
Que ne suis-je plutôt le lin Dont le tissu voile ton sein ; Et qui, de sa trame discrète, Va, par une route secrète, Presser le corps le plus divin !
Que nesuis-jc aussi le zéphyre Qu'on voit près de toi s'empresser ;
— 75 —
ê
Et qui, mourant de son martyre, Dans un audacieux délire* D'un souffle vient te caresser!
Puissé-je être l'insecte avide Sans cesse prêt à te sucer ! Puissé-je être le trait rapide Qui le premier doit te blesser ! Ou, sans me métamorphoser, Être celui que tu désires ; Dans tes bras me sentir presser ; Respirer l'air que tu respires, Ou celui qu'exhale ton cœur,
O quand tu soupires,
Ivre d'amour et de bonheur!
Victime, hélas ! de mon ardeur, Bientôt je ferai le voyage Qui conduit au fatal rivage ; Mais si j'en dois croire l'amour, Qui me protège et qui m'inspire, Je ne ferai qu'un court séjour Au fond du ténébreux empire. Pour moi, cet enchanteur puissant, Aux vrais amants toujours propice, Fera le miracle éclatant Que le tendre époux d'Eurydice Autrefois tenta vainement;
— 76 —
Mais plus heureux et plus prudent Que le fameux chantre deThrace, Mon guide aimable sur sa trace Me retrouvera constamment. Sans craindre une fatale épreuve Je le suivrai d'un pas pressé ; Et je repasserai ce fleuve Que Ton n'a jamais repassé ; Et remontant des rives sombres Où Ton ne descend qu'une fois, On me verra quitter les ombres Que la mort soumit à ses lois.
Mon ombre, alors, à Tenter arrachée, Ombre constante, à ton ombre attachée, Demandera le prix de ma fidélité; Et, chaque nuit, après la douzième heure,
Tiéger fantôme, en ta demeure
■
A tes yeux par l'amour je serai présenté, Le cœur rempli de ta pensée Que toutes les eaux du Léthé N'auront point effacée ; Et suivant tes bontés ou tes rigueurs pour moi, Je retrouverai près de toi L'Enfer ou l'Elysée.
►hm
LE PORTRAIT
Vous le voulez, belle Éliza, Je vais essayer de vous peindre; Mais à tant de charmes déjà Ma main désespère d'atteindre. Heureux mille fois qui pourrait Saisir un aussi beau modèle ! Allons, posez, mademoiselle, Je vais faire votre portrait.
D'abord, de ce front gracieux Veuillez me dérober la vue ;
F*»
— 78 —
Et, s'il se peut, sur vos beaux yeux Qu'une gaze soit étendue. Ah ! sans cette précaution, Adorateur de mon ouvrage, Peut-être, serais-je moins sage Que ne le fut Pygmalion.
De votre langage enchanteur Prenez bien soin de me défendre : Vous voir est assez pour mon cœur, Ce serait trop de vous entendre. Ce doux parler, ce doux souris Sont des lacs qu'amour vient me tendre ; Et lorsque je cherche à vous prendre, Hélas ! c'est moi qui serais pris )
Mais si je n'ai pas pris en vain Les soins qu'exige la prudence ; Et si mon cœur conduit ma main, Je garantis la ressemblance. Oui, sans trop vanter mon talent, Si pour attraper une belle Il ne faut qu'un peintre fidèle, Votre portrait sera pariant.
Après avoir de tous vos traits Dessiné l'esquisse fidèle, Comment peindrai-je mille attraits
— 79 —
Qu'un vêtement jaloux recèle ? Mais l'amour guidant mon pinceau, Entière à mes yeux vous révèle; Et Vénus me sert de modèle Pour tout le reste du tableau.
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LE PRESIDENT H.
Ara : Vivent tes brave» Montagnard*.
Règne à jamais monsieur Adam, Notre bien aimé président ; Qu il règne, règne, règne, règne. Ce n'est pas assez de huit ans, II faut prolonger plus longtemps Son règne, règne, règne, règne.
HErHAIH.
Règne à jamais monsieur Adam, Notre bien aimé président, Qu'il règne, règne, règne, règne.
Croyez-moi, ne prenons jamais Un guerrier qui bat les Anglais, Pour gouverner la république.
■*- *
t
- 81 —
Gardons toujours pour président, Ce bon monsieur Quincy Adam Dont l'humeur est si pacifique. Règne à jamais, etc.
Quand Cochran lança ses marins. Et Packenham ses fantassins Sur notre rivage aquatique, Bientôt Jackson, dans nos sillons, Fit enterrer leurs bataillons, Cela n'est pas très-britannique. Règne à jamais, etc.
Oui sous ce petit souverain, Très philanthrope et très-humain, Les ministres seront intègres, La liberté.... ne craindra rien : Même on dit qu'il fera si bien Qu'il affranchira jusqu'aux ******. Règne à jamais, etc.
Défiez-vous de ce Jackson ; Ainsi que le grand Washington, Il a fait plus d'une sottise. Des plus pacifiques États On voit souvent par ces soldats La tranquillité compromise. Règne à jamais, etc.
— 82 —
Jumonville est décapité ( M ) Au Fort de la Nécessité ; Certes, c'était peu nécessaire. A Pensacola, Jackson va Faire emprisonner Cal la va! Voyez encore la belle affaire ! Règne à jamais, etc.
Pour l'affaire de Washington, Louis n'entendit pas raison, Et fit la guerre à l'Angleterre. Pour l'autre affaire, heureusement, Père Cyrelle à Ferdinand Avait défendu la colère ! Règne à jamais, etc.
Pour observer le firmament,
4
Adam, par un beau monument, Rendra sa mémoire immortelle. Sur cette nouvelle Babel, On le verra, nouvel Herschel, Prédire la lune nouvelle. Règne à jamais, etc.
Quand, suivi de toute sa cour, Adam grimpera sur sa tour, Il nous dira . Dieu vous bénisse Et puis son almanachen main,
-SSII fixera le jour certain De l'équinoxe et du solstice. Règne à jamais, etc.
Alors les instruments qui sont, Dans un coin, depuis Jetferson, Entre ses mains feront merveille . Chaque nuit il observera, Et chaque jour il nous dira Quel temps il aura fait la veille. Règne à jamais, etc.
Avec ces deux yeux seulement, Cet astronome clairvoyant Du ciel déjà perce les voiles ; Mais aidé d'un bon instrument, En plein midi, certainement, Il nous fera voir des étoiles. Règne à jamais, etc.
Venez à nous : quoique un peu tard Vous aurez encore bonne part Et ne perdrez pas votre peine. Il ne faut esprit, ni talent, Avec nous hurlez seulement : Mais hurlez à perte d'haleine. Règne à jamais, etc.
Les écrivains qui sont rétifs N'auront pas d'emplois lucratifs ; L'Argus me l'a dit à l'oreille. On en fit prévenir à temps Certains journalistes prudents, Et le rédacteur de X Abeille. Règne à jamais, etc.
Vous verrez que tout ira bien, Si chacun met un peu du sien Pour mener à bien cette affaire. Pour moi, voici ma portion ; Pour lui j'ai fait cette chanson, Et c'est tout ce que je puis faire, Règne à jamais monsieur Adam, Notre bien aimé président, Qu'il règne, règne, règne, règne.
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A L'ERMITE DIBERVILLE
-o^o-
Révérend père ermite, en ce jour, devant vous, Le front humilié, je tombe k vos genoux, Mais suivons de saint Paul le conseil salutaire, Et l'un à l'autre, ici, confessons-nous, mon père. Je sais qu'en ces écrits où je me baptisais D'un nom italien, ou d'un nom écossais, Sans guide m'écartant des routes ordinaires, Je tombai quelquefois dans de larges ornières ; Et que rempli d'orgueil, on m'a vu dédaigner De suivre le chemin qu'on voulait m'enseigner; Mais il faut vous l'apprendre, ici, par parenthèse (G;t axiome est sûr, plus que votre hypothèse;, Je crois que le rhéteur et le logicien Qui dirigent vos pas, ne vous guident pas bien,
— 86 —
Et que votre lumière, en passant par un prisme,
N'a pas même l'éclat du moins brillant sophisme:
Ainsi donc reprenez le chemin fréquenté,
Si le ciel vous en laisse encor la liberté.
Pour moi, tel est l'excès de mon orgueil extrême,
Qu'en donnant des conseils je n' en prends pas moi-même,
Et que sur le sommet, aux Muses consacré,
Sans peine et sans terreur, je me trouve égaré.
Là, selon que Vénus, ou qu'Apollon m'inspire,
A l'ombre des forêts je chante ou je soupire ;
Et j'aime mieux encor, quand je.suis monté là,
Cueillir quelques lauriers pour le front d'Attala,
Que d'aller, pour rimer, la traînant en carrosse,
M'embourber, comme vous, sur la route d'Ecosse.
Oui, je reste au Parnasse ; et c'est de sa hauteur,
Que je vois à son pied ramper un faible auteur.
Vainement, pour gravir au séjour d'Uranie,
Aux règles d'Aristote il soumet son génie ;
L'œil hagard, et les bras tendus vers Apollon,
Il reste, haletant, au bas du double mont.
Heureux, si revenu d'un funeste délire,
Il reprend le râteau qu'il quitta pour la lyre ;
Et fuyant de Phébus les doctes étendards,
Sur un champ moins aride il porte ses regards,
Et laisse des travaux peu faits pour sa nature ;
Mais sur l'écueil témoin de sa mésaventure,
Élevé par ses soins, puisse un brillant fanal
Préserver ses pareils d'un naufrage fatal.
— 87
Qu'un travail plus utile occupe son génie,
Et consacrant son temps à la géographie,
Qu'il trace la limite où finissent les mers,
Et qu'il ne vieune plus, çn planant dans les airs,
Nous rappeler du haut d'une nue éclatante,
Le malheureux Icare, et sa course imprudente ;
Mais qu'il reste si bas, que jamais les brouillards
Ne puissent dérober la terre à ses regards.
La même ambition vous séduit et vous charme,
Et pourra vous coûter, frère, plus d'une larme.
Mais puisse votre cœur, épris de ces erreurs,
Les expier au moins en versant quelques pleurs.
Moi., suivant vos conseils, errant dans l'Elysée,
Je hume à chaque pas les fleurs de l'Odyssée ;
Et je laisse la menthe, au duvet argenté,
Pour cueillir la pensée au tissu velouté ,
Le jasmin odorant, à pétale dorée ;
Et vos convohules à corolle azurée ;
Mais, avec soin, pour vous je laisse tous les lis,
Le pavot somnifère, et les tristes soucis.
Là, si mon tendre amour, embrasant ma maîtresse,
Dans le cœur le plus froid faisait naître l'ivresse,
Cette Niobé même, en se laissant toucher,
Prouverait que je puis attendrir un rocher ;
Et que j'en sais autant que votre statuaire,
Qui fait vivre l'ivoire, et fait mouvoir la pierre.
Ce n'est point au Thibet que nilustre Jason,
Cher ermite, a conquis sa première toison ;
— 88 -
Mais, là, pour retenir une langue indiscrète,
11 mit dans ses gâteaux, non du miel de l'Hy mette ;
Mais un suc bien plus doux, que par un art nouveau,
Ce héros sut tirer des veines d'un roseau.
C'est avec cet appât, qu'en sa grotte écartée,
Votre grand Mènèlas eût attrapé Protée !
Ah ! que ne puis-je, hélas! vous apaiser aussi
Avec quelques gâteaux pétris par Matossi.
Mais je déploie en vain toute mon éloquence :
Vous êtes sans pitié, comme sans indulgence,
Et Brutus littéraire, en fier républicain,
Vous maintenez les droits d'un sévère écrivain ;
Avec vous c'est en vain que changeant de langage,
Je fais de vos talents un pompeux étalage : -
La louange qui fut fatale à tant de rois,
Près de vous n'ose pas faire entendre sa voix.
Aussi, je le veux bien, résistant à la mode,
Restez toujours fidèle à votre antique code.
De vous séduire, hélas ! je tenterais en vain :
Le plus habile Grec y perdrait son latin.
t/î
LE MESSAGE. O
-oQo-
Washirgtor, A décembre 1827.
Récitatif d'Armide.
Citoyens du Sénat, citoyens de la Chambre, Depuis qu'accomplissant Tordre exact des saisons, Le soleil en logeant dans ses douze maisons, Vient enfin ramener les frimas de décembre, Je vous vois avec lui tous revenus ici, Bien gros, bien gras, bien dispos, Dieu merci.
Quant à moi, durant votre absence,
Hormis quelque petit souci
Pour la future présidence, Citoyens, j'ai toujours, grâce à la Providence, Joui d'un bon sommeil et d'un bon appétit.
— 90
Air : La mari» ont tort.
Quant à notre heureuse patrie, Vous le savez, elle est en paix ; Nos citoyens passent leur vie À boire dans les cabarets. Désormais chez nous plus de guerres ; Et je dois vous dire, entre nous, Que l'agneau si craintif naguères Dort à présent avec les loups.
Air : De CatpiçL
Suivant toutes les apparences.
Grâce aux progrès des connaissances.
Les hommes devenus meilleurs
Vont voir finir tous leurs malheurs, {bis)
Les maux qui désolent la terre,
La faim, la fièvre avec la guerre
Vont disparaître avant longtemps :
Quand les poules auront des dents.
Récitatif.
Après quatorze ans de délais.
Nous tenons l'argent des Anglais :
(}ue ce roi George est un grand homme !
— 01 —
Pour moi, je n'aurais pas voulu
Donner même un petit écu
De l'intérêt, et de la somme ;
Que ce roi George est un bon homme !
Air : La Bêfuttte de Bamabm.
Pour les relations Avec ses colonies. Nos contestations Sont loin d'être finies. Quand finira cela? Je ne sais, je vous jure ; Pourtant je vous assure Que cela finira.
Air : Du Parlement,
Le roi de France est un peu long A nous rembourser nos dommages ; Pourtant, de feu Napoléon, Il tient d'assez beaux héritages ; Mais pour lui reparler d'argent, L'instant sera plus favorable, Lorsque le nouveau parlement Enverra son ministre au diable.
— 92 —
Air : A faire.
Le grand empereur Alexandre
Au tombeau s'est laissé descendre,
Quand il était en train
De se mettre en chemin
Pour tout réduire en cendre. Ce capitaine qui ne put En cinq ans traverser le Pruth, A su passer un peu plus vite Le fameux fleuve le Cocyte ; Laissant cinq cent mille soldats La larme à l'oeil et l'arme au bras. Son successeur est un autre grand homme ;
Et vous n'ignorez pas Qu'il se nomme Nicolas !
K m : Du Couvent.
De nos frères du Sud ici vantant la gloire, De leur guerrière ardeur, de leurs faits éclatants J'aurais voulu vous faire une brillante histoire ; Mais tout a disparu devant ces conquérants, Et le combat finit faute de combattants.
- 93 —
i
i
Air : Fournissez un canal au ruisseau.
À peine le roi du Brésil Eût-il voulu bloquer ses cotes. Que mon consul, homme subtil, Lui dit, dans des petites notes : Sire, vous ne bloquerez pas ; Vous n'avez pas assez de barques ; Mais le prince, de ses remarques Ne fit pas alors très-grand cas.
Air : Vaudeville des deux ermites.
Alors notre fier diplomate Dans un vaisseau s'est emballé ; Et l'empereur s'est en allé Vers la rivière de la Plate; Mais ce prince n'est pas méchant : Après quelques petites ruses, Il a payé les frais comptant, Et m'a fait faire des excuses.
Air : C'était Renaud de Montauban.
Depuis longtemps la paix répand Ses bienfaits sur toute la terre, Quelques nations seulement
— 94 -
Par-ci par-là se font la guerre. Mais, comme disait mon papa, Le malheur d autrui n'est que songe ; Que pour nous la paix se prolonge, Et laissons battre ces gens-là.
Air : On compterait de» diamant».
Dans la Perse, le pauvre Sba Est sabré par le Moscovite ; Et la Grèce par un Pacha Est sur le point d'être détruite ; Et ces philanthropes chrétiens,
Ces braves Anglais, dans les Indes,
»
Egorgent ces pauvres Indiens Tout comme on égorge des dindes.
Air : Jeune» aman», cueiUet de» pumi^u
Le roi de France sans danger, De sa hauteur veut bien descendre; Et pour punir le dey d'Alger, Va réduire sa ville en cendre. Les braves Lusitaniens Sont en querelle avec l'Espagne ; Et deux rois agacent les chiens : Celui de France et de Bretagne.
Ami : Au sein d'un* /leur tour à tour.
On assure que les Chinois Sont en guerre avec les Tartares ; Et qu'ils se livrent quelquefois Quelques petits combats barbares. En Afrique cent petits rois Se' font une cruelle guerre; Mais à tout cela près, je crois Que la paix règne sur la terre.
Air : VaMdevUie des Chasseur*.
Chez nous quelques peuples sauvages Vers l'occident ont fait du train ; Mais, grâce à mes mesures sages, Ils ont mis de l'eau dans leur vin. Pour effrayer ces téméraires J'ai fait semblant d'être fâché; Mais les malheureux ont péché ! Et nous confisquerons leurs terres.
Concitoyens, respirons un moment ; Mais à présent que vous dirai-je? De vous ennuyer savamment,
— 96 —
Avec des discours de collège, J'ai F honorable privilège : C'est là mon seul amusement; Permettez-moi d'en user largement : De tous les travaux de ma place. Ces petits plaisirs innocents Et mes petits émoluments', Voilà tout ce qui me délasse.
Air : Du froid avec courage.
Puisqu'ici je dois croire Mes discours superflus. De mon observatoire Je ne parlerai plus ; Mais c'est chose cruelle De voir ainsi déçu Projet qu'en ma cervelle J'avais si bien conçu.
Air : La comédie têt un miroir.
Puisque vous devez tout savoir, Parlons un peu de la finance : D'ailleurs, c'est le premier devoir Que m'impose la présidence. Mais, en vous parlant du trésor, Mon discours sur vous fait merveilles ;
- 97 -
Car tout homme qui parle d'or Fait toujours ouvrir les oreilles.
Air : Su deux moitiés, dit-on, le tort.
Ainsi que je l'avais prévu,
Nous faisons de bonnes recettes ;
Et nous payons du superflu
Une portion de nos dettes. '
Je vous soumets douze beaux plans
Pour faire des routes nouvelles;
Mais qu'on me donne encore quatre ans,
Je vous eh ferai voir de belles.
Air : D'une abeille toujours chérie.
Nos ressources pécuniaires Présentent pour brillants tableaux, Plusieurs millions d'acres de terres Volés à nos États nouveaux. Et puis par des marchés très sages, En donnant quelques picaillons» Nous avons acquis des sauvages De quoi produire des millions.
Air : J'étais bon chasseur autrefois.
La poste va le grand galop Jusqu'auprès de chaque cantine;
Le postillon boit son coup.... d'eau, Et les chevaux prennent racine ; Mais le service est très exact, Surtout depuis ma présidence; Quoique parfois on prenne au sac L'argent et la correspondance.
Air : La pipe de tabac.
Ici, que vous dirai-je encore
Du grand objet de vos travaux?
I^a session qni vient d'éclore
Va porter les fruits les plus beaux.
En attendant, je vous convie
A souper ce soir sans façon ;
La table sera bien servie
Et, morbleu, nous boirons du bon.
Pour copte conforme,
UNE ÉLECTION.
Dialogut entre A, B, C.
Tu triomphes, enfin, et grâce à nos intrigues Tu rempliras encor la place que tu brigues. Tes concurrents honteux, après un vain combat, Vont laisser dans tes mains les rênes de l'État. Les vœux de tes élus en tous lieux me secondent, Et les meneurs du peuple à nos désirs répondent. Un seul rival te reste, et ses fiers partisans Font pour le soutenir des efforts impuissants. Encore quelques jours, et ton destin prospère Confondra sans retour tout le parti contraire.
446905A
— 100
c.
Ce rang qui m'est si cher, j'en ai le doux espoir, A votre zèle ardent je vais donc le devoir; Et mon cœur satisfait de tant de complaisance, Ne mettra plus de borne à ma reconnaissance. Annoncez de ma part à tous mes partisans . Une charge solide ou des partis brillants. Les moindres citoyens nous seront nécessaires; Ménagez, s'il le faut, jusquesaux prolétaires; Et quand vous rencontrez des esprits trop rétifs D'avance promettez les emplois lucratifs. Ce moyen est certain, j'en ai plus d'une preuve : Il n'est pas de coeur pur qui soit k cette épreuve.
A.
Ainsi, tu penses donc, dans ton aveugle erreur,
Qu'il n'est plus en ces lieux de sentiments d'honneur ;
Et que d'un vain emploi l'orgueilleuse manie
Etouffera chez nous l'amour de la patrie !
A ce hideux portrait, non, non, je ne saurais
De mes concitoyens reconnaître les traits.
Il est des cœurs sans tache, il est de nobles âmes
Que l'amour de l'État brûle encor de ses flammes,
Et parmi les trésors à ces lieux réservés
Sont des germes d'honneur avec soin conservés.
Entre les citoyens de cet heureux rivage
— 101 —
On peut trouver encore un homme juste et sage. Ne trompons pas l'espoir d'un peuple libéral : Au bonheur avec lui marchons d'un pas égal ; Et lorsque nous voyons en ce jour l'Amérique Nous confier le soin de notre république, Indignes de jouir de nos brillants destins, Mettrons-nous notre sort en d'étrangères mains?
c.
Quoi donc l'Américain, si Ton veut bien t entendre, Étranger dans ces lieux à rien ne peut prétendre ! Et tu voudrais des lois sapant le fondement, Faire de chaque Élat un peuple différent! Abjure cette erreur à l'Union fatale, Affreuse en politique, et funeste en morale.
A.
Loin de nous, loin de moi toute distinction Entre les fédérés de l'heureuse Union. Je sais que l'habitant de la Pensylvanie Est citoyen ici comme à Philadelphie ; Et plût aux dieux encore qu'on ne nous vit jamais Sous nos antiques noms d'Anglais et de Français, Tour à tour protégeant la France ou l'Angleterre, Joindre à nos intérêts ceux de l'autre hémisphère! Quoique frères, pourtant, nous avons entre nous
— 102 —
De semblables rapports ; mais non les mêmes goûts. Sans rompre les liens d'une union si chère, Chaque État peut garder son propre caractère. Tel d'un arbre grefté de vingt fruits différents S'unissent sur un tronc les rameaux verdoyants. Chaque branche a, nourrie à la tige commune, Un différent feuillage, et la même fortune. Mais parlons sans détour, réponds avec candeur : Le Kentucky chez nous prend-il son gouverneur ? Et le cultivateur des champs de Virginie, Va-t-il donc quelquefois, dans sa folle manie, Dédaignant les trésors de son propre climat, Chercher au Maryland son premier magistrat ? Laisse donc ce pays se gouverner lui-même Et cesse d'aspirer à la place suprême.
Ceux qu'on veut m'opposer pour tenir le timon, Ont, je crois, des vertus, du sens, de la raison ; Mais, ces hommes, dis-moi, ont-ils cette science Que dç>nne d'un emploi la longue expérience?
Des faux pas que tu fis ils sauront profiter En regardant ta trace et sachant l'éviter.
- «03 —
Se tromper quelquefois, tel est le sort de l'homme Mais du peuple breton ignorant l'idiome, Comment, s'il est Français, le premier magistrat Recevra-t-il du chef les secrets de l'État?
A.
Quoi donc ! abandonnant les façons de nos pères, Prçndrons-nous une langue et des mœurs étrangères ! Et l'aigle, notre emblème et le roi des oiseaux, Veut-il que Philomèle imite les corbeaux, Non, il comprend assez, sans avoir d'interprètes, Les accents du moqueur, les plaintes des fauvettes.
c.
Mais l'heureux candidat qu'avec feu tu défends, Dans Tait de gouverner a-t-il quelques talents ? A l'étude des lois consacra t-il sa vie, Et reçut-il du ciel le flambeau du génie ?
A.
L'occasion fait naître un talent imprévu ; Et sans elle, autrefois, peut-être on aurait vu
Notre grand Washington, soldat sans renommée, Ramper obscurément dans les rangs de l'année.
Ami, tiens, laissons-là d'inutiles discours; Pour arriver au but nos moyens sont plus courts. En effet, penses-tu qu'une tourbe ignorante, Sensible à tes raisons, trahira notre attente ? Avant que le sort juge entre les candidats, laisse les intérêts de ce peuple d'ingrats ; Ou, du moins, reste neutre, et viens par ton silence Mériter les faveurs de la reconnaissance.
Loin d'un cœur insensible à la séduction Porte le souffle impur de la corruption. Va, de quelque côté que penche la balance. On ne me verra pas, reçois-en l'assurance, Marchandant les faveurs des différents partis, Vendre ma conscience, et trahir mon pays.
A MADAME B. DE N. Y.
EN LUI ENVOYANT LES ŒUVRES DE G. DE LAV1GNE.
-<&*&>-
Dans son délire poétique On dit que le grand Apollon Veut unir le pampre bachique Aux lauriers qui ceignent son front. Le dieu des beaux-arts se résigne A devenir un vigneron, Et sur le sommet d'Hélicon En triomphé il porte la vigne.
Avec une liqueur traîtresse Bacchus trouble notre raison ; Mais une plus aimable ivresse Est produite par Apollon.
— 106 —
De notre culte qu'il est digne Le dieu dont le pouvoir divin Nous enivre, à défaut de vin, Avec les feuilles de la vigne !
L'amour seul a plus de puissance Sur le cœur des faibles humains; Et pour combler notre démence, Ce dieu mit ses traits dans tes mains; Mais, hélas! ô beauté maligne, Le délire par toi produit Ne passe pas comme celui Que produit le dieu delà vigne!
STANCES.
Au général mexicain don J. Pablo île A naja.
Jeune guerrier, l'espoir de too pays, Toi, dont le cœur généreux, héroïque Voit sans trembler, parmi ses ennemis, Tous les suppôts du pouvoir despotique, Brave Aoaya, si ton bras valeureux De ses tyrans a vengé ta patrie, Tes traits vainqueurs, tes écrits lumineux Font expirer le serpent de l'envie.
En vain ce monstre, échauffé dans ton sein, Dresse la tète et siffle avec furie ; Laisse couler tout l'impuissant venin Et de l'astuce et de la perfidie;
— 108 —
Bientôt, bientôt la victime aux abois Mourra des coups dont ta main Ta frappée ; Ou gardera pour le glaive des lois, Un sang trop vil pour rougir ton épée.
Ainsi, ce fleuve, entre ses flots d'azur, Donne retraite à maint hideux reptile Qu'on voit souiller par son venin impur Le sein des eaux qui lui servent d'asile ; Mais ce poison rejeté par les flots, Se convertit en écumes immondes ; Et tout l'effort de ces vils animaux N'arrête pas la course de ses ondes.
Pendant le cours de tes nobles travaux,
Vois s'agiter la haine et la sottise :
Vois s'applaudir de leurs lâches complots
Ces protecteurs d'un roi qui les méprise.
Va, ne crains rien de ces faibles mortels ;
La liberté régnant dans vos provinces
Verra bientôt fumer sur ses autels
Le même encens qu'ils brûlaient pour leurs princes.
PHEDRE.
ÉPURE A MADAME CHÛLET,
Actrice u Tbéftlre Frac»» it la tavelle Orient.
Moi, dont la voix flexible a chanté tour à tour Les deux Vénus, le Lit, la Paresse et l'Amour, Je m'approche aujourd'hui de la tragique arène, Et Melpomène en pleurs vers son temple m'entraîne. Mon luth va préluder à de nouveaux concerts; Et c'est à toi, Cholet, que j'adresse mes vers.
Quand, nourrice de Phèdre et les yeux pleins delarmes, Tu parais sur la scène, en calmant ses alarmes, Ciel ! avec quel plaisir je me rappelle encor L'amante de Pyrrhus et la veuve d'Hector?
— no —
Bientôt j'entends les sons de cette voix magique Qui s'élève avec art à la hauteur tragique. Ah! quel mortel-alors, assez maudit des cieux Sans trouble écouterait tes accents gracieux; Soit que ta voix profère une plainte touchante, Ou que son noble éclat répande l'épouvante!
Surpris, j'ai cru d & abord que tes charmes puissants, En fascinant ma vue, avaient trompé mes sens; Longtemps pour te louer je voulus d'autres preuves; Mais ton art triompha de toutes les épreuves.
Aussi, dût, en ce jour, un rigide censeur M'accuser, à son gré, d'injustice ou d'erreur, Je veux, à tous les yeux, en dépit de l'envie. Te payer le tribut que l'on doit au génie; Et sur la scène enfin te plaçant à ton rang, Ramener k tes pieds le parterre inconstant; Malgré tous les efforts d'une folle cabale, . Et les vains jugements de la loge infernale. Mais j'entends, à ces mots, tes faibles ennemis Bourdonner au parterre, en essaim réunis. Ils tremblent pour leurs dieux : dissipons leurs alarmes : La vengeance, Cholet, pour toi n'a pas de charmes ; El tu ne connais pas l'insupportable ennui Que causent les succès et la gloire d'autrui. L'envie et ses serpents ne rongent pas ton àme : Une plus noble ardeur la dévore et l'enflamme.
— m —
bans un temple rival, des nuages d'encens Offusquent tous les jours tes zélés partisans ; Mais s'ils voulaient, troublant de pieux exercices, Renverser les autels, souiller les sac ri 6 ces, On te verrait toi-même, arrêtant leurs fureurs, Protéger et l'idole, et ses adorateurs.
Que j'admire dans toi cette aimable indulgence, Le plus noble attribut de la divine essence ! Que j'aime ta douceur et tes soins généreux, Quand de Phèdre plaignant le délire amoureux, Nourrice complaisante, en l'excès de ton zèle, Tu nourris une ardeur tant soit peu criminelle ; Et ne viens pas, soumise à de sévères lois, Réduire au désespoir une amante aux abois ! Mais avec quelle adresse, avec quelle éloquence, En ranimant sa vie avec son espérance, Tu fais voir que chez elle, un coupable transport Est l'ouvrage des dieux, et le crime du sort ; Et flattant un amour, qu'hélas! tu désapprouves, Tendre et fidèle amie, avec quel art tu prouves Que ces mots de pudeur, de vertu» sont très-beaux ; Mais qu'enfin le trépas est le plus grand des maux : Que le cœur doit céder au tyran qui l'opprime ; Et qu'aimer son beau-fils n'est pas un si grand crime !
Je sais bien qu'un docteur, trop prompt à a'alartnef, De ta moraje, ici, pourrait bien te blâmer ;
— IIS —
Mais quelle femme, alors, comme Phèdre séduite, Eût évité les traits du superbe Hippoly te ? Ah ! Ton ne savait pas, comme on sait en ce jour, Vaincre, par le travail un invincible amour; Et sans avoir recours aux sorts, aux maléfices, Déjouant de ce dieu les malins artifices, Dompter un cœur rebelle, en fatiguant le corps, Comme un coursierfougueux que Ton soumet au mors : Chasser de doux pensers, en ornant sa mémoire Des faits de ses aïeux, consignés dans l'histoire ; Ou bien, l'aiguille en main, par des soins assidus Fixant l'émail des fleurs sur de brillants tissus, Broder, comme faisait une reine d'Ithaque, En attendant Ulysse et son fils Télémaque.
C'est ainsi qu'appliquée à des travaux divers, Cholet, du petit dieu qui régit l'univers, On te voit, défiant les traits et la puissance, Conserver de ton cœur la froide indifférence. C'est en vain, chaquejour, que mille amants nouveaux, Contre toi conjurés, dérangent tes travaux. Bientôt ta main-rompant le fil de ta couture, Ton aiguille à leurs maux ajoute une blessure; ♦ Et chassant ces frelons qui font tes seuls ennuis, Tu passes d'heureux jours et de tranquilles nuits.
Je tirais sur ton lit les voiles du mystère ; Et te laissant, Cholet, au f ond du sanctuaire,
— 113 —
J'allais chanter encor, quand je sens à la fois Se détendre ma lyre, et s'éteindre ma voix ; J'allais chanter Chéret, si vive et si légère, Et toi, surtout, et toi, trop modeste Notaire; Prodige de candeur, de grâce et de beauté, Que notre aveuglement tient dans l'obscurité. J'aurais chanté Varnet, qui sans effort allie Le fer de Melpomène aux grelots de Thalie ; Et Chéret, ce géant, qu'à lui seul on verra Supporter le fardeau de tous nos opéra : Ce Tabary si sage, et qui de la nature Nous présente toujours la fidèle peinture : Pauline, dont l'accent touchant et langoureux Fit couler si souvent des larmes de nos yeux : L'inflexible Marchand, pour lequel on mesure D'une inflexible main l'éloge et la censure; Et l'aimable Leblanc, et le joyeux Closel, Et Paradol enfin, cet homme universel.
Et toi, qu'un Écossais qu'enflamma ton génie,
Sut immortaliser par sa prose fleurie,
Pardon, belle Closel, si j'ai pu t'oublier;
Ma main novice, hélas ! ne saurait délier
Le cothurne charmant que ton joli pied chausse ;
Et je n'ose chasser sur les terres d'Ecosse.
Si la beauté, l'esprit, les grâces, la fraîcheur Pouvaient chez les humains'donner le rang suprême, Oui, sans doute, bientôt un brillant diadème Ceindrait ton front charmant, siège de la candeur; Mais le destin peut seul donner une couronne; Et ton amant, hélas ! ne peut t'offrir un trône ;
Mais...., pour être une divinité,
Gomme il ne te faut plus que l'immortalité, Je te la donne.
L'IMMORTALITE.
Il est donc vrai ! lu pars, ma chère
Libre, enfin, ton vaisseau mugit et se dégage Du dernier des liens qui l'attache au rivage. Pour te revoir, hélas! je vole; mais déjà Sous ton char enflammé qui roule sur les ondes, Je vois blanchir au loin les flots tumultueux De ce Mississipi qui, superbe, à tes yeux Déroule les trésors de ses rives fécondes.
— Htf —
Longtemps de mon coursier qui devance les vents, D'un fer cruel en vain je déchire les flancs; Et lassé de poursuivre une vaine carrière, Ma main longtemps agite une blanche bannière Pour fixer tes regards errants.
Quoi donc ! un dieu touché dames tourments, Ne viendra-t-il, disais-je, en ma douleur extrême,
Arrêter, pour quelques instants, Ce vaisseau qui ravit, hélas ! tout ce que j'aime !
« Mais tous les fils d'Éole, et le nombreux essaim
Des tritons qu'Amphytrite enferme dans son sein ;
Le dieu des mers sortant de son manoir humide,
Armé du terrible trident, Ne pourraient retarder, dans sa course rapide, Ton navire vainqueur du liquide élément ; Et déjà la vapeur dans les airs répandue, Au loin avec le ciel à mes yeux se confond,
Et vient te cacher à ma vue Sous un nuage épais qui noircit l'horizon.
Longtemps, hélas ! sur la vaste étendue,
Longtemps après l'avoir perdue,
Mes regards te cherchaient encor;
Et dans un douloureux transport, Longtemps, longtemps ma voix plaintive et tendre T'adressa des adieux que tu ne pus entendre !
— m —
Mais quand, triste et pensif, je laisse enfin ces lieux,' Cent mobiles tableaux viennent charmer tes yeux. Ici, tu vois des noirs tes modestes asiles ; Là, des châteaux, fiers de leurs péristyles, Dominent d'un air orgueilleux, Sur ces champs vastes et fertiles, Où croissent ces roseaux dont le jus précieux Surpasse le nectar dont s'abreuvent les dieux. Plus loin, tu vois la tige florissante Du cotonnier, au feuillage si vert,
Qui vient, longtemps avant l'hiver, Blanchir nos champs de sa neige éclatante. Ici, dans d'immenses vergers Mûrissent des fruits sans culture, IÀ 9 dans la plaine,, à l'aventure, Errent des troupeaux sans bergers.
Jadis, sur ces heureux rivages^ Paisiblement, dans leurs humbles hameaux,
Vivaient ces familles de sages
Que notre orgueil nomma sauvages.
Non loin, d'innombrables troupeaux Sans crainte bondissaient dans d'épais pâturages ;
Et jamais un tube assassin.
Portant la foudre dans son sein,
N'avait de la foret immense Interrompu la paix ni troublé le silence. Mais ces peuples heureux, que sont-ils devenus?
- 148 —
Où sont donc leurs filets, leurs flèches, leurs cabanes, Les cerfs et les bisons qui couvraient leurs savanes ? Hier ils étaient encor : nous sommes survenus ; Victimes de nos arts funestes, Les animaux, les hommes ont péri ; De leurs tribus à peine quelques restes, Contre nous trouvent un abri Dans les solitudes agrestes Et les forêts du Missouri.
Peut-être, cependant, ces fils de l'Amérique >
Auront vu briller autrefois Et des législateurs, qui par de sages lois
Savaient régir la république, Et des guerriers fameux par de brillants exploits. Pour se venger d'une épouse infidèle, Chez eux, peut-être, un autre Ménélas,
Aidé de puissants potentats, Sous les remparts d'une II ion nouvelle, Jadis aura livré mille sanglants combats ; Mais d'un poëte, hélas! les accents héroïques N'ont pas, aux siècles à venir, De leur grandeur, de leurs vertus antiques, Transmis le brillant souvenir! Et comme l'aquilon dissipe la fumée, Ou comme on voit soudain par les flots effacé Le sillon qu'un vaisseau sur l'onde avait tracé, De ces peuples ainsi périt la renommée.
— H9 —
Rien ne résiste au bras vainqueur du temps ;
Les nations, les rois les plus puissants, Frappés de sa faux ennemie, Sont plongés sans retour dans l'éternelle nuit ; Mais ce dieu, sans pitié, malgré sa barbarie, De sa main jamais ne détruit
Les monuments qu'élève le génie ;
Et les enfants du dieu de l'harmonie Peuvent, en conservant les fastes des humains, Arracher à l'oubli tous ces êtres divins Qu'accableraient du temps les outrages perfides.
Eh ! sans eux saurait-on quelles puissantes mains Sur l'Egypte ont posé le poids des pyramides?
Quel monarque a bâtiMemphis ;
Et quel fut autrefois cet homme
Qui vint avec quelques proscrits
Jeter les fondements de Rome ?
Palmyre, où sont tes palais orgueilleux ? Où sont, dis-moi, les autels, les statues
Et tous les temples de tes dieux ?
Quoi! ces colonnes abattues
Qu'en tes déserts silencieux
Le voyageur cherche sous l'herbe, Auraient porté ces monuments pompeux, Ces monuments dont le faîte superbe
Allait se perdre dans les deux !
- îao -
Ah ! si la musc de l'histoire Ne nous avait transmis ta gloire, Jamais, orgueilleuse cité, IN on, jamais Ja postérité N'aurait conservé ta mémoire ; Et de nos jours, l'Arabe vagabond Qui tente sur ton territoire, Ne pourrait nous dire ton nom.
m
Oui, sans doute, malgré tout l'orgueil de sa race, Lui-même, sans Homère et ses divins écrits,
Le généreux fils de Thétis,
En vain par sa bouillante audace, Mille fois d'Ilion eût fait trembler les murs : Inconnu, dans la tombe on l'aurait vu descendre.
Semblable à ces guerriers obscurs Qui gisent sans renom sur les bords du Scamandre.
Sans ce poëte encore, hélas! pendant dix aw 9
Vainement Troie,,au tour de ses murailles,
Eût vu périr dans les bataille*
Ses plus célèbres combattants ; La cité, les héros illustrés par ses chants, Du temps auraient bientôt subi la loi rigide ;
Et sans ses immortels accents,
Du Simoïs Tonde rapide,
Sur les débris des boucliers,
Sans gloire eût entraîné vers la plaine liquide Les corps sanglants de tous ces fiers guerriers.
Ainsi, sans le génie et ses heureux prodiges, Tant de héros fameux, d'illustres monuments, La beauté même, avec tous ses prestiges, Auraient vu leurs moindres vestiges Effacés par la main du temps.
Mais c'est en vain, objet de ma tendresse, Que ce temps si cruel te menace et te presse ; A ma voix tu verras s'arrêter ce géant Que n'arrêtent jamais, dans son rapide élan,
Ni la beauté, ni la jeunesse; Et secondé par le dieu du Permesse,
L'amour, t arrachant au néant, Vers l'immortalité ton nom vainqueur s'élance ; Tandis qu'en leurs tombeaux dormiront en silence,
Pendant l'immense éternité,
Cent rivales de ta beauté, Pour qui n'ont pas frémi les cordes de ma lyre,
Et dont les charmes n'ont jamais
Enflammé d'un brûlant délire %
Ce cœur épris de tes attraits.
Non, le vaste océan des âges, Qui si souvent ensevelit Dans les ténèbres de l'oubli
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Les conquérants, les belles et les sages Dans son sein n'engloutira pas
Tant de beauté, de talents et d'appas; Et mes vers en flottant sur ses profonds abîmes, Charmeront l'avenir par leurs accords sublimes, Et sauveront ton nom de la nuit du trépas.
NOTES DU LIVRE PREMIER.
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(>) Apollon, dieu des beaux-arts, des sciences et du génie. Dieu de la lumière, il conduisait le char du soleil et éclairait le monde.
(') Jupiter, le plus puissant des dieux, gouvernait le ciel et la terre.
( 3 ) Thessalie, province du nord de la Grèce.
( 4 ) Olympe, montagne de Thessalie.
(*) Imitation d'un fragment de l'ode à Phaon, par Sapho. Boi-leau et l'abbé DeUUe en ont fait chacun une traduction. Je demande pardon au lecteur de la témérité grande que j'ai eu d!entreprendre un sujet traité par deux poètes aussi célèbres. On s'apercevra, ce-*
— 124 —
pendant, sans peine, que mon ouvrage n'est qu'une imitation, et que la pensée n'est pas tout-à-fait la même. Je donne ici ces deux morceaux que Ton sera bien aise de trouver ensemble pour les comparer entre eux. Voici la traduction de Boîleau :
Je sens, de veine en veine, uoe subtile flamme Courir par tout mon corps «tôt que je te vois ; Et dans les doux transports où s'égare mon âme, Je ne saurais trouver de langue ni de voix.
Un nuage confus se répand sur ma vue ;
Je n'entends plus ; je tombe en de douces langueurs ;
Et pâle, sans haleine, interdite, éperdue,
Un frisson me saisit ; je tremble, je me meurs.
Voici le même sujet traité par Delille :
De veine en veine une subtile flamme Court dans mon sein sitôt que je te vois ; Et dans le trouble où s'égare mon âme, Je demeure sans voix.
Je n'entends plus, un voile est sur ma vue, Je rêve et tombe en de douces langueurs; Et sans haleiue, interdite, éperdue, Je tremble, je me meurs.
Voici, comment Racine, avant eux, avait imité la première strophe de cette ode :
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ; Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue ; Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ; Je sentis tout mon corps et transir et brûler.
(*) Fui ton, la gloire et l'orgueil de l'Amérique. Le premier, fl utilisa la vapeur produite par l'eau bouillante, en l'appliquant à la navigation, au moyen d'une savante machine conçue par son gé-
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nie, et exécutée par sa persévérance, malgré mille difficultés de toute espèce.
Maîtres de son secret, produit de tant d'efforts de génie et de tant de travaux matériels, les Américains, ses compatriotes ingrats, ont perfectionné sa machine au point qu'un bâtiment partant de la Nouvelle-Orléans peut se rendre à Saint-Louis en quatre jours, en parcourant une distance de plus de cinq cents lieues contre le courant et souvent contre le vent Près de huit cents steam-boats naviguent aujourd'hui sur le Mississipi et sur ses tributaires. Quelques-uns de ces navires qu'on peut vraiment appeler des palais flottants, ont jusqu'à trois cents pieds de long et sont meublés avec un luxe royal.
Toute ville située sur les bords d'une rivière navigable devrait ériger une statue en or à ce bienfaiteur de l'humanité, et l'Amérique devrait entretenir sa famille d'une façon splendide aux frais de la république.
(7) Éole, dieu des vents.
(*) Neptune, dieu des mers.
(9) L'amour! Qui ne connaît l'amour?
(■•) Tous les mots soulignés sont des sujets de divers tableaux décorant un appartement
(") Bosphore, détroit qui communique de la mer Noire à la mer de Marmara. Ce mot signifie : le trajet du bceuf.
(' a ) Un autel, la cheminée.
(**) Tout le monde connaît la fable de Jupiter et de Léda.
(•*) Le temps dans un cercle enfermé, la pendule. Les anciens divinisaient le temps et le représentaient avec des ailes, pour marquer la rapidité de sa course, et avec une faux, emblème de ses ravages.
('&) Pbœbé, sœur d'Apollon, présidait à la nuit; elle portait alors un croissant sur le front et une robe parsemée d'étoiles. Sous le nom
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de Diane, elle présidait à la chasse. Elle avait obtenu de Jupiter de rester vierge; mais n'usa que sobrement de cette permission.
C 6 ) Monstre fabuleux ayant la tête du lion, le corps de la chèvre et la queue du dragon. Monté sur Pégase, Bellérophon la vainquit et la tua.
(•7) Moyennant un modique péage, les morts pouvaient traverser le Styx dans sa barque.
( l8 ) Les parques filaient la vie des mortels. Les dieux même étaient sujets à leurs lois. Elles se nommaient Goto, Lachésis et Atropos.
(«9) Les arrêts du destin étaient irrévocables.
(*°) Vulcain, éclairé par Apollon, le dieu du jour, surprit Vénus, sa tendre moitié, entre les bras de Mars ; et après les avoir pris dans un épervier de sa façon, il courut inviter tous les dieux à venir voir un aussi beau coup de filet Les habitants de l'Olympe, loin de plaindre Mars, enviaient son bonheur : « Bon homme, disaient-ils, au pauvre mari, attrapez-nous de même. »
(") Jason, chef de l'expédition des Argonautes. U conquit la toison d'or. Quelques rois de l'Europe, nous ne savons à quel titre, en portent encore de nos jours quelques lambeaux sur leurs habits.
(ai) Plusieurs voyageurs ou romanciers écrivent : Mèckacèbè, ce qui, suivant eux, voudrait dire : Le Père des Eaux. Ce sont deux erreurs au lieu d'une ; et sans doute, ces écrivains n'ont jamais compris un mot de la langue des sauvages. La vraie prononciation est : Metchasipi, qui signifie mot à mot : La Mère vieille, c'est-à-dire : Metcha, mère, et sipi, vieille.
(» 3 ) L'auteur n'a pu attraper la rime. U pense que ses lecteurs ne l'attraperont pas non plus.
(»*) La Balise, extrémité sud, et les Illinois, extrémité nord de l'ancienne Louisiane.
('*) Niagara veut dire dans la langue des sauvages du nord :
x- 427 —
UEau-Tonnerre; et jamais, on en conviendra, nom ne fut mieux trouvé. Cette rivière sort du lac Erié et se décharge dans le lac Ontario en parcourant une distance de trente milles. C'est à vingt milles de Buffalo, ville charmante, située dans l'angle formé par le lac et la rivière, que celle-ci se précipite tout entière d'une hauteur de quatre-vingt-deux pieds, suivant ma mesure, et de là va se perdre dans l'Ontario par une pente peu rapide.
Toute navigation cesse à six milles au-dessus de la chute. Toute embarcation entraînée par le courant ne peut plus regagner la rive et n'a plus d'espoir de salut
Il y a quelques années que des visiteurs voulant se donner le spectacle d'un naufrage d'un genre nouveau, achetèrent un vieux brick à Buffalo, et à quelque distance, le lancèrent dans le courant ; mais avant d'arriver à sa destination, le navire fut mis en pièces en touchant sur les roches dont est formé le lit de la rivière, et n'arriva à la chute que par fragments.
Un spectacle plus beau peut-être encore que celui de la grande chute, est celui qu'offre aux personnes placées sur l'Ile-aux-Chè-vres, la vue de cette multitude de cascatelles qui blanchissent au loin la rivière, et qui bondissant de roc en roc et tombant d'étage en étage, viennent s'absorber dans le gouffre.
La masse immense, en s'élançant dans l'abîme, forme une arche surbaissée qui laisse un intervalle de quelques pieds entre le rocher et la nappe d'eau. En suivant un sentier pratiqué sur le bord de cette muraille, on peut avancer sous la cascade à dix ou douze pas. U serait imprudent d'aller plus loin, le sentier manquant tout à fait, ou devenant trop étroit
On trouve à Niagara, tant sur la rive américaine que sur la rive anglaise, d'assez beaux hôtels où l'on fait assez bonne chère. Pendant trois mois, juin, juillet et août, on y voit une foule de visiteurs de toutes les parties du monde. Il est dangereux d'y séjourner plus tard que le mois d'août Un étranger doit craindre à cette époque une fièvre connue sous le nom de fièvre des lacs, dont on a de la peine à se guérir.
Un Anglais, homme tout à fait excentrique, suivant leur expression, avait pris cette recommandation à la lettre. Parti de New-
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York pour voir la chute, il arrive à Niagara, fait arrêter sa voiture tout auprès du phénomène ; et là, sans descendre, il reste en contemplation pendant quelques minutes; puis s'adressant à son cocher : « Garçon, dit-il, retournons à BufTalo ; demain je repars pour New-York. »
Un de ses compatriotes, un lord, comme l'appelaient ses domestiques, avait un autre goût Tous les ans, ponctuel à l'excès, il faisait à Niagara un séjour de trois mois. Pécheur et chasseur intrépide, le matin, précédé de son piqueur et de ses bassets, il faisait la guerre aux bécasses sur la lisière des bois taillis qui couronnent les hauteurs situées près de la chute, sur la rive anglaise. Le soir, malheur aux brochets et aux esturgeons qui mordaient à ses hameçons.
On voit par ce que nous avons dit plus haut, que les eaux du lac Erié ont une élévation de quatre-vingt-deux pieds au-dessus du niveau du lac Ontario. Tous ces lacs de l'Amérique Septentrionale, qui sont de petites mers d'eau douce, sont d'une profondeur immense.
( a6 ) Adam, le père du genre humain. Voyez la Genèse.
(■7) Tous les ans, le président des États-Unis, comme les rois constitutionnels de l'Europe, fait une allocution au congrès à l'époque de sa réunion.
( ,$ ) Histoire de France, par Lacretelle.
('«) Cette pièce a été publiée dans les journaux de la Nouvelle-Orléans le jour même où M. Adams, président des États-Unis prononçait son discours d'ouverture devant le congrès.
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LES ÉPiTO.
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«ECOXDE ÏAftTlE
n»^
QUELQUES ÉPIGRAMMES DE MARTIAL.
TRADUCTION LIBRE.
DE MARTIAL.
Quoique le nom de Martial soil très-connu, ses œuvres le sont très-peu ; et la raison en est simple : ses ouvrages sont remplis de tableaux si vivants des mœurs dépravées de son temps, que l'on n'a jamais jugé convenable de le placer au nombre des auteurs claasi-ques ; et quand un jeune homme sort du collège, Dieu sait s'il lit Martial, assailli qu'il se voit tous les jours par les publications de productions modernes qui ont un intérêt si grand pour lui, qui
pendant tant d'années, ne vécut qu'avec les anciens, et qui voit
».
— 132 —
pâlir Sésostris, Alexandre et César, ces héros antiques, objets de son admiration, devant ces grandes figures de Napoléon et de ses lieutenants.
Ainsi, quelques-uns de nos lecteurs, nous l'espérons du moins, nous sauront gré de trouver ici un abrégé succinct de la vie de ce célèbre écrivain.
Martial naquit à fiilbilis, petite ville de la Celtibérie, province située au nord de l'Espagne, sur les confins de l'Aragon. Cette ville n'existe plus, et n'eût sans doute jamais été connue si elle n'eût donné le jour à ce poète.
A l'âge de vingt-et-un ans, il se rendit à Rome où son mérite ne tarda pas à le faire connaître. Aimé et estimé de tout ce que l'empire comptait de personnages illustres dans les armes, les arts et les sciences, il fut l'objet d'une bienveillance constante pour tous les empereurs sous lesquels il vécut, et fut honoré d'une affection particulière par Titus et par Domitien qui le comblèrent d'honneurs et de richesses.
Il vécut sous Galba, Othon, Vitellius, Vespasien, Titus, Domitien, Nerva et Trajan. Ce fut un ou deux ans après l'avènement de ce dernier à l'empire, que se croyant négligé par lui après un séjour de trente-cinq ans à Rome, il revint dans sa patrie où il mourut au bout de quatre ou cinq ans. Ainsi, dans l'espace de soixante ans, terme de sa carrière, il vit s'élever et tomber ces huit dominateurs du plus vaste et du plus puissant empire.
Martial était, dans la véritable acception de ce terme, un philo-sophe épicurien. Assez riche pour ne connaître aucune privation,
— 133 —
assez sage pour se contenter de son sort; les écrivains de nos jours le peindraient d'un seul mot : c'était un viveur.
Pendant qu'il menait joyeuse vie à Rome, sa femme, le modèle des femmes, Marcella, lui préparait d'agréables surprises pour son retour. Le temps ne lui manqua pas à cette chère épouse; et lors-qu'après trente-cinq ans d'absence, il vola dans ses bras, elle le reçut sous des bosquets de lauriers et de myrthes fleuris. Une rivière limpide arrosait un charmant domaine de ses ondes capricieuses qu'ombrageaient d'orgueilleux palmiers et une forêt d'oliviers toujours verts. Les palombes et les gallinacées peuplaient de vastes enclos et des tours jumelles. Un vivier retenait l'anguille captive ; et les fruits et les fleurs flattaient tous les sens à la fois. Aussi, disait-il, si Nausicaa m'offrait les jardins d'Alcinoûs, en échange de ceux que je tiens de l'amour de Marcella, je lui dirais : Vos jardins sont plus beaux, Nausicaa; mais j'aime mieux les miens. Pensée si généreuse et si naïve, que nous retrouvons exprimée quelques siècles plus tard par Henri IV, quand il chantait :
si le roi m'avait donné Paris, sa grande ville, etc.
Martial n'eut pas à se louer de l'accueil de ses compatriotes, autant que de celui qu'il reçut de Marcella. Leurs rapports avec lui n'eurent jamais rien d'amical; et c'est sans doute au chagrin qu'il éprouva de se voir l'objet d'une injuste inimitié, qu'il faut attribuer sa mort qui arriva quatre ans après son retour dans sa p t * .
- 134 -
Tons les auteurs de «ou temps, tous les antiques les plus éclairés et les plus sévères des siècles qui l'ont suivi, ne parient de ses ouvrages que de la façon la plus flatteuse ; et ces juges, dont on ne contestera pas la compétence, le rangent sons le rapport du style, parmi les écrivains les plus pars et les plus élégants.
DE MARTIAL,
TRADUCTION LIBRE ('}.
LAUTEKR ET L'ÉDITEUR, DIALOGUE.
PRÉFACE.
De l'émule de Juvénal, Du satirique Martial
(1) Trèi libre. (Note <k l'anltur).
— 436 —
Je mets au jour les épigrammes Que vous vouliez livrer aux flammes ; Pour moi, qui suis impartial/ Vous le savez, dans cette affaire, Ma foi, je n'y trouve aucun mal.
— Vous le voulez, je ne sais plus qu'y faite ;
Imprimez donc, si cela peut vous plaire ; Mais, dites-moi, que ferez-vous De tant d'épigrammes obscènes ? Nos matrones n'ont pas des oreilles romaines ; Et vos libraires seraient fous De mettre au jour de telles scènes.
— Mais, ce roi dévot, cependant, Ce Louis surnommé le Grand, N'avait pas de pareils scrupules. Bravant des craintes ridicules, Il fit, pour un prince royal, Au Louvre imprimer Martial ;
Et des bénédictins du fond de leurs cellules, ' Par ordre de ses précepteurs, Commentaient ces divins auteurs
Qui nous ont fait jadis donner tant de férules ;
Songez que tous ces gens vertueux, érudits, Ce Montausier, lui, réputé si sage :
Le docte Bossuet, ce grave personnage,
Et Fénelon, ce savant si modeste, Ne trouvèrent jamais de mal dans ces écrits.
— N'importe, des dévots ne bravons pas les cris; Je crains la calomnie et son venin funeste Plus que le choléra, la famine et la peste.
— Soyez sans crainte à cet égard ; Nous pourrons braver le regard De la vertu la plus austère ; Et de cette œuvre un peu légère Nous aurons soin de retrancher Ce qui pourrait effaroucher Une pudeur un peu sévère ; La fille en permettra la lecture à sa mère.
EPIGRAMMATA.
Ii Anphilkilnn tesaris. - i> s^. 1.
Barbara Pyramidutn sileat miracula Memphis : Assiduus jactet nec Babylona labor;
Nec Triviae templo molles laudentur honores; Dissimuletque Deura cornibus ara frequens.
Aère nec vactio pendentia Mausolea
Laudibus immodicis Carcs in astra ferant.
EPIGRAMMES.
Sur l'.UpjiilWtrr de César.
Que l'on ne vante plus ces barbares merveilles ('), Ces pyramides de Mempbis, Dont si souvent par de pompeux récits On a fatigué nos oreilles. Nobles murs qu'à grands frais bâtit Sémiramis (*),
Autel de Corne et temple de Diane ( ïrt *), Un plus beau monument à l'oubli vous condamne. Tombeau miraculeux, suspendu dans les airs,
Omnis Caesareo oedat labor Amphitheatro : Unum prae cunctis fama loquatur opus.
De Pasiphaes Speclaculo. - De spect. 5.
Junctam Pasiphaen Dictaeo crédite tauro;
Vidimus: accepit fabula prisca fidem. Nec se miretur, Caesar, longaeva vetustas:
Quicquid fama canit, donat arena tibi.
Ad Calonem. - Lib.i,z v .i.
Nosses jocosae dulce cum sacrum Florae, Festosque lusus, et licentiam vulgi, Cur in theatrum, Cato severe, venisti? An ideo tantum vénéras, ut exires?
Et dont les Cariens ont droit d'être si fiers,
O magnifique mausolée ( 5 ), Témoin de la douleur d'une sœur désolée,
César a dit : À la voix du géant Surgit l'amphithéâtre ; et ce prodige unique ( 6 ) Obscurcit la splendeur de votre gloire antique, Et, seul, il vous fait tous rentrer dans le néant.
h>ç«-
A Céw, du Spectacle de Pasiphaé représenté dans fartée ( 7 ).
J'ai vu Pasiphaé jointe au taureau mutin; Vous l'avez vu vous-même, et rien n'est plus certain, Pour toi, César, l'arène réalise Ce que la fable préconise.
A Calon, trop sévtare.
Quand tu viens voir des jeux la licence folâtre, ' C'est toujours pour te plaindre, et pour t'en repentir: Et tu n'entres au théâtre Que pour en sortir.
— 142
De Gemello el laronilla. - lu,, i, Bp. 11.
Petit Gemellus nuptias Maronillae, Et cupit, et instat, et precatur, et donat. Adeone pulchra est? iramo fœdius nil est. Quid ergo in il la petitur et placet ? Tussit.
Ad ÀTÎtiun, de suis epigrammatis. - m. i, r?. n.
Sunt bona, sunt quaedam mediocria, sunt mala plura, Quae legis hic: aliter non fit, A vite, liber.
■^o-
Ad Fauslinum. - lu. i, e?. 36.
Ede tuos tandem populo, Faustine, libellos,
Et cultnm docto pectore profer opus; Quod nec Cecropiae damnent Pandionis arces,
— 143 —
De Geuellus et de lafla Pulmonaire.
De Ruffa, Gemellus veut devenir l'époux : Il l'accable de dons, la presse, la conjure,
Sans aucun doute, il faut, me direz-vous, Que Ruffa soit bien belle.—En toute la nature, Rien n'est plus laid que cette créature,— En elle, alors, qti'aime-t-il donc?—Sa toux.
A Afit08.
Lorsque tu liras mon ouvrage,
Tu trouveras à chaque page Du bon, du médiocre, et surtout du mauvais : Ce n'est pas autrement que les livres sont faits.
A ftvlmi».
Mets donc, enfin au jour, ô mofa cher Faostinus, Tes ouvrages savants du public inconnus, Et qu'auraient admirés les sages du Portique, Ceux de Rome moderne, et ceux de Rome antique.
« - 444 —
Nec sileant nostri praetereantque senes. Ànte fores stantem dubitas admittere famam,
Teque piget curae pramia ferre tuae? Post te victurae, per te quoque vivere charte
Incipiant : cineri gloria sera venit.
Ad Procillum, convivam nimis memorem. - lo>. i, s?, »
Hesterna tibi nocte dixeramus, Quincunces, puto, post decera peractos, Cœnares hodie / Procille, mecum. Tu factam tibi rem statim putasti, Et non sobria verba subnotasti, Exemplo nimium péri cul oso.
Mirô fAwifAova oufAirérw, PrOCllIe.
— 445 —
Hésiterais-tu donc à recevoir chez toi
La Renommée? Elle est sur le seuil de ta porte : Ouvre, tu peux l'admettre sans effroi :
De tes rares travaux c'est le prix qu'elle apporte. Crois-moi , profite du présent, Rends-toi fameux de ton vivant,
Quelque sûr que tu sois que ton nom te survive, Pour l'illustrer redouble tes efforts : C'est une gloire trop tardive Que celle qu'on accorde aux morts.
-&&<h
i Procillus.
Hier, après avoir trinqué jusqu'à minuit, Procillus, je te dis que la table était prête, Et que je t'attendais à souper aujourd'hui. Soudain tu pris cela pour une affaire faite ; Mais, mon cher Procillus, rien n'est moins convenant
Que de conserver la mémoire Des propos que l'on tient pendant qu'on est à boire.
Le souvenir d'un pareil incident Serait d'un fâcheux précédent,
Et pourrait bien te donner du déboire.
9
Deviens plus oublieux, si tu veux bien en croire L'avis d'un bon vivant.
»e«
— ne —
Ad Sabidiou. — im>, i, e p . sa.
Non amo te, Sabidi , nec possum dicere quare : Hoc tantum possum dicere, non amo le.
-9&C-
De Gellia. — lu. i, ej>. 34.
A inissu m non flet, quum sola est Gellia, patrera;
Si quis adest, jussae prosiliunt lacrymae. Non dolet hic, quisquis laudari, Gellia, quaerit;
Ille dolet vere, qui sine teste dolet.
>&€r
Ad Fidenlinnn. — ub. 1, s?. 39.
Quem recitas, meus est, oFidentine, libeltus Sed maie quum recitas, incipit esse tuus.
»&c
A Sabidus.
Je ne t'aime plus, Sabidus, Pourquoi? ... je ne saurais le dire; Mais, si tu veux, je puis l'écrire : Sabidus, je ne t'aime plus.
-4-&C-
De Gellie.
Lorsque Gellie est seule, elle ne pleure pas Son père vertueux ravi par le trépas ; Mais quelqu'un survient-il? Ah ! sa douleur est grande, On voit couler à flots ses larmes de commande. D'éviter les regards le vrai chagrin a soin, Et sait bien pleurer sans témoin.
-O^CH
À Fideitioos.
Ce livre que tu lis Fidentus est de moi; Mais tu le lis si mal qu'on le dirait de toi.
10.
— 148 —
QainliaDom facil assertoren. - m. i. s?, sa.
Commendo tibi, Quintiane, nostros: Nostros dicere si tamen libellos Possim , quos récitât tuus Poeta : Si de servitio gravi queruntur, Assertor venias, satisque praestes, Et, quum se dominum vocabit ille, Dicas esse meos, manuque missos. Hoc si terque quaterque clamitaris, Impones plagiario pudorem.
-9Q<
Ad fiisciiin. - ut. i, *. 55.
Si quid, Fusce, vacas adhuc amari, Nam sunt hinc tibi, sunt et hinc amici ; Unum, si superest, locum rogamus ; Nec me, quod tibi sum novus, récuses : Omnes hoc veteres tui fuerunt. Tu tantum inspice, qui novus paratur, An possit fieri vêtus sodalis.
— U9 —
À Qninliaous.
Quintianus, protège mon ouvrage; Si je puis de ce nom appeler, cependant, Des écrits que me vole un poète impudent. Viens, pour les affranchir de ce honteux servage,
Viens à mon aide, et sois ma caution. Si de mes vers encor cet indigne faussaire, Comme il Ta fait déjà dans mainte occasion, Disait qu'il est l'auteur, tu peux le faire taire En proclamant partout, hautement, sans mystère, Que ces vers sont de moi : que rien n'est plus certain.
Et que tu les tiens de ma main. S'il n'est pas corrigé, du moins, tu pourras faire Rougir aux yeux de tous un si vil plagiaire.
A Fusais.
Fuscus, si tu pouvais encore aimer quelqu'un, De tes amis, déjà, quel que soit le grand nombre, De grâce, dans leurs rangs admets un importun. Ne me regarde pas d'un œil sévère et sombre, Par la seule raison que je suis tout nouveau : Tes amis les plus vieux ont tous eu ce défaut.
- 150 —
Ad Placerai. — m. 1, b p . m.
ê
Qualem, Flacce, velim quaeris, nolimve puellam ? Nolo nimis facilem, difficilemque nimis.
Ulud quod médium est, atque inter utrumque probamus Nec volo, quod cruciat ; nec volo, quod satiat.
-O^O-
Ad Fairallam sui laadalricem. - ub. i, e ? , 66.
Bella es; novimus : et puella ; verum est : Et dives; quis enim potest negare? Sed dum tenimium, Fabulla, laudas, Nec dives, neque bella, nec puella es.
-w*.
Ad Ivfun.
— Lib. I, Ep. 107.
Interponis aquam subinde, Rufe, Et si cogeris a sodale, raram
9
Diluti bibts unciam Paierai,
— 151 —
A Plaçais.
Je veux que la femme que j'aime, Ni rude, ni douce à l'extrême, Jamais ne donne à son amant Ni satiété, ni tourment.
-o^o-
A Fabolla.
Nous savons que vous êtes belle :
Que vous êtes riche et pucelle ; !
Chacun est prêt à l'avouer ; Mais lorsqu'on vous entend vous-même vous louer, • Et quand votre mérite ainsi par vous s'affiche, Vous n'êtes plus, pour nous, belle, vierge, ni riche.
A Rufos.
Tu ne bois jamais pur. Dans l'eau de la citerne, Forcé par tes amis , à peine on te verra Délayer dans ta coupe une once de Falerne.
- 152 —
Numquîd pollicita est tibi beatam Noctem Naevia, sobriasque mavis Certae nequitias fututionis? Suspiras, retices, gémis: negavit. Crebros ergo bibas licet trientes, Et durura jugules mero pu do rem. Quid parcis tibi, Rufe? dormiendum est
-oQO-
Ad Lncium Juliom. - ut. i, e v . ioe.
Ssepe mihi dicis, Luci clarissime Juli,
Scribe aliquid magnum : desidiosus homo es. Otia da nobis; sed qualia fecerat olim
M aecenas Flacco, Virgilioque suo : Condere victuras tentem per saecula curas,
Et uomen flammis eripuisse meum. In stériles campos nolunt juga ferre juvenci :
Pingue solum lassât, sed juvat ipse labor.
—oW<
— 153 —
Tu soupires, tu crains, tu gémis: Né via, Si tu bois trop, dis*tu, honteux te renverra: Dans les joyeux ébats promis par ta maîtresse, Veux-tu donc n'apporter qu'une amoureuse ivresse? Ah! noyons dans le vin ces farouches vertus. Pourquoi nous ménager?4l faut mourir, Rufus.
-o^o-
A Locios.
Tu me dis bien souvent, illustre Lucius ; Paresseux, donne-nous quelque immortel ouvrage. Donne-moi, Lucius, les loisirs, le courage Que Mécène donnait à Virgile, à Flaccus. O Lucius, alors, dans mon ardeur extrême, Quels efforts inouïs ne tenterai-je pas Pour dérober mon nom aux ombres du trépas; Et triomphant du temps me survivre à moi-même! Mais, si de nos sueurs gaiement nous arrosons, Le sol qui nous produit d'abondantes moissons Nos taureaux ne vont pas, sous le joug indociles, S'atteler pour creuser des sillons infertiles.
-♦©o-
— 454 —
IA frima. — lo>. i, sp. m.
Scribere me quereris, Velox, epigrammata longa. Ipse nihil scrtbis : tu breviora facis.
■<*&*>-
Io Priscum. — lu>. h Bp. na.
Quum te non nossera, dominum regemque vocabam : Quum bene te novi, jam mihi Prisais eris.
r . i. I
— 455 —
A fektt.
>
Tu me trouves prolixe, et veux de mes ouvrages Arracher les trois quarts des pages ; Je vois : pour écrire à ton goût,
Il faudrait, comme toi, n'écrire rien du tout.
VARIANTE*
Mes écrits sont trop longs, ainsi le dit Sévère; Un jugement pareil ne m'inquiète guère. Quant aux siens, cher lecteur, comme tu penses bien, Ils sont toujours très-courts : il n'écrit jamais rien.
~»&<^-
À Prisais.
Prisais, avant de te connaître, Je t'appelais mon seigneur et mon maître *
Aussitôt que je te connus, Je t'appelai Prisais, et rien de plus.
— 156 —
h Poslhumum - ub. n , b p . ia.
Esse quid hoc dicam, quod oient tua basia myrrham, Quodque tibi est nunquam non alienus odor ?
Hocmihi suspectum est, quod olesbene, Posthume, semper Posthume, non bene olet, qui bene semper oie t.
-•^o-
Ad Seitam. — ub. 11, Bp. îs.
Et judex petit, et petit patronus. Sol vas, censeo, Sexte, creditori.
~&QO~
In Hennum, maie ôlealem. - m. u r p . 15.
Quod nulli calicem tuum propinas, Humane facis, Herme, non superbe.
-•^«H
— 157 —
À Posthumes.
Cher Posthumus, que peut-on dire De tes baisers toujours sentant la myrrhe? Lorsqu'on sent toujours bon, dit-on, Non, cela ne sent rien de bon.
A Seilus, débiteur processif.
S'il faut payer Juge, Avocat, Huissier, Crois-moi, Sextus, paie ton créancier.
Sur flerw».
Lorsque le sale Hermus ne vous laisse pas boire Dans son verre, n'allez pas croire
Que ce soit par fierté : Oh non! chez lui c'est pure humanité.
— 158 —
In Posthumum. - m. n, e p . 21.
Basia dasaliis; aliisdas, Posthume} dextram. Dicis, Ut ru m ma vis? elige: malo manu m.
-»$«-
De eodem. — lo>. n, e v . 93.
N
Non dicam, licet usque me rogetis, Quis ait Posthumus in meo libello, Non dicam : quid enira mihi necesse est Has ofFendere basiationes, Quae se tara bene vindicare possunt ?
-»e-c-
Ad Bilhynieum. — La. n, Bp. 26.
Quod querulum spirat, quod acerbum Naevia tussit, Inque suos mittit sputa subinde sinus :
— 159 —
Sur Posthumos.
Posthumus baise sur la bouche. Ou bien dans la main il vous touche. Choisis, dit-il, lequel veux-tu des deux? C'est la main que je veux.
i
Sur le même.
Quel est ce Posthumus attaqué dans ce livre ? Il faudrait, pour le dire, ami, que je sois ivre.
Tu pourrais bien prier jusqu'à demain, Que ce serait prier en vain. Cette indiscrétion ne ferait pas mon compte. Non je n'en dirai rien : Je connais le danger D'attaquer des baisers qui pourraient se venger
D'une façon si cruelle et si prompte.
-*fe«-
À Kthynicus.
Parce que Névia tousse violemment,
Et qu'on la voit cracher à chaque instant,
- 160 —
Jam te rem factam, Bithynice, credis habere? Erras : blanditur Naevia, non moritur.
-O&th
In Linom. — lo>. n, e?. ss.
Quid mihi reddat ager, quœris, Line, Nomentanus? Hoc mihi reddit ager : te, Line, non video.
-»e«-
ln Seilum. — ut. il r?. u.
Emi seu puerum, togamve pexam , Seu très, ut puto, quatuorve libras; Sextus protinus ille fœnerator, Quem nostis veterem meum sodalem, Ne quid forte petam, timet, cavetque ; Et secum, sed ut audiam, susurrât : Septem millia debeo Secundo ; Phoebo quatuor ; undecim Phileto ; Et quadrans mihi nullus est in arca.
— 161 —
Tu crois, Bithynicus, que ton affaire est faite ; Et de sa mort déjà tu te fais une fête, Mais Névia longtemps, va, te fera souffrir : Elle veut t'amuser; mais ne veut pas mourir
-OQ«
Sur Linus.
»
Tu veux savoir, Linus, ce que me rend mon champ? Je ne t'y vois jamais : Voilà ce qu'il me rend.
-o^-o-
Sur Sexlus.
Si j'achète un esclave, une toge nouvelle, Un rien, la moindre bagatelle, Un usurier, nommé Sextus,
Auprès duquel j'étais toujours des mieux venus, De moi craignant quelque demande, Se parlant bas, mais, cependant, Assez haut pour que je l'entende :
A Secundus, dit-il, je dois, fin du courant, Sept mille écus, sans renouvellement ;
A Phœbus j'en dois quatre, et quatorze à Philète. Tout cela fait un monceau d'or,
— 162 —
O grande ingenimn mei sodalis!
Durum est, Séxte, negare, quum rogaris:
Quanto durius, antequam rogeris!
■OQO-
ln laiimam. — lu. n, e p . 53.
Vis fieri liber? menti ris, Maxime; non vis:
Sed fieri si vis, bac ratione potes. Liber eris, cœnare foris si, Maxime, nolis :
Veientana tuam si domat uva sitina: Si ridere potes miseri cbrysendeta Cinnae :
Contentus nostra si potes esse toga : Si plebeia Venus gemino tibi vincitur asse :
Si tua non rectus tecta aubire potes. Haec tibi si vis est, si mentis tatita potestas,
Liberior Partho vivere rege potes.
•»€ «
— 163 —
Et je n'ai pas un sou dans mon trésor. Pour détourner l'orage de ta tête, Pour éconduire un ancien compagnon, Oh! l'heureuse conception! Éprouver un refus, alors que Ton demande, Le déboire est amer, et la honte est bien grande ; Mais, sans qu'on ait jamais demandé rien encor, Être ainsi refusé! ho! ma foi, c'est trop fort.
A Maxime.
Tu veux devenir libre? oh non! tu ments, Maxime»
Veux-tu! l'être vraiment? Suis bien cette maxime:
D'abord, hors de chez toi, Maxime, ne va pas,
Parasite assidu , mendier tes repas.
Si tu calmes ta soif avec le vin de Veies,
En pitié de Cinna si tu vois les merveilles,
Si tu trouves ma toge assez bonne pour toi,
Si tu veux des venus qu'avec cinq sous tu paies,
Si l'on ne peut entrer que courbé sous ton toit,
Et si de ces conseils jamais tu ne t'écartes
Maxime, tu vivras, crois-moi,
Plus libre que le roi des Parthes.
-<H><-
H
— 164 —
Ad Sexlnm. — lu. il e v . 55.
Vis te, Sexte, coli: volebam amare.
Pa rendu m est tibi; quod jubés, coleris :
Sed si te colo, Sexte, non amabo.
-&&o-
In Zoilam. — ub. n, e v . m.
Pexatus pulchre rides mea, Zoile, trita. Sunt haec trita quidem , Zoile ; sed mea sunt
-OQO-
In Hytluni — ub. n Ep. 6o-
Uxorem armati futuis, puer Hylle, tribuni, Supplicium tantum dum puérile times.
Vae tibi> dum ludis; castrabere : jam mibi dices, Non licet hoc : quid, tu quod facis, Hylle, licet?
— 165 —
A Seitas, orgueilleux.
Tu veux qu'on te respecte, et je voulais t'ai mer. A tes désirs, pourtant, il faut se conformer; Mais tu te trompes bien, ô Sextus, si tu crois Qu'on peut te respecter et t'aimer à la fois.
-o&o-
A Me.
Toi, toujours si bien mis, ô Zoïle, tais-toi Et ne ris pas de mes toges usées : En dix endroits ces toges sont percées; Mais elles sont à moi.
-OQi
A Hylas.
Jeune Hylas 9 imprudent enfant,
Lorsque tu caresses 1 épouse
D'un vieux tribun d'humeur jalouse ( 16 ),
Peut-être, crains-tu seulement
Qu'il te soumette au châtiment
Qu'on inflige à ceux de ton âge;
-œ«-
In Saleianum. — ub. n. e v . es.
Cur tristiorem cernimus Saleianum ? An causa levis es?t?Extuli, inquis, uxorem O grande fati crimen ! o gravem casum ! Illa, illa dives mortua est Secundilla, Centena decies quae tibi dédit dotis? Nollem accidisset hoc tibi, Saleiane.
In Co6Conium. — l*&. n, b?. n.
Cosconi, qui longa putas Epigrammata nostra , Utilis ungendis axibus esse potes.
— 167 —
Mais, prends bien garde, s'il t'y prend.
Il te châtrera sûrement. Mais, à ces mots, tu changes de visage :
Quoi ! diras-tu, me châtrer, moi !
Ce n'est pas permis par la loi : Ce que tu fais rest-il donc davantage !
■O&O-
A Sale la nus.
Quel est, Saletanus, ce sombre désespoir?
Pourquoi t'affliger de la sorte?
Ah ! puisque tu veux le savoir, Apprends, dis-tu, que mon épouse est morte! —O malheur déplorable! ô crime du destin!
Quoi! cette riche Ségondille!
Et sa dot d'un million qu'il te faudra demain
Restituer à sa famille ! Ah ! cher Saletanus, je conçois ton chagrin.
-»<M>-
Sur Coscoa.
Tu trouves donc, Coscon, mes écrits trop prolixes! Au lieu de me juger tu ferais beaucoup mieux
— 168 —
Hac tu credideris longum ratione colossum,
Et puerum Bruti dixeris esse brevem. Disce, quod ignoras: Marsi doctiquePedonis
Saepe duplex unum pagina tractât opus. Non suntlonga, quibus nihilest, quoddemere posais;
Sed tu, Cosconi, disticha longa facis.
In mulierem déformera. - lu. iil Ep. s.
Formosam faciem nigro velamine celas : Sed non formoso corpore laedis aquas.
Ipsam crede Deam verbis tibi dicere nostris, Aut aperi faciem, vel tunicata lava.
-o^©
Ad librum suum. — uk m e v . 4.
Romam vade, liber : si, veneris un de, requiret, jEmiliœ dices de regione viae.
— «69 —
D'aller au cirque y graisser des essieux. D'après les bornes que tu fixes,
Tu dois trouver pour être conséquent, Que des fils de Brutus la taille est trop petite,
Et que le colosse est trop grand. Si pour toi d'être bref est un si grand mérite, Toi qui veux m'enfermer dans ton étroit compas, Nouveau Popilius, Coscon, ne sais-tu pas Que Marsus, que t'édon , souvent dans leurs ouvrages Ont pour une épigramme employé plusieurs pages ? N'en peut-on rien ôter? tous nos écrits sont bons, Mais tes distiques même, ô Coscon, sont trop longs.
-o^o-
A une femme belle et difforme.
Dieux ! quels attraits divins ton voile nous dérobe ! Mais, las! quel corps affreux tu nous montres au bain ! Si tu veux obtenir un triomphe certain, Relève bien ton voile, et baisse bien ta robe.
-<XM>-
A son livre.
Pars pour Rome, 6 mon livre. En cette ville, à peine, On te demandera de quel lieu nous venons :
— 470 —
Si, quibus in terris, qua si m us in urbe, rogabit,
Corneli referas me licet esse foro. Curabsim, quaeret: breviter tu, multa, fatere,
Non poterat vanae taedia ferre togae. Si, quando veniet? dicet: responde, Poeta
Exierat; veniet, quum citharoeduserit.
-o^c-
Id Quintun. — ui. m, e v . s.
m
Thaida Quintus amat : quam Thaida? Thaida luscam Unum oculum Thaïs non habet, ille duos.
-o^c-
In Ciooam. - ub. m ej>. 9.
Versiculos in me narratur scribere Oinna. Non scribit, cujus carmina nemo legit.
— m —
Réponds alors que c'est des: régions
Où nous conduit la voie Emilienne. Mais des lieux que nous habitons
Veut-on savoir le nom et la distance?
Nomme lmola, lieu de ma résidence. Si Ton te demandait pourquoi je suis absent : Pour tout dire en un mot, réponds à cette enquête
Que je ne puis supporter plus longtemps
Tous les ennuis d'une vaine étiquette. Sans doute, on te dira, d'ici je les entends : Eh! quand reviendra-t-il de ce pays barbare?
Dis à celui qqi t'interrogera Il est parti poète; eh bien il reviendra Aussitôt qu'il saura jouer de la cythare.
-*<H>-
Sur Quioelus amoureui.
Pour la borgne Thaïs Quinctus brûle ardemment : Si Thaïs n'a qu'un œil, Quinctus n'en a pas tant.
■♦©«-
Sur (liona.
Cinna, dis-tu . contre mes vers écrit ?... Celui-là n'écrit pas que personne ne lit.
— 172 —
^>&€h
h CaBdidom. — ub. m, e?. se.
Praedia solus habes, et solus, Candide, nummos, Aurea solus habes, myrrhina solus habes ;
Massica solus habes, et Opinai Caecuba solus; Et cor solus habes, solus et ingenium.
Orania solus habes ; nec me pu ta velle negare : Uxorem sed habes, Candide, cum populo.
-œo-
Ad Chiooem. - lu. iil Bp. 34.
Digna tuo air sis, indignaque nomine, dicam. Frigida es, nigra es : non es, et es Chione.
— 173 —
VABIANTB.
Cinna, dis-tu, veut dans ses versicules Me donner quelques ridicules; Mais ne crois pas ce qu'on en dit : Celui-là n'écrit pas que personne ne lit.
-&QO-
A Candide, qui n a?ail avec ses amis rien en commun que sa femme.
Toi seul as de grands biens, toi seul un grand trésor, De beaux vases Myrrhins, de riches coupes d'or : Tu bois seul le Cécube, et seul bois le Massique : Ton cœur lui seul est grand,.et ton esprit unique. Seul tu possèdes tout: hors une chose, hélas ! Et je pourrais, je crois, le jurer sur mon âme La chose qu'à toi seul, tu ne possèdes pas, Cette chose-là, c'est ta femme.
-»e«-
A Neige. — Vers de l'école moderne.
Vous êtes froide et brune, Neige, vous n'avez donc Droit de ne porter qu'une Moitié de votre nom.
— 174 —
h lacertam cœlalam - Lib m, e v . 41
Inserta phialae Mentoris manu ducta Lacerta vivit, et timetur argentum.
-0^0-
ln Ligurinum. — lo>. zu, e p . 45.
Fugerit an mensas Phœbus cœnamque Thyestae, Ignoro : fugimus nos, Ligurine, tuam.
Illa quidem lauta est, dapibusque instructa superbis Sed nihîl ômnino, te recitante, place t.
Nolo mihi ponas rhombum, mullumve bilibrem : Nec volo boletos, ostrea nolo : tace.
-ov«-
— *75 -
Sur une vipère ciselée.
Mentor, sur un vase d'argent, Roule un reptile avec tant de talent, Qu'en approchant cette vipère feinte, Mon cœur bat et frémit de crainte. Vainement on m'offre du vin Que contient l'horrible chef-d'œuvre : Je crains de boire du venin, Ou d'avaler une couleuvre.
-»&€h-
De Lierions.
Je ne sais si Phœbus autrefois de Thieste A fui la table horrible et le festin funeste ;
Mais quant à moi je jure bien, Que je fuirais bien loin pour éviter le tien. Ta table est délicate, elle est riche à l'extrême; Mais avec moi tu conviendras toi-même
Que tes repas sont un peu chers Quand il faut y subir le récit de tes vers. Supprime tes turbots, tes mulets de deux livres, Tes champignons, tes huîtres, tes pois verts;
Mais supprime surtout tes livres.
— 176 —
h nritaloreoi. — lu>. in, e p . 49.
1
Veientana mihi misées, tu Massica potas : Olfacere haec malo pocula, quam bibere.
Ad Tongilianom, de otili incendie - ub. ni. e v . 52.
Empta domus fuerat tibi, Tongiliane, ducenis : Abstulit hanc nimium casus in LJrbe frequens.
Collatura est decies. Rogo, non potes ipse videri Incendisse tuam, Tongiliane, domum?
— 177 —
A ni iifitateor.
Tu ne bois que du crû de ton meilleur vignoble, Et tu veux m'abreuver du vin le plus ignoble : Laisse-moi seulement flairer un peu le tien, Et je te permettrai de boire tout le mien.
-&&€>-
A Tongilianus sur sa maison incendiée.
On brûle ta maison, valant dix mille écus : Tes amis cotisés te donnent dix fois plus; Et voilà que le monde en sa malice extrême, Dit que tu pourrais bien t'être brûlé toi-même !
VARIANTE.
Un déplorable événement,
Dans notre ville trop fréquent,
A réduit ta maison en cendre ;
Cédant à l'élan de leur cœur,
De réparer un tel malheur
Tes amis voulant entreprendre,
T'offrent, d'or et d'objets divers,
Dix fois la somme que tu perds.
Un médisant, à qui voudrait l'entendre,
— 478 —
h*©*
kl fiallam. - lo>. iii, e p . 54.
Quum tiare non possim, quod poscis, Gai la, rogantem: Multo sitnplicius, Gai la, negare potes.
-»o«-
In fielliam. — ub. m, Bp. r>5.
Quod quacumque venis, Cosmum migrare putamus, Et fluere excusso cinnama fusa vitro :
Nolo peregrinis placeas tibi, Gellia, nugis. Scis, puto, posse meum sic bene olere canem.
■*&<
De villa Fausliui, ad Bassin. - Lib. m b p . ôs.
Baiana nostri villa, Basse, Faustini, Non otiosis ordinata myrtetis ,
— «79 —
Ne pourrait-il pas dire avec quelque raison, Que Tongilianus a brûlé sa maison ?
-o^c-
A Galia.
Si tu veux trop, Galla, pour te donner à moi, Dis-moi tout simplement Je ne veux pas de toi.
-»©•©-
À Gellia.
Vous exhalez, Gellie, en tous lieux sur vos pas De mille et mille fleurs les parfums délicats ; Mais quelle est votre erreur si vous pensez nous plaire Au moyen d'une odeur qui vous est étrangère. Allez si je voulais le parfumer ainsi, Certainement mon chien sentirait bon aussi.
~œi
La villa de Faustinus.
A Baie on ne voit pas, chez notre Fa us tin us, Des myrthes et des buis soigneusement tondus,
— 480 —
Viduaque platano, tonsilique buxeto Ingrata lati spatia detinet campi : Sed rure vero bar baroque laetatur. Hic farta premitur angulo Ceres omni, Et multa fragrat testa senibus autumnis. Hic post Novembres, imminente jam bru ma, Seias putator horridus refert uvas. Truces in alta valle mugiunt tauri, Vitulusque inermi fronte prurit in pugnam. Vagatur omnis turba sordidae cortis, Argutus anser, gemmeique pavones, Nomenque débet quae rubentibus pennis, Et picta perdix, Numidicœque guttatae, Et impiorum phasiana Colchorum. Rhodias superbi feminas premunt galli ; Sonantque turres plausibus columbarum. Gémit hinc palumbus, inde cereus turtur. Avidi sequuntur villicae sinum porci; Matremque plenam mollis agnus exspectat. Cingumt serenum lactei focum vernae, Et larga festos lucet ad Lares silva. Non segnis albo pollet otio caupo : Nec perdit oleum lubricus palestrita :
— 181 —
D'autres arbres encor ne flattant que la vue.
Couvrir de champs ingrats une vaste étendue;
Mais c'est vraiment, Bassus, une maison des champs,
Que tous les ans Gérés comble de ses, présents.
Tu peux voir au cellier cent tonnes entassées
'Gardant encor l'odeur des vendanges passées*
De précoces frimas le vigneron craintif,
Se hâte de cueillir le raisin trop tardif.
Tandis que les taureaux dans les vallons mugissent.
Leurs fils vont exerçant par des combats fictifs,
A des combats réels leurs fronts inoffensifs.
£n tous lieux, devant vous, à chaque pas surgissent
Tous ces peuples ailés, l'orgueil des basses-cours :
L'oison, le paon couvert de pierres précieuses,
La poule babillarde et les canes causeuses,
Et le rouge flamant, peu fier de ses atours,
La perdrix au pied rouge, et la poule numide,
Et le brillant faisan, présent de la Colchide;
La poule Rhodienne, après de vains combats,
Sous le coq, son vainqueur, plie, et ne se rend pas.
Tandis que l'on entend résonner les tourelles
Des baisers amoureux des tendres tourterelles,
L'avide pourceau suit le porcher pas à pas,
La menace à la bouche exigeant son repas.
Mais le foyer s'échauffe, et plus d'un jeune esclave
En cercle, auprès du feu, vient se placer en brave.
A ce feu qu'alimente un immense bûcher,
Le pourvoyeur actif bientôt sait s'arracher ;
— 482 —
Sed tendit avidis rete subdolum tordis ; Tremulave captum linea trahit piscem, Aut impeditam cassibus refert damam. Exercet hilares Eacilis hortus urbanos, Et paedagogo non jubente, lascivi Parère gaudent villico capillati ; Et delicatus opère fruitur eunuchus. Nec venit inanis rusticus salutator : Fert ille cens cana cum suis mella, Melamque lactis : Sassinate de silva Somniculosos ille porrigit glires ; Hic vagientem matris hispidae fœtum ; Alius coactos non amare capones, Et dona ma r ru m vimineo ferunt texto Grandes proborum virgines colonorum. Facto vocatur laetus opère vicinus, Nec avara servat crastinas dapes mensa ; Vescuntur omnes, ebrioque non novit Satur minister invidere convivae. At tu sub urbe possides famem mundam, Et turre ab alta prospicis meras laurus, Furem Priapo non timente securus. Et vinitorem fare pascis urbano,
— 183 —
Il parcourt les forêts, les plaines et les rives> Tend sa ligne aux poissons et ses filets aux grives, Et souvent dans ses rets il trouve un daim captif. D'eux-mêmes les enfants, essaim brillant et vif. Vont offrir au fermier les forces de leur âge; Le faible eunuque ici peut trouver de l'ouvrage. De ces bons campagnards souvent nous recevons Non de vains compliments, mais le miel en rayons, Ou bien le lait durci des prés de Sassinate, Ou le jeune chevreau, malgré ses cris, ses bonds, À sa mère arraché, non sans qu'il se débatte. .Enfin, vient l'écureuil qui se laisse charmer, El le chapon, contraint à vivre sans aimer. Du brave villageois bientôt la grande fille, Dans des tissus d'osier, ouvrage de ses mains, Vient présenter les dons des mères de famille. Les travaux achevés, tous les joyeux voisins Conviés à souper, assiègent une table Dont la chair est exquise, et dont l'hôte est affable. Tout abonde au banquet ; mais une avare main Ne fait rien enlever et garder pour demain. Les serviteurs pour eux, sûrs d'avoir tous les restes Servent sans trop d'humeur ces convives agrestes.
Auprès de la cité tu possèdes, Bassus,
Une vaste villa; mais de sa tour altière
Au loin, des lauriers seuls partout sont aperçus.
Là, tu peux des voleurs braver la troupe entière.
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Pictamque portas otiosus ad villam
Olus, ova, pullos, poma, caseum, mustum.
Rus hoc vocari débet, an domus longe?
Id Cinnam. — lu. m, e p . 01.
Esse nihil dicis, quidquid petis, improbe Cinna : Si nil, Cinna, petis; nil tibi, Cinna, nego.
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In Colilum. — ub. ul b*. 63.
Cotile, bellus homo es : dicunt hoc, Cotile, multi.
Audio : sed quid sit, die mihi, bellus hoino? Bellus homo est, flexos qui digerit ordine crines;
Balsama qui semper, cinnama semper olet; Cantica qui Nili, qui Gaditana susiirrat ;
Qui movet in varios brachia vulsa modos ; Inter femineas tota qui luce cathedras
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fcffaxir quekpi* chosç il? cbercherj^^riiifc vavift / (te nourris tous, tes gen* du içarj^foc&iAûurop ; W d'huile, de poulets, de fruits, d'oeufaet de)icin / ¥tfn pourvoyeur fournit ta obtaprçp»éeii'ffeititU te ij&siis.j-uii bien placé d'une-telle-feçoti* ' ,WI/ , il se nommer ferthl ou s^pprièr'taildsdirî 1 *
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Quelque chose que tu me demandés
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Je ne te refuse donc rien f . % . . t , . f
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Quand je refuse tes demandes f , nVS , (| y / j
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A Cotih®.
Vous êtes un lion ; chacun ainsi vous nomme, Beau Cofilus, j'entends; mais dites-moi Ce que c est qu un lion ? Un lion !... c est un nomme Qui s-'aime et-qui ^'admire, et n*adkiH^qfttë soi : -A ses cheveux qui toujours donne •• Le meilleur plji,; W pépare,av<# spin : * Qui sent toujours le. musc et lé benjoin : Qui, sans cesse, tout bas fredonne
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o jje^der, ^tt^ue ,a|iq«a seiflp#rm aurp sqnat.o A
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Qui legîl ninc îllinc mi&fost scribitque tabellas ;
Pallia vieilli qui rehigit ctlbili j Qui scit, quam quis amet; qui per convivia cttrrit;
HirpSni veteres qui bene novit avos. Quid narras? hoc est, hoc est homo, Cotile, Bellus?
Res pratricosa est, Cotile, bellus homo.
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Ad Co6Côfliim, - m. m, Bp. w. ''' l ; ' r
Omni a quod.scribifc castis Epîgttmmâtàfvefrbfc,
Inque tuis ntilta est mentula carmiriibùs/ Admiror; laudo': nihil est te sa ne tins tino :
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At mea luxttria pagina nulla vacat. Haec igitur juvenesneqaam ftcilesqiie ptjfeHœ ) Hœc senior, sed quem torque'amitelVTégàt.
— 187 —
La cantiiène polissonne; •Qui toujours gesticule, et qui donne toujours A ses bras épilés de gracieux contours; Aux femmes qui contant les cancans de la veille, A toujours quelque chose à leur dire à l'oreille. Belles, un vrai lion écrit des billets doux,
Et lit partout ceux qu'il reçoit de vous.
Propre à l'excès, toujours à table, Le contact d'un voisin lui paraît redoutable. Il connaît vos amours, les lieux où vous dînez. Les aïeux des chevaux aux courses destinés...
OCotilus, est-il possible! Que me dites-vous là! répétez-le-moi donc : C'est cela, c'est cela que l'on nomme un lion ! Un lion, Cotilus, ah! quel métier pénible !
-o^o-
À Coscouius, poêle insipide.
J'admire ta chaste épigramme ; Et quoique tes écrits soient sans nerf et sans âme, Sans doute, on ne pourrait trouver rien de plus saint.
Quant à moi, de tous mes ouvrages
La luxure souille les pages,
Et j'en gémis, sois-en certain ;
Mais aussi, qui pourrait me lire,
— 488 —
At tua j Cosconi, venerandaque sanctaque verba A pueris debent virginibusque legi.
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Ad Caslam matroiam. — ub. m, e v . sa.
Ne légères partem lascivi, casta, libelli, Pradixi et monui : tu tamen, ecce, legis.
Sed si Panniculum, si spectas, casta, Latinum 9 Non sunt haec mimis improbiora : lege.
Id Rofuni. — iAb. m, e v . 94.
Esse negas coctum leporem, poscisque flagella : Ma vis, Rufe, coquum scindere, quam leporem
— 189 —
Sinon la fille un peu catin Ou le jeune homme aimant à rire? Cosconius, il faut le dire à ton honneur; Vénérables et saints, ainsi que leur auteur, Tes livres seront lus dans toutes les familles Par les petits garçons et les petites filles.
A Caste.
Malgré tous mes avis vous lisez donc mes vers ! Je les croyais pour vous trop lascifs, trop pervers. Sans scrupule pourtant continuez de lire * Chaque jour au théâtre on entend encor pire.
A lofos.
9 \
Fouettez le cuisinier, dit Ruffin en colère :
Le lapin n'est pas cuit; pour demain qu'on le serre.
C'est juste, il vaut mieux, cher Ruffin,
Couper le cuisinier que couper le lapin.
h Nffivolum. - ub. m e?. 95.
Nunquain dicis Ave, sedreddis, Naevole, semper,
Quod prior et corvus dicere saepe solet. . Cur hoc exspectes a me, rogo, Naevole, dicas ?
Nam puto, nec melior, Naevole, nec prior es. Praemia laudato tribuit mihiCaesar uterque,
Natorumque dédit jura paterna trium. Ore legor raulto, notumque per oppida noinen
Non exspectato dat mihi fama rogo. Est et in hoc aliquid : vidit me Roma tribunum ,
Et sedeo qua te suscitât Oceanus. Quot mibi Caesareo facti sunt munere cives,
Nec famulos totidem suspicor esse tibi. Sed paedicaris ; sed pulchre 9 Naevole, ceves :
Jam jam sic prior es, Naevole ; vincis : Ave.
— 191 —
A Névole.
Tu me rends mon salut, j'en conviens, ô Né vole ; Mais on trouve bizarre, et c'est vrai, ma parole, Que tu ne veuilles pas saluer le premier, Ce que fait Curius, sans se faire prier. Pourquoi donc attends-tu de moi ces prévenances ? Es-tu plus grand que moi, Névole, es-tu meilleur ? Non; j'en prends à témoin l'un et l'autre empereur, Qui m'ont tant accordé de nobles récompenses. Avant ma mort j'obtiens un assez beau renom Dans les grandes cités, dans le moindre village. Rome, et c'est là, je crois, un assez beau partage, Aux noms de ses tribuns a vu joindre mon nom. Je m'assieds au théâtre, et sans jamais attendre. Aux gradins réservés d'où l'on te fait descendre. L'empereur a fait plus de citoyens pour moi Qu'on ne pourrait nombrer de serviteurs chez toi. Quelques-uns, cependant, vantent tes politesses; Mais si leur beauté seule, objet de tes caresses, Leur valait de ta part ce gracieux accueil, Serait-ce là, Névole, un grand sujet d'orgueil? Alors tu m'as vaincu, je ne puis le nier, Et je te saluerai désormais le premier.
Ad eerdonem. — im>. m, e p . 99.
Irasci nostro non debes, cerdo, libello.
Ars tua, non vita est, carminé laesa meo Innocuos permitte sales. Cur ludere nobis
Non liceat, licuit si jugulare tibi?
-»Oo-
Àd Fauslinum. — ub. iv, sp. 10.
Dum novusest, neque adhuc rasa mihi fronte libellus,
Pagina dum tangi non bene sicca timet : I , puer, et caro perfer levé munus amico,
Qui meruit nugas primus habere meas. Curre, sed instructus ; comitetur punica librum
Spongia : muneribus convenit illa meis. Non possunt nostros multae, Faustine, liturae
Emendare jocos : una litura potest.
— 193 —
À on savetier.
Je ne tattaque pas, j'attaque ton métier; Pourquoi donc, mauvais savetier, Contre mes vers tant de colère ? Quoi ! toi qui veux m 9 assassiner, Ne pourrais-tu me pardonner Une piqûre si légère ?
-ov^c-
À fanstinos.
Lorsque mon livre est vierge encor, Et que la feuille humide a peur qu'on ne la touche, Ami, reçois mes vers, trop futile trésor Que tu protégeras contre un censeur farouche ; Mais pour les mettre à l'abri des revers,
Gomme mainte et mainte rature
Ne pourrait corriger ces vers
Qu'on trouve toujours si pervers
Et si méchants de leur nature, A ce présent il faut que je joigne surtout Cette éponge qui peut tout effacer d'un coup.
-o^c-
In ThaldtiU. ub iï, e v . 12.
INulli, Thai, negas : sed si te non ptidet ifctud, Hoc saltem pudeat, Thai, negare nihil.
-oc
Ad Cfflcilianom. — ub. iv, np. 15.
Mille tibi nu min os hesterna luce roganti, In sex aut septem, Cseciliane, dies,
Non habeo, dixi : sed tu causatus amici Adventum, lancem paucaque vasa rogas.
Stultus es? an stultum me credis, amice? negavi Mille tibi nummos : mil lia quinque dabo ?
-+&€>-
— 195 —
A Thaïs.
Le mal n'est pas que tu te donnes
A mille amants divers; lie mal est que tu t'abandonnes
À tous leurs goûts pervers.
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A
De mille écus, hier, tu me 6s la demande ;
Forcé de te les refuser,
Je te priai de m'excuser;
Et, vraiment, ma peine fut grande ;
Et, ce matin, tu viens encor Demander ma vaisselle, avec mes vases d'or,
Et tout ce qui peut être utile Pour fêter des amis qui te sont survenus!
Me prends-tu pour un imbécille ?
Je t'ai refusé mille écus,
Irai*je t'en donner dix mille?
'13.
— 196
De Gœrellia el Gellia. - lu. iv, * p . 20.
Dicit se vetulam, quum sit Caerellia puppa : Puppam se dicit Gellia, quum sit anus.
Ferre nec hanc possis , possis, Colline, nec illam : Altéra ridicula est, altéra putidula.
-»^«-
De Selio. — lu. iv» b v . si.