L'ex-gouverueur Moaton et les hommes respectables et éminents qui ont sanctionné de leur influence les abominables cruautés commises par les misérables qa'ils commandent, doive.it^ avertis par leur gonscience, se s^ustraîpe aux regards de cet'^e société dont ils ont outragé les lois avec tant d'atrocittV Ils oîit fait eau-se couîuiime (à leur insu sans doute,) arec des meurtriers, et ont été les cotDplices d'uD crime en coraparaiison duquel le rû*?iM'tre serait un acte chrétien.

L'avenir dira si lajustrcedoit mesurer ans auteurs de cette grande iniquité la rétribu-iion qu'ils méritent. Si la loi règne encore, le vœu de tout bon citoyen sera qu'elle se lève dans sa majesté tt qu'elle châtie ceux qui l'ont foulée aux pieds.

Nous ne donnerons pas crédita toutes les rumeurs en cirenlation sur les actes de quel^ques-una des membres de ce Comité de violateurs des lois, car la brutalité de plusieurs de ces r.et"P est trop grande pour que les plus crédules y puissent ajouter foi. Nous admettrons volontiers que certains membres ont cédé àde bons motifs et à un sentiment mal entendu de leur devoir, et qne parmi ceux qu'ils ont frappés, il y. avait des criminels ; mais ces consFdéralions ne sauraient justifiej ou pallier des circonstances dont chacun rougira pour l'honneur de l'Etat. L'expédition des Comités a la (î^ueue-Tortue, ayant pour but de punir les malfaiteurs, était elle-même «ne usivrpation delà loi ; c'était un crime damnable d'exercer une violence quelconque sur «n seul homme dont le caractère n'était pws pai'faitement connu. S'ils ont usé du pouvoir qu'ils avaient usurpé sur un seul individu dont la culpabilité n'était pas pleinement établie dans leurs esprits, cet acte donne un démenti à leur prétenti'On que des coupable* reconnus ont été les-uuiques objets de leur Tengeanee. D'honnêtes gens qui usurpent l'autorité légale, ne peuvent oublier les droits de la justice ; s'ils les oublient, s'ils infligent \m châtiment illégal àrinnocént coniKie au coupable, ils ne sont pas moins crhninels que les coupe-gorges et les drôles qu'ils soudoient pour exécuter leurs volontés. Pourquoi ce Comité de Vigilance s'est-iî organisé, m ses fondateurs ne connaiï&ai.eat pas toue-ceux contre lesquels ils allîjient procéder? Toarquoi ne désignaient-ils pas les hommes qu'ils voulaient punir en acceptant lai responsabilité d'une violation de la loi ? Lorsqu'ils firent 70 ou 80 prisonniers. 3>ourquoi n'épargnèrent-ils point i'innoceat pour laisser tomber sur le coupable le poids de leur colère, ayant déclaré qu'ils braveraient Ift loi et qu'ils prenaient sur eux.d'admiaistrer ce qii'ila.aE£ell«Jit-k ias-

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tice ? Lps chefs de fws Comite's ne pvf'tendent poiiic avoir agi le'i^le-ment; nmia pensons qu'ils ne nient point que des innocents nient souf-fart avec les coupables ; ils ont donc non-seulement violé la loi, mais encore e«)nimis une injustice à l'égard d"hommes innocent?, et. pour ce fait, ils méritent un sé\-ère châtiment. Tous ceux-là doivent désirer leur punition, qui abhorrent la cruauté, exècrent le criîne, révèrent la loi et la justice et ont à cœur Thonnear et la prospérité de la Louisiane.

Écoutons maintenant les voix de la Nouvelle-Orléans : Nous avons différé, dit le Delta, d'exprimer un<î opinion sur les événements qui ont troublé la paix de nos paroisses de l'Ouest, et qui ont provoqué une censure sévère sur la conduite de citoyens respectés de cette réfrion. jusqu'à ce que les faits nous parvinssent sous une forme authentique et digne de confiance. Voici, a ce qu'il paraît, les circonstances de la lutte qui a eu lieu récemment à Lafavette, entre une troupe de citoyens organisés sous Je nom de Comités dé Vigilance, et un corps de personnes armées, accusées d'être un préjudi(M3 et un fléau pour la communauté; lutte qui a eu pour résultat la capture, la punition et l'expulsion de ces dernières.

Le p-'uple de cette région vit principalement de l'élève du bétail. C'est là l'occupation des neuf dixièmes des hahifants. Les troupeaux? sont marqués et lâchés dans les prairies sans bornes qui forment lo domaine public : là, ils vivent pêle-mcle, chaque tète marquée du' nom de son propriétaire, afin (lu'on puisse les reconnaître le jour oi> on les rassemble pour les conduire au marché. Dans cette sorte de communisme, les propriétaires coiTï]->tent naturellement sur leur ni»-tuelle probité et sont exposés aux déprédations des individus malintentionnés. Au milieu de ces vastes prairies, rien n'est plus aisé que d'enlever le bétail ou de le tuer sur place, et les lois et les Cours n'oliVent point remède ou châtiment immédiat à de tels délits. De» lois très sévères ont été faites pour protéger lea propriétaires ; mais il a été impossible de les exécuter, non-seulement en raison des dîsp<>-sitions de la localité, mais encore à cause de la prépondérance des voleurs de bétail et des requins de terre d(U}t le nombre, dans mairrte section, dépasse celui des honnêtes gens. Pour suppléer à'cette lacmie de justice, à cette absence d'ui^ pouvoir quelconque qui réprime ou punisse le pillage, le peuple a été entraînéà la nécessité d'adopter des mesures estra-légales pour fe protection de ses droits et de redresser ses torts suivant l'unique nx)de dont l'usage lui était laissé. Le peuple s'est donc consti^^ué en etvmitéet s'est rendu en armes a?u rejmire (les plus(îé8-pspérés de ses ennemis, afin d'abattre i'obstacîe à la vit^H'e Ihçon de la loi commune. Les individus supposés coupables ont été pris, fouettés, et ont reçu l'ordre de quitter la paroisse. _ Nous pensons que le mouvement a été sanctionné par nombre d« citoyens respectables. Mais on prétend qu'il ne s'est pas accompli sans cruauté et injustice contre les personnes. Ce sont là les inévitables conséquences de ces procédés illégaux et irréguliers, et c'est à cause de cela que la majorité du peuple aime mieux éprouver bien des

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torts que <i'o«vri-r l'écluse aux passions des masses et de les déchaîner au mépris des lois et des tribunaux par lesquels seuls le crirue doit être pwni.

Nous ne doutons pas que le mouvement de Lafayette n'ait été lar-f^ement prov( que et amené par une expérience complète de l'insuffi-sîince de la loi, et que plusieurs des plus dignes citoyens de l'Etat ne g'y soient mêlés. -Que l'occasion ait été s;iisie par des hommes violents pour fiSi-ouvir leurs brutales passions ; que la justice populaire ait été le masque sous lequel des vengeances personnelles se soient satisfaites avec impunité; que de «raves excès aient été commis ; tout cela est non-seulement probable, mais est encore l'effet certain de telles procédures.

Nous croirions difficilement que Tex-gouverneur Alexandre Mouton, cet excellent et éminent citoyen, et ses respectables amis, aient participé à ces excès ou leur aient montré de la sympathie.

lie True Delta s'exprime ainsi :

Plusieurs de nos confrères s'occupent beaucoup d'actes récemment commis dans la paroisse Lafayette, où des déléfrations des populations les pluB dignes et les plus honnêtes des paroisses St-Martin et St-Landry ont coopéré avec une délégati<*n de la paroisse ci-dessus nommée contre une bande de proscrits et d'incendiaires armés, équipés et fortidés sur le bayou Tortue, près de Vermilionville. Nous savions depuis loii^teiups et de bonne source que des déprédations et des outrages étaient systématiquement infligés aux habitants industrieux et honorables do ces paroi^se.s de l'Ouest, et que ces excès étaient supportés avec une c.Ntrênie patience. Les troupeaux étaient tués ou volés, les instruments de travail enlevés Ti toyte heure, et d'antres délits sans cesse commis par une b-aiide de maraudeurs trop redoutables pour être attaqués par ]es planteurs isolés et trop puissants pour être livrés à la justice telle qu'elle est organisée par notre gouvernement. Ils avaieut leurs avocats, leurs jurés et leurs témoins ; nous ne pouvons îiHîrmer qu'ils aient eu aussi leurs juges; mais ils réunissaicmt certainement les trois grandes conditions requises pour obtenir l'impunité, tîi bien qu'une condamnation ne les frappa jamitis.

Nul ne prétendra que l'établissement des Comités ait été légal, juste et désirable, au point de vue abstrait, et s'il existait un autre mode imaginable d'extirper un intolérable crime. On dira que nous vivons au milit'u d'une nation civilisée, d'un pays de droits égaux, d'une conté-, dération aux lois justes et équitables, fermement et promptement exécu-téi^s ; mais cette belle déclamation ne ramènera pas des repaires des bandits attakapiens les nègres, chevaux, mulets, vaches, ustensiles de ferme et autres objets emportés par eux dans leurs forteresses, et no garantira pas ù l'habitant sa sûreté et sa propriété. Nous denumderons aux gens qui ressentent une vertueuse indignation et qui montrent du senthuentîiîisme pour les proscrits du bayou Tortue, ce qu'ils feraient s'ils vivaient eux-mêmes dans ces paroisses. Nous irons plus loin et nous demanderons à tout résident honnête et respectable de la Nouvelle-

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Orléans, qud remède il conseillerait si cette ville se trouvait daiibnrï état 8fmbl:iljl« ou pire; si le parjure infestait les Cours; si les urnes do scrutin étaient violées; si des misérables occupaient, comme jadis à Sau Francisco, les fauteuils mêmes de la justice, tous conspirant avec des sicnes secrets, des mots de passe, d'horribles serments. Si les citoyens dont Tintégrité, l'industrie, l'activité et l'intelligenco sont la «auvetrarde sociale, sont ])rivés de la protection naturelle que promettaient leurs institutions, par les facilités oftertes au crime, n'y aurait-il point de remède ? Si les cours de justice sont devenues les foyers du crime coalisé, de telle sorte que les initiés puissent seuls y trouver inveur. ceux qui sont honnêtes, qui respectent les lois, qtû souftVent depuis longtemps avec patience, continueront-ils à être à la merci de ces tribunaux, et leur existence et leurs propriétés seront-elles touit)urK la proie de ces ennemis puldics "' Les apoiocistes des maraudeurs armés du bayou Tortue peuvent répondre affirmativement, mais non la majorité du ]>euple qui est restée pure de toute corruption.

Personnellement, nous ne connaissons rien du Comité de Viixilance des Attakapas ; nous ne sommes ni son ami ni son ennemi : nous n'approuvons point ses excès, s'il en a commis: nos renseignements viennent d'une source (|ui n'a rien de commun avec lui ; ils ont été publiés au début et sont dignes de confiance. Nous i)arloufl donc de' ce Comité av< e. indulgence, parce qu'il a fallu une cruelle nécessité pour amener la plupart de ses membres à, agir comme ils eut agi.

Toutefois, le devoir du gouverneur de l'Etat, à son retour ou pendant qu'il se trouvait sur la scène des troubles, était de souniett'-e au peuple un fidèle exposé de l'affaire et de ne })oint laisser filtrer son opinion par des intermédiaires plus ou moins suspects.

Le Bulld.in, tVaboril hostile aux Comités, enregistre la protestation suivante :

Depuis roroupation de ce pays, il est notoire qu'il a été infesté par une bande uomlireuse et bien organisée de voleurs et do co(]uins. pour lesquels les tlu-mes de la loi étaient plutôt une pi'oteeti(in que t»nit autre chose l^es jurés et les ténu)ins parjures les lâchiiient ùmjours sur la communauté qu'ils avaient si longtemps et si souvent outragée ; quiconque osait les poursuivre devait s'attendre, sinon à des vicdences personnelles, du moins à voir sa propriété volée ou anéantie. Tous les honnêtes gens, observateurs des lois, étaient frappés d'intimidati(»n. Un état de choses aussi déplorable ne doit-il pas être refj:r(*tté et censuré, bien plus que l'alliance simple et naturelle de la population honoîable et industrieuse, pour se débari'asser de ces individus dangereux et pour assurer la fidèlt; exécution des lois ? C'est là ce (|u'ont fait les Comités.

Quanî au châtiment çoiporel, V Echo de Lofayette, publié dans la paroisse oîi ce châtiment a été infligé, en donne le <ompte-rendiï le plus authentique. Environ cent cinquante proscrils et bandits, avec leurs amis et partisane, campaient à la Queue-Tortue. Eux et leurs champions voudraient faire croire maintenant qu'ils s'y étaicr\t

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rassemblés dans un biit paisible. Ils devraient apprendre au public pourquoi ils s'y étaient fortifiés ; pourquoi ils avaient cinquante-trois fusils doubles, des pistolets, des couteaux, &c.; pourquoi ils envoyaient un défi aux Vigilants; et surtout pourquoi ils avaient conçu l'infernal projet de fomenter une insurrection serviîe, dans le cas où ilci triompheraient des Vigilants. Ils ont reçu le fouet, et ils l'ont bien mérité.

Indépendamment des journaux de la Nouvelle-Orléans, quelques journaux de campagne, en dehors des Attakapas, s'occupèrent des Comités de Yigilauee. Le Drapeau de V Ascension prêta généreusement ses colonnes à l'auteur de ce livre, qui put y engager une polémique courtoise et fraternelle avec l'éditeur du Meschacébé. Cette polémique, où noiîs reconnûmes les principes revendiqués par notre adversaire, et où il admit la raison de force majeure et de salut public que nous invoquions, se termina dignement et cordialement comme elle avait commencé.

Xous n'avons voulu donner ici que le ton général des critiques d'une presse éloignée du théâtre des événements et qui, par conséquent, ne sentait pas les longs griefs et les profondes injures de la population. Le peu d'hostilité que cette presse avait manifesté disparut vite à mesure que se faisait la lumière sur la tâche menée à fin par les Comités,

APRÈS LE 3 SEPTEMBRE

Quelques jours après la journée du 3 Septembre, qwe nous jugerons plus loin, le Comité de Vermillonville acquitta toutes ses dettes de reconnaissance et d'humanité.

Il vota des remerciements au Dr. Joseph K. Francès, pour le-zèle qu'il avait mis à se re«dre, quoique malade, à la Queue-Tortue,

prêt à agir en soldat et en chirurgien s'il y avait eu combat* Le

Dr. Friincès appartient à cette forte et saiute race de médecins qu'on pourrait appeler les MUùonuaires de l'Humanité, qui vont partout où un homme peut mourir pour une noble cause.

Un comité de trois membres fut aussi nommé pour remercier officiellement le I)r. Drouhin, qui, pour la journée du 3, s'était mis à

, A

— 413 — la dispositioii de la colonne expéditionnaire ; on confia cette mission à M.y\. Ursin Bernard, Auguste Murr et Louis Béer.

A la séance du 5 novembre, il fut résolu qu'on se concerterait avec les autres comités, afin de publier les causes et l'origine de leur organisation et l'historique de leurs actes.

Enfin, il fut résolu que MM Gustave Bertrand et Charles Peck seraient chargés de s'enquérir s'il y avait dans la paroisse des familles tombées dans Vindigence par suite de Pcxpulsion d'un ou de plusieurs de leurs membres,—et s'il s'en trouvait, de leur pwdigucr tels secours qu'ils jugeraient convenable, avec le consentement du Comité Executif.

HOMMAGE MÉRITÉ

Le 16 mai 18G0, le Comité de Termillonville s'était assemblé et avait voté au major St-Julien un témoignage de reconnaissance. Nous copions le proccs-verbal ;

Attendu que l'inauguration des Comités de Vigilance aux At-takapas est due à l'énergique initiative du major St-Jnlien qui, le premier, assuma la responsabilité du commandement et de la direction des Comités de Vigilance ;

Attendu que tout le pays a pu constater les bienfaits des associa-tion^s vigilatites qui ont fait renaître, chez nous, le respect de la propriété et des personnes ;

Il est résolu, à l'unanimité, qu'un comité de dix membres de notre association sera nommé, à l'efiet de présenter au major Saint-Julien un revolver de prix, portant une inscription qui rappellera les services rendus jmr lui à la paroi>>sc.

Furent nonun-és de ce comité : MM. Alfred AFouton, Pierre U. Braux, Hasard Eastin, Donat Braux, Valéry D. Martin ])r. Franccs, AlexaiKlro Latiolais, Ursin Bernard, Charles Z. Martin, Gérassin Bernard.

Furent adjoints aux dix : le gouverneur Mouton, président ; A. D. Boudreaux, secrétaire.

Le 4 juillet 1860, une de? plus grandes dates de Thumanité,—

— 414 — que l'élection de M. Lincoln devait bientôt voiler dans notre histoire,—ce revolver fut offert, par M. Alfred Mouton, entouré de ses Vigilants, au nom du Comité de Vermillonville.

La scène fut le bois qui borde de ses ombrages le pont du bayou Vermillon,—bois pittoresque, gardé à ses quatre coins par des arbres centenaires, et qui attend encore le crayon de quelque peintre à'illustrations. Dans le voisinage des deux comités et du pied de cleux magnolias entrelaçant leurs branches fraternelles, s'échappait une source pure, limpide, qui allait se perdre dans le bayou voisin.

Cette source nous sembla symboliser l'a mission des Comités : elle /avait, elle aussi, un pauvre pafeit coin de terre attakapienue.

igiPir]L(D©îcrig

Après le rtîcit de la journée de la Queue-Tortue, nous \)0tl5 arrêtons. C'est un cinquième acte, avec dénouement, d'une tragédie héroï-comique. Après cette catastrophe, le rideau doit tomber.

tl nous reste ii jeter un dernier regard sur cette épopée, à l'action multiple, aux scènes que nous aurions pn enchevêtrer les unes dans les autres, comme les drames les plus échevelés des boulevards. Nous aurions pu prendre pour scène toute une forôt de Bondy : nous avons mieux aimé la mettre dans une des clairières de cette même forêt, A quoi bon, d'ailleurs, les ténèbres, les ombres, les mystères ? Nous avons voulu que l'air et le soleil jouassent sur notre livre, comme nous aimons qu'ils jouent sur notre front.

En finissant, nous avouerons que nous éprouvons une joie infinie ù. secouer le rôle que nous avions accepté. Il est des fardeaux bien lourds pour certaines épaules. Celui-ci l'a été beaucoup pour nous. Tout le monde n'aime pas, comme Salvator Rosa, à vivre au milieu des bandits de la Calabre, afin de saisir au vol et de ci'oquer les profils sinistres, les yeux flamboyants ou farouches, leg visages patibulaires. Tous ne se plaisent pas au contact des bandits. Certaines poitrines étouffent en respirant, même temporairement, l'air des bagnes. Ce contact, nous l'avons subi ; cet air, nous l'avons respiré pendant quelques mois.

Nous sortons donc aujourd'hui des cavernes où nous nous étions enfoncé volontairement. Nous regardons voluptueusement lé soleil et respirons le parfum des roses que les brises d'avril nous apportent.

Eésumons et étudions la mission des Comités;

II.

Quand les rouages d'une société fonctionnent réguliêrénlent, quand la moralité est en haut et en bas, dans la rue, dans le salon, partout ; quand tous les intérêts sont sauvegardés ; quand une vie> si infime qu'elle soit, ue peut être retrailchée sans que la po-

— 416 — tence fasse justice du coupable ; enfin, pour dire franchement notre pensée, lorsque la société a deux tribunaux, qui existent en Europe ■et qui n'existent pas encore, hélas! en ce pays : un tribunal qui ne faiblit jamais lorsqu'il faut punir un crime; un autre qui s'appelle V Opinion publique, et qui marque mieux qu'un fer de bourreau, les rares épaves qui y échappent à l'épée flamboyante de la justice ; oh ! dans cette sociét-é calme et limpide comme la mer, les hommes qui essaieraient dévoiler, même momentanément, la statue de la Loi, seraient accueillis par des sifflets et des huées.

Eh grand, comme en petit, les insurrections ont toujours leurs racines 'dans une grande et suprême loi de salut public. Quand la terre tremble, ou étale les maisons croulantes. Quand la justice manque à son mandat, il se fait un vide et Ion frissonne comme si Dieu lui-même s'en allait de la terre. Or, c'était ici le cas. La justice—et ici nous n'avons pas besoin de dire que nous ne parlons pas des juges de nos différentes cours de district, mais des juges attaka-piens—la justice était ou corrompue, ou parjure, ca lâche. Les attentats, contre la vie ou la propriété, foisonnaient et elle acquittait... acquittait... acquittait avec une obstination qui devait indigner Dieu lui-même. Delà dépravation, démoralisation, vol en permanence, vol d'autant plus audacieux qu'il était plus sûr de l'impunité. Constatons toutefois que l'assassinat était assez rare. QuAut au parjure, il était endémique et épidémique, comme la fièvre jaune aux Antilles.

De toutes ces injustices, de toutes ces plaies sociales naquirent les Comités.

m.

Est-il vrai—comme l'a affirmé. Tété dernier, un journal de la ville qui avait puisé ses renseignements, nous ne savons plus à quelles sources fantaisistes—est-il vrai que ces Comités aient été créés par des riches ? Nous pouvons ■dire non ! cent fois non ! mille fois non !

Nous pouvons dire non ! parce que nous ne fûmes pas étranger •aux travaux du premier Comité, et que les hommes qui apportèrent leurs bras à l'association naissante, ne marchent et n'ont jamais marché à la remorque de personne ; parce qu'ils n'ont jamais permis îi aucune influence ou à aucun intérêt d'empiéter sur leur 'conscience ; parce que, las de voir des crimes quotidiens toujours in-atocenih par la justice, ils étaient prêts à s'offrir eux-mêmes, €n

— 417 — holocauste, à cette même justice, et à expérimenter ainsi si cette grande parjure oserait condamner des hommes qui, eux, n'avaient jamais tu rien de commun avec le Code pénal.

Non ! les riches ue soufflèrent aucune passion, aucun grief à l'oreille du premier Comité. Il n'y en eut ni sur la scène, ni dans les coulisses. Les Attakapas sont un pays primitif, un pays d'agriculteurs et de vachers; mais ils ne sont ni une Bretagne, ni une V endée. La fortune, pourrait-on dire, y exerce même moins d'in-liuence qu'ailleurs ; elle a moins d'action sur les masses—et oela tient peut-être à ce que les mœurs de nos paroisses, l'oblieeant de se trouver en contact quotidien avec le peuple, elle ne saurait garder le prestige qui s'attache à tout ce qui est vu à distance. On°l'a dit depuis longtemps : 2I n'ij a yas de héros pour son valet de chambre. U& fondateurs du premier ('omité furent tous des hommes de fortune médiocre, mais riches d'honneur. Leurs noms furent à la lois des drapeaux et des exemples. Ils commencèrent, à tout hasard un mouvement dont ils connaissaient rillégaliié mieux que personne' mais dont ils s'absolvaient eux-mêmes, en attendant l'absolution publique qui devait leur venir plus tard. Quand ils virent leur mouvement acclamé, les hommes du premier Comité s'en réjouirent, mais ue s'en étonnèrent pas. Bien qu'ils n'eussent ni conspiré, ni noué aucune relation avec les paroisses voisines, ils pressentaient que d'autres yeux que les leurs avaient dû se voiler d'indignation devant les plaies qui rongeaient notre société.

Deux ou trois semaines après, le Comité de Vermillonville se iorma sous la présidence d'un homme qui avait déjà rempli de hautes fonctions publiques, et qui devait plus tard présider la Convention qui a prononcé, cette année, le divorce de la Louisiane avec la république prostituée à M. Lincoln : cet homme est le gouverneur Mouton.

Certes, eu jetant son nom dans la mêlée où s'était engagé le Comité, le gouverneur Mouton y jeta en même temps une force énorme, une influence qui rayonna, surtout dans le lointain. Plus connu que ceux qui avaient commencé le mouvement, non-seule-ment dans notre Etat, mais encore dans le monde politique des Etats-Unis qui n'avait pas oublié le rôle qu'il avait joué ù Washington, M. Mouton fut, par eon honorabilité, le paiTain des nom-mes qui avaient arboré le drapeau insurrectionuel des Vigilam^: A

— -418 — ,

travers le brouillard que la mauvaise presse avait amoncelé stir les Comités, son nom affirma leur probité, leur désintéressement, leur patriotisme, leur esprit de Justice. Au loin, on comprit que îà où "était un homme qui avait eu l'honneur d'êtrg sénateur et gouver-FiCur de notre Etat, il ne pouvait y avoir que des hommes honorables et mus des meillelires intentions, Indépendamment du désir de mêler son nom h une réforme sociale appelée, nous le croyons, par toutes les aspirations de son cœur et de son intelîigence,_M.;|^outon y fut aussi entraîné par un motif non moins puissant. ïliche et grand propriétaire de v-acheries qu'il voyait décim'éesjournellement, non par la faim (en ce cas son humanité lui aurait fait fermer les yeux), mais par une association de bandits qui se taillait une foi--tune dans les troupeaux de tous les éleveurs,- M. Mouton combattit aussi polir la conservation de ses propriétés en s'enrôlant dans la "Croisade vigilante. S'il y entra comme un législateur assez haut placé pour avoir le droit de saisir le timon d'une société en perdition, il y entra aussi en homme qui allait lutter jno aris etfocis. Il y avait dans la paroisse tine tourbe sociale qui, non contente de décimer ses bestiaux, lorgnait déjà son coffre-fort et celui des autres membres de sa famille ; quelques-uns même vouldicfii aller plu? loin. {Voir les notes itistificatives.)

ÎT.

Le premier Comité—et tmis les autres l'imitèrent—écrivit er, tête de son programme :

On ne recherchera et punira que les crimes ou délits qui lie dateront que de six mois avant P'époque de la formation dudit Comité.

En fornuilant cette volonté, que nous imprimons et publions eu lettres italiques, on avait formulé une grande et belle chose. En leffet. si les Comités avaient voulu sonder, non-seulement le présent, mais le passé, ils auraient entrepris une tâche herculéenne, et bien "qu'ils eussent des cœurs dévoues, des têtes intelligentes et des bras robustes, peut-être n'auraient-ils pas réussi-.

L'enfance des sociétés est comme l'aube de ces jours d'hiver où la nuit semble lutter contre la lumière et cacher au moiîde le soleil, l'œil de Dieu. La morale est le soleil des âmes ; mais elle ne rayonne tjuc lu où il y a déjà une religion. Dans les premiers temps de notre colonisation, la population s'était formée de couches différentes 4q mœurs, d'idées,, de cultes. Ici, de bons et braves travailleurs de

— 419 — France oti da Canada, craignant Dieu et n'en appelant qu'à leur travail ; là, des boucaniers. D'un côté, l'amour du travail ; d'un autre, le culte de la paresse. Comme dernier trait au tableau, la lan-«fue de la religion et de Ja justice prêchée par quelques voix courageuses de mit-sionnaires et de magistrats, à peine entendues...

La •chronique du |;)5,ësé était donc passablement riche eu crimes jcgendaires de toute sorte. Ouvrir ce livre déjà couvert de pouS' ^ sière, mettre le pied dans ces immondices à moitié pulvérisées déjà |P par ["action des ann-eea, c'eût été évoquer une armée d'accusés, rallier des fils a^x pères, non par la solidaritc du sang, mais par celle de mauvaises actions dontceux^i seuls étaient responsables ; c'eût étc, enfin, traduire un <i[uart de la société devant les trois autres quarts érigés eu juges.

D'un a-utre côté, si la loi elle-même oJGfre le bienfait de la prcs-' criptio)i à certains criminels, pourquoi les Comités n'auî^aient-iIs pas amnistié, eux aussi, certains hommes qui, après un passé plus -ou moins orageux, étaient revenus à une vie morale, régulière, du moins en apparence '? Le repentir est îa perspective la plus consolante, la plus (^/■•îu'/ie, pourrions-nous dire, ouverte par le catholicisme : pourquoi les «Comités n'auraient-ils pas admis la prescri)?^/ou, cette amnistie huaiaine, et le repentir, cette amnistie deDiou ?

Les Comités pesèrent toutes ces considérations. Dictateurs diî quatre paroisses dont ils avaient i^aliié tous les éiémeiîts honnêtes, ils se posèrent à eux-mêmes des barrières que leur honnêteté les empêcha toujours de franchir. Magistrats improvisés, ils tournèrent le dos au passé pour ne voir q?ae les lèpres présentes. Le livre de chaque criminel ne fut ouvert par eux qu'à sa page de la veille, car ils avaient écrit sur leur programme :

On ne recherchera ei 'punira que les crimes et délits qui ne doieront que d€ aix luois avant la formation des Comités.

Nous n'avons pas écrit l'histoîi^e de chaque Comités

1. Parce que îa chronique en eût peut-être paru trop longue ;

2. Fance qae aious aurious eu à constater couvent des faits pa-£:-eils à ceux que nous ^vons contés <3ans ces pages. Meurtre, vol, àncendie, parjure : telle est la quadruple roue d'Lxion que tournait tncessamment la bohème attakapienne. Ici le crime n'a pas encîorffi ^Oî^uk le riiJQÊi'émeut de Pûris, de New-York et de Loiidres, Lt|,-l:«if

— 420 — if œodite et trouve îea combinaisons les plus ingénieuses ,• ici il &s répète avec une désespérante monotonie.

Yoici le3 Comités qui existaient—et existent encore, sauf un, — dans les trois paroisses où nous avons placé les scènes de notre livre :

PAKOISSE LAFAYETTE.

Comité de la Côte-Gelée Aurélien St-Julien, capitaine.

— de Yermillonville.......Alfred Mouton,

Gouv. Mouton, président.

— de Foreman Foreman. capitaine.

PAROISSE VERMILLON.

Comité de Yermiîlon Éd. T. Brovisssard, capitaine

— du Pont-Ferry Adrien Nunez. —

— du Lac Simonet .Jean Réau. —

PAROISSE SAI\T-MAP,TIN.

Comité de Saint-Martinviile. Georg-e Wèbre, capitaine

— de la Fausse-Pointe Z. Broussard. —

— de la Pointe Louis Savoie, —

— du Font-Braux Bég:ueneaHd. —

de la Grande-Pointe L. Pomingeaa. —

Nous n'avons pu joindre à notre gerbe de ehroniquea celle des Deuf ou dix Comités de Calcassieu et Saiiat-Landry- A la journée-(ie la Queue-Tortue, deux de ces Comités (capitaines Maggy et Htanton) ainsi qu'une délégatioîi de Calcassieu, vinrent fraterniser avec les nôtres. 11 y eut de noire paît une tentative pour fédérer toutes ces forces, toutes ces intelligences éparses et flottant au hasard, afin d^en faire une vaste et puissante unité. Quck^ues Comi--tés nommèrent des délégués à notre Comité fédéral ; \\ ç^wi vaèm^. des adhésions dans la paroisse Saint-Landry ; mais, en somme, ce-c^rps, qui devait servir de trait d'union à tous, ne se réunit jamais.

YL

Biet. que notre histoire n^ait pas jeté les yeux sur tous les hori zon.q que lui ouvrait le riche répertoire des Comités de Yigilance, le lecteur y aura vu néanmoins passer des figures assez sinistres pour comprendre la nécessité des mesures de salut public. (1 y aura v.i etlesHerpin, iroh frères l par nobiU fratrum f —et i/S-. couture^ l'assassin, le voleur, l'homme des assauts de nuit—et B£r~ nard Romero et sips amis et soldats, les bandits délite des Cyprès— et les voleurs et incendiaires de Saint-Martin—et Santa-Maria, le toréador—et Coco et son îiipanar de drôlesses prostituées par leurs mères et devenant ensuite les maîtresses de tous les voleurs de^ roa paroisses—et Aladin Conier, Fhomme qui avait broyé 1-a h'yi^

— 421 — j"un vieillard pour cinquante piastres—et les bandits de la Quer»^-Tortue—et tant d'autres afifreax vauriens dont, à notre grand regret, nous n'avons pu tracer que d'imparfaits croquis ou des silhouettes prises à vol d'oiseau. Devant cette sombre galerie de portraits, on a dû se dire qu'une société battue en brèche par de pareils bandits devait être bien malade vX avait, par conséquent, le droit de recourir, pour se sauver, a des remèdes héroïques.

VU.

Vint la journée de la Queue-Tortue. Les pièces justificatives jettent un jour bien sinistre sur ce drame mis en scène avec fracas par ses acteurs et qui devait se dénouer si misérablement... pour eux.

La proclamation du Gouverneur fut, non le drapeau, mais le masque de ceux qui préparèrent cette journée. Déguisés en mandataires de la loi, affublés d'épaulettes, la poitrine couverte de décorations en rubans, ils parcoururent les prairies, frappèrent à toutes les portes, recrutèrent, mi nom de la loi ; menacèrent de mort par les fusillades, ceux qui n'ouvraient pas assez vile leurs oreilles à leurs paroles et réunirent enfin sur le terrain deux ou trois cents individus qui se dispersèrent, îa plupart en jetant leurs armes, devant la bouche d'un canon qui n'avait pas encore fait feu. La proclamation du Gouverneur couvrit leurs enrôlements ; mais de la dé-iiaite se dégagea la lumière, comme l'éclair des nuages. Des affida-vits,, faits et affirmés, par serment, devant divers juges de paix, prouvèrent que ces patriotes, sur lesquels certaine presse a tant pleuré, rêvaient égergemenis, pillage de coffres-forts... après leur victoire qu'ils croyaient certaine. Leurs projets d€vol et d'assassinat sont affirmés dans les précieux affidavits, publiés dans les notes justificatives. Ces affidav ts, qu'on les lise ; et nous sommes sûr, qu'après cette lecture, nos adversaires honnêtes regretteront d'avoir fait aux vaincus de la Queue-Tortue l'aumône de leur pitié... et qui sait ? peut-être trouveroat-iîs que les Comités furent trop indulgents...

VIIL

Qjaelquea voix nous disent qu'il aurait peut-être mieux valu laisser dans l'ombre les maudits de la popwlation attakapicnne ; qu'il s'était pas bon de faire du réalisme,.à,|)ropos des maladies sociales, 'Comme M. Courbet et les peintres de l'école espagnole ; que les roses élaient plus douces à la vue <^ue les plaies saignantes ; que le domaine des bandits, c'était l'ombre et non le soleil ; qu'un pjkri

_ 422 — était sonvent pour eux un piédestal, &c., <fec.—Nous répondrons par quelques lignes des Girondins de Lamartine, empruntées aux massacres de Septembre :

Voilà quels hommes se ©aetent dans ces souffres de civilisation recouverts de tant de Inxe et de lumière. Il y a des Nérons à tous les degrés, depuis le trône jusqu'à Técitoppe. Raffinés en haut, brutes en bas. Le goût du sang est la première efe la dernière corruption de l'homme

Voilà ce que dit Lamartine «J'une des pages les plus sombres de l'histoire de France. L'histoire est et doit être la justice écrite des nations. Elle doit être juste dans ses exaltations, implacable dans ses anathèmes. Elle est la seule qui puisse dénouer sa ceinture sans être impudique. Pour être belle, il laiît qu'elle soit nue,

IX.

Aujourd'hui, tout le monde est d'accord pour constater la réa<î-ti^n produite par les Comités.

Le bandittisme extirpé, ou à peu près,—le parjure étoufie—les incendies disparus—l'assassinat devenu un mythe—la sérénité, la confiance dans le présent et l'avenir, revenues—une réactioEn irameiiS€ vers le bien—l'opinion^ publique réveillée et marqiaant du doigt l'infâme et honorant le juste : tel est le bilan de la situation.

A côté de îa joie infinie qu'oD éprouve à voir la-régénération de cette forte et généreuse race attakapienne, il se place toutefois un regret : c'est que les représentants des paroisses Lafayette, Saint-Martin et VerrailloD n'aient pas demandé ce que M. Gant a obtenu pour Saint-Landry: Vépuraiion du juri... Le nœud gordien de-la question était là... et, pour le trancher, iî aurait suffi d'ouvrir la bouche devant la Législature de notre État.

Quant aux actes de& Comités, ils n'ont jamais pesé sur îa conscience de leurs auteurs. Aucnn spectre de bandit,chassé ou fouetté, ae s'est jamais dressé, comme le spectre de Banco, dans leurs rêves. Ils ont fait justice prompte et sommaire ; devant Dieui et les hommes, ils acceptent la responsabilité'âe leurs Jugements.

Hésiter à jeter «n peu de fret h la mer quand le navire sombre, e'^eût été mériter le reproche Que Barthélémy a adressé aux hoia-3nes de la Gironde :

Fit scehts indidgens in nehula ieiwpoixt virtus.

Fin de l'Histoire de» C9uii'£é:S:> €5te-e'eîéij, S5 avril lâ6U

(

NOTES JUSTIFICA'nVES

suu

la Journée de la Queue-Tortue

^

Les notes que nous donnons ici sont des affidavits faits devant divers juges de paix de St-Landry et Latayette, et dont les originaux sont entre les mains d'un hoRune haut placé dans l'Etat, et qui a attaché son nom à la journée dont nous nous sommes fait l'historien.

IV». t.—4 octobre ^^59.—Jérôme Léger, de la paroi=;sc St-Laudry, dépose que, vers la fin du mois d'août, il rencontra Sostlièno Richard, de la même paroisse, qui lui dit qu'il venait de l'Anse de la' Rivière, de la Q'ueue Tortue et de la Coulée Croche, et qu'il avait acquis la conviction qu'il y aurait de la poudre brûlée avant peu.

(Devant James Myers, juge de paix.)

No. 2.-3 octobre 18-^)9.—Hotwré Trahan dit qu'Eugène Alloë, à la< tête d'une vingtaine d'hommes, vint le sommer, chez- lui, d'entrer dans leur société anti-vigilante. Il répondit par un refus. Sommé de nouveau de se rendre à leur quartier-général le lendemain, il leur dit, pour se débarrasser d'eux, qu'il s'y rendrait, c: Vous et bien d'autres, aiouta Alloë, si votxs ne vous joignez pas à non.*', vous serez fusillés. Notre but est d'abattre les Comités do Vigilance, d'aller ensuite planter notre pavillon sur Te clocher de Vermillonville et de prendre le canon. Nous aurons un barbecue et cinq cents pains. Beaucoup d'hommes se joindront îi nous. »

Cette conversation eut lieu le vendredi avant le 3 Septembre, chez le déposant. Quand Eugène Alloë et ssa bande vini-ent chez- lui, ils avaient deux de ses neveux qui se trouvèrent ensuite avec eux à la journée delà-Queue-Tortue et qu'il croit y avoir été amenés de force. Cette bande était armée de fusils, de pistolets et même de couteaux.

(Devant James Myers, juge de paix.)

IVo. 3,—Isaac Hargrève reçut, comme Honoré Trahan, la visite de cette bande armée, parmi laquelle il reconnut Jinkins et Williami

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Biardc, tous deux fouettés et exilés delà Queuo-Tortue. C'était la voille du 3 Septembre. Ils voulurent l'entraîner à la Queue-Tortue. Le pluB ieune fils de Mme Cadet Sonnier lui dit même de louer un cheval ponr ce voyage et que la compagnie en paierait le loyer. Il répondit qu'il n'avait pas de fusil. «Chereiiez-en un, lui dit-on.—Je n'en trouverais point, ajouta-t-il.—Prends une hache, une pioche, une arme quelconque, et viens,3 lui fat-il répondu. Il formula enfin un refus formel. Ils partirent alors eu disant :« Il faut que tu marches avec nous ou que tu prennes la piuière. s Le témoin comprit qu'ils ne projetaient rien de bon.

(Devant James Myers, juge de paix.)

No. 4.-5 octobre 1859.—Par-devant W. Elkins, jaore de paix (Saint Landry), comparait J. Barousse^ marchand delà paroie^se St Landry,qui dépose que,dans la matinée du 3 S^ptembre, passèrent chez lui Azolin Gautreau et Louis Balard, alim Nounoutte Gauthier, qui demandèrent des postes. Il répondit qu'il n'en avait point, c- Cela m'est indifférent, dit Louis Balard, nous en trouverons là-bas. » Ledit Balard acheta ensuite diverses choses, ot comme il ne payait pas, le déposant lui dit: ï Maissi vous vous battez et vous faites tut-r, qui est-ce qui me paiera?» Balard lai dit de ne rien craindre pour lui ; qu'en repassant, il lui solderait les objets achetés. Il y avait en ce moment dans le magasin plusieurs personnes à qui il promit poignards, fusils, revolvers, toute* .sortes d'armes en cadeau. Il dit aussi qu'il se rendait au barbecue delà Queue-Tortue : et le déposant comprit alors que les armes dont parlait liOuis Ealard devaient-être prises en ce lieu.

IVo. S.—4 octobre 1859.—Témoignage à:Alexandre Doucet. -Le dépo sant était au magasin de Jean Barousse lorsqu'entrèrent Azolin Gau-treau et Louis Balard, et confirme en tous points la déposition précédente. A la fin, néanmoins, on trouve cette variante significative : ( Balard demanda à acheter du café.—Qui me paiera, si vous êtes tué '^ obîocta Barousse.—Il répondit qu'il fouillerait les poches des Vigilants tués, car dans le nombre il s'en trouverait-qui auraient de l'argent, et qu'eu repassant il le paierait arec, yi

■ (Devant William Elkins, juge de paix.,

I^o.-il.—3 octobre l8'^9.—CéIeiitinBergero7iûéposeque, trois ou quatre ïourf! avant la journée du 3 Septembre.-Du prel on Istre, fils de Joseph istce, lui dit que lui^t d'autres allaient se réunir à la Queue-Tortue pour marcher coatre les Comités de Vigilance; qu'ils seraient mille hommes et auraient deux piilces de canons qu'ilsiiuraient un barbe<'.ue eouipo.sé de trois bœufs et de cinq cents pains, et que tous les hommes de lAi;se à la Rivière avaient donné leurs signature-* à l'association.

Le ttimoinsait aussK qu'ils oat voixlu faire entrer plusieurs personnes dans leurs rangs en les menaçait de les fusiller, si elles refusaient. Ils

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•disaient aussi que le Dr. Waçner avait indiqué les moyens de fortifier la maison Lagrange et que tout s'j' faisait sous sa dirpction: qu'il 7 aurait deux ou trois tierçons de boifesoiiP, et qu'en cas de succès, ilV iraient planter leur pavillon à Vermillon ville ; entin que, si besoin était, deux cents mulâtres se réuniraient à eux. Il est convaincu que la réunion de la Queue-Tortue est composée de vauriens, {sic.)

(Devant James, Myers juge de paix.)

IVo. 7. — Don Louis Clément. —Au nom de James Jinkins, il fut sommé par Jacques Guilbert et Eugène Alloë. de se rendre le samedi 3 septembre, à la Queue Tortue, avec un fusil. Ils ajoutèrent qu'on attendrait le? Vigilants toute la matinée, et que s'ils n'avaient pas paru à midi, leur troupe irait attaquer Vermiilonvilie. Quelqnesjours aupara%'ant, Eugène lui avait dit que les compagnies vigilantes n'avaient que leurs fusils et leurs bras ; que le canon avait été eucloué avec une lime, et qu'il fallait .■«e hâter de les disperser, parce que, plus tard, elles chasseraient tous les pauvres du pays. Eu^^ène njouta qu'il ne fallait avoir aucune peur de» conséquences de cette prise dnrmcs, parce qu'elle était autonsée par Ip (iouvcrneur ; quant à eux qui ne marcheraient pas avec eux, ils seraient fusillés.

Eugène Alice et Jacques Guilbert étaient armés chacun d'un fusil. Leurs liommes, au nombre de vingt, étaient aussi presque tous posscf^-sours de fuellf*.

1X0. 8.--6 octobre \ST^9.—Joseph Trahan.—Ohluï ordonna, au nom de JUikins, de se trouver le 3 à la Queue-Tortue, bous peine d'être mis à mort {kil/cd) par les Modérateurs. Un des Modérateurs dit quelc ju-emicr Vigilant qu'il vicierait serait François d'Aigle ; un autre, qu'ilchoisiraif ])Our son usage le pantalon d'un des Vigilants tués : celui qui disait cela s'appelle Clavi(.l Deboux,

(Devant James Myers.juge de paix.)

TSo. 9.—Mme Céleste Leblanc se trouvait chez Don Louis Clément, lors de la visite de Jacques Guilbert et Eugèue Alloë, et confirme en tous points son témoignage. A la fin elle ajoute-

c Eugène dit que, une fois maîtres de Vermiilonvilie, ils tueraient d'abord M, Emile Mouton, pilleraient ensuite son coiTrc-fort et fourni- \ raient des munitions pour tuer tout le reste, a (sic.)

Le témoin dit à Eugène Aihë : c: Toi et les tiens, vous foriez mieux de renoncer à votre enlrc^prise ; si vous ne le faites pas, voue vous en repentirez. -

^o. 10.—i><7r?Vf i?,)7/.-Le jeudi avant le 3 Septembre, sept lioinnKv armés vinrent chez lui et essayèrent de l'embaucher par les plus atroce<< meiiaccB. Il refusa énergiqucmcnt de se joindre à eux. Cette visite lui

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fut faite sous prétexte de l'inviter à aller soigner Euphrosin Jones, malade. Cet Euphrosin était un banni.

(Devant James Myers,.juge de paix.)

No. 11.—4 octobre 18.59.— André Lejeimect Portalis Branx. —James Jinkins, à la tète de douze individus armés, vint chez eux le jeudi avant le 3 Septembre. Jinkins avait une épaulette et une croix blanche en rubana à la poitrine. Il leur dit qu'il avait l'ordre du GrOJiverneur de faire marcher, de gré ou de force, toute la population virile sur la Queue-Tortue, afin de briser ou de dissoudre les Comités de Vigilance ; —que ceux qui n'obéiraient pas seraient mis par eux au cadre et fusillés par des piquets d'exéeution composés de dix personnes ;—que tous les Vigilants qui viendraient à la Queue-Tortue seraient tués, et que s'ils ne venaient pas, on irait les tuer ehez eux. Jinkins répéta qu'il agissait par ordre du Gouverncuir;—qiu'ils auraient quinze cents combattants dont huit cents avaient déjà signé.—Onézime Frugé, Eugène Alloë et beaucoup d'autres se réjouissaient à l'idée d'entrer dans les coffres-forts [sic]^ de i-amasser l'argent qui s'y trouverait (.s'ic), et de prendre les selles piquées et les chevaux américains {sic).

Avant ce jour, Joseph Dédé Istre avait dit que le Dr. Wagner serait ehez Lagrangeavec une petite compagnie;—que John Jones et James Jinkins y amèneraient aussi les leurs, ainsi que celles du Ferry, du bois Mallet, et plusieurs autres dont ils ont oublié les noms;—que, dans leurs rangs, ils auraient cinq hommes déjà chassés et qu'on pourrait compter sur eux comme sur des hommes à toute épreuve;— enfin qu'ils devaient arracher le cœur à MM. Alexandre et Emile Mouton et à Ivichard Hightowor, les faire ensuite rôtir sur la braise et les manger.

Tous ces hommes étaient parfaitement armés de fusils et de pistolets.

(Devant James Myers, juge de paix).

IVo, lîJ.—9 novembre 18.50.—HonorableFi«cf«^ Bertrand, représentant delà paroisse Lafayette à la I^égislacure d'Etat.—Dix ou quinze jours avant la Journée du 3 Septembre, il rencontra Sosthène Sonnier. La conversation étant tombée sur les Comités de Vigilance, S. Sonnier lui donna à entendre qu'il y avait une société organisée pour les abattre^ et que lui, Sonnier, y appartenait. Le témoin lui objecta qu'il doutait qu'il fftt possible d'organiser une société assez nombreuse et surtout assez forte pour abattre les ("o-mités. Sonniei' lui répliqua : a Si nous avons à livrer bataille aux Comités, nous aurons les nègres avec nous, a La conversation continua entre eux sur ce point, et le témoin resta convaincu qu'il y avait des intelligences entre les Modérateurs et les nègres, et qu'il était convenu et arrêté entre eux (sic) de marcher, à un moment donné, contre les Comités de Vigilance.

Dans les derniers jours du mois d'août, le témoin rencontra John

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Jones, d cheval, avec une valise de voyao;e, et armé d'un fusil. Le lendemain, il eut occasion de voir Antoine Sonnier qui lui ditcue Jonog ftvait cté chercher les hommes de la prairie Mammouth (St-Landry) pour les ninener, le 3 Septembre, d la Queue-Tortue.

(Devant Théogène Hébert, juge de paix.)

No. i3.-Man.uel Myers déclare qu'il fut rcqui.s, lui aussi parla bande de Jinkins, d'aller soigner Euphrosin Jones. Il les envoya promener {sic). C'était le 2 septembre, c: Puisque tu ne viens pas aujourd'hui lui dit-on, viens demain avec ton fusil. )> Sa réponse fut : « S'il faut que j'aie un fusil,je n'irai f as du tout.r II savait qu'Euphrosin était un banni.

(Devant James Myers, juge de paix.)

No. 14.—17 octobre T:nr,o.—Fra7if;.ois Gérac rencontra O. Frugé le vendredi avant le 3 Septembre. Frugé lui dit que le 3 on se battrait avec les Vigilante et que, s'ils ne venaient pas, on irait planter le pavillon des Modérateurs sur la Maison de Cour de Termillonville.

(Devant W. Mouton, juge de paLs.j

I>'o. 15.--17 octobre isry^.—Pierre Braux dépose des faits déjà connus. Il a éré menacé i>ar E. Alloë, qui travaillait chez lui, de mauvais

traitements, s'il ne fai«uit pas cause commune avec les Modérateurs •

a refusé desejoindreàoux. a Quand nous aurons fini à la Queue Tortue, lui a dit Eugène, nous h'ons à "Vermillonville, nous emi)ècherons le monde d'entrer au village et d'en sortir, et nous tuerons M. A. Mouton, s

IVo. 10.—12 octobre 1859.— DomingeattGario, (\o la paroisse Saint-Landry. dépose que, dans la nuit du Jerau 2 septembre, une bande de trente hommes, commandée par J. Jinkins et E, Alloc alla chez lui. La bande était armée de fusils. Jinkins et Alloë lui dirent qu'ils venaient le sommer d'entrer dans leur compagnie,—laquelle avait été formée dans le but d'abattre les Comités de Vigilance, parce qu'ils chassaient des gens qui ne méritaient pas l'exil.— llefus du déposant.—Jinkins, qui avait des é|jaulett<î8,lui dit qu'il était le chef des Modérateurs et que si lui, D. Gario, ne voulait pas venir de gi*c, il le ferait marcher de force. Le déposant lui répondit : c Vous ne me forcerez pas d'aller avec vous • j'aime mieux être tué dar..s ma cour qu'à la Queue-Tortue ! » Jenkins lui dit : c Je reviendrai demain, et si tu ne veux pas me suivre volontairement, je t'amènerai garrotté ! j;

Pendant cette conversation, un des hommes do Jinkins, qu'il ne pourrait reconnaître, arma son fusil et mit enjoué le déposant. Quel-(ptes voix crièrent : c Ne tirez pas ! >;—Eugène Alloë dit alors au déposant, qu'il devrait se joindre à eux pour sauver le pays [to save tlœ rountry.)

Jenkins et Alloë ajoutèrent qu'ils prétendaient tuer toutes les grosses tètes {la lui ail Ihc hishends) et piller ensuite leurs coffres-forts.

(Devant C. H. Eastin, juge de paix )

— 428 — Ntt. ly.—6 octobre \859.^Léon Mire.~-Aya.nt l'affaire de la Queue-Tortue, un jour, dans son clos, il reçut la visitede Jrnk'inset de sa bande, quile sommèrent, au nom du Gouverneur, de se rendre à la Queue-Tortue, Je 3 septembre.—Le déposant répondit qu'il n'avait ni poudre ni plomb.— On lui dit qu'on lui fournirait toutes les munitions de guerre.—Forcé, pai* Jinkins et sa compagnie, de marcUer, il alla avec eux à laMermento. Leur but était de recruter des hommes pour les aider à tuer les Régulateurs. En route, ils forcèrent Norbert Gario et plusieurs autre» de s'enrôler dans leur bande. Norbert réussit à s'évader pendant la nuit. Puis ïls voulurent enrôler deux autres hommes, qui répondirent qu'ils n'avaient pas de chevaux. On leur dit : k Si vous rie venez pas demain avec nous, vous serez garrottés et fusillés, d —Un de ces hommes armés •dit qu'il voulait tuer François d'Aigle pour avoir sa graisse;—un autre qu'il voulait tuer Richard Hightower et lui arracher le cœur et son pistolet de prix [toget kis keart and h\sjitiepiatol). Il ajouta qu'il y aurait, le 3, entre eux et les Régulateurs, une rencontre avec des armes homi--oides.—D'autres ajoutèrent que si, le 3, ils étaient vainqueurs à la 'Queue-Tortue, ils iraient attaquer la prairie Robert ;—qu'ils égorgeraient tous ceux qui résisteraient, et que, de là. ils marcheraient sur Vcrmillonville qu'ils traiteraient delà même façon. Ils comptaient av'oiV deux mille Modérateurs a leur barbecue.

(Devant James Myers, juge de paix.)

?fo. 18.— IHerre-Vzémc Trahan. —MèmC témoignage.

^o. 19.—MM. Horace Voorhie>i et Colnvibns Easiin, l'un shérif, l'autre greffier el juge de paix de la paroisse Lafayette, déclarent par ■écrit que, dans l'exécution des mandats lancés par eux, ils ont toujours «eu le concours des milices vigilantes.

DISTRIBUTION DE SECOURS

Tous les livres des Comités constatent que, non-seulement on diy-xi'ibua une somme assez rondelett - '.liaque bandit qui avait uu ordre d'exil dans sa poche, mais que cette générosité s'étendit encore aux familles de ces hommes. Une souscription avait été ouverte dans chaque CoLiité à cet t^^ut.

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