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rR]^SIDENT
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DE LA S O C l E r i: DES A R T s i
'^.T ahiel à la Milhe du Comté du KENT.
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YLORD,
CE ST aujomrim pour le bien & la lonfolaîum de rhumimitc que f écris ; je n^ai par coiipqucnt pas bcfoin. , comme cï-devant, d: fulliciter un protcclcur dans une êp'itre de-aicato'irc, Cefi la Z'oix de la vérité qui fe fait entendre ; c'ejî la vertu la plus pure que Je veux mettre dans fin jour ; c*ejî enjîiî réloge du Patriotisme. Ce nejî donc pas aux Princes, encore jnoins à leurs Minijires-que je dois le dédier : il me faut un Homme, M Y LORD, y je vous r offre. Ce nejl ni le Pair du Royaume, ni le Préfident de la Société des Arts dont je cherche à captiver la bienveillance ; vos vertus civiles & morales fvît l^unique objet de mon foible hommage* Je ne vous le cacherai pas , vous me paroiffez cent fois plus grand depuis que vous avez
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accrpic la Vrtlfuhicr du Coim.i'!^' pour lefotit higement ii:s pauvrespr''fonme,'i re>ifcnués \>o\\r dettes. I„ivjjh. à i!OS collyj'.cs de la Cham-h'C'IIar.tc le foin ' <L' courir après les emplois , les honneurs & les prnfions , n interrompez-pas leurs h-1(^1^es dans les élections parlemen-taires ; la conjViîutlon Àn^hvje ijl Intérieure-rient fi bonne , quelle fi Jnutlendra d'elle-mcnic, Co:itlnHc% votre brilUinte carrière alnfit que vcit-s l'avez ioniniencé ; ne vous occupe^
^ne de Vbuma}iht\ Je fiais que dans le fitcch pervers où mv^.s vivons, il rfi encore dans cette ifi.e des âmes fienfiihks ; vous êtes de ce . nombre> Myloud , examinez la conduite des gi'nn-eux Colons de la Loufiane ; evffent-tls pu pouffer le pafrlotifime plus loin , s'ils eujfent éié Aiiglois ? Ils le fièrent fians doute bientôt^ A la première chicane que vous fiera Valtier-E/pa^ncl, vous tendrez les bras à ces braves Américains, & ferez cejfer rcpprrfiion fous la-quelle ils gémljjhit , en réunifiant fious une mé" ms klx les deux rives du Mififiïpy ; ^ fies
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tûUtîins que les Mwi/Ires de I.ouis XV ont huli^rtemeni abimdonncs au cruel Efpn^nol^ viendront avec ewprejjcment s^cnrnlkr fous les étendiirls de l^/higlelerre, Jlyant perdit tout ef-poïr de redevenir François , les Louïfuvis ns foi'.pirent nujourd^hià qtuiprcs le bonheur itt'!i€ Anglois ; cet Ecrit véridique vous convaincra quils méritent cette adoption, Lijez-le donc ♦ £î? recevez-le comme une -marque du profond rejpciî avec lequel Je fuis >
M 2^ LORD,
Votre trcs-humblc h très-obéiflant lervitcur Le Colonc] ^hcv. de Champion r.
Londres, Orchard Street, Weflminfler,
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PREAMBULE
DE l' E D I T E U R.
E n'ai jufciu'ici donné au public indul-gent que des tracludtions , quelques mau-vais Romans, & en dernier lieu mes Rêve-ries, A la veille de mettre fous fcs yeux i»on Hijîohe cCylngleterre i\\\\ va paroître, il cfl tout naturel que je recherche fa bienveillance , & je n'en connois pas de moyen plus propre ([uc de le con-vaincre de mon impartialité. Je lui préfente donc ici des faits purement hifloriques , & arrivés pour ainfi dire fous nos yeux; ils font même fi récens, que les pleurs qu'ils ont fait répandre, tant en Amérique qu'en Europe, ne font pas encore féchés. Je n'a-vance ici rien que de vrai, il ne me refte donc qu'à communiquer au Leâ:eur par quelle voie ce manufcrit m'eft parvenu.
Un Officier Anglois, qui étoit palTé en France d'aflez bonne heure pour en acqué-rir la langue dans toute fa pureté, &
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qui après avoir parcouru l'Europe , les deux Indes & prcfque toute rAmirique , étoit revenu dans fa patrie pour y goûter dans le repos le fruit de fes voyages , vint il y a quelque tems loger dans mon voiiî-nage : un carafiere aimable , beaucoup de bon fens ioint à un efprit vif, enjoué & embelli de connoilTances acquifes dans fes différentes tournées , me liront re-chercher avec empreiiement de me lier avec lui. Cet Officier avoit oui pader de mes malheurs & de l'ingratituie ctts Grands à mon égard ; il en avoi': été touché, & voulut me voir. Quelques jours luffirenr pour former entre nous la liaifon la plus intime; malheureufement cette liaifon ne dura que peu , une violente maladie vint la rom-pre : je m'appercevois que cet aima-ble homme dépériiîblt à vue d'œil des fuites d*une fièvre lente qui le minoit. Je paiîbis une partie de 'i journée chez lui, & rachois de Tamufer ? Tentant eu'il tiroit à fa fin, il me dit un ap^ès dîner, — Colonel, pendant mon féjour à la Lou i-si ANE , j'y fus témoin des cruautés qu'y
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ropc , les Amérique , y goûter vint mon voifî-aucoup de enjoué & liles dans irent re-e lier avec r de mes Grands à & voulut irenr pour is intime; dura que la rom-;et aima-d'œil des e minoit. rnée chez ant eu'il lîner, — la Loui-autés qu'y
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„ exerccrent les Efpagnois contre les h:.bl-,, rans de cette Colonie ; curieux de lavoir ,j quel pouvoit être le crime de ces ,, infortunés, je m'informai de ce qui „ avoit pu donner lieu à de pareilles bar-,, barics , & me fis expliquer avec les dé-„ talls les plus circonftanciés toutes Icb par-,, ticularités de cette procédure; j'en fus „ tellenicnt frappé d'horreur que je crus „ devoir, pour le bien du genre humain „ &: de ma patrie , coucher le tout par „ écrit, afin qu'en le lifant , nos Anglois „ ient'.ffcnt encore mieux le prix de cette „ liberté incftimable que nous ont tranf-„ mis nos ancêties & qu'ils ont cimenté de „ leur fang. Le peu de tems qu'il me refte „ à vivre ne me permet pas d'exécuter mon „ projet : permettez que je vous remette „ mon manufcrit, vous le trouverez écrit „ tantôt en anglois & tantôt en fraiiçois ; „ vous entendez les deux langues, aiiJi „ vous pouvez en faire ufage, & fuppofez „ que vous croyez retirer vos frais, je vous ,, prie de le rendre public. Ne refuiez „ pas à un ami mourant la grâce qu'il
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vous demande ; je vt)us laifîe le maître du titre , & ne veux plus à préfent m'oc-Cijper que de l'éternité ! " Ainfi me parla ce galant homme qui mourut trois jours après. Je n'ai depuis fa mort pas perdu un moment pour donner à fon manufcrit tout l'ordre dont il m'a paru llifccptible. Crainte d'embrouiller les faits & d'en interrom-pre le fil , les notes marquées par des chi-fres , fe trouvent à la fin de l'ouvrap-c : je préviens le Ledleur qu'elles font intércf-fantes &: même nécelîaircs à l'éclairclirc-mcnt de bien des idées qu'on n'auroit pu étendre fans rendre le dlfcours confus &: entrecoupé, & que dans tout ce qui fuit c'efl: l'Officier Anglois qui parle.
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fie le maître réfent m'oc-nfi me parla
trois jours is perdu un "lufcrit tout )Ie. Crainte 1 interrom-»ar des chi-l'ouvrapc : ^nt intércf-'éclaircilîc-'auroic pu
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PREFACE.
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DE L* Auteur.
AR une fatalité dont on a peine à rendre raifon , le cœur humain eft plus long-tems affeélc des grands événemens , dont il n'a que des peintures & des ré-cits , qu'il ne Teft de ceux qui fe font paffcs fous fes yeux , Tim-preffion plus vive quand il eft té-moin , eft plus durable lorfqu'il la doit à l'hiftoire. L'amour propre peut expliquer cette bizarrerie : iî refufe des applaudiffcmens au mé-rite dont il craint l'éclat, & il s'attache à relever des aérions très-
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P R E F A C E.
peu recommandables, mais dont il n'a point à craindre le rcfleél.
O ! vous, qui témoins des v^ve-nemens que je vais tracer , jet-terez un coup d'œil far cet écrit ? Admirez avec moi les ver-tus patriotiques de ces généreux François, que les Efpagnols ont facrifij à leur reflentiment : dé-pouillés de cette prévention qui obfcurcit le jugement, reconnoif-fez en eux ce difint 'reflement que vous vantez dans Torquatus , cette fermeté que vous eftimez dans ScEVOLA ; enfin, ce noble dévouement que vous avez peine à croire dans Recul us.
r , jet-ar cet es ver-nereux ois ont t: de-m qui •nnoif-nt que vrus , ftimez noble peine
PREFACE. vîi
En tranfmettant à la poftcrité ces traits irwToiques& fubiimesquî feront l'obict de cet Ouvrage, je rends hommage à la vertu ; je préfente à mes compatriotes des exemples à fuivre : j'ccris pour les âmes fenfibles. Leurs larmes me payeront de mes peines, & je n'aurai rien à defirer fi je puis in;^riter leurs éloges.
C'eft à la race future qu'il ap-partiendra de recompenler digne-ment les vertus que je vais crayon-ner ; puilfent les Anglois de la race
préfente fentir, à la vue des ta-bleaux que je leur offre, qu'ils
font capables des mêmes efforts
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PREFACE.
qu'ils vont admirer chez leurs voi-fins. Puiffc-tu, o ma chère patrie, en éprouver les effets !
Que paric-je de patrie ? Je ne dois en adopter aucune. G'eft en citoyen de f univers que je vais guider mon pinceau ; c'eft , je le répète , aux âmes fenfibles que je m'adreife ; elles font de toutes les nations, on en rencontre à His-PAHAN , comme à Londres & à Paris , & par-tout où elles feront j'aurai trouve ma patrie & mon domaine.
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AVANT-
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; udP^ANr-PROPOS.
J[ ^ ou I s Qu^ I N zE , par le traité de (i) Versailles , vcnoit de ren-dre à fon Royaume cette tranquillité & ce repos qui lui devenoient fi nécef-fàires. Les luccès multipliés & brillans des A N G L o I s a voient totalement changé la face de l'Amérique : le Canada avoit été la proie du vain-queur , la Floride lui avoit été cédée Qn échange de la Havane , & les li-mites de la Louisiane Françoifc s'é-toient vues reculées jufqu'à la rive droite du vafte fleuve du Miffilîipi : les Anglois avoient obtenu la cefïïon de la rive gauche à l'exception de rifle de la nouvelle Orléans for-mée par le Mississipi & la rivière d'Iber VILLE ( appellée par les natifs du pays M ANC II AV. ) Ils devenoient
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par là poflefTeurs de Timmenfe pays qui , de Teft à Toueft eft compris entre le MississiPi dans tout fbn cours , & la mer qui baigne les côtes de la Floride , de la nouvelle Angle-terre & du Canada !
La Baye d'Hudfon bornoit ces pof-Teffions au nord , & une partie du golfe Mexique les bornoit au fud.
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Ce qui reftoit à la France de la vafte province de la Louisiane ( 2 ) com-prenoit une étendue de quatre-vingt lieues de côtes de l'eft à Fouell: , de-puis Tembouchure du MississiPi juf-qu'au Mexique. La rivière de Brava à IVaeft & le fleuve du MississiPi à Teft bornoient ces poflêiîîons qui s'étendoient depuis le vingt-neuvième degré de latitude du nord jufqu'a\i cinquantième & plus.
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C'eft au moment de la cefîlon d'une partie de la Louisiane à l'Angleterre que nous verrons briller parmi les François qui Thabitoient, une étin-celle de ce feu patriotique qui les atta-che à leur Roi. Nous verrons ce feu fe nourrir dans le fecret, & éclater avec la plus grande force dans le mo-ment où TEfpagne vint prendre ppf-fefîlon d'une province que la France par des arrangemens particuliers , mais relatifs au traité de paix , lui avoit cédé en indemnité des fraix de la guerre.
Mais il fera , je crois , à propos de donner auparavant une idée abrégée de ce qu'avoit été la Louisiane depuis fa découverte jufqu'au traité de paix de 1762. Nous la confidére-rons depuis le démembrement qu'elle effuia alors jufqu'à l'arrivée des Ef-
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pagnols , & enfin depuis leur arrivée jufqu'à ce moment-ci. Ces trois épo-ques formeront les trois âges de la Colonie ; ces trois époques formeront aiiffi la divifion de ce Mémoire. La dernière partie fera fubdivifee en deux fe£lions. La première comprendra le tems écoulé depuis l'arrivée de Dom Wlloa jufqu'à fa fortie , & la féconde depuis ce moment jufqu'à ce jour , lequel eflce lo Septembre 1773.
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Première Parti
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A France fc fouviendra long-tems du fameux fyflême de L a w , ce fut lui qui donna quelque eflbrt à la Colonie de la Louisiane. Depuis la découverte tentée par M. de la Salle , (3) un gentilhomme Ca-nadien nommé d^Ibervïlle , avoit en 1698 & 1701 jette les premiers fondemens d'un cta-bliflement à la Mobile &auBiLoxi, & il avoit fait le tour de l'Ifle de la nou-velle Orléans pour reconnoître le fa-meux fleuve du Miffiflîpi, objet principal de fon voyage.
Tant que ce grand homme vécut, il pro-tégeât cette Colonie naiflante; elle étoitcom-
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pofée de quelques familles Canadiennes venue? à fa fuite. Après fa mort arrivée en 1706 , la Cour ne s'occupa plus de la Louisiane: ]a malheureufe pofirion où fe trouvoit l*E-tat détournoit de toute idée d'établilîèment & de dépenfe. La L o u i s i a n e fut ven-due à M. Crozat en 1712, remifc au Roi de France en 1718 , & c'étoit fous le fpécieux prétexte de l'établiflement de la Compagnie des Indes qu'on avoit fait naître Je fyftcme de L a w. -
Le vaftc continent de la Louisiane fut reprcfcntc comme la partie la plus riche du nouveau monde ; les perles, difoit-on, s'y pêchoicnt en abondance ; les rivières qui Tarofent rouioient un fable d'or, & ce riche métal fc trouvoit fur toute la furface de la terre fans avoir befoin d'ouvrir fon fein .... Quel appas pour la cupidité ! 11 fut fa-cile à la Compagnie de vendre à des prix exceflifs des terrains très-gras & très-fertiles en produdlion.... Mais ce n'étoit pas là l'objet des acquéreurs ; ils vouloient de l'or & de l'argent. D'immenfes concevons fu-
rent vendues aux plus riche«^ particuliers f bientôt
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nnes venue? ti 1706, la
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ouvoit l'E-abliflTement î E fut ven-[ 2, rcmifc c'étoit fous ement de la it fait naître
3 u 1 s I A N E a plus riche , difoit-on, rivières qui & ce riche urface de la bn fein.... ! 11 fut fa-|e à des prix très-fertiles toit pas là lient de l'or cefîions fu-particuliers
( 3 )
du Royaume. La Louisiane fut bien-tôt occupée par des poflcflcurs avides, dont le principal objet fut la recherche des mi-nes; mais quoiqu'il y en ait de très-con-fidérablcs dans ce vafte continent, ou bien on ne les découvrit pas d'abord , ou la ])îu-part des terrains concédés n'en avoient pas,
. ou enfin elles fe trouvoient trop éloignées ou trop mal placées pour fatisfaire la cu-pidité des ac(juéreurs : cette avidité trom-pée rejetta fur le local un défaut ou plutôt un excès de calcul. Les acquéreurs furent
4obligés d'abandonner un projet mal préparé,
Inial conduit , h encore plus mal exécuté.
|Les engagés qu'ils avoient envoyés dans ce pays-là , périrent en grande partie fur le fa-ble du B i l o x i , le refle fe répandit dans la Louisiane ou repaflà en Europe. La Louisiane perdit bientôt de ce degré d'élévation où on l'avoit porté ; ce-pendant la Compagnie n'abandonna point les vues d'établiffement qu'elle avoit réfolu de faire dans ce vafte pays. • Les habitans qu'elle y tranfporta fcntirent, bientôt qu'il falloit renoncer au projet in-
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( 4 ) fenfé de l'exploitation des mines, pour s'oc-cuper uniquement de la culture des terres. La fertilité de celles qu'arrole le M i s s i s-s I p i c:"icoura.Q;ca les ctablilîcmens fur fes bord-;, & on fongea à y tranfporter le chef lieu qui d'abord avoir été à la Mobile (4) puis au BiLOXi (5).
M. de BiERviLLii, frère deM. d'Iber-ville , fonda la nouvelle Orléans en 171S, 1719 &Ï720: cette ville fi tuée fur les bords du Mississipi, à 32 lieues de i'embouchure devint le chef lieu de la Co-lonie : la Compagnie y fit paflèr beau-coup de monde à fes fraix ; mais quel fut le choix dans cette tranfmigration ? on ramaflbit les pauvres , les maixiiana ce les filles de mauvaife vie , qu'on embarquoit par forces fur des bâtimens de tranfport. Arrivés à la Louisiane, on les marioitj &: on leur aflîgnoit des terrains à cultiver ;j mais la vie fainéante des trois-quarts de ces gens les rendoit peu propres à la culture des terres. Le bcfoin & la néccffité nous rap-pellent vainement à" une vie laborieufe, fi les connoiflances acquifcs par l'habitude n'en
éclairent
, pour s*oc-e des terres. M I s s 1 s-mens fur Tes orter le chef Mobile (4)
M. d'Iber->RLEAîss en lie fiiuée fur 32 lieues de ;u de la Co" )aflèr beau-mais quel ration ? on kcliani ce les embarquoit le tranfport. 1 les marioii à cultiver ; :]uarts de ces la culture té nous rap-borieufe, fi abituden'enj éclairent!
( i )
éclairent h n'en foutiennent les efforts. Auffi ne repréfenteroit-on pas aujourd'hui ù la Louisiane vino-t de ces familles vania-bondes; la plupiut a péri de milere, ou cO: revenue en FVance , rapportant de ce pa}s l'idée que le mal-aile leur en avoit fait concevoir. On vit bientôt fc ré-pandre dans le public les tableaux les plus elTrayans fur le M i s s i s s i p i, tandis (pic le lon[r de fes bords à cinq & fept lieues de la villj , des peuplades d'Allemands s'é-rablillbicnt avec le pluri grand fuccés. Le Canton qu'occupent encore aujourd'hui leurs dcfcendans, ell: le mieux cukivé (6) t<. le plus habité de la Colonie , h je rcp-ardc les Allemands & les Canadiens comme fonda-teurs de Ce ([u'on a d'établidomens à la L O 17 I s i A NE.- ■ . . ,
La fertilité de ce pays préfcnloit des ob-jets importans de culture : celle du tabac fuffifoit fjule pour dédomman;er la Compa-p;nic Françoife de lés frais d'établiflèment, fi par une fuite de v.e falle (]ul l'a détruite elle n'eut pas voulu trop étendre fes poiicf-
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fions, & fe donner par-tout un air de fou-veraineté qui ne peut jamais convenir à une fociétc de commerçans , dont toute l'atten-tion doit le dirio;er fur les movcns d'étendre Tes corrcfpondiinces , & de multiplier les objets qui peuvent lervir d'aliment à Ton commerce. Si la Compagnie au lieu de bâ-tir des forterefles à des prix exceflifs, d'en-tretenir un corps confidérable de troupes , d'élever des édifices (}ui n'ont fervi qu'à la-tisfaire la vanité, & à donner de la grandeur h. de la puiifancc l'idée (|u'elie dcfiroit qu'on en eût : fi , dis-je , au lieu de fournir à fes agens les moyens multiplies d'accroître les dépenles, la Compagnie le tût bornée àfairc fleurir les objets de culture dont elle avoit faifi l'importance, on n'entendroit pas gé-mir tous les bonî, :itoyens François à la vue du peu de fuccès des tentatives faites pour l'établilfement d'une Colonie dont on ad-mire la fertilité & dont on fent l'importance.
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La Compagnie failbit alors en France tout le commerce du "tabac, & elle en tiroit en quantité de la L o u i s i a n e. .^.- -
1 air de fou-ivenir à une xite l'atten-is d'étendre -ilfiplier les nent à Ton lieu de bâ-^flifs, d'cn-le troupes , ?rvi qu'à fa-la grandeur l'firoit qu'on 3urnir à fes ccroîtrc les •rnéc ù faire r elle avoit it pas gé-
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L'établiflcnicnt qu'elle avoit fait aux (f) Natchkz ctoit auiïi fige (|uc bien enten-du , ce canton alloit fournir tout le tabac néceflaire à la France , & la quantité en ell fupérieure à celle (juc ce Royaume tire au-jourd'hui de nos provinces de Mary i. and & de la Vi RG I N J E. J/inconduite des chefs François , leur cuj)idité , leurs injullices, portèrent les Sauvages N a r c n k z à dé-truire entièrement les ctablilièmcns (|ui avoient été faits fur leurs tiires. Ils égorgè-rent dans le même jour les habitans , pil-lèrent les magazins, & la Colonie entière eut eu le même fort fans le fecours d'une vieille femme fauvagc vjui trouva le fecret de hâter le jour que toutes les nations avoient choifi d'un commun accord pour égorger les François difperfes dans ce vafle continent. Par ce rnoven il n'\' eut que les Natciîez qui fiicnt main bafi'e fur tous les habitans établis chez eux.
Echappés de ce danger , il ne relia de reflburces aux François qu'' dans une prompte vengeance qui put intimider les autres Sau-vages oc les tenir en refpecV.
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' On dctniifit les N at c h r. z qui avoîent frappe lur rétablilibincnt François , & il ne 3 rcftc plus aujourd'hui de cette n^ition la plus ancienne & la plus confidérablc de toute W la I. o u I s I A N E que quelques familles ^ difperfces dans d'autres nations Sauvages.
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Après la perte confidérablc que la Com-pagnie venoit de faire , êc les fommcs ini-menfes qu'elle avoit inutilement employées en fortcrelîës & en bâtimens, la conlcrva-tion de la Louisiane lui clevenoit totalement à charge. D'ailleurs , fon privi-lège expiroit , & le Roi en ayant accepté la ïctroceffion en 1732, y fit encore quel-ques envois d'hommes & de femmes , mais le mcxe vice cxiftoit dans le choix ; il dut conféquemment produire le même eflet que du tems de la Compagnie. I. peu de fruit qu'on en a retiré , les fommes prc-digieufes qu'il a fallu verfer dans cefuperbe pays fans aucun avantage reconnu , h les guerres (8) qu'il a fallu foutenir contre les Sauvages, dégoûtèrent néceifaiiement d'une Colonie qui fut des lors regardée comme fort à chai-s;e.
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qui avoieiiî: 'is , & il ne ? iiation la iblc de toute les fannllcs
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employécs a confcrva-li clevcnoit
Ion privl-u accepté la corc quel-nés , mais )ix ; il dut lêmc eflet
e peu de limes prc-ce fuperbe u. Se les
contre les ientd*une 'e comme
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Dif~ns toMî. Le François prompt à con-cevoir & à entreprendre , veut quo l'exécu-tioii (^ la rcufîite fuivent la vivacité de fon carad:crc. De là ton peu d'aptitude à fon-der des Colonies ; de là le peu de fuccès dans les tentatives que cette nation a faites : <:ar, fi nous comparons leurs po^eiTions à celles des Hollandois & des Anglois, nous fentirons d'après la connoilîance des moyens dorit les uns c\ les autres fe font fervls, qu'il faut pour les nouveaux ctabUifemens !e mj-nie régime qu'on emploie pour les enf ms ; fourîi'r les alimciis néceflaires h proportion-nés à leurs forces, ne rien p;j'.ier , ne rien prématurer , & laiûor à la niture Iz au tems, le foin (9) de porter l'ouvrage à fa perfection.
Je palTe rapidement fur les cvénemens qui tiennent à la Louisiane. I,es notes y fupplééront. Les difFérontes guerres que la France a foutenu contre (10) les Sauvages, depuis i732jufqu'en 1762, ell ce qu'il y a eu de plus intérefîant ; elles servirent à
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prouver que les Colons de la Louisiane ctoient animés du môme efprit de patriotif-me qui a rendu la conquête du Canada fi difficile. Mais je n'ai voulu confidércr la Louisiane que du coté politique, & c*eft dans cette vue que je m'arrête à un événe-ment rapporté dans les différens mémoi-res , (^ui depuis deux ou trois ans ont parus fur cette Colonie.
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I>a monnoie dont on s'y lervoit étoit com-me dans nos provinces de la nouvelle An-gleterre , du pap'er ayant toute la valeur de l'argent. A la Louisiane ce papier étoit ligné de l'Intendant, du Contrôleur & du Tréforier : chaque année on en reti-Toit une certaine ([uantité pour laquelle on donnoit des lettres de change fur le tré-for royal en France. Rien de mieux entendu. On facilitoit tout à la fois , les échanges & les ventes. La communication en devenoit aulîi plus intime entre la Colonie & la Mé-tropole. La guerre de 1744 multiplia les dépenfes, & empêcha de tirer des lettres
des
Louisiane de patriotif-Canada fi onfidérer la [uc, & c'eft i un événe-nis mémoi-ns ont jiariis
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de change. La (|ua;itité de papier répandu fur la place cxcédoit les femmes deflinécs par le gouvernement aux frais de cette Co-lonie : en confécpience on le relira en fai-fant perdre les deux cinquièmes à ceux cjui en avoient. P'aute eflentielle cju'on préfenta comme néceflaire & indifpenfihle, mais qui a beaucouj) nui aux progrès de la Colonie.
tt étoit com-)uvelle An-e la valeur
ce papier Contrôleur
on en reti-ur laquelle
fur le tré-.IX entendu.
s échanges en devenoit e & la Mc-ultiplia les
des lettres
La paix de 1748 fervit à rendre moins fenfibles les maux que la perte fur le papier avoir produit. Le commerce interlope avec les Efpagnols du nouveau Mexique & de la Havane, répandit beaucoup d'argent dans la Colonie depuis 1748 jufcpi'à 1752. Mais un vice auquel on ne fit pas attention , eft que ce '^onimerce n'avoit pas pour bafe les denrées du cru ; il étoit fondé fur Taflluencc des étrangers (|ui apportoient avec eux leurs piaftres h leur Bois de Campéche, Cet état flciriifant ne devoit fubfifler qu'autant c|ue cette efpèce de commerce dureroit. Ceperjdant tout le monde tourna fes vues du
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côté du négoce, & on négligea rngricitl-' ture. Les terres furent abandonnées , des habitans lùiés vendirent néo-res & beftiaiix pour prendre intérêt dans le commerce ; mais dès 1752 , lorrquc Mr. de Kerlt'ivc vint relever Mr. de ViiifdreHH, les Er]):if]^nols ne paroiflbient plus à la Louisiane avec la même affluence : on acculbit ce orouvcrneur de les en avoir éloiynés ; mais s'il l'a fait dans l'intention de rap;)el!er les Colons à ! l'agriculture , on n'aura tout au plus à fc plaindre que des mo) ens qu'il a em|)lo}'é'3 pour y parvenir. Ce qu'il y a de certain ell: que les interlopes Efpagnols ayant cefl'é d'abonder à la Louisiane, cette Colo-nie fe trouva lurclvargée de toutes les bou-ches inutiles que le commerce avec les Efpap^nols faifoit auparavant fu.bfiiter. L'a-gTÎculture ayant été négligée ne fournitibit plus les mêmes reii'-urecs , la ville s'étcit peuplée aux dépens des campagnes.
• La cupidité qui trouve toujours des 1 moyens réels ou apparcns de fe fatisfaire,
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ommcrcc ; Kerlficc vinr I m «mois ne NE avec la gouverneur Vil l'a talc s Colons à u plus à le I cmployvjs c ecitain cd: lyant cclî'é :cuc Colo-:cs les bou-le avec les filler. L'a-Iburnilibit illc s'cLcic mes.
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en Imagina un bien onéreux pour ripavc;f le tort que réloigncmcnt des Efpagnois occafionnoit : ce fut d'accroitre les dcpenfcs du Roi. Vx on peut dire qu'elles n'eurent pas plus de bornes que les motifs auxquels elles durent leur naiflance & leurs excès. Les forts ( 11 ) que le Roi de France avoit dans différens endroits de la Colonie étoienc brigués. Ces Ofîîciers, que la cupidité y conduifoit, portoieht les dépenfes à des fommes innouies ; elles dépendoicnt de leurs caprices & de leur volonté. lié tiroient des lettres de change que le Cômmiflaîre ordonnateur de la nouvelle Orléans ctoii: obligé d'accepter au nom du Roi. Tout cela fe paflbit pendant la guerre dernière , & Ton cité des traits de dépenfes que l'on •auroit peine à croire, tant elles font fortes, & l'emploi ridicule.
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La grande quantité de papier annonça \2l néceffité d'en diminuer la valeur, & avant que le Roi eût prononcé le commerce y mit le taut. l>. M. T. C. en ufa beau-coup plus favorablement qu'on ne le com-
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ptoîf, car les pai)icrs ne furent rciVuirjf qu'à la moitié , au lieu qu'ils pordoicnt les trois-quarts fur la jîlace de la nouvelle Orleaks.
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On fcnt aifcment con">l)icn de parcillç» fecouflcs ont du porter d'atteintes aux pro-grès de la Colonie. Bientôt elles fe réuni-rent à d'antres caufes aflêz fenfiblcs pour produire l'état malheureux où étoit cette-province lorfqu'à la paix dernière les établiflemchs que le gouvernement Anglois voulut faire fur la partie cédée m'y attirè-rent à la fujtQ des troupesr La connoif-*-fance que j'aï cherche à en acquérir me met dans le cas de dire avec aflurance que ks deux principaks caufes de la foibleilc lie cette Colonie dans tous les tcms ont été ,. premièrement la négligence à faire fleurir, l'agriculture, & par conféquent les moyens d'échanges ; feçondement le peu de ména-gement & le mal entendu dans les dépenfes qu'on faifoit faire au Roi* On eft très perfuadé que la Louisiane eut été en ctat de foutenir le Canada , & dï porter
( <s )
les conquctcs ilc la France jufciucs dans les pofTcflîons Angloifcs de rAmcrique fcp-tcntrionale , fi le gouvernement François fc fût plus occupé qu'il ne l'a fait des vrais moyens d'augmenter la puifTance dans cette contrée du nouveau monde : Si on y eut animé les différentes l^ranches de culture dont elle cft plus fufccj^tible que toutes les autres parties de l'Amérique feptcntrio-nale : fi on eut ouvert des portes au corn-inerce , qu'on lui eut prcfenté des moyens d'échange, & non de cupidité £c de con-cuffions ; & qu'on n'eut pas quelque fois écouté le langage que cette palîion a fait tenir à ceux qui ont propofé de gêner rjuclques objets <le culture fous le faux pré-texte d'avantage pour le commerce*
Telle eft l'idée que J'ai conçue des cau-fcs principales de l'état languilfant de cette colonie, & nous ferons convaincus de leur certitude, lorfque dans la féconde partie nous aurons confidéré la Louisiane re-prenant vigueur d'après les efforts des habi-tans de\'enus cultivateurs.
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Ce tableau contiendra le tcms ccoiil^ depuis la paix jufciu'à l'arrivée des Efpa-gnols, & les fiicccs pendant \in efpace aiiflî court tendront à prouver ce que j'ai avance dans cette première partie, ^œ h négligence fur tcgykultwc a été la principale caufe à' Péla{ ilcfoiùltffe oh fe troiruoit cette colonie en 1762,
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tics Efpa-fpace aiiflî *ai avancé 1(1 négligence ufe de Céla{ "n 1762,
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LA LOUISIANE
ENSANGLANTEE.
Seconde Par
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Ce qu\) été la Louistake depuis la paix âe 1762 j jufquà riurlvéf dos Efpagnols,
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E François chérit fon Roi, comme l'Anglois cil attache à fa patrie ; ceC amour, pUis dcfintcrcflc dans le premier , ell digne d'aufli grands éloges. Ces deux différcns mobiles produifent dans chacune de CCS nations des adtes femblablcs de patrio-tifme. Nous avons vu pendant la dernière guerre le Canadien ne connoître de bien & de bonheur que fous la domination Françoife , & facrifier pour cette domination, fortune , enfans & vie, & après la paix la moitié des ha-bitans du Canada abandonner leurs terres, &
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«Vxpofer à mourir de faim en France pîiî« tôt que de jouir du bien-être que leurs | poffcffions leur affuroient fous un gouver« nement libre & paifible» „ ^ - ;,
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Voyons ce feu patriotique étendu jufqu'à ia Louisiane chez tous les Colons qui fe trouvoient fur la partie cédée aux Anglois*
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Nous montrerons dans la troifieme par-tie de cet ouvrage cette étincelle principe )^ trei d'un embrafement qui pouvoit produire la âeuve révolution la plus furprenante ; mais oc- |fier é cupons-nous à préfent de ce qui s'eft pafle depuis la paix de 1762 , jufqu'à l'arrivée <îe DoM ANTOîïiodWLLOA. Cette épo-que , qui comprend, fî Ton peut s'ex-primer ainfi l'âge viril de la colonie, ce fur l'if tems fi brillant, va nous paroître bien* fommi court. : •' • • Je par
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' Les ANGLt)ïS , comme je Taî déjà dit , |<^s fab
«'étoient fait céder la Floride & toute la jlKire, <
partie de la Louisiane qui eft à Teft du fcunir;]
ileuve Mississi pi dont le cours devenoit yi'iifi<îo
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France pîiî» tre que leurs s un gouver»
:endu jufqu'à isolons qui fe aux Anglois»
toifieme par-:cllc principe : produire la e ; mais oc-pi s'eft pafle lu'à l'arrivée Cette épo-peut s'ex-colonie, c6 >aroître bien
'aï déjà dît, & toute la à l'eft du
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tommun aux deux nations ^^ibj/^j y Fr^n-ço'ifes. Mais les François confervoient tou-jours rifle de la (12) nouvelle Orleansi formée par le fleuve, par la rivière d'iBER-liLLE, Se pi.i les lacs! Le contours de lette ifle efl: d'environ 150 lieues * mais foutes les terres n'en font pas habitables, i n'y a à proprement parler que les rives
iu MississiPt qui le foient. (13) La tille efl: placét dans l'ifle qui porte fon non» J^ treiTtc-trois lieues de rembouchure du âeuve, & à une lieue d'un petit bras de ilier étroit joignant le lac Ponchartraîiv |[ui communique avec la mer. L'entrée de ce ^fec appartenante aux Anglois, le commerce leur étoit afîuré de tous côtes avec les Fran-■^is dont les principaux établiffemens font: tùï l'ifle de la nouvelle Orléans, & ont communication avec cette ville par le fleuve |c par les îacs. Les bords de la mer ù Jensacole & à la Mobt.le ne font que |es fables blancs très-peu propres à la cul-
tire, ce qui rendoit indifpenfable la coni-luniratiou & le commerce avec la Colonie Ifriinçoife de lu Louisiane, Le gouver-
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nemcnt Anglois l'avoit fcnti ^ & en làîflalif j aux François l'ide de la nouvelle Orléans j \ les Angloîs fc font âflliré un commerce qu'il cfl irrtpofïiblc d*empccher, Se qui d'ailj leurs eft néceffairc & trt;s*avant:igeux au:i| habitansé'
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Au moment ou le traité de paix fut publié on vit, dans toute retendue de la Loui-siane , les François dont les biens fe trouvoient fous la domination Angloife, abandonner leurs terres, 8c fe tntnfporter avec leurs befliaux & leurs nègres fur les terrains qu'ils croyoient François ainfi que le traité de paix l'annonçoit. Ils n'eurent dans certains cndrois que le fleuve à traver-fer. Ils ne témoignoient aucun regret d'avoir continuellement la vue des établif-femens qu'ils abandomioicnt. ' '
Qui pourra refufcr des éloges à de pareils f^rifices ? Les promefles des An-glois, les facilités qu'ils donnèrent, les avan-tages qu'ils préfenterent ne retinrent d'ha-titans François que ceuv\ qui ne prouvoieiit
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>aix fut publié de la Loui-i : les biens fe 5n Angloife, fe tr^nfporter légres fur les )is ainfi que le Ils n'eurent ;uve à traver-aucun regret Lie des établif-
éloges à de îfles des An-ent, les avan-::tinrcnt d'ha-ne prouvoieiiL abandonner
abandonner leurs poflcffions fans bVxpofei: à moi"ir de faim. ,-;■ r; ?,
Monfieur d'ÂBBADiE fut nomme gou-verneur par le Roi de France de la i)artie de laLouisiMsîE qui lui avoit été laifi'ce par le traité de paix. La ville eut le titre de comptoir, & Mr. d'Abbadic en eut la direction , il réuni les deux charges d'in-tendant & de- gouverneur de cette malheu-rcufe colonie ; ainfi 1 état déplorable où il la trouva > iie lui laifla point Tefpoir de la voir jamais au degré de fplcndeur où il fentoit qu'elle pouvoit être portée ; ce pendant il employa en homme fagc & en-tendu les moyens les plus efficaces pour y parvenir. Il fentit que Tefprit de négoce & celui d'agiotage avoit féduit un très-grand nombre de perfonncs ; pour enra])-peller une partie à l'agriculture , & en don-ner le goût & ôter l'efpoir de faire fortune; autrement : il diminua les dépenfes ex-ceffives que faifoit le Roi ^ il donna une diredion plus fure & plus avantageufe à 3 agriculture ; il flatta l'cfpérance du colon,
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h. travailla à procurer les débouchés de3 denrées qui pouvoient occuper un plus grand nombre d'habitans , comme le ta-bac & le ris. Enfin , il permit aux Anglois de commercer avec les habiiai^i^ ,• il ks engagea' mcme à fournir des Nègres.
Aucun Gouverneur n'avoit encore faifî, comme Mr. d'ABBADiE , les vrais moyens de faire fleurir la Louisiane : mais elle étoit arriérée de 3 ou 4 années de reve-nus. Il falloit d*abord fonger à la liquidei*. Les comitictçans d'e- la Loitis'iane dé-voient une grande partie des- fonds qui leUr avoient été coniiés par les négocians de France ; il falloit que Mr. à*Abbadie- s'oc-cupât des moyens de faire rentrer toutes ces fommes afin de Fetablii* le crédit de la colonie totalement perdu depuis lu guerre. Il :ie pouvoit y parvenir fans fe faire des ennemis parmi les commerçans qui voyoient avec jaloufie les Anglois tenir magazin à la nouvelle Orléam. Mais l'avantage du colon cultivateur devoit d'abord occuper Mr. à'Abbadk. Il étoit tovyovirs alluné-
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de faire revivre le commerce , & de s'at-tirer des éloges quand les (15) denrées accrues par les facilités préfentées aux cul-tivateurs auroient pu fournir aux com-merçans des moyens allures d'échanges 8c de fpéculations, . -,
Une mort prématurée vint mal-heurcu-fcment enlever ce digne homme dans l'inllant où il étoit le plus occupé des moyens de faire fleurir la colonie ; elle n'a-voit encore éprouvé que foiblement com-bien ces moyens étoici.L -efficaces & cer-tains ; auflî fa perte ne laifla-t-elle pas tous les regrets qy'cUe méritoit. . , ..
On le vo-ymt d'ailleurs remplacé par un homme (Mr. Auhry, ) dont la valeur a\'oit mérité les plus grands éloges dans la guer-re dernière h à qui les vertus fociales at-liroient la confidération générale» On ne fit pas réflexion que les qualités du bon guerrier & celles de l'homme privé n'en-trainent pas celles qui font néceflaires à J'adminirtration & à la régie politique U
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ùîconomîque. \îr. Aifhry , ex'oel!f\n^ gre-nadier n'avoit aucune des qualités pro-pres à bien rcgir une rolonic dcins la pofi-tion fur-tout où fe trouvoit celle de la Loui-fiarie. Il falloit un génie bien fupcrieur à celui de ce goiiverneur pour achever l'im-portant ouvrage commencé par Mr. dV/^-badïe , & pour s'acquitter dignement de la commifiion délicate dont il alloit être chargé.
L'habitant qui fous Monfieur à*Abbadie iivoit fenti la uéceffité de s'attacher à la culture des terres, & à qui les e^ais avoient }>rouvé les avantages cju'on en pouvoit re-tirer, ne fe relâcha pas fous Mr. Aubry ; de qui on avoit droit d'attendre autant de proteâ:ion & de facilité qu'on en avoit; reçu de la part de Mr. à'A1^ba.dks
Mais quelque tems avant fa mort, arri-vée en 1765 , ce Mr. d'Abbadie avoit reçu de la Cour de France avis de fa cefîîon de la Loinltnne à VE/pagne ; par adte pafle à Midrid ^ a Pl:yJdii!L's dims le icms du traita
( 25 )
lie paix de 1764. On ne fcntit pas la raîrol^ pour laquelle cette ccfîîon avoit jufqucs là été tenue fccrette, & pourquoi la France avoit dans l'intervalle envoyé un Gouver-neur & des troupes à fa foldc. Le Roi de France ;, en annonçant cette ceflîon , or-donnoit à M. dCAbbaddie de faire cnrégillrer la lettre (16) ai) Confeil , afin que les difFérens états de la colonie puflent y avoir ^recours au befoin. *
Je fus témoins de la confternation que cette nouvelle accablante répandit à la nouvelle Orléans : un découragement général s'en feroit fuivi fi l'on ne s'étoit ilatté que cette ceflîon n'auroit jamais lieu. On ne pouvoit comprendre que la France abandonnât une colonie aufli avantegeufe pour fon commerce d'Europe, & pour celui des /lUtUles ; on fentoit combien peu l'Efpagne en pouvoit retirer de fruit. On fe figuroit encore, tant on craignoit de changer
'* Vo}cz cette Lettre dans les Notes , elle cil de In plus grande importance pour l'ccîuircifli.'ment des faits que je raporterai duns la ^me piu'iic de cet ou-
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dc domination , que h ccflîon de la Loujfuii^ ctoit un îirrangemcnt politique qui ne durcroit qu'un tems ; & ceux qui purent s'en per-lliader la réalité, redoublèrent d'ardeur pour fe faire des revenus dans le défir & l'efi-joir de fe créer un bien-ctre en Europe. Perfonne par conféquent ne fongea à devenir Efpagnoly tant la patrie ell chère à tout cœur vertueuJv.
Ce fut alors qu'on éprouva ce qu'auroient produit l'encouragement & l'émulation dans ks différens objets de culture. Les divers motifs qui animoient les habitans concou-rant tous au mcme but ; l'induftrie fut portée à fon plus haut point : on vit s'é-lever par tout des machines tendantes à multiplier les forces, h à faciliter les ou-vrages.
Partout les revenus doublèrent, ils tri-plèrent même en quelques endroits. L'in-digo de la Louifiane, déprifé jufqu'à ce jour j égala en valeur & en qualité celui de «S/. Vomhigue par les foins qu'on ap-porta dans fa fabrique. Des moulins à planches plus prompte & plus commodes augmentèrent confidérbblement la branche
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la Loid/talif ne durcroit : s'en per-rdeur pour & l'cfi^ir e. pcrfonne ir Efpagnoly r vertueux. qu*auroient jlation dans Les divers ans concou-duftrie fut ; on vit s'é-endantes à itcr les ou-
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du commerce , fondée fur rcxploitritîon d^s bois ; on féma du coton , on en cprouvii
la bonté en 1'
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iTageant. 1 c & la Colonie de la Loi'.ifume fut devenixî r^kabliflemcnt le plus riche , le plus peu-ple & le plus puiliànt du nouveau monde. On lit dans les Mémoires imprimés fur \■^ .olonie qu'un grand nombre d'Aiadicns fc préparoient à quitter la nouvelle Angle-rcr-e pour venir joindre leurs compatriotes établis fur les bords du Mifîiffipi, mais que la nouvelle de la ceflion de la Loiii-liane à VKfpagne décida les uns à refier où ils fe trouvoicnt, & les autres à paffer a ^9/. Domi}jo;ne ou à Caxemie. Plufieurs fe font réfugiés en France, d'où on les a fait palier en Corfe ; des familles Cana-diennes étoicnt en chemin pour s*établir il la Lou'ifuvie qu'elles croyoient Françoife , mais inflruites allez à tems du chanp-e-
Ément de domination , elles fe fixèrent au détroit : cependant qui eût été plus heureux que les Aiadiens s'ils eulfent voulu profiter des avantages que leur offroit le gouver-iiicment Anglois ? mais l'amour de la patrie
[remporta chez eux fur toute autre conS-
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( 28 )
dcratlon : ils n'afpiroient qu'aprcs la domi-nation Françoifc, ils s'expofoient aux plus grands dangers pour en jouir. Ils euflent paHiî de préférence à la Lou'ifuine dont le climat étoit plus femblable à celui de VA-radie ; quel avantage pour la France ! quelle population pour la Louiftane fi elle n*evit| pas changé de domination. " Heureux *'! dit encore 1*Auteur d'un de ces Mémoires, ** heureux fi la France n'avoit à rcorretter
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** que ces généreux cit05^ens. Mais la perte ** totale de la Colonie de la Loujfiane fui-*' vra néceflairemerit fa ceffion à une puil'"| *' fance auffi peu propre à en tirer le partij *' dont elle eft fufceptible.
En effet, fi nous examinons les Colo-I fties Efpagnoles , qu'y verrons-nous ? mi-fere 8c oppreffion répandues fur un petil nombre d'infortunés habitans difperfés danJ les immenfes contrées, dont les cruautci de cette nation ont fait des déferts ; des! milliers d'efclaves plus malheureux milL| fois que les animaux lès plus maltraités, puifqu'ils ont une connoifiance plus étenl due des maux afïVeux qu'on leur fait Ibut-I ffir, des milliers d'efclaves fcrvans , dib*!
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je, à tirer du fcin de la terre les mctaiiK inC-prifables qui ont attire cette nation avide dans le nouveau monde. Les homnîes, que dans les Colonies Efpagnoles on veut bien honorer du titre de libres, font tributaires nés de tous les gens que S. M. Catholique envoie pour commander à fes fujets. Cha-cun d'eux fucceflîvement s'y engraifle du iang des malheureux qu'il vexe h cju'il op-prime ; abufant du pouvoir qu'il lui eft confié, ces tyrans ce rendent arbitraires , ?c le malheureux qui oferoit gémir & fc phindre, feroit ptomptcmcnt vidlme d'un Icntimcnt û naturel. _ • '
Eil-il poffible c^uc fous un itoi jurfe , occupé en Europe à faire fleurir fes états , à y répandre l'abondance & la fertilité , cll-il poflible qu'il ne fe rencontre pas une arhe généreufe qui porte aux pieds de fon trône augufte les cris lamentables des mal-heureux i\ui habitent fes colonies ? Le ta-bleau qu'on lui feroit des vexations horri-bles qu'ils éprouvent, toiichcroit fon ame grande 8c magnanime ; mais la cupidité écarte avec foin cet homme aflcz courageux pour Janvier au Monarque le langage de lu
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véiiic. Il en rcfiikcroir bientôt la dcfli'iic-' lion des moyens (juc la rapacité des chefs trouve à s'aflbuvir dans le iang des infortu-nes qu'elle accable de niiferc ; il y a trop de perfonnes intcrcflces à ce qu'ils fubfillcnt. Ce tableau, (jue la communication avec les colonies Efpagnoles, prcfcnroit ehac|UO jour aux habitans de la Louifumc fous des couleurs encore plus odicufes , fut porté à la nouvelle Ork'ans avec l'annonce de l'arri-vée prochaine des Efpognols. L'effroi gé-néral dû néceflaircnicnt réveiller tous les fentimens patrioticiues qui attachent les-François à leur Rois,. &: en général tout homme fenfiblc à une domination qui veille à fon bonheur & à fa félicité. Nous allons en voir les effets dans la 3e. Partie de cet Ouvrage qui comprendra le tcms écoulé depuis l'arrivée de M. iVlFllca, jufqu'à celle de M. Orclly. C'cfl malheurcufemcnt là l'é-poque de la décadence de \'àLoK'iJlane. Elle n'avoit eu depuis la paix quelque fplendeur (|ue pour prouver (ju'elle en étoit fufcepti--ble. Nous verrons fes flattcufes efpérances s'évanouir comme l'éclair fuccédé par l'o-l'orage.
Fin de la Sccoride Fartlc*
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LOUISIANE
K N S A N G L A N T K E.
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TROISIEME PARTIE.
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Ce qua été la Loulfiane depuis l'arrivée iks Ef-J)agiiolsjuJqu à l*aHiu'i: ijji,
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Depuis Tarrhée de Dom Atitoine d'IPlhui, jnf-•-"" que) filjbrtie delà Colo/iier ^"'^ >\
J_^ORSQjJE Li poflcritc jettera un coup d'œil fériciix fur les ficelés qui l'auront prcccdccs, h qu'un fentimcnt naturel de julliee & d'humanité fixera fon attention fur les cvénenicns qu'il me refi:e à rappor-ter^ elle aura peine à croire qu'un fiéclc
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( 3^- ) aulîï poli que le nôtre, ait pu produire des aftes d'une aulîî cruelle févérité ; elle con-iVontera les époques, & fera tentée de pla-cer des faits auflî peu croyables à ces tems fk barbarie, où le cœur humain abandon-né 4 lui-même étoit capable des traits les plus languinaires.
Lorfque la poflérité lira qu'un juge-ment , auffi inique & auffi plein d'inhu-manité que celui qui a été porté contre quelques habitans de la Louijiane cil émané d'une Cour où régnent quelques lumières à côté même de la philofophie , elle voudva douter de la vérité des faits, au moins en tircra-t-cUc cette réflexion du fage fur l'iq^-fortune attachée ^u trône,
La 'vérité v^en approche jamais : trompé (ha-quejoîtr par ceux qui Ventourent, le meilleur Roi fait le malqu*il ablore , ^ la'iffe vivre dans l'impunité le criminel qu'il croit innocent ; tan-dis que des familles éplorées gémijfent de la mort duji'Jle. ■ •
Le flambeau de la vérité à la main , je vais marquer avec attention les pas dç ces
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hommes généreux dont je ne pourrai ja-< mais aflcz louer le patriotifme ; de ces hommes dont les v ertus, la fermeté & la grandeur d'ame honoreront à jamais l'ha-manité , de ces hommes enfin , que la bar-bare animofité femble avoir choili , pour que l'éclat de leur mérite les rendît plus remarquables. Tel, dans un troupeau nom-breux , le plus gras & le plus apparent eft deftiné à la mort. Tel dans Ton jardin ce cruel Romain abbattoit les têtes de pavots que la nature avoit élevée au-delTus des au-tres. Emblème malheureufe d'une cruauté réfléchie qu'on nomme prudence , &, poli-tique , mais que le fage traite avec rai Ton jllc barbarie» . -^ , , ., *
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Au refte , rapportons i^réalablement: les faits cjui ont préparé ce cruel événcmcrit.
Il s'écoula un an depuis la lettre du Roi de France qui annonçoit la ce'ffion de la Lou'f/ïane, juiqu'au moment où Dom An-tonio d'fVIloa écrivit de la Havane au confcil fupéricu^ de la nouvelle OriéduS , une Icttve
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clans la quelle il prit le titre de gouver-neur de la Lou'ifiane, (i8)
Annoncer la proteéVion d'un Roi bicn^ faifant, étoit difpofer les cœurs à la rccon-noifîance ; & ce fut ce fentimcnt qui pré-para la réception brillante qu'on fit à Mon-
fleur dVf7/oj, ':'.-. ■ ' r -
Quelqu'un qui a été ménac^" a'un grand danger croit en être préfervé ii la moindre apparence de fecours, quelque cruelle & barbare que foit la main qui le lui préfentc, Telle étoit la pofition des habitans de la Loiilfiane, Ils frémifToient avec raifon des cruautés Gc cies vexations qui acca-bloient les colonies Efpn,gnoles ; mais on doit careflcr pendant quelque tems un animal qu'on veut aflujettîr aujong; per-sonne ne douta que les i>remieres années de cette nouvelle domination ne fulTent mar-quées au coin de la bien faifanee & del'é-quité. L'efpérance , compagne fidelle du défir, faifoit regarder la retraite en Eu-rope comme très-facile au bout de quel-
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qùcs années, 8c on crut qu*aii moment où fc fcroit la prife de pofleffion , on marquc-roit un terme à ceux qui feroient décides à fe retirer de la colonie. . ..<.
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Le début du Gouverneur Efpagnol fut ' trop flatteur pour ne pas féduirc les trois quarts des colons; mais les gens fcnlés dé- ' couvrirent aifément le poifon couvert de -V miel.. . quelques lupcrftiticux regardèrent comme un fâcheux pronotlic les éclairs h les orages qui accompagnèrent les Ef* pagnols depuis leur entrée dans le fleuve , jufciu'à leur arrivée à la nouvelle Orléans, > Laiflbns aux fiécles d'ignorance leurs au-gures & leurs arufpices . . . parcourons les
taits é . . «
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Ils fuffircnt pour porter la terreur dan*? ' les eiprits les plus fermes. ■ '■ > c' • '
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PolitcfTes, égards, prévenances, rii:ni ' ne fut épargné pour prouver à Dom IVolla le défir qu'on avoir de répondre aux heu- ' reufes intentions qu'il témoignoit.LeCréole, -]
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naturellement bon , crédule, généreux ^ fenfible, pouffa fcs attentions julqu'à la baffeffe; Peut-être cette conduite attira-t-ellc le mépris intérieur d'un homme qui avoit fucé cette haine que rEfpagnol porte à toutes les nations, 8c fur-tout aux Fraû-çois. Elle ne tarda pas à fc démontrer ainlî que fon caraâ:cre. Le voici tel c^u'il a paru, ^^^:.3 ;:._,:lc •... ^n-ir;:'' : . . ^
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Dom At/onin d'PFlÎGà , homrhe a qui Ton fuppoloit du lavoir & de l'érudition y n'a-voit pas les lumières néceffaircs pour bien conduire des hommes. Il n'avoit pas cette pénétration qui met à pcTtéc de les con-noître ; il n'avoit pas cette impartialité qui fait éviter l'injullice, ou qui rectifie un jugement faux. Il n'avoit pas cette amé-nité,' cette douceur, ce liant qui gagne les cœurs, ^ fur-tout celui du François : îl n'avoit p^as ce mélange heureux de févé-rité & de clémence qui fait punir & par-donner à propos. Entêté, rien n'étoit mieux que ce qu'il avoit imaginé. Violent, il confondoit dans fes emponemens tous ceux
avec
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tivec qui il traitoit ; impérieux fa volontc de voit faire loi ; minutieux dans fcs pro-jets ; tracaffier dans l'exécution , arrogant quand on lui cédoit ; timide & fouple quand on lui réliftoit ; inconfidéré dans fes propos ; fans dignité fans générofité , ren-ferme dans fon cabinet, ne fe montrant que pour défobliger ; voilà l'homme quant
à l'ame. Quant au corps
; .. il eft difficile d*étre plus petit & plus mince que Tétoit Dom Antonio à^lFlloa, une voix foible & aigre annonçoit fon ca-raâ:ere. Sa phylioiiomie, (juoi qu'alfcz régulière, avoit cependant quelque chofe de faux ; de gros yeux, qui toujours baif-fés vers la terre, ne laxiçoient que des re-gards échappés, cherchant à découvrir fans fe laifîer démêler. Une bouche dont le ris forcé annonçoit la fourberie, la duplicité & rhypocrifie terminoit le portrait de Dom Antonio d'WLLOA*
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Plaçons celui du Gouverneur François, pour fervir de pendant à celui-ci, La eOu-
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noiflancc du caradtcre nous met ù portée tU iuger les adtions fouvent avec plus de cer-titude , qu'on ne peut juger du carad:er£ par des adions la plupart du tems mal rap-portées.
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Mr. AuBRY ctoit un petit homme fec, maigre, laid,, fans noblelîe, fans digr.ité, fans maintien. Sa fjguie l'auroit fait croire hypocrite, mais ce viee venoit chez lui d'un excès de bonté qui: le faifoit accéder à tout, dans la crainte de déplaire, tremblant fur les fuites des allions les plus indifféren-tes, effets naturels d'un efprit fans reflbur-ces & fans lumières ; fe laiflant toujours guider, & dés-lors s'écartant fouvent du vertueux dans fa conduite ; religieux par foibleffe plutôt que par principe, incapable de vouloir le mal, mais le faifant par mol-leffe humaine charitable ; fans générofiré ni réflexion, brave guerrier, mais mauvais chef; défirant les honneurs & les dignités, mais n'ayant pas affez de fermeté &: de ca-pacité pour en foutenir le poids.
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Voilà le portrait des deux hommes qui C)nt fait la perte de la Colonie de la Loui-siANNE, le premier par méchanceté, le lecond par foiblelie ; rEfpagnol par haine & par animofité, le François par ignorance de fes pouvoirs, & de ce qu'il devoit à la place .qu'il occupoit.
Voyous-les en a^io/îs.
La prile de poiTeffion au nom du Roi fi'Efpagne, étoit le premier aâ:e qui eût dû fuivrc l'arrivée de Mr. d'vVLLOA à la nouvelle Orléans. Mais 30 mauvais fol-jdats qu'il avoit amenés avec lui, ne lui pa-. rurent pas aiTez refpeclablcs pour contenir une colonie dont il avoit conçu l'idée la plus défavorable ; & ce fut le prétexte qu'il allégua lorfqu'on le fomma de prendre pof-*
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fcflïon. On lui offrit de laiflcr les troupes Françoifcs à la foldc iVEjpû^ne ; rù?is les ibklats demandèrent hautement leur congé. Le tcms de leur engagement étoit triplé; & on n'auroit pu fans injuftice les forcer à fervir un autre prince ; aufli les garda-t-on toujours à la foldc de France, parce que Mr. d*VVi,LOA menaça de fc retirer, fi on continuoit à le prcfser fur la prife de pof-feffion , & d'aller rendre compte au Roi fon maître des motifs de fa retraite.
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M. AuBRY , craignant d*indifpofer con-tre lui les cours de Vcrfailles & de Madrid, c'il continuoit fes inftances, acquiefca à tout ce (jue voulut Mr. d*WLLOA , cefla de le prefler fur la prife de poffeffion, 8c fe laiiTa abfolument conduire par les capri-ces de cet homme.
Parcourons les Mémoires qui ont paru fur la révolution arrivée dans ce pays, nous y verrons Mr. Aubry faifant à la fuite de Dom Wlloa l'office d'un Sergent-Major, & fouvent celui de valet. Nous le verrons
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fuivrc aveuglement fes volontés, & lui obélf avec le même cmprcfîcment qu'à Ton fupc-ricur. Nous verrons ù chaque pas ce Gou-verneur François & fon autorité expofés aux humiliations & au mépris d'un Efpagnol plein d'arrogance. Cependant les troupes Françoifes continuèrent de faire le fervicc fous le drapeau de leur nation. Les 80 fol-dats Efpagnols étoicnt cazernés & n'avoient auc\in emploi. Le com'cil jugeoit au nom du Roi de France , & il paroiflbit naturel que jufc[U*à la prifc de poireflion , tous les ordres émanaflent de Mr. Aubry. C'étoit à lui que toute la Colonie s'addreflbit : vou-loit"On demander quelque chofe à Mr. d'WLLOA, il renvoyoit toujours à la prife de poflcfllon , & on regardoit ce moment-là , comme devant marquer le changement de domination.
La lenteur de l'Efpagnol à remplir cet afte autentique & néceflaire laiflbit l'efpoir qu'il auroit dégoûte fa nation d'un pays qu'il difoit chaque jour ne pas convenir à l'Efpagne, & cet efpoir étouffoit une partie des gémiflbmens qu'arrachoit fa conduite.
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( 4- ) Quaiul Doin Wlloa fut fuilikimnicnc certain d'avoir par fcs menaces effrayé Tef-prit foiblr . & ieduit par fes promefles le cœur intéreilc il;- Mr. Audry , il ne garda plus de nicnagcnicns. Avoit-il befoin de conférer avec le Gouverneur François, il ^envo^'oit chercher par un fcrgent ou par fon négrc. I.ui parloit-il ? c'étoit avec Varrogancc d'un fupéricur infolent. Une ieuîc fois rimpertincnce émut Mr. Aubry cjui la releva. On vit le fouplc Efpagnol molir & céder, pour reprendre peu après, avec plus d aflurnncc un empire qu'on cul; craint de lui diTputer long-tems.
La colonie voyoit chaque jour avec I4 plus vive indignation M. yîuù>y attendant des heures entières dans l'anti - chambre de M. ô'IVlloa le moment où cet hommp altier daigncroit paroître. I/auîorité étoit aftbiblie , la dignité royale étoit avilie dans la pcrfonnc qui étoit faite pour la fou-tenir : tous les François rcfTentoient vive-incnt cette humiliation ; & lorfqu'eUc tombe fur des ccçurs peu faits pour l'é-"
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I^TOUver, elle produit la fureur k h rage ^ fi h vcngcçiiicc n'cil pas allez pioniptc.
Chaque ',i)ur Dnm JJ-llca ctcndok fcs pouvoirs, h M. Àubry ne conforvoit plus <]uc raj>parcncc de l'autorit^j ; * cela fut au point qu'on ne diflingua plus le chef. Chacun d'eux donnoit des ordres ; cj-pcndant M. /mbry rcnvoyoit fouvent à M,(.V[Viloa, & l'Elpagnol aliccitok alovs de lailTcr toute l'autorité à }A. Aubry ; di-fant toujours cpi'il n'avoit pas pris pol'iir-lion. Cependant il uvjit pcrfuadé le con-traire à kl. Cou r ; cc voici comment.
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Il y eu^ >in aâ:c pafié entre M. Aubry S: Doni W'iloa , par k([ucl le j^remicr convenoit avoir remis à riikpagnol la Co-Juiiie de la Lou'fnijie conformément aux
■^•Nous verrons cependant plus bas M. Aui-RV avc^ncr en plein CoîilcU (]uc iXmi W'IIoa ne lui avoit janviij fait voir qu'une fi mp'e lettre tle M. de Grimai, ii , écrite en l'^fjiaç^nol cjue ?J. AncRS' n'cntendoit pas, À: ccttclettreannonroir à Z'.I. d'-iV'Uoaqui l'e:v]»liqua, ('jt. nomination nu gDuvcrncineut de la Louisi a.\£*
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ordres du Roi fon maître, & en vertu dti
pouvoirs que le dit Dom Wlloa , avoit rcçii de la Cour. Cet adte fignc des deux gou-verneurs feulement, fut fait double & dut Être éehangc aux deux Cours,
On s'imagine peut-être qu'un pareil traite fut rendu public , qu'il fut lu , iilliché, Éc accompagné de tout l'appareil qui an-nonce un changement tle domination : point du tout. Les habitans de la Loui-lîane n'eurent pas même en cette occafion la fatisfaâiion néccffaire qu'on donne à un cfclave vendu , celle de favoir le moment où il doit obéir à fon nouveau maître. Mr. Auhy ne communiqua cet ade inique k informe qu'à deux perfonnes, après avoir exigé d'elles le plus grand fecret ; & celles-ci ne l'ont divulgué qu'après la révolution.
Mais il ne fufFit pas d'avoir mis fous les yeux du ledteur cet aélc invalide & injuftc; écoutons le détail des moyens qu'emploj'a Mr. d7VIloa pour i'arraeher de Mr. Juky; c'eft ce dernier qui va parler.
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f* Dom JVlloai intimide })ar les rcprcfcn-♦< lations du commerce au conieil 8c par ** qculques propos mcnat^ans, lâchés à del*-" fein à Tes oreilles j fc retria au port de la " Balife , qui cft à Tcmbouchure du fleuve " à 32 lieues de la capitale. J'en rc(;usunc " lettre par laquelle il me mandoit avoir à " me communiquer des chofes de la plus " grande importance. J'héfitai d'abord \\ '^ j'abandoniicrols mon gouvernement; mais " les circonllances me j)arurent exiger cette " démarche de ma part, iSc je me rendi:, à " la Bd'ifi. Mr. LVfplloa me reprélenta que " les deux Cours trouveroient peut-être " mauvais que la prife de poiîeflîon n'eut " pas été faite, que je devois lavoir qu'il *' lui avoit été impoffible de la faire ; que *' cependant, pour fatisfairc les deux Mo-' narques, il me prioit de figncr un adc qu'il me préfenta, par lequel je conve-" nois lui avoir remis la colonie, en vertu " du pouvoir que j'avois de ma Cour, <Sc " lui de la fienne. Une tranfaction auflî in-'^ forme me révolta, & j'exigeai une prife de polTeflion autentiquc, & qui ne pût
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" être ignorée de pcrlonnc, telle en \ri mot •^ que le bon fcns, l'afagc, & le droit dcj ^' gens la demandoient. Mr. d^priloa elTa} a ** de m*en prouver l'inutilité, je le preflai; ^' alors ii me promit de prendre polieiîîon *' auffitôt fon retour en ville. Je fus quel-ques jours incertain. Mr. ù^iFlloa ctoit contiimellement après moi; tantôt il me prioit, tantôt il me mcnacoit de fc plain-*' dre de mon refus : j'étois fort cmbarrafTé; mais à la fin j'acceptai une propontion qu*il mo fit & qui me parut remplir l'ob-jet de la publicité. Je fignai l'aâie dont j'ai parlé, à condition c|uc la prife de '^ polTefnon fe fcoit publiquement, aufîîtôt '* le retour de ]Mr. dJIVUca en ville, & que *' l'aâic qui fe pafTolt entre nous, feroit lu publiquement devant la garnifon de la Bd'ife, qui feroit auffitôt relevée par un détachement Efpagnol. "
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N'avez-vous jamais vu un enfant qu'un pédagogue fevcre menace , prie , intimide pour lui faire faire quelque ciiofc qu'il exige? l'entant réfille, pleure fe défend.
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( 47 ) fc fâche, & finit cependant par céder, mais fous certaines conditions qui lui pa-roiflent une vidVoire complète, remportée fur fon maître. Tel étoit Mr. Jahry vis-à-vis dom IPlloa : mais achevons le récit du Gouverneur François*.
^' I/aete naffé entre nous deux, " contî-'* nue M. Aiibry , " il fut convenu que " chacun en enverroit une copie à fa Cour. " Je donnai ordre ù Mr. de Lomcr , officier *' François, comm.mdant à laBûl/fc, de tenir " fa troupe fous les armes le lendemain à ■' huit heures, DomlFlloa donna le même *f ordre à l'officier Efpagnol qui Tavoit ac-** conipagné avec un détachement ; mais
" à la pointe du jour je vis entrer M. dVf^/^t? " dans ma chambre, qui me fit fentir qu'il ^- étoit inutile de lire cet aâ:e devant la " troupe de la Bûllfi , puifqu'il ne tarderoit ** pas à fe rendre en ville.. Je donnai contr'-*"' ordre à l'officier François, & il en fit au-" tant de fon côté vis-à-\'is de rofficier Ef-'f pagncL Je retournai le lendemain en *' ville, & laiilai Mr. d'^riioa à la Balifi.
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II s'clcvn , peu de tcms après, des diffé-rends pour le Icrvice entre le gouverneur Ef-pagnol & rolTicier François, commandant au port de la Balifi., Ce dernier reçut ordre de Mr. Aubry d'obéir à Mr. à*lVlloa , com-me ù lui-même; en conféqucnce, tout éma-ne de l'Efpagnol, rien ne s'exécute que par fcs ordres : il change l'établiflément de la Balife (19) , le place fur le côté gauche du fleuve, s'y tranfporte, & y arbore le pa-villon d'Efpagne. On voyoit floter de l'au ■ tre coté celui de France, & il y avoit tou jours un oiHcier & un détachement Fran-çois.
Ce fut encore pendant fon féjour à la Balljl'j '\\\^Q Mr. à'IVlloa fit partir 12 bat-tcaux chargés de troupes & de munitions pour aller prendre pofleffion des (20) Illi-nois dans le haut du fleuve. Toute la co-lonie parut étonnée de cette infravftion aux ufages reçus : rien ne fembla plus extraor-dinaire que de voir dans le même pays deux gouvcrncmens différens, deux pavillons & deux chefs. On courut chez Mr. j^ubry, qui chercha à rafsurer, en difaut qu'il com-
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;, des diff'é-iverneur Ef-ommandant r reçut ordre Flloa y com-s, tout éma-cute que par ement de la é gauche du rbore le pa-[oter de Tau •
féjour à la artir 12 bât-ie munitions |cs (20) lUi-oute la co-'ravftion aux blus extraor-le pays deux pavillons & '. Jubry, qui qu'il com-
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mandoit toujours jufqu'à la prife de polV feffion, qu'il annonça devoir être faite à l'arrivée de Mr. CCWlloa. Ce moment étoit toujours retarde ; les troupes, difoit l'Ef-pagaol, étoient en route, il les prétendoit rendues à la Havane ; mais on favoit, à n'en pouvoir douter, qu'il n'y avoit dans ce port pour la Loiàfiane que 15 ou 20 perfonnes dcflinces à remplacer un pareil nombre de morts ou de défertés.
Qui n'cfl pas indigné au récit d'une pa-reille conduite ? quelles menées fourdes 8e bafses I Ce n'eft cependant que fur cet ar-ticle illégal que Mr. Oreîly a pu juger com-me Efpagnols des gens qu'on avoit cédés, fans même le leur dire. Mais tout ce que j'ai rapporté jufqu'ici n'eft qu'une légère efquifse en comparaifon de rout ce qui me refte à tracer, & de ce que je fuis obligé de pafser fous filence, dans la crainte d'être long.
Il arriva de l'argent de la Havane, M. d'vVlloa favoit que le défaut de paye-
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ment avoit attiré une partie des mur-mures ; il cfpéra en les appaifant pou-voir reparoître en ville avec un peu plus de fureté pour fes jours : car, fuivant l'idée qu'il s'étoit formée, il craignoit continuel-lement que ces Colons n'attcntaflcnt à fa
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De retour ii la ville il fe montra plus honnête, flatta des plus belles efpéraiV ces , laifla entrevoir des projets avanta-geux qu'il n'avoit pas ; lut des lettre?, de fatisfaction qu'il s'uppofa avoir reçues de fa Cour fur la conduite des habitans à fon égard. Il flatta la cupidité , pro-mit de prendre bientôt poflelîîon, h ra-mena un peu le calme dans les efprits. I Mais ce calme ne dura qu'autant qu'il put contenir fon caractère , & fur-tout fa haine h fon mépris pour les ' François.
■* Cette crainte ctoit pardonnable ù un homme qui. Il l'on en croit le rapport public , nvoit ét<5 obligé de s'évader nuitamment de l:i ville où il comniaTidoit AU Pérou , ayant appris que les habitans méconien;» voulcicnt le brûler dans fa nuifon,.
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(21) Malgré les plaintes ni,-il „ . r •
m.i!e fois, M. dV«M,Wa :t •'« '^ part des habita,. T "ji r"
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J>«appairoit,'exho„oità,a^i:7 «uro. ,ue ,a Cou. de Franco !:• J" .'
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France étoient i„,i, ■ • ^°' ''e
>-"Jient maltraités. &pm.,,-:r par ordre d'n,, t <>^ ^Mprifonnés
public fe. ""'' ^ <î«'™l acte
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Jamais pofition n'avoit ét^ „r «^ Plos criti<iue nt,e i' ^ \ ?'"*=
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feil jugeoit-il au nom du Roi de France ? Si au conurire la colonie n'étoit pas cédée à l'Efpagne, que faifoit Mr. cVlVlloa à la Louifiane P pourquoi commandoit-il fans que Mr. Aubty s*y oppofât ? pourquoi, dans le même tems, l'autorité Françoifc étoit-ellc la feule reconnue & prédominante ? à quoi pouvoit tendre ce mélange d'autorité, d'au-tant plus funefte qu'on ne favoit à qui s*a-drefler pour la réparation des maux qu'on éprouvoit chaque jour,
L'afte de ceffion, s'il avoit eu fon effet, devoit emmener fous une nouvelle domina-tion là félicité dont on ne pouvoit en-encore avoir perdu le fouvenir. Telle étoit la promeffe facrée du Roi de France à fcs iiijets de la Louifiane, promefse qui ne fai-foit que confirmer ce fentiment fi naturel, que les Rois n*ont reçu de pouvoir que pour Id félicité dt s peuples»
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Mais vis-à-vis de qui réclamer ces droits faints de l'iiumanité ? à qui faire des repré-fentations ? M. d'PFlloa n'en écoutoit point,
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affuroit toujours qu'il n*cn avoît pas le th-oit, & ménaçoit des plus grands châ-timens ceux qui lui en feroient îorfqu'il feroit rec^u. S'adrcflbit-on à M. Aubry , il pronicttoit l'appui de la Cour de France, & les meaux ne faifoient (lue croître ; quelle affreufe perplexité !
(22) Un édît anilonçé d'Europe mit le comble au défefpoir. Plus de communi-cation avec la France , des impôts, des furcharges ; étoit-ce là le prélude de la félicité promife ? Perdre refpoir de com-muniquer avec fa patrie , & douter d'y jamais pouvoir rentrer. Quelle perfpeâ;ive pour des François dont les facrinces avoient prouvé l'attachement à leur Prince ? pour des François qui ne refpiroient qu'après le moment où ils pourroient aller renouvcl-îcr en Europe un ferment de fidélité dont rien ne les àvoit encore déliés.
Ici ces fentimeris patriotiques fe réveil-lèrent avec toute l'énergie que pouvoit jour donner rcfsai d'un pouvoir tyran-
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ni(|uc avant mcmc d'être reconnu. Le d4-fir de s'y fouftraire dut être le premier mouvement cjui luceétla à ces tranfports. Mais ie faire fans être criminels ; voilà comme penfe le François. On n'aecula .'Ttp; .aient pas les habitans de s'être i'cnrrc 'le ce prmcipe.
Ils avoieni plufieurs moyens de fe dé-rober à la tyrannie naifsante, & de jouir des droits que la nature & des promef-fes royales leur donnoient au repos & au bonheur. Ils ùvoient que fous le gouver-nement Anglois ils auroient toutes les pré-rogatives de la liberté. Ils voyoient les Bretons vainqueurs leur tendre les bras ; ils n'avoient que le fleuve à travcrfer , Se ils étoient à l'abri des vexations. Mais un ferment de fidélité les attaehoit à la France. Rien encore n'avoit détruit ce lien clier & faeré. Devoir, amour, honneur , tout s'oppofoit à leur émigration ; tout les empêchoit d'écouter les proportions favorables du gouvernement Angloi^ ; touc enfin , les obligoit ù fermer roreille aux.
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nu. Le d4-Ic premier ; tranfports. nels ; voilà )n n'accufii 1 de s'être
de fe dé-& de jouir ?s promef-repos & au le gouvér-ités les pré-)yoient les
les bras ;
travcrfcr , ions. Mais .ehoit à la ruit ce lien
honneur, ion ; tout ropofitions
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promcfses flatteufes qu'on fuifoit ù ceux c[ui voudroient s'établir fur les pofscflions de S. M. Britannique.
On ne pouvoît pas fc plaindre à la Cour d'Efpagne des maux dont ménacjoit Mr. d'Wlloa , & dont il accabloit la Colonie : on étoit autorifé à croire que des raifons politiques tenoicnt les deux Cours de Madrid h de Verfailles en fufpens fur la pofleflîon de la Louifiane, puifcpie l'en-vo3'é d'Efpagne ne faifoit pas valoir fes pouvoirs. 11 pouvoit être confidéré com-me chargé par fa Cour d'examiner la Colonie, & de lui en rendre compte. On fait que M. d'VVUoa n'a fouvent pris que le titre d1nfj^x:d:eur. En cette qualité , dans tous les cas imaginables, n'ayant pas pris poileflîon,, &, ne s'étant pas fait re-connoître, il n'aVoit aucun droit au com-mandement , encore moins à la vexation ; car la prife de pofielTion ne lui auroit même pas donné ce dernier droit fi con-traire aux ordres, aux volontés, & aux défirs du Roi fon maître. Uuc autre rai-
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Ion confirmok les François dans l'Idée que des arrangcmens partieulicrs confcrvoient encore la Colonie de la Louifianc à la France ; c'cft (jiie M. Aiibry n'avoit pas cxccuté l'ordre de S. M. T. C. qui, annon(jant l'ordre de ceflion, ordonne au gouverneur de la Louifianc de remettre cette Colonie auflîtôt f|u'il fe préfentera quclrjuc perfonne chargée de la recevoir au nom du Roi Catholique... au moins ctoit-on autorifé à croire que M, d*vVlloa n*étoit pas cette perfonne.
Les habitans de la Louifianc, fe re-gardant donc toujours comme fujets du Roi de France , & l'étant en effet (puif-qu'aucune prife de poffeffion , aucun aéte public , foit de leur part, foit de celle de leurs chefs , ne les avoit attachés à une autre domination, ) ne pou voient recourir à d'autre tribunal qu'à celui de S. M. T. C. établi pour le foulagement de fes fujets, & ])0ur leur rendre jullice au bcfoin. Le Roi de France , en annonçant la ccfîîon, fcinblcît prévoir les difficultés qu'elle en-iraîncroit, puifqu'il elt ordonné à Mr.
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s{^Abhaiiie de faire enrc^'ijîrcr la lettre de fort Roî {lit confcll fifpérieur de la Louifiane , afin que les d'fféreHS états de la cobnlepuiffcuty avoir recours au bcfoin , ^ de la faire publier ^ afficher , ce que Mr. d'Abbadie avoit exécuté.
Les habitans de la L.ouifiane pouvoient-ils fuivre d'autre route que celle que leur irnçoit la lettre du Roi ? En conféquencc, ils drcflèrent une requête (23) où parJe de leurs griefs contre Mr. d'VVlloa étoit expo-fée. Celui contre lequel ils pou voient fe ré-crier avec le plus de juftice, étoit fon obfti-nation de vouloir gouverner fans avoir pris poflcfTion ; & ils demandèrent que cet hom-me , de la tjTannic duquel ils avoient tout à redouter, fe retirât de la colonie avec fa frégate & les Efpagnols qu'il avoit amenés, 8c que la prife de pofleffion fût retardée jufqu'à ce que S. M. T. C. eût ordonné de leur fort. Cette requête, fignée du plus grand nombre des habitans, fur portée au confeil fupérieur, & le jour de l'aflembléc générale fut marqué au 28 Odtobre 1768.
Mr. d'VVlloa, effrayé des démarches des habitans, concerta avec Mr. Aubry fur les jilioycns d'y mettre empêchement. Ils n'eq
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'irouvcrcnt pas de plus (.'filcace h ilc pkia prompt (juc lie nicnaecr pour intimider : mais diiîieilement la terreur s'empare-t-cllc de genscpie le bon droit eonduit; des fédi-ticux cuûent été eflirayés, mais ces colons étoicnt bien éloignés de vouloir 1 être. Ils fuivoient une marche didtée par leur Roi, ils s'addreflbientù Ion tribunal ; mais par-là ils détruirt)ient l'ouvrage dcMr.d'VVlloa; ils opjiofoient un obdacle légal aux chaînes qu'il vouloit impofer. Mr, d'VV'lloa mcna(ja de faire pendre, d'envoyer aux chaînes.... Mr. Aubry promit de le foutenir. Les ha-bitans, informés de ces réfolutions, fc tranfportercnt chez Mr» Aubry, lui repré-fenterent les maux dont ils étoient accablés, & la nécclîité de s'oppofer aux violences d'un homme qui n'avoit aucun titre recon-nu. Ils lui rappcllerent la lettre du Roi qui leur enjoint de s'addrelier au confeil pour la ratification des articles de la cciîîon. On l'afllira de plus (juc Mr. d'Wlloa n'avoit rien à craindre pour fes jours '•'•^ ; qu'on ref-
* On fit plus, on ofiVit à Madame il'Wlloa , elfniyi'o par les craintes de Ton mari., une garde des principaux jcunea gi-:^.s de lu ville. Mr. d'Wlloa s'obllina à h
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]it(5toit le titre dont il (c dilbit rcvètii ; maifl l'ii iiK'mc teins on priolt Mr. Aubry (juc le confcil aflcmblé prononçât. . '
Mr. Aubry promit que les troupes ne feroient armées que pour empêcher le dâ-Ibrcîrc, & peur s'oppofer aux violences qu'on voudroit faire iiMr. d'WlIoa. 11 aflilla lui-même au confcil, il y fut dceidc (jue Mr-d'VVlloa fortiroit de la colonie, ainfi (^ue tous ks l'^fpagnols ., h que h prifc de jwl-feflîon ne fcroit point tentée (jue S. M. T. C. n'eût répondu aux repréfentations des liabi-tcMis, & on nomma des dé[)Utés pour les aller porter. Mr. d'Wlloa fortlt en effet de la colonie ; A^ B. fa frégate n'fen partit (jue cinq mois après ; les garnifons qu'il avoit en-voyées dans ])luficurs forts qu\ font le long du
rtfarcr, & fe rcfugia à bord tle fa frcg;itc, pour fe Eicttrc, dilbit-il, il l'abri de toute infiiltc. Une con-duite auiri ouverte, des procèdes aufli hoDuétcs de la part des habitans, n'ann()n(,"oient pas la rû-voltc dont Mr. d'Wlloa les a accufcs.
N. B. Si l'on veut des dv'.ûls plus circonilancits fur la conduite dee hal>itans, en tttteoccaHon, (|u'on par* 4wure Its mcnioircs qui ie trouvent parmi les notes».
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:nt toutcc fur celle de h Nouvelle Orléans. Tout cela fc paflh fans la moindre infulte au pavillon Efpagnol, ni aux Efpagnols qui demeurèrent dans la colonie. C'eft de leur propre aveu que la cour d'Efpagne auroit dû recevoir le té-moignage de la conduite modérée des ha-bitans dans ces circonltances critiques. Le rapport unanime de tous les étrangers fait fait de cet événement la chofe la plus ex-traordinaire & la plus furprenante ponr le bon ordre, à la décence & à la modération auxquels il fembloit que tout le monde con-tribuoit d'un commun accord. Ces témoi-gnages d'attachement au roi de France, furent les feules clameurs qui troublerenc la tranquillité & le filence pendant trois jours que les habitans furent alîcmblés à la Nouvelle Orléans. Aufîîtôt le départ de Mr. d*VVlloa j le calme & la tranquillité régnèrent ; Mr. Aubry éprouva l'obéif-fance la plus marquée de la part des habi-tans, & l'on attendoit les nouvelles de France avec le doux efpoir de ne point changer de domination,
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cc41c de la ; paffa fiinS Efpagnol j ent dans k Lveu que la îvoir le té-éc des ha> itiqiics. Le rangers fait la plus ex-ulte pour le modération inonde con-Ces témoi-le France, troublèrent ndant trois ifïemblés II 2 départ de tran([uillité ^a Vobéif-des habi' lUvelies de ne point
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LOUISIANE
ENSANGLANTEE.
TROISIEME PARTIE. •
Deuxteîie Section.
Depuis k départ de Dom Antonio d'IVlloa jufiuù r année 1771.
Sous le fer du méchant le jufte eft abbatu.
ON.o.no™..aesa,n,.spo..,. porter au Roi de France les témoignages de rattachement de fes îidclles fujets de la Louifiane , qui no demandoient qu'à vivre & mourir Frani^ois (23) ; mais ces députés ne purent être rendus en Europe qu'à la fin de Mars. !Mr. d'Wlloa y étoit depuis fix fjmaincs : il avo't reprélcnté la conduite des
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habttans & la ficnnc fous rafpccl qu'il avoîî voulu ; & la maîn fiiprcmc, qui dirige tou^ Ics'événcmcns, ne permit pas que la vérité fe fît jour la première aux cours de Ma-drid & de Verfaillcs. l/a<5tc paflc entre Mrs. Aubry h d'Wlloa, ad:c dont rirrcgularité n'a pas bcfoin d'être prouvée, fervit appa-rammcnt à Mr. d'Wlloa pour taire paroîtrc les habitanri de la Louisiane criminels envers le roi d'Efpagnc. I.a France, d'un autre QÔté, qui rcgarJ.olt la cefiîon faite depuis long-tcms , voulut à peine écouter les dé-putés , (k la réponfe qu'on fit à leurs repré-fentations fut qu'on ne pouvoit rien enten-dre fur cette affaire oui rcG^ardoit abfolument î'Efpagnc. Cependant, quand on prouva à la cour de Vcrfailles que la colonie de la' Louifiane n'avoit pas celïc d'être gouvernée par M. Aubry, Se que depuis la paix tout s'y étolt palfé au nom du roi de France. Quand on vit les détails de la conduite de M. d'Wlloa, de celle du gouverneur Fran-çois & des Iiabitans, on fut indiîrné contre i'Efpagnol, on méprifa le gouverneur Fran-çois, bi on pleura de joie en voyant dans-
( ^3 )
ÎC3 citoyens de la Louifiane le patrlotifinc que chiiCLin reti'ouvolt au fonds de leur cœur. On admira la conduite fage , fei-ine , n\o-..déréc & réfléchie de ces généreux colon?; h toute la France eut les ya'ox ouverts fur leur fort. Le miniflerc François fcntit qu'on ne pouvoit plus, fans injuûicc , abandon-ner des cito^'ens dont tout le crime, aux yeux des Efpagnols, étoit leur trop grand attachement à un roi oui a i\ jullcinent mérité le titre de Bif.n-Aimi,'. On vouluf en écrire en Efpagnc, mxs il n'étoir plus tems ; on avoit trop tardé, le coup eloit porté. On avoit crjiiil; avec ralfon dans le confeil de Madrid que la France ne parvinî; à découvrir la fauir(.:ré des rapports de M. d'Wlloa, & qu'c;lle ne demander juUice. En conféquenee, jamais e,\pétlitioi\ ne s'ell .faite en Elpagne avec plus de célérité. Déjà les ordres éioient donnés, déjà M. Orelly, lieurenani-généial, étoit parti pour la Havane, avec ordre de fe rendre à 1;» Eouiiiane ]>our en prendre pollelfion au non) ,dc S. M. C\
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Nons approchons du moment terrible qui va décider pour jamais du fort de la colo-nie. vVvant de porter nos regards fur les fcenes d'horreur qui me redcnt à tracer, tranfportons-nous à la I.ouifianc, & voyons à f^uoi s'oecupoient les habitans depuis le départ de M. d'Wlloa,
j'admire tout le long du fleuve les fruits heureux de la liberté & du contentement; chacun a redoublé d'effdî't : les cvilturcs fonr tlans le plus bel ctat ; les revei'us feront plus confidérables qu'ils ne ra\ oient ù.c dans les tcms d'engourdilTcment marqua-par le fjjour d'Wlloa. Je vois refpir'.'r pai -tout la joie &: la rranpuillité : rcfpon detrc François ranini-: tout, & le gouvernement dont jouilfent les hubitans . donne une nou-velle vie à icute h co'uriie Q^c\ cl't
cet édifice que je vois s'élever au milieu de la ville ? C'eft le temple du Seigneur; c'eft un tribu*: d'aâ:ions de grâces que la colonie oiTre à celui qui dirige les événemens.. ,. , Bientôt ils y chanteront fes louanges, bien-tôt il retentira des vœux de chaque citoyen
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n-iblc qui ; la colo-ds fur les à tracer, & voyons depuis le
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pour fort Roi. Plus Icin je découvre un-autre bâtiment, la cùriofité m'y porte ; hn' lit fur rentrée cette belle infcription ;
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Jci vols, dans l'intérieur des lits pour les' malades^ 0es appartemens pour des fem-mes en couches, des nourrices pour des* eiifans orphelins, des pauvres à qui on four-nit la fublîftance., Tout eft dans le plus? grand ordre. Les appartemens font diftri-hués de fa((^oiï que lés fecours font portés à chacun' à propos, fans tumulte & fans <30nfufion* Je m'inforrrie à qui on eft re-devable de cet établiflemerit, ainfî que ^e la fondatioti du temple que j'ai vu ^élever. , ,. :;y j
- '^ Au pàtriotiime, '* me répond queU ^'un., ^* au refpeâ: de tous les citoyens ** pour la Divinité, à l'amour que nous *' àVons les uns pour les autres, à la pitié "que nous ont infpiré les malheureux dont
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^' nous nWions qu'une foible idée avant *^ la venue de Mr. d'WUoa. Un accord *' unanime a tait ces fondations ;- le cri' " général les a propofé ; chacun a fourni ** félon fes facultés, fans taxes, fans ïm-" pots. L'un a donné le bois> liécëffaire " pour la charpente, l'autre les matériaux •* pour la' ma^nriërie; celui^tti' des litis, ** celui-là lés autres meubles. Chacun a ** concouru à i'eftvie, & on a pourvu aux *' fonds néceflaireè pour la dépenfe qui fe
^ fait dans cet hôpital...... .-- :. .
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O vertu ! m'écriaiH^ plein d'entou(ïaf« me, ô divin patrrotifme ! de quoi ton fbu facré ne nous rend-t-il pas capables lorfqu'iP nous cm.bfXc ! Parmi quels hommes fuis-» je tr^i/porte '... • O vousl que je voyoîs' prêts à les condamner comme des révolté» & des féditieux, jugez fi de telles adtions éclateroient au milieu du tumulte qui ac-compagne une révolte, & fi des cœurs, écrafés fous le poids du remords qui fuit rhyvreffe de la /édition, feroient capables de. fcntimens auflî purs, & qui tietment
e avânf accord V le cri' a fourni fans im-écéffaire atériaux ies lits, hacun a jrvu aux ife qui fe-
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^éceflaircment aw repos de l'iimc & de îx confeience. O Monarque heureux qui régne fur les François, que de tels fujets font: dif^ncs de ton appui ! de quelle félicité ne méritent-ils pas de jouir ! Leur fort doit être à iamais de voir croître fous ta domi-nation les fentimcns de religion, d'huma-nité, dé charité & de géncrofité que je vois briller en eux dans un moment o;^ leur volonté n'a d'autre guide que le mouvement: (le iairs cœurs, h d'autre frein que le dé-fir de prouver à l'univers entier combien il«i te chérifTent. Ces fentimens font étayés paf l'efpoir qu'ils ont de vi\ re fous tes heureufci loix , & de voir leurs cnfans partager avec eux ce bonheur.
Mais d'où vient ce murmure frénéral dans toute la ville ? Chacun fe parle à l'oreille,, on craint d'élever la voix ; on va, On vient, fans favoir ce que l'on fait ; la pâleur eft fur tous les vifages, bientôt je vois couler des larmes. Les fanglots étouffent les cris de la douleur ; je prends part a l'effroi pu-blic , je m'informe du fujet de celte allar-
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^ie générale, du malheur afficux dont cha-cun paroît pénétré.
*« Nous fommes perdus, ** me dit un citoyen, " notre F^oi nous abandonne, les " Efpagnols font à la Balife, ils viennent prendre pofleflion de la colonie."
Cette nouvelle étoit d'autant moins croya-ble, que des lettres arrivées le 19 Juillet dé cette année 1769, laiflbient à la colonie i'efpoir de ne point palîl'r fous la domination Efpagnole, & qu'on n'étoit qu'au 25 du même mois. Cependant cette nouvelle ne fe confirma que trop tôt. Un oiFieier Efpa-gnol, dépêché par M. Orelly, apportoit à M. Aubry une lettre par laquelle cet officier général annonçoit qu'il venoit, au nom du Roi fon maître, pour prendre pofleffîon de la colonie; pour foumettre à fon obéifianee, au cas d'oppofition, mais pour combler la colonie de fcs bienfaits, s'il étoit reçu com-me il devoir s'y attendre. Cette lettre étoit accompagnée d'ordres de la Cour de France à M. Aubry de remettre la colonie aux Efpagnols.
M. Aubry y qui favoil les dllporitlons où C'toicnt les habitans de rcfufer conllannneuc la domination Efpagnole , & de s'oppofer à leur entrée dans le fleuve, s'il n'y avoir pas des ordres précis du Roi de France, s'emprcfia à rendre publics ceux qu'il avoit reçus. 11 avoit audi des précautions à pren-dre contre l'émigration à la(}uelle les habi-tans paroiflbient réfolus. C'ell: pourquoi il lut dans l'aiienibléc générale du peuple, qu'il convocjua, la lettre de Mr. Orelly, contenant Tes promeflês dj traiter favorable-ment les habitans, s'ils ne s'opnofoient pas à la prile de pofleffion ; mais aulïï Tes me-naces , au cas de refus. Ccr, menaces pro-duifirent un effet contraire à celui que M. Aubry s'en étoit promis ; elles étoient peu propres à intimider les habitans de la Loui-fiane. Tout le monde fait d'ailleurs que 200 hommes bien réfolus, eufTent pu em-pêcher M. Orelly, général Efpagnol, de pénétrer à la Nouvelle Orléans, quoiqu'il eût 3000 hommes, trait de troupes réglées que de milice {\:v vingt cinq batimens de tranfport. 11 ne faut que connoîtrc le local
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du pays pour fcntir cette vérité (2.1). Ainfi on juge aifémcnt de rcfTet que durent pro-duire les menaces de M. Orelly, auflî ré-voltcrcnt-cllcs les moins déterminés. Déjà les cocardes blanches s'arboroient, déjà on fe préparoit à marcher aux ciinemis^ quanti M. de la Frenicre, procureur-général au confeil fupéricur, homme éloquent, & en qui on uvoit la plus grande confiance, arrêta cette fougue par un difcours dont voici la lubltance.
*' Citoyens compatriotes, lorfnue vous vîntes porter au confeil vcsjuftes rcpréfen-tations, aux(|acllcs S. M. vous autorifoic dans Tactc de ceiricn , vous me vitcs ap-prouver votre zi\c. patriotique, & vos de-mandes eurent leur exécution. Le déû\' commun cfl:, je le fais, la ratification des articles de l'acte de ccfîion, 8c raccomplifîe-ment des ordres de notre Roi Bicn-aimé : aujourd'hui ?. ^.I. ordonne de remettre la colonie aux Efpagno's, <k M. Orelly, venu pour en prendre poiïciîîonaunomdeS.M.C, vous fuit j de la part de ce Monar^quc , les
'2.|). -Ainfi ]Cirent pro-', niiflî rc-unes. Duja. it, dcjù on nis; quand gcnéral nu ucnt, & en confiLincc, .cours dont
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( 7' ) promcfTcs les jUus autcntiqucs, fi vous le recevez comme vous le devez; Se il menace, fi l'on s'oppofc à Ton enflée. Je fais ([ue vo-tre courage vous fait méprher les menaces, Ci que (on armée céderoit bientôt à vos ciTorts. Je vois vos cxurs patriotes brû-ler du défir de fignalcr votre valeur à la d i'cnÇc de vos fo\ ers, : mais contre (^ui allez-vous combattre ? contre les alliés de votre Prince , & contre un Monarque (p^ii vous fait aîiurer de la bienveillance. Quel cfl, d'ailleurs , celui d'entre vous (jui vou-dra cxpofer fa iamille aux iuite.i i'unciVjs des cvéncmens de la guerre, lorfciu'il lui rcfte un autre parti à pi'cnJ.re ? Des veuves éplo-rées, des orphelins abandonnés à la com-mifération publique, des familles détruite?;
cro}'ez-moi, clto}en3, que ces malheurs vous touchent & vous éclairent. (Nous nous enfévélirons, di'cs-vous, fous les ruines de
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les avoit infpirés ? l'horreur que vous avîezi conçue de la conduite de M. d Wlloa. .. ♦
Ici c'cft un officier général, dont la répu-tation vous cft connue , Irlandols de nation, & qui n'eft [ arvenu au grade de lieutenant-général que par fes fervices dans les armées Françoiies : il vous promet folemnellement la bien vaillance de Ton Roi, fi la prife de pofîefîion Te tait librement. Voudrcz-vous exciter la colère de ce Monarque par une conduite oppofée à celle que le devoir, la raifcn & le bon lens doivent vous infpircr ?
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Un autre motif doit en vous étouffer tout rcficntimcnt. La France vient de voir avec attend rillémcnt vos efforts patriotiques ; l'Europe entière, en admirant votre ferme-té , a vu avec furprife la conduije ilige & modérée(jue vous avez tenue; aujourd'hui tous les \Qux font ouverts fur vous ; terni-rez-vous, par un moment de fougne & d'emportement 5 la gloire que vous vous ctes acquife ? On a vu jufqu'ici en vous des François attachés à leur prince, pleins du
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défir de rcflcr fous fa domination ; l'ECpa* gnol nicme n'a pu, fans injufticc, vous regarder aulrcmcnr.... Mais aujourd'hui, que les ordres du Roi portent de recevoir une nouvelle domination , aujourd'hui que les Efpagnols arrivent pour prendre auten-tiquemcnt polieflion, & détruire par une conduite oppoféc à celle de M. d'VVlloa, les préjugés que vous avez conçus du gou-vernement ]'fpagnol, pourquoi vous op-pofcr à leur entrée ? Criminels alors aux )eux de l'univers , regardés comme des ré-voltés & des féditieux, on verra fins pitié les maux les plus affreux fondre fur vous, ci vos cendres, que vous voudriez , dites-vous, mêler à celles de votre patrie, ne fe-ront point arrofées des larmes des généreux François dont vous excitez aujourd'hui l'at* îcndrliremcnt. "
*^ Ne démentons pas, croyez-moi cito-*^ yens, l'idée avantageufe qu'on a conçue ** de notre modération. Que toute la Fran-'^ ce, en nous voyant obéir aux ordres ** de notre roi, puiflé s'écrier avec tranf-
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port, rèloi^^nefUciU ne change point k *' cœur des Françoïs : Veipace îmmcnfe des mers *' ne peut njj'oibllr ret lâchement qu'ils ont '* toi'.s pour leirr roi , &? le rejpe6t quils doi-'' ir;// ///.>" ordres, I/intérct de l'état exige *' (juc nous fowons Erpagnols ; perdre le *' titre h(;norablc de François, renoncer à *' lli })atr!e , eil: aujourd'hui un facrifice *' (|uc la France exige de nous, & dont *' les ccrurs généreux nous tiencVont coni-** \)\c. Attendons tout d'un roi bieniaiiant, *' d'un roi du même iang (|ue le nôtre , " écoutons les promcilcs de celui qui le ** re^u'éfente , & tâchons d'en mériter l'e-*' xécution par une conduite l'oumife Si *' rcfpectueure.'*
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Ici M. de la Frenicre ceiîa déparier. T.e filence .le plus ]n"orond avoit accompagné ion dilcours, mais bientôt un murmure Siénéral fe fit entendre dans toute raflém-Mée. Tel aux approches d'un orage des vents oppoies produlient en fe rencontrant un bruit confus oui lallle le vovao;eur en doute fur ce qui arrivera. Ainiî les fcnti-
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( 7.< )
mens partngcs produiibicnt dans l'afiTeni-blcc un bourdonnement qui ne pcrnicttolc pas do dillingucr quel fcrolt l'avis qui pré-vaudroir. Cepcndint le plus grand nombre entraîné par la force de la railon , cc par le difcours que M. de la Frcnirre venoif. de prononcer avec ce t':u &: cet air perfuafit' qui accompagnoient tout ce q\ii fortoit de ih bouche ; le plus grand nombre , dis-jc , pencha pour le parti de la modération. Alrrs ce procureur-général reprit ainfî Ui parole, Se bientôt on n'entendit plus que lui. . .::.
" Généreux Comparnolcs, leur dit-il, je vois avec la faristad'ion la plus o;rande rcircttiue produit fur vos coeurs les repréfen-tations que m'ont didécs mon amour pour vouo , h mon zèle pour vos intérêts. Les mêmes fentimens m'animent h m'éclaircnt; écoutez ce qu'ils m'infpirent. Une feule difficulté tient quelques perfonnes en luf-pcns ; elles craignent que S. M. C. ne foit irrité du renvoi de M. d'WUoa , Gc que M.Orelly ne foit l'exécuteur de fa vengean-ce plutôt que le chargé de fes bienfaits.
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I)lflîpons une pareille crainte , la paroîtf de ce général doit nous rauurcr fur ccr effroi ; &, fiit-il réel, feroit-ce le moyen de l'appaifcr que tle courir au devant de lui les armes à la main ? Montrons-lui au con-traire toute la foumiffion & le refpeâ: que nous devons à fon maître. N'aitendons pas qu'il vienne ici en recevoir le ferment fo-lemncl, portons-le lui ; députons quekju'un de nos concitoyens, Se c^ue M. Orellyjugc à quoi M. d'Wlloa eut dû s'attendre fi ûi conduite eut été conforme à la raifon, ù lajuftice, & à ion devoir. Je m'offre d'al-ler porter feul votre hommage ôc votre ferment. Si le courroux des l'ifpagnols a munjué (juelque tcte , ce doit-étre la mien-ne. J'ai prononcé le premier contre un hom-me injufle & infradiairc. J'irai offrir aux Efpagnols cette tête dont le facrilice me coûtera peu , û fur-tout à ce prix je puis affurer le bonheur 8c la tranquillité de mes concitoyens."
Ce difcours , auquel le patriotifme prê-toit un cnthoufiafme, fit fur tous les cœun
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î'împreflîon qu*on devoit en attendre. On s'cmpreflFa de témoigner à M. de la Frenicre la reconnoiflancc publique, & chacun fut jaloux de s^cxpoier au danger, s'il y en avoit, ou du moins de le partager aycc lui.
Ses amis voulurent le dérourncr d'une tiémarclie qui paroiflbit téméraire. On fa-voit, à n'en point douter, que les Efpagnolst rcgardoient M. de la Frenicre comme l'au-teur du renvoi de M. d'Wlloa : û leur cou-roux fubfiftoit, pouvoicnt-ils lui pardonner? Les rcpréfentations de fcs amis, les larmes de fon cpoufc, rien ne put le retenir, cha-cun fcntit les rifques auxquels il s'expofoit, mais, malgré cela, on avoit une erpccc de confiance dans les promeflcs de M. Orelly.
Plaçons ici le portrait de M. de la Fre-nicre : le rôle qu'il a joué dans tout le cours de cet événement, rendra plus intércfîant ce que j'ai à dire fur cet homme extraordinaire; je le peindrai d'après fes compatriotes.
M. de la Freniere, originaire Canadien » étoit né à la Louifiane, fils d'un confeiller
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-siw confeîl fiipcricur. Il avoit été élevé cii France, où il avoit fnivi l'état de fon perc# Il revint à la Lôuifumc, fut employé dans le confeil, & parvint ù être procurciir-généra! dans un âge où le commun des hommes efl encore à la liziere dans la carrière qu'il avoit embraffé. C'ell dans cette place que les trou-bles do la colonie lui ont fait jouer le plus grand rôle. M. de la Fremcre avoit dans l'imagination & le cai-adlere tout le feu & toute l'ardeur qui conduifent aux grandes chofes. Parlant avec cette aflliranee que donne une éloquence mille & nerveufe, faite pour ful)jugucr les ef['>rirs. Il joignoit à cet avantage une figure noble un port ma-jeftucux 5 un air honnête, une ttiille élevée : fi on eût voulu peindre un guerrier, on lui eût donné la taille de M. de la Freuiere, fon port afTuré, fes yeux pleins de feu-, fon teint mâle & rembruni»
A ces avantages extérieurs, il joîgnoit un grand fonds de gcnérofité & de fenfibi-lité. Il étoit compatilîiinr, magnifique dans fes libéralités, prodigue dans fes bienfaitsj^
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:\c\'c cri bn pcre'# )yc dans -gcncra! nincs cil: u'il avoit ; les trou-;r le plus s'oit dans le feu & : grandes ancc que lervcufc f 1 joignoic port ma-e élevée : r, on lui reûierc, de feu-,
joîgnoit lenfibi-|que dana kienfaitaj^
( 79 )
patriote zclé , rcprcfcntant avec odcntation, mettant de la dignité à tout ce qu'il faifoit, populaire, afiable & bon. Il devoit toutes ces qualités à la nature, & Tes défauts n'eu n'ctoient pas. Il eût fait l'étonnement de fon fiécle, û la vivacité de fon caradterc 8c le feu de fon imagination cuUcnt été tem-pérés dans l'âge où il cil fi néccflTairc d'y mettre un frein. Il eût fait peut-être l'admi-ration de l'Europe , fi fes talens fupérieurs euflent été mieux dirigés, bz qu'un amour propre immodéré n'en eut pas terni l'éclat. Peut-être cil-ce à ce défaut, qu'on pardonne difficillemcnt, que M. de la Freniere dut le grand nombre d'ennemis que nous allons voir fondre fiu" lui, peut-être aulîl eil-cc une fuite de cette fatalité attachée au mé-rite, detre toujours en bute à la jaloufie & à la criiique. Cependant on convient généralement que la plupart des perfonnes qui dépoferent contre ce galant homme, avoient été comblées de fes bienfaits, & lui dévoient leur bien-être 8c la vie.
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( 8= )
Revenons à la Députaîlon des Hahitans*
M. de la Frcniere, maigre tout ce qu*(:)n lui put dire , fut au-devant de M. Orelly , accompagné d'un habitant & d*un négo-ciant Ce général les reçut avec les
marques de la plus grande bicnvaillancc ; il parut flatté de leur démarche, & réitéra en leur préfence les promefles quil avoi* faites à M. Aubry. Il pria ces Melîîeurs d*afsurer les habitans du défir qu'il avoit de travailler à leur félicité & à leur repos. En faifant fes adieux à M. de la Frcniere , au moment où ce dernier prit congé de lui, j *' Monfieur, " lui dit-il, " on avoit noirci *' votre conduite à la cour de Madrid, mais dans l'éloignemcnt, les objets pren-nent une forme différente de celle qui ** leur eft propre. Je vois que vous avez *' fait votre devoir, foyez fùrs qu'il ne vous *^ arrivera rien ; je veux être votre ami.'* Sur ce il lui ferra la main.... •
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A des témoignages auffi affcjftucux, les <3éputés purent à peine répondre, tant ils
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étoicntfaifîsd ctonncmcnt Se dcravlfsemcnt. Ils s'cmprcTsorcnt: à venir rarsurcr leurs famiPcs, qui ilopuis leur dcpnrt ctoicnt dans les allarmcs. Bientôt le détail de la récep-tion que leur avoir fait le ç^cncral, fut le fujct de l'admiration pubH(jue, bientôt la ville retentit des louanges dcM. Orclly; & fa conduite vis-à-vis des babitans, pen-dant les trois femaincs qu'il pafsa dans le fleuve, augiiicnta l'cftimc & la confidéra-tion d'un chacun.
tre ami.
Cependant quelques perfonnes fenfées
cntrevoyoient aifcmcnt le motif de ces dehors féduifans. On comprit que les poli-
tcfses dont il avoit accablé M. de la Fre-nicre, n'étoient qu'un piége, qu'un appas trompeur pour entraîner dans fes filets tou-tes les perfonnes fur lefquelles le couroux de l'Efpagnc devoir tomber ; car on ne s'i-maginoit pas que M. de la Frenicre fût le feul. On croyoit encore moins, que pour la fimple prife de pofseffion de la province de la I.ouifiane, l'Efp igné eût envoyé un lieutenant-général & 3000 hommes de
( Sz )
troupes. Tout cet appareil annonçoît des delleins moins pacifujucs que ceux dont on fiiifoit parade. M. Orclly , difoit-on, cfl: trop bon politique pour avoir arrêté M. de la Frcniere avant d'avoir aflermi fon auto-rité ; c'eût été déclarer fon defsein. Il veut des vidtimes, à quel prix que ce foit, & les autres lui cufscnt éehai)pées; car ce trait de févérité l'eut cxpofé à voir fuir devant lui tous les habitans fur les terres Angloifes.
Ces réflexions frappèrent quelques habi-tans. On eflava vaincruent de convaincre M. de la Frcniere que la réception favora-ble de M. Orclly n'étoit (ju'un piég« dan. gercux. On lui remit devant les yeux tout ce qu'on avoit éprouvé de M. d'Wlloa ; on lui cita vingt traits de l'hiftoire où la con-duite des Efpagnols avoit confirmé le ca-raâ:erc qu'on leur fujipofoit. On lui rap-porta des exemples où les promefles au nom de leurs Rois n'avoient point tenus contre le reflentiment, & que dans toutes les occafions les dehors féduifans avoient
ncs
onçolt des IX dont on )lt-on, cft ctc M. de Ton auto n. Il veut :c foit, & 5 ; car ce voir fuir r les terres
(jucs habi-convaincrc on favora-piegë dan. yeux tout Vlloa ; on où la con-mé le ca-lui rap-ncfl'es au )int tenus ans toutes is avoient
r ^'3 )
toujours préparé la vengeance qu'ils mC'dU toicnt. Mais jamais on ne peut faire croire aux habitans cjuc la du[>licitc & la four-berie puflcnt être [portées juftiu'à ce point ; Se l'air de M. de la l'renicre fou ami , fe rcpréfentoit ii fon cf|^rir, toutes les fois (ju on vouloit lui dcfdler les yeux : on lui traça les horreurs auxquelles il cxpofoit fa famille (|uc les Krpag;nols avoient marqué comme la plus contraire aux entreprifes in-juftcs de M. d'Wlloa. Tous fes pajxns l'ex-hortèrent en vain à palier fur les terres Angloifes ; le fcjour de M. Orelly dans le fleuve lailibit la plus grande facilité pour l'émigration ; mais rien ne i)ut ébranler l-.i confiante fermeté du procureur-général. Il fe fut cru déshonoré d'afîurcr fes jours par la fui;e , n'ayant fur-tout rien dans fa con-duite qui put l'expofer au danger dont on vouloit II chaque inllant l'effrayer.
Les promeffes du général Orelly entraî-nèrent la fécurité des habitans. Du moins elle arrêta rémigration de bien de perfon-nés, qui convaincues de leur innocence ,
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(èhtoient Cepenciaut que le part! le pliis iage étoit créviter le rcfîentiment d'une na-tion qui fc croyoit ofienfée, & qui jamais Xï*d fu pardonner. Mais malgré cela, un certain hommage rendu au cccur humain par des âmes vertueufes, ccartoit toujours l'idée d'une fourberie auffi atroce & aufli infâme qvx celle dont nous allons voir Me Orelly fe fouiller.
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Le 17 d'Août 1769, M. Orelly parut devant la nouvelle Orléans avec toute fa flotte : fon projet étoit d'y entrer comme dans une ville conquife, tambour battant, .mèches allumées ; mais fur la repréfenta-tion de M. Aubry, il voulut bien agir avec plus de confidération ; cet oiEcier lui ayant parlé de Texpulfion de M. d'Wlloa, Mon-fieur Orelly coupa court à c<"tte accufation, en lui difant " l'éponge ell piflee là defili^, *« tout eft oublié, n'en pî rions plus...." Il afFedia même de tenir un pareil lanL'agc dans «:ep premiers momens. Le lendemain 18. la jirife de pcfleffion fe fit avec tout l'appareil &; toute la pompe accoutumée.
( Sj )
S^ àii mcîV.c moment, en vertu des ordres du Roi de France, M. Aubry délia les ha-bitans du ferment de fidélité qu'ils dévoient nu Roi : dans cette femaine & dans la fui-vante, M. Orellv reçut le ferment libre de routs ceux qui voulurent être Efpagnols.
Jiifques là rien n*annoncoît les projets de fourberie qu'on fuppofoit à M. Orclly; Pouvoit-il arrêter & punir des gens dont il dé.claroit Tinnoccnce ,• chaque fois qu'il re-cevoit un ferment de fidélité ? Ces réilexions augmcntoient la fécurité de ceux à qui l'on parloit d'emprifonneincnt & de punition. Cependant le 21 Août , M, Orclly arrêta prlfonniers d'état M. de la Freniere pro-cureur-général, M. de Mazan , capitaine au fervice de France, Chevalier de Saint Louis, ^& d'une très-ancienne malfun de Provence ; M. le Maroj^s , chevalier de Saint Louis commandant les troupes du régiment Suifle d'Alwe ; M. Hardy de Bois Blanc, confeilier ; Mrs. Cares ; MîLETS , aîné & cadet ; Toupet l'aîné * i*ETiT; Brauj négocions; Doucet, avo-
M
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( 86 )
cat, ScViLLEROY, capitaine de n^ilîce* Ce dernier étoit prêt à s'embarquer pour paffer fur le territoire des Anglois avec tout ce qu*il pouvoit avoir. Il reçoit une lettre de M. AuBRY qcii lui enjoint de fc rendre en ville pour parler à M. Orclly, & il donne fa parole d'honneur qu'il ne lui fera rien fait. M. Villerôy hézite un moment, mais fur la parole d'honncurd'uncommandant Fran-çois, le dcfir de lui prouver un refte d'obéif-fance , l'emporte furlajufte idée qu'il avoit lie la fourberie du gouverneur Efpagnol ; il fe rend en ville. A peine y eft-ii qu'on. lë fait prifonnicr , & qu'on, le conduit à-bord d'une frégate. " Traîtres," leur dit-il, *^ vous avez craint de nous déclarer vos projets odieux ; vous êtes trop afllirés de ne pouvoir nous \^incre qu'en nous, trompant. Si vous avez cette bravoure dont vous VOUS' forcez de faire parade , ** rendez-moi la liberté : laiflcz-moi choi-** (îr 200 hommes parmi mes compatriotes, *' combattez-nous avec vos trois mille ;, &: *^ s'il échape un feul Efpagnol, dites que ** nous femmes des lâches & des infâmes^:
ce
ce
te
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( «7 )
^' mais vainement vous flattez-vous Je ** nourrir vos yeux cruels & fauvagcs du *' Ipcdacle barbare de ma mort, Ville-*' ROY ne fut pas fait pour périr fur un échafaut/' Dans le même moment il veut forcer la garde j, Tofficier fe préfente , 8c d'un coup de .pied dans la poitrine il 1 e-tend fans connoiflancc ; \in foldat lui donne un coup de bayonnette dans la cuifle, il tombe écumant de rage & de fureur.
Il cft trois jours dans cet état affreux, Zz meurt défefperé de n'avoir pas afsouvi fa vengeance.
Perfonne de plus brave que M. de Ville-roy ; Canadien d'origine, il en avoit la va-leur, la fermeté & l'cfprit libre : violent &, plein de feu, mais franc, loyal &: ferme dans fes réfolutions. Il étoit de la bonne taille, & bien tait, fa démarche étoit affu-réc, fon regard fier & martial, fon attache-ment à fon Roi tenoit plutôt de la frénéfic /cjue du patriotifme. Si tous les colons
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ii:i i.
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( 88 )
avoient pcnfc comme lui, s'ils avoient en
fa ferme réfoliition; je doute que i'Efpagnol
eût jamais pénétré à la Nouvelle OrléanSo
Il avoit le génie de la guerre, il avoit été
choifi par les Allemands & les accadiens
pour leur chef, en cas d'événement, & fans
doute fous fcs ordres cette brave troupe eût
été invincible. Je quitte à regret un hom.-
me de cette trempe ; je laifse aux François
patriotes le foin de répandre des lauriers fur
fa tombe. Revenons aux autres prifonnicrs,
& pour mieux juger de M. Orclly, voyons
la façon dont il s'y prit pour arrêter ces Mcfîieurs.
Il favoit le crédit qu'avoient fur Tefprit du public les perfonnes qu'il de voit faire prifonnicres ; il craignit qu'une conduite ouverte n'excitât une émeute, & pour s'afllircr de ceux qu'il vouloit arrêter, voici ce qu'il fit. Le 20 Août au foir, il fit venir les colonels des deux régimens qu'il avoit amenés : " Monfi.eur, " dit-il à celui de Lelboa, " vos grenadiers ont }a
roient eu Efpagnol Orléans» avoit été accadlens t, & fans roupe eût un hom-Francois iiriers fur ifonnicrs, T. voyons rrèter ces
.ir l'efprlt
;voit faire
conduite
& pour
arrêter,
foir , il
régi mens
I» dit-il à
ers ont Ja
( 89 )
" réputation de bien manœuvrer, je ferai •" bien aife d'en juger ; ceux de l'autre ré-r '^ giment prendront auffi les armes, & pour *' les encourager, il n'y aura qu'à y joindre " les quatre premières compagnies de cha-que régiment, &; que les autres fc tien-lent au quartier, *prctes à marcher, fi on " le leur ordonne ; rendez-vous ici dcvaut *' à onze heures." I>e lendemain matin M. Orclly envoya chercher par fes aides-de-camp les perfonpes qu'il vouloit arrê-ter, & à mcfure qu'elles entroient, il les faifoit afleoir, leur parloit avec la plus grande affabilité, & les laiflbit dans la per-fu^fion que fon but étoit de conférer des affaires de la colonie. Il les amufa ainfi juf-qu'à ce que les grenadiers & les autres compagnies, la bayonette au bout du fuzil, cufsent entouré le gouvernement. Alors il appclla les uns après les autres ces Mefïïeurs que j'ai nommé plus haut, les fit pafser dans un appartement voifin, où on leur demandoit leurs épées ; une garde les aecompagnoit alors % la prif:in qui leur i^tqit dcilinéc. ^ , : ..
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( 9° )
Mr. le Marquis , en lui remettant fbn épee lui dit, "je l'ai toute ma vie portée au •* fervicc du Roi de France ; je fuis fâché *' de n'en avoir pas fait un meilleur ufage. '* Si c'eft une crime d'être trop bon Fran-*' cois, je mourrai criminel, car je mour^ ** rai François,
M. de la Freniere & M. de Mazan, qui l'un & l'autre tenoient à toute la colonie , lurent mis dans des caves au-dcflbus de la maifon qu'occuppoit une partie des troii-pcs Ffpagnoles. Ce traitement en apparence plusdiftingué, n'étoit qu'une fûrcté déplus de la part du général, les autres furent con-duits à bord de difFérens bâtimens , & tous gardés à vue, .
On mit leurs biens en féqueflre, des fentincUes dans leurs maifons, & leurs pa-piers furent vifités & faifis. On avoit fait mettre une garde Efnagnolc au greffe, &
[tant (bti portée au fuis fâché ur ufagc. bon Fran-r je moiir-
[azaii, qui a colonie , :ffous c\e la e des trou-b apparence rcté de plus furent con-ns, & tou^
Lieftre, tics & leurs pa-in avoit lait \\ greft'c, &
( 9' )
nnc garde Françoife chez M.Foucaut, Com-miflaire ordônatcur pour S. M. T. C. Mr.
Aubry , à ia follicitation de Mr. Orclly, fit cette fauffe démarche ;• il fit plus. Il fc tranfporta chez Mr. Foucaut, & voulut l'interroger ; ^' avez-vous un ordre du Roi " votre maître & le mien q\n vous ctablifîc *' mon juge , lui dit cet ordonnateur ; *' il vous n'en avez pas, je prends aéte de *' votre injuftice à mon égard h je rendrai " compte aux juges que S. M.T. C. établi-" ra pour m'entendre lur votre conduite & la mienne ; en conféquence ; Monficur je *' demande à paffer fur le premier bâtiment " qui partira pour la France ; il ci\ mettra *' demain un à la voiîc , & je mcmbarquc-" rai defîiis ii vous le voulez bien." Mr.' Orelly & Mr. Aubry n'oforent prendre Tur eux de le refufer. Mr. Foucaut s'embar-qua le landcniain, h arrivé en France , il fut transféré à la BaiVdle, où il cfc encore détenu.
Le nombre des victimes n'étoit pas rcnv plit : il en re.ll.olt Cx-icore une ù arrêter. Cor-
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te vicllmc étoit chcrc à hi colonie par 1 ctcn-due de (a. famille , par fa naiflance , & pa»* les fcrvices fignales de fcs ancêtres aux-quels on devoit la découverte & rétablif-fement de la Louifiane. Cette victime étoit encore plus précieufe par fon mérita.-perfoncl ; Mr. de Noyan étoit fils d'un ancien lieutenant de i-loi de la Louifiane, dont on ne prononce dans ce pays le nom qu'avec rcfpcct & reconnoiflancc. Mr. de Bierville, Gouverneur & fondateur de la nouvelle Orléans étoit fon oncle, ainfi qiY Mr. d'Ibcrville officier dlftingué dans la marine par fcs talens, <k dans la colonie pour y avoir porté les premiers établiflc-mens, & s'en être déclaré le protecteur k
l'appui Mr. de Noyan n'avoit qu:
32 ans. Il fembloit que la nature eût pris plaifir à ralTembler, dans ce jeune hom.mc toutes les grâces extérieures , ainfi que les qualités de l'éf^nt & du cœur qui attlrcnr la confidcration & l'amour. On eut put le regarder comme un modèle de perfection, fi la nature n'en étoit pas avare. Il avoÎL
uncphilionomie noble, décente Se lionnêt
ml
voit Ore
:c , & pa^ cctrcs îiux-
cc victime fon mériu-it fib tVun Loinlianc, lays le non tcc. Mr. t'<-' dateur de h :1c, ainfi qi^^ icTué dans la ns la coloniv [ers ctabliflc-protcctcur ?•: n'avoit qi:^' [turc eût pvi^ leune homiw ainfi que ks I .r qui attirent in eut put k c perfection,'
,-arc. Il avo'rJ LteScUonnctî.
( 9Î )
lîn abord gracieux, une taille haute, un port afllirc, un ton de voix doux & fédaiùnt ; toutes les grâces, en un mot, qu'un hom-me peut réunir. Son efprit ctoit agréable &jufte; il avoit une aptitude générale à tout ce qu'il entrcprenoit. Son an; étoit un compofé de toutes les qualités qui foi*- j ment l'honnête homme , il avoir aufli cel-les qui le rendent cher & précieux: car il | joignoit à vme droiture , qu'on peut dire outrée (fi cette épithére efh admiflible) , beaucoup de générofité Se de bienfaifance ; ' il étoit compatifliint, honnête, affable ; oc doux ; mais en même-tems plein de fer-meté , de courage, Se de noblefle. Bon citoj'cn , bon patriote, bon ami, bon pa-rent ; on ne lui réprochoit qu'un peu trop de délica':efle, encore n'eft-on fâché de lui en avoir tant connu, (|uc parce qu'elle en-traîna fa perte. Il avoitfervi en France, il étoit Capitaine de Cavallerie par congé à la Louifiane ; il fembloit que cette raifon de-voir le mettre àl'alDrisd'un emprilonnement. Teut être efl-ce la raifon pour laquelle M. Orelly le laifla en liberté deux jours après
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la dét<fntlor\ cUs Mrflîeurs, dont je viens de parler. La colonie entière s*étoit réunie pour engager ce jeune homme à fc fouf-trairc pir l'éloignement, au courroux des Efpagnols. Mr. de Noyan avoit époufé la fille de M. de la Freniere : on connoiflbit fa liaifon intime avec Ton bcau^^ere, &r on favoit qu'il étoit du nombre des perfonnes à qui les Efpagnols préparoient un fort fu-neile. Vainement employa-t-on toutes les raifons imaginables pour engager ce jeune officier à prendre la fuite. Plein de con-iience en fa propre innocence, il oppofa toujours ce bouclier à toutes les repréfen-tations qu'on lui fit. Lui mettoit-on fous les yeux Tinnocence fouvent facrifiée à ce qu*on appelle politique, alors il oppofoit fon honneur qui le tenoit étroitement lié au fort de fon beaupere. Lui prouvoit-on que Ubr« d*agir & de repréfenter dans 1 eloi-gnement, il feroit d'un fecours réel à M. de la Freniere, il paroiflbit cédef à de fi puiflfantes raifons; mais bientôt la parole qu'il avoit donnée à fon beaupere, de ne pas l'abandonner , i'cmpêchoit de fuivrc les
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vîcns <1« rcimlc fc fouf-oux des loufé Va )nnoiflbit
e, & oî^
perfonnes
n fort fu-coutes les • ce jeune n de con-il oppofa repréfen-.It-on fous [rifiée à ce 1 oppofoit [cment lié irouvoit-on ans l'éloi-réel à M. ,ef à de li la parole Ire, de ne e fvd-vrc les
( VS )
fages avis qu'on lui donnoit d'ailleurs. M. Orelly venoit de faire publier une amniftie pir la quelle il fembloit déclarer que le courroux du Roi Catholique ne porteroit que fur les perfonnes arrêtées, & que ce Monarque pardonnoit aux autres. Cette amniftie entraîna peut-être la malheurcufc réfolution que prit M. de Noyan, de s'ex-pofer à tout, plutôt que de s'avilir par une fuite que les Efpagnols euflènt regardé comme une conviâ:ion du crime qu'ils lui fuppqfoient. La mort lui parut moins af-freufe à fupporter qu'un manquement de parole.
Enfin, M. Orelly fit arrêter M. de Noyan. Le regret qu'il en feignit, h la façon dont il le fit, prouvèrent au moins la confidéra-tion que méritoit ce jeune homme. Con-duit à bord d'une frégate Efpagnole, il y fut traité avec la plus grande diltindion.
Peindrai-je ici le défefpoir des époufes infortunées de ces Meflîeurs ? m*arrêtcrai-je au tableau touchant de l'état où fut, fur-tout
Nij
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( 96 )
rctluitc Madame de Noyan ? Agcc de fcizç ans &c fix mois, la tcndrofle la plus vive l'avoit unie depuis i8 mois ù l'aimable hom-me dont nous venons de lire le portrait : fille de M. de la Frcniere, nièce de M. de Ville-roy; elle fe Voyoït dans le cas de pleurer tout à la fois, la détention de Ion époux , de fon pcre & (le l'on oncle, & à frémir à chaque infiant fur les horreurs dont fon amc étoit préoccupée. Mais le cruel Orelly ne ccfîbit lie ralTurcr ces Dames fur les jours des pcr-ibnn^s qui leur étoicnt chères. Souvent il leur envoyoit dire de calmer leurs inquiétu-des , que la prilbn de ces Mefficurs ne feroit pas longue, Zc qu'elles les verroient bientôt libres. Ainfi, ce barbare fliittoit leur cré-dule efpérance, pour rendre plus fenfibic 3c plus vif le coup qu'il leur préparoit. ...
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Suivrai-je ces Meflieurs dans leur déten-tion ? dirai-je que M. de Mazan, atteint d'une maladie terrible, fa refpedtable époufc demanda vainement qu'il lui fût permis de foigner fon '_mari ? Il y a plus ; le fils de cet ancien militaire s'offrit de relier en pri»!
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( 97 )
fon pour (on [Krc]vS([[\'l\ Ton rctaMifTcmcnr. Rien ne pue toucher ce général cruel h bar-bare : M. tic Ivla/^an cnii) a la maladie clans fa prilon.
Un mois, ou environ , après la détention de ces Mc/Tieurs, on commença les inter-rogations. On awni:, pendant cet intervalc, rc(ju les dépofitions de tous ceux cjui vou-lurent fc faire entendre. Ici l'animofitc, le rcflentiment/lajalourie, la cupidité, l'am-bition , la terreur & la foiblelTe lufcitcrcnt des âmes viles & baffes, qui oferent calom-nier les plus relpcclables mortels. Et quels durent être les fentimens qu'éprouvèrent ces généreux patriotes, lorfp'ils fc virent aufïî faufsemcnt accufés par leurs concitoyens, par des François, 8c des François comblés la plupart de leurs bicniîiits ? quelle dut être leur douleur ? Il manciuoit à leurs fupj)liccs de connoître leurs délateurs, Se on eut la cruauté de les leur nommer.
Il feroit trop long de nous arrêter au détail des horreurs que ces inftans malheu-
lyi^;"
BHBi
( 98 )
ivux virent enfanter. Que ne puix-je tranf-metrre à h poitcritc le nom des perfonnes exécrables qui curent la bafscfse de dcpofcr contre leurs citoyens ! Mais la voix publi-que les défigne, & leur ad:ion feule les note d'infâm''.'.
Je voudroîs paiTcr rapidement fur les ta-bleaux aificux qu'il me refle à tracer. Je voudrois .... mais je me fuis impofc la loi
^ être cxad.... Achevons ces douleureux
détails»
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Le 23 Oilobre ^769, le confeil Efpa-gnol, fxir des oui-dire , fur des faits calom-nieux . démentis par les accufcs & par les trois quarts de la colonie, ©fa prononcer contre ces Meflîeurs, Tarrêt le plus fangui-iiairc,
Laifsons à part, pour un moment, l'in-liumanité de cette condamnation , ne nous arrêtons qu'à l'irrégularité de la procédure.
D'abord, fi Ton en croit les Efpagnols ^ntme, ces Mcfficurs n'ont eu d'autres juges
i-je tranf-ptrfonnes c dcpofcr )ix publi-le les note
fur les ta-racer. Je pofé la loi ouleureux
ifeil Efpa»
lits calorn-
& par les
prononcer
us fangui-
nent, l'in-, ne nouk procédure.
Efpagnols utres juges
( 99 )
(l[nc M. Orelly & r:uuliic\ir : mr/i^ n'acj. mettons pas des faits aufli peu cmyable--, Su}>pofons le confeil nomme pour juger ces vid"inics, compofo du nombic de juges compctant, la procédure n'en fera pas plus régulière.
Un homme en acciifc un autre. L'équitc demande la confrontation de ces deux per-fonncs, & leur débat eft ordinairement le flambeau qui guide le juge. Mais ici on ne vouloit que couvrir d'un mafque un<^ a<5lvon que des fauvagcs cuflent à peine ofé commettre. Ces barbares , qui n'écoutent que leur animofité, eulfent au moins frémi de répendre le fang innc^cent. Ils eufl'ent appréhendé de faire rtjaiilir fur eux cette tâche inéfa*jable.. . cependant nous voyons une nation éclairée, un peuple qui fe dit fcrupuleux obfervateur d'une religion pa-cifique , & qui a le fang en horreur, d'une religion qui ne refpire que clémence & bonté. Nous voyons un Confeil compofé de gens refpedables par leur âge & leur emploi, prononcer un arrêt de mort en
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Ireparation de l'injure faite à leur pavillon & à leur Roi, contre des hommes donc toute l'attention a été de prouver leur refpeâ; pour S. M. C. & fon pavillon, ... contre des hommes dont la bouche , auffi modérée que leur conduite, n'a laifle échap-per aucun cris injurieux fur aucun Efpa-gnol, pas même fur l'auteur de leurs maux... contre des hommes qui n'avoient agis que vis-à-vis d'une perfonne fans titre reconnu... contre des hommes enfin, dont M. Orelly avoit prononcé lui-même l'innocence , en prenant autentiquement pofleffion; en les déliant du Terment de fidélité qu'ils dé-voient à la France , 8c en acce])tant celui qu'il leur reftoit ù faire au Roi d'Efpagnc*
Suppofons pour un moment que ces Meffieurs eufsent été coupables ; levir grac.^ n'avoit-elle pas étéafsurée par une promefsc autentique , par la parole d'honneur qu'a-voit donné M. Orelly , de ne lu ivre , au RI nom de fon Koi, que des fcntimcns de] clémence h de bonté , 11 la colonie ne fai-foi t aucune oppofition à la prife de pofscf-j
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u* pavillon imcs doi\t ouver leui' îvillon, . • " Liche , auffi liflc cchap-ucun Efpa-curs maux... snt agis qiie re reconnu... it M. Orelly ioccnce, en [Tion; en les é qu'ils de-ccptant celui )i d'Efpagnc.
cnt que ces s ; leur grâce une promcfsc onneur qu'a-ie luivrc, au H fcntinicns à olonic ne tai-:iic de pofscf-fion,
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iôti. Mais il ofa faire un crime aux ha-bitans. d'avoir héfité, & il feignit de croire, ( il V:. dit hautement ) , que la députation qui lui avoit été faite, n'étoit qu'un pré-texte pour examiner fes forces, & voir û on pou voit lui réfifter.
Si l'on en croit les rapports publics, le juge, après les informations, ne trouvoit aucune ciiofe dans ces Mefïïeurs qui lui parût criminelle. " Faites comme vous vou-'' drez," lui dit M. Orelly , " mais il me *< faut Cix victimes*"
On recommença la procédure, & on lui donna une nouvelle forme qui pût du moins pallier l'atrocité de l'arrêt qu'on vou" loit revêtir d'une apparence de juftice.
Répétcrai-je ici cet arrêt injufte & bar-bare ? *. * Frémiflez générations futures... FrémiiTez d'horreur & d'indignation : fix de ces Mefïïeurs furent condamnés à des prifons plus ou moins longues * , fix
0 ' ■ ■ ■ ■ ' — ■ —— —■-'■ • - ■■■.^.■ —.■ ■ ■■■* 1»
Meffieurs de Mazan , Hardi de B019 Blanc , Petit, MileT l*aîné , Poupet Se Doucet , tranf-portés H bcrd des bâtimens Efpagnols, furent con-duits à la Havane , où ils ont été dôtenus jufqu'à ce «\Kc la Cour de France ait foUicité leur '''argiilement*
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autres à être pendus, &, par confidé-ration pour leurs flimillcs, on les fufilla lé lendemain. En vain appcUcrcnt-ils de ce jugement inique 5c informe au tribunal de' S. M. C. en vain réclamercnt-ils les droits' de rhumnnité & de l:i jullice , en vain fi-rent-ils parler ces égards refpedtables qui-' s'oblervent de nation à nation , & fur-tout entre Souvcrai; s , en vain prouvèrent-ils que n'aj-ant jamais cefl'é dctre François, • n'ayant fait aucun ferment au roi d'Efpagne,,^ ils ne pouvoient être coupables envers lu> pour le renvoi d'un homme fan& titre notoire-h reconnu ; en vain le réclamerent-ils fujets du roi de France, employés à fon fervice;. .l'arrêt étoit prononcé , il fallut: le fubit,
ïci ie ranima ce courage patriot* .|\ié qu'enflammoit encore là certitude de mourir innocent, & l'alHirance que leur attache-ment à leur roi les conduifoit à i'échafaut..^ Ici l'on vit ces généreux citoyens s'exhorter mutuellement à la fermeté nécelîaire en ce moment affreux. Mais l'appareil n'en eut ïien de terrible pour eux ; ils y marchereii£
ronTidé"*' Il fil la le 5 de ce iinal de* :s droiti' vain fî-blcs qui fur-tout rent - \h •ançois, ■ fpagnc, vers iuj ' notoire' Isfujets lervice;. bit.
riot*.|nè mourir ittachc-afaut..,-xhorter e en ce en eut cheroiit
C 103 )
■■&\cc cette tranquillité & cette fécurité que
jîeur donnoit la conviction de rinnoccn-
.ce. Placés les uns à côté des autres, la
face tournée vers leurs bourreaux, les mains
.'élevées vers le Dieu vengeur de leur inno-
-cence, & rémunérateur de leurs vertus.
Ils fe refuferent conilamment au m*ouciioir
-dont on vouloit bander leurs veux. . . .
î*' La mort n'a rien d'ciTrayant pour nous,"
difoit M. le Marquis, en demandant une
.prife de tabac , avec ce fang froid qui n'a
jx)int d'exemple, "lâchez que, quoiqu'é-
tranger, mon coeur eft François ; il a
toujours été pour Louis le Bien-ai mi-:,
^^^ au fervice dur]uel j'ai facrifié trente Se
'*' quelques années de mu vie, & je me fais
•:*' gloire que mon amour pour lui foit la
^' ciiuie de nia mort."
■" Que cette idée coiifolante, "" difoit M. de la Freniere aux victimes, " nous •^' rafFermifse & nous rende plus fupporta-•*' blés Jes féparations que Tidée de notre ■^^ mort peut nous repréfentcr. Puiflc notre ■^ RjQÎ Bitnraimc apprendre combien il nous
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( 104 )
" fut cher, combien nous nous glorîfiona *' de mourir fcs fidèles fujets. S'il en eft *' informé, ne nous inquiétons plus du fort ^^ de nos enfans & de nos épcufcs ; c'çft ** entre fes mains généreufes que nous les
** remettons...., Mourir pour le Roi
** mourir François quoi de plus glo-
" ricux ! cette idée élevé tellcmcnr mon amc, que fi dans ce moment terrible, où je fuis prêt a paroître devant l'Eter-nel , les Efpagnols m'offroient la vie pour *' ceflèr d'être François, je leur dirois avec *' la même fermeté que je leur dis dans ce *' moment-ci Tirez" *
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Des mains tremblantes, à la vue de ce courage héroique, oferent exécuter ce com-mandement barbare. M. de la Frenierc tomba baigné dans fon fang ; mais l'Eternel refufoit de recevoir une ame qu'il avgit
* Mr. Bradlcy ^ ancien diflillateur, an coin da marché de Coven-Garden, à Londres, m'a jure avoir été préfent à cette cruelle exécution, & m'a permi» de faire ufage de fon nom pour rendre ce fiût cn«orQ plus autentifjue»
m
glorifiona S'il en cft lis du fort fes; c'çft nous les
Roi
plus glo-ncnr mon t terrible, ,nt TEtcr-a vie pour lirois avec is dans ce
vue de ce r ce corn^
Frenicrc
l'Eternel
l'il avoit
an coin da
'a juré avoir
m'a permi»
fuit cn«orc
( «05 )
placé fur la terre pour en être rornement, M. de la Frenicrc, palpitant encore, porta la main fur Ton cœur; on crut lui entenire dire : " Il cil François." Une féconde dé-charge lui ôta la vie, après ces témoigna-ges autentiques de fon patriotifme
Déjà les autres n'étoient plus.
Donnons ici un libre cours à nos larmes , elles font trop juiles pour s'y rcfufer, & le coeur le plus endurci les vcrroit couler mal-gré lui. Tranfmcttons à la poftérité le nom des fix vid:imes * que nous pleurons :
* Les biens de ces MelTieurs vivans & mort» furent confifquos ; mais ce qu'on anroit jieine à croire, fi on avoit dans tout le cours de cet ouvrage autre chofe à voir que des horreurs, eft qu'on \ef, laiflk plufieurs jours ru fort Morre, lieu de leur déten-tion, f-ns leur porter la moindre {\ibfiftance : eft-il d'exemple de cela ? partout où l'on enferme quel-qu'un, il eft d'ufage qu'on donne au moins de quoi TiC pas mourir de faim, fans qu'il foît dans la nécef-dtc de le demander ; foit prifonnier d'état, foit cri-minel, Se il s'en falloit bien aue ces Meffieurs le fuf-font d'aucune façon. AulTî, voyant l'inhumanité avec Saq^uciic ils ctoient traités, firciit-ils remettre au gou-
! ?
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( io6 )
McfîîCUl'à DK LA FrENIERK, LEMaRQJJIJ, DK NoYAN , VlLLKROV , tous K S (juatrc unis [)ar le fang & l'amiric, tous ks (juarrc .fui'éricurs ai,ix clogcs (inc nous .j)ourrions .en faire. Les deux autres étoienc Meflieuis
vcrncur, un mémoire pur lequel ils repn'fentoient que le lloi de Fiance ùiloit foigncr Tes priionniers feiou leur état &: leur condition, Taiis même leur avoir ôti leurs biens, & qu'il n'étoit pas polTible qu'eux, n'ayant plus rien, enferiTii'^s &. fcparés par une mer •de leurs tiimilles, dt' qui leuleu ils pouvoicnt elpcicr du fecours, il n'étoit pas polTiSlc, diibient-ils, qu'ils puflenty lurvivrelang-tcms. Sur cette reprcfcntation on leur fit donner à tous indiftéramnicnt 2^ fuis p;u jour dans un pays, où ils n'auruicnt pas eu de l'eau pour cela, s'il n'y en avoit eu dans la forterefle. Ceci n'elt pas exagération. Il n'y a perfonne qui ne fachc ce que c'eil; que les colonnies, & qui par conféqucntl ne Ibit inftruit qu'on ne peut y vivre ?i ce prix ; il5| iirent de nouvelles repréfentations fur la maudicité de la fomme, & on l'a leur augmenta jufqu'à 36 fols, fans vouloir rien faire de plu^ ; moyennant quoi les 1 familles, privées elles-mêmes de leurs biens, étoicnt obligées de fubvenir à leurs belbins ; & cela daiij| un moment où éloignées de leurs chefs, elles vo-yoient tout le monde s'arracher leur fortune. Laj faifie de tout avoit été faite en mcme-tems que r les propriétaires avoieot été arrêtés, & tout fut mij
5 Ks (juatrc .18 les (juatrc s .pourrions lu Mfflicurs
;n':fontoient (|uc inlonniers fclou e leur avoir ôtc poffible qu'eux, ■'S p'.;r une mer nuoicnt clpcrci Ll)icnt-i!s, qu'ils te vcprcfcntiition lient 25 fols pat t piis eu de l'eau .1 fortcrefle. Ceci ane qui ne fachc i p;ir confcqucnt •e à ce prix; ilî "ur la maudicitc jufqu'à 36 fols, lyennant quoi les [irs biens, étoicnt s ; &: cela dani chefs, elles vo-ur fortune. L'» mcme-tems que , & tout fut mi»
( 107 )
Care & MiLET. Rcunilibiis, avec la co-lonie, nos regrets fur la mort de M. de No Y AN. Tout fembloit concourir à fou
falut : mérites éclatans, égards dus h. la
au pilla<;e, ou pe u sVn faut : 'ors de la vante aux: encans, on voj'oit les Krp;ip;nolb s'arranger pour ne pus renehnir les uns fur les autres fur ce dont ils avoicnt bi'foin. On cl^ incme certain (juc la nuit on envoyoit des charrortes chaigécs dVftcts, où il y en avoir qui pouvoicnt convenir, tandis qu'on rcfufoic r.".n: femmes juiqa'au l!niî;c de leurs maris. Les ven-tes des liiV»itationj fc firent avec la rni^mc juftice qui, iifqiie là avoit u-.wu d'irij'cv Mr. Orelly. Melïieura
le M . . . de N . . .
de la F
avoient fan»
;iifrcdir 1rs troio plus belles & les plus confidéra-Mes habitritionc du p'iV:', porfonnc ne peut nie nier le Ifiir, parce que je lci> ai vues & parcourues moi-mcme ihlicures fois, & que j'Jtois allex particulièrement M'jfillé avec ces honnêtes t;cns. Elles ont été ven-\^\^^c■^•, la premii:rc à un Ivlandois que Mr.Oi-elly a Voulu favorifer c(unme fon compatriote» en s*t)jipo-iu.t à ce qc:e tout autre l'eut ; on peut juger tic là -li.fi, que de tous fes autres traits de l'équité <ie ce Ig^^ncral, fur-tout quand on faura que cette habita-tion, majjnifique en tout généralement, a été rendue podï- rien, Si pour fi peu de chofc, qu'twi Tetirerok, |à lie vendre que la ferrure qui eil dans les batimens, mur plus que les <iix mille francs pour fcfqucls cm
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^aî{^ancc Se aux fcrviccs de fcs pcres danl la colonie ; rcrpc(5l dû à S. M. T. C. au fcrvicc duquel il étoit employé, & qui fcul
avoic
l'a donné. Que peut-on conclune de toutes les dï-marchcs d'Orelly ; que s'il nV a lui-même u'Jcua înférct, il a fùrcment exigé un fort pot-de-vin ; on cft d'autant plus autoril'é à le croire, que, pour empêcher, lors de la vente de cette habitation, qu'clîe n*eût des enchérilicurs, il n'a pas jugé à propos de faire parler 'a vérité. Dans ce tems les perlunnes, & peut-être lui-même, qui avoient des vues dciT:!c, iaifoient courir le bruit que le procès que Mr. de M . .. avoit eu en caflation au Confeil privé du Roi de France h ce fujer, n'étoit pa» encore jugé , afin d: l'avoir à meilleur marché. Q^ii puuvoit mieux le fa* ▼oir que M. Orelly qui avoit fait fouiller jufques dani| les p'u3 petits chiffons de papiers de M. de M ..., & où l'on avoit vu plufieurs lettres de fon avocat quil lui en annonçoit la décifion, avec le gain , en 6yj ou 68. M. Orelly, lâchant bien tout cela, a faki mettre pour clr.ule dans l'.ichat, que cette habitatioij ïie feroit payable que lorfqu'on auroit des nouvelle du jugement de ce procès. Où trouvera-t-on uncpaJ feille fcéléniteflè ? 11 n'a fait mettre cette claufe qii«j parce qu'il fait bien que M. de M . . . ne fera p aflez fol pour lever l'arrêt de cette affaire, en mémej feras qu'il lui en a ôtc les moyens j qu'également ij
j>arti(
<iu'il
vippart( qu'un 'nontai qtii m(
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i pcres dari I. T. C. au
, & qui fcul avolt
ie toutes lc3 dé-ui-mcmc uucua pot-de-vin ; on lie, que, pour :ib'uHtion, qu'elle ngé à propos de Icî perlbnnes,!!: des vues dciT;i:, icès que Mr. <iej ifeil privé du Roi 1 ore juge , afind; voit mieux le fa-lillerjufquesdant le M. de M ..., de fon avocat qui ; le gain , en 67I
tout cela, a iM\ le cette habitatloi
roit des nouvellet ivera-t-on uncpa-
•e cette cîaufe qiK ... ne fera pa
affaire, en même
; qu'également garti
( 109 )
avoît droit de difpofcr de fes jours.... Ce (]ui doit encore ajouter à nos regrets, cft la façon généreufc avec laquelle ce jeune homme le dévoua à la mort. Nous avons déjà vu qu'il n'eût tenu qu'à lui de prévenir rcmprilonnement.
On raconte que dans le cours des inter-rogations , M. Orclly fit tout ce qu'il put [)0ur le fauvcr ; mais que M. de Novan , tlans rcfjîoir de dilculper Ton beaupere , ciétournoit toujours les accufations fur lui-mcmc. On ajoute que, prêt aie condamner, ^I.Orclly lui dit ; *' il ne tient qu'à vous,
partie pervUmtc ne \c iora pas, non plus que fan compatriote l'aconcreur , à qui il en couteroit , en entre de la levée de l'arnit , dix mille fr:;ncs, & r^ui aime mieux avoir un beau bien pour rien. Il efl évident que dans tout cela la conduite de ce HimcuN: général Oreliy , a été d'abufcr de l'autorité du maîtro <[u'il fort , pour ôter à quelqu'un un bien qni lui appartenoit légitimement, pour le donnera q'Tcl-qu'un qu'il veut favorifer, oti qui lui en a payé le Tnontant , ou partie. Dans l'un ou l'autre de ces cas, qui mérite plus juliement la corde , de ceux qui y ont été condamnés par lui , ou de lui-même?
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^' Monriciir, de fanvcr vos jours ; donnez'* " nous un prétexte de le faire ; dites qu'on ** vous a engage à toutes les démarches qui " font à votre charge ; dites que c'eft ** votre beaupcre . . .je ne ferai pointin-** fâme pour fau.vcr mes jours" repondit cl* généreux.oflîcier, en l'interrompant: "jjr *' veux mourir digne de votre eflime &: de '* vos regrets : Se je ne flétrirai pas mon " ame par un menfonge odieux. Perfonn-j *' n'a pu me fuggércr les actions dont on. " me fait un crime, n'en accufez que-*« mon attachement ù ma patrie , que mon ** amour pour le Roi que je fers: c'eft k *' mobile de tonte ma conduite." Tant de générofité ne fit nulle impreflîon fur Mon-lîeur Orelly.
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Epoufes infortunées ! Familles défoîées ? Votre caufe eft celle de l'humanité, c'efl l'univers entiers qui va la plaider par m* bouche ; que l'écjuité foit juge de cette affaire! La politique qu'on voudroit ad-mettre en pareil cas deviendroit une bar-barie atroce. En vain eflayates-vous par vor,
dites qu'on larchcs qui que c'cft li point in-c pondit ce lant : ** je [\\n\Q & de [ pas mon . Perfonn'j ns dont on . eu lez que , que mon "s: c'eft: k " Tant de 1 fur Mon-
sdéfolées! nité, c'ed er par mx re de cette lUdroit ad-t une bar-ous par vos
( ■'. )
ciis douloureux de fléchir le cœur endurci du plus cruel de tous les hommes. Tigre al-téré de fang, ton ame fauvage k barbare fc repaillbit encore des larmes de ces épou-fes délolées , implorantes vainement à Iii l)orte de la julVice , ((]ue tu ne connus ja-mais), la clémence &: la pitié.. Sentimens étrangers à ton cœur. Fus-tu feulement fenfi-blc au fpcctacle touchant de l'époufe de M. dcNoyan, humiléc au point d'être à genoux :i ta porte? Frémis malheureux! c'efl ù toi d'y tomber, coiifidere le lang illullre au-<|uel cette dame étoit liée,&: lléchis toi-mê-me le genouxn l'.coutcs les cris douloureux de cette époufe, de cette mcre , de cette fille infortunée ; vols fon âge,vois fa tcndref-fe, & tends-lui une main j^rotcctrice ..... mais non ; fermes tes yeux farouches, bouches tes oreilles qui n'écoutcrent jamais que le menfongc; crains d'entendre les cris lamentables des enfans qui te deman-dent leur i^ere , des époufes qui reclament leurs maris, des citoyens qui t'implorent pour leurs vertueux compatriotes. Ne ref-pectes ni les loixde l'humanité, ni celles de
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( M2 )
l:i juflicc . .. afr(Hivis ta rage & ta cupidité .... fais plus de mal en un jour, que n'en eufîenr faits les Calligula & les Nérons . .. ofcs plus ; ofcs dire que l'arrct forti de ta bouche infâme avoit cté dicté par ton Roi .... il ne te manquoit plus que ce blafpheme horribîc, •• " '
Mais ne crois pas en impofcr au public par ce voile refpedtabîe. Ta conduite n'en efl pas moins celle d'un fourbe , d'un im-polteur, & d'un barbare. Jamais la polTc-ritc ne croira qu'un Roi bicnfaifint, qu'un Bourbon (la bonté & la clémence font dans le cœur de tous les princes de cet ïiuguftc fmg ) : qu'un Bourbon ait pu fc réfoudrc à lairc répandre le fang inno-cent. A peine s'imagincra-t-on qu'il ait choifi un homme auffi cruel, auffi faux, auffi injuftc pour porter à fes fujcts les té-moignages d\ine clémence, d'une bonté, d'une bienveillance , dont l'univers fait que fon cœur eft rempli : I'Eternel qui nous juge, t'attend au moment terrible où il favidra lui rendre un compte cxad: des ma-
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a cupicîîtê , que n'en [érons . .. brti de ta pav ton us que ce
( iî3
)
tifs qui t^ont fait agir. Mais avant cela, l'imlignation publique , le mépris d'une nation rclpeclable (lue tu as rendu com-plice de tes for^' ils , le cri vengeur de ta confcicnce, le remord rongeur qui rac-compagnera i'ans ccilc , font les julles fer ti-mons (Hie tu éprouveras dès cette vie.
■?i!
au public iduitc n'en , d'un im-is la podé-(ant, qu'un lence font :es de cet s: ait pu fc ang inno-qu'il ait lauffi faux, ijets les tc-|ne bonté , ;rs fait que Il qui nous ible oCi il d des mo-
Répétons ici ce que le Chevallier Pitt-nun a écrit ûir cet affreux événement.
*' On ne peut ," dit-il '* jctter les yeux *' fur cette fanglante tragédie , qu'avec **^ horreur Se exécration. Une femblable " trahifon employée à la dellruction d'un '' ennemi, ou à la punition de qucl(|ues " coupables, cft faite pour deshonorer une " nation, & pour avilir le terme dejuftice.
Mais Cil-ce fur M. Orelly , eft-ce ftir M. d'Wlloa que doit tomber l'indignation publique ? Le premier, dit-on , n'a fait <ju'exccutcr les ordres de fa Cour.
D'abord nous pofons en fait qu'il ed;
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Si
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( "4 )
de toute impoflîbilité qu'un Conièii auffi éclaire & auffi équitable que celui de Ma-c''rid, auquel préfide un Roi jufte & clé-ment , ait prononcé un jugement fangui-jiaire contre des gens accufés , il eft vrai, maisqui n*avoient pas été entendus.Quand, fur le fcul rapport de M. d'Wlloa on les auroit jugés coupables , il falloit s'affurer de la vérité de ce rapport. Il falloit enten-dre les accufés , & les confronter aux té-moins. Toutes ces formalités dévoient pré-céder le jugement. Ainfi, ce feroit man-quer au rcfpect dû au Confeil du Souve-rain d'Efpagne , que d'imaginer qu'il ait prononcé définitivement fur cette affaire. Mais, que M. Orelly ait re^u de fa cour Tordre d'arrêter ces Meffieurs, de les juger ; la chofe eft admiffible, puifque S. M, Catholique les crovoit fes fujets ; & qu'en cette qualité ils eufient été criminels de ren-voyer un homme dont l'autorité eut été re-connue. Mais , Mr. Aubry en * déliant
* Le rôle bus, ff)uple & fervile, mais intcrefîant qu*a joue dans cette cataftrophe M. Aubry, donne fans doute au letSleur une cfpecc de curiolité de la*
nfeil aiiffi ji de Ma-[te & clé-:nt fangui-il eft vrai, L13. Quand, lloa on les )it s'affurer loit enten-er aux té-voient pré-feroit man-du Souve-ner qu'il ait Ette affaire, de fa cour e les juger ; ue S. ^i. ; & qu'eu nels de ren-eut été rc-n ^^ déliant
nais întorcflunt A.ubry, donne uriofité de l'i*
( "5 )
îes iiabîta_ s du ferment de fidélité fait à li France , déclaroit qu'ils n'avoient pas en-core celle d'être François, & M. Orelly, en recevant le ferment d'être fidèles à S.^^C* rendort autentique ik manifelle l'injuilice de toutes les procédures qu'il alloit entamer. Contre qui les fa.foit-il ? Contre des gens qui n'avoient pu manquer à un ferment qu'ils n'avoient pas fait, & dont toutes les démarches n'ont tendu qu'à prouver leur attachement au Monarque auquel ils étoient liés. Depuis quand donc eft-ce un crime d'être bon patriote & fujet fidèle ?
La cour d'Efpagne avoit pu être trompée par l'afte informe de polTeiïîon , palTé entre
voir ce qu'il eft devenu. Un prôient de 12000 cou» d'Espagne , avec une penfion viagère avoient été la rccompcnlc que donna au gouverneur Fran(,'ois, Mon-ficur Orelly. II y avoit joint l'otne d'un emploi con-fidtrable au fcrvice dô S. M. C. Mais Aubry con-tent d'aller vivre tranquillement dans fa patrie, des fruits de fa Hiche pufillanimité, avoit vcfufi cette dernière offre , &c s'ôtoit embarqué pour la France , pvec fon argent. Ici ce Dieu vengeur, qui ne laille' jamais les forfaits impunis, vint interrompre les pro-' 3"tJ de l'iivare Aubry , 5c il fut noyé diius fonpaffagc--
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M. dWlloa & M. Aubry ; acte qui né' iioitcn rien les habirans, puifciu'ils l'igno-roicnt, acte dont la forme prouvoit l'irré-gularité. Mr. d*V\l]oa a pu perfuader à fi-i Gour tout ce qu'il a voulu ; mais en pou-voit-il être de même de M. Orelly ? qui étoit fur les lieux. A-t-il pu croire l'acte de poirelilon valable ; a-t-il pu croire les ha-bitans liés à fon maître ? dans le tcms qu'il les voit délier j^ar M. Aubry, du ferment qui les cngagcoit au Roi de France, dans le tems qu'il rcs^oit celui qu'ils font d'être aulTi fidèles au Roi d'Efpngne, qu'ils l'ont, été jufqu'à ce moment au Roi de France. Ces formaliiiés ne prouvent-elles pas quc^ M. Orelly croyoit les habitansde la Loui-fiane encore Franc^ois, lorfqu'il eil' arrivé clans la colonie , h dès lors le renvoi de M. d'Wlloa n'étoit pas telui d'un Gouvcrneui* Efpagnol, mais celui d'un étranger, ié di-f^nt revêtu d'un titre qui lui aurcit donne droit à l'autorité, s'il l'eût montré. N'eil-» il pas de notoriété publique, que ce renvoi, loin d'avoir été féditieux, s'ell' fait avec h plus grande décence, le plus grand refpcct
pour
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qui né' 5 l'igno-it riiré-ictcr ù ^^
en pou-
ily ? q^^i l'acte de > les ha-:ems qu'il 1 lermeut icc, dans 3nt d'être qu'ils l'ont e France, i pas qvK^ ; la Loul-etl; arrive voi de M. ouvcrneui:
rcr, le di-[cit donne Iré. N'cft-Ice renvoi, lit avec II pd rcfpcet: pour
( "7 )
pour le pavillon de S. M. C.itliolique, & la plus grande attention à n'infulter au-cun Efpagnol. Que les habitans , pour fc faire rendre îuflice , ont eu recours au tri-bunal que leur indiquoit S. M., T, d de qui feule l'autorité étoit reconnue, v i /
Fera-t-on un crime au Conieil Supérieur d'avoir jugé M. d'VVlloa ? Lifons fa juftiâ-cation dans un des Mémoires 25. 2Ô. & 27. fur ces trilles évenemens.
Si de la part des habit uns, h voie de repré-pnlation au Confeïlétoît la feule sj/ ' leur fut ou-verte, n*éiôïî-ce pas de celle dû Confe'd, une ol>li~ '^atlon même , ^'v faire dro'it ^ Pc'uvolt-il ne pas écouter lés réclamations réitérées des colons, (£f principaux habitans, contre de nouveaux éta-hliffemens fotmés fans prife de poffelJTon P Lés ordres même du Roi rendoient ce tribunal garent de la tranquillité publique, à laquelle il lui était expreffémcnt enjoint & recommatidé di •veiller*