Rev. Mère St Augustin de Tranchepain, Supérieure.
Relation du Voyage des premières Ursulines à la Nouvelle Orléans
et de leur établissement en cette ville.
TABLE DE MATIÈRES.
- AVANT PROPOS — 5
- Relation du voyage — 13
- Lettre Circulaire sur la mort de la Mère Madeleine Mahieu de St. François Xavier — 39
- Lettre Circulaire sur la mort de la Mère Marguárite Judde de St. Jean l’Evangéliste — 45
- Lettre Circulaire sur la mort de la Mère Marguárite Talaon de Ste. Thérèse — 48
- Lettre Circulaire sur la mort de la Mère Marie Tranchepain de St. Augustin — 54
- Brevet en faveur des Religieuses Ursulines de la Louisiane — 61
AVANT-PROPOS.
LE 12e jour de Janvier 1727 toutes les Religieuses destinées à former le Monastère de la Louisiane, s’assemblèrent dans l’infirmerie des Religieuses du Hennebon pour reconnaitre pour première Supérieure la Mère Marie Tranchepain de St. Augustin, laquelle Monseigneur l’Evêque de Québec a confirmé par deux lettres; l’une au Révérend Père Baubois; et l’autre à cette Mère. Toutes les Religieuses professes, une novice et deux séculiers sont venues lui rendre leurs soumissions selon leur rang de profession comme il suit:
Sœur Marguérite Judde de St. Jean l’Evangéliste, professe de la Communauté de Rouen.
Sœur Marianne Boulanger de St. Angélique de Rouen.
Sœur Magdeleine de Mahieu de St. Fs. de Xavier, professe de la Communauté du Hâvre.
Sœur Renée Guiquel de Ste Marie, professe de Vannes.
Sœur Marguárite de Salaon de Ste Therèse, de Ploërmel.
Sœur Cécile Cavalier de St. Joseph, professe de la Communauté d’Elbœuf.
Sœur Marianne Dain de Ste Marthe, professe de la Communauté de Hennebon.
Sœur Marie Hachard de St. Stanislas, Novice.
Sœur Claude Massy, Séculière de Chœur.
Sœur Anne, Séculière converse.
Toutes les Religieuses ci-dessus nommées sont venues de France, et ont fondé le Monastère des Ursulines de la Nlle Orléans le 7 Août 1727.
Elles étaient toutes professes de la Congrégation de Paris, excepté la Sœur Ste Marie, qui était de la Congrégation de Bordeaux, mais qui s’est unie aux autres, à condition de faire le 4me vœu, et de se conformer en tout à la Règle de Paris.
Elles sont arrivées à la Nlle Orléans en compagnie des Pères Tartarin et Doutreleau, très dignes Missionnaires de la Compagnie de Jésus après une traversée pénible de cinq mois, et où l’on auroit péri infailliblement sans la protection de la Ste Vierge, et de St. F. de Xavier qu’elles ont reclamée dans tous les dangers. Elles sont venues sous l’autorité de Mgr Jean de la Croix de St. Valier, Evêque de Québec qui administroit le diocèse. Les messieurs de la Compagnie des Indes étoient les sondateurs par le traité qu’ils firent avec le Révérend Père Baubois, Vicaire Général de Mmg de Québec, et Supérieur Général des Missions dans la Louisiane. Ce Révérend Père Jésuite animé de zèle pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, est venu de la Nouvelle Orléans en France pour avoir un établissement de son Ordre et des Religieuses Ursulines pour l’éducation de la jeunesse. Dieu a béni ses bonnes intentions en faisant heureusement réussir son entreprise, malgré une multitude de traverses et d’oppositions que lui firent souffrir les personnes les plus nécessaires à son œuvre. Mais après un an de poursuite du Révérend Père et des Religieuses, après mille contradictions de la part de Messieurs les Evêques, qui, ayant approuvé d’abord cette entreprise, firent ensuite plusieurs difficultés, lorsqu’il fallut donner les obédiences aux Religieuses de leurs Diocèses: dans une occasion on fut obligé de recourir à son Eminence le Cardinal Fleury, Ministre d’Etat.
La Compagnie des Indes ayant considéré que les fondemens les plus solides de la Colonie de la Louisiane sont ceux qui tendent à l’avancement de la gloire de Dieu et à l’édification des peuples, tels que les établissemens des Rds Pères Capucins et des Rds Pères Jésuites dont le zèle et la charité assurent les secours spirituels aux habitans et donnent grande espérance pour la conversion des Sauvages, et voulant encore par un nouvel établissement si pieux, soulager les pauvres malades, et pourvoir en même temps à l’éducation de la jeunesse; elle a agréé et accepté les Religieuses Ursulines.
La Compagnie convient d’entretenir fix Religieuses, y compris la Supérieure; de payer leur passage et celui de quatre servantes pour les servir durant le voyage: et de plus de payer le passage de celles qui, pour quelque motif, souhaiteroient de retourner en France. Il étoit convenu qu’une des Religieuses seroit économe de l’Hôpital, qu’elle s’occuperoit de tout le temporel, et rendroit ses comptes une sois le mois à Messieurs les Officiers: que deux autres seroient continuellement au service des malades; qu’il y en auroit une pour l’école des pauvres, et une autre pour servir d’aide et remplacer les autres en cas de maladies et les soulager lorsqu’elles seroient surchargées. Lorsque les religieuses pourront le faire commodément, elles prendront, si elles le jugent à propos, des filles pensionnaires, mais aucune de celles qui feroient chargées du soin des malades, n’en feroit détournée ni appliquée au soin et à l’éducation des pensionnaires.
Le 9 Août 1727, le Saint Sacrifice de la Messe a été offert pour la Ire fois dans une salle de la maison, où nous sommes, en attendant que le nouveau Monastère soit bâti. On a attendu pour poser le St. Sacrement jusqu’au 5me d’Octobre de la même année, que le petit tabernacle a été préparé, et ce jour le Rd Père Baubois, notre très digne Supérieur, accordé aux soins de toute la Communauté par Mgr de Québec, et reconnu avec les cérémonies ordinaires, nous a laiffé ce précieux dépôt. Il a aussi confirmé la Ste Marie Tranchepain de St. Augustin, Supérieure.
RELATION
Du Voyage des Fondatrices de la Nouvelle Orléans, écrite aux Ursulines de France, par la première Supérieure, la Mère St. Augustin.
PRÉS
avoir passé quelque temps chez les bonnes Ursulines de
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nous nous embarquâmes le
22 Février 1727: mais comme le vent changea il fut résolu que nous ne mettrions
à la voile que le lendemain, ce qui nous donna le tems de nous arranger dans
notre petite chambre. Celà étoit une cloison que l’on avoit fait pour nous dans
l’entrepont; nous nous y trouvâmes un peu ferrées, mais nous y étions seules,
ce qui nous faisoit beaucoup de plaisir.
On mit à la voile le 23 Février à 2 heures après midi: le temps étoit beau et nous montâmes sur la dunette pour prendre l’air: mais à une demi lieue de l’Orient on rencontra un rocher: le choc fut rude et l’alarme général. On releva en même temps les voiles, ce qui étant remarqué du port de l’Orient, on vint à notre secours et l’on travailla avec tant de vigueur que nous nous trouvâmes délivrées de cette Ire frayeur et en état de continuer notre route. Ce fut alors que chacun commença à payer le tribut à la mer. Aucune de nous n’a échappé et les moins malades furent les sœurs Boulanger et Hachard, qui en furent quittes pour de legers maux de cœur.
Cependant les vents changèrent et devinrent tout à fait contraires. Le bâtiment étoit dans une agitation continuelle et faisoit des bonds qui nous renversoient les uns sur les autres. A peine la soupe étoit elle sur la table qu’un secousse de vaisseau la renversoit. Ces petits accidens et autres nous faisoient rire, malgré le mal de cœur qui est une maladie violente et qui réduit jusqu’à l’extrémité: mais lorsqu’on le connoit, on ne s’en inquiète guère, parce qu’on n’en meurt pas. Je fus celle qui en souffrit davantage: mais cela n’ébranla point ma vocation; Notre Seigneur mêle un certain je ne sais quoi à ce que l’on fait pour lui, que la peine même devient douce: et c’est ce que mes Sœurs ont éprouvé bien plus que moi, parce qu’elles l’ont plus mérité. Aussi grande fut ma consolation de voir que malgré les peines, les maladies, causées par la longueur de la navigation, malgré la rencontre des corsaires, aucune ne se repentit du sacrifice qu’elle avoit fait à Dieu de toute sa personne, et ne s’inquiéta des dangers que nous courûmes. Ce fut dans une de ces occasions périlleuses que nous fîmes un vœu à la Ste Vierge et à St. François de Xavier, afin de mériter leur protection.
Cependant notre vaisseau n’avançoit guère, et en quinze jours nous ne fîmes pas le chemin que nous eussions dû faire en trois. Nos vivres diminuèrent, surtout l’eau: et nous fûmes réduites, aussi bien que l’équipage à une pinte par jour, encore étoit-elle très mauvaife. Notre capitaine fut obligé de relâcher à l’île de Madère à 300 lieues de l’Orient. Aussitôt que la ville principale de cette île nous eut aperçu, on envoya au devant de nous pour savoir ce que nous voulions. Ils furent satisfaits et s’en retournèrent. Le Capitaine fît alors tirer cept coups de canons pour saluer la ville, qui nous répondit de même. Ce qui nous étoient venu nous voir ayant dit qu’il y avoit à bord une Communauté religieuse et des missionaries Jésuites, dont il y a un fameux collège dans cette ville, ils ne tardèrent pas à nous faire visite avant que nos Révérends Pères eussent eu le temps de les prévenir. On ne peut être plus gracieux qu’ils ne le sont ces pères; un seul parmi eux parloit françois, mais il nous dit mille choses obligeantes au nom de tous. Ils nous prièrent de venir à terre et de prendre notre logement chez eux, mais nous les remerciâmes. Nos deux Pères y furent diner le lendemain et ils furent reçus avec tout l’agrément et toute la magnificence possible. Nous eûmes part aussi à leur générosité, car ils nous apportèrent eux-mêmes de grands paniers rempis de toutes sortes de rafraichissemens. Et pendant les trois jours que nous demeurâmes en rade, ces généreux Pères nous firent plusieurs visites et chaque jour ils sembloient prendre un nouveau plaisir à louer le zèle qui nous avoit fait entreprendre un si long voyage. La plus grande peine qu’il disoit avoir, étoit de ne pouvoir nous faire plus de bien, estimant ce qu’ils faisoient comme rien en comparaison de leur bonne volonté. Ces Pères portoient sur le nez de grandes lunettes, à la mode de Portugal, et j’en remarquai un qui les retira pour lire quelque chose, ce qui nous fit rire. Du reste leurs manières sont à peu près celles de nos Pères françois, excepté qu’ils portent les cheveusx courts.
Nous reçûmes aussi la visite de tous les écoliers des Jésuites: ils portent un chapelet à la main, ce qui leur sert de contenance: mais on dit qu’ils n’en sont pas plus dévots. Les messieurs les plus considérables de l’Ile nous firent une visite: mais nous ne vîmes point de femmes: dans ce pays-ci, elles ne sont point visibles et l’on ne les voit qu’au travers des grilles. Elles ne sortent que pour aller à la Messe, et toutes ensemble, de sorte qu’elles forment une espèce de procession. Elles marchent couvertes de grandes voiles, en silence ou disant leur chapelet.
Il y a dans cette Ile deux communautés. La principale est de l’ordre de Ste Claire, et l’Abbesse est une princesse Portugaise. Comme elles sont plus libres que les femmes féculières, leurs manières sont aussi plus aisées. Elles eurent bientôt appris la nouvelle de notre arrivée, car l’abbesse m’écrivit d’une manière très obligeante et très flatteuse pour me convier d’aller chez elles avec toutes mes Religieuses. Son style est très amical et elle nous donna de grandes louanges. Je lui répondis le mieux que je pus, et elle reçut ma lettre avec toutes les marques d’estime et d’amitié que j’aurois pu souhaiter d’une égale. Le lendemain une jeune femme du bord lui ayant été rendre visite de ma part, elle fut comblée d’honnêtetés et de présens. Elles lui réitérèrent leurs instances pour nous engager d’aller chez elles; mais ne jugeant pas devoir le faire, et l’équipage ayant fait les provisions nécessaires, nous remerciâmes la ville par un coup de canon, et nous prîmes le large pour continuer notre route. Le vent ne fut favorable que pendant deux jours: ensuite il changea et nous fûmes longtemps à faire 200 lieues, au bout desquelles on découvrit un corsaire. Aussitôt on fit les préparatifs ordinaires de défense: chacun s’arma et tous les canons furent chargés. Il fut résolu que pendant le combat, nous serions renfermées dans l’endroit de l’entrepont le plus sûr. Les femmes disoient adieu à leurs maris. Mlle La Chaise, qui a voulu être des nôtres, pleuroit amèrement dans la crainte de perdre son frère, qui est un des officiers de notre bâtiment. Pour nous, grâce à Notre Seigneur aucune ne fit paroitre aucune faiblesse. Après tout le corsaire, se voyant trop faible se retira, et nous laissa en liberté: triste liberté pour des Religieuses que d’être sur un vaisseau où il est impossible d’avoir un moment à soi. Cependant nous faisions nos exercises spirituels, mais au milieu de la dissipation qui se trouve parmi des gens qui ne pensent qu’à se divertir pour passer le temps, et voilà ce qui a fait notre plus grande peine.
Nous arrivâmes enfin sur le tropique: c’étoit le Vendredi Saint, et la sainteté du jour ayant empêché qu’on ne fit la cérémonie du baptême dont vous avez fans doute ouï parler, elle fut remife au Samedi Saint durant l’après-midi. Je ne vous ferai pas les détails de cette cérémonie qui n’est qu’un divertissement pour les matelots, d’autant plus qu’on ne peut s’en exempter qu’avec de l’argent, et comme nous sommes plus de vingt, en comprenant les domestiques des pères aussi bien que les nôtres, ils eurent de notre part une bonne petite somme. Ceux qui ne voulurent rien donner eurent plufieurs fceaux d’eau sur le corps: mais la grande chaleur a pu leur rendre ce bain agréable.
Quelques jours après nous eûmes une séconde alarme, par la rencontre d’un vaisseau qui nous suivit de près. On se tint sur la défensive, et lorsque nous fûmes proche l’un de l’autre, on nous renferma dans le lieu qui nous étoit marqué. On étoit sur le point de tirer dessus, mais l’ennemi s’éloigna un peu, ce qui nous donna le temps de souper. Comme on remarquoit que l’ennemi s’approchoit de temps en temps, on fit bonne garde toute la nuit: nous fûmes nous coucher, attendant toujours qu’on vint nous faire lever. L’ennemi s’éloigna le lendemain, la mer continuant à se faire craindre, et elle étoit parfois si furieuse, que nous croyions en être engloutis. Mais nous souffrions davantage de la longueur du voyage aspirant de plus en plus après cette terre si longtemps et si ardemment désirée, ce qui nous faisoit redoubler nos vœux pour obtenir un temps plus favorable. N. Seigneur nous accordoit quelque sois plusieurs heures de bon vent, et à l’aide de ce secours nous arrivâmes à la Baye St. Louis, où nous devions mouiller. Comme il n’y avoit en cet endroit aucune maison religieuse ni personne de notre connoissance, nous ne comptions descendre que pour nous promener et avoir l’œil à notre linge que nous dûmes faire blanchir. Mais dès le premier soir que nous eûmes jeté l’ancre, les Directeurs de la Compagnie défilèrent nous rendre visite et déclarèrent qu’ils vouloient que nous restassions chez eux tout le temps que le vaisseau seroit en rade. Nous ne pûmes résister à des offres si pressantes et nous promîmes de nous y rendre le lendemain. Ces deux messieurs sont d’une politesse et d’un mérite parfait. Ils nous ont traitées une fois magnifiquement, et durant les quinze jours que nous passâmes chez eux, nous mangeâmes en notre particulier: c’est-à-dire avec nos Révérends Pères seulement, et nous fûmes régalées avec abondance.
Deux jours après notre arrivée Mr. le Gouverneur vint nous faire visite. C’est un gentihomme de Paris, un peu âgé, mais jouissant d’une santé et d’un abord fort gracieux. Il nous donna deux fois à diner avec une magnificence françoise, et nous eûmes entière liberté de vaquer à nos exercises spirituels. Ce Monsieur me témoigna un grand désir d’avoir un établissement d’Ursulines dans ce pays. Les Directeurs de la Compagnie ont le même désir pour l’éducation des jeunes créoles, qui ont beaucoup de dispositions. Il faut espérer que nous aurons une maison de notre ordre dans ce pays. Je dis ceci en passant afin d’embraser quelques unes de zèle pour le salut des âmes. Quel bonheur de brûler d’un si beau feu! Ce qui doit exciter le zèle, c’est le peu de religion qu’il y a: les plus dévots sont ceux qui ne mènent pas une vie scandaleuse. Le jour que nous dinâmes chez Mr. le Gouverneur, il souhaita nous faire visiter le fort, situé sur la mer, et qui, selon les connoisseurs, est une chose rare en ce genre. Nous y trouvâmes deux ou trois garnisons, rangées en ordre sous les armes pour nous recevoir au son des tambours pour nous faire plus d’honneur. On nous servit quelques rafraichissemens.
Enfin nous nous embarquâmes le 19, comblées d’honnêtetés et de présens: en outre ils nous offrirent divers rafraichissemens pour adoucir le reste de notre voyage, qui étoit encore de 500 lieues.
Le vent d’abord favorable, devint contraire et les calmes retardèrent beaucoup notre course. Nous rencontrâmes deux vaisseaux ennemis, mais nous en fûmes quittes pour nous être mis en état de défense. Nous espérions, malgré ce contretemps arriver pour la fête du St. Sacrement, mais N. S. nous réservoit une plus grande épreuve pour la fin: car les vents contraires conjointement avec les courants nous poussoient malgré nous sur l’Ile Blanche, au moment où nous attendions avec impatience le plaisir de voir les premières terres du Mississippi. Nous ressentîmes beaucoup de joie à l’approche de cette terre, mais bon Dieu! que cette joie fut courte! et qu’elle fut chèrement vendue. Au moment que nous y pensions le moins, occupées à nous divertir sur la dunette, tout à coup le vaisseau échoua si rudement et avec tant de secousses, que nous nous crûmes perdues fans ressource.
Le capitaine et l’équipage baissèrent les voiles et firent diverses manœuvres pour nous tirer du danger, mais tout fut inutile, et par le moyen de la sonde on découvrit que le vaisseau étoit enfoncé à cinq pieds dans le sable. Le capitaine se décida à le décharger. On commença par les canons que l’on arrangea sur deux pièces de bois en forte qu’ils ne pussent couler à fond, et on les abandonna à la mer. Puis on ôta le leste composé de cailloux, de plomb et de féraille. Tout cela ne suffisant pour alléger le vaisseau, on se décida à jetter les coffres qui étoient en grand nombre. Les nôtres étoient les premiers: aussi étoit-ce à nous à faire le premier sacrifice. Nous ne fûmes pas longtemps à nous raisonner et nous consentîmes de bon cœur à nous voir dénuées de tout pour pratiquer une plus grande pauvreté. On nous avoit assurées qu’il n’y avoit rien à craindre pour notre vie, étant si près de terre: mais nous ne devions descendre qu’à la dernière extrémité, vu que cette île n’est peuplée que par des sauvages très cruels. Enfin au moment où nous croyions voir jeter nos coffres, le capitaine changea d’idée et fit jeter le sucre qui étoit en grande quantité. Nos Révérends Pères et nous perdîmes un baril de 300 livres que les Directeurs de la Compagnie nous avoient donné.
Cependant le navire étoit trop lourd et l’on vouloit encore revenir à nos coffres, mais par la permission de Dieu et la protection de la St. Vierge, que nous reclamions pendant tout ce temps, à chaque fois qu’on alloit prendre nos coffres le capitaine changeoit d’avis et faisoit prendre autre chose. On jeta alors 60 barils d’eau de vie et une grande quantité de saumon, après quoi on fit de nouveaux efforts pour retirer le vaisseau. Enfin on en vint à bout; ce qui nous remplit d’une grande joie. Ce péril dura vingt-quatre heures, et très peu de personnes se couchèrent cette nuit là.
Peu d’heures après on se remit en route, mais à peine avions nous fait un quart de lieue, que le vaisseau toucha pour une séconde fois avec tant de violence et de secousses si fréquentes qu’il ne nous resta plus d’espérance que dans la toute puissance de Dieu. Le capitaine même étoit tout surpris que le vaisseau put résister si longtemps: et il assuroit que sur dix, neuf auroient été brisés. Tout l’équipage étoit consterné. Quant à moi, j’avoue que je n’ai jamais vu la mort de si près et quoique j’espérasse toujours dans le secours de la Ste Vierge, la crainte peinte sur tous les visages, me portoit à croire que notre dernière heure étoit arrivée. Ce qui me consoloit assurément, c’étoit la générosité de mes sœurs, qui s’entretenoient toujours dans un esprit de sacrifice, avec un calme et une paix surprenante. Mais le Seigneur fe contenta pour lors de notre bonne volonté, et donna fa bénédiction aux travaux du capitaine, et au travail des matelots et des passagers qui ne s’épargnèrent pas dans ces rencontres. Le Révérend Père Tartarin se signala. Nous fûmes encore cette fois tirés du péril, et le capitaine fit chanter le Te Deum en action de grâces.
Depuis ce dernier danger le canot alla toujours en avant et un officier eut la sonde à la main, jusqu’à ce que nous eussions pris le large. Alors nous manquâmes d’eau. Les chaleurs étoient excessives: nous souffrions beaucoup de la soif, ce qui nous fit changer notre vin pour de l’eau, échange qui ne se fit pourtant que bouteille par bouteille: encore étions nous heureufes d’en avoir à ce prix. Ceci dura près de quinze jours, car les vents et les courants nous étant presque toujours contraires, il falloit jeter l’ancre plusieurs fois par jour. Enfin nous arrivâmes à la vue d’une terre qui nous étoit inconnue et que nous crûmes habitée par des sauvages, à cause des grands feux qui y étoient allumés. Cependant on envoya un canot pour y chercher de l’eau.
Quelques heures après le départ du canot, le vent devint favorable et le capitaine ne voulant pas perdre l’occasion d’avancer, tira un coup de canon pour avertir l’officier de retourner, et en même temps il leva l’ancre; mais l’officier ayant pris le bruit du canon pour le tonnerre, il continua à avancer vers la terre, ce qui nous laissoit dans une grande inquiétude, car la mer étoit furieuse; il revint cependant le lendemain. Cette île s’appelle Ste Rose, nous y restâmes trois ou quatre jours attendant un vent favorable.
Ayant mis à la voile nous continuâmes notre route et à quelques jours de là, nous découvrîmes l’île Dauphine et en même temps un brigantin qui venoit à nous. Cette vue nous causa beaucoup de joie, espérant d’apprendre quelque nouvelle de notre Nlle Orléans. Notre espérance ne fut pas trompée, et nous eûmes le plaisîr de voir aborder ce brigantin, dont le capitaine étoit un des nôtres. Il demanda à nous saluer et ce fut de lui que nous apprîmes pour la première sois des nouvelles velles du Rd. Père Baubois, qui nous attendoit avec impatience, que notre logement étoit tout disposé pour nous recevoir et que l’on commençoit à bâtir notre Monastère. J’avoue que c’étoit la première joie extérieure que j’eusse goûté depuis notre départ de France, et elle fut si sensible qu’elle me fit oublier ainsi qu’à nos sœurs, toutes nos peines et nos fatigues passées. Nous continuâmes en compagnie du brigantin vers l’île Dauphine, où nous abordâmes pour avoir de l’eau dans la crainte des calmes qui sont fréquents dans ces parages.
A peine eûmes nous abordé que le vent devint favorable; nous reprîmes notre route vers la Balize, où nous arrivâmes enfin le 23 Juillet 1727, cinq mois jour pour jour depuis notre départ. La Balize est un port à l’entrée du Mississippi. Mr. Duverger, qui y commandoit pour la Compagnie, vint aussitôt nous voir et nous offrit fa maison, en attendant que nous pussions nous procurer des voitures pour nous rendre à la Nlle Orléans. Nous acceptâmes ce parti offert de si bonne grâce. Nous nous mîmes dans une chaloupe avec une partie de nos effets et accompagnées de Mr. Duverger. Le temps étoit fort mauvais, la chaloupe trop chargée, les matelots ivres, et nous nous trouvâmes encore dans un péril imminent dont nous n’eussions pu nous tirer, si Mr. Duverger n’eût relâché à l’île aux Cannes près de la Balize. Nous eûmes beaucoup de peine à aborder à cause du vent contraire et nous courrions risque d’y passer la nuit parmi des hommes employés à bâtir un fort fous la direction de Mr. Duverger. Mais ce Monsieur envoya chercher des pirogues et nous fûmes obligées de nous séparer en deux bandes. Nous arrivâmes chez lui, et il nous traita le mieux qu’il lui fut possible. Mr. Duverger est très généreux, et quoiqu’il soit jeune et non marié, il mène une vie très réglée et fort solitaire, appliqué fans relâche aux affaires qui lui sont confiées. Nous restâmes chez lui jufqu’au 29. Le Père Tartarin nous avoit devancées de quelques jours, pour aller annoncer notre arrivée au Rds Père Baubois, qu’il surprit agréablement, car notre longue navigation avoit alarmé tout le pays, et l’on nous croyoit perdues. Le Rd Père Bau-bois ne tarda pas à nous envoyer chercher: et ne pouvant venir lui-même pour cause de maladie, il chargea Mr. Massy, frère de notre postulante de cette commission. Ce Monsieur me remit deux lettres: l’une de Mr. Perrier, commandant de la Louisiane et chevalier de St. Louis, et l’autre de Mr. La Chaise, directeur général. Ils nous témoignèrent tous une grande impatience de nous voir, et comme la chaloupe étoit trop petite pour contenir toute notre compagnie, il fallut nous séparer. Je me mis dans la pirogue avec cinq des plus jeunes de nos sœurs, accompagnées du Rd Père D’outreleau, du frère Crucy et d’un Monsieur. Nos autres sœurs se mirent dans la chaloupe avec Mr. Massy, nos deux suivantes et deux domestiques de nos Révérends Pères. Ce petit trajet qui n’étoit que de trente lieues, a été accompagné de fatigues incroyables. La chaloupe allant trop doucement, nous prîmes les devants. Nous partîmes le jour de St. Ignace, mais il falloit s’arrêter toutes les nuits, et une heure avant le coucher du soleil, afin d’avoir le temps d’arranger nos moustiquaires, parce que l’on est assailli d’insectes dont la piqûre cause des douleurs presque insupportables. Nous nous couchâmes deux fois au milieu de la boue et des eaux qui nous pénétroient et nos matelas nageoient presque dans l’eau. Tout ceci fatigue dans le temps, mais on en est bien amplement dédommagé dans la suite par le plaisir que l’on ressent à se raconter chacune ses petites aventures, et alors on est tout surpris de la force et du courage que le bon Dieu donne en ces rencontres, ce qui prouve bien qu’il ne nous manque jamais, et ne permet pas que nous foyons tentés au dessus de nos forces donnant toujours les grâces proportionnées aux épreuves qu’il nous envoie.
L’ardent désir que nous avions d’arriver au terme nous faisoit endurer nos peines avec une grande joie. Lorsque nous fûmes à huit ou dix lieues de la Nlle Orléans, nous commençâmes à rencontrer des habitations. C’étoit à qui nous arrêteroit pour nous faire entrer chez soi, et partout nous étions reçus avec une joie au delà de toute expression. De tout côté on nous promit des pensionnaires et quelques uns vouloient déjà nous les donner. Nous demeurâmes ainsi plusieurs jours sur diverses habitations. Enfin le Rd Père Tartarin, qui nous avoit devancés, revint nous avertir que le Rd Père Baubois nous attendoit. Nous partîmes donc à trois heures du matin et nous arrivâmes à cinq heures, le 6 Août: nos Sœurs n’arrivèrent que le lendemain.
Il seroit trop long et même inutile, de vouloir vous exprimer les divers sentimens de mon cœur à la vue d’une terre après laquelle je soupirois depuis tant d’années. Vous avez trop de zèle, Ma Révérende Mère, pour douter de l’excès de ma consolation en mettant pied à terre. Nous trouvâmes peu de monde à cause de l’heure, et nous nous acheminâmes vers la maison du Rd Père Baubois, où nous le rencontrâmes bientôt, venant à nous appuyé sur un bâton à cause de sa grande foiblesse. Il paroissoit pâle et abattu, mais bientôt son visage s’anima par la joie qu’il éprouvoit de nous voir. Il nous fit un peu reposer et nous fit servir un excellent déjeûner qui fut souvent interrompu par grand nombre de ses amis qui venoient nous saluer. Sur les dix ou onze heures le Rd Père nous conduisit chez nous. C’est une maison que la Compagnie loue en attendant que le monastère soit bâti. Elle est directement à un bout de la ville, et l’Hôpital à l’autre. Ainsi nous ne pouvons nous en charger jusqu’à ce que notre Monastère soit fini. Les habitans de la Nlle Orléans veillent à ce que rien ne nous manque: c’est à qui nous enverra d’avantage. Cette générosité nous charge d’obligation envers presque tout le monde. Parmi nos amis les plus dévoués sont Mr. le Commandant et sa Dame, qui sont des personnes pleines de mérite et de société fort agréable. Ce Monsieur s’est acquis l’estime de tout le pays, qu’il a parcouru depuis quelques mois, et il a réussi à apaiser les troubles qui régnoient dans la ville. Nous recevons aussi beaucoup de politesse et de prévenances de la part de Mr. La Chaise, directeur général de la Compe; il ne nous a encore rien refusé de ce que nous lui avons demandé. Enfin tout nous fait espérer que notre etablissement tournera à la plus grande gloire de Dieu, et qu’avec le temps il produira du grand bien pour le salut des âmes, qui est notre principal but. Pour cela nous avons besoin de prières; je vous en demande ma Révérende Mère, et espère que votre zèle nous en obtiendra de toutes les Communautés de l’ordre avec lesquelles vous êtes en correspondence.
Je souhaite que la lecture de cette Relation puisse embraser les cœurs de l’amour de N. S. et dispose les sujets que lui et fa Ste Mère ont préparées pour nous venir en aide. Que la longueur du voyage et les fatigues que nous avons endurées ne rebutent personne. Oh! si l’on savoit combien Dieu récompense magnifiquement ce que l’on fait pour lui, on ne tiendroit aucun compte de toutes les peines par lesquelles il faut passer! Autant que possible nous ne prendrons de religieuses que de trente à quarante ans.
Le Révérend Père Baubois nous dit la Messe tous les jours, mais il ne laisse pas le St. Sacrement.
Que Dieu soit à jamais loué et adoré par toute la terre.
J’ai
l’honneur d’être, &c.
Sr Marie de St. Augustin,
Tranchepain,
Supérieure.
LA Communauté composée de neuf professes, une novice et deux postulantes, étant arrivée à la Nlle Orléans le 7 Août 1727, fut logée dans une maison que la Compagnie leur loua jusqu’à ce que leur monastère fut bâti et que l’on efpéroit achever en six mois. Ce court espace de temps ne parut pas exiger que l’on fit des dépenses de clôture, d’autant plus que ces Messieurs qui firent commencer le bâtiment avec beaucoup de diligence, ne vouloient rien fournir de plus, et que la Communauté n’ayant aucun moyen pécuniaire ne subsistoit qu’avec peine dans un pays nouvellement établi et où le prix des vivres qui s’y trouvent, étoit à un prix exorbitant. Le zèle pour l’avancement du bâtiment se ralentit et au lieu de six mois, on traina l’ouvrage pendant six ans et plus. Prières, sollicitations redoublées, tout fut inutile auprès de ces Messieurs.
Un temps si long loin d’habituer ces saintes filles au commerce du monde, fut pour elles un sujet de douleur et de larmes et ne servit qu’à leur faire goûter le bonheur d’en être éloignées. Mais Dieu, dont les desseins sont impénétrables permit que plusieurs de celles qui avoient le plus travaillé à cette entreprise mourussent avant l’accomplissement de leur désir.
La Révérende Mère St. Augustin première et digne Supre de cette Communauté après avoir vu mourir trois de ses chères filles, dans cet espèce d’exil, a aussi subi la même peine: et comme un autre Moïse, expira à la vue de la Terre promise. Quelque ardent que fut son désir de voir s’accomplir une œuvre qu’elle avoit commencée avec tant de bonheur et de conduite, elle envisagea la mort avec une fermeté d’âme infiniment édifiante. Son désir de mourir la portoit à fe fâcher en quelque façon contre celles d’entre nous qui témoignèrent quelque espérance de sa guérison. Elle mourut huit mois avant notre translation au nouveau Monastère, qui se fit le 17 Juillet, 1734.
LETTRES
CIRCULAIRES
De quelques Religieuses décédées dans le Monastère des Ursulines de la Nouvelle Orléans, écrites par la Mère St. Augustin.
LE 6 Juillet 1728 est décédée notre très chère Sr Madeleine Mahieu de St. F. Xavier, professe du Hâvre.
Les yeux baignés de larmes et le cœur serré de douleur, j’ai recours à vous, ma Rde Mère, pour solliciter les suffrages de notre ordre en faveur de ma Sr St Xavier, que nous venons de perdre. Je ne saurois vous détailler les vertus qu’elle a pratiquées dans sa jeunesse, n’ayant eu le bonheur de la connoitre que depuis qu’elle s’est joint à nous pour faire notre établissèment. Son humilité la tenoit cachée à elle-même. Sa mère s’opposa fortement à son entrée en Religion de sorte qu’elle fut obligée d’attendre la mort de cette dame. Alors se trouvant libre, elle exécuta son pieux dessein et embrassa la vie religieuse avec les dispositions que l’on peut souhoiter d’une fervente novice. Elle profita si bien des instructions qu’elle reçut dans son noviciat, qu’elle s’attira les regards amoureux de son céleste époux, qui la remplit de son esprit et lui inspira le désir de se consacrer de nouveau à lui pour la mission de la Louisiane, plus de dix années avant que l’on eut pensé à y faire un établissîement de notre ordre, et dans un temps où une telle maison paraissoit impossible.
Elle s’adressa à Sr F. de Xavier pour obtenir cette grâce. Ses vœux et ses désirs redoublèrent à mesure que le temps de l’exécution s’approchoit; elle espéroit contre toute espérance que le Seigneur dans sa miséricorde daigneroit à la fin exaucer ses prières. Telles étoient ses dispositions lorsqu’elle apprit que le Rd Père Baubois, Supérieur Général des missions de ce pays étoit venu en France pour ménager un établissement d’Ursulines à la Nouvelle Orléans, et que pour cela il avoit jeté les yeux sur trois religieuses de Rouen. Elle lui écrivit avec toute l’ardeur qu’une telle vocation peut inspirer et elle obtint une réponse favorable du Rd Père et des 3 religieuses choisies. Mais il ne lui fut pas si facile d’avoir le consentement de sa Communauté et surtout de la digne Supérieure qui la gouvernoit, laquelle connaissant la solide vertu de cette sœur ne pouvoit se résoudre à la perdre; elle de son côté n’avoit pas un petit sacrifice à faire en quittant cette chère Mère qu’elle aimoit parfaitement en Jésus Christ. Mais enfin la grâce la fît triompher de son propre cœur, et agissant surnaturellement elle accomplit les deisseins de Dieu sur elle. La Mère Supérieure fit tout ce qui dépendoit d’elle pour se conserver une sœur dont elle connaissoit tout le prix. Elle écrivit au P. Baubois et aux Religieuses pour les empêcher d’accepter la Sr Xavier prétextant la faiblesse de sa constitution: mais les prières, la ferveur et la persévérance de cette sœur désarmèrent la Supérieure qui se consentit enfin à la volonté de Dieu connue. Il ne manquoit donc plus que de demander l’obédience de Mgr. l’Archevêque de Rouen, mais il la refusa, étant fortement opposé à cette entreprise. Nous fûmes obligées de nous adresser à son Eminence le Cardinal de Fleury, ministre d’Etat. Tandis que nous agissions auprès des puissances, notre chère sœur le faisoit avec bien plus d’efficacité auprès du Tout Puissant par ses prières et par ses larmes. Nous fûmes cependant obligées de partir pour l’Orient et de laisser cette fervente missionnaire dans l’incertitude de pouvoir nous rejoindre. A la fin Notre Seigneur l’ayant assez éprouvée, elle reçut son obédience et partit aussitôt pour venir nous trouver aux Ursulines de Hennebon, accompagnée d’une jeune religieuse d’Elbœuf et d’une postulante. Partout où nous nous arrestâmes cette excellente Sœur édifia tout le monde, mais ce fut principalement chez nos Révérendes Mères Ursulines de la rue St. Jacques à Paris, ou elle fit un long séjour, que l’on connut l’éminence de sa vertu. Elle ne changea point durant son voyage: et cinq mois d’une navigation pénible ne causèrent aucune altération dans son humeur toujours égale. Tant de bonnes qualités me portèrent à la nommer Mère Maitresse de trois novices que nous avions. Son humilité s’opposa à ce choix, mais l’obéissance l’emporta. Je l’avois aussi chargé de notre lingerie, dont elle s’acquittoit avec une ferveur qui m’obligeoit souvent de la retenir pour l’empêcher de faire au dessus de ses forces. Elle m’a sollicité bien des fois pour avoir le soin d’instruire les sauvages et les négresses mais m’étant déjà engagée avec une autre je lui accordai l’instruction des externes. Elle en fit ses délices et rien ne la contenta plus que d’en voir augmenter le nombre et plus ces enfans étoient ignorantes plus elles s’y attachoit. Si je ne craignais passer les bornes usitées dans une lettre circulaire, je m’étendrois sur ses autres vertus, surtout sur sa parfaite obéissance. Un signe suffisoit pour la faire agir et elle n’avoit aucune peine à renoncer à son propre jugement. Son mépris d’elle-même étoit sincère, elle se croyoit indigne de la moindre attention et elle ne pouvoit assez admirer la charité des autres en la supportant. Sa mortification étant sans singularité, mangeant indifféremment de tout. Elle joignait à ses vertus une aimable simplicité, un esprit bien capable de tout entreprendre pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. Elle n’a été que huit jours malades d’une fièvre qui ne paraissoit pas considérable jusqu’à la veille de sa mort, qu’elle perdit le sens. Après une saignée au pied elle tomba dans une affaiblissement dont on ne put la faire revenir. On s’aperçut alors que son mal étoit un absès dans la tête. Pendant son agonie notre Père Supérieur lui donna les saintes huiles, après quoi elle rendit l’esprit. A peine étoit-elle morte, que ce ne fut plus dans cette maison que cris et sanglots, tant de la part des demoiselles pensionnaires, que des orphelines, des externes et de nos esclaves. Elle s’étoit fait aimer généralement de tout le monde. Toute la ville a pris part à notre peine et la regretta infiniment. Quant à moi j’ai le cœur pénétré de la plus vive douleur. Demandez je vous prie à Notre Seigneur, ma Rde Mère, qu’il la fasse bientôt jouir de sa préfence et qu’il nous envoie quelque sujet capable de la remplacer, nous en avons besoin, pour tout l’ouvrage que nous avons à faire.
J’ai
l’honneur, &c.,
Sr Marie Tranchepain de
St.
Augustin,
Supérieure.
II
Le 14 Août, 1721, est décédée notre chère Mère Marguárite Judde de St. Jean l’Evangeliste.
CETTE bonne religieuse étoit de la communauté des Ursulines de Rouen, de laquelle son zèle pour la gloire de Dieu la fit sortir pour venir en cette mission de la Nouvelle Orléans et y commencer un établissement. Je ne puis vous exprimer la perte que nous venons de faire dans cette chère défunte, dont la vertu et le mérite, la faisoient estimer et aimer de tout le monde. Elle avoit une si forte vocation pour travailler au salut des âmes, que dès qu’elle eut connaissance de l’établissement qui se préparoit à la Louisiane elle forma le dessein d’en être, s’esimant heureuse de pouvoir se sacrîfier encore une fois à son céleste époux. Mais le sacrifice d’elle-même ne fut pas le seul qu’elle eut à faire. Sa nombreuse famille, qui résidoit dans la ville et dont elle étoit tendrement aimée s’opposa à son dessein. Mais notre chère Mère, ne se regardant plus que comme une victime consacrée à la plus grande gloire de Dieu, fut fidèle à la voix qui l’appeloit et toutes les instances de ses parents pour l’en détourner, ne servirent qu’à faire éclater de plus en plus sa générosité et son courage. Pendant notre longue et pénible traversée de cinq mois, jamais on ne l’entendit se plaindre de ce qu’elle souffroit. Dès son arrivée à la Nouvelle Orléans, elle se dévoua à l’instruction des esclaves: dont elle s’acquitta avec un zèle vraiment apostolique.
Elle remplit la charge d’Assistante depuis son arrivée jusqu’à sa mort, à l’édification de toutes, possédant les vertus que l’on peut souhaiter d’une bonne et parfaite religieuse. Celle qui m’a paru principalement en elle étoit son zèle pour la régularité. Elle étoit toujours la première à toutes les observances, et longtemps elle se chargea du réveil quoiqu’elle fut déjà âgée. Sa charité envers ses sœurs étoit universelle, pourvoyant à tous leurs besoins jusqu’à se défaire de ce qu’elle avoit pour le leur donner, car la misère étoit grande à l’époque de la fondation, et souvent les choses les plus nécessaires nous manquoient. Son amour pour la pauvreté étoit si grande qu’elle n’a jamais voulu rien garder pour elle-même de la pension et de tous les paiements que lui faisoient ses parents. Dans la charge de dépositaire qu’elle a exercé plus de deux ans, elle ne s’épargna en rien pour le bien de la communauté; elle étoit prévoyante et rangée dans ses comptes, de forte qu’elle a laissé les affaires de la maison en très bon ordre. Il seroit trop long de détailler toutes les vertus de cette bonne Mère, mais je ne puis passer sous silence sa délicatesse de conscience. Elle a déclaré un peu avant sa mort qu’elle n’avoit jamais fait de peine à personne de propos délibéré. Elle n’a pas moins édifié dans sa dernière maladie, ne voulant que ce qu’elle vouloit, le laissant gouverner comme un enfant. Sa maladie dura six semaines et la violence de ses maux de tête lui fit perdre le sens dès le commencement de son mal. Elle fit une confession générale, reçut les sacrements et tomba dans une espèce de léthargie, dont elle revint un peu la veille de sa mort, et nous fit connaître de nouveau les bons sentiments que Dieu lui donnoit, surtout ceux de résignation, de confiance, de désir d’être réunie à lui. Amen, Amen.
Sr de
St. Augustin,
Supérieure.
III
Le 5 7bre 1733, est décédée notre chère sœur Margueruite Talaon de Ste, Thérèse, professe de Ploërmel, en Bretagne.
SI une douleur pouvoit s’exprimer je me soulagerois en vous disant tout ce que mon cœur ressent de la nouvelle plaie qui vient de lui être faite, ainsî qu’à toute notre petite Communauté par la mort notre très aimable sœur Ste. Thérèse. Elle naquit à Ploërmel et fut élevée chez les Ursulines de cette ville. Dès qu’elle eut atteint l’âge requis, elle se consacra à Dieu dans cette maison, où elle avoit remarqué tant de ferveur et de régularité, et qu’elle regardoit comme un asile assuré contre les dangers du monde. Dans son noviciat elle apprit ce qui est la vraie et solide vertu, qui ne consiste pas dans des demonstrations extérieures, mais dans la fidélité à combattre continuellement contre soi-même. Cette sainte et constante pratique fut la source d’une infinité de sacrifices qu’elle fit à Notre Seigneur dont le seul souvenir lui faisoit surmonter toutes les difficultés d’un naturel vif et impérieux.
Elle avoit le cœur bon, droit et sincère, aimant à obliger tout le monde, l’esprit éclairé et fort étendu. Dieu qui la vouloit posséder uniquement lui fit sentir de bonne heure la nécessité de se détacher de tout ce qu’elle avoit de plus cher au monde, je veux dire, son frère unique et une belle sœur dont elle étoit tendrement aimée. Quoique cette amitié lui parut innocente, elle avoit pourtant un saint reproche de la part de Notre Seigneur qui lui fit enfin prendre la résolution de rompre des liens qui l’empêchoient de s’unir étroitement à lui. Tel fut le principe de sa vocation pour les missions, et elle promit à Dieu de s’y consacrer. Notre Seigneur lui fit connaitre qu’il ne se contentoit pas de cette volonté, mais qu’il en vouloit l’effet, et sa providence disposoit tout pour cela. Elle apprit qu’il y avoit aux Ursulines de Hennebon des Religieuses qui alloient s’embarquer pour faire un établissement dans la Louisiane. Alors fidèle à la grâce et surmontant les répugnances de la nature, elle m’écrivit avec ferveur, demandant la grâce de se joindre à nous. Dieu qui lui avoit inspiré ce désir, me donna en même temps une si forte inclination de la préférer à un grand nombre d’autres qui s’offroient, que je ne balançai pas à la demande.
Son dessein ne tarda pas à être découvert, et Mr. son frère en ayant été averti, n’épargna rien pour rompre ses mesures. Larmes, reproches, menaces, tout fut employé pour la retenir. Si elle avoit à combattre au dehors, la guerre du dedans ne lui étoit pas moins pénible. Sa communauté à qui elle étoit infiniment chère, s’opposoit à son désir. La Supérieure elle-même, quoique pleine de zèle, et de vertu ne pouvoit se resoudre à la perdre. La délicatesse de sa complexion paraissoit être un obstacle insurmontable: on eut recours aux médecins qui déclarèrent qu’elle ne pourroit jamais supporter le voyage. Cette déclaration ne servit qu’à redoubler les oppositions, mais son grand courage les lui fit surmonter. Elle vint enfin nous joindre et entreprit sans crainte un voyage au péril d’une vie qu’elle ne vouloit aimer que pour Dieu, et ce fut dans ces sentiments qu’elle se vit sur le point de périr sans témoigner la moindre frayeur. “Que m’importe de mourir ici”, me disoit-elle, “pourvu que je meure en faisant la volontéde Dieu, et il n’en sera que ce qu’il voudra: je m’abandonne à sa Providence.” Cette disposition lui a toujours duré. Elle a passé par presque tous les emplois, même les plus pénibles, et nonobstant sa faible santé, je l’ai toujours trouvée prête à tout. Elle remplit la charge de dépositaire à notre grande satisfaction; elle surmontoit aisément les obstacles, et se tiroit d’embarras sans compromettre sa conscience dans un pays, où il est si difficile de ne pas l’engager. Mais nous n’avons pas joui longtemps de si rares talents. Elle fut attaquée d’une maladie qu’elle cacha quelques mois, et ce ne fut que par un grand dégout qu’elle avoit pour la nourriture qu’on s’aperçut qu’elle étoit malade: ce qui l’obligea à déclarer son mal. On consulta les médecins qui employèrent divers remèdes qui loin de la soulager ne firent qu’augmenter son mal. La longueur de sa maladie avoit achevé de la détacher de tout: elle parloit de sa mort prochaine, comme d’une chose qui ne l’intéressoit pas; elle me pria seulement de ne la pas abandonner dans son extrémité et de ne lui parler que de Dieu. Ce fut le R. Père de Vitré, Jésuite plein de zèle et de ferveur, qui l’exhorta dans ses derniers moments et qui fut le dépositaire de ses édifiantes dispositions. Elle reçut le Saint Viatique et l’Extrême Onction avec une joie et une tranquillité parfaite. Après elle entra dans une douce agonie, qui ne dura qu’un quart d’heure. Elle expira sans que l’on put s’apercevoir de son dernier soupir, agée de 32 ans. Son visage que la maladie avoit beaucoup changé reprit aussitôt son naturel, avec une douceur qu’on ne pouvoit se lasser d’admirer. Son grand attrait étoit l’amour et la confiance envers Notre Seigneur et sa Sainte Mère et une obéissance parfaite. Presque toute la ville a assisté à son enterrement, la plupart fondoient en larmes. Par tout ce que je viens de vous dire, ma Rde Mère, il vous sera facile d’apprendre la grandeur de notre perte, surtout pour une communauté qui ne fait que commencer et qui est en bien petit nombre, puisque nous voilà réduites à huit, et plusieurs sont d’une santé très faible.
SR
de St. Augustin,
Supérieure.
LETTRE CIRCULAIRE
Sur la mort de la Mère Marie Tranchepain de St. Augustin.
LE II 9bre 1733, est décédée notre Rde Mère Marie Tranchepain de St. Augustin, dans la charge de Supérieure après avoir donné des preuves de toutes les vertus que l’on peut souhaiter dans une digne et parfaite Supérieure.
ETTE
vénérable Mère dont nous déplorons la perte possédoit dans un degré eminent
toutes les qualités nécessaires pour bien gouverner et tout ce qu’il falloit
pour se rendre respectable, même aux personnes que la vertu touche le moins.
Son abord étoit gracieux et fes manières insinuantes: son esprit étoit vif et
pénétrant, sa conversation gaie mais toujours assaisonnée
des choses de Dieu: ce qu’elle faisait adroitement procurant ainsi se dédommager
du commerce fréquent qu’elle étoit obligée d’avoir avec les séculiers. Ce
commerce lui eut été insupportable si elle ne se fut aperçu du profit qu’ils en
retiroient pour leur salut. Son plus doux plaisir étoit de se trouver seule
pour s’entretenir avec son Dieu dont elle ne perdoit point la présence, même
au milieu des occupations les plus dissipantes. Sa dévotion envers Notre
Seigneur et sa Ste Mère étoit tendre mais solide. On ne peut rien
voir de plus touchant que ce que nous en avons trouvés dans ses papier après fa
mort.
Elle fut élevée au milieu du grand monde et au sein du protestantisme. Mais Dieu en fit la conquête par un de ces coups de grâce qui tiennent du miracle. Fidèle à cette grâce elle en suivit exactement les mouvements et surmonta généreusement les obstacles qui s’opposoient à sa vocation. Elle se fit enlever à ses parents, qui l’aimoient tendrement et auxquels elle étoit fortement attachée, et se fit conduire aux Ursulines de Rouen, où elle fit son abjuration entre les mains du Grand Vicaire. Ensuite touchée de Dieu et édifiée des vertus de cette sainte communauté, elle se détermina à embrasser l’institut dans cette maison. Elle fit son entrée au noviciat en 1699 avec une ferveur extraordinaire, et eut dès lors un attrait singulier pour les missions. Notre Seigneur lui fit connaitre qu’elle auroit beaucoup à souffrir avant d’y aller et après qu’elle y seroit arrivée; mais cela ne servit qu’à redoubler son ardeur. Elle surmonta généreusement les difficultés, les chagrins et les peines qui accompagnent toujours les commencements d’établissements. Quoique cette bonne Mère eût fait plusieurs tentatives pour remplir les vues que la Providence avoit sur elle, rien ne réussit néanmoins, jusqu’à ce que Dieu lui fit connaître qu’un Jésuite qu’elle ne connaissait pas, et dont elle n’étoit pas connue, qui passoit actuellement en France, étoit celui qu’elle destinoit pour être son guide et son conducteur dans une terre étrangère, où il vouloit se servir d’elle pour commencer un établissement d’Ursulines. Ce Jésuite étoit le Rd Père de Baubois qui fut obligé de faire un voyage en France pour les affaires de la mission, et il désiroit avoir des Ursulines pour établir une communauté à la Nouvelle Orléans dont il vint heureusement à bout en 1726.
Il l’avoit préalablement proposé aux messieurs de la Compagnie des Indes qui se chargèrent de faire la dépense de cette fondation pourvu que la Communauté voulut se charger du soin d’un hôpital. Le Rd Père ayant appris le zèle dont brûloit notre Mère lui écrivit aussitôt et lui fit part des deiseins qu’il avoit sur elle. Je ne vous dirai point ma Révérende Mère, quels furent les transports de joie de cette fervente millionnaire, au moment qu’elle vit ses vœux exaucés et encore moins ce qu’elle eût à souffrir pour exécuter ce qu’elle méditoit depuis tant d’années. Sa vertu, son courage et son adresse à ménager les esprits, tout cet ensemble lui applanit les difficultés. Lorsque tout fut conclu elle partit de notre Communauté, avec nos chères sœurs Judde et Boulanger, pour se rendre à l’Orient où après trois mois de séjour, elle s’embarqua avec onze Religieuses professes, une novice, et deux pustulantes destinées à être converses. La traversée fut longue et pénible, et plusieurs fois elles se trouvèrent en grand danger. Le capitaine traita les Religieuses avec dureté, et refusa même de leur fournir les besoins de la vie. Les refus étoient accompagnés de façons si brutales, qu’ils auroient été insupportables à tout autre qu’à notre Mère. Mais sa patience et celle de ses filles, ne s’échappa jamais un seul instant; tout étoit reçu avec politesse et tranquillité. Enfin elle arriva à la Nouvelle Orléans vers le commencement d’Aoust: et depuis ce jour jusqu’à celui de sa mort, Dieu l’a éprouvé par des croix et des peines qui se sont succédé l’une à l’autre, et qu’elle a porté avec une égalité d’âme qui a fait l’admiration de toutes les personnes qui en ont été témoin. Les contrariétés étoient telles que l’œuvre eût été détruite sans une protection toute particulière de la divine Providence.
Son humilité lui cachoit les grands talents qu’elle avoit reçus de Dieu pour la direction de ses filles, et la portoit à ne jamais rien faire non seulement pour la conduite de son monastère, mais encore pour elle même sans avoir consulté les personnes en qui elle avoit de la confiance. Le jour de Ste. Ursule 1733 elle fut attaquée de violentes douleurs accompagnées de vomissements. Sa ferveur ne céda point; elle officia comme à l’ordinaire et ne se coucha que le soir, et quoiqu’elle eut une forte fièvre toute la nuit elle fut sur pied le lendemain. Mais la maladie devint sérieuse et elle souffrit extrêmement pendant dix huit jours tant à cause de la violence du mal que par ce qu’étant fort grasse les sœurs qui la soignoient avoient grande peine de la retirer du lit. Dès qu’elle eût reçu le saint viatique avec la piété la plus tendre son mal parut diminuer et nous eûmes l’espérance de la guérir. Il fallut néanmoins se garder de lui faire connaître cette espérance, car son désir de voir son Dieu et de le posséder la portoit à s’affliger lorsqu’on lui disoit qu’elle ne mourroit pas sitôt. Le 18e jour de sa maladie, après avoir reçu une seconde fois le Saint Viatique, elle demanda l’Extrême Onction, qui lui fut administrée par le Rd Père de Baubois, auquel le Père Raphaël, Capucin, alors Grand Vicaire de Mgr. l’Evêque de Québec, avoit permis de l’assister, quoiqu’interdit par l’injuste prévention qu’on avoit donnée à ce prélat et cette interdiction n’a pas été une des moindres croix de notre Sainte Mère.
Après avoir reçu ces sacrements avec la plus vive piété elle rendit son belle âme à son Dieu. On peut dire qu’elle n’a point perdu la présence de Dieu pendant tout le cours de sa maladie, ayant toujours eu son esprit à elle jusqu’au dernier moment, et étant toujours occupée du Ciel. Nous sommes persuadées qu’elle aura été bientôt en possession du bonheur éternel.
Brevet en faveur des Religieuses Ursulines de la Louisiane.
UJOURD’HUI
le Roi Louis XV, étant à Fontainebleau, il lui a été représenté de la part
des Sœurs Marie Tranchepain de St. Augustin et Marie Anne Le Boulanger de
Sainte Angélique, Ursulines de Rouen, qu’elles avoient, avec l’assistance de la
Sœur Catherine de Bruserby de St. Amant, première Supérieure des Ursulines de
France, passé un traité avec les directeurs de la Compagnie des Indes, par
lequel les dites Sœurs s’engagent de se transporter à la Louisiane avec quatre
autres religieuses de leur ordre, pour se charger du soin de l’Hôpital de la
Nouvelle Orléans, et pour s’employer en même temps à l’éducation des jeunes
filles, conformément à leur institution. La Compagnie des Indes s’oblige à
pourvoir aux besoins de l’Hôpital et à l’entretien des religieuses, selon le
traité. Elles espèrent par la bénédiction de Dieu, un heureux succès dans leur
entreprise dont les principes pieux et charitables leur promettent la
protection du Roi, suppliant très humblement sa Majesté d’approuver leur
établissement dans la province de la Louisiane. A quoi la Majesté ayant égard,
et voulant favoriser tout ce qui peut contribuer au soulagement des pauvres
malades et à l’éducation de la jeunesse, a approuvé le traité fait entre les
directeurs de la Compagnie des Indes et les Religieuses Ursulines. L’intention
de sa Majesté étant qu’elles jouissent sans trouble de ce que leur a été et
sera accordé par la dite Compagnie, Sa Majesté les a mises et les met encore
sous sa protection et sauvegarde; et pour preuve de sa volonté, Sa Majesté m’a
recommandé d’expédier le présent Brevet, qu’elle a voulu signer de sa main, 18
Septembre, 1726.
(Signé)
Louis.
Achevé
d’ Imprimer d’après la Cronique du
Monastère par J. Munsell, à Albany,
ce 4
Janvier, 1859.
Text prepared by:
Winter 2015-2016
- Madeine Bodden
- Lauren Leflett
- Ashley Williams
Spring 2016
- Chase Borden
- Lauren Leflett
- Peyton Leflett
- Caleb White
- Brianna Worley
Fall 2016
- Nick Davis
- Wilbert Prescott
- Cassandra Rebeor
- Rebecca Waring
Winter 2016-2017
- Shannon Cessna
- Killian Conger
- Vernisha Cotton
- Samantha Edwards
Spring 2017
- David Dowling
- Avery Enete
- John Romig
- Mattie Tridico
Winter 2017-2018
- Ciara Crochet
- Eileene Mast
- Joshua Miller
Fall 2019 group
- Kaylon Hendricks
- Bruce R. Magee
- Alison Kevin Odoudey
- Christan Robicheaux
Source
De Tranchepain, Sister St-Augustin Marie. Relation du Voyage des Premières Ursulines à La Nouvelle Orléans et de Leur Établisement en Cette Ville. Nouvelle York: Isle De Manate, 1859. Internet Archive. Web. 24 Feb. 2016. <https:// archive.org/ details/ relationdu voyage08stau> .